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Cavaillon au Moyen Âge

 | 
Simone Balossino
, 
François Guyonnet

Chapitre 7

Les archives médiévales de Cavaillon dans les fonds départementaux des archives de Vaucluse

Bernard Thomas

Note de l’éditeur

Les renvois aux figures sans numéro de page indiquent que ces illustrations se trouvent en fin de chapitre.

Texte intégral

Les fonds ecclésiastiques

  • 1 L.-H. Labande, « Les chartes de l’évêché et les évêques de Cavaillon au xiiie siècle », Revue d’his (...)
  • 2 AD de Vaucluse, 1 L 452 (papiers Néry) : enquête sur les cartulaires et chartriers existant aux pré (...)

1La place prééminente des fonds ecclésiastiques dans les sources médiévales de l’histoire de Cavaillon n’a pas échappé à l’attention des chercheurs. Léon-Honoré Labande, qui avait remarqué l’existence aux archives départementales de Vaucluse d’un ensemble exceptionnel de documents médiévaux concernant Cavaillon, publia en 1910 près d’une vingtaine d’entre eux tirés du chartrier de l’évêché, à l’appui de son étude sur les évêques de Cavaillon de la première moitié du xiiie siècle, Bertrand de Durfort et Rostaing Belinger1. Dès les premières lignes de son article, l’auteur fustigeait la Gallia christiana nova qui selon lui, incomplète et fautive, avait fort mal traité l’Église de Cavaillon en ne publiant que quelques actes (dix dont cinq concernant l’abbaye de Sénanque). Or, deux chartriers, l’un pour l’évêché, l’autre pour le chapitre cathédral, totalisent à eux deux plus de 1 000 chartes et instrumenta, de la fin du xiie siècle jusqu’à la fin du xve siècle. Entrés aux archives départementales avec les séquestres révolutionnaires, ils étaient signalés dès 1799 par le premier archiviste départemental de Vaucluse, dans une enquête nationale menée sur les cartulaires ou chartriers existant dans les dépôts d’archives français : sur sept volumes recensés comme tels au dépôt des titres d’Avignon, quatre appartenaient au fonds de Cavaillon2.

Le fonds de l’évêché de Cavaillon

  • 3 J.-F. Boudin, Histoire des guerres excitées dans le Comté Venaissin et dans les environs par les ca (...)
  • 4 Mention d’un « inventaire des documents qui se trouvent dans les archives du palais épiscopal de Ca (...)
  • 5 Aix-en-Provence, musée Arbaud, MQ 391.

2À Cavaillon, l’évêque est un puissant personnage auquel les habitants prêtent hommage. Il est en effet coseigneur de la ville avec le pape, et les archives de l’évêché, en grande partie constituées de titres fonciers, ont fait l’objet de soins tout particuliers. Un premier « dépôt » d’archives a été constitué assez tôt au palais épiscopal de Cavaillon, et périodiquement des personnes ont travaillé à son « arrangement ». Ce dépôt a peut-être souffert lors des guerres du xvie siècle, mais finalement peu de destructions ont touché le fonds médiéval qui, tel un trésor des chartes, a été mis à l’abri au moment des troubles3. En 1599, sur ordre de l’évêque Jérôme Centelli, le fonds fit l’objet d’un classement et d’un inventaire dont seule une mention a été conservée4 ; mais par la suite le désordre affecta ce dépôt de l’évêché, ce qui est constaté en 1712 par l’évêque Guyon de Crochans ; à cette date, tous les titres sur parchemin, « qui a tanto tempore in isto palatii episcopalis archivio inter innumera documenta confuse vagabantur », se trouvaient dans un état de grand désordre. Le prélat décida alors de mettre en œuvre une grande opération de classement des archives épiscopales. Sur son ordre, les parchemins furent numérotés et réunis dans un énorme chartrier par les soins d’un clerc auvergnat, Pierre de Montroy, connu pour avoir l’année précédente établi au palais apostolique d’Avignon l’index des bullaires des papes du xive siècle. Son intervention à Cavaillon n’est malheureusement plus référencée par le répertoire général et analytique de toutes les chartes de l’évêché de Cavaillon qu’il a réalisé ; celui-ci est aujourd’hui perdu, mais ce travail estimable nous est connu par une copie réalisée une trentaine d’années plus tard par le greffier épiscopal de Cavaillon, Véran Croix5.

  • 6 AD de Vaucluse, 4 G 1.

3Le chartrier, quant à lui, nous est bien parvenu et il représente le plus volumineux registre des archives départementales de Vaucluse, avec des dimensions impressionnantes (64 cm sur 46 cm et 20 cm d’épaisseur) et ses 496 actes et documents, pour la plupart antérieurs au xvie siècle, dont 80 sont antérieurs à 13026. L’ordre du chartrier est purement chronologique, et chaque parchemin a reçu au dos un numéro, accompagné parfois mais non systématiquement d’une brève analyse (fig. no 1).

  • 7 Cette charte a été publiée par Labande, « Les chartes de l’évêché… », art. cité, p. 199‑202 sous le (...)

4Il n’existe aucun inventaire pièce à pièce de ce chartrier à part la contribution de Pierre de Montroy reprise dans le répertoire général de Véran Croix. Un archiviste de Vaucluse – peut-être Léopold Duhamel – réalisa une amorce d’inventaire sur les 100 premières pièces, tandis que Léon-Honoré Labande, dans son étude déjà citée sur les chartes épiscopales de Cavaillon du xiiie siècle, publia une vingtaine de ces documents. Ce chartrier attend par conséquent toujours son historien et son éditeur. Les trois premiers actes sont datés du xiie siècle ; il s’agit de la fameuse concession par le comte de Toulouse à l’évêque de Cavaillon du droit de dériver les eaux de la Durance pour alimenter les moulins épiscopaux (mars 1171) et d’une concession par le même évêque d’un oratoire et d’un cimetière aux hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem (1174). Suivent les chartes éditées par Labande relatives à l’administration du temporel de l’évêché du temps de l’évêque Rostaing Belinger, certaines étant munies du sceau de l’évêque, comme la convention passée pour l’édification d’un moulin au chemin des Taillades en 12327 (fig. no 2 et no 3) ; suivent de nombreux actes de donations et de reconnaissances des xive et xve siècles.

  • 8 AD de Vaucluse, 4 G 61. Voir à ce sujet Artonne A., Guizard L., Pontal O., Répertoire des statuts s (...)

5Les archives médiévales de l’évêché de Cavaillon ne se limitent pas au seul chartrier, même si celui-ci représente la source la plus conséquente. Des statuts et ordonnances synodales des xive et xve siècles ont été également conservés, parmi lesquels les statuts de l’évêque Toussaint de Villeneuve en 56 articles du 28 avril 14748.

  • 9 AD de Vaucluse, 4 G 2‑5, 38.

6En 1712, l’évêque Guyon de Crochans fit également relier en plusieurs volumes l’ensemble des documents sur papier qui se trouvaient dans le dépôt de l’évêché, en privilégiant un ordre thématique ; ces registres se reconnaissent aisément – du moins pour ceux qui nous ont été transmis – par leur reliure caractéristique, une couverture de velours vert et des pièces de titre semblables9 :

  • Droits sur le port d’Orgon ;

  • Droits de M. d’Oppède ;

  • Affaire de L’Isle ;

  • Prieuré de Gordes ;

  • Livre de l’Ouvrerie.

7D’autres, aujourd’hui perdus, sont mentionnés dans l’inventaire de Véran Croix de 1740 (Prieuré de Saint-Phalès, Prieuré de Vaucluse, etc.).

  • 10 AD de Vaucluse, 4 G 6.
  • 11 AD de Vaucluse, 4 G 17 (copie de l’inventaire de Ribère, t. III), p. 1654‑1725.

8Si ces recueils ne remontent pour la plupart pas au-delà du xvie siècle, il n’est pas rare d’y trouver quelques pièces isolées du xve et d’autres, plus anciennes, en copies des registres des notaires et des greffiers épiscopaux, c’est-à-dire des juristes qui constituaient la chancellerie épiscopale. Quelques cahiers subsistent seulement pour la deuxième moitié du xve siècle ; ce sont des brèves des notaires André Michaelis et Jean Reynaud (1467-1528), avec un protocole d’Antoine Gastaud, notaire de Sénas (1491), et un manuel de Jean Reynaud, notaire de Cavaillon (1501) ; reliés ensemble de manière artificielle, ils constituent un recueil de 629 folios dont une note nous précise qu’ils ont été analysés et « rapportés » dans le répertoire général fait par ordre de Mgr de Guyon, le 19 mai 171210. Mais on regrettera la perte du registre (de 578 folios) au spirituel du greffier Jacques Michaelis pour les années 1394 à 1433, bien analysé pour son contenu dans un autre inventaire d’archives, concernant le chapitre cathédral, en 168111.

  • 12 AD de Vaucluse, 4 G 59.

9Quant aux registres spécifiques de reconnaissances de l’évêché, à part un petit registre de quinze folios du notaire Jean Reynaud des années 1495-1500 parvenu aux archives départementales par le fonds notarial Liffran de Cavaillon12, la série ne commence que tardivement, en 1504.

10Au final, avec son énorme chartrier et quelques recueils, le fonds médiéval de l’évêché de Cavaillon, à l’inverse du fonds moderne qui a beaucoup souffert, nous paraît avoir traversé les derniers siècles et nous être parvenu dans son intégralité, tel qu’il est décrit du moins dans l’inventaire du début du xviiie siècle. Dès cette époque, sa valeur était reconnue par ses utilisateurs : les greffiers et notaires de la chancellerie épiscopale, et aussi quelques « antiquaires » cavaillonnais.

Les archives du chapitre cathédral

  • 13 Un des plus illustres est le prédécesseur du chanoine de Ribère, le chanoine théologal Jacques Thom (...)
  • 14 AD de Vaucluse, 4 G 14.

11Second en importance parmi les archives ecclésiastiques de Cavaillon, le fonds du chapitre des chanoines de la cathédrale Saint-Véran a lui aussi rencontré un fort intérêt de la part des autorités ecclésiastiques et des chanoines « antiquaires » en quête de connaissance du passé de la ville13. C’est un membre éminent du chapitre cathédral et grand vicaire de l’évêque, le chanoine Jean-Henri de Ribère, qui effectua dans les années 1670-1680 un recensement général des actes concernant l’Église de Cavaillon où les documents médiévaux ont la part belle. Participant d’un courant d’intérêt pour le passé historique et monumental de l’ancienne cité des Cavares, le chanoine de Ribère dressa une situation de la documentation archivistique utile à ses confrères du chapitre pour la défense de leurs droits. Pour réaliser son vaste recensement, le chanoine dépouilla les titres conservés par le chapitre cathédral, mais également les registres des notaires de la ville appelés à établir des actes pour le chapitre, ainsi que ceux des greffiers épiscopaux. Le résultat est contenu dans un épais volume de près de 1 000 pages dans lequel fourmillent les analyses et les références, mais qui se révèle à l’usage d’un maniement assez complexe, malgré la présence de tables ; ce recueil est également à manier avec prudence en ce qui concerne l’exactitude des analyses14.

12Le chanoine de Ribère recense en premier lieu tous les instrumenta que le chapitre conserve à cette date dans des sacs marqués de lettres de l’alphabet pour les identifier :

  • Les testaments, titres de legs et de donations, titres de biens, soit 268 références dont les plus anciennes remontent à 1285 ;

  • Les cens et directes imposés sur des maisons de Cavaillon, reconnaissances et baux remontant à 1330 pour les plus anciennes mentions, soit 210 références ;

  • Les instrumenta où sont portées des reconnaissances sur des censives imposées en faveur du chapitre, soit 345 références.

13L’essentiel constitue les titres du corps des anniversaires, qui semble se confondre avec le chapitre lui-même, dans ses recettes et dans ses charges.

14Le chanoine de Ribère poursuit son recensement par les registres du chapitre et ceux du corps des anniversaires, encore visibles à son époque, constitués pour l’essentiel de registres de reconnaissances :

    • 15 Analyses au tome II de la copie de 1743 (AD de Vaucluse, 4 G 16, p. 967‑1000).

    Un livre « parchemin » de 136 folios de reconnaissances à Cavaillon (terroir urbain surtout) et à L’Isle, de 1432 à 1465, avec des renouvellements en 1483‑148715 ;

    • 16 Ibid., p. 1010‑1018.

    Le « Livre A des messes », en 39 folios, avec reconnaissances de terres pour les fondations, de 1491 à 1502 (mises à jour jusqu’en 1568)16 ;

    • 17 Ibid., p. 1030‑1117.

    Le « Livre noir », de 269 folios, avec des reconnaissances à L’Isle et à Cavaillon, de 1481 à 1486, mises à jour jusqu’au xviie siècle17.

15Aujourd’hui perdus, ces registres ne nous sont connus que par les analyses minutieuses de l’inventaire de Ribère.

16Mais l’inventaire de Ribère est étrangement silencieux sur la présence ou non de livres de comptes. Étaient-ils alors aux mains d’un chanoine administrateur, ou bien les plus anciens étaient-ils déjà perdus à cette date ? Aucun registre ou cahier de comptes n’a été transmis jusqu’à nous.

  • 18 Son décès est mentionné dans le journal du chanoine de Grasse (Un chanoine de Cavaillon au Grand Si (...)
  • 19 AD de Vaucluse, 4 G 18.
  • 20 AD de Vaucluse, 4 G 15‑17.
  • 21 AD de Vaucluse, 4 G 20‑23.

17Soucieux de préserver son travail, le chanoine de Ribère légua à sa mort en 168118 son répertoire général au chapitre cathédral de Cavaillon, et celui-ci en prit grand soin. En 1711, un autre membre du chapitre dressa un répertoire chronologique des archives19 ; celui-ci, pour le seul Moyen Âge, dénombre parmi les instrumenta quinze actes datés de 1231 à 1296 et 384 actes de 1302 à 1399. En 1743, sur ordre de Mgr Manzi, évêque de Cavaillon, le répertoire de Ribère fut entièrement recopié et mis au net en trois volumes in-folio, avec des renvois aux numéros des pièces et des sacs20 ; et la même année, l’évêque fit extraire les instrumenta sur parchemin des différents sacs dans lesquels ils étaient conservés, marqués de A à Z, et les fit relier aux frais du chapitre cathédral en quatre volumes in-folio21. Ce « chartularium », dénommé ainsi et conservé aujourd’hui en cet état aux archives de Vaucluse, totalise 677 pièces, du xiiie au xve siècle ; il n’est pas certain que l’opération de reliure ait été réalisée dans le désordre, mais plutôt en respectant un classement antérieur, qui serait intervenu en 1515. Cependant, un véritable pointage avec analyse des actes de ce chartrier du chapitre cathédral reste à faire ; il demeure accessible pour l’heure par une double clef, celle du répertoire analytique de Ribère de 1680, et celle du répertoire chronologique de 1711.

  • 22 Labande, « Les chartes de l’évêché… », art. cité.

18Léon-Honoré Labande dédaignait un peu trop vite ce volu­mineux chartrier en trois volumes du chapitre de Cavaillon, comme ne pouvant que laisser « peu de chose à tirer » du fait de son contenu essentiellement foncier et parce que les documents les plus nombreux concernent les dotations du corps des anniversaires22. Depuis, les historiens médiévistes ont vu tout l’intérêt de ces documents pour l’étude du foncier, du paysage et de l’urbanisation des villes ; il s’agit bien là de sources essentielles pour l’étude de l’occupation et de l’exploitation du sol dans le terroir cavaillonnais.

  • 23 AD de Vaucluse, 4 G 24.
  • 24 AD de Vaucluse, 4 G 73.
  • 25 AD de Vaucluse, 3 E 33/48 ; ce recueil est parvenu par le fonds de l’étude notariale Rousset.
  • 26 AD d’Isère, B 3772.

19Le fonds médiéval du chapitre cathédral de Cavaillon ne s’arrête pas à ce chartrier qui en est la pièce maîtresse. Il existe aux archives départementales de Vaucluse des statuts de 135223, un petit cahier (incomplet) de notes sur l’élection des évêques, prévôts et dignitaires pour les années 1421-143424, et un recueil d’actes pris pour le chapitre par le notaire Jacques Benaye aux années 1384-139125 ; aux archives départementales de l’Isère, on relève deux cahiers de comptes du prévôt du chapitre de Cavaillon pour 1396‑139826.

Les autres fonds ecclésiastiques

20Les autres fonds ecclésiastiques de Cavaillon ne peuvent malheureusement pas retenir autant l’attention pour l’époque médiévale.

  • 27 AD des Bouches-du-Rhône, 56 H 5325.

21Disparue au début du xive siècle, la commanderie des Templiers de Cavaillon n’est représentée que par quelques bribes dans les archives du grand prieuré de Saint-Gilles aux archives des Bouches-du-Rhône27. Les archives des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, également présents à Cavaillon, ne sont guère mieux représentées.

  • 28 AD de Vaucluse, 67 H.

22Privée de toute présence des ordres mendiants (qui s’établirent plutôt dans la seconde ville du diocèse, L’Isle-sur-la-Sorgue), Cavaillon est donc tout autant dépourvue d’archives provenant de ces communautés. La seule maison religieuse de fondation ancienne est celle des Bénédictines ; transférées de leur campagne de Saint-Marcel près de Mérindol par permission de Jean XXII en 1328, elles se firent remettre en ville la maison des Hospitaliers de Saint-Jean dont elles prirent le nom. Le fonds d’archives28 renferme une trentaine de titres anciens sur parchemin des années 1330 à 1480 : la bulle de Jean XXII, une autre de Clément VI, la collation de la chapellenie de Sainte-Catherine unie au monastère en 1345, des actes de reconnaissances, des baux, des titres de donations à Cavaillon, aux Taillades.

Les fonds judiciaires et notariaux

  • 29 Pour une présentation générale des sources judiciaires et notariales, on se reportera au travail de (...)

23Aux côtés des archives d’origine ecclésiastique, les fonds judiciaires dans une faible mesure, les fonds notariaux surtout, constituent le deuxième ensemble archivistique d’importance parmi les sources médiévales de Cavaillon conservées aux archives de Vaucluse29.

  • 30 Manuels de causes des années 1456 et 1486 (AD de Vaucluse, 3 E 33/1054 et 3 E 32/957) ; livres des (...)

24Les archives de la juridiction temporelle de Cavaillon, partagée entre l’évêque et le pape, sont totalement absentes pour l’époque médiévale à l’exception de quelques manuels de causes civiles et de livres de regestes de la deuxième moitié du xve siècle30.

  • 31 J. Chiffoleau, « L’espace urbain et l’espace régional de Cavaillon vers 1320-1340 », Provence histo (...)
  • 32 Le Dantec, « Crédit et source notariale… », art. cité. Voir également sa contribution dans le prése (...)

25Il en est tout autrement des archives des notaires cavaillonnais, bien connues des chercheurs à la suite de Jacques Chiffoleau et de Monique Zerner ; ces registres ont fait l’objet de monographies et de nombreux dépouillements dans le cadre de travaux de recherches consacrés à l’économie, l’agriculture et la gestion du terroir31. Sur les 5 000 registres de notaires antérieurs à 1500 conservés aux archives départementales de Vaucluse, le minutier notarial de Cavaillon compte 350 registres médiévaux et occupe la sixième place derrière Avignon, Carpentras, L’Isle, Apt et Orange. Mais à la différence des minutiers d’Avignon et de Carpentras, assez mal représentés pour le xive siècle, et même d’Apt dont le plus ancien registre date de 1346, le minutier de Cavaillon renferme un grand nombre de registres notariaux du xive siècle, soit une cinquantaine, dont une vingtaine datés de 1328 à 1350, et une trentaine de la seconde moitié du xive siècle, ce qui en fait l’originalité. À ce sujet, Gaëlle Le Dantec a pu montrer une relative discontinuité, avec à la fois des groupes d’années bien documentées, mais aussi des années lacunaires32. Pour le xve siècle, ce sont des séries quasi continues qui apparaissent, avec des longévités et des dynasties de notaires intéressantes, tels les Michaelis, présents de 1392 à 1469 avec 57 registres conservés. On peut encore citer les longévités remarquables de Pierre d’Oxnago (23 registres de 1414 à 1446) et de Girard Paquet (30 registres de 1441 à 1478). Avec la seconde moitié du xve siècle, on atteint des exercices entiers de notaires conservés sans lacune, ce qui devient la règle au siècle suivant.

  • 33 Zerner, « Le notariat en Comtat Venaissin… », art. cité.

26Monique Zerner identifiait quatre notaires exerçant de façon concomitante en 141433 ; ce nombre est resté à peu près constant au cours du xve siècle ; il passe à sept ou huit notaires à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle. Les notaires cavaillonnais sont une dizaine à exercer en même temps au milieu du xviie siècle.

  • 34 Chiffoleau, La Comptabilité de l’au-delà…, op. cit., p. 47.

27Il n’est plus nécessaire d’insister sur la richesse du contenu des minutes notariales dont on estime à 927 le nombre des testaments et à plus de 2 000 les actes de crédits rédigés avant 150034. Toutefois, une inconnue demeure sur ce qui est advenu de registres anciens qui furent transférés au palais apostolique d’Avignon lors des troubles du milieu du xvie siècle pour y être mis à l’abri, et qui ont gagné ensuite Rome. Une note du chanoine de Ribère fait état des démarches qui sont nécessaires tant à Avignon qu’à Rome pour obtenir des extraits d’actes auprès des personnes qui détiennent par commission ces anciennes écritures.

  • 35 AD de Vaucluse, 3 E 32/399‑400 : on y trouve des vidimats de transactions, conventions, conclusions (...)

28Outre les registres de brèves et d’étendues, le minutier notarial de Cavaillon renferme des cahiers et registres liés aux multiples activités des notaires : greffiers de justice, greffiers de la communauté, greffiers de l’évêque et des communautés ecclésiastiques, les notaires cavaillonnais prenaient dans leurs registres des actes pour ces corps constitués, au même titre que pour leurs clients particuliers. Même à des dates postérieures, il n’est pas rare de trouver sous forme de vidimats des actes médiévaux, tels ceux pour la communauté de Cavaillon, du xiiie au xvie siècle, retranscrits dans les registres du notaire Louis Lamberty (1593‑1618)35.

29Enfin, parmi des papiers privés ou dossiers de clients, on citera :

    • 36 AD de Vaucluse, 3 E 33/1160.

    Un cahier d’actes de reconnaissances de biens de l’hérédité de Pierre Cabassole (not. Jacques Benaye, 1373‑1389)36 ;

    • 37 AD de Vaucluse, 3 E 33/1158.

    Un livre de raison de la famille Guinet/Guinety, de L’Isle (ges­tion de biens, partages, comptes, sur L’Isle et Cavaillon, 1467‑1520)37 ;

    • 38 AD de Vaucluse, 3 E 33/309.

    Des feuillets de comptes du notaire Ebrard Gépini (1494‑1496), en tête de ses minutes38.

Les autres fonds conservés aux archives de Vaucluse

  • 39 AD de Vaucluse, B 337‑338.
  • 40 AD de Vaucluse, B 340.

30Le pape étant coseigneur de Cavaillon, la ville apparaît sans surprise dans les archives de la Chambre apostolique du Comtat Venaissin, d’une part dans les manuels des secrétaires de la Chambre (registres d’investitures et de baux) à partir de 1425, d’autre part dans des registres particuliers constitués par localités, qu’il s’agisse des libri novorum accapitorum (deux manuels pour Cavaillon, 1351-146139), des reconnaissances camérales (un manuel pour 1427-146140), ou encore d’aveux de directes.

  • 41 AD de Vaucluse, C 88 (registre de 284 folios).
  • 42 M. Zerner, Le Cadastre, le pouvoir et la terre : le Comtat Venaissin pontifical au début du xve siè (...)

31Dans le fonds des archives des États du Comtat Venaissin figure la grande estime cadastrale des communautés du Comtat dressée en 1414 sur ordre du recteur du Comtat dans le cadre d’une révision générale de l’assiette de la taille. Le « cadastre » de Cavaillon41 y figure avec ceux de 46 autres communautés comtadines. Sur cette source exceptionnelle pour l’histoire foncière et économique du Comtat Venaissin, on se limitera ici à renvoyer le lecteur aux travaux de Monique Zerner42.

32Il y aurait certainement intérêt à glaner dans les titres des grandes maisons religieuses implantées près de Cavaillon, qui reçurent des biens en donation et possédaient des droits à Cavaillon et dans le terroir.

33Dans le second volume du chartrier des cisterciens de l’abbaye de Sénanque, les parchemins sont reliés par terroir, suivant un ordre chronologique ; Cavaillon y figure pour treize actes du xive siècle et sept actes du xve siècle : reconnaissances de terres et de vignes dans le terroir agricole au profit du monastère, baux à cens de 1325 à 1498.

34Dans le fonds des chartreux de Bonpas, quelques titres de directes du xive siècle, des lièves de reconnaissances du début du xve siècle concernent Cavaillon où les chartreux étaient bien implantés ; les titres de la grange du Rouret, acquise par les chartreux de Bonpas, remontent au xiiie siècle.

  • 43 Parmi les travaux récents, on verra l’exploitation du chartrier épiscopal que fait Valérie Theis po (...)

35Les historiens ont déjà beaucoup moissonné dans ce vaste ensemble documentaire que constituent les fonds médiévaux cavaillonnais. Largement mises à contribution en histoire sociale, religieuse et économique, les archives notariales de Cavaillon sont loin d’avoir été toutes explorées et nul doute qu’elles donneront encore matière à de nouvelles études. Si l’historien du politique et du religieux aura du mal à se rassasier dans les fonds de l’évêché et du chapitre cathédral43, des gisements entiers n’en dorment pas moins dans ces énormes chartriers pour l’étude de la ville et du terroir dont ils constituent avec le riche fonds communal une source de première importance dans l’histoire de l’activité rurale et de la topographie urbaine.

Fig. no 1 : Page de titre du chartrier de l’évêché de Cavaillon rappelant sa réalisation en 1712 par les soins de l’évêque Guyon de Crochans

Fig. no 1 : Page de titre du chartrier de l’évêché de Cavaillon rappelant sa réalisation en 1712 par les soins de l’évêque Guyon de Crochans

(AD de Vaucluse, 4 G 1, 1712)

Licence ouverte : Arch. dép. Vaucluse

Fig. no 2 et no  3 : Bulle en plomb de l’évêque Rostaing Belinger

Fig. no 2 et no  3 : Bulle en plomb de l’évêque Rostaing Belinger

Avers : l’évêque, assis, bénissant ; revers : le dragon de saint Véran (AD de Vaucluse, 4 G 1, no 25)

Licence ouverte : Arch. dép. Vaucluse

Notes

1 L.-H. Labande, « Les chartes de l’évêché et les évêques de Cavaillon au xiiie siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 1, 1910, p. 82‑104 et p. 188‑210.

2 AD de Vaucluse, 1 L 452 (papiers Néry) : enquête sur les cartulaires et chartriers existant aux présentes archives (19 nivôse an VII).

3 J.-F. Boudin, Histoire des guerres excitées dans le Comté Venaissin et dans les environs par les calvinistes du xvie siècle, Carpentras, Dominique-Gaspard Quenin Imprimeur-Libraire, 1782, p. 152‑153.

4 Mention d’un « inventaire des documents qui se trouvent dans les archives du palais épiscopal de Cavaillon, fait par ordre de Mgr Hiérome Centelles, évêque, se trouve dans le livre de reconnaissances, fol. 605, dressé par matières, jusqu’à fol. 645 dudit livre des reconnaissances de l’an 1474 » (copie de l’inventaire de Montroy, Aix-en-Provence, musée Arbaud, MQ 391, p. 174) ; ce registre de reconnaissances de 1474 est aujourd’hui perdu.

5 Aix-en-Provence, musée Arbaud, MQ 391.

6 AD de Vaucluse, 4 G 1.

7 Cette charte a été publiée par Labande, « Les chartes de l’évêché… », art. cité, p. 199‑202 sous le numéro XIV. L’avers et le revers du sceau épiscopal portent l’inscription « EPISCOPUS CAVELLICENSIS ».

8 AD de Vaucluse, 4 G 61. Voir à ce sujet Artonne A., Guizard L., Pontal O., Répertoire des statuts synodaux des diocèses de l’ancienne France du xiiie à la fin du xviiie siècle, Paris, CNRS, 1963, p. 189.

9 AD de Vaucluse, 4 G 2‑5, 38.

10 AD de Vaucluse, 4 G 6.

11 AD de Vaucluse, 4 G 17 (copie de l’inventaire de Ribère, t. III), p. 1654‑1725.

12 AD de Vaucluse, 4 G 59.

13 Un des plus illustres est le prédécesseur du chanoine de Ribère, le chanoine théologal Jacques Thomassin.

14 AD de Vaucluse, 4 G 14.

15 Analyses au tome II de la copie de 1743 (AD de Vaucluse, 4 G 16, p. 967‑1000).

16 Ibid., p. 1010‑1018.

17 Ibid., p. 1030‑1117.

18 Son décès est mentionné dans le journal du chanoine de Grasse (Un chanoine de Cavaillon au Grand Siècle. Le livre de raison de Jean-Gaspard de Grasse [1664-1684], F. Meyer [éd.], Paris, CTHS, 2002, p. 79) ; testament reçu par Esprit Gollier, notaire, le 19 janvier 1681 (cité dans AD de Vaucluse, 4 G 15).

19 AD de Vaucluse, 4 G 18.

20 AD de Vaucluse, 4 G 15‑17.

21 AD de Vaucluse, 4 G 20‑23.

22 Labande, « Les chartes de l’évêché… », art. cité.

23 AD de Vaucluse, 4 G 24.

24 AD de Vaucluse, 4 G 73.

25 AD de Vaucluse, 3 E 33/48 ; ce recueil est parvenu par le fonds de l’étude notariale Rousset.

26 AD d’Isère, B 3772.

27 AD des Bouches-du-Rhône, 56 H 5325.

28 AD de Vaucluse, 67 H.

29 Pour une présentation générale des sources judiciaires et notariales, on se reportera au travail de recensement de R.-H. Bautier, J. Sornay, Les Sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Âge. Provence, Comtat Venaissin, Dauphiné, États de la maison de Savoie, Paris, CNRS, 1968, qui présente dans le vol. I (p. 1316‑1319) la liste des notaires cavaillonnais dont les registres ont été conservés, de 1328 à 1500.

30 Manuels de causes des années 1456 et 1486 (AD de Vaucluse, 3 E 33/1054 et 3 E 32/957) ; livres des « regestes » de 1450-1461, 1480, 1480-1566 (ibid., 3 E 32/956, 970 ; 3 E 33/1134).

31 J. Chiffoleau, « L’espace urbain et l’espace régional de Cavaillon vers 1320-1340 », Provence historique, 106, 1976, p. 287‑300 ; J. Chiffoleau, La Comptabilité de l’au-delà. Les hommes, la mort et la religion dans la région d’Avignon à la fin du Moyen Âge (vers 1320-vers 1480), Rome, École française de Rome, 1980 ; M. Zerner, « Le notariat en Comtat Venaissin à la fin du Moyen Âge », dans Le Comté de Nice, terre de rencontre du notariat. Provence, Corse, Piémont. Actes du colloque international, Nice 27‑28 mai 1991, Nice, Conseil général des Alpes-Maritimes, 1995, p. 47‑56 ; G. Le Dantec, « Crédit et source notariale à Cavaillon (xive-xve siècles). Essai de typologie », dans Menant F., Redon O. (dir.), Notaires et crédit dans l’Occident méditerranéen médiéval, Rome, École française de Rome, 2004, p. 307‑335.

32 Le Dantec, « Crédit et source notariale… », art. cité. Voir également sa contribution dans le présent ouvrage, au chapitre 5.

33 Zerner, « Le notariat en Comtat Venaissin… », art. cité.

34 Chiffoleau, La Comptabilité de l’au-delà…, op. cit., p. 47.

35 AD de Vaucluse, 3 E 32/399‑400 : on y trouve des vidimats de transactions, conventions, conclusions de parlements, hommages, « vieux statuts » de 1241, etc.

36 AD de Vaucluse, 3 E 33/1160.

37 AD de Vaucluse, 3 E 33/1158.

38 AD de Vaucluse, 3 E 33/309.

39 AD de Vaucluse, B 337‑338.

40 AD de Vaucluse, B 340.

41 AD de Vaucluse, C 88 (registre de 284 folios).

42 M. Zerner, Le Cadastre, le pouvoir et la terre : le Comtat Venaissin pontifical au début du xve siècle, Rome, École française de Rome, 1993.

43 Parmi les travaux récents, on verra l’exploitation du chartrier épiscopal que fait Valérie Theis pour analyser l’activité de l’évêque de Cavaillon Geoffroy Isnardi de 1322 à 1328 ; V. Theis, Le Gouvernement pontifical du Comtat Venaissin, vers 1270-vers 1350, Rome, École française de Rome, 2012, p. 587‑589.

Table des illustrations

Titre Fig. no 1 : Page de titre du chartrier de l’évêché de Cavaillon rappelant sa réalisation en 1712 par les soins de l’évêque Guyon de Crochans
Légende (AD de Vaucluse, 4 G 1, 1712)
Crédits Licence ouverte : Arch. dép. Vaucluse
URL http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/6336/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,6M
Titre Fig. no 2 et no  3 : Bulle en plomb de l’évêque Rostaing Belinger
Légende Avers : l’évêque, assis, bénissant ; revers : le dragon de saint Véran (AD de Vaucluse, 4 G 1, no 25)
Crédits Licence ouverte : Arch. dép. Vaucluse
URL http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/6336/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,8M

Auteur

Diplômé de l’université de Bordeaux-III, Bernard Thomas a effectué sa carrière à Avignon comme archiviste aux Archives départementales de Vaucluse. Ses travaux d’inventaires ont porté sur une quarantaine de fonds notariés, d’archives anciennes, modernes et privées, qui ont fait l’objet d’une publication imprimée ou qui ont été mis en ligne sur le site Internet des Archives de Vaucluse. Il a participé à l’élaboration de catalogues d’expositions des Archives départementales de Vaucluse, dont Protestants en Vaucluse, xvie-xixe siècles (1998). Il a publié une vingtaine d’articles consacrés à l’histoire d’Avignon et du Comtat Venaissin.

© Éditions Universitaires d’Avignon, 2022

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