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Le populisme en question

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Christèle Lagier

Conclusion

Texte intégral

1À trop regarder le FN, comme le font les médias, on finit par ne voir plus que lui alors qu’il découle d’autres dysfonctionnements démocratiques, au premier rang desquels l’abstention, dysfonctionnements sur lesquels il est sans doute tout aussi urgent de réfléchir. Le terme « populiste » est une injure surtout dans la bouche des catégories supérieures et éduquées. Pour les leaders des mouvements désignés comme tels, ce terme se confond avec une référence au peuple abandonné par ces mêmes élites. Certaines factions de ce peuple, et pas nécessairement les plus défavorisées, peuvent effectivement s’en rapprocher. Lorsque c’est le cas, ce rapprochement n’est pas toujours définitif. Nous avons voulu souligner dans ce court essai combien mieux comprendre les populismes suppose de ne pas les regarder exclusivement en les plaçant au cœur de la vie politique qu’ils occupent avec habileté.

2On peut sur ce point transposer l’analyse de l’économiste Albert O. Hirschman au terrain de la science politique (Lehingue, 2015). Face à ce défaut de représentation qui caractérise nos démocraties, lorsque les citoyens ne trouvent plus les moyens de la loyalty (ici loyauté aux partis traditionnels), il leur reste deux possibilités : l’exit (défection) et la voice (prise de parole). Les franges exclues socialement qui se réfugient massivement dans l’abstention choisissent l’exit. Les franges encore contestataires choisissent, elles, la voice en opérant le choix qui fera le plus de bruit dans un espace dans lequel elles ont le sentiment de ne pas être entendues. Les secondes se voient d’autant mieux que les premières s’effacent.

3Pour terminer, l’impuissance des partis progressistes à contenir l’ascension électorale des partis populistes tient pour partie sans doute à leur alignement sur cette rhétorique populiste. Ainsi, par un évident retournement du stigmate (Goffman, 1975), certains mouvements ou leaders de gauche, à l’image de Jean-Luc Mélenchon, tendent à se définir eux-mêmes comme populistes. Je renvoie ici le lecteur au récent essai d’Eric Fassin (Fassin, 2017), qui démontre en quoi cette stratégie désespérée est en vérité, et selon lui, totalement suicidaire. Pour quelles raisons ? Parce que de cette manière, les formations politiques labellisent l’appellation « populisme » au lieu de la tenir à distance et s’exposent ainsi à gommer les différences qui les séparent des mouvements d’extrême-droite. Cela ne contribue pas à la clarification du champ politique pour des citoyens qui peinent de plus en plus à s’y retrouver.

Bibliographie

Pour aller plus loin

Eric Fassin, Populisme : le grand ressentiment, Paris, Textuel, 2017.

Albert O. Hirschman, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, 1995.

Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Éditions de Minuit, 1975.

Patrick Lehingue, 2015, « Les classes populaires et la démocratie représentative en France : exit, voice ou loyalty ? », Savoir/Agir 1/31, 2015, p. 25-34.

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