Maria Casarès à l’abri de l’oubli : entretien
p. 10-53
Dédicace
À Véronique Charrier,
fondatrice de La Maison du comédien,
et à Lucien Simonneau,
maire d’Alloue de 1995 à 2001.
Sans eux, La Maison Maria Casarès n’existerait pas.
Texte intégral
Maria Casarès dans son appartement parisien dans les années 1950

© DR-P.F. Jentile - Maison Maria Casarès
Maria Casarès : le souvenir, la légende… et après ?
Le drame pour les artistes de théâtre est qu’ils sont par essence à la merci de l’oubli, leur art étant intrinsèquement lié au présent, suspendu à l’instant. On peut apprécier l’œuvre d’un peintre ou d’une musicienne des années après sa mort. Mais au théâtre, la mémoire de l’acte artistique existe uniquement dans le souvenir des spectateurs qui ont assisté à la représentation. Quand cette génération laisse place à la suivante, le souvenir se perd et ne devient que légende. Pour autant que la légende soit perpétuée. Que connaissiez-vous de Maria Casarès avant de codiriger La Maison Maria Casarès ?
Johanna Silberstein : On me demande souvent quand j’ai entendu parler de Maria Casarès pour la première fois. Je savais peu de choses sur elle lorsque nous avons été nommés avec Matthieu à la direction de La Maison Maria Casarès, qui s’appelait à l’époque La Maison du comédien. Cependant, je me souviens très bien de la première fois que j’ai entendu son nom – ou en tout cas que je l’ai retenu : c’était dans les haut-parleurs du Théâtre national de la Colline. Toute jeune étudiante en théâtre et assistant à des spectacles presque chaque soir, je découvrais les uns après les autres tous les théâtres de Paris. La Grande Salle de la Colline s’appelait alors la « Salle Maria Casarès », seule salle dans un théâtre national à porter le nom d’une femme. Je ne mesurais pas forcément à l’époque la portée symbolique de ce nom pour la jeune comédienne que j’étais : la grande salle d’un si prestigieux théâtre pouvait porter le nom d’une actrice ! Pourtant, elle a été depuis débaptisée pour s’appeler aujourd’hui uniquement « la Grande Salle ». Très clairement, quand nous sommes arrivés à la direction de La Maison Maria Casarès en 2017, Maria Casarès était en train de sombrer dans l’oubli.
En devenant codirecteurs de La Maison Maria Casarès, comment vous êtes-vous approprié cette mémoire ?
Matthieu Roy : En prenant la charge de son ancienne maison (avec ses meubles, sa bibliothèque…) et d’une structure qui porte son nom, nous devenions par essence « responsables » de sa mémoire. Nous nous sommes alors attachés à définir quels aspects de la vie de Maria Casarès, aussi bien dans son parcours artistique que dans sa vie personnelle, méritaient d’être travaillés et transmis. Qu’est-ce qui pouvait être source d’inspiration pour nous aujourd’hui ? Et nous n’avons pas été déçus, car Maria Casarès est une femme passionnante. Après six ans et de nombreuses recherches, lectures, discussions avec des personnes qui l’ont connue, après avoir vécu des mois entiers dans son ancienne maison, un récit a pris forme, une histoire que nous n’avons pas inventée, mais qui est forcément guidée par notre subjectivité. Venant du théâtre, nous avons agi comme des « dramaturges » : qu’est-ce qui était intéressant à transmettre, à raconter et comment ? Cette histoire ne doit surtout pas être réservée aux seuls spécialistes de théâtre. Elle doit pouvoir se partager, notamment quand nous accueillons spectateurs ou visiteurs au Domaine de la Vergne, car c’est une maison et c’est encore d’une certaine manière « sa maison » puisqu’elle porte son nom. Ce récit, nous l’articulons en permanence avec la philosophie que nous déployons à La Maison Maria Casarès : artistiquement – dans le rapport à la création –, mais aussi socialement dans notre rapport au public, au territoire de Charente Limousine et à ses habitants.
L’histoire de Maria Casarès, c’est aussi la petite histoire dans la grande Histoire européenne.
Johanna Silberstein : En effet, Maria Casarès était la fille d’un éminent homme politique, Santiago Casares Quiroga, qui fut maire de La Corogne puis ministre de la Seconde République espagnole. Maria fuit en France avec sa mère après le coup d’État de Franco à l’âge de 14 ans. Avant de partir, elle avait travaillé dans un hôpital militaire, s’occupant de grands blessés, côtoyant très jeune la mort de près. Dix ans après son arrivée, elle est devenue l’un des joyaux de la culture française dont on peut lire les brillants débuts dans les magazines.
Maria Casarès fait partie de l’exil républicain espagnol. Et malgré cela, elle parvient à s’intégrer parfaitement dans son pays d’accueil. Que signifiait-elle pour la communauté espagnole en exil ?
Johanna Silberstein : Elle a été, pour toute cette population d’exilés espagnols, une égérie et un exemple : la preuve que l’on pouvait être accepté et reconnu dans un pays qui n’était pas le sien. Au regard de son statut de grande artiste, mais aussi en tant que fille de ce politicien d’une République qui avait suscité tant d’espérances, elle représentait, au-delà d’elle-même, l’espoir et la mélancolie de tout un peuple. Alors qu’elle est en tournée en Amérique du Sud avec le TNP dans les années 50, elle écrit à Albert Camus et lui raconte comment elle est ovationnée par tous ces exilés espagnols venus la voir sur scène. Ils applaudissent alors autant la comédienne que la fille de Santiago Casares Quiroga.
Le legs du Domaine de la Vergne est d’ailleurs lié à son statut de réfugiée…
Matthieu Roy : Oui, tout à fait, elle a choisi de léguer son domaine à la commune d’Alloue pour remercier la France d’avoir été une terre d’asile pour elle et sa famille. Aujourd’hui, une des deux sections européennes de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) porte d’ailleurs son nom. L’Ofpra l’a choisie comme exemple d’une étrangère protégée par la France, elle qui est devenue en son temps une des plus grandes artistes du pays.
D’après votre connaissance à la fois artistique et presque intime de Maria Casarès, quels aspects se dégagent davantage de son parcours de vie ? Quels sont ceux qui peuvent inspirer les artistes aujourd’hui, mais aussi chacun d’entre nous ? En quoi ces éléments de son parcours et de sa personnalité guident-ils vos propres engagements professionnels ?
Johanna Silberstein : L’élément essentiel pour « approcher » Maria Casarès est sa double identité : elle naît Espagnole et elle meurt Française. Née en 1922 à La Corogne, en Espagne, elle décède dans sa maison d’Alloue en Charente, en 1996. Elle est reconnue pour avoir été une des plus grandes comédiennes de la seconde moitié du xxe siècle, excellant dans un art où elle devait maîtriser parfaitement une langue qui n’était pas sa langue maternelle. C’était une femme engagée, et cela se ressent dans son parcours artistique.
À ce sujet, nous retenons plusieurs aspects dans ses choix professionnels – fondés sur l’engagement – qui nous apparaissent emblématiques et qui inspirent nos propres actions. Son premier engagement total – à son niveau, c’était presque comme entrer dans les ordres –, c’est vis-à-vis du théâtre. Dans les premiers temps de sa carrière, elle débute brillamment au cinéma. Elle fut même une star, faisant la couverture des magazines d’après-guerre. En 1948, La Chartreuse de Parme, adaptation du roman de Stendhal dans laquelle elle joue la duchesse Sanseverina aux côtés de Gérard Philipe, fut le plus grand succès cinématographique de l’année. Pourtant, elle délaisse très vite le septième art (il faut voir cet entretien dans lequel elle fustige les méthodes de travail de Robert Bresson pour qui elle tourne Les Dames du bois de Boulogne) pour se consacrer pleinement au théâtre. Exilée, elle dira que la scène est sa véritable patrie. Au théâtre, elle est très vite repérée par les grands metteurs en scène de l’époque : Jean-Louis Barrault, Marcel Herrand, Jean Vilar. Edward Gordon Craig, artiste fondateur du théâtre moderne et grand penseur de l’espace scénique qui était alors un vieil homme, l’a vue jouer dans son premier spectacle, Deirdre des douleurs de John Millington Synge. Il tombe en admiration devant cette jeune comédienne de 23 ans, dont il décèle l’exceptionnel talent. Elle s’est imposée rapidement comme une très grande artiste. Elle a joué, pendant cinquante-quatre ans, dans plus de cent vingt spectacles.
Matthieu Roy : Maria Casarès était également une femme de lettres qui tenait en très haute estime la poétique et la pensée, comme en témoigne sa riche bibliothèque qui demeure au Domaine de la Vergne. Elle a inspiré de nombreux auteurs comme Albert Camus, Jean Genet ou encore Bernard-Marie Koltès qui a choisi d’écrire pour le théâtre après l’avoir vue interpréter Médée. Aujourd’hui, alors que nous connaissons malheureusement un appauvrissement notable du rapport à la langue et à la pensée, cette passion de faire entendre sur les scènes les grands auteurs d’hier et d’aujourd’hui s’impose à nous comme une boussole.
D’autre part, l’engagement qui nous paraît essentiel est celui pour un théâtre public ainsi que pour les fondements de la décentralisation théâtrale, mouvement de démocratisation culturelle porté en France après la Seconde Guerre mondiale et qui prend son essor durant toute la seconde moitié du xxe siècle. Maria Casarès ne s’est jamais exprimée publiquement sur ces sujets de politique culturelle. Cependant, dans le choix des metteurs en scène avec lesquels elle a travaillé, elle a participé à certaines des plus grandes histoires théâtrales de ce mouvement, notamment en tant que membre emblématique de la troupe du Théâtre national populaire dirigée par Jean Vilar – à qui l’on doit la création du Festival d’Avignon. Gérard Philipe et Maria Casarès demeurent dans la mémoire collective les deux acteurs vedettes des plus grandes années du TNP. Elle a passé sa vie sur les routes en tournée en France et à l’étranger, dans des conditions pas toujours confortables – il faut imaginer la réalité des tournées dans les années 50 –, alors qu’elle aurait pu continuer à faire du cinéma (et à gagner bien plus d’argent) ou bien rester à la Comédie-Française dans laquelle elle a fait un bref passage.
Johanna Silberstein : Maria Casarès fut également, et c’est assez méconnu, l’une des premières artistes interdisciplinaires. Cela semble évident aujourd’hui. Mais à l’époque, les pratiques artistiques étaient beaucoup plus cloisonnées. Maria Casarès avait une formation classique basée sur le texte et la voix. Pourtant, en 1963, elle rejoint pour La Reine verte, le chorégraphe Maurice Béjart qui lui voue une admiration sans bornes. Dans ce spectacle, elle n’incarne pas, comme on aurait pu s’y attendre, la « récitante », mais elle danse, véritablement. Elle avait une grande puissance physique sur scène et n’a jamais séparé son corps de sa voix. Maria Casarès s’ennuyait très vite. Elle avait besoin de nouveaux défis et de requestionner sa pratique. Par rapport à son corps, je la trouve exemplaire en regard de ces artistes d’aujourd’hui qui refusent catégoriquement de vieillir.
Comment a-t-elle géré son vieillissement ?
Johanna Silberstein : Maria Casarès, qui fut une sublime jeune première, a vieilli très vite : l’exil, les morts successives et une mauvaise hygiène de vie l’ont rapidement marquée physiquement. Mais au lieu de vouloir à tout prix cacher ces marques du temps et de la vie, elle en a fait une singularité et une force. Une voix de plus en plus grave et un aspect de plus en plus androgyne l’ont amenée à des rôles à la frontière du féminin et du masculin comme dans Elle de Jean Genet (dans lequel elle joue le pape) ou lorsqu’elle joue le roi Lear dans une mise en scène de Bernard Sobel.
Et il y a aussi un autre aspect important de son œuvre qui n’a rien à voir avec la pratique du jeu d’acteur. Que pouvez-vous nous dire sur Maria Casarès en tant qu’autrice ?
Matthieu Roy : Maria Casarès avait écrit son autobiographie publiée de son vivant, Résidente privilégiée, dans laquelle elle revenait davantage sur son enfance et son lien avec l’Espagne que sur sa carrière théâtrale. Elle avait le projet d’écrire un deuxième livre sur son rapport au théâtre, mais elle n’en a pas eu le temps. Cette autobiographie avait été un beau succès à sa publication en 1980, mais elle n’a jamais été rééditée depuis en France. Elle est, elle aussi, tombée dans l’oubli.
Johanna Silberstein : Nous savions également qu’il y avait une sorte de « trésor caché » : cette fameuse correspondance avec Albert Camus que très peu avaient lue.
Matthieu Roy : Catherine Camus, la fille de l’écrivain, était propriétaire de la correspondance. Maria Casarès la lui avait vendue pour refaire le toit de la Vergne à la fin des années 1980. En 2017, Catherine Camus décide finalement de publier ces lettres aux éditions Gallimard1. Cette correspondance a été un succès public et critique. Elle est aujourd’hui considérée comme l’une des plus belles correspondances amoureuses entre deux artistes. Mais ce qui a le plus surpris à sa lecture, c’est la qualité littéraire des lettres d’une Maria Casarès qui répond, quand même, à un prix Nobel de littérature !
Johanna Silberstein : La publication de cette correspondance a révélé un nouveau talent de Maria Casarès, l’a fait redécouvrir au grand public et nous l’a rendue si proche et vivante, notamment pour ceux qui ne l’ont pas connue. Désormais, je pense que c’est grâce à cette correspondance – avec l’un des plus grands auteurs français du xxe siècle (La Peste a été le livre le plus lu pendant le confinement dans le monde entier) – que Maria Casarès ne tombera pas dans l’oubli et que sa « légende » de comédienne de théâtre continuera d’être racontée.
Dîner-spectacle au Festival d’Été 2022, Le Tartuffe ou l’Hypocrite de Molière

© Christophe Raynaud de Lage - Maison Maria Casarès
Une maison, une attache
L’histoire de la Vergne est liée à tous ces aspects de la vie de Maria Casarès que vous venez d’évoquer. Dans quelle mesure ce lieu d’attache représente-t-il un tournant dans sa vie ?
Matthieu Roy : Maria Casarès a acheté le Domaine de la Vergne en 1961, un an après la mort d’Albert Camus, pour s’ancrer dans une terre qui deviendra la sienne, pour reprendre son souffle hors du « bûcher théâtral2 » qui la consumait. La disparition de Camus l’a laissée dans un immense chagrin. Orpheline de père et de mère, ne pouvant retourner sur sa terre natale toujours dirigée par Franco, elle a perdu avec Camus le dernier pilier de sa vie. Albert Camus n’est jamais venu dans cette maison, mais son acquisition est liée à bien des égards à sa disparition. Quand Camus se tue dans un accident de voiture en janvier 1960, il devait prendre la direction d’un théâtre parisien, le Théâtre de l’Athénée, qui aurait été consacré en grande partie aux écritures contemporaines. Seulement, Camus meurt et ce théâtre reste alors « vide » de projets.
Micheline Rozan, qui fut la secrétaire d’Albert Camus, était alors productrice de théâtre avant de devenir la grande collaboratrice de Peter Brook œuvrant, à ses côtés, à la création du Théâtre des Bouffes-du-Nord. Au moment de la mort de Camus, Micheline Rozan détient le manuscrit de Cher menteur, une adaptation théâtrale de la correspondance amoureuse illégitime entre l’auteur irlandais Bernard Shaw et la comédienne britannique Mrs Patrick Campbell. Il s’agit d’un duo entre deux acteurs que Micheline Rozan propose à Maria Casarès et à Pierre Brasseur pour la scène désormais « vide » du Théâtre de l’Athénée. Ce spectacle connut un grand succès et Maria Casarès gagna alors beaucoup plus d’argent que d’habitude. C’est ainsi qu’elle put partir en quête d’une terre pour s’ancrer, grâce à l’incarnation sur scène d’une correspondance amoureuse.
Et pourquoi la Vergne, pourquoi Alloue ?
Johanna Silberstein : Sans aucun lien avec la Charente, elle choisit ce domaine qui lui rappelle la maison où elle passait ses étés enfant à Montrove, en Galice. La Charente Limousine n’est pas proche de l’océan Atlantique qu’elle affectionnait tant, mais il y a quand même la Charente qui borde le domaine, une eau qui s’écoule.
Mais, cette maison, elle ne l’achète pas seule…
Johanna Silberstein : Elle l’acquiert avec André Schlesser, comédien et musicien, qui avait fait aussi partie de la troupe du TNP. Il sera comme un frère pour elle. Maria Casarès le comparera au personnage d’Ariel dans La Tempête de Shakespeare : l’être des airs, fidèle compagnon de route de Prospero exilé sur son île. Elle l’épousera en 1978 et deviendra Madame Schlesser. Loin d’être un mariage classique, cette union fait de Maria Casarès une citoyenne française à l’âge de 55 ans et scelle ces deux destins : ils sont tous les deux enterrés dans des tombes jumelles au cimetière d’Alloue qui surplombe le domaine.
Le 22 novembre 1996, Maria Casarès meurt le lendemain de ses 74 ans. Le conseil municipal d’Alloue découvre alors qu’il est propriétaire du Domaine de la Vergne. Une nouvelle étape commence : celle du legs et de la mémoire. Comment prend forme la construction d’un établissement culturel porté par la mémoire d’une grande artiste ?
Matthieu Roy : Le Domaine de la Vergne est un ancien domaine agricole fortifié habité depuis le xiie siècle. Il est composé de quatre corps de bâtiment : le logis de la Vergne, l’ancienne maison de Maria Casarès qui contient ses meubles et sa bibliothèque et dans laquelle elle est décédée, des dépendances, une grange et une tour isolée avec une mare à ses pieds. Il y a également un mur, vestige d’un ancien bâtiment effondré devant lequel Maria Casarès aimait répéter ses textes et qu’elle qualifiait de son « petit mur d’Avignon » en référence à la Cour d’honneur du Palais des papes. Le parc s’étend sur cinq hectares. Il est bordé par la Charente et comprend deux îles. Maria Casarès y cultivait une roseraie et un potager.
Il est très important de savoir que Maria Casarès n’a donné aucune consigne sur ce qu’il devait advenir de sa maison. La décision de léguer son domaine à la commune d’Alloue se fait quinze jours avant sa mort alors qu’elle est très malade. Et nous ne savons pas à ce jour pourquoi elle a pris cette décision à ce moment-là. Quand le conseil municipal découvre que la mairie est propriétaire du domaine, personne ne s’y attend et surtout personne ne sait trop comment réagir.
Comment passe-t-on d’un domaine légué à la commune à « La Maison du comédien » ?
Johanna Silberstein : Le maire de l’époque, Lucien Simonneau, était retraité de la RATP. Il avait fait toute sa carrière à Paris, et sa femme, Jeannine, qui travaillait alors à la poste d’Alloue, avait été une grande spectatrice du TNP et connaissait bien Maria Casarès. Elle a suggéré à son mari de contacter La Maison Jean Vilar à Avignon pour avoir des conseils. Sur invitation de Paul Puaux, toute une délégation locale s’est déplacée à Avignon pour parler de cet héritage laissé par Maria Casarès. La Maison Jean Vilar a eu un rôle déterminant. Paul Puaux a conseillé de réfléchir à un projet culturel en rapport avec Maria Casarès. Il leur a recommandé de mener une étude de réflexion et leur a même présenté une personne pour la conduire : Denis Raison, directeur adjoint de la Chartreuse à Villeneuve-lès-Avignon. Celui-ci leur a suggéré de s’adresser plutôt à Véronique Charrier, charentaise d’origine et ancienne directrice adjointe du Festival d’Avignon du temps d’Alain Crombecque.
Véronique Charrier, persuadée dès sa première visite du domaine de l’intérêt d’un tel projet, va en devenir la fondatrice et la première directrice. Elle crée en 1999, trois ans après la mort de Maria Casarès, l’association « La Maison du comédien Maria Casarès » présidée par le comédien François Marthouret. Contre vents et marées, Véronique Charrier se lance dans l’aventure de bâtir de toutes pièces une structure culturelle au Domaine de la Vergne à partir du legs de Maria Casarès. Elle décide d’axer son projet sur la question du « comédien » avec une attention particulière à la jeune création. Cette attention à la jeunesse demeure aujourd’hui encore au cœur de notre projet. Véronique Charrier crée également un temps fort aux beaux jours, intitulé « Les Rencontres d’été », avec lectures, spectacles, bals…
Matthieu Roy : Véronique Charrier construit et conduit le projet de La Maison du comédien jusqu’à sa retraite en 2011. Elle mène une première campagne de travaux sur le domaine entre 2004 et 2006. La grange devient une salle de spectacles d’une centaine de places qui permet représentations et répétitions en intérieur. L’aile ouest du bâtiment des dépendances est aménagée pour accueillir les artistes en résidence (huit chambres avec salles de bains ainsi qu’une cuisine et une salle à manger). Ces travaux sont un tournant décisif pour la pérennité des activités du domaine, car ils dotent l’association d’outils de travail à l’année.
Quelles ont été les conditions nécessaires à la mise en œuvre d’un tel projet sur ce territoire ?
Matthieu Roy : Véronique a d’abord dû convaincre les financeurs publics de sa nécessité. Un domaine consacré à la création théâtrale dans un territoire rural ne peut exister sans un engagement significatif des pouvoirs publics. Aujourd’hui, La Maison Maria Casarès est toujours financée par le ministère de la Culture via la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) Nouvelle-Aquitaine, la Région Nouvelle-Aquitaine, le département de la Charente, la communauté de communes de Charente Limousine et la commune d’Alloue. Il est très important que l’ensemble des collectivités soutiennent chacune à leur échelle le projet. Cela prouve que son action est reconnue aussi bien au niveau territorial qu’à l’échelle nationale.
Johanna Silberstein : La Maison Maria Casarès possède à présent deux labels – « Centre culturel de rencontre » et « Maison des Illustres » – qui ont permis notamment de protéger la structure dans des moments délicats au cours des années qui suivirent le départ de Véronique Charrier. Ces labels assurent protection et reconnaissance. Ils sont aussi une juste illustration de la pluralité du lieu. Le logis de la Vergne – l’ancienne « maison » de Maria Casarès – est également inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 2002. Cela protège la bâtisse : quoi qu’il arrive dans l’avenir, toute modification est soumise à une demande auprès du service patrimoine de la Drac. Il permet d’avoir des financements spécifiques pour les travaux de restauration. Cependant, même si la bâtisse est intéressante, ce logis a été inscrit et protégé parce qu’il porte encore aujourd’hui l’empreinte de Maria Casarès. Le Domaine de la Vergne fait partie des 244 Maisons des Illustres, ce qui l’inscrit dans un réseau patrimonial national et lui apporte une reconnaissance touristique importante.
Matthieu Roy : Le label qui a permis de renforcer notre projet artistique et culturel est celui de « Centre culturel de rencontre ». C’est un label assez jeune puisqu’il est passé dans la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) en 2016. Par définition, un « Centre culturel de rencontre » est un lieu de patrimoine vivant, c’est-à-dire un monument qui accueille des artistes en résidence et où la création contemporaine se nourrit de la mémoire du site. Par exemple, la Chartreuse à Villeneuve-lès-Avignon est un « Centre culturel de rencontre » dédié aux écritures théâtrales tout comme celui de l’abbaye de Royaumont qui se consacre à la musique et à la danse. La plupart du temps, ces sites se trouvent en milieu rural et défendent une démarche artistique exigeante tout en ayant un fort ancrage sur leur territoire. Ce sont des lieux touristiques mémoriels qui privilégient la pluriactivité. Ce mélange des genres – ces espaces de rencontre et de découverte dans lesquels les visiteurs peuvent « rentrer » par différentes portes – répond avec pertinence aux enjeux de politique culturelle actuelle : il décloisonne les cultures.
Une des clefs de votre succès n’est-elle pas cette transmission réussie et cette continuité affirmée aussi bien avec les valeurs défendues par Véronique Charrier qu’avec celles de Maria Casarès ?
Johanna Silberstein : La particularité de La Maison Maria Casarès, dans le sillage du projet qu’a porté Véronique Charrier est que ce lieu de mémoire doit être avant tout un espace de création. Ce legs devait servir la jeunesse théâtrale et aider à perpétuer cet art qui était si cher à Maria Casarès et auquel elle avait consacré sa vie. Ainsi, cette mémoire n’est pas figée dans une visite un peu poussiéreuse de ses meubles. Le partage de cet héritage avec les artistes, et notamment avec les plus jeunes qui viennent œuvrer sur le domaine, est crucial.
Matthieu Roy : C’est d’ailleurs en tant que jeune metteur en scène et jeune compagnie que nous avons découvert cette maison, puisque nous y avions été accueillis par Véronique Charrier dès 2008 juste après ma sortie de l’école du Théâtre national de Strasbourg. En 2010, nous avons même créé La Conférence de Christophe Pellet pour les 11es Rencontres d’Été, spectacle qui fut déterminant dans l’histoire de notre compagnie, la compagnie Veilleur®, et que nous avons présenté ensuite à La Manufacture au Festival d’Avignon en 2011. Nous avions déjà senti la vibration singulière de ce lieu de création et aussi son fort potentiel de développement.
À ce sujet, quelle a été votre stratégie pour développer le lieu sur son territoire ? À quel moment avez-vous pris conscience qu’il fallait impulser le projet en l’intégrant dans une dimension institutionnelle et dans une dynamique de politique culturelle étroitement liée à une réalité territoriale ?
Johanna Silberstein : Lorsque nous avons été nommés à la direction de La Maison du comédien Maria Casarès fin 2016, le site avait perdu sa place localement et nationalement. Deux directions – Claire Lasne Darcueil puis Vincent Gatel – s’étaient succédées à la suite de Véronique Charrier et avaient dû faire face à un déficit budgétaire nécessitant un plan de redressement. Il s’agissait donc dans un premier temps pour nous de « reconquérir » le territoire : il fallait prouver à nouveau l’intérêt d’une telle structure. Les subventions étaient en baisse. Certains financeurs avaient commencé à se retirer du tour de table. Il fallait également que, théâtralement, cette institution retrouve une place à l’échelle du pays. Pour les jeunes créateurs qui venaient répéter à La Maison Maria Casarès, ce devait être un gage de reconnaissance de la qualité de leur travail. Cela avait été le cas du temps de Véronique Charrier. Nous en avions bénéficié en tant que compagnie associée de 2009 à 2010.
Matthieu Roy : Ce grand écart entre le local et le national s’avère délicat à opérer, tout particulièrement dans des structures implantées dans des territoires ruraux difficiles d’accès. Cependant, il est le garant, il me semble, de l’équilibre d’un projet artistique et culturel. Nous devons avant tout nous investir auprès du territoire et savoir être à l’écoute des attentes de ses habitants, des initiatives locales et ne pas nous mettre dans une position de « sachant » qui surplombe. En parallèle de cette attention bienveillante et de cette présence assidue, il nous faut défendre un projet emblématique d’un point de vue artistique qui rayonne sur toute la France, voire à l’échelle européenne et internationale.
L’ampleur et le sens de ce projet vous permettent de remettre en perspective notre société contemporaine : artistiquement, socialement, politiquement. La Maison Maria Casarès fait aujourd’hui partie du paysage culturel et touristique de la Charente Limousine. Pouvez-vous nous décrire ce nouveau chapitre de l’histoire du Domaine de la Vergne que vous avez commencé à écrire avec succès ?
Johanna Silberstein : Notre projet de candidature s’intitulait « La Maison Maria Casarès, un site polyculturel ouvert au rythme des saisons ». En tant que domaine en pleine nature, nous désirions travailler sur la saisonnalité. Notamment, ne pas fermer les portes au mois d’août alors que c’est le mois le plus agréable pour le visiter et profiter du parc ! Il fallait donc penser un projet qui épouse ce rythme de la nature.
Persuadés du potentiel du Domaine de la Vergne et aussi de la bonne étoile qu’est Maria Casarès pour nous inspirer, nous avons commencé à donner un nouveau souffle à cette maison. Nous avons d’ailleurs changé son nom en passant de « La Maison du comédien Maria Casarès » à « La Maison Maria Casarès ». Nous avons enlevé le terme de « comédien », qui avait tendance à faire croire que tous ceux qui n’étaient pas « comédiens » n’avaient pas leur place dans cette maison. La notion de théâtre et de l’art de l’acteur n’a pas disparu pour autant, puisqu’elle est contenue dans la figure de Maria Casarès.
Matthieu Roy : Par rapport à notre mission de création théâtrale, nous avons axé notre action sur la jeunesse. En continuité du projet qu’avait porté Véronique, le legs de Maria Casarès devait servir à accompagner les premiers gestes artistiques des plus jeunes créateurs. Nous avons mis en place le dispositif « Jeunes Pousses », avec lequel nous accompagnons quatre jeunes metteurs et metteuses en scène pendant deux ans, de l’élaboration de leur projet de spectacle jusqu’à sa création. Nous portons également une attention particulière à l’écriture théâtrale, aux auteurs et auteures, toujours dans la continuité du lien privilégié de Maria Casarès à la littérature.
L’éducation artistique et culturelle, notamment auprès des enfants et des adolescents, est au cœur de nos missions. Étant le seul établissement culturel de la communauté de communes, les demandes de partenariats et de projets sont de plus en plus nombreuses et exigent beaucoup de travail pour répondre à toutes ces sollicitations. Faire venir des artistes dans des établissements scolaires en milieu rural plusieurs fois dans l’année demande beaucoup d’ingéniosité au regard des difficultés d’accessibilité : la première gare TER se trouve à trente-cinq minutes en voiture.
Johanna Silberstein : Nous formons également les jeunes metteurs et metteuses en scène à la conduite d’ateliers de pratique artistique pour qu’ils et elles puissent transmettre et partager au mieux en fonction de leur recherche. Dans une société où les écrans et la solitude qu’ils engendrent est de plus en plus prégnante, le théâtre peut jouer un rôle très important dans le développement des plus jeunes. Mais la pédagogie s’apprend et elle est encore trop peu enseignée dans les formations théâtrales, alors que la transmission peut se penser dans la continuité d’une recherche artistique et venir l’enrichir.
« S’incarner » dans le territoire au rythme des saisons
L’été est le temps des fruits juteux. Et donc la saison de l’année où La Maison Maria Casarès bat son plein. Comment êtes-vous arrivés à créer ce moment magique d’assemblée estivale, festive et théâtrale ?
Matthieu Roy : Le cœur battant du projet de La Maison Maria Casarès est son Festival d’Été. Nous avions toujours rêvé de créer un festival. Nous avions passé plusieurs années au Festival d’Avignon, qui est devenu une hydre aussi complexe que fascinante. Il n’y a pas de meilleur moment dans l’année pour découvrir du théâtre qu’en vacances lors d’une soirée d’été sur un site emblématique. Nous voulions surtout que les artistes et le public puissent se rencontrer et échanger. Nous avons donc créé trois formules qui ponctuent chaque journée de notre Festival d’Été : le goûter-spectacle, l’apéro-spectacle et le dîner-spectacle. Ainsi, un temps de convivialité conclut chaque représentation.
Johanna Silberstein : Avec ce principe, nous mettons en valeur d’autres cultures : celle de la gastronomie, du maraîchage et de l’élevage. La Charente Limousine est une terre agricole. Aujourd’hui, l’intégralité de nos menus, pensés bien en amont avec les producteurs, est concoctée avec des produits locaux : de la farine aux fraises en passant par les œufs et le pain. Maintenant, les producteurs plantent en fonction de nos menus ! C’est gagnant à tous points de vue : humainement, écologiquement et économiquement. Durant le festival, nous ouvrons également une boutique de producteurs, complétée d’une librairie.
Nous avons également recréé le potager de Maria Casarès sur le domaine et plantons en fonction des menus de l’été. Ce potager est participatif puisque notre jardinier l’entretient avec des réfugiés accueillis dans un centre Audacia qui se trouve à Confolens, à quinze kilomètres. Ceux-ci repartent régulièrement avec des paniers de légumes et viennent l’été participer au festival. Ce lien avec Audacia et leur démarche auprès des personnes en exil nous paraît évident au regard du parcours de Maria Casarès.
Matthieu Roy : Pour des questions également humaines, économiques et écologiques, nous proposons la même programmation durant les quatre semaines du festival. Les artistes s’installent pour vingt représentations : ainsi le bouche-à-oreille a le temps d’opérer et le spectacle peut grandir artistiquement. Une terre pour « s’ancrer » le temps d’un festival… Nous tenions à créer un festival à échelle humaine. Nous sommes volontairement sur des jauges limitées à environ une centaine de spectateurs par représentation. Quand ils viennent, ils ont le sentiment d’assister à une grande fête de famille. Cette atmosphère de « maison » demeure l’une des singularités de La Maison Maria Casarès. Nous avons des propositions pour toutes les générations avec un spectacle pour les enfants l’après-midi. Au moment du dîner-spectacle, un atelier théâtre est proposé aux plus jeunes pendant que leurs parents assistent à la représentation. Ils rejoignent ensuite leur famille pour le dîner.
Johanna Silberstein : Nous créons aussi des visites pour découvrir Maria Casarès. Mais celles-ci sont toujours pensées comme des objets artistiques à part entière. Par exemple, nous avons réalisé une balade sonore dans le parc à partir de la correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès et nous avons invité en 2021 l’artiste plasticien Joël Andrianomearisoa à créer dans le logis l’exposition « Pour ne jamais rencontrer la dernière heure ».
Ce savant mélange entre théâtre, patrimoine et gastronomie locale s’est révélé une merveilleuse alchimie, spécialement pour amener à nous un public à la recherche de sorties estivales, mais pas forcément de soirées théâtrales. La première année, nous comptabilisions 1 000 entrées. Six ans plus tard, en 2022, nous avons vendu 7 740 billets, tout en refusant beaucoup de demandes pour le dîner-spectacle par manque de place. Les spectateurs conquis par la formule et l’atmosphère reviennent désormais d’une année sur l’autre, nous faisant confiance sur la programmation. Et l’aura du festival ne cesse de grandir.
Ce lieu semble avoir trouvé tout son sens pour le territoire et ses habitants. Quelle place Maria Casarès occupe-t-elle dans la mémoire locale ?
Johanna Silberstein : Si Maria Casarès fut une légende du théâtre, réfugiée espagnole, source d’inspiration pour tant d’écrivains, elle était aussi une habitante d’Alloue qui a marqué le territoire. Beaucoup se souviennent d’elle et bien des histoires se sont transmises dans les familles autour d’elle et d’André. Par exemple, Rémi Leduque, l’électricien du village qui a commencé sa carrière en lui élaborant un nouveau système de chauffage, la termine aujourd’hui en menant avec nous les travaux de rénovation du logis. Ou encore Brigitte Dupuy qui l’emmenait souvent à la gare dans son taxi, nous accueille régulièrement dans son gîte à Alloue. Ils ont tous gardé un souvenir très fort de cette femme. Aujourd’hui persuadés de l’intérêt du projet et de notre attention à cette mémoire, ils nous aident et portent avec nous les activités de ce domaine.
Matthieu Roy : D’autres habitants viennent nous prêter main-forte pour recevoir au mieux le public l’été, notamment lors du dîner. Nadine Boutant, agricultrice à Alloue, n’a jamais manqué de venir nous aider chaque soir du Festival d’Été depuis six ans ! C’est ce qui fait, pour moi, toute la beauté de cette entreprise commune réunie autour de ce lieu et du souvenir de cette femme : un véritable projet de société, où se côtoient des personnalités et des milieux sociaux très différents. La Maison Maria Casarès est un lieu hors du temps et pourtant pleinement ancré dans son époque, un lieu où s’invente le théâtre de demain, mais aussi où nous amenons des réponses concrètes aux enjeux sociétaux sous‑jacents.
Après toutes ces années à « fréquenter » Maria Casarès, pourriez-vous définir votre lien avec elle ?
Johanna Silberstein : Le lien le plus intime que nous partageons avec Maria Casarès est cette incommensurable passion pour le théâtre auquel nous consacrons nos vies, mais un théâtre qui se doit d’être exigeant et à la portée de chacun : c’est cette utopie que nous portons corps et âme et qui s’incarne au Domaine de la Vergne.
Avez-vous de nouveaux projets autour de Maria Casarès ou de sa Maison ?
Matthieu Roy : Nous menons actuellement deux grands chantiers. L’un à Alloue, l’autre à Poitiers. Nous avons entrepris en 2021 la restauration de l’aile des dépendances qui n’avait pas été finalisée lors de la première campagne de travaux en 2004-2006. Nous avons désormais un nouvel espace d’accueil sous le porche, une salle de restauration avec pierres apparentes et un office traiteur pour pouvoir accueillir au mieux résidences d’artistes, mariages et séminaires. Nous entamons aujourd’hui la nécessaire restauration du logis de la Vergne qui s’achèvera en 20243. Tout en maintenant la singularité de l’âme de cette maison et sans faire disparaître les traces que Maria Casarès y a laissées, nous souhaitons donner une nouvelle vie à ce logis. Nous y accueillerons non seulement les artistes qui viendront y travailler, mais également les spectateurs qui pourront y loger l’été dans l’une des cinq chambres d’hôtes. Pour que la mémoire de Maria Casarès puisse se partager avec tous, ses magnifiques bibliothèques et ses salons espagnols seront accessibles aux visiteurs.
Enfin, cette dynamique prendra un nouvel élan en septembre 2023. Nous allons ouvrir à Poitiers, en zone urbaine, La Scène Maria Casarès, petite sœur de La Maison Maria Casarès. Si le Domaine de la Vergne est un site formidable pour un Festival d’Été et un très bon lieu de création, La Scène Maria Casarès permettra de présenter à Poitiers à l’automne, en hiver et au printemps les spectacles répétés à Alloue. Nous désirons déployer dans un autre lieu et dans un autre temps ce qui a fait la réussite de notre projet au Domaine de la Vergne : le temps long, la rencontre avec les artistes et l’inscription de cet évènement sur son territoire.
Johanna Silberstein : Maria Casarès aura désormais une maison à Alloue, une cour à Avignon, un pont à Paris et une scène à Poitiers. Pour que sa mémoire continue d’inspirer et soit désormais à l’abri de l’oubli.
Logis de la Vergne

© Joseph Banderet - Maison Maria Casarès
Notes de bas de page
1 Voir bibliographie en annexe.
2 Casarès, Résidente privilégiée, Paris, Fayard, 1980, p. 109.
3 Les travaux de restauration sont conduits par le cabinet Architecture Patrimoine et Paysage de Denis Dodeman basé à Villebois-Lavalette (16) et réalisés par les entreprises Domus ARS (16), Atelier Vignaud (16), Maxime Pallut et Rémi Leduque (16), Sols et peintures SAS (17).
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