Genèse et création de l’album
p. 21-30
Texte intégral
Le contexte immédiat
1L’on ne dispose que de très peu d’informations concernant le contexte immédiat ayant pu conduire au choix de rompre avec le format habituel et d’engager huit musiciens dans une longue « improvisation collective » – ce qu’elle n’est pas entièrement en réalité – en cette soirée du 21 décembre 1960, dans les Studios A&R à New York. Coleman n’a jamais précisé lui-même, à notre connaissance, quand lui est venue cette idée ni sur quel intervalle de temps il en a préparé la réalisation. On dispose en revanche du témoignage précieux de Charlie Haden, publié sous le titre « The Making of Free Jazz » par Down Beat en 1992. Selon le contrebassiste, Coleman avait commencé à réfléchir, et même à écrire de la musique pour un double quartette dès la fin de l’année précédente :
« Dès notre arrivée à New York en novembre 1959, nous avons commencé à répéter au Five Spot. Ornette avait écrit de la musique pour un double quartette : il voulait utiliser deux batteurs, deux bassistes, deux trompettes et deux saxophones. Il pensait déjà aux musiciens qu’il prendrait, parmi lesquels Don Cherry, [il pensait à Ed] Blackwell et Billy [Higgins], avec qui il jouait déjà, et à Scotty LaFaro, mon plus proche ami dans la vie […]
Si je me souviens bien, je ne crois pas qu’il y ait eu de répétition avant la séance pour Free Jazz, avant que l’on se retrouve dans le studio d’Atlantic Records. Leur vieux studio était vraiment petit ; je me souviens que nous sommes arrivés et avons regardé la musique une fois, puis nous l’avons enregistrée. Nous avons fait deux prises de l’ensemble, et la meilleure a été publiée pour le disque “Free Jazz” en double quartette avec la peinture de Jackson Pollock [en couverture] […]
L’idée d’Ornette derrière cette sorte d’album en double quartette était qu’avec plus d’instruments les choses pouvaient s’ouvrir plus qu’avec juste le quartette, et devenir encore plus libres si la musique était jouée comme il le fallait ; en ce qui concerne la composition, elle donnait un point de départ pour l’improvisation […] De cette façon, chacun pouvait s’ouvrir à la découverte, à l’expérimentation, et à jouer librement. Ornette a dit au cours d’une discussion : Contentez-vous d’écouter et vous prendrez conscience de votre rôle. L’un de vous aura un certain rôle, puis ce rôle sera pris par quelqu’un d’autre et vous aurez un rôle différent. Et la double instrumentation permettra à chacun de se libérer pour faire ce qu’il veut à différents moments1 ».
2Ce témoignage confirme que, parmi les éléments pré-composés (et non uniquement la structure formelle) qui constituent une forme de matériau thématique pour Free Jazz, certains ont fait l’objet d’une écriture préalable, ce que confirmeront quelques points d’analyse ultérieure. Il renforce par ailleurs, jusque dans la préparation et les consignes qu’il évoque, le principe libertaire prôné par Ornette Coleman depuis ses débuts enregistrés (« devenir encore plus libres », « jouer librement », « se libérer pour faire ce [que l’on] veut »). Enfin, il semble exclure toute répétition préalable en dehors des parties écrites (« nous avons regardé la musique une fois »), même si l’on peut s’interroger à cet égard sur le rôle de la First Take.
3Les deux jours précédents, Ornette Coleman a participé sur deux pièces – Abstraction et Variants On A Theme Of Thelonious Monk (Criss-Cross) – à deux séances dirigées par le compositeur et arrangeur Gunther Schuller. Il était ainsi appelé à se joindre aux expériences menées par Schuller et d’autres sous la bannière du Third Stream (Troisième courant), soit une tentative de compromis entre le jazz et la musique savante occidentale. Il est intéressant de remarquer qu’ Eric Dolphy et Scott LaFaro, tous deux présents le lendemain pour l’enregistrement de Free Jazz, sont également sollicités lors de ces deux séances. Comme nous l’apprend Litweiler, Coleman avait pris plusieurs cours auprès de Schuller, corniste au sein d’orchestres symphoniques comme le Metropolitan Opera Orchestra qui avait également participé à plusieurs enregistrements de jazz comme les séances dites « Birth of the Cool » de Miles Davis en 1949 et 19502. Il s’agissait de lui inculquer des principes généraux de lecture et d’écriture de la musique, ce en quoi Schuller a certes reconnu son échec, mais toujours considéré que le génie d’Ornette Coleman se nourrissait, plus qu’il n’en souffrait, de sa relation douloureuse à l’écriture conventionnelle de la musique. Il écrit à ce propos, dans la préface d’un recueil de neuf compositions de Coleman qu’il a publiées en 1961 :
« Nous pensons que c’est précisément parce que Mr. Coleman n’a pas été « handicapé » par l’éducation musicale traditionnelle qu’il a pu offrir une contribution unique à la musique contemporaine3. »
4Comme nous le verrons plus loin, il est probable que certains passages de Free Jazz trouvent leur source ou leur inspiration dans les techniques ou les concepts proposés par Gunther Schuller et mis en pratique lors de ces séances.
Les partenaires
5Coleman s’est entouré pour Free Jazz de ses partenaires anciens ou actuels en quartette – Don Cherry à la pocket trumpet ou trompette de poche, Charlie Haden et Scott LaFaro à la contrebasse, Billy Higgins et Ed Blackwell à la batterie. Nous avons relaté plus haut les circonstances des rencontres et premières collaborations entre Coleman et chacun d’eux. Colocataire de Charlie Haden à New York, LaFaro y était venu pour travailler avec le pianiste Bill Evans. Il avait parfois remplacé Haden vers août 1960, après le second engagement du quartette au Five Spot, tandis que Blackwell y avait relayé un peu plus tôt Higgins – dans les deux cas, en raison de complications ou sanctions provoquées par la consommation d’héroïne des deux musiciens.
6Il faut nous arrêter sur les deux protagonistes dont la participation à l’aventure de Free Jazz était sans doute moins prévisible : Eric Dolphy à la clarinette basse et Freddie Hubbard à la trompette4. Entendu dès cette année 1960 aux côtés de Charles Mingus5, Dolphy n’a encore pas entamé sa collaboration avec John Coltrane. Déjà considéré comme un explorateur de l’univers tonal post-parkérien, mélodiste affirmé jusque dans la dissonance dont il est friand, il reste attaché à un modèle d’improvisation relié aux accords ou aux modes de la composition. Selon Litweiler, « Dolphy était [même] le rival de Coleman au sens où les critiques conservateurs le tenaient pour le modèle de l’exploration respectable dans le jazz, par opposition à la “mauvaise” exploration incarnée par Coleman6. » Signe étonnant de son activité intense à cette période, il était en studio avec son propre groupe quelques heures avant l’enregistrement des deux prises de Free Jazz, pour graver l’album de hard bop « Far Cry » avec le trompettiste Booker Little.
7De dix ans le cadet de Dolphy, Freddie Hubbard était lui aussi associé à l’orthodoxie du hard bop, style incarné par exemple par le Jazztet d’Art Farmer et Benny Golson qui partageait l’affiche avec le quartette de Coleman au Five Spot. Âgé de vingt-deux ans à la fin de 1960, Hubbard avait déjà enregistré entre autres avec Wes Montgomery, John Coltrane (« The Believer »), Dolphy lui-même (« Outward Bound ») mais aussi effectué ses premières séances en tant que leader pour Blue Note avec le pianiste McCoy Tyner : le bien nommé « Open Sesame » était sorti à l’automne 1960 et « Goin’ Up » allait suivre au printemps 1961. Malgré ce pédigrée déjà impressionnant, ce n’est peut-être pas à lui que Coleman aurait pensé en premier pour Free Jazz. Toujours selon Litweiler, c’est vers Bobby Bradford, connu de longue date au Texas puis avec lequel il avait joué vers 1953, qu’il se serait d’abord tourné sans succès7. Cette information ne se retrouve toutefois dans aucune interview disponible de Bradford et semble également ignorée par Charlie Haden :
« Ornette me dit qu’il avait appelé Freddie Hubbard et Eric Dolphy pour compléter le groupe. Je n’étais pas surpris pour Eric, mais plutôt qu’il appelle Hubbard, car Freddie était vraiment un trompettiste bebop. [Ornette] avait parlé à Freddie et l’avait entendu jouer et il pensait qu’il était l’un des seuls autres trompettistes [en dehors de Cherry] assez ouverts pour faire ce qu’Ornette avait en tête8. »
8Marque de considération ou choix strictement musical, Dolphy et Hubbard, les deux invités-surprises, seront aussi les deux premiers à s’élancer en solo dans la polyphonie improvisée de Free Jazz !
Le cadre : dispositif instrumental et technique
9Le groupe qui se prépare à enregistrer Free Jazz se présente bien comme un double quartette, selon l’appellation qui figure sur la pochette, et non comme un octette avec une section rythmique surdimensionnée. S’il n’existe, hélas, aucune photographie permettant de documenter la séance et d’apporter des informations sur le placement et la disposition respective des musiciens, la symétrie qui préside à la captation stéréophonique est clairement indiquée au verso de la pochette originale.
Canal gauche | Canal droit |
Ornette Coleman : saxophone alto | Eric Dolphy : clarinette basse |
Don Cherry : trompette de poche | Freddie Hubbard : trompette |
Scott LaFaro : contrebasse | Charlie Haden : contrebasse |
Billy Higgins : batterie | Ed Blackwell : batterie |
10Comme l’analyse le détaillera, ce dispositif (un quartette sur chaque canal) suggérant une certaine disposition dans l’espace trouve des prolongements contrastés dans l’organisation musicale. Ainsi, les vents se répartissent et s’associent de façon plutôt fluide dans la polyphonie générale, sans qu’un rôle particulier soit assigné à tel ou tel d’entre eux. En revanche, chacune des sections rythmiques (LaFaro/Higgins d’un côté, Haden/Blackwell de l’autre) se distingue par un mode de jeu spécifique qui s’étend à l’ensemble de la performance ou presque. Cette dissociation des sections rythmiques vient renforcer la perception d’un « double quartette », de même que la spatialisation stéréophonique qui à la fois les sépare et les rend complémentaires.
11Deux prises sont réalisées9 sans aucune interruption au cours de la soirée de ce 21 décembre (le livret Atlantic précise entre 20h et 0h30) sous la supervision d’un technicien du son hors-pair. Tom Dowd (1925-2002) est musicien et physicien de formation et intègre les studios d’Atlantic en tant qu’ingénieur du son au début des années 1950. Sur la liste impressionnante d’artistes qui se sont présentés devant ses micros10 figurent Eric Clapton, Cream, Rod Stewart, Aretha Franklin, Otis Redding ou encore Ray Charles (c’est Tom Dowd qui enregistra What’d I Say). Côté jazz, on ne citera ici que John Coltrane (« Giant Steps » en 1960, « My Favorite Things » 1961), le Modern Jazz Quartet ou Charles Mingus (« Pithecanthropus Erectus » 1956, « The Clown » 1957, etc.). La réputation de Tom Dowd s’est construite autour de sa maîtrise de l’enregistrement multipiste,
« contribuant à hisser Atlantic au rang des meilleures ressources nationales à l’aube de l’enregistrement huit pistes en stéréophonie. Musicien averti et maître en physique et en électronique, Dowd considérait le son à la fois sous ses aspects techniques et sous l’angle de la performance11 ».
12Concernant l’avance détenue par Atlantic en matière d’enregistrement stéréophonique multipiste, une autre source nous révèle que
« Atlantic a été l’un des premiers labels indépendants à enregistrer en stéréo. Dowd utilisait un enregistreur stéréo portable qui fonctionnait simultanément avec l’enregistreur mono existant du studio. En 1953, Atlantic a publié les premiers 33 tours enregistrés avec le système dit d’enregistrement binaural, qui utilise deux microphones espacés d’environ la distance entre les oreilles humaines, les canaux gauche et droit étant découpés en deux sillons distincts et parallèles. Ce système nécessitait un bras de lecture spécial équipé de deux aiguilles […], et ce n’est qu’en 1958 que le système de microsillon à stylet unique (dans lequel les deux canaux stéréo étaient découpés de part et d’autre d’un seul sillon) est devenu la norme dans l’industrie12 ».
13Bien qu’il existe quelques sources ou témoignages en ligne éclairant le parcours de Tom Dowd et/ou l’histoire du label Atlantic et de ses studios13, nos recherches n’ont pas permis d’éclairer davantage l’installation technique ni le déroulement musical et humain de la séance qui nous intéresse ici. En l’absence de témoignage plus précis du saxophoniste sur ce point, il apparait toutefois clairement que le dispositif instrumental et technologique – le double quartette, l’enregistrement stéréophonique sur deux canaux séparés – correspond étroitement au projet musical d’Ornette Coleman, à ce stade de son évolution, tout autant qu’il épouse les possibilités les plus récemment offertes par l’évolution technologique14.
14Publiée seulement en 1971 dans l’album « Twins »15 et intégrée depuis à toutes les rééditions en CD sous le nom de First Take, la première prise semble avoir servi tout autant de test préalable pour l’ingénieur du son que de répétition générale pour les musiciens (voir plus haut les propos de Charlie Haden). Nous revenons plus loin sur la façon dont cette version inaugurale nourrit en profondeur la compréhension et l’analyse de Free Jazz.
Titre, pochette, éditions
15Le livret de l’édition CD le précise clairement : aucun montage ni autre intervention technique n’ont eu lieu après l’enregistrement : « These performances […] are heard here exactly as performed in the studio, without any splicing or editing ». Concernant le titre, Free Jazz, aucune source parmi celles consultées ne permet de savoir s’il a été choisi en amont de la performance16, ni de qui est venue cette proposition à l’extraordinaire postérité. Nous avons évoqué plus haut la forte charge symbolique conférée aux premiers albums de Coleman par leur titre et que l’on retrouve souvent à l’échelle des titres de pièces.
16Free a été utilisé auparavant pour nommer une composition du deuxième album Atlantic (« Change of the Century »), déjà gravée dès novembre 1958 par le quintette avec Paul Bley lors de l’engagement au Hillcrest Club de Los Angeles. Le commentaire du saxophoniste à propos de cette pièce, dans les liner notes, suggère une quête de spontanéité collective, ce plusieurs mois avant la mise sur pied du double quartette :
« FREE est bien expliqué par le titre. Notre libre improvisation collective est bien démontrée ici. Chaque membre joue à sa façon tout en contribuant singulièrement à l’effort commun. Il n’y avait aucune convention préalable d’harmonie ni de rythme. Je crois que nous sommes arrivés à quelque chose de spontané, comme en roue libre, ici17. »

17Comme pour les albums précédents, aucun témoignage n’indique qui a pris la décision d’inscrire ce titre en couverture, mais le témoignage de Haden comme les propos de Coleman cités plus haut (ou dans les liner notes originales de Martin Williams) dévoilent sans ambiguïté la volonté affichée par le saxophoniste de parvenir à une émancipation individuelle mais aussi collective à l’égard des cadres et des contraintes prévalant jusqu’alors. Si Free Jazz ne semble pas avoir été donné en titre avant la performance et l’album de Coleman, la liberté est dans l’air tout au long des années 1950. En témoignent Free, composé par Shorty Rogers et enregistré en 1953 par le Teddy Charles Quintet, Free Form par le quintette de Chico Hamilton avec Buddy Collette (1955) ou encore l’album « Free Wheeling » gravé par le Ted Brown Sextet avec Art Pepper et Warne Marsh (1956)18. Comment ne pas signaler, enregistré un mois avant « Free Jazz », l’album « Free Form » gravé en quintette à Londres par le saxophoniste alto jamaïcain Joe Harriott en quintette19 et considéré par Ekkehard Jost comme la véritable porte d’entrée vers le free jazz européen20.
18Une reproduction de White Light, toile abstraite du peintre américain Jackson Pollock (1912-1956) orne l’intérieur de la pochette du LP original, une fenêtre rectangulaire découpée sur le rabat en laissant apercevoir un détail. Achevée en 1954, White Light fait partie des dernières œuvres de l’artiste qui a cessé de peindre l’année suivante avant sa disparition brutale21. Alors que la reproduction intérieure occupe toute la hauteur de la pochette originale, les rééditions successives se sont contentées de « minuscules vignettes (sans le rabat, par conséquent), avant même, dans une dernière version, de reléguer la vignette à l’intérieur de la pochette, et de la remplacer en couverture par une photographie en noir et blanc du visage d’Ornette Coleman22 ». La pochette n’offre donc, au mieux, qu’un aperçu pâle et très réduit de l’œuvre originale (122,4 x 96,9 cm). Dans les notes de pochette de « Change of the Century », Coleman avait lui-même dressé l’analogie : « Il y a une continuité dans l’expression, certains courants de pensée en constante évolution qui relient toutes mes compositions entre elles. Peut-être s'agit-il de quelque chose comme les peintures de Jackson Pollock23. » En l’absence de témoignage plus précis, on peut donc penser que Coleman est à l’origine du choix de cette reproduction. Sans méconnaître la part de stratégie de légitimation (qu’elle provienne de Coleman ou de son producteur) consistant à associer une œuvre de jazz se voulant audacieuse à l’œuvre d’un peintre reconnu et emblématique de la liberté en art24, on peut rester sensible à la force de l’analogie suggérée. Les gestes bruts qui ont donné naissance à la toile (les tubes pressés directement sur la toile), l’entrelacs de couleurs, la superposition de couches à la fois autonomes et indissociables ou encore les effets de marbrure qui zèbrent sa surface trahissent une force et une urgence expressive qui ne saurait mieux se rendre, en musique, que tout au long des 37 minutes de Free Jazz25.
19La première édition de « Free Jazz » par Atlantic date de septembre 1961. Aux États-Unis et ailleurs (Canada, France, Italie, Japon, Pays-Bas, Allemagne, Espagne, Brésil, Argentine), l’œuvre a connu plusieurs dizaines de rééditions26 jusqu’à 2021 en stéréo ou mono, au format cassette, LP 33 tours, et même double 45 tours. Seule les versions CD permettent l’adjonction de la First Take, comme dans le luxueux coffret Beauty is a rare thing (Ornette Coleman, The Complete Atlantic Recordings) qui retrace en sons, en textes et en images le parcours discographique du saxophoniste à partir des séances Atlantic réparties entre mai 1959 et mars 1961.

Notes de bas de page
1Haden, Charlie, “The Making of Free Jazz”, Down Beat n° 59/1, janvier 1992, p. 29-30. « When we arrived in NY in November of ’59, we went into rehearsal at the Five Spot. Ornette had been writing some music for a double quartet: he wanted to use two drummers, two bass players, two trumpets, and two saxophones. He was already thinking about who to use as horn players, including [cornetist/trumpeter] Don Cherry, and [drummer Ed] Blackwell and Billy [Higgins], having played with them before, and [the late bassist] Scotty LaFaro, my closest friend in life […] If I remember correctly, I don’t think we actually had a formal rehearsal for the Free Jazz session until we got to the recording studio at Atlantic Records. Their old studio was real small; I remember we went in and went over the music one time and then recorded it. We did two takes of everything, and the best take was released as the Double Quartet record Free Jazz on Atlantic with the Jackson Pollock painting. […] Ornette’s reasoning behind the Double Quartet doing this kind of album was that with more horns things could open up even more than just with the Quartet, and become even freer if the horns were playing the right music; as far as the composition was concerned, that would give them a take-off point for improvisation. […] As it was, everyone was open to discovery, experimenting, and playing free. There was a discussion where Ornette said, “Just listen, and your roles will come to you. Somebody will have a certain role, and that role will be taken by somebody else and you’ll have e different role. And the double instrumentation can free each player up to do what they want to do at different times ».
2Litweiler, J., Ornette Coleman, A Harmolodic Life, op. cit., p. 93. Avant d’être réunis sous ce titre par le label Capitol en 1957, les morceaux ont d’abord été publiés séparément au format 78 tours.
3Schuller, Gunther, préface de A collection of the compositions of Ornette Coleman, MJQ Music Inc., 1961. « […], we believe it is precisely because Mr. Coleman was not “handicapped” by conventional music education that he has been able to make his unique contribution to contemporary music ».
4Les deux musiciens se retrouveront en 1964 sur le célèbre album « Out to Lunch » de Dolphy.
5Par exemple dans l’album « Charles Mingus Presents Charles Mingus » (Candid), enregistré deux mois avant « Free Jazz ».
6Litweiler, J., Ornette Coleman, A Harmolodic Life, op. cit., p. 95. « Dolphy was Ornette’s rival in the sense that conservative journalists held him to be a model of respectable jazz exploration, as opposed to Ornette’s “wrong” exploration. »
7Le trompettiste aurait même renvoyé à Ornette les billets d’avion et l’argent qu’il lui avait expédiés pour le faire venir depuis Dallas (J. Litweiler, Ornette Coleman, A Harmolodic Life, op. cit., p. 101). C’est pourtant bien Bradford qui remplacera Don Cherry dans le quartette d’Ornette au printemps 1961.
8Haden, C., art. cit., p. 29. « Ornette told me that he had called Freddie Hubbard and Eric Dolphy to do the other horns. It wasn’t a surprise that he would call Eric, but it was a surprise to me that he would call Freddie Hubbard, because Freddie was really a bebop trumpet player. He has spoken to Freddie and heard him play and he thought that he was one of the only other trumpet players that was open-minded enough to do this thing that Ornette wanted to do. »
9Référencées successivement Master #5247-1 et Master #5247.
10Voir par exemple https://www.aes.org/sections/pnw/dowd.htm, consulté le 23 avril 2023.
11Ron Wynn, biographie de Tom Dowd sur le site Allmusic, https://www.allmusic.com/artist/tom-dowd-mn0000930984/biography, consulté le 24 mars 2023. « […] helping Atlantic become one of the nation’s best facilities in the early days of eight-track and stereo recording. Both a knowledgeable musician and physics and electronics master, Dowd understood sound from the technical and performance aspects ».
12https://londonjazzcollector.wordpress.com/record-labels-guide/5-atlantic/, consulté le 23 avril 2023. « Atlantic was one of the first independent labels to make recordings in stereo. Dowd used a portable stereo recorder which ran simultaneously with the studio’s existing mono recorder. In 1953 Atlantic issued the first LPs recorded in the so-called binaural recording system, using two microphones spaced at approximately the distance between the human ears, with the left and right channels cut as two separate, parallel grooves. This required a special tone-arm fitted with dual needles for playback, and it was not until 1958 that the single stylus microgroove system (in which the two stereo channels were cut into either side of a single groove) became the industry standard. »
13Voir notamment Ertegun, Ahmet et al., What’d I Say: the Atlantic Story: 50 Years of Music, N.Y., Welcome Rain, 2001; Simons, David, Studio Stories: how the great New York records were made: from Miles to Madonna, Sinatra to the Ramones, San Francisco, Backbeat Books, 2004. Merci à Franck Bergerot.
14Cette conjonction entre les intentions créatrices des musiciens et l’extension des possibilités offertes par les supports et les techniques d’enregistrement parcourt l’histoire du jazz offre maints exemples bien antérieurs à « Free Jazz ». C’est ainsi que les expériences pionnières menées par la firme Victor pour graver à la vitesse de 33 tours/minute, et ainsi de parvenir à une durée avoisinant les 4 minutes par face, ont permis à Duke Ellington d’étendre le format de ses premières suites orchestrales, comme le montre la seconde version de sa Creole Rhapsody (1931). Voir à ce sujet Cotro, Vincent, « Duke Ellington vers la grande forme : Creole Rhapsody (1931) », Les Cahiers du Jazz, Nouvelle série, n° 1, Éditions Alive, 2001, p. 87-102 et « Jazz : les enjeux du support enregistré », Cahiers de Médiologie / IRCAM n° 18, 2004, p. 91-99.
15Atlantic SD 1588.
16Selon Yves Beauvais, dans les liner notes de l’intégrale Atlantic Beauty Is A Rare Thing, les archives du label indiquent que la majorité des pièces ne comportaient pas de titre au moment de l’enregistrement. Il est toutefois permis de penser qu’Ornette avait en tête Free Jazz dans sa conception de la performance à venir.
17O. Coleman, liner notes de l’ album « Change of the Century » (Atlantic). « FREE is well explained by the title. Our free group improvising is well demonstrated here. Each member goes his own way and still adds tellingly to the group endeavor. There was no predetermined chordal or time pattern. I think we got a spontaneous, free-wheeling thing going here. »
18Respectivement « Collaboration » (Prestige LP7078), « Chico Hamilton Quintet » (Pacific Jazz PJ1209), « Free Wheeling » (Vanguard VRS815). Merci à Franck Bergerot.
19« Free Form » (Jazzland JLP49).
20Jost, E., 1. Die vergessene Botschaft des Joe Harriotts, dans Europas Jazz 1960-80, Francfort, Fischer Verlag, 1987, p. 21-39.
21Voir la toile et sa présentation sur le site du MoMA, https://www.moma.org/collection/works/79481 (consulté le 29 juin 2023).
22Sauvanet, Pierre, « Jackson Pollock et Ornette Coleman : vraie ou fausse rencontre ? », Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société, 26/09/2013, https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=583, consulté le 29 août 2023.
23O. Coleman, liner notes de « Change Of The Century », Atlantic 1327. « There is a continuity of expression, certain continually evolving strands of thought that link all my compositions together. Maybe it’s something like the paintings of Jackson Pollock. »
24Voir Sauvanet, P., « Jackson Pollock et Ornette Coleman : vraie ou fausse rencontre ? », art. cit., § 18.
25White Light a peut-être également influencé Ornette Coleman lui-même, dont une œuvre orne la pochette de la compilation « The Art of Improvisers », publiée par Atlantic en 1970. Merci à Ludovic Florin pour cette suggestion.
26Le site Discogs recense plus de cent versions, tous supports confondus, incluant versions promo et test pressings.

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