Chapitre 3. L’exercice de la fonction
p. 119-158
Texte intégral
Le quotidien des secrétaires régionaux
1Si le secrétaire régional est le responsable de la bonne marche du parti dans un territoire donné, il nous a semblé nécessaire de nous pencher sur ce que cette fonction signifiait dans le militantisme quotidien. Comment, au jour le jour, s’exerce la fonction de dirigeant régional communiste ? Quel type d’engagement est dialectiquement construit par l’interaction d’un choix politique et d’un activisme militant d’une grande intensité ?
Une course contre le temps
« Parti » était un monde qui rythmait le temps de vie1.
2La vie des secrétaires régionaux est rythmée par un intense travail militant. Il s’agit d’abord de la tenue de multiples réunions locales : réunions du secrétariat, du bureau régional, du comité régional, mais aussi réunions de rayons/sections et de cellules. Sans oublier les moments ponctuels mais particulièrement denses de l’action militante : les campagnes électorales ou la venue d’un orateur national du parti dans la région, l’organisation de fêtes, etc. Il nous semble important de citer ici en introduction un extrait d’un rapport du secrétaire de la région picarde du parti communiste (regroupant la Somme et l’Oise2). Si ce document est à prendre avec le recul critique nécessaire, d’autant plus que l’on sait qu’il s’agit d’un plaidoyer pour la création d’un poste de permanent3, il synthétise cependant bon nombre d’observations réalisées à partir de la lecture des archives internes et des témoignages des militants. Il est, à ce titre, exemplaire.
Partis [les membres de la direction régionale] presque tous les jours, ou écrivant 4 ou 5 heures par jour pour répondre aux lettres, donnant des directives, en un mot un travail inlassable n’accordant même pas 4 dimanches par AN4. […]
Être dirigeant régional, tâche ingrate entre toute, lutter contre ceux qui par incompréhension ou esprit anarchique nuisent à notre développement, c’est l’agitation, l’organisation, les déplacements sans repos, c’est la machine à écrire, le duplicateur jusqu’à 10 heures du soir.
C’est ne tenir aucun compte de l’esprit de famille, c’est taire bien souvent son mécontentement pour ne rien briser, car bien souvent quand le travail n’a pas été compris et que les résultats sont mauvais, il ne faut pas heurter ceux qui doivent être utilisés.
C’est aussi entendre bien des critiques injustes et ménager sa réponse, pour ne pas démolir le travail réalisé.
Malgré cela, nous sommes décidés à continuer notre action, nos efforts parce que avant tout notre Parti.
3Amand Brault livre ici ses impressions sur sa propre activité de dirigeant régional. Il évoque les déplacements continuels dans la région, mais aussi le travail de rédaction et d’impression de matériel (la « machine à écrire » et la « ronéo » sont des objets indispensables). Il pointe le manque de temps nécessaire à la réalisation des tâches, qui ne permet guère de s’accorder des pauses, ou même une vie de famille. Mais il évoque également les qualités nécessaires à un dirigeant régional : la répartition des tâches, le calme à conserver et la patience nécessaire au maintien d’une bonne entente entre camarades, quitte à « prendre sur soi » et à ne pas se laisser atteindre par « les critiques injustes ». Mais ces difficultés sont minorées par l’objectif : « avant tout notre Parti », le « Parti » écrit avec une majuscule, cette « valeur suprême du militant5 ». Autant d’éléments qui constituent le cœur de l’activité et de l’univers mental des secrétaires régionaux et que nous développons ici.
4En région picarde, l’envoyé du centre avait déjà relevé, un an auparavant, que :
dans la grosse majorité des cas, c’est le secrétaire régional qui doit assurer toute l’agitation par réunions publiques, même toutes les assemblées de rayons ; voire même certaines visites de cellules qui exigent une intervention rapide. Il est fréquent pour le secrétaire régional d’assurer dans des rayons éloignés, des assemblées de sympathisants sur la demande expresse des rayons ou cellules, qui, sans cela, prétendent ne pouvoir les organiser6.
5La nécessité de ne pas rester fixé dans la localité qui abrite le siège de la région est régulièrement répétée par les envoyés du centre. Ce qui d’ailleurs nous révèle que cette partie de l’activité n’est pas toujours assurée comme il se devrait7. Marcel Gitton le rappelle lors de la conférence des secrétaires régionaux d’octobre 1937 : prenant l’exemple de la région Gard-Lozère, il réaffirme le besoin pour les dirigeants d’aller visiter les régions éloignées des centres afin de ne pas créer de zones isolées de la vie du parti. Le secrétaire à l’organisation tourne en dérision les camarades dont l’« internationalisme ne déborde pas les frontières du Gard ». Interrompu par un cadre lui signalant qu’il faut trois heures pour aller dans la Lozère, Gitton répond : « Je vous rappelle qu’il y a eu dans le Parti des régions beaucoup plus étendues et qu’il fallait plus de trois heures pour atteindre certaines localités. On y est allé tout de même et quand on a dans le Gard la force que le parti possède, on doit aller dans la Lozère8. »
6Les conférences régionales font partie des rendez-vous importants de la vie militante locale. Elles établissent le bilan de l’action passée et fixent les perspectives. Un exemple du travail nécessaire à déployer afin de préparer une telle conférence nous est donné par Louis Molinier dans ses mémoires. En décembre 1936 :
J’assurais d’abord plusieurs réunions publiques et j’assistais à de nombreuses Conférences de Sections (appellation remplaçant désormais Rayons [mise en place en réalité l’année suivante]) ; je participais aussi à deux très belles rencontres des jeunes […]. Comme en 1935, j’écrivis plusieurs articles dans notre journal sur la préparation et les objectifs de la conférence régionale […]. Pour aider tous nos camarades à bien préparer la conférence régionale et pour la populariser davantage, en plus du rapport écrit adressé à toutes les cellules et diffusé largement, je répondis à une longue interview de Jules Monleau, désormais directeur du Cri du Gard, qui fut publiée dans le numéro spécial de 8 pages9.
7« On oublie trop que la vie quotidienne est faite d’une multitude de détails10 » avait tenu à rappeler Marcel Gitton dans son rapport au congrès d’Arles, énumérant à titre d’exemple les mille et un aspects pratiques à régler pour la préparation d’un Congrès.
8Nous souhaitons donner un exemple du type de journées qu’enchaînent les secrétaires régionaux. Louise Kantzer est une amie proche de Marguerite Buffard, qu’elle a rencontrée à l’ENS de Sèvres. Au cours de l’hiver 1938, elle lui rend visite, alors que celle-ci dirige la région communiste du Calvados. Voici le témoignage11 qu’elle donne de son séjour :
Dès le premier soir, il y a une réunion à Ouistreham. Après l’expédition rapide du courrier, nous tirons une vieille auto du fond d’une cour et nous partons dans la nuit. Marguerite conduit, je maintiens serrés les fils électriques pour garder les phares allumés. Nous traversons un paysage hallucinant d’usines et de hauts-fourneaux ; des gerbes de feu soudaines s’élèvent dans le ciel bitumeux. L’auto bientôt nous laisse en route. […] Nous hélons un camion qui nous emmène. Dans une salle basse attendent une quarantaine de personnes, pour la plupart, des pêcheurs. Et Marguerite se révèle à moi sous son aspect de militante. J’admire de quelle façon concrète, avec une éloquence sobre mais prenante, elle sait parler à son public. Il n’est pas question de rentrer à Caen à minuit sans voiture. Deux des assistants nous emmènent chez eux, nous font manger car nous n’avons pas encore dîné, et nous couchent. Je ne couche pas une seule fois chez Marguerite, ce serait difficile car elle loge déjà dans ses deux pièces deux femmes espagnoles réfugiées et leurs enfants. Le lendemain, c’est un dimanche, réunion des principaux responsables de la région. Là encore, je vois quel ascendant Marguerite a su prendre sur tous ces militants jeunes et vieux, de quelle sympathie discrète et dévouée ils l’entourent. Il faut imprimer un journal, il faut le diffuser : Marguerite s’acharne contre les difficultés, s’obstine dans un optimisme qui finit par vaincre. L’après-midi, nous sommes au cœur des hauts-fourneaux : apparition dans un bal au profit des Espagnols, allocution ; le soir, nouvelle réunion.
9Les déplacements se font avec les moyens du bord. Dans les premières années, la bicyclette tient une place importante. C’est le temps de son développement, notamment dans les campagnes, au sortir de la Grande Guerre. Le dirigeant du parti parcourant les campagnes à vélo est presque devenu un cliché. Accolé au mandat de dirigeant local, ce mode de transport tient parfois une place importante dans les mémoires. Virgile Barel décrit ainsi par le menu les aménagements qu’il effectua sur sa « bicyclette verte » : « je roulais même sous la pluie, abrité sous une pèlerine qui, tenue aux poignées du guidon, faisait toit, mes jambes étant protégées par deux jambières de ma confection, en toile cirée, fixées à mon pantalon par des épingles à nourrice12 ». Un militant niçois, Alphonse Pinna, rédige même un poème en nettoyant la bicyclette du dirigeant, ce « coursier métallique » aidant à porter la parole du dirigeant communiste que « des ouvriers attendent13 ». Ces voyages à bicyclette marquent l’esprit des militants14. Henri Chaze, secrétaire régional Drôme-Ardèche se souvient avoir acheté une moto en 1937 qui lui « servait beaucoup pour tous [ses] déplacements15 » à travers les deux départements. L’explosion des effectifs et le développement des moyens financiers du parti permettent cependant une évolution notable à l’époque du Front populaire. Si, au niveau des régions, les automobiles commencent en effet à remplacer les vélos16 pour les tournées du secrétaire dans les sections et cellules, il ne faudrait cependant ni systématiser ni amalgamer la période avec celle de la Libération, où le PCF dispose de moyens autrement considérables. Étienne Fajon estime à trois le nombre d’automobiles à disposition du comité central17. Gitton annonce au congrès d’Arles que quatre voitures et bientôt cinq ont vocation à promouvoir les films de propagande du parti à travers la France18. Le passage à l’automobile se fait ici aussi par de multiples biais, et ne peut se réduire à l’achat d’un véhicule par la région, situation fort rare. Dans le Calvados, l’achat d’une voiture – dont on a pu mesurer la fiabilité plus haut –, qui accompagne la location d’une permanence et le lancement d’un nouveau journal19, n’est permis que par le parrainage financier de la région Paris-Ouest20. Louis Collette, ex-secrétaire régional du Calvados, peut ainsi poser fièrement devant cette voiture21.
Louis Collette (à gauche) devant la voiture de la région du Calvados.

10L’automobile fait la fierté de la région : elle est, tout comme les locaux, la démonstration que le parti a désormais « pignon sur rue », croît et se développe. Les cas les plus fréquents semblent être plutôt la mise à disposition de son auto, par un militant, pour couvrir les besoins de déplacements des dirigeants locaux. C’est le cas en Corrèze, où, dès la fin des années vingt, des militants « parmi les plus fortunés », tels Joseph Biaugeaud, possèdent une voiture et, à l’occasion, la prêtent à leurs camarades22. Virgile Barel narre dans ses mémoires le passage du vélo à celui d’un « pauvre side-car » puis à la voiture de « camarades dévoués » et enfin la voiture personnelle, fruit de la vente « d’une petite maison », héritée de ses parents23. Les mairies peuvent également prêter des véhicules aux militants, comme celle de Périgueux qui permet aux communistes de Dordogne d’assurer des réunions jusque dans les plus petits villages, dès les années 192024. Alain Signor, dirigeant de la région bretonne, dans un courrier au secrétariat du Parti, après s’être plaint de ne pas être remboursé des frais avancés par le trésorier régional, développe longuement sur son automobile :
Cette voiture a actuellement 35 000 km. Elle en avait 6 000 quand je l’avais achetée. Elle a pour ainsi dire uniquement roulé au service du Parti, car je n’ai jamais hésité à répondre à l’appel des cellules qui avaient besoin de moi. C’est de bon cœur que j’ai fait l’avance de capital nécessaire parce que je savais qu’il n’y avait pas dans cette région d’autre moyen de transport sérieux pour un dirigeant régional. J’avais alors un peu d’argent. Je n’en ai plus ; j’en trouverais certainement encore assez pour ne pas mériter l’épithète de malhonnête ; mais il est de mon devoir de vous dire : Si le 27 décembre cette question n’est pas tranchée avec une netteté suffisante avec le représentant du centre et le B[ureau] R[égional], je ne pourrai conserver mes fonctions. Déjà avec l’auto j’ai du mal à remplir ma tâche. Sans auto, et dans l’intérêt du Parti, il vaudra mieux chercher un autre camarade. J’ajoute que si dans l’esprit d’un camarade s’élevait le moindre doute sur le caractère de la présente démarche, je ne me sentirais plus non plus l’autorité nécessaire pour garder mes fonctions. Ainsi, camarades, je vous supplie d’examiner très attentivement ceci et de donner au représentant du CC des instructions formelles25.
11Certes, l’automobile est ici un prétexte, ou plutôt une entrée en matière pour évoquer, plus ou moins implicitement, des problèmes plus profonds. Par deux fois, Signor menace de quitter ses fonctions de secrétaire régional. Ce n’est pas la première fois qu’il écrit au secrétariat du PC pour évoquer ses difficultés. Il avait déjà essuyé un refus en réclamant la création d’un poste de permanent. Il conserve pourtant l’estime des cercles dirigeants du PCF, il « n’a donné lieu […] à aucune histoire » écrit de lui Maurice Tréand en 193826 ; et les rapports des délégués du centre sont élogieux. On ne sait si les frais de Signor furent remboursés, ni si les tensions furent complètement apaisées avec ses camarades. Mais la venue du délégué du comité central semble avoir été bien reçue : « Ce soir nous avons longuement discuté, Signor et moi et il semble redevenir plus optimiste. Il a très bien accueilli ma venue la comprenant comme une aide qui lui est apportée par le Centre27. »
12L’activité du secrétaire régional est aussi liée à un travail d’écriture : rédaction de tracts, de directives adressées aux échelons inférieurs de l’organisation (bureau et comités régionaux, rayons/sections, cellules), de lettres, et bien entendu de rapports et d’une correspondance diverse avec le centre. Souvent, sans que cela soit systématique, le secrétaire dirige aussi le journal local. Si nous ne pouvons pas chiffrer précisément la proportion, c’est le cas par exemple en région bretonne avec Alain Signor, ou dans le Tarn quand Lucien Aussenac prend la tête de la région. Il s’agit le plus souvent de régions « faibles », où le cumul des tâches est révélateur des difficultés à faire émerger des cadres. Sans que les secrétaires régionaux soient d’ailleurs forcément responsables du journal local, il faut intégrer dans leur emploi du temps le travail nécessaire aux contributions écrites à ce même journal, aussi bien sur des sujets locaux que sur l’actualité internationale. De façon plus marginale, un certain nombre de secrétaires régionaux collaborent également à la presse nationale du parti : l’Humanité bien sûr, mais également les Cahiers du bolchevisme. Ce sont ainsi vingt-six membres de notre corpus (soit 13,9 %) qui ont leurs signatures dans l’organe théorique du parti28. Si l’on se penche sur le contenu des articles rédigés, on s’aperçoit qu’une forte proportion, environ 42 %29, concerne les questions d’organisation, de formation et de vie interne du parti. C’est-à-dire que les connaissances et les capacités « de terrain » de ces militants sont suffisantes pour que leur direction les sollicite afin d’écrire sur ces thèmes, leur conférant d’autant plus de légitimité dans leurs (futures) responsabilités de secrétaires régionaux.
13Quand il rédige un article, un tract, s’active à la « ronéo » ou convoque une réunion, où donc se situe l’activité du secrétaire régional ? La réponse est plurielle. « Il est chez lui, dans cette “permanence”, où l’on devine qu’il passe, en effet, ses journées, et sa vie30. » Là où le parti en a les moyens, le local joue en effet un rôle de première importance. Il est à la fois vitrine du parti, il marque l’espace et le territoire de son implantation, et lieu de vie, de travail et de réunion. Dans l’intervention de Martha Desrumeaux au congrès de la région Nord, tenu à Lille en octobre 1936, on peut lire :
Nous sommes un grand Parti et nous devons nous comporter en conséquence, en toutes occasions. C’est pourquoi la région lance le mot d’ordre suivant : dans chaque rayon, il nous faut une maison du Parti. Il ne faut plus avoir des locaux qui apparaissent comme des taudis. Les sièges de nos régions, de notre organisation doivent revêtir un aspect agréable, être bien tenus, l’air et la lumière doivent y pénétrer à flots ; il faut qu’il y ait des jeux de cartes, des billards, des coins de lecture, où les camarades peuvent non seulement travailler, s’instruire, mais aussi se divertir sainement. Sachons, même dans les plus petits détails de notre activité quotidienne, nous monter dignes de la confiance que les masses mettent de plus en plus en nous31.
14Son propos est illustré par une photographie du siège de la région à Lille :
« Siège de la Région du Nord, 258 rue de Paris, à Lille ». Compte rendu de la conférence régionale des 17 et 18 octobre 1936 à Lille, Parti communiste, 1936, p. 24.

15Le siège, le local, la « maison » du parti n’a pas seulement une utilité pratique, mais aussi symbolique. Il donne une image de l’organisation, il doit projeter la vision qu’elle veut donner d’elle-même aux yeux du public, d’autant plus en ces années de Front populaire où le parti a pignon sur rue et cherche à intégrer la République. Il faut faire en sorte que « le parti ait un visage qui corresponde vraiment avec sa force et son influence » et pour que son travail s’organise « dans les meilleures conditions d’hygiènes et de confort32 ». Jean Guilleminault, envoyé comme instructeur pour la région Dordogne, se désole que le siège du parti soit « une ancienne boutique peinte en rouge avec une pièce derrière. Nous y avons deux tables données, deux chaises volées et un poêle acheté par mes soins33 ». Philomen Mioch se souvient du siège de la région Aude-Hérault lorsqu’il en prend la tête en 1935 : « un [sic] espèce de cagibi sans fenêtre34 », accolé à la grande salle de réunion du « cercle social » de l’étroite rue des Balances, dans le centre de Béziers. « Cette grande salle n’était pas très aérée et lorsque des réunions s’y déroulaient, toute la fumée s’engouffrait dans le cagibit [sic] où je travaillais. C’était tout à fait malsain35. » Le chevauchement entre activité syndicale et politique peut également poser des difficultés. En 1935, Henri Delannoy se plaint que le PC ne dispose pas de ses propres locaux : « le PC à Orléans a une permanence […] lorsque j’étais retenu à la Gare, par mon service, le BR se réunissait quand même et discutait des questions à l’ordre du jour36 ». Or :
ici, à Rennes pas de permanence du PC, le BR qui est obligé de se réunir à la permanence des syndicats unitaires faites [lire faute] de local à sa disposition, ne se réunit pas en mon absence. Lorsque des réunions sont convoqués, il arrive qu’un membre du BR secrétaire du secteur des cheminots va prendre connaissance de la correspondance du secteur, quelque fois y répon [sic] et n’assiste que partiellement à la réunion. Laporte, secrétaire de l’Union régionale des syndicats unitaires, membre de notre BR se trouve également souvent dérangé du fait que notre réunion se tient à la permanence, c’est un va-etvient continuel de camarades venant demander des renseignements des timbres ou tout autre cause, et nous ne pouvons avoir de ce fait de travail sérieux et suivi.
16Cependant, investissant les Maison du Peuple ou les Bourses du Travail lors d’assemblées d’information ou à l’occasion des conférences régionales, les secrétaires régionaux ancrent leur activité dans l’histoire du mouvement ouvrier et ses « lieux de mémoire37 ». Mais le choix d’établir le siège de la région (avec ou sans local) dans telle localité plutôt que dans telle autre n’est pas toujours chose aisée. Alors que le siège de la région corse du PCF avait été fixé à Bastia38, le délégué du centre, ayant constaté l’animosité qui règne entre militants bastiais et ajacciens, s’interroge sur la possibilité de créer deux régions séparées39. Au-delà de ces frictions locales, c’est la question de la mobilité des secrétaires régionaux qui entre ici en jeu. Il arrive en effet que « le siège de la Région se déplace mécaniquement avec les changements de métier et de résidence du camarade responsable40 » comme le déplore un rapport d’organisation de la région Drôme-Ardèche. À l’été 1936, il est ainsi demandé expressément à Pierre Terrat, secrétaire des Pyrénées-Orientales, vivant et travaillant à Millas, de déménager à Perpignan où il est « absolument indispensable41 » que le siège ait sa région. Fernand Soupé, envoyé dans le Doubs, réitère les demandes du centre de maintenir le siège de la région à Besançon, « centre politique du département », plutôt que de le déplacer à Montbéliard. Ses recommandations ne sont pas acceptées par les militants locaux, secrétaire régional en tête, qui estiment que le travail de direction ne peut fonctionner efficacement à Besançon42. Les configurations locales sont trop fortes, les équilibres du terrain sont parfois trop fragiles et les habitudes trop ancrées pour être bouleversés par les consignes de la direction nationale. Il arrive donc que le secrétaire régional décide face au centre et contre son avis.
17Bien entendu ce rythme intense de militantisme est mis en difficulté par la vie professionnelle des secrétaires régionaux. Avant qu’il ne parte en pré-retraite, les disponibilités de Virgile Barel n’allaient pas de soi. Dans un rapport adressé aux membres du comité régional de la région sud-est, il est précisé que :
B[arel] dispose d’ailleurs de trop peu de temps puisque sa journée de militant commence à 6 heures du soir. Ses soirées sont souvent prises jusqu’à 8 heures par les visites – très utiles – de nombreux camarades. Ainsi chaque fois qu’il a une réunion après souper il n’a pas un instant pour l’administration de la région43.
18Dans la région Loire-Inférieure-Vendée, le secrétaire, Robert Cadiou « travaille régulièrement dans une usine et n’a de libre que ses soirées et les dimanches. Il lui est d’autre part difficile de se déplacer44 ». André Moine travaille comme métallurgiste. Mais au début des années 1930, son métier d’ajusteur lui est désormais interdit, car il est repéré par le patronat local comme agitateur et meneur de grèves. Il enchaîne alors les « petits boulots » et les périodes de chômage. Travaillant vers 1933 sur un chantier, son chef d’équipe est communiste et le conducteur de travaux socialiste. Évoquant ce dernier, Moine écrit : « Parfois il venait sur le chantier et me demandait : – Tu n’as pas du travail à ton Parti ? Bon, demain tu iras le faire et bien sûr ta journée sera pointée. Comment oublier de tels actes45 ? » Cette configuration exceptionnelle permet donc à Moine de s’affranchir ponctuellement des contraintes professionnelles pour accomplir ses tâches militantes. Voici comment il se remémore les événements de février 1934 :
Je me revois encore au matin du lendemain du 6 février, après avoir jeté un coup d’œil aux nouvelles apportées par l’Humanité, ruminant la situation et cherchant ce qu’il fallait faire. À la pause casse-croûte, vers 8 h 30, j’employais mon temps à rédiger un projet de tract dans des conditions impossibles. Assis sur le talus, les genoux comme pupitre et le journal comme point d’appui, un crayon que les doigts engourdis par le froid refusaient de manier. Après la pause, tout en piochant, en resquille, je lisais le projet à mon compagnon pelleteur, un militant communiste, Gourdon, et, à midi, je pouvais le déposer au siège du Parti, cette petite bicoque de 3 ou 4 m2 où la « secrétaire dactylo », Marcelle Maurin, le taperait et le tirerait pour la soirée46.
19À quelques rares occasions, il arrive même que le secrétaire ne puisse assister à tout ou partie de la conférence régionale de sa propre région. Ainsi, Jean Bouscand, cheminot et dirigeant de la Côte-d’Or, travaille le matin de la conférence qui précède le congrès de Villeurbanne47. Car certaines difficultés sont liées à la nature de la profession elle-même. Les cheminots connaissent d’évidentes difficultés à exercer leur fonction de secrétaire régional dans des conditions optimales : horaires décalés auxquels peuvent s’ajouter de fréquents déplacements n’aidant pas à assister par exemple aux fréquentes et multiples réunions. Un rapport sur la région des Savoies souligne ainsi que « Martin a fait des progrès mais le fait qu’il est cheminot et roulant par-dessus le marché crée des difficultés48. » Quelques mois plus tard, Ambroise Croizat formule les mêmes remarques, mais en les développant. Selon lui, le secrétaire régional
a d’énormes difficultés pour faire face au travail de la région par suite qu’il est employé aux Chemins de fer et en service roulant. C’est d’ailleurs assez significatif qu’en dehors de cette industrie on ne soit pas encore parvenu à trouver d’autres militants qui puissent avoir les possibilités de mieux se consacrer au travail de la région49.
20C’est aussi la rançon du mode de sélection, qui ne veut que des ouvriers et qui ne peut recruter que des cheminots : force en certaines zones, ce volontarisme sociologique se heurte à des faiblesses dans d’autres. En effet, le métier de cheminot n’est ici pas seulement en cause parce qu’il perturbe, par son rythme, l’exercice des responsabilités régionales de Martin – situation qui perdure jusqu’à l’entrée en guerre –, mais aussi parce qu’il ne serait pas suffisamment à l’image de la composition ouvrière d’un département marqué par la métallurgie. C’est également le propos du délégué Roucaute, qui déplore, lors d’une visite en Indre-et-Loire, la situation professionnelle de Marcel Raison : « de loin le meilleur militant de la région. Le problème c’est qu’il est cheminot50 ». Et ce, même si celui-ci, licencié au moment de la grève de 1920, n’est réintégré qu’à la faveur de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement populaire, un an plus tard ! Pour autant, cet exercice du métier de cheminot n’empêche pas le même Raison d’accéder au secrétariat régional deux ans plus tard. Ainsi il n’est pas toujours aisé de mener vie professionnelle, vie personnelle et militantisme de front :
Comme beaucoup, je travaillais huit heures les six jours de la semaine ou neuf heures pour faire « la semaine anglaise ». À peu près toutes les soirées étaient prises par des réunions interminables. […] Dans ces conditions, la vie familiale était réduite, les distractions bien limitées51.
21Mais à l’inverse, l’exercice de certaines professions s’avère être un atout pour les propagandistes du parti. Dans les campagnes, la proximité avec les populations rurales et particulièrement paysannes est indispensable à l’ancrage du communisme.
Les dirigeants du PCF les plus efficaces avaient une activité professionnelle qui les maintenait constamment en contact avec la société rurale. […] J. Biaugeaud, marchand ambulant et fils de métayer de Dordogne, connaissait bien le monde rural52.
22Cependant, toujours dans le même territoire, le métier de chiffonnier d’Antoine Bourdarias, autre secrétaire régional, a pu constituer un obstacle dans ses relations avec les populations rurales et donc dans l’exercice de sa fonction de secrétaire régional. On touche ici à la question de la représentation, le métier de chiffonnier étant perçu en effet comme « sale » et dégradant. Cette situation fut certes surmontée, puisqu’il fut élu conseiller général en 1934. Mais cet exemple soulève là aussi la question de la respectabilité des militants que veut montrer le PCF, particulièrement lorsqu’ils se présentent face aux électeurs53.
23À l’image de la vie professionnelle, la vie familiale est également impactée par la vie militante et est un facteur impactant sur elle. Rappelons que la majorité des membres du groupe étudié est mariée, et qu’un peu plus de 40 % sont parents d’au moins un enfant. « Presque chaque soir, [les militants] sont retenus soit par une réunion, soit pour effectuer un travail pratique ou assurer une besogne de propagande. C’est très bien ! Cela montre que vous êtes attachés à ce grand Parti54 » se félicite Martha Desrumeaux, secrétaire régionale du Nord, à la tribune du congrès régional d’octobre 1936. « Mais n’oubliez pas […] qu’il faut vous arranger pour que vous réserviez une partie de votre temps à vous consacrer à votre famille […]. Eux aussi ont besoin de connaître un peu de joie, de distraction ». Les membres des familles des secrétaires régionaux ont parfois laissé des témoignages :
J’avoue que je ne comprenais pas toujours les sacrifices qu’imposait à toute la famille le militantisme de mon père. Cela l’avait conduit de contremaître, avec une bonne paye, à petit colporteur de journaux. Cela l’éloignait souvent de nous, surtout le dimanche. Il m’arrivait de me rebiffer, de trouver cela difficile à supporter, comme d’ailleurs je trouvais injuste la répression qui s’abattait sur lui, dans sa profession et dont nous étions victimes, par ricochet55.
24La famille peut constituer un refuge, quand elle n’est pas aussi prolongement de la vie militante, amalgamée avec elle56. La fille de Maurice Romagon, qui évoque les « sacrifices » liés à la vie militante de son père, parle également de l’admiration qu’elle lui portait :
L’essentiel était que je l’admirais pour son courage même s’il m’arrivait de râler [...]. Il y avait aussi l’exemple de Maman qui, sans être encore « organisée » comme nous disons, partageait les idées de Papa, le soutenait dans ses combats, y participait, s’efforçait d’en adoucir les contrecoups qui risquaient de nous toucher. Il y avait mes trois frères qui n’avaient pas tardé à adhérer aux Jeunesses communistes57.
25Lorsque Cécile Romagon elle-même adhère à la Jeunesse communiste, cela lui permet de se rapprocher de son père, la vie militante créant de nouveaux liens : « Depuis que je m’étais engagée, avec la fougue de ma jeunesse, dans l’activité militante, Papa semblait beaucoup plus proche de moi58. », écrit-elle, bien qu’il faille rester vigilant quant à la reconstruction mémorielle. Ici la cellule familiale est présentée comme un lieu de continuité de la vie militante, mais aussi comme un refuge, un havre de paix et surtout de soutien. L’expérience intense de la vie militante à l’extérieur est comprise et soutenue à l’intérieur du foyer59. Les filles d’Émile Drouillas, secrétaire d’Ille-et-Vilaine, se souviennent d’une enfance marquée par les allées et venues des camarades au domicile familial60 et de la figure de leur mère, Marthe, qui assiste son mari dans ses activités effrénées61. Si le militant communiste, au moins depuis le congrès de Villeurbanne de 1936, se doit d’accorder à la vie de famille « au moins une soirée par semaine et un dimanche sur deux », les témoignages insistent tous sur la difficulté de lier vie familiale et vie militante, ainsi que le peu d’espace accordé aux loisirs.
26Certains militants détiennent de lourdes responsabilités non seulement au sein de l’appareil partisan, mais également dans la sphère syndicale et la « galaxie » communiste. Si nous ne pouvons-nous attarder sur cette thématique qui dépasse le cadre de notre étude, citons quelques exemples. Roger Pédurant, secrétaire du Tarnet-Garonne, « assure toutes les tâches intérieures et dans les organisations de masse62 ». Henri Boyer, secrétaire sans interruption de 1934 à 1939 de l’Aveyron, milite aussi dans des clubs sportifs « travaillistes » (c’est-à-dire liés au mouvement ouvrier), au Secours populaire français (qui remplace à partir de 1936 le SRI), au comité espagnol d’aide à l’Espagne, à la Libre-pensée, à Radio liberté, à la caisse des écoles laïques, ainsi que, bien entendu, au comité local de Front populaire63. Cela souligne l’importance accordée par les communistes à l’influence, voire au contrôle, à exercer sur ces organisations.
27D’autant plus que les responsabilités locales ne sont pas les seules que peut détenir un secrétaire régional.
Le cumul des responsabilités
28Un autre cas de cumul des tâches concerne l’ajout de responsabilités nationales aux responsabilités locales. C’est un phénomène minoritaire mais qui mérite d’être observé. À l’emploi du temps « local » s’ajoutent des réunions nationales : comités centraux (de plus en plus élargis aux secrétaires régionaux), conférences nationales, congrès du parti – qui sont à leur tour suivis de tournées de comptes rendus, internes et publics, à l’échelle locale.
29La liste des membres de notre corpus qui furent élus au CC du parti avec les responsabilités que cela implique donne un ordre de grandeur des cas de cumul des responsabilités locales et nationales, même si une attention plus fine doit être portée aux dates de ces différentes fonctions. (Voir tableaux ci-dessous)
Membres du corpus membres du CC (1932).
1932 | Nom | Prénom |
Titulaires | Courtade | Henri |
Bartolini | Jean | |
Billoux | François | |
Desrumeaux | Martha | |
Mioch | Philomen | |
Péronnet | Sylvan | |
Ramette | Arthur | |
Ramier | Barthélémy | |
Soupé | Fernand | |
Tillon | Charles | |
Walch | Jules | |
Suppléants | Fajon | Étienne |
Martel | Henri | |
Quinet | Cyprien |
Tableau DM.
Membres du corpus membres du CC (1936).
1936 | Nom | Prénom |
Titulaires | Bartolini | Jean |
Billoux | François | |
Desrumeaux | Martha | |
Martel | Henri | |
Ramette | Arthur | |
Ramier | Barthélémy | |
Soupé | Fernand | |
Tillon | Charles | |
Suppléants | Anstett | Eugène |
Decaux | Jules | |
Fajon | Étienne | |
Rochet | Waldeck | |
Rosenblatt | Marcel | |
CCCF | Barel | Virgile |
Froissart | René | |
Hentgès | Joseph | |
Lampe | Maurice |
* CCCF = Commission centrale de contrôle des finances.
Tableau DM.
Membres du corpus membres du CC (1937).
1937 | Nom | Prénom |
Titulaires | Bartolini | Jean |
Billoux | François | |
Ramette | Arthur | |
Rochet | Waldeck | |
Rosenblatt | Marcel | |
Soupé | Fernand | |
Tillon | Charles | |
Suppléants | Anstett | Eugène |
Decaux | Jules | |
Fajon | Étienne | |
Martel | Henri | |
Ramier | Barthélémy | |
« nouveaux suppléants » | Airoldi | Julien |
Auguet | Gaston | |
Cadras | Félix | |
Signor | Alain | |
Uni | René | |
CCCF | Froissart | René |
Tableau DM.
30Si l’on croise ces données avec les dates d’exercice de la fonction de secrétaire régional, on arrive au résultat suivant : vingt-sept membres de notre corpus sont membres du CC entre 1932 et 1939, parmi eux vingt-cinq sont des secrétaires régionaux en fonction64. Cette situation de cumul touche donc 13.37 % de notre corpus. Il faudrait également ajouter à ces cadres ceux qui, sans être membres du CC, y sont invités. En effet, les réunions du comité central s’ouvrent aux secrétaires régionaux, par exemple lors des sessions de Montreuil de juillet 193765 ou de Bobigny de mai 193866, et deviennent « des moments où s’expriment et s’explicitent des expériences politiques qui rencontrent un assentiment populaire grandissant67 ».
31Les déplacements sont aussi liés à d’autres types de rendez-vous nationaux. Même sans détenir des responsabilités nationales, les secrétaires régionaux sont tenus d’observer un certain nombre d’obligations. D’autant que la période correspond à une ouverture vers les régions (en 1937 se tiennent deux conférences des secrétaires régionaux en une année, du jamais-vu), une participation davantage souhaitée des dirigeants locaux aux sessions du CC, etc. Georges Pelat, secrétaire régional de l’Aisne depuis le début de 1934, liste dans sa « bio » les rendez-vous nationaux auxquels il a participé depuis68 : « délégué à la conférence nationale d’Ivry en 1934, à la conférence des municipalités à Montreuil en 1935, au congrès de Villeurbanne en 1936, au comité central à Ivry en mai 1936, à la conférence nationale de Huygens en 1936, à la conférence nationale de Montreuil en 1937, à la conférence des secrétaires régionaux à Gentilly en avril 1937 et enfin au comité central de Montreuil en juillet 1937 ». On ne sait pas en revanche s’il participe à la conférence des secrétaires régionaux d’octobre 1937. En tout cas il n’y intervient pas. Il est très probablement délégué au congrès d’Arles. On peut estimer que son emploi de chef de service à la coopérative « La fraternelle de Saint-Quentin » facilite ses disponibilités. Il s’agit cependant d’un exemple extrême, qu’il ne faudrait pas prendre pour une règle. La majorité des membres du groupe étudié n’a de cumul de responsabilités que locales. Il n’empêche qu’un secrétaire régional en poste se doit de représenter sa région lors de rendez-vous nationaux immanquables.
32Au-delà de ses responsabilités dans l’appareil partisan, le secrétaire régional peut également détenir des responsabilités d’élu.
33La singularité de l’élu est qu’il se situe « à l’intersection entre des modes de légitimation propres à l’institution partisane et d’autres issus du champ politique traditionnel, à travers les élections69 ». Parce qu’il tire sa légitimité aussi du suffrage et pas seulement de sa situation au sein de l’institution partisane, l’élu restait soumis à une forme de méfiance, la crainte de son autonomisation n’étant pas le moindre des facteurs la constituant70. Les critiques contre le « crétinisme » municipal ou parlementaire et la peur des dissidences, particulièrement après l’affaire Doriot71, étaient vives chez bon nombre de dirigeants. De plus, opinion largement répandue dans le mouvement ouvrier, « Tout poste électif est suspect de n’être qu’une sinécure, dispensatrice de prébendes, particulièrement faite pour attiser les convoitises des “carriéristes” de tous acabits…72 ». Pour autant, on sait l’importance du « communisme municipal » dans l’histoire et l’implantation du Parti communiste. D’abord parce que celui-ci a constitué : « une forme majeure d’entrée des couches populaires dans la vie politique […]73 » permettant l’accès à des fonctions pour lesquelles ces ouvriers ou petits employés étaient socialement illégitimes. Mais aussi parce que ces fonctions permettent, dans les efforts de représentation du parti, d’illustrer à la fois la bonne gestion et l’« ouverture » politique. En somme, « la prise en compte par le PC de l’importance du travail municipal a été progressive et non sans hésitation et contretemps74 ». On estime que la période est à une sélection plus attentive des candidats. C’est ce que dit Maurice Thorez dès la fin de l’année 1934 :
On a parfois présenté des candidats qui n’ont pas toujours une grande autorité dans la classe ouvrière. Quand un candidat perd à chaque scrutin, il doit y avoir une raison. Ce peut être la ligne générale du Parti, ce peut être aussi la personnalité. […] Il ne s’agit pas de tomber dans un plat électoralisme, mais bien de trouver ceux qui représentent le mieux l’activité revendicative et la politique unitaire de notre Parti. De ce point de vue, il faut préparer des listes sérieuses de candidats et désigner ce qu’on appelle des têtes de liste75.
34Trois ans plus tard, devant une assemblée de dirigeants régionaux, le secrétaire général insiste cependant sur le fait de « présenter des candidats partout », dans la perspective des élections cantonales d’octobre, même si ceux-ci ne sont pas qualifiés76.
35Il ne s’agit pas ici d’étudier l’action en tant qu’élu des membres de notre corpus, mais la place que peut prendre l’élection dans le parcours du secrétaire régional, l’impact sur le déroulement du mandat et si elle constitue un marqueur de l’ancrage du secrétaire dans son territoire.
Membres du corpus ayant détenu un ou plusieurs mandat(s) électif(s).
Nom | Penom | Mandat électif |
ANGELETTI | Yves | CM Poitiers 1937 |
ANSTETT | Eugène | CG Metz-Campagne 1937 |
AUFFRET | Jules | CM Bondy 1935 et CG Noisy-le-Sec 1935 |
AUGUET | Gaston | CM Paris 1935 |
BARBOT | Marcel | CM Nevers 1935 |
BAREL | Virgile | Député 1936 |
BARTOLINI | Jean | Député 1935 |
BILLOUX | François | Député 1936 |
BOURDARIAS | Antoine | CG Seilhac 1934 |
CADRAS | Félix | CM Calais 1935 |
CRASTE | Marcel | CM Toulouse 1912-1919 |
DECAUX | Jules | CM Ivry-sur-Seine 1935 |
DÉZIRÉ | Georges | CA Rouen 1937 |
FAJON | Étienne | Député 1936 |
FLANDRIN | Toussaint | CM Toulon 1934 |
FLOURIOT | Yves | CM Ploufragan 1935 |
FROISSART | René | CM Brion 1935 |
GENDRE | André | CM Millas 1935 |
GILBERT | Vital | CM Soorts-Hossegor 1935 et CG Saint-Martin-de-Seignanx 1937 |
GILLOT | Auguste | CM Saint-Denis 1937 |
GINESTET | Edmond | CM 1929 puis Maire Aubin 1935 |
GOSNAT | Venise | Maire-adjoint Ivry 1935 |
GUNSBOURG | Maurice | 2e adjoint Clamart 1935 |
HENTGÈS | Joseph | CG Lille 1912-1925, Maire Hellemmes |
HUBERT | Charles | CM Vernouillet 1935 |
LAREPPE | Pierre | Maire Nouzonville 1935 et député 1936 |
LASSALLE | Georges | Maire Boucau 1930 |
MARTEL | Henri | CM Waziers 1925, CA Douai-Nord 1933, CG Nord 1933, député Douai 1936 |
MEYER | Édouard | CM Sarreguemines 1935 |
NAVOIZAT | Joseph | CM Troyes 1936, CA Troyes 1937 |
PÉRONNET | Sylvan | CM Villepinte 1932 |
PICHON | Édouard | CM St-Pierre-des-Corps 1929-1930 |
QUINET | Cyprien | Canton de Carvin 1935, Député 1936 |
RAMETTE | Arthur | Député 1932 et 1936 |
RAMIER | Barthélémy | CM Saint-Étienne 1935 puis Maire par intérim |
ROCHET | Waldeck | Député 1936 |
ROMAGON | Maurice | CA Troyes 1937 |
ROQUE | Léopold | CM Elne 1935 |
SEILLON | Henri | CM 1935 |
SOUPÉ | Fernand | Maire Montreuil 1935 |
THIÉBAULT | Henri | Maire Liévin 1935 |
TILLON | Charles | Député 1936 |
CA = conseiller d’arrondissement ; CG = conseiller général ; CM = conseiller municipal.
Tableau DM.
36Un peu plus de 22 % des membres de notre corpus (42 individus) ont eu au moins un mandat d’élu au cours de leurs carrières militantes. Près de 79 % d’entre eux sont élus entre 1934 et 1937, symbole de la percée électorale du parti dans cette période. Presque tous les membres du corpus (du moins pour les hommes77) ont été candidats à une ou plusieurs élections. Et s’il s’agit parfois de candidatures de témoignages, dans des circonscriptions où ils n’ont que de faibles chances d’être élu, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi René Uni manque de peu (12 voix !), de remporter l’élection cantonale de 1937 face au maire de Nancy radical-socialiste, épisode rappelé et célébré en ouverture du congrès d’Arles78. Trente-quatre de ces militants ont cumulé, sur un temps plus ou moins long, leurs responsabilités d’élu avec celles de secrétaire régional. Soit 18,18 % de l’ensemble du corpus des secrétaires régionaux.
37Dix membres de notre corpus sont députés en 1936. Parmi eux, deux sont reconduits dans leur mandat : Arthur Ramette fut élu une première fois en 1932 et Jean Bartolini en 1935 lors d’une élection partielle. Deux autres (Étienne Fajon et Waldeck Rochet) ne sont plus secrétaires régionaux lorsqu’ils deviennent parlementaires. Le tableau ci-dessous résume la situation :
Membres du corpus députés en 1936.
Nom | Prénom | Secrétaire régional durant le mandat ? |
Barel | Virgile | remplacé en mai puis adjoint |
Bartolini | Jean | en exercice – collectif intérim |
Billoux | François | en exercice |
Fajon | Étienne | plus depuis 1934 |
Lareppe | Pierre | cède son poste après son élection |
Martel | Henri | plus depuis 1934 |
Quinet | Cyprien | en exercice – collectif |
Ramette | Arthur | en exercice – collectif |
Rochet | Waldeck | plus depuis 1934 |
Tillon | Charles | en exercice puis adjoint |
Tableau DM.
38Pour deux secrétaires régionaux, l’élection comme député sonne le glas du mandat de dirigeant régional. Ainsi, Pierre Lareppe et Virgile Barel sont remplacés, l’un à la tête de la région des Ardennes, le second à celle des Alpes-Maritimes, après leur élection. D’autres (Billoux, Ramette, Quinet, Tillon) vont mener de front leurs responsabilités régionales et leur fonction d’élu national.
39Comment expliquer ces différences ? On sait que Pierre Lareppe fut en proie à d’intenses critiques émanant de la base79. Son élection peut ainsi permettre de l’écarter de son poste de dirigeant local sans nuire à l’image du parti et sans « braquer » le dirigeant mis à l’écart. Joseph Patetta est désigné « secrétaire adjoint » (en fait il devient rapidement numéro un) des Alpes-Maritimes, « le travail de député de notre camarade Barel ne lui permettant plus d’assurer seul ces importantes fonctions80 ». Si le cumul des tâches et les difficultés inhérentes sont en effet une possibilité d’explication quant à sa mise en retrait, nous devons considérer cela avec prudence. En effet, le secrétaire de la région sud-est fut, dès 1935, en butte à des conflits internes :
à l’intérieur du PC certains militants irrités ou jaloux suspectent une réussite frauduleuse ou douteuse. Ceux qui sont agacés par son score personnel parlent ouvertement de « dérive opportuniste » ou d’ambitions personnelles. Quelques jours après le premier tour des municipales, lors d’une réunion du bureau régional, Barel doit faire face à un véritable vent de fronde81.
40Le comité central du mois de juin de cette année donna finalement son appui à Barel. Cependant, son activité était déjà à « surveiller » en l’entraînant « davantage vers le travail collectif82 ». Comme dans le cas de Pierre Lareppe, l’élection est-elle aussi un moyen détourné, un prétexte, à une éviction en douceur ? Malgré les éléments pouvant plaider en faveur de cette hypothèse, il faut rappeler que Barel est élu au CC et à la commission de contrôle des finances à l’issue du congrès de Villeurbanne de janvier 1936. Barel est en pleine ascension, l’éviction déguisée ne semble ici pas devoir être retenue.
41L’impact de la charge élective dans la vie quotidienne n’est pas qu’un prétexte, il est réel, et doit être souligné. Charles Nédélec rappelle ainsi, à l’été 1935, que « plusieurs rayons de la région parisienne sont gênés actuellement, du fait que leur secrétaire vient d’être élu maire ou conseiller général et se trouve accaparé par ses nouvelles fonctions83 ». Ainsi Arthur Ramette, élu en 1932 et réélu en 1936, mène une intense activité de député sur Paris du lundi soir au vendredi, et de secrétaire régional du Nord du samedi au lundi après-midi :
Pendant cette période, il tint à peu près deux cents réunions publiques par an, dans les communes de sa circonscription, dans le département du Nord et parfois dans d’autres régions de France. Le lundi matin, il se chargeait de l’étude critique de l’Enchaîné de la semaine en cours et de la préparation de l’édition du vendredi ; l’après-midi, il participait à la réunion du secrétariat régional du Nord avant de prendre le train pour Paris84.
42Virgile Barel évoque dans ses souvenirs, la vie des députés d’alors. Chaque semaine, avec l’autre député des Alpes-Maritimes, Henri Pourtalet : « nous voyagions en train, en première classe certes, mais sans prendre de couchettes pour en éviter les frais. Nous combinions notre couchage sur les coussins [...] deux sur les banquettes et un (moi-même volontairement) sur le plancher du compartiment avec deux coussins85 ».
43Bien entendu, ce rythme, le cumul des tâches et la fatigue inhérente, ne peuvent que peser négativement sur la direction des régions. Comme le rappelait Marcel Gitton :
Nos victoires électorales ont drainé vers d’autres fonctions des militants de valeur de notre Parti. Ces nouvelles fonctions, qu’il est indispensable de remplir, sont très absorbantes et ces camarades ne peuvent plus déployer dans le Parti leur activité d’antan. Notre camarade Soupé, qui fut secrétaire de la région Paris-Est est aujourd’hui maire de Montreuil86.
44Dans un courrier adressé à François Billoux, Charles Nédélec se montre ainsi très critique :
Il faut absolument redonner à la région une véritable direction. Je comprends très bien toute l’importance du travail parlementaire, mais je ne peux pas admettre qu’au nom de ce travail, on laisse les régions sans direction comme c’est le cas actuellement. Je ne suis pas seul à penser ainsi, car pendant les quelques heures que j’ai passées à Marseille, dimanche plusieurs copains m’ont dit que dans le parti on sentait un malaise véritable causé par le manque de direction87.
45Or on constate, dans les Bouches-du-Rhône ou dans les Alpes-Maritimes par exemple, que le choix d’adjoints auprès du secrétaire régional se porte parfois sur des militants eux-mêmes députés. C’est le cas par exemple de Jean Cristofol dans la région « marseillaise » du parti ou d’Henri Pourtalet, député de Cannes, qui joue un rôle très important dans les Alpes-Maritimes. La popularité des élus, le prestige associé à leur fonction dans le cadre d’une organisation devenue parti de masse, n’empêche pas la critique des élus de se maintenir. À ce sujet, B. Pudal écrit :
Enfin, il importe de souligner que la suspicion à l’égard des élus ne diminue pas durant toute la période de l’entre-deux-guerres. Les militants ouvriéristes sont toujours particulièrement attentifs à tout comportement susceptible de révéler qu’un élu est atteint d’« hypertrophie du moi ». Toute attention portée à soi, tout manquement à la « modestie » et à « l’humilité », tout « esprit de suffisance » leur apparaissent très vite comme autant de symptômes de cette maladie qui guette tout élu, tout dirigeant88.
46La notice biographique du Maitron de Barthélémy Ramier nous livre un développement particulièrement intéressant sur son rôle d’élu :
À peine élu, il fut, avec les autres conseillers communistes de Saint-Étienne, en butte aux critiques de la « base » qui lui reprochait de s’être embourgeoisé. Au congrès de rayon du 29 décembre 1935, Brotte réclamait, par exemple, que le travail des élus municipaux fût contrôlé par une commission formée de membres du PC. Sans attendre le congrès du comité de région où il devait s’expliquer, Ramier releva la plus grave des accusations proférées dans le parti : « Plusieurs déclarent que nous sommes maintenant des bourgeois et que nous nous en mettons plein les poches. Moi et Dolmazon nous touchons chacun 1 000 F par mois et Fabry 900. Sur cette somme, nous donnons chacun 345 F par mois à la région communiste de Lyon. Cet argent est destiné à la propagande du parti. » S’il ne s’était pas enrichi, du moins s’était-il « assagi » comme le constatait avec humour Benoît Frachon au meeting du 26 janvier 1936 : « Ramier, premier adjoint au maire que nos ennemis appelaient le “briseur de vitres” (...) est aujourd’hui à la tête de la voirie, service le plus important de la Mairie, et qu’il fait très bien marcher. La bourgeoisie en est toute déroutée »89.
47Il s’agit là d’un point important. Ramier passant du « casseur » au « réparateur » de vitres est typique de l’exemple que veut donner le parti à travers ses élus – et audelà ses cadres : des hommes responsables, respectables, capables non plus de détruire, mais de construire. Des hommes d’ordre, mais au parcours révolutionnaire assumé. Il est remarquable de constater que près de la moitié des élus de notre corpus (vingt sur quarante-deux) le sont en tant que conseillers municipaux à partir de 1935. Sans revenir sur cette séquence déjà abordée plus haut, il convient cependant de rappeler la tension entre la radicalité du discours révolutionnaire et la réalité d’une gestion municipale, où l’édile communiste doit composer avec les contraintes de son environnement, qui sont parfois fortes. Car, même si le parti ne peut y souscrire publiquement, c’est bien un « réformisme d’essence communiste90 » qui s’établit dès l’entre-deux-guerres dans les villes rouges. Dès lors, le rapport entre magistrats et militants communistes s’avère complexe. Ces derniers sont tantôt méfiants face à une possible autonomie et ou à une notabilisation – voir un « embourgeoisement » – des élus, tantôt admiratifs et fiers de leurs réalisations. Georges Marrane à Ivry – « capitale » du communisme français91 –, Louis Péronnet à Bezons, Albert Vassart à Maisons-Alfort ou encore Fernand Soupé à Montreuil, deviennent ainsi des symboles de l’engagement et de l’efficacité communistes dans la « banlieue rouge ». Joseph Navoizat dans sa « bio » estime que le travail qu’il réalise au sein du conseil municipal de Troyes, est « le plus concret et le plus utile que je réalise en ce moment pour notre Parti92 ». Puis il exprime « le grand regret de constater que ce travail politique n’est pas compris comme il se devrait cependant par nos camarades des cellules de notre Section qui devraient être davantage mobilisés pour être en liaison plus étroite avec la population ». Marcel Barbot, élu conseiller municipal de Nevers en 1935, écrit également dans son exercice biographique : « On y fait le travail assez compliqué de faire triomphé [sic] l’opinion du parti, tout en dégageant sa responsabilité dans certaines circonstances93 », et de lister les principales réalisations auxquelles ont contribué les trois élus communistes de la ville.
48Les membres de notre corpus élus ne sont pas marginalisés. S’ils se heurtent à une forme traditionnelle de méfiance du mouvement ouvrier à l’égard de ceux qui se prétendent ses représentants, la dynamique politique et symbolique du Front populaire leur accorde une place valorisée et valorisante au sein de l’organisation. Ils incarnent un parti lié à la culture républicaine, à la « bonne gestion » et ancré dans son territoire. Être élu peut en revanche signifier la fin de la fonction de secrétaire régional. Loin de représenter une obligation, cette forme de sortie n’est qu’anecdotique au regard des autres modalités, sur lesquelles nous nous pencherons dans le chapitre suivant.
49La spécialisation des tâches militantes serait-elle envisagée comme une solution à ce rythme effréné de l’action militante ? Dans un saisissant parallèle entre organisation industrielle et vie du parti, Gitton déclare :
L’usine moderne a rationalisé sa production, elle a été divisée, compartimentée […]. Nous avons besoin, nous aussi, de moderniser notre maison. Il nous faut nos spécialistes, nos techniciens. Il nous faut notre corps de propagandistes, notre corps d’organisateurs, d’administrateurs, de journalistes, de conseillers juridiques, nos spécialistes de la campagne, du petit commerce, des petits propriétaires, du sport, etc. Il nous en faut des centaines, des milliers, des dizaines de milliers et je serais tenté de lancer le mot d’ordre : « Des Écoles partout ! »94.
50En réalité, dans ce dispositif, le secrétaire régional est amené à être un coordinateur de cet ensemble de « techniciens ». En effet, « le responsable pour tout c’est le secrétaire régional95 », dit Maurice Thorez. Et d’ajouter :
pas dans un sens personnel étroit, mais c’est la direction régionale, et dans la direction régionale le militant qui a le plus de responsabilité, c’est lui qui doit dans tous les cas, et avec l’aide de tous ses camarades trouver la possibilité de faire donner à chacun et à tous le maximum d’activité, dans l’intérêt du Parti96.
51Le secrétaire régional doit être à l’image du secrétaire général. Il y a un effet de mimétisme évident vis-à-vis du groupe dirigeant97 et la nouvelle donne du Front populaire marque le trait : le moule thorézien, le « parti de Maurice Thorez98 » prend aussi son sens avec cela. Il ne s’agit pas seulement d’un culte de la personnalité, mais d’un type de cadre en formation, d’un processus de mise en place d’un modèle visant à former les cadres, actuels et futurs. À ce titre, le permanent joue un rôle particulier, lui qui devient militant « professionnel ».
La vie quotidienne des « fonctionnaires » du parti
52Comme nous l’avons établi plus haut, 33,69 % des secrétaires régionaux en exercice sont des permanents, durant toute la durée du mandat ou une partie de celle-ci. À quoi ressemble alors la vie de ceux dont l’emploi du temps « est déterminé entièrement par la chronologie militante99 » ? Les mémoires des militants font part de leurs hésitations face à la fonction de permanent. Une des raisons qui ressort des témoignages étudiés est l’aspect financier. De nombreux récits relatent les difficultés matérielles rencontrées dans la vie de permanent. Auguste Gillot se contente au début de « petits acomptes de 10 ou 20 francs » que lui verse le SRI et couche sur un lit de camp dans les locaux de l’organisation100. Raoul Calas, un temps secrétaire du NordPas-de-Calais, après avoir évoqué ses « conditions matérielles très difficiles101 » entre 1931 et 1934 à Lille, précise que « L’état de la trésorerie régionale étant fort précaire, je recevais de faibles acomptes sur mon salaire mensuel de “permanent”, d’ailleurs peu élevé102. » Permanent depuis 1929, l’instituteur révoqué explique d’ailleurs qu’il commença cette expérience bénévolement. Étienne Fajon rappelle que « d’incroyables difficultés matérielles et financières ont limité notre activité dans le Midi. » Habitant au-dessus du bureau du local du parti, il décrit un logement spartiate, un lit « sans draps », et des mensualités qui n’étaient pas toujours réglées103. Désigné directement par le CC pour assurer l’intérim du secrétariat de la région de Charente-Inférieure lors du départ de Floras à l’école centrale, Duvoureix vit des heures difficiles, dénoncées par l’envoyé du centre :
Le camarade DEVOUREIX, permanent, a touché en tout par la région 226 F de frais depuis le 15 décembre ; il est nourri et couché par le camarade CRESPIN ; de plus, il est obligé de payer un journalier pour s’occuper de sa ferme, soit 300 F par mois, plus 150 F à ses vieux parents. […] En attendant, le salaire de DEVOUREIX doit être assuré totalement par le Centre ; il n’est pas possible de le laisser dans une telle situation qui ne contribue pas à renforcer son autorité104.
53Auguste Gillot, fraîchement nommé secrétaire régional de Paris-Nord, mais permanent depuis 1929, tombe malade d’épuisement durant le congrès de
54Villeurbanne. Il n’hésite pas dans ses mémoires à évoquer le « surmenage » et la « sousalimentation résultant du manque d’argent105. » Il pioche régulièrement sur sa paye de permanent pour pouvoir sortir à temps le journal de Saint-Denis. À ces difficultés s’ajoutaient « l’insalubrité de mon lieu de travail […] L’air humide, malsain attaqua mes sinus et la maladie s’installa ».
55Pour pallier ces difficultés, « système D » et solidarité émergent. Ainsi lors de certaines tournées militantes, Raoul Calas paye son billet de train aller. L’achat du billet retour doit être assuré grâce à l’argent récolté lors de la vente de livres et brochures106. Ses beaux-parents – il s’est marié en 1927 – lui fournissent du vin qu’il écoule à ses connaissances107. Mais les difficultés ont parfois raison de l’ardeur du militant professionnel. Albert Vassart revient sur le départ du secrétaire de la région troyenne en 1934, départ qui illustre le poids de ce que peuvent être aussi les souffrances militantes :
On avait envoyé dans la région de Troyes, un bon militant parisien rentré de l’École internationale, Peyronnet [en fait Péronnet], en l’assurant qu’il serait aidé suffisamment pour qu’il n’ait pas de gros soucis matériels ; en fait on ne put pendant plusieurs mois lui accorder aucune aide et comme le peu de ressources que Peyronnet put trouver sur place était absorbé par la nécessité de payer des dettes criardes, Peyronnet connut sur place une vie infernale mangeant le moins possible dans un mauvais restaurant où le patron sympathisant lui accordait un peu de crédit, couchant dans un réduit infect. Il résista cependant pendant longtemps, puis disparut de la région ; on le retrouva beaucoup plus tard, dans une usine de la région parisienne, complètement démoralisé par cette expérience provinciale et bien décidé à ne plus jouer au révolutionnaire professionnel108.
56Même si, comme l’a rappelé S. Boulouque, ces explications masquent jeux de pouvoir et conflits de personnes dans une région en perpétuelle crise109, Sylvan Péronnet fut bien forcé d’assurer sa survie matérielle dans des conditions très pénibles, complétant son salaire de permanent irrégulièrement versé avec les finances locales du parti. Les difficultés matérielles couplées à celles plus politiques finissent par devenir les plus fortes, et Péronnet abandonne son poste et la région, retournant à l’usine. Devenir permanent, c’est aussi parfois abandonner une situation stable pour l’inconnu. Auguste Gillot, en 1929, éprouve de la tristesse à « quitter [s]es camarades de travail110 ». « Sortir du rang » n’est pas toujours chose aisée111. Louis Molinier, qui avait déjà refusé une première fois un poste de permanent au SRI112, écrit :
Pendant ces quatre dernières années, dans mon travail de Représentant de Commerce, j’étais arrivé à me constituer une bonne clientèle, un « portefeuille », comme on disait dans la profession ; entre mon activité professionnelle et militante, j’étais assez satisfait. Mais voilà, après un peu de flottement au départ d’Étienne Fajon, les camarades se tournèrent vers moi pour que je reprenne en mains la Région GardLozère ; j’hésitai beaucoup et ça n’est que devant leur insistance et particulièrement celle de Charles Plantier, que je finis par céder. […] J’acceptais de devenir un « permanent » bien que la mensualité qu’allait me verser la trésorerie de la Région Communiste était, de loin, inférieure à mes gains de Représentant de Commerce113.
57Pour ce militant, au-delà du simple aspect matériel, c’est la remise en question d’un équilibre de vie qui se profile en acceptant la proposition de ces camarades.
58Jean Flavien possède une petite ferme. Quand le parti lui propose de remplacer Pierre Parigaux à la tête de l’Aube, « Jean a fini par accepter, malgré son attachement à son métier, par amour pour le parti.114 » Une fois par semaine, il retourne à la ferme pour organiser le travail effectué sur place par sa famille avec l’aide d’un commis. Lorsque la direction du PC propose à Raoul Calas de remplacer Arthur Ramette, secrétaire du Nord-Pas-de-Calais emprisonné, la perspective de quitter le Languedoc suscite quelques inquiétudes :
J’informe ma femme des nouvelles responsabilités qui viennent de m’être attribuées. Elle me fait part de ses appréhensions. Elle imagine comme moi les difficultés que nous rencontrerons pour nous adapter à ce nouveau milieu. Nous ne connaissons rien de la manière de vivre, des usages, des traditions des deux départements où nous allons exercer nos activités115.
59Devenir « employé » du parti communiste c’est aussi courir le risque d’être inscrit sur les listes noires du patronat local ; ainsi en est-il de Marcel Petit, éphémère secrétaire du Calvados. Le parti ne pouvant plus payer son salaire, Petit cherche à se faire réengager dans son usine. Il essuie un refus et de plus doit quitter son logement, celui-ci appartenant à son employeur116. La crainte du déclassement habite certains « fonctionnaires » du parti lorsqu’ils songent à leur devenir en cas de perte de leur poste de permanent.
60Loin de l’image du « bureaucrate », la vie de secrétaire régional permanent est, à l’instar des militants non-professionnels, marquée par les déplacements : visites des sections et cellules, tournées de propagande, campagne électorale… Pour justifier la nomination de Pierre Parigaux comme permanent, le Bureau de la région troyenne adresse un courrier aux militants :
Comment serait utilisé ce permanent ? Une dizaine de jours par mois seraient consacrés au travail de bureau à Troyes et le restant, c’est-à-dire la majeure partie de son temps serait donné aux rayons et cellules pour des visites, des constitutions d’organisations, tournées de propagande, etc.117
61L’on pourrait développer longuement sur cet aspect, tant les témoignages, souvenirs, mémoires, fourmillent d’anecdotes sur les périples, souvent à pieds ou à vélos, effectués par les militants. D’autre part, le parcours de Parigaux permet d’appréhender une certaine hétérogénéité du milieu des permanents ainsi que sa mobilité. En effet, l’accès à la « permanence » n’est ni définitif, ni ne marque l’aboutissement d’une carrière militante, et de plus n’est pas rétribué de manière uniforme. Il existe une relative précarité du statut de permanent118. La rémunération, d’abord. Avant d’être appointé pour son poste de secrétaire régional en septembre 1936, Parigaux avait travaillé pour le quotidien communiste La Dépêche de l’Aube d’avril 1931 à mars 1933 et avait effectué des « tournées anti119 rétribuées » en 1928 en tant que militant des Jeunesses communistes. Il est rémunéré 750 francs par mois pour son poste de secrétaire régional, somme bien inférieure à celle d’autres régions120. La rémunération est un sujet sensible, point de départ d’échanges, plus ou moins tendus, entre centre et périphérie quant aux sommes à allouer aux permanents et la manière de les financer. Une chose est sûre : la rémunération des militants, et donc leurs conditions de vie, ne sont pas uniformes, y compris pour le même type d’« emploi », en l’occurrence le poste de secrétaire régional. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de rémunération mensuelle :
Exemples de rémunérations de secrétaires régionaux permanents.
Nom | Somme (en francs) | Région | Année |
Pierre Parigaux | 750 | Aube | 1937 |
Émile Galatry | 900 | Ardennes | 1938 |
Henri Oudin | 1000 | Troyenne | 1925-1928 |
Henri Oudin | 1200 | Orléanaise | 1937 |
Arthur Ramette | 1300 | Nord | 1936 |
Henri Courtade | 1300 | Basse-Seine | 1936 |
Julien Airoldi | 1300 | Lyonnaise | 1936 |
Henri Chassaing | 1300 | Bordelaise | 1936 |
François Billoux | 1400 | Marseillaise | 1936 |
Félix Cadras | 1450 | Pas-de-Calais | 1937 |
Paul Billat | 1500 | Alpes | 1938 |
Tableau DM
62On constate donc que le système de « gratifications subtilement ascendantes pour récompenser et donc conserver leurs membres les plus engagés », analysé par Daniel Gaxie121 ne semble guère valable ici, du moins si l’on s’en tient à la gratification financière stricte, puisqu’à travail égal le salaire ne l’est pas. Certains militants « perdent au change », d’un point de vue strictement financier, une fois qu’ils accèdent au poste de permanent. Parigaux perd ainsi près de 100 francs mensuels122. Paul Billat, en revanche, gagnait 800 francs comme ouvrier confiseur, somme égale à ce qu’il touche comme gérant du Travailleur alpin, en 1928. Salaire d’ailleurs revu à la hausse deux ans plus tard (1 000 francs)123. Cependant, rien ne semble expliquer la relative importance de son salaire en 1938, qui le rapproche des salaires perçus par des militants aux responsabilités nationales aux missions parfois délicates tels Jean Jérôme. Ce dernier est rémunéré 1 000 francs en 1932 et 1 800 en 1937124. Félix Cadras, dans le Pas-de-Calais, touche aussi l’équivalent de ce qu’il percevait comme dessinateur industriel125. À titre de comparaison, Marcel Messeau touche 1 260 francs en tant qu’instituteur, Robert Ballanger 1 000 comme fonctionnaire, Marcel Bonin 1 650 en tant que répétiteur. Les salaires des militants professionnels vus plus hauts, semblent donc se situer dans une moyenne basse (1 080 francs126), en fait assez proche d’un salaire ouvrier (1 125 francs mensuels pour un métallurgiste parisien en 1934). Il faudrait ajouter également ces militants qui sans être « professionnels », touchent des aides pour compléter leurs ressources et afin de faciliter leurs tâches militantes. Philomen Mioch débute ainsi sa fonction de secrétaire régional :
La région pouvait payer 40 F par semaine, le Travailleur autant. C’est dans ces conditions que je succédais à Rocca, alors qu’en août Gitton s’y était opposé. Je devais vivre avec les 80 F et n’étant, du moins je le pensais au début, pas obligé de passer mes journées à Béziers, j’allais continuer à toucher les indemnités de chômage. Par la suite il s’avéra que je ne pouvais rester à Florensac, je perdis les indemnités127.
63Ces premières observations donnent un ordre d’idée des ressources des militants professionnels, du moins pour les situations les plus simples à démêler. Et les plus stables. Car il n’existe pas de « sécurité de l’emploi » chez les militants professionnels. Nous l’avons vu, 10 % des permanents le sont au moins deux fois. Flandrin navigue entre révocations et réintégrations à l’Arsenal de Toulon. Ces périodes de chômage, il les emploie à travailler dans les organisations ouvrières. Sa rémunération est alors parfois un salaire plein, parfois simplement des aides pour compléter ses maigres indemnités de chômeur. Mais cette situation est loin de lui assurer une sécurité garantie. Un rapport de police signale ainsi qu’en avril 1930, Flandrin fut remplacé de son poste à la CGTU « pour insuffisance de rendement128 ». Il se fait alors marchand de primeurs. Parigaux doit retrouver un emploi entre chacune des périodes « d’appointements ». Émile Drouillas129 ou encore Henri Oudin130 passent eux aussi par deux séquences comme permanents et doivent retrouver du travail à chaque fois que celles-ci se terminent. Autre exemple de cette instabilité, Robert Jolly, qui écrit dans sa « bio » à l’École léniniste :
Je cessais d’être permanent pour deux raisons principales, à savoir la 1er- que le secrétaire de l’UR et un membre du BR se plaignaient de « ma faiblesse politique ». La seconde- fut financièrement la région ne pouvait plus avoir de permanent. La 1er cause fut en partie « voilée » lors de la réunion du comité régional élargi où fut posée la question de la suppression du permanent131.
64Raisons financières et raisons politiques se mêlent ici pour supprimer le poste de Jolly, en 1931. Cordonnier avant sa professionnalisation politique, on le retrouve marchand forain en 1937, à son entrée dans le mandat de secrétaire général. Cet exemple nous dit aussi les difficultés à se réinsérer dans le monde professionnel après une expérience de permanent. Le départ d’un poste de permanent obéit à des explications diverses qui parfois peuvent se cumuler : emploi retrouvé, déménagement, démission, sanction ou désaccord politique, diminution des ressources qui permettaient l’appointement…
65Il ne faut certes pas sous-estimer la part d’« héroïsation » du militant que peuvent contenir les mémoires de ces militants restés communistes, ou les multiples biais qu’ils peuvent employer pour décrire leur situation dans leurs relations avec le centre à l’époque. Que ce soit pour valoriser l’institution ou leur propre rôle et parcours militant, les exagérations et déformations peuvent exister. Mais le cliché, répandu alors dans la littérature anticommuniste, d’un parti croulant sous « l’or de Moscou » et dont les permanents ne seraient qu’une poignée d’apparatchiks privilégiés ne correspond pas aux multiples recoupements de sources. Même un militant ayant rompu avec le PCF, Marcel Thourel, peut écrire bien des années plus tard :
Qui de nous ne se souvient d’avoir parfois laissé la famille sans argent, pour avoir tout donné au parti et contribué au sauvetage du journal. Que de sacrifices cela a demandé et que de drames obscurs dont on ne parlait pas, mais cependant bien réels132.
66Le « don de soi » et le sens du sacrifice animent les permanents. « Révolutionnaires professionnels », militants à temps plein, ces secrétaires permanents suivent un modèle qui, s’il tend à l’homogénéisation et à la docilité vis-à-vis des consignes du centre, rejette le « bonze », carriériste et bureaucrate. La vigilance du centre à cet égard est sans appel. Le secrétaire de la région Paris-Sud est ainsi réprimandé car il « ne paraît pas avoir une grande activité personnelle, la permanence est tenue très irrégulièrement, fait surtout beaucoup de travail administratif et bureaucratique133 ». Maurice Thorez le rappelle lors de la conférence des secrétaires régionaux de 1937, où, dans un rapport conclusif très critique, il dénonce la survivance « des méthodes bureaucratiques de direction, peut-être une certaine attitude de grands seigneurs. […] Ou bien, il y a des secrétaires régionaux qui ne parlent pas aux camarades, il y a des secrétaires régionaux qui sont enfermés dans leur petit bureau, on peut toujours essayer de discuter avec eux !134 ». Cependant, être communiste permanent – ou « permanent communiste », comme vu plus haut – à l’époque du Front populaire est, relativement aux années précédentes, probablement plus facile, du moins durant la période « faste » des années 1936 et 1937. L’image du Parti communiste dans une large portion de l’opinion n’est alors plus la même, et si un anticommunisme et un antisoviétisme virulents perdurent135, « l’homme au couteau entre les dents » semble bien éloigné du responsable communiste local. Répressions policière et judiciaire s’atténuent. Le permanent incarne un parti de masse, au discours responsable et patriotique. Nous ne sommes ni face au hobo des IWW américains ni à l’émissaire du Komintern des années 1920.
« J’ai 50 ans… et 25 ans de surmenage militant136 »
67Ces parcours invitent à revenir sur la question du surmenage, voire du « burn-out militant » qu’a récemment soulevée Paul Boulland137. C’est-à-dire des configurations où la fatigue provoque l’épuisement, d’où émerge un découragement très fort, pouvant déboucher sur des dépressions, voire des suicides138. On retrouve cette problématique plus ou moins exprimée dans quelques cas. Sur cent quatre-vingtcinq mandats de secrétaire régional, quatre s’achèvent pour « raisons de santé ». Certes, ces raisons ne sont pas toutes dues à « l’épuisement nerveux », pour reprendre le vocabulaire d’alors, ni à la fatigue liée à l’activité militante. Mais l’on se rend compte à la lecture des archives ou des souvenirs des militants qu’il y a d’autres cas qui apparaissent sans que pour autant ils soient cause de fin de mandat. En effet, la fatigue extrême est une composante essentielle des récits de vie et témoignages des militants. Mais on la retrouve également dans les archives internes de l’organisation. Elle est souvent reliée à une accumulation de responsabilités, pas toujours à du découragement ou du désespoir, qui sont des thématiques très difficiles à aborder. Le seul emploi du terme de « dépression morale » est utilisé pour évoquer la situation d’Émile Drouillas. Celui-ci est pressenti pour succéder à Henri Delannoy comme dirigeant de la région d’Ille-et-Vilaine. Mais les choses s’avèrent plus compliquées à mettre en place :
D’autre part notre camarade Drouillas qui a été chômeur pendant une certaine période a subi une dépression morale à cette époque, ce dont tous les camarades se sont très bien aperçus [sic]. À présent, il a retrouvé son travail à l’entreprise [illisible], chargée de la transformation de la gare de Rennes et tu n’ignores pas que dans ces entreprises le travail est en général très dur pour des salaires pas très élevés. Notre camarade Drouillas n’a pas repris ce travail sans subir au début une grosse fatigue physique, de plus depuis qu’il a quitté son logement de la rue St-Hellier, il habite à la Potarie en St-Hellier en dehors des faubourgs de Rennes ce qui lui représente environ trois bons quarts d’heure de marche pour descendre en ville139.
68En dehors d’une situation aussi explicite et détaillée, il n’est guère évident de faire la part des choses. Les exemples ne manquent pas où les militants doivent interrompre leurs activités, « craquent » face à un état physique et psychologique critique. Marguerite Buffard doit interrompre ses activités militantes et partir se reposer :
actuellement la camarade BUFFARD est très déprimée, elle a fourni depuis son arrivée dans la Calvados un effort considérable. Elle a été en butte aux attaques plus ou moins mauvaises et dégoûtantes de la part de ceux qui sont aujourd’hui exclus du Parti […]. Le docteur qui a consulté Buffard lui a donné plusieurs mois de repos, et ceci, à un moment où un sérieux effort dans toute la région du Calvados pourrait amener au Parti plusieurs centaines de nouveaux adhérents. […] la camarade Buffard va partir un mois se reposer aux environs de Tours, nous vous donnerons son adresse dès que nous la connaîtrons, en tout cas elle nous paraît très malade140.
69Auguste Gillot, surmené, s’effondre à la veille de la clôture du congrès de Villeurbanne :
On me transporta à l’hôpital de Lyon, avec 39° de température. Le docteur diagnostiqua une sinusite maxillaire et frontale sévère. Je souffrais en effet, depuis plus d’un mois, de terribles migraines qui me rendaient fébrile. Le surmenage dû à mon activité intense depuis juillet 1934, les journées de travail interminables, la sous-alimentation résultant du manque d’argent, m’avaient conduit à un état de déficience grave. […] Après un séjour de trois semaines à l’hôpital, je sortis incomplètement guéri141.
70Gillot est alors confié aux bons soins de Virgile Barel, secrétaire des Alpes-Maritimes, qui lui trouve un lieu de repos, une villa louée pour une somme modique auprès d’un camarade142. Les cas de démoralisation ne doivent pas toujours être recherchés dans la fatigue physique, plus ou moins exprimée, mais aussi dans des oppositions politiques non dites, qui s’accumulent et peuvent déboucher sur des remises en question importantes143. Henri Chassaing, représentant la Gironde à la conférence des secrétaires régionaux d’avril 1937, et qui en tant qu’instructeur du CC a une longue expérience de ce type de situation, conclus son intervention ainsi : « Camarades, c’est inouïe la fatigue qu’accumulent nos meilleurs militants. Je ne pense pas seulement pour moi, mais je vois autour de moi les camarades qui travaillent. […] il y a des camarades qui se crèvent au travail […]144 ».
71De telles situations de fatigue extrême ne semblent pas échapper aux envoyés du centre. Le délégué présent à la conférence de la région Troyenne note que Pierre Parigaux est « absolument exténué145 », lui qui doit « s’occuper à peu près tout seul du travail à Troyes146 ». Après sa visite dans la région bretonne fin 1935, l’envoyé du CC conclut son rapport ainsi :
Enfin, je pense que Signor a besoin d’être aidé, soutenu, parce que les tâches pour lui deviennent lourdes en raison du développement du Parti. Ses capacités ne sont pas à mettre en doute, ni son dévouement, mais c’est la question santé qui est en cause. Faire sa classe et le travail du Parti tel qu’il se présente à l’heure actuelle peut avoir à un certain moment de graves conséquences physiologiques ; – camarade à mon avis très dévoué, ayant le souci de ses responsabilités, mais qu’il faut seconder147.
72Une aide qui tarde à se mettre en œuvre, puisque Signor écrit en juillet 1936 : « je continue à m’épuiser. Un repos de plusieurs semaines sans doute serait nécessaire. Comment le prendre148 ? ». Deux ans plus tard, Charles Tillon, représentant le comité central à la conférence régionale qui précède le congrès d’Arles du parti, recommande un repos de deux mois au secrétaire régional149. Dans l’intervalle, Signor, nous l’avons vu plus haut, avait signalé ses difficultés et réclamé en vain la création d’un poste de permanent. Il précisait également dans sa « bio » avoir dû interrompre durant quelques mois son militantisme. « Ces interruptions sont dues à des états de dépression nerveuse dont le [illisible] nécessita un congé de maladie. Je me suis reposé durant ces interruptions, limitant mon travail à l’exercice de ma profession150. »
73Ce sont parfois des cadres locaux qui souhaitent attirer l’attention du centre sur l’état des secrétaires régionaux. Ainsi, ce cadre du rayon de Saint-Junien, qui écrit au secrétariat du parti lorsque Gabriel Citerne, secrétaire de la région limousine, annonce sa volonté de démissionner de ses fonctions :
Il serait nécessaire de lui remonter le moral et surtout d’examiner les meilleurs moyens d’aider notre Région à surmonter cette difficulté qui ne sera certainement que passagère. CITERNE le sait fort bien, s’il abandonnait le SR, notre Parti aurait de grosses difficultés […]. Nous avons confiance en CITERNE, il est l’homme politique le plus en vue dans la région Limousine. Il faut que le secrétariat de notre Parti le lui fasse comprendre, lui redonne courage et l’aide efficacement dans l’important travail qu’il reste à accomplir151.
74On pourrait citer d’autres exemples. Le congrès d’Arles de 1937 accorde une attention particulière à ces situations :
Mais l’un des principaux devoirs de toute organisation communiste c’est de veiller à la santé du militant et de faciliter sa vie familiale. Ce n’est pas un gain pour le Parti lorsque ce militant s’épuise, que sa santé s’envole. C’est une perte cruelle152.
Il faut mener la guerre au surmenage, aux soirées trop nombreuses passées dans les réunions intérieures et les meetings. Nous avons subi la perte la plus cruelle, il y a à peine trois mois. La mort nous a arraché Vaillant en pleine jeunesse, en pleine force intellectuelle. Il est mort à la tâche153.
75Toutefois la fatigue peut être au contraire mise en avant, valorisée comme marque de dévouement au parti et à sa cause : c’est malgré la fatigue mais à travers elle que le don de soi s’exprime. La forte angine de Barthélémy Ramier, secrétaire de la Loire, signalée dans un encart du Cri du peuple, est contractée « au cours des différentes réunions dans lesquelles il s’est dépensé sans compter154 ». Dans Fils du peuple, la fatigue et les soucis physiques soulignent l’ampleur du dévouement155. D’où les difficultés pour trouver des indices sur cet épuisement, voire ce découragement.
Un épuisement rarement exprimé par les intéressé-e-s, dans des univers qui valorisent à l’inverse dévouement et sacrifice et qui s’ancrent dans des représentations du travail plutôt masculines et structurées autour des valeurs de force et d’endurance. Malgré ce refoulement, il n’est pas rare, pour l’historien de relever a posteriori, au détour d’un courrier ou d’un rapport interne, les plaintes contre l’accumulation des tâches et des responsabilités militantes, avec pour corollaire les récriminations contre la passivité des camarades156.
76Ces remarques touchent en effet à la dimension sacrificielle de l’engagement communiste, ainsi qu’au don de soi. Le militant donne tout pour la cause et son parti. Léon Nicod, secrétaire régional du Doubs, qui a perdu un de ses fils qui se noie accidentellement lors d’une fête du parti, conclut ainsi son autobiographie :
Je n’ai pas été beaucoup connu je crois par les dirigeants du Parti, mais ayant tout donné à celui-çi [sic] depuis 20 ans, temps, argent, situation et même mes enfants, je me soumets sans crainte à leur jugement et au témoignage des camarades que j’ai déjà cité dans le corps de mon auto-biographie157.
77Le cadre communiste est érigé en modèle de dévouement, de sacrifice et d’abnégation :
leur désintéressement total, leur esprit d’abnégation, de sacrifice pour la cause du communisme sont illimités. Leur amour du Parti, leur foi ardente en notre succès final, guident leur action. […] c’est chez eux que l’on rencontre le dévouement le plus sublime158.
78Mais la souffrance et les contraintes ne suffisent pas à expliquer l’ampleur de l’engagement « total ». Il y a une part d’exaltation et d’enthousiasme, bien plus de « bonheur militant », qui permet de traverser des situations difficiles. La certitude d’être dévoué à la bonne cause, la proximité de l’horizon de la victoire finale, la « croyance en un futur parfait159 » permettent de supporter les conséquences d’une activité importante160. Pour André Moine, « on était poussé par la menace, impulsé par le mouvement, aspiré par la perspective161 ». Il ajoute :
On était, en même temps, comme tiré par la volonté révolutionnaire. Vers 1930 j’étais convaincu que dans les dix ans à venir, nous aurions « fait la révolution » et on était soulevé par le souvenir des révolutionnaires de 1789, des héros de la Commune, des « bolchevicks » de 1917. La vie d’un militant s’identifiait à la révolution classique dont l’histoire nous fournissait des exemples.
79On le voit, c’est la construction de l’ethos du militant fondé sur des ressorts politiques, des mécanismes intériorisés, qui sont justifiés par l’idéologie bolchevique « qui évoque si immédiatement les souvenirs français de la passion sans-culotte et de la rigueur jacobine162 ». Le militant « tient », accepte les contraintes, voire les sacrifices, parce que l’engagement donne un sens à sa vie, et lui procure, à côté des peines, des joies qui les compensent et des rétributions symboliques, même faibles, qui valorisent l’individu.
De l’art de diriger
Les qualités attendues d’un secrétaire régional
80Établi dans une fonction dirigeante, le secrétaire régional doit répondre à un certain nombre d’attentes de l’institution afin de mener à bien la tâche qui lui est confié. Imprégné des références au modèle thorézien, il doit, pour accomplir ses fonctions, se révéler en conformité avec un certain nombre de qualités plus ou moins explicitées.
Quel est le critérium qui doit nous inspirer dans le choix des cadres ? […] 1 Le dévouement le plus profond à la cause de la classe ouvrière, la fidélité au Parti, vérifiés dans les combats […] 2 La liaison la plus étroite avec les masses. […] 3 la capacité de s’orienter soi-même […] 4 L’esprit de discipline et la trempe bolchevique […]163.
81Des considérations très matérielles entrent en compte dans l’évaluation du cadre lorsqu’il s’agit de vérifier sa conformité aux principes. L’« attachement au parti » se mesure ainsi à de petits gestes, démontrant ou non le dévouement du militant. Ainsi, en septembre 1937, Corbin, secrétaire régional de la Manche « est un camarade qui a tout ce qu’il faut pour se développer. Mais, il n’est pas encore attaché à fond au Parti164 ». Pourquoi ? Participant en juillet à la réunion du comité central à Montreuil, il demande à se faire rembourser les journées de travail perdues à l’arsenal de Cherbourg. Or, il s’avère que Corbin avait perçu la rémunération de ces journées à l’arsenal. De plus, pressenti pour l’école centrale de six mois, Corbin déclare vouloir y aller « à la condition de toucher en dédommagement l’intégralité de sa paye, les primes en plus ». Aux yeux du délégué du CC :
Cela démontre que ce camarade ne comprend pas qu’une des forces essentielles du Parti, réside dans le dévouement de ses membres. Ce camarade est à mon avis susceptible d’être amélioré dans le sens de son attachement de plus en plus grand au parti165.
« Le secrétaire régional, les secrétaires de sections ont toujours tendance à tout faire par eux-mêmes166. »
82L’un des mantras présents dans le vocabulaire des représentants du centre est la capacité du secrétaire régional à organiser le « travail collectif ». L’efficacité d’un secrétaire est évaluée à sa capacité à répartir le travail parmi ses camarades, et à ne pas concentrer entre ses mains les tâches à accomplir. Lucien Carré, secrétaire régional de la Haute-Saône, l’écrit ainsi : « nous prenons des décisions après l’avis des uns et des autres et moi, en tant que secrétaire, j’applique ou je transmets167 ». Ce qui n’empêche pas un envoyé du CC de noter quelques mois plus tard une « absence totale de travail collectif168 » dans cette même région. Henri Delannoy, dirigeant de la région rennaise, semble se « couvrir » en déclarant dans un rapport que « notre BR fonctionne d’une façon très irrégulière et il m’arrive fréquemment que je suis obligé de prendre seul une décision sans consulter les autres camarades169 ».
83Le rapport d’Amand Brault à la réunion du comité régional de Picardie est jugé très bon par Henri Gourdeaux, représentant le CC et membre important de la commission des cadres du parti. Mais il « revêt un caractère personnel et n’est pas le fruit d’un travail collectif de la direction régionale170 ». Gourdeaux ajoute :
D’ailleurs, cette tendance à l’isolement, au travail personnel, à sous-estimer le travail collectif de la direction régionale, date de toujours et s’il y a une amélioration, elle n’est pas très sensible. Conseiller le travail collectif aux autres, c’est fort bien, mais il faut donner soi-même l’exemple.
84Le constat est sensiblement le même dans les Basses-Pyrénées : « le Bureau régional se réduit à Moine. C’est lui qui cause, c’est lui qui donne son impression et il semble étouffer tous les autres militants171 », ce qui a pour conséquences de « fai[re] dire aux jeunes camarades du Parti “heureusement que nous avons Moine”172 ». Cette trop grande concentration du travail militant est également relevée chez la secrétaire régionale du Calvados : « la camarade BUFFARD accapare le travail, fait tout, dit tout » estime Raymond Bossus après avoir assisté à une assemblée d’information de la région du Calvados173.
85Parfois, le travail est réparti par les envoyés du centre eux-mêmes. Ainsi, en Tarn-etGaronne, la visite de la direction régionale aux cellules nécessite « de se montrer assez fermes avec quelques vieux membres du Parti qui par leur sectarisme empêchent tout travail du Parti (plusieurs n’ont pas voulu voter socialiste ou radical au deuxième tour). » Or, le secrétaire régional « manque de fermeté et se laisse dominer par ces gars-là. » En conséquence, « dans le B[ureau] R[égional] nous trouverons des Camarades qui pourront assurer ce travail indispensable174 ». Le processus de réctification n’est pas toujours aussi aisé. Les résistances d’un secrétaire régional peuvent être fortes, comme le montre l’exemple de la Saône-et-Loire. Début 1934, il est reproché à Théodore Vielle, son secrétaire, de diriger la région seul, en l’absence de tout travail collectif au sein d’un secrétariat et d’un bureau. De plus, Vielle, cheminot, serait menacé de sanctions, ce qui inquiète le délégué du centre, au cas où celui-ci serait déplacé par son employeur. Or, « aucun camarade n’a voulu accepter de faire partie du Secrétariat et VIELLE lui-même s’est refusé à faire des propositions, prétextant qu’il ne voyait aucun copain pouvant préalablement prendre en main la direction de la région175 ». « Il est animé d’une espèce d’ambition le poussant à dominer et à diminuer tous ceux qui risquent de se présenter comme dirigeants176. » Même problème en Charente-Inférieure, où Geoffroy, secrétaire régional, épinglé à plusieurs reprises pour sa propension à travailler « sans consulter personne177 », « persiste toujours dans sa volonté de s’opposer à l’introduction des méthodes d’activité collective dans la région178 ».
86Un tel travail collectif ne peut se mener que si le secrétaire régional possède « l’autorité » nécessaire.
La direction régionale a besoin d’acquérir plus d’autorité qu’elle n’en a actuellement, particulièrement le camarade MESSEAU qui apparaît encore trop comme « un bon petit gars » […] mais pas assez comme un dirigeant179.
87Lorsque Seinforin se rend dans la Nièvre, il constate une multiplication de conflits, ainsi qu’un manque, voire une absence de contrôle sur certaines municipalités : « Le sec[rétaire] reg[ional] dit que lui n’a pas assez d’influence pour mettre un terme à cette situation180. » Ici l’autorité du secrétaire régional se heurte aux volontés d’autonomie de certains élus locaux, qui tentent d’échapper au contrôle de la direction régionale. Une situation qui reste cependant exceptionnelle au regard des archives consultées. Dans le Tarn-et-Garonne, le secrétaire régional : « est certainement un bon camarade, très dévoué au Parti. Mais il est politiquement assez faible, manquant de fermeté et n’ayant pas tout l’autorité que doit avoir un secrétaire régional sur l’ensemble du Parti181 ». Cette autorité n’a de sens que si elle provient d’un mandat implicite des « masses », si elle est reconnue par les militants sur lesquels s’exerce cette autorité :
On n’est pas un bon secrétaire de cellule locale tant qu’on n’a pas acquis une autorité reconnue par les habitants du quartier ou de la rue, tant qu’on n’est pas reconnu par eux comme le porte-parole naturel de leurs doléances […]182.
L’autorité des dirigeants des organisations du Parti doit être avant tout fondée sur le fait que la masse voit en eux des chefs et qu’elle se convainc par sa propre expérience, de leurs aptitudes de chefs183.
88Cette autorité légitime alors la position de dirigeant. En revanche, « la politique de la trique184 », l’autoritarisme est vivement combattu. En Garonne, Berlioz dénonce « les méthodes mécaniques et autoritaires du secrétaire régional185 ». Elles découragent les adhérents, cassent l’enthousiasme militant, annihilent les énergies. Le dirigeant de l’Aveyron est ainsi accusé de « paralyser l’activité collective du parti » et d’« écraser les camarades186 ». Un délégué du centre évoque les reproches formulés à l’encontre du secrétaire des Alpes-maritimes : « sa brusquerie, sa sécheresse187 ». Quant à Marcel Barbot, dirigeant de la Nièvre, s’il est un « bon camarade », est aussi « trop froid188 ».
89Car l’art de diriger passe par une multitude d’attitudes, de « savoir-être » qui conditionnent la figure du « bon » cadre communiste. Devant un parterre de secrétaires régionaux, Maurice Thorez insiste sur la nécessité de « connaître les hommes, apprécier les hommes189 », « les connaître pas seulement dans leur activité mais dans la vie, à eux ; pas être entre nous les cafards et les mouchards, mais on peut même connaître sa vie personnelle pour l’aider si possible ». Tâche difficile dans un parti qui compte ses adhérents par dizaine de milliers… Le secrétaire général insiste sur ce point, relève l’importance des causeries avant et après les réunions. « Je connais des secrétaires régionaux qui, lorsqu’ils vont faire des réunions, partent toujours avant la fin parce qu’ils n’ont pas le temps de discuter. » Or, le dirigeant doit savoir écouter et faire parler ses camarades. « Un secrétaire régional […] ne perd pas son temps lorsqu’il s’entretient avec un camarade sur son travail, les difficultés qu’il rencontre, sa situation personnelle […]. Il apprend ainsi à connaître les cadres de sa région190 » rappelle Henri Janin quelques mois plus tard. Giulio Ceretti qui, sous le pseudonyme d’Allard, visite en tant que délégué du CC la région de l’Allier, dresse un portrait quasi-idéal de son secrétaire, Marcel Guyot.
Par sa méthode dans l’organisation de la conférence, par son calme tranquille et sa sensibilité politique montré [sic] tout au long des travaux Guyot s’est affirmé à mes yeux comme un de nos meilleurs dirigeants régionaux. Dommage qu’il pousse sa modestie jusqu’à l’exagération191.
90Le fait que Guyot ne soit pas un militant appointé donne selon Allard « une preuve de plus du sérieux du secrétaire régional et de ses qualités de dirigeant du parti ». Évidemment toutes ces qualités ne peuvent se trouver que chez des militants déjà pourvus d’une certaine expérience. L’écart moyen entre l’adhésion au parti et la prise de fonction de secrétaire régionale est établi à 9 ans et deux mois192. Bien entendu ce chiffre, légèrement surévalué, masque des situations diverses. L’exemple le plus frappant d’inexpérience militante est celui de Georges Martin, qui prend la tête de la région des Savoies en 1934. Or :
Le secrétaire, Martin, un camarade cheminot qui n’est membre du Parti que depuis mai 1934 et qui, auparavant, n’avait jamais été organisé, même au point de vue syndical, et qui, d’ailleurs, était nommé secrétaire régional trois mois après son adhésion au Parti193.
91Bien entendu la suite du rapport ne peut que constater les « faiblesses » d’un dirigeant qui, malgré les nombreuses difficultés qui surgissent, conserve ses fonctions jusqu’à l’interdiction du parti.
92Un seul de nos militants meurt au cours de l’exercice de son mandat de secrétaire régional194. Il s’agit de Raymond Meunier, dirigeant de la région Paris-Ouest, la plus forte du parti en 1937, et qui meurt dans un accident de voiture en revenant d’une tournée dans le Calvados. La nécrologie est alors l’occasion de mettre en avant les qualités du dirigeant, d’exposer quelques éléments édifiants de son parcours afin d’offrir un exemple aux militants. « Aimé et respecté195 », Meunier fut « le meilleur » pour les membres de son comité régional « qui se dépensait sans compter pour le triomphe de l’idéal communiste qui, seul, avec sa famille, comptait dans sa vie196 ». L’importance accordée à la place de la famille doit bien entendu être soulignée : un bon communiste prend soin de sa famille197, dimension ici distincte de l’engagement, mais mise sur le même pied. D’une famille à l’autre, à la « grande », celle du parti, il n’y a qu’un pas, et un commun engagement au bonheur, des siens ou du peuple. Et tant pis si les divers rapports écrits par le passé sur Meunier sont loin d’être flatteurs198, il s’agit ici d’exposer un modèle, quitte à forcer le trait ou à dissimuler certains aspects. « Valeureux et modeste pionnier de la cause du peuple199 », il accomplit avec abnégation « cette tâche écrasante » de diriger la région. Marcel Cachin, lors de son oraison funèbre, inscrit le parcours de Meunier dans celui des métallurgistes parisiens : « c’était un ouvrier parisien, fin, délicat, intelligent, souriant, gouailleur, comme ses compagnons de la mécanique de précision de notre région parisienne ». Plus qu’un leader ouvrier, Meunier « ne négligeait aucune de ses tâches complexes de dirigeant. Il n’oubliait pas qu’il avait charge de guider200 vers notre Parti toutes les catégories de travailleurs, ceux des classes moyennes et les paysans de la région ouest ». Meunier est l’incarnation même du cadre thorézien de l’époque du Front populaire : un « métallo » de la région parisienne, dont la nécrologie égraine les qualités qui ont fait de lui un secrétaire régional « idéal » :
D’autres jeunes hommes se lèveront à leur tour et saisiront le flambeau qui est tombé de ses mains énergiques. Qu’ils suivent le modèle que leur laisse cet ouvrier modeste et probe qui a si honnêtement tracé son rude sillon ! Qu’ils soient comme lui hardis d’esprit, désintéressés, attachés sans aucune défaillance à leur classe et prêts à tous les sacrifices !
Directions ou cercles dirigeants ?
93Serge Wolikow évoque l’emploi de la notion de « cercle dirigeant » plutôt que de direction :
elle désigne autant les pratiques collectives effectives de l’activité dirigeante que la dénomination officielle des attributions des dirigeants. Ces deux approches sont nécessaires, car bien souvent la participation à l’activité dirigeante associait de façon régulière des cadres qui n’avaient pas de légitimité institutionnelle, des conseillers, des collaborateurs dont le rôle était pourtant essentiel. À l’inverse, certains de ceux qui en avaient le titre n’assuraient pas de rôle dirigeant effectif201.
94Cette notion peut à notre avis être employée lorsque l’on se penche sur les pratiques réelles des directions régionales. Par-delà les secrétariats collectifs, qui actent le partage des tâches entre plusieurs dirigeants, on peut ici s’attarder sur les rapports des envoyés du centre qui font parfois la distinction entre les secrétaires régionaux et les « véritables » dirigeants.
95L’auteur d’un rapport sur la région du Cantal estime ainsi que « le camarade nettement en désaccord [avec l’orientation du parti], instituteur, Escuroux est celui qui au fond, dirige la région et apparaît devant les ouvriers202 ». Ces mots nous rappellent également la fonction de représentation qui incombe au secrétaire régional. Non seulement il dirige le travail du parti, mais il « apparaît » aux yeux des « ouvriers » comme incarnant le parti. Ici un instituteur, Escuroux, prend la place de Aymard, employé des Postes, non permanent. Dans une lettre d’Henri Janin à Maurice Tréand, rendant compte de la situation dans la Manche, il est indiqué que le rapport d’activité du comité régional fut présenté, non par le secrétaire régional mais par le camarade Rouxel, un instituteur membre du bureau régional. « J’emporte le sentiment que le B[ureau] R[égional] est extrêmement faible et que le camarade Rouxel qui, bien que n’ayant pas le poste de secrétaire, est en vérité l’animateur du BR, sous-estime complètement le travail d’organisation.203 » Quelques mois plus tard, la situation est identique : c’est Peyrat cette fois qui constate que : « Les dirigeants politiques réels sont Pierre Rouxel et sa femme, instituteurs tous les deux204. » On retrouve ici à la fois le groupe social des instituteurs, et la marque des couples militants. Corbin, le dirigeant officiel, est chaudronnier, et n’est pas rémunéré pour son poste de secrétaire régional. Dans le Tarn :
La direction de la région serait en fait assurée non par le secrétaire régional – AUGUSTIN Élie (employé de commerce) mais par trois professeurs : PARREAUX205, GARAUDY206, et ÉGRETAUD207 [… ] Tout dans la Région est basé sur l’activité des trois professeurs lesquels eux-mêmes doivent prochainement quitter la région208.
96Le Cantal, la Manche, le Tarn… De « petites » régions du parti, des régions « faibles » (242 adhérents en septembre 1936 dans la Manche, 360 à 380 adhérents dans le Tarn en 1937) et qui donc n’ont pas les moyens, si elles le souhaitaient, de rémunérer un permanent. Des instituteurs ou des professeurs, déjà bien présents dans les directions régionales, apparaissent ainsi comme « substituts » au secrétaire régional. En fait Pierre Rouxel avait déjà été pressenti pour diriger la région de la Manche : mais en 1934, alors qu’il vient d’être élu au comité de la région normande, un rapport estimait qu’il « lui sera impossible de le faire publiquement, ayant déjà été victime de la répression et étant particulièrement visé209 ». On retrouve néanmoins ici cette tendance de la part de militants exerçant des professions intellectuelles, bien pourvus en capital scolaire, maîtrisant les codes de la prise de parole et de l’écrit, à occuper les places de directions dans les organisations. Processus contre lequel les dirigeants communistes et l’IC mènent une lutte acharnée depuis les années 1920. Le centre peut tolérer de telles situations lorsqu’elles ne remettent pas en cause l’orientation du parti (c’est le cas dans la Manche), mais s’en inquiète davantage quand celle-ci est critiquée (dans le cas du Cantal). D’autres exemples de cas semblables surgissent à la lecture des archives, où le secrétaire régional semble manquer à son devoir de représentation. Dans le Jura, c’est « Barthélémy qui fit une excellente intervention et apparu comme le véritable dirigeant politique de la région ferme, persuasif et passionné210. » Or, René Lopin est toujours officiellement le dirigeant de la région, même si sa position est précaire. Dans l’Aisne, le secrétaire « Pelat n’a pas su créer une influence de masse et les non-membres du Parti voient surtout celui-ci à travers Cambier211. » Or le-dit Cambier212 apparaît, sinon suspect, du moins comme nécessitant de corriger certains traits de son comportement. « J’ai eu […] l’impression que Cambier […] s’entoure d’une cour d’adorateurs, qu’il aime identifier le Parti à sa personne […]. J’ai l’impression que ce camarade […] peut être corrigé de son défaut de vanité qui, trop souvent, l’isole du travail collectif213 ». Ce type de situation souligne la difficulté de reconstituer l’organigramme des secrétaires régionaux du fait justement de militants aux responsabilités non officielles mais jouant un rôle central dans la direction régionale. Jean Bruhat en est l’exemple à la fois localement et nationalement. Après avoir été « l’âme214 » du communisme dans la région Atlantique, il continue sur cette voie, conseillant Maurice Thorez alors qu’il n’appartient pas aux instances dirigeantes nationales215. Ce phénomène invite à penser la place des intellectuels dans le parti. En effet ces situations mobilisent bien souvent des militants instituteurs, professeurs, au bagage scolaire plus étoffé que la majorité des secrétaires régionaux qui sont avant tout des « primaires ».
97Mais ce type de situation ne peut qu’interpeller le centre. Marcel Gitton, secrétaire à l’organisation prend l’exemple du Vaucluse lors de la conférence des secrétaires régionaux d’octobre 1937 : « Je demanderai même à ce que le secrétaire régional soit effectivement secrétaire régional, qu’il ne soit pas simplement le second dans sa région, qu’il ne soit pas simplement l’exécuteur d’une politique décidée par un autre camarade216. »
98Si ces situations constituent une exception au fonctionnement des régions, elles soulignent le rôle des enseignants, souvent présents mais en retrait, qui aux côtés de militants plus conformes aux critères de sélection alors en vigueur, participent à la marche de la direction régionale, au point parfois d’éclipser le rôle du secrétaire régional. Si ces situations peuvent être tolérées dès lors que la bonne marche du parti n’est pas remise en cause et que sa ligne n’est pas critiquée, elles sont tout de même pointées du doigt par une direction vigilante à ce que la transformation en partie de masse n’altère pas la prépondérance de cadres ouvriers et ne perturbe pas les organigrammes validés en amont.
Notes de bas de page
1 PUDAL Bernard, « Les communistes », op. cit., p. 59.
2 RGASPI 517/1/1819, feuillet 29, Rapport régional de la région Picarde, St-Denis, 24 juin 1936.
3 Voir chapitre 2.
4 En capitales dans le texte.
5 VIGREUX Jean, Waldeck Rochet, une biographie politique, La Dispute, 2000, p. 41.
6 RGASPI 517/1/, feuillet 15, Rapport de la région Picarde, juin 1935.
7 Par exemple : RGASPI 517/1/1815, feuillet 70, Rapport sur la conférence des Ardennes, 29 décembre 1935, « les critiques furent d’ailleurs faites par les délégués sur le manque absolu de liaison vivante de la direction régionale avec les organisations de bases » (souligné dans le texte).
8 RGASPI 517/1/1861, feuillet 16, Conférence des secrétaires régionaux du 30 octobre 1937.
9 MOLINIER Louis, Un militant..., op. cit., p. 136.
10 GITTON Marcel, La grande famille communiste. Rapport sur les questions d’organisation : IX congrès du Parti communiste-Arles du 25 au 29 décembre 1937, Éditions du Comité populaire de propagande, 1938, p. 25.
11 Témoignage paru dans Hommage à Marguerite Flavien-Buffard, Presses Guillemot et Lamothe, 1945, cité dans LANGEOIS Christian, Marguerite. Marguerite Buffard-Flavien, 1912-1944, Paris, Le Cherche Midi, 2009, p. 74-75.
12 BAREL Virgile, Cinquante années de lutte, Paris, Éditions sociales, 1966, p. 70.
13 Ibid., p. 71.
14 PLISSONNIER Gaston, Une vie pour lutter, Messidor/Éditions sociales, 1984, p. 19.
15 CHAZE Henri, Un communiste ardéchois dans le siècle, Les Allobroges, 1994, p. 54.
16 ROBRIEUX Philippe, Histoire intérieure..., op. cit., p. 479.
17 FAJON Étienne, Ma vie s’appelle liberté, Paris, Robert Laffont, 1976, p. 86.
18 GITTON Marcel, La grande famille..., op. cit., p. 10.
19 QUELLIEN Jean, Le Calvados au temps du Front populaire, Caen, Éditions du Lys, 1996, p. 185.
20 LANGEOIS Christian, Marguerite..., op. cit., p. 58.
21 QUELLIEN Jean, Le Calvados..., op. cit., p. 129.
22 BOSWELL Laird, Le communisme rural en France : Le Limousin et la Dordogne de 1920 à 1939, PULIM, 2006, p. 202.
23 BAREL Virgile, op. cit., p. 71-72.
24 VIGREUX Jean, La faucille après le marteau. Le communisme aux champs dans l’entre-deux-guerres, Besançon, PUFC, 2012, p. 241.
25 RGASPI 517/1/1815, feuillet 328, Lettre n-s [Signor] au secrétariat du Parti, 22 décembre 1936.
26 RGASPI 495/270/17, dossier biographique d’Alain (Le) Signor.
27 RGASPI 517/1/1863, feuillet 125, Lettre de Colin [au secrétariat], Kérity, le 5 janvier 1937.
28 Voir le tableau récapitulatif en annexe n° 11.
29 N’apparaissent pas dans ce calcul les nombreux articles d’É. Fajon. Ils feraient sans doute augmenter d’autant plus ce chiffre sur les thèmes liés à la formation des militants.
30 JAMET Claude, Notre Front populaire. Journal d’un militant (1934-1939), Paris, La Table ronde, 1977, p. 32. Jamet évoque ainsi sa rencontre avec Louis Gatignon, secrétaire régional du Cher à la Maison du Peuple de Bourges, où se trouve le siège du PC.
31 Compte rendu de la conférence régionale des 17 et 18 octobre 1936 à Lille, Parti communiste (région du Nord), 1936, p. 23
32 OLLIER Louis, « Notre Parti va avoir sa maison », Le Cri du peuple, 28 janvier 1937.
33 517/1/1864, feuillet 44, Lettre de Guilleminault [au secrétariat du PC], Périgueux, 5 novembre 1937.
34 MIOCH Philomen, Les tribulations d’un ouvrier agricole, Nîmes, 1984, p. 127.
35 Ibid., p. 143.
36 RGASPI 517/1/1747, feuillet 140, Région rennaise du Parti communiste. Rapport sur la situation régionale, 10 juin 1935.
37 NORA Pierre (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984 ; KOHN Margaret, Radical Space : Building the House of the People, Ithaca, Cornell University Press, 2003 : pour un exemple local, voir COLLECTIF, Un siècle militant. Les lieux de la mémoire militante en Limousin, Mémoire ouvrière en Limousin/CRDP, 2001.
38 RGASPI 517/1/1863, feuillet 301, Rapport sur le camarade Benielli, n-d [courant 1937].
39 RGASPI 517/1/1891, feuillet 185, Lettre de Devez à Loche, Paris, 18 mai 1938.
40 RGASPI 517/1/1746, feuillet 38, Parti communiste, région Drôme-Ardèche, Rapport d’organisation de la région, 28 juin 1935.
41 RGASPI 517/1/1819, feuillet 94, Courrier du délégué du centre au Secrétariat du Parti, Perpignan, 29 août 1936.
42 RGASPI 517/1864, feuillet 74, Délégation à la conférence du Doubs, juillet 1937.
43 RGASPI 517/1/1666, feuillet 98, 13 février 1934.
44 RGASPI 517/1/, feuillet 180, Tournée du 17 au 25 octobre [1936] faite par Fouchard et Petit dans la région Atlantique Loire-Inférieure et Vendée.
45 MOINE André, Regards critiques..., op. cit., p. 82.
46 Ibid., p. 86.
47 RGASPI 517/1/1816, feuillet 220, Conférence régionale de la région Côte-d’Or-Yonne, 5 janvier 1936.
48 RGASPI 517/1/1863, feuillet 129, n-s, n-d, courant 1937.
49 RGASPI 517/1/1864, feuillet 4, Conférence de la région des Deux Savoies du 12 décembre 1937 à Albertville.
50 RGASPI 517/1/1746-Feuillet 247, Comité régional d’Indre-et-Loire, le 3 mars 1935 à Tours.
51 MOINE André, Regards..., op. cit., p. 79.
52 BOSWELL Laird, Le communisme rural en France : le Limousin et la Dordogne de 1920 à 1939, PULIM, 2006, p. 202. Rappelons que Joseph Biaugeaud est secrétaire régional Corrèze en 1935.
53 Ibid., p. 203.
54 « Quelques extraits du discours de Martha Desrumeaux », L’Enchaîné, 6 octobre 1936.
55 OUZOULIAS-ROMAGON Cécile, J’étais agent de liaison FTPF, Éditions Messidor, 1988, p. 41.
56 Voir chapitre 1.
57 OUZOULIAS-ROMAGON Cécile, op. cit., p. 42.
58 Ibid., p. 51.
59 D’autant plus qu’un « communisme familial » peut se développer. On pense à Jean Nicod, fils de Léon Nicod et militant JC, à la famille Romagon dont tous les enfants sont au JC, à Joseph Hentgès dont les trois fils aînés sont au parti, à Bouloux dont la fille de 20 ans a créé une section de l’UJFF…
60 ROQUIER-DROUILLAS Jeanne et THOUANEL-DROUILLAS Renée, Émile Drouillas dit Laporte, militant ouvrier, 1978, p. 128.
61 Ibid., p. 129 et 145.
62 RGASPI 517/1/18, feuillet 294, Lettre de Colin en tournée dans le Tarn-et-Garonne. Montauban, le 15 octobre 1936.
63 RGASPI 495/270/3366, autobiographie d’Henri Boyer, 2 septembre 1937.
64 Y compris assurant un intérim, comme Jean Bartolini en 1938.
65 Nous ne disposons pas de la liste des présents à cette réunion. En revanche, on compte dix secrétaires régionaux parmi les trente-huit intervenants ; Réunions du Comité central du PCF 1921-1977, t. 1, 19211939, op. cit., p. 329 ; et RGASPI 517/1850, CC des 22 et 29 juillet 1937, sténographie des séances.
66 RGASPI 517/1/1879, CC des 27 et 28 mai 1938, sténographie des séances. Huit secrétaires régionaux sur les vingt intervenants.
67 WOLIKOW Serge, « Présentation historique » in Réunions du Comité central du PCF 1921-1977, t. 1, 19211939, Conseil général de la Seine-Saint-Denis, Fondation Gabriel Péri, 2007, p. 16.
68 RGASPI 495/270/3713, autobiographie de Georges Pelat, 25 septembre 1937.
69 BOULLAND Paul, Acteurs et pratiques de l’encadrement communiste à travers l’exemple des fédérations PCF de banlieue parisienne (1944-1974), thèse de doctorat, Paris I, 2011, p. 494.
70 Cette crainte n’est pas l’apanage du seul PCF, lire notamment MORIN Gilles, « L’image des élus locaux », in VIGREUX Jean et WOLIKOW Serge (dir.), Rouge et rose, deux siècles de socialisme européen, Dijon, EUD, 2007, p. 159-174 ; CASTAGNEZ Noëlline, « Discipline partisane et indisciplines parlementaires », Parlement[s]. Histoire et politique, n° 6, 2006, p. 40-56.
71 BELLANGER Emmanuel, Ivry, banlieue rouge. Capitale du communisme français, XXe siècle, Créaphis, 2017, p. 215.
72 PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit., p. 65.
73 PENNETIER Claude, « Le mandat municipal dans l’itinéraire militant », in GIRAULT Jacques (dir.), Des communistes en France (années 1920-années 1960), Publications de la Sorbonne, 2002, p. 319.
74 Ibid., p. 320.
75 THOREZ Maurice, Les communistes et le Front populaire. Discours prononcé à la session du comité central du PC des 1 et 2 novembre 1934, Les publications révolutionnaires, 1934, p. 36.
76 RGASPI 517/1/1860, feuillet 148, Conférence des secrétaires régionaux, Gentilly le 27 avril 1937.
77 Bien que le PCF présentât (en toute illégalité) des femmes aux élections, ni Martha Desrumeaux ni Marguerite Buffard ne firent partie de ces cas-là.
78 RGASPI 517/1/1839, feuillet 6, Congrès d’Arles, séance d’ouverture.
79 Voir notamment les rapports concernant la région des Ardennes de décembre 1935 à mars 1936 sous la cote RGASPI 517/1/1815, feuillets 70 à 124.
80 PIN André, « Magnifique Assemblée Régionale prélude de victoires futures », Le Cri des travailleurs, 16 mai 1936, p. 4.
81 OLIVESI Dominique, Virgile Barel..., op. cit., p. 107.
82 RGASPI 517/1/1666, feuillet 119, Rapport sur l’activité de la Région sud-est, 30 mars 1934, par François Billoux.
83 RGASPI 494/1/193, Intervention de Charles Nédélec au VIIe congrès de l’IC, 31 juillet 1935.
84 Notice Maitron, par Yves Le Maner.
85 BAREL Virgile, Cinquante années de luttes, Éditions sociales, 1966, p. 110.
86 GITTON Marcel, La grande famille communiste..., op. cit., p. 31.
87 RGASPI 517/1/1818, feuillet 21, Courrier de Nédélec à Billoux, La Ciotat, 26 juillet 1936.
88 PUDAL, op. cit., p. 71-72.
89 Notice Maitron, par Jean Lorcin.
90 BELLANGER Emmanuel, « Le “communisme municipale” ou le réformisme officieux en banlieue rouge », in BELLANGER Emmanuel et MISCHI Julian (dir.), Les territoires du communisme. Élus locaux, politiques publiques et sociabilités militantes, Armand Colin, 2013, p. 29.
91 BELLANGER Emmanuel, Ivry, banlieue rouge..., op. cit.
92 RGASPI 495/270/1054, autobiographie de Joseph Navoizat, 6 mai 1937.
93 RGASPI 495/270/2734, autobiographie de Marcel Barbot, 2 août 1938.
94 GITTON Marcel, La grande famille communiste. Rapport sur les questions d’organisation : IX congrès du Parti communiste-Arles du 25 au 29 décembre 1937, Éditions du Comité populaire de propagande, 1938, p. 29.
95 RGASPI 517/1/1860, feuillet 345, Conférence des secrétaires régionaux, Gentilly le 27 avril 1937.
96 Ibid.
97 Sur la construction du cadre thorézien lire PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit.
98 Même si l’expression n’est pas encore employée à l’époque.
99 PUDAL Bernard, Prendre parti..., op. cit., p. 207.
100 GILLOT Auguste, Un Forgeron dans la cité des rois, Dourdan-Longjumeau-Saint-Denis, 1991, Halles de Paris, p. 79.
101 CALAS Raoul, Souvenirs d’un condamné à mort, Éditions sociales, 1976, p. 82.
102 Ibid., p. 87.
103 Ibid., p. 65.
104 RGASPI 517/1/1891, feuillet 122, comité régional de la Charente-Inférieure. Le 6 février 1938 à Rochefort.
105 GILLOT Auguste, Un forgeron dans la cité des rois, Longjumeau-Paris, Halles de Paris, 1986, p. 150. Cette question d’une mauvaise alimentation revient à plusieurs reprises dans son ouvrage.
106 Ce système est loin d’être un cas unique pour les permanents de cette époque. Voir par exemple THOUREL Marcel, Itinéraire d’un cadre communiste (1935-1950). Du stalinisme au trotskysme, Toulouse, éditions Privat, 1980 p. 79-80.
107 CALAS, Souvenirs..., op. cit., p. 87.
108 VASSART Albert, Mémoires, manuscrit, p. 370. Cité par René Lemarquis dans la notice Maitron de Sylvan Péronnet.
109 BOULOUQUE Sylvain, « Le mouvement communiste dans l’Aube entre les deux guerres », in COURTOIS Stéphane (dir.), Communisme en France. De la révolution documentaire au renouveau historiographique, Paris, Éditions Cujas, 2007, p. 77. Voir également RGASPI 517/1/1560, un dossier consacré à la région Troyenne et à ses difficultés, 1933.
110 GILLOT Auguste, Un forgeron dans la cité des rois Dourdan-Longjumeau-Saint-Denis, Halles de Paris, 1991, p. 77.
111 Sur la période post-Libération, lire notamment BOULLAND Paul, « Sortir du rang ? Rapports à l’usine des cadres ouvriers communistes », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 196-197, 2013, p. 54-71.
112 « Je voulais continuer à militer au Parti, tout en poursuivant mon activité professionnelle qui me procurait, d’ailleurs, quelques satisfactions. », MOLINIER Louis, Un militant..., op. cit., p. 89.
113 Ibid., p. 91.
114 Lettre de sa fiancée, Marguerite Buffard, à ses parents, juin 1939, citée dans LANGEOIS Christian,
Marguerite..., op. cit., p. 108.
115 CALAS Raoul, Souvenirs..., op. cit., p. 81 et 82.
116 RGASPI 517/1/1891, feuillet 16, Tournée de propagande de Le Troadec dans le Calvados du 1er au 20 mars 1938.
117 RGASPI 517/1/1819, feuillet 268, Courrier du Bureau régional aux Secrétaires de rayons et de cellules, Troyes, 27 juillet 1936.
118 BOULLAND Paul, Des vies en rouge. Militants, cadres et dirigeants du PCF (1944-1981), Ivry-sur-Seine, Éditions de l’Atelier/Éditions ouvrières, 2016, p. 247.
119 Comprendre « antimilitariste ».
120 Lire son autobiographie de janvier 1937, RGASPI 495/270/3736. Les secrétaires « dans le Nord, la Basse-Seine, la Lyonnaise, la Bordelaise » touchent 1 300 francs par mois selon un courrier de la direction du parti, RGASPI 517/1/1819, feuillet 42, Observations sur le budget présenté par la Région picarde, juillet 1936.
121 GAXIE Daniel, « Économie des partis et rétribution du militantisme », Revue française de science politique, n° 1 (27e année), 1977, p. 132.
122 RGASPI 495/270/3736, autobiographie de Pierre Parigaux 31 janvier 1937.
123 Voir les différentes autobiographies de Paul Billat, RGASPI 495/270/1365.
124 Notice Maitron de Jean Jérôme/Michel Feintuch, par René Lemarquis, Jean Maitron et Claude Pennetier.
125 RGASPI 495/270/1776, autobiographie de Félix Cadras, 13 décembre 1937.
126 Selon le convertisseur mis en place par l’INSEE, la somme de 1 080 francs de 1936 correspondrait à un pouvoir d’achat de 817,19 euros en 2019. Même s’il faut bien entendu prendre ces chiffres avec précaution, ils nous renseignent sur la condition très modeste des militants permanents, à l’image de la classe ouvrière d’alors.
127 MIOCH Philomen, Tribulations d’un ouvrier agricole, op. cit., p. 128.
128 Notice Maitron, par Jacques Girault.
129 Secrétaire de la région rennaise. Entre 1928 et 1930 il est rémunéré par le PC et entre 1933 et 1936 par la CGTU. Voir RGAPSI 495/270/8641 et le récit de sa vie par ses deux filles, ROQUIER-DROUILLAS Jeanne et THOUANEL-DROUILLAS Renée, Émile Drouillas..., op. cit.
130 En tant que secrétaire de la région troyenne entre 1925 et 1928 (1 000 francs mensuels) puis secrétaire de la région orléanaise en 1937 (1 200 francs mensuels). RGASPI 495/270/3588, autobiographie d’Henri Oudin.
131 RGASPI 495/270/8649, dossier biographique de Robert Jolly.
132 THOUREL Marcel, Itinéraire d’un cadre communiste..., op. cit., p. 78.
133 RGASPI 517/1/1663, feuillet 67, Rapport de la camarade L. Flamand sur la région Paris-Sud, 4 avril 1934.
134 RGASPI 517/1/1860, feuillets 352-353.
135 MONIER Frédéric Le complot..., op. cit.
136 RGASPI 495/270/3654, autobiographie de Alphonse Bouloux, 1938.
137 BOULLAND Paul, « Le burn-out des militant.e.s », site internet du Maitron, version remaniée et enrichie d’un article paru dans Politis, n° 1589, février 2020. Pour une mise en perspective historique lire VIGARELLO Georges, Histoire de la fatigue. Du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil, 2020.
138 Ce dernier cas n’apparaît pas dans notre corpus.
139 RGASPI 517/1/1819, feuillet 142, Courrier de Henri Delannoy au secrétariat du parti, Rennes, le 3 avril 1936.
140 RGASPI 517/1/1895, feuillet 41, Rapport de Baillet sur la situation dans le Calvados.
141 GILLOT Auguste, Un Forgeron…, op. cit., p. 150-151.
142 Ibid., p. 151.
143 Voir PENNETIER Claude et PUDAL Bernard, « Albert Vassart : le travail du doute », Le souffle..., op. cit., p. 323-348.
144 RGASPI 517/1/1860, feuillet 285, Conférence des secrétaires régionaux, Gentilly le 27 avril 1937.
145 RGASPI 517/1/1863, feuillet 81, feuillet 80, Conférence de la région Aube Haute-Marne, 4 et 5 décembre 1937.
146 Ibid.
147 RGASPI 517/1/1743, feuillet 253, Conférence de la Région bretonne, 29 décembre 1935.
148 RGASPI 517/1/1815, feuillet 308, Lettre de Signor au secrétariat du Parti, 17 juillet 1936.
149 RGASPI 517/1/1864, feuillet 125, Conférence région Finistère-Morbihan, 5 décembre 1937.
150 RGASPI 495/270/17, autobiographie d’Alain (Le) Signor, 1933.
151 RGASPI 517/1/1864, feuillet 240, Lettre de Marcel Prinsaud, Rayon de Saint-Junien au Secrétariat du Parti, 19 mai 1937. Prinsaud est membre du bureau régional.
152 « Le congrès d’Arles », La Brochure populaire, n° 7, janvier 1938, p. 26.
153 GITTON Marcel, La grande famille..., op. cit., p. 36. Il est fait allusion ici à la mort de Paul Vaillant-Couturier, à l’âge de 45 ans.
154 Le Cri du peuple, 15 février, n° 586.
155 CHAMBARLHAC Vincent, « L’héroïsation. Représenter, nécessité du Rassemblement populaire », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 2008, n° 103, p. 55-71.
156 BOULLAND Paul, « Le burn-out des militant.e.s ».
157 RGASPI 539/270/71, autobiographie de Léon Nicod, 1938.
158 GITTON Marcel, La grande famille..., op. cit., p. 21.
159 LAZAR Marc, « Le Parti et le don de soi », Vingtième siècle, revue d’histoire, vol. 60, 1998, p. 37.
160 MER Jacqueline, Le parti de Maurice Thorez ou le bonheur communiste français, Paris, Payot, 1977.
161 MOINE André, Regards critiques..., op. cit., p. 92.
162 MARTELLI Roger, L’empreinte communiste. PCF et société française, 1920-2010, Paris, Éditions Sociales, 2010, p. 189.
163 JANIN Henri, « Le problème des cadres et la vigilance dans le parti », annexe à La grande famille…, p. 41.
164 RGASPI 517/1/1865, feuillet 24, Tournée du camarade Peyrat. Département de la Manche du 17 au 29 septembre 1937.
165 Ibid., feuillet 28.
166 RGASPI 517/1/1863, feuillet 42, Délégation à Clermont-Ferrand, les 31 juillet et 1er août [1937].
167 RGASPI 517/1/1744, feuillet 233, Rapport sur l’état d’organisation de la région Haute-Saône au 15 juin 1935, séries de lettres de Lucien Carré.
168 RGASPI 517/1/1744, feuillet 242 Rapport sur la conférence régionale de la Région de la Haute-Saône, Belfort, 29 décembre 1935.
169 RGASPI 517/1/1747, feuillet 143, Région rennaise du Parti communiste. Rapport sur la situation régionale, 10 juin 1935.
170 RGASPI 517/1/1909, feuillet 25, Comité régional élargi de Picardie (Somme et Oise) le 11 juin 1939. Par Henri Gourdeaux.
171 (Souligné dans le texte) RGASPI 517/1/1909, feuillet 49, Lettre de Vallet à « Chers camarades » [secrétariat du parti], Gabarrat, le 10 mai 1939.
172 Ibid.
173 RGASPI 517/1/1891, feuillet 34, Rapport sur assemblée d’information Région du Calvados, 2 octobre 1938.
174 RGASPI 517/1/18, feuillet 295, Lettre de Colin en tournée dans le Tarn-et-Garonne, Montauban, le 15 octobre 1936.
175 RGASPI 517/1/1666, feuillet 62, Comité régional de Saône-et-Loire du 4 février 1934.
176 RGASPI 517/1/1746, feuillet 65, Rapport sur la tournée dans la Saône-et-Loire, décembre 1935.
177 RGASPI 517/1/1863, feuillet 200, Rapport sur ma délégation en Charente-Inférieure, février 1937.
178 RGASPI 517/1/1863, feuillet 221, Lettre de Gourget, La Rochelle, le 20 mars 1937.
179 RGASPI 517/1/1867, feuillet 86, Compte rendu de délégation dans la région Saône-et-Loire du 2 au 16 juin 1937.
180 RGASPI 517/1/1743, feuillet 124, Délégation au comité régional de la Nièvre, le 10 novembre 1935.
181 RGASPI 517/1/1909, feuillet 114, Délégation dans le Tarn-et-Garonne, du 3 au 12 janvier [1939].
182 GITTON Marcel, La grande famille..., op. cit., p. 32.
183 JANIN Henri, « Le problème des cadres... », op. cit., p. 41.
184 RGASPI 517/1/1, feuillet 250, Rapport sur la tournée dans l’Hérault, 28 août au 4 septembre 1938.
185 RGASPI 517/1/11661, feuillet 43, Conférence de la Région de la Garonne, avril 1934.
186 RGASPI 517/1/1890, feuillet 257, Lettre de Guilleminault à « Cher camarade », Aubin, le 20 mars 193[8].
187 RGASPI 517/1/1863, feuillet 41, Rapport sur ma délégation dans les Alpes-Maritimes. Décembre 1937.
188 RGASPI 517/1/1816, feuillet 34, Délégation à la conférence régionale de la Nièvre. Le 12 janvier 1936.
189 RGASPI 517/1/1860, feuillet 355, Conférence des secrétaires régionaux, Gentilly le 27 avril 1937. Les citations qui suivent en sont extraites.
190 JANIN Henri, « Le problème des cadres... », op. cit., p. 43.
191 RGASPI 517/1/1863, feuillet 21, Conférence de la région de l’Allier, Moulins, 13-14 novembre [1937].
192 Ce chiffre ne tient pas compte des fonctions de secrétaire régionale qui ont pu être exercées par quelques militants durant les années précédant notre étude.
193 RGASPI 517/1/1815, feuillet 159, Rapport sur la conférence régionale des Deux-Savoies, 5 janvier 1936. Passage souligné et encadré d’un point d’exclamation.
194 On peut ajouter également Yves Flouriot, secrétaire des Côtes-du-Nord, mais son décès, le 31 août 1939, survenant dans un contexte troublé, où la presse communiste est interdite, ne peut donner lieu à une étude semblable.
195 L’Humanité, 22 mai 1937, p. 2.
196 Ibid.
197 Raymond Meunier était marié et père de trois enfants.
198 RGASPI 517/1, voir également sa notice Maitron, par Claude Pennetier.
199 L’Humanité, 26 mai 1937, p. 1. Les citations qui suivent en sont extraites.
200 Le terme de « guide » n’est apparu que deux fois dans nos recherches au sein du fonds 517/1 du RGASPI.
201 WOLIKOW Serge, « Stalinisation et cercles dirigeants des PC. Le cas français des années 1930 au lendemain de la guerre » in STUDER Brigitte et HAUMANN Heiko (dir.), Sujets staliniens..., op. cit., p. 278.
202 RGASPI 517/1/1744, feuillet 20. Souligné dans le texte.
203 RGASPI 517/1865, feuillet 9 et 10, Lettre de Henri Janin, 18 janvier 1937.
204 RGASPI 517/1/1865, feuillet 27, Tournée du camarade Peyrat, Département de la Manche, du 17 au 29 septembre 1937.
205 André Parreaux devient secrétaire régional de la Dordogne l’année suivante.
206 Roger Garaudy (1913-2012) est alors professeur de philosophie au lycée d’Albi et membre du bureau régional du Tarn.
207 Marcel Égretaud (1910-1976), professeur à l’école primaire supérieure d’Albi, membre du bureau régional du Tarn.
208 RGASPI 517/1/1867, feuillet 98, Visite du camarade Parreaux du Bureau régional de la Région du Tarn, 28 avril [ ?] 1937.
209 Rapport cité dans sa notice Maitron, par Paul Delanoue, Yves Le Floch et Jacques Girault.
210 RGASPI 517/1/1816, feuillet 71, Lettre de Guilleminault, Dole, 31 octobre 1936,
211 RGASPI 517/1/1863, feuillet 17, Aisne, tournée de réunions dans l’Aisne, 13 septembre 1937.
212 Il s’agit de Charles Cambier (1903-1971), ouvrier et coopérateur, il assiste pendant un an (1936-1937), aux réunions du comité central du PC. Voir sa notice Maitron, par Jean Gaumont et Gaston Prache.
213 RGASPI 517/1/1863, feuillet 18, op. cit.
214 BRUHAT Jean, Il n’est jamais trop tard, Paris, Albin Michel, 1983, p. 82.
215 Il fait partie, à l’instar de Georges Politzer, « des intellectuels dont la compétence est utilisée sans être assortie d’une reconnaissance politique » ; WOLIKOW Serge, « Stalinisation et cercles dirigeants... », op. cit., p. 279.
216 RGASPI 517/1/1816, feuillet 35, Conférence des secrétaires régionaux du 30 octobre 1937.

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