I. Risques et Résilience(s)
p. 13-43
Texte intégral
1. Définitions
1Le terme de risque s’est imposé dans les sciences humaines (sociologie, anthropologie, politique, géographie, etc.) depuis plusieurs années. À l’heure actuelle, les termes « risques naturels », « risque nucléaire », « risque terroriste » se sont insérés dans les langages et consciences collectifs. Cependant, afin de questionner la gestion des risques, il est avant tout nécessaire de définir les concepts qu’elle sous-entend.
2Notion souvent confondue avec celle de catastrophe, le risque se définit comme un élément potentiel, qui pourrait se produire (Dauphiné & Provitolo, 2013). Si l’événement, tel qu’un séisme, une inondation, un ouragan, est identifié par des caractéristiques (récurrence, intensité, dégâts potentiels, etc.), il n’en reste pas moins non réalisé. Il appartient donc au domaine des hypothèses et suppositions. On peut par exemple dire qu’il existe un risque majeur d’inondation centennale à Paris3, cependant, nous n’avons aucune indication de la date, de la hauteur d’eau et des dégâts qu’elle engendrera le moment venu.
3La catastrophe en revanche est un risque devenu réalité. Elle acte l’événement et lui donne une temporalité réelle : d’événement hypothétique, il se concrétise via une date, une durée, une intensité et un impact. Ainsi le risque d’un accident nucléaire en Asie est devenu réel avec la catastrophe de Fukushima (2011). Si celui-ci précède la catastrophe, il peut également persister une fois celle-ci finie. Pour reprendre l’exemple d’une inondation centennale à Paris, malgré la catastrophe de 1910, la probabilité d’un tel événement persiste encore aujourd’hui. Les catastrophes sont également définies par les impacts qu’elles produisent sur les milieux sociaux et environnementaux, conduisant à une fracture entre le quotidien et l’exceptionnel. Cette fracture, qualifiée également de bifurcation, entraîne une situation extraordinaire, dans le sens premier, c’est-à-dire sortant de l’ordinaire, dépassant les schémas prévisionnels.
4À l’inverse de la catastrophe, le risque est un concept complexe et bien souvent abstrait. Cela s’explique notamment par son caractère très relatif. En effet, un risque est un élément vécu et perçu et son interprétation dépend de l’individu ou de la société qui le subit. Le risque est une construction à la fois sociale, individuelle et collective, et sera différemment perçu en fonction des époques, des individus, des lieux et des cultures. Dès lors, c’est un terme difficile à définir et à utiliser, étant donné que les notions conceptuelles qu’il utilise sont elles-mêmes fluctuantes en fonction de la construction sociale qui se fait du risque. Pour parvenir à objectiver le concept, la géographie des risques a cherché à définir un vocabulaire précis (Dauphiné, 2005) de façon à évaluer le risque. Plusieurs termes ont été associés à l’analyse du concept, tels que l’aléa, la vulnérabilité ou encore la résilience.
2. Historique des gestions des risques
5L’approche classique des risques repose sur la distinction entre l’aléa — processus physique et source de danger — et la vulnérabilité — propension d’un territoire ou une population à subir des dommages.
6Notion complexe, l’aléa peut désigner plusieurs éléments tels que les caractéristiques d’un phénomène, sa récurrence, son intensité, sa localisation et sa durée d’action. Qu’il soit naturel (séisme, inondation, ouragans, avalanches, etc.) ou technologique (explosions d’usines, marées noires, terrorisme, etc.), il est toujours qualifié comme étant un événement probable. Sa probabilité se base souvent sur la récurrence de l’événement et donc sur l’étude historique des aléas passés.
7Pendant des siècles, l’aléa a été interprété comme une punition divine des péchés et de la prétention humaine (Moreau, 2017). Le mythe du « Déluge » relate un épisode de pluies catastrophiques, provoquant des inondations terribles et causant la mort de presque toute la population humaine. Plusieurs versions de cette catastrophe existent, la Genèse le nommant le « Déluge », le Coran le définissant davantage selon le terme d’« inondation ». Quelle que puisse être la version, l’eau représente un élément incontrôlable, une preuve tangible de la colère et la puissance divines. Cette période s’est divisée en deux temps : « l’âge du sang », pendant lequel des sacrifices devaient avoir lieu pour atténuer la colère des divinités, et « l’âge des larmes », pendant lequel la prière était le moyen d’attirer la clémence divine. Cette association de la fatalité à l’événement naturel a perduré dans les esprits jusqu’au XVIIIe siècle. L’avancée des Lumières et des connaissances naturalistes et environnementalistes fait place à l’âge des neurones, permettant d’analyser « scientifiquement » les aléas. Le projet « social » de l’Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, permet de concentrer tous les savoirs pour les mettre à la disposition de tout un chacun. Les nouvelles connaissances scientifiques telles que le modèle héliocentrique de Copernic ou encore la gravitation universelle de Newton, n’avaient jamais été compilées dans un seul et même ouvrage. Cette révolution scientifique a permis de diffuser des connaissances sur le monde physique et scientifique rendant de ce fait les aléas plus compréhensibles. Cette « laïcisation du danger » laisse à penser qu’il est désormais possible d’agir sur l’aléa, de le diminuer voire de le contrôler. Cette sécularisation du terme s’achève par l’échange épistolaire entre Voltaire et Rousseau à propos du désastre de Lisbonne en 1755. Ce séisme, suivi d’un tsunami, a engendré la mort d’environ 50 à 70 000 personnes. Cette catastrophe a conduit à une remise en question de la justice divine et de sa place dans les éléments naturels. Rousseau s’inscrit dans une rupture avec la perception antérieure des risques en avançant l’idée que l’ignorance et l’imprudence des hommes ont conduit à une situation vulnérable, entraînant tous ces dégâts. Selon lui, la construction d’une ville aussi dense avec plus de « vingt mille maisons de six à sept étages », et avec un tel degré de concentration humaine, expliquerait le nombre de victimes, « et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également et plus légèrement logés, le dégât eut été beaucoup moindre et peut-être nul ». Cette vision enterre définitivement la relation préétablie divin-nature et laisse la place à l’expression de « catastrophe naturelle » en écartant le fatalisme pour mettre en avant la responsabilité humaine dans l’ampleur du désastre. Depuis Lisbonne, beaucoup de progrès ont été faits pour expliquer et agir sur les phénomènes dits « naturels ». Grâce aux nouvelles connaissances, la société humaine s’imagine désormais pouvoir catalyser les catastrophes et, tel le vieux rêve de Descartes, être « maître et possesseur de la nature ». Cette position aléa-centrée entraîne tout au long du XVIIIe et XIXe siècle une succession de grands travaux par les ingénieurs (notamment les ingénieurs du génie militaire, qui donneront les Ponts et Chaussées) pour modifier le fonctionnement naturel des cours d’eau. Ces grandes infrastructures ont alors été considérées comme la solution idéale et attendue pour régler le problème des inondations. Cependant ce paradigme technocentriste a ses limites. Tout d’abord la nature même d’un aléa rend sa gestion complexe et surtout incertaine. L’aléa est difficilement prévisible et ce, malgré les avancées techniques et scientifiques réalisées au cours des dernières années. Chaque outil de modélisation sous-estime les composantes physiques d’un phénomène, à cause de l’incertitude liée à la nature, à la variabilité des processus spatio-temporels (précipitations, températures, pression atmosphérique, etc.) ou à la qualité des données et de leur traitement. Faire reposer toute la gestion du risque sur des techniques informatiques n’est pas une solution, tout comme investir uniquement dans des systèmes de protection qui peuvent défaillir. Les exemples de cette défaillance sont nombreux et internationaux. Pour n’en citer que quelques-uns, l’inondation du Mississippi à Saint-Louis (États-Unis) en 1998 a causé la destruction de digues de 15 mètres de hauteur. Quelques années plus tard, en 2005, le cyclone Katrina (Hernandez, 2009) détruit les digues de La Nouvelle-Orléans, entraînant la mort de 1 500 personnes puis la tempête Xynthia en France (2010) a causé la rupture des digues et la mort de 41 personnes.
8Cette gestion aléa-centrée, ou techno-centriste, ne peut prendre en compte la question de seuil. Tout événement, tout aléa a une temporalité bien précise, avec un début, une fin et surtout une amplitude. Or si l’on se protège d’une inondation qui ne dépasserait pas six mètres selon les modèles de prévisions, que faire lorsque celle-ci en atteint dix ? Plus le seuil auquel on s’est préparé est élevé, plus l’aléa qui le surpassera sera fort avec des conséquences catastrophiques, car non envisagé. De plus, ce paradigme qui laisse penser que l’aléa est maîtrisé entraîne l’utopie irréaliste du risque zéro ! Or, « l’histoire montre que cette politique a toujours conduit à une fuite en avant, les ouvrages de protection étant inévitablement un jour ou l’autre dépassés » (Ledoux, 2006). De plus, cette politique augmente bien souvent la vulnérabilité des populations, celles-ci se pensant en sécurité et oubliant l’épée de Damoclès au-dessus d’eux. Leur comportement est alors inadéquat lorsque la catastrophe survient.
9Constatant les limites de cette approche, les experts ont cherché à intégrer d’autres concepts à l’analyse des risques, dont celui de vulnérabilité. L’intégration de ce concept découle d’une prise de conscience de l’inefficacité de l’approche classique des catastrophes, aléa-centrée, qui ne prend pas en compte la dimension sociale d’un territoire. L’évolution laisse entendre que si l’on ne peut pas complètement agir et maîtriser les éléments naturels, on peut tout du moins travailler sur les enjeux du territoire (Becerra, 2012). La société et son environnement sont désormais directement intégrés à la gestion du risque. Pour lutter contre un événement, il est essentiel de développer la capacité à « encaisser » un choc d’une société et d’un milieu naturel (Becerra, 2012). La vulnérabilité a étymologiquement une dimension négative et s’entend comme un état de faiblesse, un manque, inhérent à toute société humaine. Du latin vulnerare (blesser), elle apparaît comme « la propension d’une société donnée à subir des dommages en cas de manifestation d’un phénomène naturel ou anthropique » (d’Ercole et al., 1995). Trois approches distinctes permettent de définir la vulnérabilité : la vulnérabilité physique, sociale et territoriale (Dauphiné & Provitolo, 2013). La vulnérabilité physique, la plus ancienne, tend à définir « l’endommagement réel ou potentiel des éléments menacés par une catastrophe » (Dauphiné & Provitolo, 2013). Ces dommages peuvent être à la fois humains, matériels, environnementaux, techniques, etc., et s’analysent en fonction de l’exposition, de la résistance et de la sensibilité des enjeux face à un aléa. Ainsi plus une zone concentrant beaucoup d’enjeux (économiques, sociaux, politiques, territoriaux, techniques, environnementaux, patrimoniaux, organisationnels, etc.) est proche d’un aléa (exemple : cours d’eau sujet à de forts débordements), plus l’exposition sera qualifiée d’importante. La résistance quant à elle fait écho à la capacité d’un système à se défendre d’une perturbation sans être fragilisé par celle-ci. La résistance peut être d’ordre physique (digue, mur, bâti) ou mental. Enfin la sensibilité est définie comme le degré potentiel d’endommagement des enjeux. Ainsi plus un système est sensible, plus il sera vulnérable à un aléa et plus les pertes seront importantes (Dauphiné & Provitolo, 2013).
10La vulnérabilité sociale traduit la capacité d’une société à faire face, à anticiper et à s’adapter aux risques. Plus un système est capable de se remettre rapidement après une catastrophe, moins il est vulnérable (Dauphiné & Provitolo, 2013). Des éléments tels que le statut socio- économique, l’âge, le sexe et le milieu socioculturel jouent un rôle essentiel dans la vulnérabilité des populations (Dauphiné & Provitolo, 2013).
11Enfin la vulnérabilité territoriale identifie les aires spatiales susceptibles de subir des dommages importants. Il existerait six formes de vulnérabilité (Dauphiné & Provitolo, 2013) : la faiblesse intrinsèque des enjeux, la dépendance (voire l’interdépendance) des systèmes, l’exposition aux aléas, la potentialité d’endommagement, la capacité de résistance, les alternatives développées et la capacité de gestion des situations critiques. Ces fragilités sont exacerbées dans les aires urbaines, car la contiguïté des enjeux participe à la diffusion des aléas, diffusion aussi appelée « effet domino » (Serre & Heinzlef, 2018).
12Le binôme aléa-vulnérabilité semble dès lors répondre aux enjeux de gestion des risques : l’approche aléa-centrée répond aux besoins technicistes tandis que la vulnérabilité répond aux enjeux sociaux. Cependant, aucune de ces définitions n’est unique et claire, celles-ci évoluant d’un chercheur à l’autre. En outre, cette dichotomie aléa physique/population ne s’adapte pas à la diversité des interactions présentes notamment en milieux urbains et propose une analyse plus segmentée que systémique. « Or, certains risques mettent en jeu, par effet domino, des chaînes d’endommagement qui amplifient les conséquences de la perturbation de départ, multiplient le nombre et la nature des dommages, déplacent et diffusent les conséquences de l’aléa bien au-delà de la zone d’impact initiale » (Meschinet de Richemond & Reghezza, 2010). Dès lors, une analyse segmentée est déconnectée de la réalité du terrain. Si l’on prend l’exemple de l’ouragan Katrina (2005) qui a détruit La Nouvelle-Orléans, ce n’est pas tant le cyclone lui-même qui a détruit la ville mais « les inondations qui ont suivi l’effondrement des levées » ainsi que les « défaillances en chaîne du système d’alerte et des secours au moment de la catastrophe » (Mancebo, 2006). Une catastrophe est donc composée d’interactions complexes, souvent non prévisibles, et la qualifier de « naturelle » la réduit à une analyse dichotomique entre aléa et vulnérabilité.
13Il est donc nécessaire d’envisager une gestion des risques plus adaptée à la complexité des réseaux et aires urbaines et capable d’analyser les interactions entre enjeux et composantes urbaines. La gestion des risques est un domaine vaste, divers, multiple et complexe. Par définition, un risque est considéré comme la probabilité d’un événement et de ses conséquences. Il se présente comme étant un élément qui peut affecter négativement territoires et populations. Dans la pratique, la gestion des risques consiste à identifier les points de vulnérabilité, à évaluer les risques encourus et à en déduire les éventuelles répercussions financières, sociales et territoriales. Plusieurs formes de gestion des risques existent, qui ont évolué dans le temps et la pratique. Anciennement tournée autour de l’aléa, un événement physique, la gestion des risques a petit à petit intégré la composante sociale. Cette évolution a permis d’intégrer à la gestion des risques le concept de vulnérabilité — « la propension d’une société donnée à subir des dommages en cas de manifestation d’un phénomène naturel ou anthropique » (d’Ercole et al., 1995).
14Face aux limites de la vulnérabilité, la résilience a fait son entrée dans la panoplie de stratégies de gestion des risques dans les années 2000. Considérée comme un concept « positif », la résilience fait écho à une capacité proactive qu’un système doit développer, de façon à (ré) agir face à la catastrophe et développer des capacités « [d’] apprentissage et [d’] anticipation » (Dauphiné & Provitolo, 2007). Ce concept nouveau mais plein de promesses semble être une clef de réponse pour faire face aux risques climatiques et urbains.
3. Une ou des résiliences ?
« Tu sais, l’orage couche le blé. Faut pas croire que la plante ca raisonne pas. Ça se dit : bon on va se renforcer, et, petit à petit, ça se durcit la tige et ça tient debout à la fin, malgré les orages ».
Jean Giono
15Depuis une vingtaine d’années la résilience, concept novateur, s’est insérée dans la gestion des risques. Cependant, son usage multidisciplinaire en fait un concept polysémique et abstrait, le transformant en buzzword (Djament-Tran et al., 2011). Du latin resalire (re, en arrière ; salire, sauter), le terme de résilience signifie en anglais « rebondir », « se redresser ». En français, le sens du mot a évolué au Moyen Âge en prenant le sens de « se rétracter, se dégager d’un contrat par une sorte de saut en arrière » (Tisseron, 2015). C’est néanmoins le sens du terme anglo-saxon qui perdure aujourd’hui. Paul Claudel a magnifiquement défini, au détour d’une phrase, ce qu’il fallait comprendre par le terme résilience : « Il y a dans le tempérament américain une qualité, qu’on traduit là-bas par le mot de resiliency pour lequel je ne trouve pas en français de correspondant exact, car il unit des qualités d’élasticité, de ressort, de ressources et de bonne humeur » (Claudel, 1965). La racine latine indique assez clairement l’interprétation du terme : la capacité à délier/atténuer les impacts d’un traumatisme. Cependant, au vu des nombreuses définitions et champs d’utilisation, il serait plus juste dans un premier temps de parler des résiliences que de la résilience (Tisseron, 2015).
La résilience en physique
16La première utilisation du concept de résilience dans les sciences s’observe dans le domaine de la physique. Figurant dans l’ouvrage Traité pratique sur la solidité de la fonte et d’autres métaux (1824) de Thomas Tredgold, la résilience renvoie à l’élasticité et à la résistance des matériaux (Ionescu, 2012). Elle illustre l’énergie cinétique absorbée nécessaire pour provoquer la rupture d’un métal et la capacité de ce métal à résister au choc en gardant sa forme initiale (Koffi, 2014). La résilience représente le retour à l’état initial du matériau à la suite d’une pression continue. La résilience est donc une capacité intrinsèque et mesurable.
La résilience psychologique
17Apparue aux États-Unis dans les années 1940 et introduite en France par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, la résilience psychologique « n’a rien à voir avec une prétendue invulnérabilité ou une qualité supérieure de certains, mais avec la capacité de reprendre une vie humaine malgré la blessure » (Cyrulnik et Seron, 2004). La résilience psychologique désigne la capacité intrinsèque d’un individu (ou d’une communauté) à retrouver un état d’équilibre, soit par un état antérieur soit par un nouvel équilibre. Être résilient ne signifie pas être invulnérable mais au contraire, intégrer les fragilités qui font partie intégrante de l’identité du système psychologique.
18L’injonction derrière ce terme est avant tout de positiver et d’utiliser tous les moyens à disposition de l’individu pour améliorer sa qualité de vie. Aux États-Unis ce terme peut être associé au concept d’empowerment, c’est-à-dire de rendre « quelqu’un plus fort, de le rendre capable de réaliser des choses qu’il ne faisait pas avant » (Ionescu, 2012). Pour conduire à cette transition, l’identification des forces effectives ou potentielles, des ressources internes, externes, des capacités à développer, sont des étapes essentielles. Plusieurs éléments participent au développement d’une conscience résiliente et positive, éléments faisant partie de l’environnement et des ressources de chaque individu. Un individu ne peut espérer être résilient que s’il apprend à affronter le milieu dans lequel il évolue et, à terme, à fonctionner et à investir dans son environnement. La résilience peut dès lors être définie comme un « processus résultant des interactions entre l’individu et son environnement » (Ionescu, 2012), processus permettant de faire face au(x) potentiel(s) traumatisme(s).
La résilience écologique
19En 1973, Crawford Holling définit la résilience comme la capacité d’un « système à conserver sa structure qualitative » (Holling, 1973). Cette définition met en avant la capacité d’un système à absorber un choc sans pour autant changer de comportement, de fonction. C’est donc avant tout la notion de persistance qui est mise en avant. L’idée est que le système a une évolution constante, caractérisée par des mouvements pendulaires vers l’état initial précédent la perturbation. Cependant, l’idée qu’il n’existe qu’un seul et unique état initial d’équilibre pour tout élément a été largement critiquée.
La résilience dans la gestion des risques
20Suite à la catastrophe de La Nouvelle-Orléans (2005), la nécessité d’innover la gestion des risques via l’utilisation d’un concept différent s’est fait ressentir. La résilience met en avant l’idée que la perturbation — ou choc — n’est pas (ou plus) nécessairement quelque chose de négatif (fig. 1) mais participe pleinement à la construction d’un nouveau modèle en appuyant l’idée d’innovation, d’apprentissage, de rebond et de changement. L’étymologie du terme résilience souligne cette capacité à dépasser une crise. C’est ainsi une capacité proactive que doit développer le système, de façon à (ré) agir face à la catastrophe et développer des capacités « [d’]apprentissage et [d’]anticipation » (Dauphiné & Provitolo, 2007).
Figure 1 : Résilience vs vulnérabilité

© Charlotte Heinzlef (données) / Catherine Julia (schéma), d’après Reghezza, 2006
21Le système altéré doit donc se montrer capable d’évoluer, de s’adapter et de rétablir ou maintenir un équilibre de fonctionnement. La résilience, possédant un « arc-en-ciel de sens » (Provitolo, 2009), fait référence tout autant à une capacité de résistance, d’absorption, de récupération, d’apprentissage, ou encore d’adaptation. Contrairement à la connotation négative de la vulnérabilité, la résilience incarne une dimension positive et novatrice.
22Quelle que soit la définition que l’on place derrière ce terme, celle-ci suppose un retour à un équilibre acceptable, qu’il soit antérieur au choc ou un nouveau fonctionnement (Dauphiné & Provitolo, 2004). C’est donc une notion qui renvoie à une innovation technique, urbaine, sociale, architecturale, économique et politique et qui enjoint une remise en question de nos systèmes de gestion du risque. Cette injonction à l’innovation s’adapte parfaitement à la complexité urbaine, économique, politique, sociale, écologique du monde contemporain. De ce fait le concept de résilience s’intègre aux enjeux d’étalement urbain et aux risques associés.
Conclusion
23Par bien des manières, la résilience urbaine semble être une réponse appropriée aux incertitudes liées à l’augmentation des risques en milieux urbains. La résilience peut être définie comme la capacité des populations, territoires et infrastructures à mettre en place des ressources, des aptitudes et des capacités afin de vivre au mieux un événement perturbateur de façon à en limiter les impacts négatifs. Les capacités peuvent être à la fois matérielles (réseaux urbains, approvisionnement en ressources vitales, etc.) et immatérielles (connaissances du risque, dynamiques économiques, environnement institutionnel, etc.). La résilience offre un cadre d’actions suffisamment flexible pour encourager l’innovation sous toutes ses formes. Cependant cette flexibilité, cette richesse d’interprétation, en vient à desservir le concept dans son application concrète. Peu de gestionnaires, de décideurs, d’acteurs urbains utilisent concrètement le concept afin d’influencer leur mode d’action sur le territoire. C’est pourquoi certains chercheurs se sont penchés sur la difficulté à clarifier le concept. Nous nous proposons donc d’approcher la résilience urbaine sous un angle global afin de répondre au mieux à la complexité du territoire urbain et aux attentes et interrogations des gestionnaires. Nous retiendrons l’idée que la résilience urbaine incarne les aptitudes et capacités d’une ville et de sa population à développer avant, pendant et après un événement perturbateur de façon à en limiter les impacts négatifs. Ce positionnement scientifique permet d’analyser la résilience urbaine comme un continuum, mettant en avant des capacités proactives que le système urbain doit développer de façon à (ré) agir face à la catastrophe.
Bibliographie
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Pour aller plus loin
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Notes de bas de page
3 Une crue centennale est une crue dont la probabilité d’apparition sur une année est de 1/100 en termes de débit. Chaque année, la probabilité que son débit soit atteint ou dépassé est donc de 1/100. La dernière inondation centennale à Paris a eu lieu en 1910 et a marqué durablement les mémoires en atteignant une hauteur d’eau de 8,62 mètres sur l’échelle hydrométrique du Pont d’Austerlitz.
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