1Les Avignonnais ont le sentiment de vivre dans une capitale. Le qualificatif est constamment mobilisé : capitale du théâtre, capitale des Côtes-du-Rhône, capitale entre deux régions qui justifie l’existence d’un « Grand Avignon », capitale européenne de la culture en l’an 2000 – la seconde ville française à bénéficier de ce label créé en 1985, après Paris en 1989. Et l’on est toujours fier de constater que la cité au pont cassé est avec Paris la ville française la plus connue au monde, même si ce n’est que grâce à une chanson du xix^e siècle.

2Tout cela peut sembler un peu prétentieux, au regard de la dimension actuelle de cette ville moyenne, située à proximité de métropoles autrement importantes, Marseille, Montpellier, Lyon. Face à ce reproche, l’Avignonnais a une réponse toute prête : sa ville fut tout de même un temps la capitale de la Chrétienté ! Quelle autre, à part Rome, peut prétendre à ce titre ? L’argument mérite d’être examiné, et interroge l’historien, comme chaque fois que le passé est mobilisé au service d’une identité contemporaine.

La capitale de l’Église

3Avignon a-t-elle été la capitale de la Chrétienté ? La réponse est loin d’être évidente, et l’idée doit être sérieusement nuancée. L’espace géopolitique du xiv^e siècle que l’on désigne du nom de Chrétienté, caractérisé par le partage d’un christianisme de tradition latine, n’est alors unifié par aucun pouvoir politique et ne dispose donc pas de capitale, même s’il se réfère à deux centres symboliques essentiels : Rome et Jérusalem. L’Église, seule institution à pouvoir encore prétendre à un rôle unificateur, doit composer avec de multiples pouvoirs monarchiques et princiers, qui revendiquent de plus en plus leur souveraineté.

4Il faut préciser aussi que la notion de capitale est encore très neuve, et assez fragile. Exercer le pouvoir depuis une ville regroupant une multitude de fonctions est loin d’être une évidence. Pendant longtemps, les pouvoirs d’Occident ont délaissé le cadre des villes antiques au profit de forteresses isolées, ou de grandes abbayes à l’exemple de Cluny. Dans le Midi, le réseau urbain a davantage résisté, mais les villes gouvernent un territoire limité et entretiennent des rapports souvent houleux avec les grandes puissances politiques.

5Néanmoins, un vigoureux mouvement de retour à la ville s’est manifesté depuis le xii^e siècle : croissance économique du monde marchand, apparition d’une nouvelle société urbaine, essor de grands centres intellectuels par la création des premières universités… Les puissants – princes, rois – ont donc compris qu’il leur fallait être en ville. En France, Paris s’affirme peu à peu comme la capitale du royaume, notamment depuis le règne de Philippe Auguste, au début du xiii^e siècle.

6Pour le pape, le rapport à la ville semblait plus évident. Il est après tout l’évêque de la Ville par excellence, Rome. Mais celle-ci n’a pas toujours été une capitale politique sûre pour les pontifes du xiii^e siècle, en dépit des efforts d’Innocent III et des papes de la fin du siècle, notamment Boniface VIII.

7Lorsque Clément V arrive à Avignon, en 1309, il n’a évidemment aucune intention d’installer une capitale sur les bords du Rhône. Mais avec ses successeurs Jean XXII et Benoît XII, quelque chose de nouveau apparaît : installation dans la ville, construction d’un vaste palais, croissance du personnel administratif.

8Les contemporains ne s’y trompent pas : ce qui étonne par exemple le moraliste Jean Dupin, qui écrit dans les années 1330, c’est moins l’éloignement du pape de Rome que sa sédentarisation :

En Provence par seigneurie
A le pape (pris) son estaige
Dedans Avignon la citey.
La tient sa court, mais son lignage
Y est qui prent tout l’avantaige,
Les croces, les grans dignitez.
[…]
Ses chasteaulx fait bien creneller,
Ses maisons poindre et listeller,
C’est s’estude et sa pensee.
[…]
Notre pape ne pense pas
Comme Dieu s’en alla le pas
Trestout a pié, senz chausseüre.
Hélas, il ne séjourna pas ;
Fust en esté ou en yvars,
Aloit par nef et par froidure1.

9Cette sédentarisation du pape et de sa cour avait débuté à Rome dans les dernières années du xiii^e siècle. Elle s’épanouit à Avignon. Elle s’explique par le besoin d’une capitale pour celui qui s’affirme de plus en plus comme le chef de l’Église. Le conflit entre Boniface VIII et Philippe le Bel a montré en outre la nécessité de se protéger et de pouvoir être réactif face aux pressions politiques.

10Avec pragmatisme, Jean XXII préfère sans doute construire à Avignon ce qu’il ne peut avoir à Rome, même si cela n’est pensé qu’à titre provisoire. La situation d’Avignon, on l’a souvent souligné, est particulièrement propice : sa position est bien plus centrale que Rome, et les communications avec le Nord sont facilitées.

11Dès le pontificat de Jean XXII, Avignon s’affirme donc comme une capitale, celle de l’Église, c’est-à-dire de la seule institution qui se déploie à l’échelle de l’Occident.

12Il s’agit pourtant d’une capitale bien singulière : le pape n’y est pas chez lui avant l’achat de la ville par Clément VI en 1348 ; elle ne domine aucun territoire étendu puisque le Comtat pontifical relève d’un autre système de gouvernement ; elle ne prétend à aucun moment remplacer Rome, siège naturel de la papauté, là où se trouvent les reliques de Pierre et Paul. En décrétant une année jubilaire en 1350, sur le modèle initié par Boniface VIII en 1300, Clément VI invite les pèlerins à se rendre dans la Ville éternelle, alors que lui-même ne fait pas le déplacement ! Ce décalage peut étonner, mais il faut se souvenir que l’on distingue alors souvent le lieu de l’exercice du pouvoir de son ancrage symbolique. En France, si le pouvoir royal se fixe à Paris, c’est à Reims qu’il prend sa source et à Saint-Denis qu’il garde sa mémoire.

13Il faut donc voir Avignon et son Palais comme une expérience, un laboratoire où se met en place l’administration la plus performante d’Occident.

Une machine administrative

14L’efficacité de ce gouvernement ecclésial est palpable, aujourd’hui encore, dans la masse énorme des archives qu’il a laissées, conservées au Vatican et qui font l’objet depuis la fin du xix^e siècle de longues entreprises d’édition et d’études. À la suite de l’École française de Rome, un ingénieur du CNRS installé dans l’ancien palais de Benoît XII poursuit l’édition, aujourd’hui électronique, des lettres pontificales, avec le soutien des médiévistes d’Avignon et de Lyon. Plus de 250 000 documents sont désormais accessibles².

15Centraliser l’Église n’allait pourtant pas de soi. En dépit des longs efforts de la réforme grégorienne, les fortes traditions d’autonomie des Églises locales s’expriment encore au xiv^e siècle. Le gouvernement pontifical d’Avignon parvient à concrétiser son autorité en contrôlant peu à peu la grande majorité des postes, les bénéfices ecclésiastiques. Le mouvement avait commencé au xiii^e siècle, il trouve alors son aboutissement. À la fin de la période avignonnaise, la quasi-totalité des bénéfices majeurs – évêchés, abbayes – sont conférés directement par le pape.

16Cela fait d’Avignon le passage obligé de tous ceux qui veulent un poste important ou qui souhaitent placer quelques protégés. Pour satisfaire tout le monde, un procédé ingénieux est même imaginé : l’expectative, c’est-à-dire la promesse d’attribution du bénéfice lorsqu’il sera vacant. Sous Jean XXII, ce sont 31 555 bénéfices qui sont ainsi distribués, soit une moyenne de 1 750 par an ! Les deux tiers sont des expectatives ou des bénéfices en attente d’un revenu³…

17Avignon devient un grand marché de postes ecclésiastiques, ce qui énerve au plus haut point notre moraliste Jean Dupin :

Ly statuz de Saincte Yglise
Sont corrompus par symonie
Et par faulse indignation.
Ja n’y verrez donner yglise,
Ne eveschié, ne abbaïe,
Se ce n’est par aucun guerdon,
Ne priorey, ne chanoynie.
Certes, c’est mout grant vilonie
De vendre Dieu et sa maison !
Avignon vent l’on et achete ;
L’on y soloit demander grace,
Mais il a nom revenderie.
Ja povres hons n’y avra grace,
Se trop cherement ne l’achete ;
Riens ne y vault haulte clergie4.

18Il y a dans ce contrôle des charges ecclésiastiques une dimension politique essentielle, car il permet de s’assurer des soutiens, de récompenser des fidélités. Mais Jean Dupin ne s’y trompe pas : l’argent est aussi un enjeu majeur.

19Comme tous les gouvernements, celui du pape a besoin d’argent. Et comme tous les autres, il va le chercher dans la fiscalité. Celle-ci est néanmoins très originale et complexe, car elle pèse sur une seule catégorie de personnes, les clercs, et s’exerce en théorie sur l’ensemble de l’Occident. Elle est prélevée au moment de l’attribution des bénéfices – les annates, les services communs – puis de plus en plus régulièrement sur les revenus de ceux-ci – les décimes. Cela nécessite une procédure compliquée de recouvrement de ces impôts, sous la responsabilité des collecteurs, puis des transferts de fonds très importants, des différentes régions de la Chrétienté vers Avignon. C’est là qu’interviennent les banquiers italiens, devenus de grands professionnels du prêt, du transfert par lettres de change et de la conversion monétaire.

20À quoi sert tout cet argent ? Une chose est sûre : il circule. Même si l’équilibre varie en fonction de la personnalité des pontifes, il y a peu de thésaurisation dans le Palais. Les monceaux d’or n’existent que dans les fantasmes des polémistes et des romanciers.

21Le coût de la construction du Palais pèse naturellement sur les finances, mais de manière mesurée. Même au plus fort des travaux, sous Benoît XII et Clément VI, il ne représente que 10 à 12 % du budget. La vie de la cour génère des dépenses plus importantes, surtout sous Clément VI (20 % pour les traitements, 14 % pour les vêtements liturgiques, les ornements, les commandes artistiques). Mais la charge principale est celle de la politique et des opérations militaires engagées en Italie : 63 % des dépenses sont qualifiées « d’extraordinaires » sous Jean XXII, et 40 % du budget est englouti par la guerre sous Innocent VI⁵.

22C’est à gérer tout cela que s’occupe l’administration installée principalement dans le Palais et forte de quelques centaines de fonctionnaires permanents, répartis dans quelques grands services. Outre la traditionnelle Chancellerie chargée de publier les « bulles » et la Pénitencerie en charge des attributions spirituelles du pape – excommunications, dispenses canoniques, etc… – l’organisme principal est désormais la Chambre apostolique, préposée aux finances mais aussi à l’envoi des lettres secrètes, c’est-à-dire à la diplomatie. À sa tête, le camérier apparaît comme l’homme le plus proche du pape et le garant du bon fonctionnement de l’édifice. On imagine l’importance d’un Gasbert de Laval, qui occupe cette charge de 1319 à 1347, sous trois papes différents… Enfin, les litiges nés de la politique bénéficiale ont justifié la mise en place d’un organe judiciaire spécifique, le tribunal dit de « la Rote » en raison de la disposition circulaire des sièges sur lesquels officiaient les juges.

23Jean Dupin avait donc raison : le pape s’est entouré à Avignon d’une bureaucratie complexe, peuplée de professionnels du droit et de l’écrit, et capable d’impressionner les quémandeurs. Pour tous ceux, et ils sont nombreux, qui viennent à Avignon dans l’espoir de faire reconnaître leurs droits ou d’obtenir une faveur, la meilleure solution consiste à trouver un intermédiaire, un protecteur, de préférence un prélat influent, si possible un cardinal. Ceux qui le peuvent engagent des procureurs, connaissant bien le droit et les rouages de la curie, afin que la supplique bien défendue permette de décrocher la bulle espérée. Le Palais et ses alentours bruissent ainsi d’une multitude d’affaires, la plupart très modestes, l’attribution d’un bénéfice ou le paiement d’une taxe. D’autres sont plus importantes, et intéressent les plus grandes puissances d’Occident.

Le carrefour des diplomaties

24Chef de l’Église, le pape d’Avignon l’est incontestablement. Il n’en est pas pour autant le chef de la Chrétienté. Dans un contexte politique marqué par l’essor des royaumes et des principautés, le pape ne peut plus prétendre être celui qui distribue les couronnes et les épées comme l’avaient rêvé Innocent III ou Boniface VIII.

25Les papes d’Avignon gardent néanmoins une certaine prétention à la domination universelle et tentent de conserver leur influence en s’inscrivant dans la lignée de leurs prédécesseurs pour la politique qu’ils mènent en Italie et vis-à-vis de l’Empereur. Ils prétendent toujours influer sur la désignation de celui-ci, ce qui explique le long conflit entre Jean XXII et Louis de Bavière que le pontife refusait de reconnaître. L’éloignement de Rome permit même à Louis de venir s’y faire couronner en 1328, désignant par la même occasion un éphémère antipape, Nicolas V. L’apaisement ne fut trouvé que sous Clément VI, qui parvint à faire élire Charles IV de Luxembourg en 1346. Celui-ci fut accueilli à Avignon en 1365, après avoir reçu la couronne du royaume d’Arles. Pourtant, en édictant en 1356 la fameuse bulle d’or définissant les modalités de l’élection de l’Empereur, Charles IV écartait habilement les pressions pontificales. Peu à peu disparaissaient les ressorts de la longue rivalité entre pape et Empereur, et avec eux leurs prétentions à l’universalité.

26En Italie, la politique pontificale reste très active, en dépit de l’éloignement. Là encore, la continuité est sensible : il faut s’assurer au Sud de la fidélité du royaume de Naples en soutenant les souverains angevins ; au Nord, il faut lutter contre les puissants seigneurs de Milan, les Visconti ; au Centre, tenter de conserver l’alliance de cités fidèles et puissantes comme Florence, et restaurer l’ordre dans les États pontificaux. Pour suppléer son absence, le pape délègue dans la péninsule de puissants cardinaux légats, dotés de pouvoirs importants : Bertrand du Pouget, puis Albornoz. Ils sont accompagnés de troupes de mercenaires, capables d’imposer parfois durement l’autorité du chef de l’Église.

27À l’égard du reste de l’Europe, le pape ne peut que tenter d’être un arbitre et un conciliateur dans les luttes entre États. Mais il se révèle impuissant à régler le principal conflit qui agite cette période, entre la France et l’Angleterre, en dépit de multiples missions diplomatiques menées notamment par les cardinaux Gui de Boulogne puis Hélie Talleyrand de Périgord. La rivalité notoire entre ces deux grands prélats, et surtout la proximité de la cour pontificale avec la France, qui fait douter les Anglais de son impartialité, handicapent lourdement ces tentatives.

28À défaut d’être vraiment la capitale de la Chrétienté, Avignon est donc surtout un lieu de rencontres où l’on discute des problèmes politiques de toute l’Europe, dans le cadre confortable des palais cardinalices.

Le rêve d’universalité

29On y parle aussi de mondes plus lointains.

30Le rêve de Jérusalem reste très présent, et la nostalgie des croisades s’exprime régulièrement. Les papes d’Avignon tentent à plusieurs reprises de relancer les souverains d’Occident vers l’Est, sans succès malgré les promesses des rois de France – Philippe VI en 1333, Jean II le Bon en 1363. Clément VI finance directement quatre galères en 1344 ; un soutien au roi de Chypre Pierre de Lusignan est décidé sous Urbain V… De modestes entreprises, toutes défensives, sans aucune commune mesure avec les expéditions des deux siècles précédents.

31Les seuls succès contre les musulmans sont obtenus dans la péninsule Ibérique, dans le cadre de la Reconquista : en 1340, le roi de Castille envoie au pape Benoît XII une partie du butin pris sur les Maures à la bataille de Tarifa.

32Entre-temps, on en oublie les Grecs, qui appellent régulièrement à l’aide face à la pression des Turcs. De nouveaux contacts ont lieu au temps d’Urbain V, qui obtient, à Rome, le ralliement à l’Église latine de l’empereur Jean V Paléologue. Une décision spectaculaire, mais qui n’engage que lui et qui n’entraîne aucun véritable rapprochement entre les deux chrétientés. Mais de nouvelles routes se sont ouvertes, bien plus lointaines. Lorsque le pape s’installe à Avignon, cela fait plusieurs décennies que des hommes courageux se sont aventurés très loin vers l’Est, dans les grandes steppes de l’Empire mongol : des envoyés du pape, du roi de France, des marchands comme Marco Polo. En 1289 était parti un franciscain, Jean de Montecorvino, vers la lointaine Chine, à Khanbaliq (Pékin). On n’en avait plus entendu parler, jusqu’à ce que le pape Clément V, en 1307, reçoive une lettre de lui : il avait réussi, s’était bien implanté, avait converti des centaines de personnes. Le pape crée alors officiellement une province ecclésiastique de Khanbaliq et lui envoie six évêques en renfort, dont trois ne parviendront jamais à destination.

33Une communauté chrétienne d’obédience latine s’est donc constituée en Extrême-Orient en ce début du xiv^e siècle, et son existence a été confirmée par des traces archéologiques. Mais l’immensité de la distance a montré toutes les limites de la centralisation avignonnaise : Montecorvino meurt vers 1328-1330, Jean XXII lui donne un successeur en 1333 ; en 1336, des messages de Chine annoncent qu’il n’est toujours pas arrivé ; le pape envoie alors un légat, qui quitte Naples en 1339, arrive à Pékin en 1342, et repart avec des lettres réclamant un nouvel archevêque ! Le système qui fonctionnait tant bien que mal à l’échelle de l’Europe s’avérait inopérant avec un tel éloignement, et ces maigres contacts disparurent peu à peu. Lors des fouilles archéologiques menées derrière le Petit Palais, quelques morceaux de porcelaine chinoise ont été mis au jour, humbles vestiges de ces lointains échanges.

34Peu à peu, on prenait conscience à Avignon de l’immensité du monde. À l’autre extrémité, à l’Ouest, les Portugais commençaient leur grande aventure maritime, en explorant déjà le vaste océan. Et l’écho des premières découvertes parvint à Avignon : c’est le pape Clément VI qui décida de l’attribution des îles « Fortunées », c’est-à-dire des Canaries, au prince espagnol Louis de la Cerda, qui n’en prendra d’ailleurs jamais possession.

35Ainsi, du haut des murs du Palais, le pape pouvait encore avoir l’illusion de gouverner le monde.

36Il y a dans l’Avignon du xiv^e siècle quelque chose de la Bruxelles d’aujourd’hui : une capitale virtuelle, un lieu de rencontres cosmopolites, et peut-être le sentiment d’être sur un grand navire à la dérive, tentant de continuer à exister dans le grand jeu des puissances mondiales. Avignon fut la capitale de la première institution européenne, l’Église, à un moment où les forces centrifuges emportent l’Occident dans des logiques d’affrontement. L’installation provisoire sur les bords du Rhône, dans un lieu propice et stratégiquement situé, a permis au pape de continuer à apparaître comme l’interlocuteur privilégié des grandes puissances. Mais sa position se fragilisait de plus en plus, et la crise du Grand Schisme fit voler en éclats les constructions politiques avignonnaises.

37L’aspect le plus positif de cette expérience réside sans doute dans la multiplication des rencontres variées qui se sont produites à la cour d’Avignon. Sur les bords du Rhône, des hommes de toute l’Europe se sont parlé, ont échangé des idées, ont tenté des négociations. Des hommes de pouvoir, mais aussi des marchands, des artisans, des artistes. Avignon fut alors aussi une capitale culturelle, stimulant la diffusion des formes d’expression les plus novatrices.