1La pochette de l’édition vinyle originale de Tauhid est, à l’instar des productions Impulse ! de l’époque, très soignée. C’est une pochette ouvrante, « gatefold ». Le recto présente un portrait du visage de Pharoah Sanders, les mains croisées sur son saxophone. Le verso présente une autre photo couleur de Pharoah avec son saxophone, ainsi que, sur la droite, un grand bandeau orange, qui reprend le code couleur mis en place par le label sur les tranches de pochettes et les ronds centraux de disque. Ces photos, ainsi que les photos en noir et blanc à l’intérieur de la pochette, sont signées de la main de Charles Stewart. Le design global est dû, comme pour la plupart des disques Impulse !, à Joe Lebow. Et enfin, le pan droit de l’intérieur de la pochette est consacré à un court essai instructif sur Pharoah Sanders et sur l’album, basé en grande partie sur un entretien avec le musicien, par l’habituel Nat Hentoff (on doit à ce dernier, rien que pour l’année 1967, l’écriture d’à peu près quarante notices de disques de jazz...).

2Toutes les mentions présentes, « Produced by Bob Thiele », « Engineer : Rudy Van Gelder », « Cover & Liner Photos : Charles Stewart », « Liner Design : Joe Lebow », ainsi que la signature de Nat Hentoff, signalent un pur produit Impulse !. Le disque correspond bien aux standards du label, par une pochette soignée, à l’esthétique réfléchie.

3Plusieurs paradoxes tout de même sont soulevés par cette pochette. Tout d’abord, seuls le nom et le visage de Pharoah Sanders y figurent. Le groupe est mentionné dans le texte de Hentoff mais n’apparaît sur aucune photo. Ceci est d’autant plus curieux que, finalement, Tauhid sonne beaucoup plus comme un effort collectif qu’un album solo d’un seul instrumentiste. Cela laisse aussi entendre que, peut-être, au moment de la séance photo, le groupe en tant que tel n’existe plus vraiment : le disque est sorti en octobre 1967, soit quasiment un an après son enregistrement.

4Le deuxième paradoxe apparaît dans le contraste entre la photographie soignée, la présence d’une pochette ouvrante, de notes fouillées d’un côté et l’approximation des titres et des durées de l’autre, surtout en ce qui concerne « Upper Egypt & Lower Egypt ». Ceci, associé au mixage parfois un peu brouillon et aux erreurs mentionnées, donne un curieux sentiment de disque un peu bâclé, un peu en dessous des critères habituels du label Impulse !. Peut-être faut-il y voir en fait le signe que Pharoah Sanders, sur cet album, sort par moments des territoires jazz. La forme-suite, le développement de mouvements, l’intégration d’instruments différents, tous ces éléments concourent à faire de ce disque un pas de côté – peut-être aurait-il fallu alors plusieurs journées d’enregistrement ? La possibilité de réaliser plusieurs prises ? Mais le disque n’y aurait-il pas perdu, en contrepartie, de son urgence et de son énergie vitale ?