Chapitre 6
Entre papes et rois : le pont disputé
p. 137-180
Texte intégral
1Il ne fait aucun doute qu’à la fin du xiie siècle, au temps de la commune et de Bénézet, le cours du Rhône, face à Avignon, faisait partie de l’Empire. Les terres situées de part et d’autre du Rhône formaient un ensemble où le fleuve était davantage un axe essentiel qu’une frontière.
2Moins d’un siècle et demi plus tard, la situation avait complètement changé. Depuis la construction des fortifications royales à Saint-André, les agents des rois de France avaient occupé un site qui leur donnait des prétentions nouvelles : après avoir prouvé que la rive droite appartenait au royaume, les juristes du roi s’attaquent aux eaux et au lit du Rhône, jusque et y compris la rive gauche qui touchait les murs d’Avignon.
3En s’appuyant sur des revendications construites de toutes pièces − par la force des armes dans un premier temps, par des procédures juridiques tout au long du xiiie siècle − le Rhône, ses rives et le pont qui les relie deviennent un terrain de lutte ouvert (Falque, 1908, p. 60‑79).
4L’histoire du pont Saint Bénézet qui s’est déroulée aux xive et xve siècles permet de suivre ce combat pour l’appropriation progressive du fleuve, de ses rives et, en perspective, de la cité d’Avignon elle‑même.
La question de la traversée du Rhône
5Disons-le de suite : au centre des contestations entre les hommes du roi de France et les Avignonnais, il n’y a pas tant le pont, mais bien le Rhône. Le pont est souvent inutilisable et en si mauvais état qu’il ne permet pas, à lui tout seul, d’effectuer la traversée du fleuve. Il est plutôt un instrument qui autorise, selon les situations, à réclamer la souveraineté sur les eaux. Au tout début du xive siècle, en effet, les animosités entre les hommes de la rive droite et les Avignonnais se concentrent sur le seul moyen sûr de franchir le fleuve : le bac à traille. En 1324, les hommes du roi s’emparent, par un coup de force, des droits de passage1. Comme le précise un procès-verbal rédigé à l’occasion d’une réunion entre les représentants de la ville d’Avignon et le sénéchal de Nîmes et Beaucaire, le franchissement du fleuve par le pont était rendu impossible à cause de la rupture de deux arches. Le bac à traille assurait donc aux voyageurs la traversée en échange d’un droit de péage d’un montant variable. Ce n’était pas la première fois que les gens de la rive droite s’en prenaient à la gestion du bac qui était mis en place par les recteurs du pont sous le contrôle des autorités municipales avignonnaises. En 1311, avec le concours de l’abbé, les hommes de Saint-André avaient déjà coupé les cordes du bac afin d’empêcher la perception du droit de pontonage. Par la même occasion, ils avaient tenté d’établir une traversée à leur compte en invoquant des droits anciens et une jouissance immémoriale de ce privilège2. La rivalité entre les hommes de Saint-André et ceux d’Avignon, vieille d’un siècle, devait y être pour quelque chose.
6Ces frictions ne peuvent cependant pas se réduire à de simples querelles de terroirs, semblables à toutes celles que l’on repère entre des seigneuries voisines ou concurrentes au sein même du royaume. Ces affrontements sont en effet associés à des prétentions nouvelles qui, cette fois, concernent la souveraineté sur le fleuve. En 1324, pendant la nuit, les Français avaient séquestré le bac qui servait à passer le fleuve, l’avaient attaché à la rive du côté du royaume et s’étaient emparés de la caisse qui renfermait les recettes du passage. La protestation des Avignonnais fut ferme. En juillet 1325, des représentants de la ville d’Avignon rencontrent le sénéchal de Nîmes et de Beaucaire, Hugues Quiéret, et exigent que la gouvernance, l’administration et la gestion du pont (les termes employés sont « regimen, gubernatio et administratio ») reviennent rapidement aux recteurs, car la juridiction des comtes de Provence et du conseil de ville d’Avignon s’étendait encore sur le pont, sur le fleuve et sur tout le territoire environnant. Ils exigent, enfin, la restitution du bac, qu’ils estiment gérer depuis « 30 ou 40 ou même 100 ans3 ». Au-delà des demandes avignonnaises, la nouveauté de cette affaire réside dans la réponse du sénéchal, qui avance des arguments inédits. En premier lieu, il fait remarquer que, comme au temps du roi Louis VIII, le pont semble être divisé en deux tronçons : un pont du Royaume et un pont de la cité d’Avignon. Les hommes venant du royaume ou sortant de celui-ci n’ont aucune taxe à payer. Le passage est libre et gratuit. Ce serait à cause de cela que les recteurs du pont auraient détruit une partie du tablier pour extorquer des taxes illicites. De plus, ils ne procèderaient pas à des réparations, comme il serait convenable pour une œuvre d’utilité publique – le sénéchal précise en effet que le pont est un « opus publicus » –, mais n’entretiendraient la structure endommagée qu’à la seule fin de transporter les voyageurs avec ou à l’aide de leurs bateaux. Or en hiver, à cause des crues et des gelées (« magnas aquarum, inundationes et aliquoties propter magnas anglaxaturas »), le fonctionnement du bac devenait impossible. Les destructions volontaires du pont porteraient donc préjudice à la bonne administration du royaume. Il s’agit là d’accusations graves. Elles permettent au sénéchal de mettre en demeure les Avignonnais de réparer l’ouvrage afin de rétablir le passage.
7Philippe de Valois concède toutefois aux Avignonnais le bénéfice du doute. En 1328, il propose l’ouverture d’une enquête à propos des abus des « maîtres gruyers, verdiers, gardes et sergents et autres officiers », afin de s’assurer que ces officiers n’ont pas lésé les voisins provençaux dans leurs droits4. L’enquête est lancée trois ans plus tard, en 1331. Elle est menée par Jolain Guenault, maître des eaux et forêts du roi5. Avant de lancer la procédure, ce dernier ordonne toutefois de bloquer et de confisquer le port existant sous le pont d’Avignon par mesure préventive. Il s’agissait sans doute du port provisoire, placé près de la fracture du pont qui n’avait pas encore été réparée. Contrairement aux enquêtes précédentes, Guilhem du Réal et Joan Geoffroi, recteur de l’œuvre du pont, exigent d’exercer un contrôle sur le choix des témoins. Ils obtiennent d’en choisir la moitié et de les auditionner de concert avec les officiers français.
8Plus d’une vingtaine de témoins sont ainsi interrogés sur la gestion du pont, sur les moyens de passage et sur les conflits entre agents du roi et officiers de la ville d’Avignon. La lecture du procès-verbal de cette enquête peu connue est passionnante. Les témoins notifient que le franchissement du fleuve par le pont ou par le bac était assuré par les recteurs de l’œuvre du pont. Certains témoins, comme Raimond Pons, notaire de Roquemaure, accusent les hommes du roi d’avoir brisé volontairement le pont afin d’en empêcher le passage aux hommes d’Avignon. Tous assurent que le roi et ses officiers n’ont jamais tenu le pont ni profité de ses revenus. Certains accusent même l’abbé de Saint-André d’avoir usurpé des droits pour favoriser le roi. Un certain Guilhem Manhani de Saint-André se rappelle que le cellérier du monastère avait fait fermer le bac en 1325 avant que le sénéchal de Beaucaire n’ordonne sa réouverture6.
9Les témoignages sont tous en faveur des Avignonnais. Philippe VI est obligé de reconnaître, une fois de plus, les droits de ses voisins et ordonne la restitution de l’argent confisqué et du bac aux recteurs du port. De plus, ses officiers promettent de restaurer les droits usurpés7.
10Deux ans plus tard, cependant, les hommes du roi se rétractent. Les magistrats avignonnais préparent donc de nouvelles pièces à conviction. Un programme très précis de recherche d’anciennes chartes commence à ce moment-là. Le 3 novembre 1334, Guillaume du Réal, recteur et administrateur de l’œuvre du pont, demande au juge Bulgarin de Tibold de valider dix documents concernant l’ancienne œuvre du pont d’Avignon. Il s’agit des ventes et des achats que les frères de l’œuvre avaient réalisés depuis le xiie siècle et qui avaient enrichi, à ses débuts, la confrérie fondée par Bénézet. La décision des recteurs est importante et montre le besoin sans cesse grandissant des sociétés médiévales de disposer d’actes écrits, certifiés et validés. Des dizaines de demandes d’authentification de documents voient alors le jour et sont conservées dans les fonds archivistiques de la municipalité. Les chartes en question sont authentifiées à plusieurs reprises à quelques années d’intervalle, afin d’acquérir une plus grande force probatoire. Il s’agit d’actes notariés déjà parfaitement authentifiés auxquels les notaires de la ville ajoutent des formalités supplémentaires. On tente aussi d’assurer une meilleure conservation à ces chartes : le notaire relie, dans un même rouleau, dix peaux de parchemin afin qu’elles ne se détériorent pas. De ces documents il ressort de façon claire que la proprietas et possessio, l’usage et la propriété, du pont et du passage du fleuve reviennent aux Avignonnais8.
11Le dossier ainsi constitué est envoyé à Philippe de Valois le 17 novembre. Les preuves sont écrasantes. Le roi ne peut qu’accepter la demande des recteurs et restitue les droits de pontonage à la communauté d’Avignon. Cela ne signifie pas que la couronne abandonne ses prétentions sur les moyens de franchissement du fleuve, pont ou bac à traille. Au contraire, les tensions ne font que monter au moment où la présence des papes à Avignon rapproche les deux États.
12En effet, le Rhône et le pont deviennent, à partir du xive siècle, aussi bien un enjeu crucial dans les relations diplomatiques qu’un élément central dans l’identité des communautés. Par le biais de la vénération des reliques de saint Bénézet, le pont était déjà un élément fédérateur des citoyens. Ce dernier devient en effet une nouvelle étape dans le circuit dévotionnel de la ville, tout particulièrement lors de la procession des ribayriers et des nautoniers qui se fait désormais sur des embarcations en passant sous les arches du pont9. Cette procession était organisée le troisième jour de la fête des Rogations − qui tombait avant le jeudi de l’Ascension − et permettait de conduire sur l’eau les statues et les reliques des patrons de la ville (Cerquand, 1887). À la fin du siècle, cette confrérie ajoute à la dévotion traditionnelle dans la chapelle sur le pont un deuxième lieu de culte dédié à saint Nicolas, patron des nautoniers, situé dans la partie haute de la chapelle où reposait Bénézet (Pansier, Les chapelles, 1930).
13Le pont est aussi une passerelle utilisée par les grands personnages de l’époque, cardinaux et ambassadeurs, courriers et officiers, rois et papes. Il faut dire que, depuis la présence des papes à Avignon, l’espace au-delà du fleuve avait aussi été investi par un nombre croissant de membres de la curie pontificale. Les grands dignitaires résident dans les demeures près de l’abbaye de Saint-André, dans le bourg surgi sur le rocher de Saluces (ainsi désigné en l’honneur d’Amédée de Saluces, cardinal de Sainte-Marie-Majeure) près de la tour voulue par Philippe le Bel ou encore à Montaut, en bordure du grand chemin de Nîmes (Sournia, Vayssettes, 2006). Le cardinal Napoléon Orsini est le premier membre du Sacré Collège à s’installer de l’autre côté du fleuve sur la colline qui jouxtait la tour royale. Ce site, en hauteur, présentait le triple avantage d’être protégé par les fortifications françaises, d’être situé non loin de la nouvelle agglomération urbaine surgie après les paréages, la nouvelle ville, la Villeneuve, et d’être en communication directe avec Avignon grâce au pont, ou, le cas échéant, par le biais du port et du bac. Le cardinal Orsini s’installe dans ce secteur, près du Rhône, de la tour royale et du pont (« prope Rodanum et turrim regiam capitis pontis Avinioni situati »). La demeure de ce cardinal était fastueuse : l’acte de vente établi en octobre 1344 par les héritiers du cardinal donne le détail de la propriété qui comprenait des jardins, plusieurs étables, un étang, une garenne et même une île du Rhône. À la mort de Napoléon Orsini, c’est un autre cardinal, Pierre Roger, futur pape et familier du roi, qui procède à l’acquisition du bien. Les stratégies d’achat de ce complexe palatial ont été dévoilées par Valérie Theis qui rappelle comment cette acquisition devient effective en 1342, lorsque Pierre Roger est élu pape sous le nom de Clément VI. Il engagea dès juin 1342, un mois après son élection, de grands travaux d’agrandissement de ce palais, travaux qui étaient quasiment achevés quand la vente fut enfin conclue en octobre 1344. Un deuxième palais prend forme au-delà du fleuve que les trésoriers pontificaux qualifient de palais du pape au-delà du pont, « palatium pape de ultra Ponte » (Theis, 2004). Napoléon Orsini n’est pas le seul cardinal à choisir d’habiter en terre française plutôt que dans le centre-ville de plus en plus peuplé d’Avignon. Pierre Bertrand le Vieux, ancien sénéchal d’Auvergne et cardinal de Saint-Clément, le cardinal Gomez de Barrosso, dit le cardinal d’Espagne, Pierre d’Arrablay, fils d’un sénéchal de Philippe le Bel, lui-même conseiller de ce souverain avant de devenir chancelier de Philippe le Long, Pierre de La Roche, proche de Clément VI : tous s’installent dans ce nouveau bourg situé sur les hauteurs, face à Avignon (Sournia - Vayssettes, 2006).
14Le bourg de Villeneuve était donc devenu une zone résidentielle de luxe pour le pape, les cardinaux, les officiers de la Couronne et les nombreux familiers qui les suivaient. Il faut toutefois se garder de penser, comme on le fait souvent, que le choix d’investir de ce secteur s’explique uniquement par le besoin d’air frais ou d’une vie champêtre de la part des cardinaux et des membres de la curie pontificale. Résider en terre royale pouvait aussi représenter un choix politique précis qui ne faisait qu’accentuer l’ambiguïté profonde de ce lieu. Si Villeneuve était désormais en terre française, elle dépendait encore, spirituellement, du diocèse d’Avignon. L’ambivalence du lieu stimule les princes à imprimer une marque particulière sur cet espace, de manière concrète, par une présence accrue, ou symbolique, par la construction de demeures ou de palais (Theis, 2004).
15La présence des rois de France sur la rive droite du Rhône s’intensifie également à partir du deuxième quart du xive siècle. Le pont devient par conséquent une vitrine pour les communications entre souverains. Philippe VI de Valois l’utilise à plusieurs reprises lors de ses deux voyages dans la région. En 1330, au retour d’un voyage en Languedoc et d’un pèlerinage sur le tombeau de son oncle saint Louis d’Anjou à Marseille, pour lequel il avait une dévotion particulière, le roi se rend à Avignon. D’après une chronique parisienne anonyme, le roi fait ce voyage « moult occultement et secrètement », mais cela ne l’empêche pas de rencontrer le pape à Avignon sur le chemin du retour. Arrivé à Avignon le 29 juin, il est solennellement reçu par Jean XXII qui, le 4 juillet, offre en son honneur un grand banquet auquel tous les cardinaux et plusieurs comtes et barons sont invités. Le soir même, il retourne à Villeneuve et dîne avec un cardinal, dont le nom n’est pas connu, « près du pont », dans les maisons « qui étaient dans le royaume de France10 ». Le chroniqueur faisait bien de le préciser : en 1330 se préparait l’enquête à propos des droits royaux sur les rives du fleuve et les tensions entre officiers du roi et édiles avignonnais étaient vives. Le deuxième voyage du souverain s’inscrit au sein d’un périple beaucoup plus long que Philippe fait en Languedoc. Passant par l’ouest de son royaume, à Toulouse, Carcassonne, Narbonne, Béziers, Montpellier et Beaucaire, le roi fait son entrée à Avignon le 3 mars 1336. Il reste 15 jours et loge entre Avignon et Villeneuve, où il est hébergé par le cardinal Napoléon Orsini le 14 mars (Viard, 1913, p. 99 et p. 120).
16Les longs séjours près du Rhône ne servaient-ils pas aussi à montrer aux voisins la puissance du souverain ? Cela est clair lors du règne de Jean le Bon, fils de Philippe VI, qui imprime à Villeneuve l’allure d’une forteresse militairement bien défendue. Il fait, lui aussi, deux voyages dans le Midi. Le premier aussitôt après son couronnement, entre 1350 et 1351, le second de 1362 à 1363. Lors de ce second voyage, le roi s’installe, comme de coutume, à Villeneuve et reste près du Rhône du 16 novembre 1362 au 16 mai 1363 avec sa cour et son conseil. C’est à cette occasion qu’est commencée, sur le mont Andaon, et autour de l’abbaye de Saint-André, la construction d’un fort confié à un viguier royal (Thomas, 1933).
17La venue à Avignon du roi Charles VI en 1389 est mieux documentée grâce à des sources produites localement. Les correspondants des marchands travaillant pour la compagnie Datini écrivent au mois de juin : « On dit ici que le roi de France doit venir et déjà on commence au palais à préparer et à orner les chambres11 ». On remarque ici toute l’importance du pont en tant que symbole de la ville. Le 6 octobre, la ville paye 20 florins à Salvateur Yrisson, recteur de l’hôpital du pont, afin qu’il procède au revêtement en bois de certaines parties du pont pour mieux préparer l’entrée du roi. D’autres dépenses servent à l’achat des décorations. Les rues sont ornées d’arcades en bois, réalisées par les fustiers, et de draps tissés par les chanvriers, prêts à être disposés depuis l’entrée du Palais jusqu’au pont du Rhône12. Un charretier et un batelier sont, à leur tour, réquisitionnés pour enlever les ordures et les pierres qui encombrent une partie de la rue Carreterie, près du couvent des Augustins, et pour les transporter, par bateau, en dehors de la ville. Les logements du roi aussi sont particulièrement soignés : le 27 août, la ville paye au marchand de draps Jean Charenchon 13 florins pour l’achat de 20 palmes de velours rouge destinées à orner le lit du souverain. Charles entre à Avignon le 30 octobre13. Les marchands de la cité, en voyant la suite du roi, s’attendent à multiplier leur chiffre d’affaires. Ils seront extrêmement déçus ! La radinerie des Français est évoquée dans les registres des marchands toscans qui ne peuvent pas retenir une exclamation quelque peu irritée face à une telle attitude : « Nous avons vendu à ses gens peut-être pour la somme de 200 florins d’or courants, et nous espérions qu’ils achèteraient davantage. Jamais nous ne vîmes un seigneur si froid ni des gens si froids14 ! » Si le séjour du roi à Avignon contrarie les marchands de la compagnie Datini, il permet tout de même au pape de signer un accord qui interdit aux bandes armées de parcourir le fleuve et d’accoster « en terre d’empire », facilitant ainsi les échanges, notamment de blé15.
Les papes et le pont
18Les magistrats d’Avignon et les recteurs du pont pensaient probablement tirer de grands avantages de la présence d’un nouveau seigneur qui, contrairement aux comtes angevins, résidait désormais sur place et pouvait mieux accompagner la gestion des questions locales. Ils devaient toutefois changer rapidement d’avis. En dépit des grands chantiers qui bourgeonnent dans la ville à partir des années 1350-1360, l’intérêt des papes pour le pont sur le Rhône continuait à être limité. Il est vrai que, depuis Clément VI, les papes investissent des sommes importantes dans l’œuvre de reconstruction ou de réfection du pont. Toutefois, si certains pontifes contribuent personnellement au financement des réalisations monumentales, les grands chantiers de la fin du xive siècle − par exemple la fortification de la cité − sont financés, en grande partie, par les citoyens d’Avignon eux‑mêmes.
19Pour ce qui est du pont sur le Rhône, le gros des travaux se fait toujours grâce aux sources de financement traditionnelles. D’une part, le chantier avance par l’apport de capitaux privés, comme le montrent les nombreux legs, modestes ou considérables, en faveur de l’œuvre du pont. Il suffirait de citer les dons de dix florins que Pierre Alquier fait en 1349 pour la consolidation des piles du pont16 ou ceux d’Hugues de Sade, fils de Raimonde Garnier, qui laisse 200 florins pour la réparation d’une arche du pont qui tombait en ruine, ce qui lui vaudra l’apposition de ses armoiries, encore visibles aujourd’hui17, sous la première arche. Toutefois, à partir des années 1360-1380, les legs particuliers se font plus rares. Jacques Chiffoleau a calculé que, si à la fin du xive siècle encore 20 % des Avignonnais font un don à l’institution charitable du pont et à saint Bénézet, ce pourcentage diminue fortement au cours du siècle suivant et ne concerne alors que des sommes infimes (Chiffoleau, 2011, p. 328). D’autre part, la mobilisation financière était rendue constante par la levée d’impôts publics. En plus des taxes et des tailles déjà établies depuis l’époque angevine (Balossino, Portier-Martin, 2016), la ville introduit un système d’impôts indirects qui touchent les denrées entrant en ville : ces impôts, les gabelles, sont donc payables aussi bien par les citoyens que par les courtisans. Sans entrer dans le détail d’un système comptable qui mériterait une étude poussée, remarquons simplement que l’engagement de la communauté dans les travaux demeure constant de 1368 jusqu’à la fin du siècle18.
20Les travaux de soutènement des piles, de réfection du tablier ou de réparation des arches sont financés par la ville sur les revenus des gabelles, notamment la gabelle du sel et du vin (Pansier, 1926). À ces réalisations ponctuelles s’ajoutent également les transformations urbanistiques qu’impose la construction d’une nouvelle enceinte. Cette entreprise, bien connue et étudiée (Michel, 1910 ; Clap, Huet, 2005), n’est bien évidemment pas sans lien avec l’insécurité grandissante liée à la guerre de Cent Ans qui touche la région d’Avignon entre 1355 et 1451. Même si Avignon et le Comtat Venaissin ne prennent jamais parti dans cette guerre qui oppose les souverains de France et d’Angleterre, ils subissent très souvent le contrecoup des conflits, surtout à cause des incursions des compagnies d’hommes d’armes qui se déplacent depuis le Languedoc voisin. Avec la chevauchée destructrice conduite par le Prince Noir, à partir d’octobre-novembre 1355, les plus grandes villes de la région intensifient leurs travaux de défense. La Provence et le Comtat sont touchés par le passage des mercenaires libérés d’activités militaires à partir de 1357. Cette année-là, les hommes d’Arnaud de Cervole, dit l’Archiprêtre, ravagent la Provence et le Comtat en occupant diverses places fortes et châteaux. La cité d’Avignon se dote elle aussi d’une nouvelle enceinte à partir du mois de janvier 1355 (Michel, 1910) : cette enceinte devait protéger les nouveaux quartiers, éloignés du centre ancien mais très actifs, comme celui situé autour de la porte Saint-Lazare, où se trouvait l’hôpital fondé par Bernard Rascas en 1354, ou encore le quartier formé autour de l’église de Notre-Dame-des-Miracles, près la Velouterie et de la maison des repenties (Hayez, 1975, Pansier, 1910).
21Toucher aux remparts et aux portes signifiait − il est facile de l’imaginer − modifier le système de jonction du pont à la ville. Le quartier de la porte Ayguière se trouve en effet au centre d’un important système de fortifications, au moins à partir de 1364. Quelques années auparavant, des bandes de routiers s’étaient établies à Pont-Saint-Esprit et, de là, pouvaient facilement toucher Avignon, comme ce fut le cas en décembre 1360 (Guillemain, 1962, p. 617). Pour cette raison la portion des murs qui donnait sur les berges du Rhône devint rapidement un enjeu stratégique à défendre et à protéger en urgence. Le 12 septembre 1364, Rigal Roget, familier du pape, avait été chargé de la construction d’un nouveau mur depuis le pont sur le Rhône jusqu’à la demeure du cardinal de Bologne, c’est-à-dire au sud de la porte de l’Oulle près de l’église et du couvent des Dominicains. Il reçut 2 000 florins de la part d’Urbain V pour entreprendre ces travaux (Michel, 1910). Joan Teisseire, collecteur de la taille en 1365 et 1367 dans les paroisses de Saint-Pierre et de Saint-Symphorien, lui en remit 1 000 autres le 5 mai 136519. Nous sommes particulièrement bien renseignés sur ces dépenses grâce à la comptabilité laissée par Joan Teisseire, recteur de l’œuvre du pont à partir de 1372 et marchand de chanvre et de vin, mais aussi syndic de la ville au moins entre 1372 et 1376, propriétaire foncier et administrateur des patrimoines d’importantes familles avignonnaises (Dubois-Morestin, 2017). Joan est chargé de l’administration de la gabelle du vin, pour laquelle il doit rendre des comptes très précis qui permettent d’avoir une vision extrêmement claire des dépenses et des travaux publics entrepris par les autorités municipales de l’époque. À la lecture de ses cahiers, il apparaît que les habitants des principaux quartiers de la ville contribuaient aux dépenses de façon considérable : ceux de la Carreterie donnent à eux seuls 1 000 florins en 1366 (Michel, 1910, p. 350).
22À partir de juin 1368, la construction des nouveaux remparts s’étend au quartier du Rhône et du Limas et touche la partie de l’agglomération comprise entre l’ancienne porte de Brianson et le pont. Des fossés sont creusés et une muraille est édifiée. Pour finir plus vite les travaux, on récupère les pierres de l’église de Champ-Fleuri et des maisons détruites près du portail des Periers, celle de l’évêque de Porto ou encore l’hôtel du cardinal de Bologne (Michel, 1910, p. 353‑354). De 1372 à 1375, en effet, les routiers sont de nouveau dans la région, à Nîmes, à Arles ou encore à Beaucaire et, en 1374, ils menacent le Comtat. Ils parviennent à Avignon en 1376 et pillent les édifices près du portail Saint-Michel ou encore sur le canal de la Sorgue et vont endommager fortement les moulins du chapitre cathédral20.
23En 1366, Urbain V avait souhaité disposer d’une porte fortifiée à l’entrée du pont qui ne disposait pas encore d’un poste de contrôle. Une petite tour, qui permet de maîtriser l’accès à l’ouvrage, est achevée en 1368 (Pansier, La Tour, 1930, p. 5‑10). Cette première tour est détruite quelques années plus tard, lors de la réalisation, de 1375 à 1378, d’une plus grande tour-porte qui remplace le vieil accès au pont21. Une comptabilité très précise de ces travaux − parfaitement reconstituée par Pierre Pansier − permet de suivre en détail les étapes de la construction, de la surélévation, de l’apposition d’une cloche et la couverture avec une toiture en plomb ainsi que les frais soutenus par la ville (Pansier, La Tour, p. 5‑19).
24En dépit de ces chantiers ponctuels, le pont sur le Rhône continuait toutefois à être en mauvais état et, pour traverser le fleuve, il fallait recourir aux bateliers. Une lettre adressée par Clément VI à son trésorier, l’évêque de Lombez Bertrand de Cosnac, en juin 1350, fait état de plusieurs payements à des artisans d’Avignon, dont un certain Bertrand Foulcaud, dit Capellier, et son frère Pierre, pour l’œuvre du pont d’Avignon, « pro opere pontis Rodani Avinionensis ». Le pape investit à cette occasion près de 650 florins d’or pour renforcer la structure de l’ouvrage22. Faut-il voir dans cette mention la preuve d’une rénovation complète des premières arches sous le pontificat de Clément VI, ce qui aurait conféré au pont l’aspect actuel23 ? Cette hypothèse est communément acceptée, mais aucun document ne précise davantage la raison de ce versement approuvé par le camérier et trésorier du pape, Étienne Aldebran. D’autant plus que la première arche du pont pose de nouveaux problèmes et nécessite de nouvelles attentions à la fin du siècle : en 1376, le trésorier de la ville mobilise des fonds afin que Bertrand de Mans, syndic de la ville, puisse mettre en sécurité, quelques mois plus tard, en septembre, un ouvrage de soutènement24. Un tirant de fer y est apposé l’année suivante par un certain Jérôme Fabre, forgeron avignonnais ; par ailleurs, Géraud Bresse, fustier, dirige la pose de trois piliers en bois sur la première arche du pont ainsi que des poutres en chêne afin de consolider la structure25.
25En février 1376, la ville prend la décision de couvrir le pont avec du bois au moment même où commence la consolidation de la première arche qui menace, une fois de plus, de s’écrouler26. Le 15 février, François Chabaud, trésorier de la gabelle du vin, est chargé par le camérier du pape de payer 25 florins à un certain Baudino de Cordona afin de commencer la couverture du pont avec du « bon bois » de braise, « de bono braxile27 ». Au mois d’août, Laurent de Verdun rétribue les ouvriers qui continuent à extraire le bois et qui portent le sable afin de réaliser les travaux nécessaires à la couverture du tablier. Cette dépense semble être motivée par le passage du pontife qui accomplit un voyage hors les murs28. En septembre 1377, on commence le pavage en pierre, la callada, et l’année suivante on met en place un chemin d’accès en dehors de la tour-porte, financé avec les revenus de la gabelle du sel29. En 1379, on monte des garde-fous de part et d’autre du pont pour rendre sûr le passage30.
26Vers la fin du siècle, le pont est un immense chantier. La lecture des comptes permet de conforter l’hypothèse que ce dernier était composé, au Moyen Âge, d’une série de tronçons, assez différents les uns des autres aussi bien par leur forme que par le matériau utilisé. Si les deux têtes de pont du côté d’Avignon et du côté de Villeneuve semblent être désormais en pierre − même si leur solidité ne cesse de poser des problèmes −, au milieu du passage la structure semble être encore dans un état préoccupant. Les comptes de l’époque font état d’un « pons de petra », un pont de pierre, et d’un « pons de fustis », un pont de bois, qui semble relier au milieu du fleuve les deux tronçons les mieux assurés. Durant le pontificat trouble de Clément VII − qui est choisi après la mort de Grégoire XI par les cardinaux restés à Avignon en ouvrant ainsi une longue période de schisme −, la mise en service du pont continue malgré les tensions politiques. En 1380, Peyre Fournier reçoit 50 florins pour consolider le pont en bois situé au milieu du pont du Rhône (« infra pontem Rodani »). De plus, 200 florins et 24 sous sont versés par les syndics de la ville à Aymeric Moltonier et au même Peyre Fournier pour procéder à l’édification de quatre arches en pierre et soutenir ainsi le « pont sur pilotis » qui menaçait de tomber31.
27Le pont sur le Rhône n’est pas la seule infrastructure à menacer de tomber en ruine à ce moment : les ponts-levis situés devant les portes Saint-Lazare, Imbert et des Miracles bénéficient aussi de travaux de rénovation. Au mois d’avril 1376, la ville paye la restauration du pont sur le canal de la Sorgue, près de la tour du Limas. Au mois de mai, on répare le pont de la porte Saint-Lazare, car son état ne permettait plus le passage des animaux (« super quo bestie transire non poterant32 »). Deux mois après, le conseil de ville remarque que l’état des portes de la ville ne permet pas d’assurer la sécurité des opérations de vendanges. Pour cette raison le trésorier ordonne la réfection et la mise en sécurité des accès à la ville de la porte Saint-Jacques jusqu’à la porte Saint‑Lazare33.
28La multiplication de travaux n’est pas uniquement liée à la nécessité de rénover de vieilles structures en mauvais état. La fin du siècle est marquée par d’autres événements qui ont un impact direct sur l’état des édifices publics urbains. La guerre de Cent Ans et les combats liés au Grand Schisme touchent une ville déjà affaiblie et produisent des dégâts considérables, humains et matériels.
Le pont entre destructions, crises et reconstructions
29La proximité géographique entre souverains pontifes et rois de France ne signifie aucunement que la papauté soit, durant la période avignonnaise, dépendante du roi de France ou que les successeurs de saint Pierre aient choisi Avignon pour se rapprocher du royaume. Même si les papes qui résident à Avignon sont presque tous originaires de la partie méridionale du royaume de France − trois papes sont limousins (Clément VI, Innocent VI et Grégoire XI), trois languedociens (Jean XXII, Benoît XII et Urbain V), un gascon (Clément V) − ils ne sont pas pour autant des “créatures” des souverains français (Jamme, 2014). Cela a été clairement démontré. Il n’empêche ; l’idée tenace d’une « captivité babylonienne » contrôlée et même voulue par les rois de France est encore souvent avancée lorsqu’on évoque le séjour des papes sur les bords du Rhône. L’analyse des relations entre papes et rois de France au sujet du pont d’Avignon permet d’observer, sous un autre angle, la complexité des rapports entre ces deux souverains, au moment où une longue crise s’abat sur le trône de saint Pierre.
30Les risques liés aux effondrements et la question de l’entretien de l’ouvrage ne sont pas les seules complications auxquelles les papes et la municipalité sont confrontés. En 1348, par le biais de la vente de la ville, les derniers droits encore détenus par les rois de Naples étaient passés au pape. Avec ces droits, le pape hérite également d’un conflit ouvert avec les officiers royaux à propos de la possession du Rhône et du pont qui le traverse. Toutefois, contrairement aux souverains angevins, peu présents en ville, le pape réside sur place. La présence des pontifes permet-elle de mieux soutenir les revendications des Avignonnais concernant le pont sur le Rhône ?
31Une fois l’achat conclu, Clément VI ne tarde pas à mesurer l’ampleur du problème. En novembre 1348, le pape avait ordonné l’exécution d’un détenu sur le pont comme le voulait la tradition. Son sous-viguier ainsi que ses sergents avaient ensuite jeté le criminel dans les eaux du fleuve du haut du pont. Cela n’a rien d’étonnant : les exécutions capitales sur le tablier du pont sont fréquentes. Depuis le milieu du xiiie siècle, les enquêtes évoquent souvent l’habitude d’administrer la justice au milieu du fleuve, ce qui permettait, par conséquent, d’identifier clairement l’autorité qui s’exerçait sur ce territoire34. Cependant, après cette exécution, les protestations des officiers du roi se lèvent à l’encontre du pape. La mise à mort avait eu lieu au-delà de la chapelle où était conservé le corps de Bénézet : une section du pont que, depuis la croisade albigeoise, les rois de France prétendaient contrôler. Le sénéchal de Beaucaire avait donc dénoncé la conduite des sergents du pape et l’empiétement manifeste sur les droits de la couronne. La lettre de réclamation des officiers français a été perdue et on ne dispose que de la réponse envoyée par le pape à Philippe de Valois. Clément VI s’empresse de préciser que l’exécution n’avait pas pour but d’empiéter sur la juridiction royale et que les droits des deux seigneurs restaient inchangés, comme le prévoyaient les accords déjà signés35. La vieille idée selon laquelle la chapelle divisait le pont en deux tronçons situés sous deux juridictions séparées était ainsi réaffirmée par le roi et acceptée par le pape.
32La question des limites territoriales n’était toutefois pas réglée : en août 1365, Urbain V envoie à Aix Pierre Gay, notaire chargé des enquêtes de la cour temporelle − le tribunal chargé de juger les causes civiles des habitants d’Avignon ou les crimes et délits commis sur le territoire − afin de demander la copie de certains documents anciens conservés dans le trésor des chartes du palais royal. Une partie de la documentation municipale avignonnaise était désormais conservée dans les archives des comtes de Provence36. Le notaire revient à Avignon avec la copie de l’enquête de 1291 qui concernait le Rhône, les îles de la Durance et le territoire d’Avignon. La procédure d’authentification de ces pièces prévoyait, après la description physique du document, une lecture publique. Il y avait, dans les chartes copiées par Pierre Gay, des déclarations accablantes : un témoin, Guilhem Du Thor, lors d’une enquête de la première moitié du xive siècle, assurait en effet que la cour temporelle d’Avignon « tient et possède le pont sur le Rhône en entier, le fleuve et les rives37 ». Enfin, le notaire avait demandé l’extraction du trésor des chartes des comtes de Provence de la cession de la moitié d’Avignon par Philippe le Bel à Charles II d’Anjou en 1290. Pourquoi le pape souhaitait-il disposer de ces pièces ? À Avignon, on voulait disposer de preuves pour la conservation et la défense des droits et de la juridiction du nouveau souverain.
33C’est probablement aussi à cause de ce regain d’intérêt de la part de la diplomatie pontificale que le roi de France Charles V est obligé de reconnaître les droits du pape. Le roi admet que le juge et le procureur de la sénéchaussée de Beaucaire n’ont aucun droit à la tête du pont, près des murs d’Avignon. Cette portion de l’ouvrage, d’après les juristes du roi, relèverait donc du territoire et de la juridiction de la cité pontificale38. Cela n’empêche pas les agents du roi de braver l’interdit du roi et d’administrer, de façon de plus en plus spectaculaire et provocatrice, la justice sur le pont tout entier. En 1399, une femme adultère de Villeneuve est fouettée tout au long du tablier, jusqu’au-delà de la chapelle, « ultra capellam beati Nicolai », et jusqu’aux murs de la cité d’Avignon39.
34L’insistance avec laquelle les documents de l’époque tentent de préciser la nature de la juridiction sur la portion du pont qui se trouve près des murs d’Avignon ne montre qu’une chose : la frontière, matérialisée par la chapelle où reposait Bénézet au xiiie siècle, encore acceptée en 1348, était repoussée désormais jusqu’aux murs de la cité. Le 11 avril 1366, en effet, Charles V confirme au pape la faculté de terminer la muraille et la tour-porte qui devait contrôler l’accès au pont du côté d’Avignon. Le souverain consent que « les abris et portal de pierre sur la fin du pont du cousté d’Avignon en terre ferme feust parachévé ». Mais le souverain y appose une clause éloquente : l’ouvrage ainsi terminé ira à « celuy à qui seroit desclaré appartenir en fin de cause40 », en prévoyant ainsi l’éventualité d’une mainmise française sur le pont tout entier une fois les travaux terminés. Le roi de France n’avait aucun droit sur la partie de l’ouvrage qui touchait les murs d’Avignon, mais la réalisation d’un édifice pouvant contrôler l’entrée et la sortie du pont devait le préoccuper.
35C’est à ce moment-là que Charles V porte le coup décisif à la question de la juridiction des rives. Le 5 décembre 1368, il concède au pape la partie du pont qui, du châtelet de la ville, arrivait à la chapelle de Bénézet (Falque, 1908, p. 126). Le diplôme ajoutait à cette portion du pont les eaux du Rhône situées en dessous et le lit du fleuve, « cum aqua fluvii et fundo sub eodem ». De toute évidence, les juristes français prévoyaient aussi qu’en cas de crue le territoire envahi par les eaux ferait partie de l’accord. Cela laissait entendre que le territoire offert au pape, et donc initialement de propriété du roi, pouvait être théoriquement étendu jusqu’à aux futurs débordements du Rhône, et pouvait englober des quartiers entiers de la cité d’Avignon. Le roi concédait en conséquence, sous couvert d’une grande générosité, une portion du territoire qu’il ne possédait pas ! Cette libéralité, que les juristes du pape s’efforcent au cours des siècles suivants de nier ou de relativiser, reste un coup de maître des juristes français qui disposent d’une preuve, pour eux irréfutable, de la propriété du roi sur le pont et le fleuve41. Lors du procès du Rhône, les avocats du pape diront que cette donation n’avait jamais été ratifiée ni acceptée par la cour pontificale. Mais jamais ils ne pourront nier son existence.
36À la fin du xive siècle, l’animosité entre Français et Avignonnais bat son plein. Elle est visible non seulement dans les relations transfrontalières agitées, mais également au travers des relations commerciales. L’augmentation des taxes de péage, qui avait déjà commencé au siècle précédent, décourage les marchands avignonnais et étrangers. Bien que les marchands toscans de la compagnie Datini soient coutumiers de critiques et de doléances contre l’augmentation des taxes, ils donnent un cadre assez désolant de la condition des échanges avec la France à la fin du xive siècle : « Le royaume est si mal gouverné et par de si méchantes gens qu’on y trouve peu de justice ; chacun s’efforce de voler les marchands et malheur à qui tombe entre leurs mains. Plutôt désormais, piocher la terre que faire du commerce dans ce royaume, et spécialement à Aigues-Mortes ou dans un autre pays au-delà du Rhône42 ».
37Le départ de Grégoire XI d’Avignon laisse en suspens les questions du pont. Avec la mort du successeur de saint Pierre à Rome, le Sacré Collège des cardinaux se divise. Une double élection − celle d’Urbain VI (1378-1389), qui remplace à Rome Grégoire XI et celle, lors d’un second conclave dans la campagne romaine le 20 septembre 1378, du cardinal Robert de Genève, qui prend le nom de Clément VII (1378-1394) − ouvre une longue période de schisme. Clément VII s’installe à Avignon tout comme son successeur, l’aragonais Benoît XIII (Payan, 2009). Une crise politique était ouverte : en plus de la guerre de Cent Ans qui avait déjà divisé le monde occidental en deux camps, la reconnaissance du pape à Rome ou du pape à Avignon fait partie du combat politique du moment (Millet, 2004).
38Le 27 juillet 1398, Charles VI déclare la soustraction d’obédience à Benoît XIII, et envoie des commissaires royaux à Villeneuve afin de la faire proclamer. Le roi déclarait ainsi la cessation totale d’obéissance au pape avignonnais, ce qui signifiait également lui retirer les bénéfices et les taxes ecclésiastiques. Elles ne seront plus versées à Avignon, mais perçues directement par le roi de France (Millet, Poulle, 1988, p. 28). En obéissant aux injonctions françaises, la plupart des cardinaux quittent la ville pour s’installer de l’autre côté du Rhône. Ils demandent également à Geoffroy Boucicaut, frère cadet du maréchal de France, seigneur de Boulbon en Provence et d’Aramon en Languedoc, de faire pression sur les sujets de Benoît XIII afin de le convaincre d’abdiquer.
39De par sa position, le pont sur le Rhône joue un rôle central dans les combats qui obligent Benoît XIII à quitter le trône pontifical. De 1398 à 1411, le pont cesse pour un moment d’être un enjeu stratégique entre souverains. Les combats du schisme lui confèrent une fonction militaire et stratégique utile dans les différentes phases de la guerre. Faut-il interpréter le départ de feu dans la nuit du 20 juin 1395 comme une stratégie pour couper toute communication entre les princes français et Benoît XIII, pressé de toute part d’abdiquer rapidement afin de résoudre le schisme ? La chronique des religieux de Saint-Denis ne cache pas derrière cet incident, apparemment fortuit, un « dessein perfide » des hommes du pape aragonais. La nuit, des pièces de bois sont jetées sur un îlot près des barques amarrées aux piles du pont. Rapidement le feu envahit les embarcations et, de là, se propage au pont qui est ainsi détruit. Benoît XIII, accusé d’être à l’origine de cet incendie volontaire, ordonne de construire un pont de bateaux pour relier de nouveau les deux tronçons et ainsi éloigner les doutes qui pesaient sur sa conduite43.
40Malgré cela, trois ans plus tard, en 1398, les partisans du pape incendient − peut-être une seconde fois − une partie du pont dans la nuit du 13 au 14 septembre. Cette fois-ci, les témoins sont formels : il s’agissait d’une stratégie pour bloquer le passage des troupes venant du royaume. Les renseignements sur cet événement sont moins détaillés. Cependant deux lettres envoyées à Francesco di Marco Datini au mois d’octobre de la même année par Tomaso di Ser Giovanni et Tieri di Benci évoquent cet incendie du pont en bois (Brun, 1937, p. 45). La même description est faite dans une chronique écrite par Giovanni Sercambi, un citoyen de Lucques au fait des questions politiques de son temps. Dans sa chronique, il relate une information qui lui vient probablement des marchands liés aux compagnies établies à Avignon. Il affirme que « l’antipape Benoît fit incendier le pont sur le Rhône, et notamment les arches en bois qui étaient présentes à ce moment44 ». Est-ce qu’il s’agit du même segment de pont déjà dévoré par les flammes en 1395 et reconstruit de façon provisoire en bois ? Impossible à dire. Compte tenu de la structure assez composite du pont sur le Rhône à la fin du xive siècle − dès 1360 les comptes de la ville font état d’un grand nombre de piles ou arches soutenues par du bois − l’incendie a pu avoir lieu à n’importe quel endroit.
41À partir de ce premier fait d’armes, les affrontements autour du Rhône se multiplient. Geoffroy Boucicaut et ses hommes, bloqués dans leur tentative d’attaquer le palais apostolique où le pape s’était réfugié, concentrent leur offensive à l’entrée du pont. Le gros des combats se joue près de la tour-porte et de l’hôpital Saint Bénézet. La tour du pont ne représentait pas encore à cette date une solide protection contre les attaques extérieures. Elle n’était qu’une banale tour quadrangulaire, montée sur deux niveaux et coiffée de quatre tourelles d’angle et d’un campanile à cloche. Une tourelle d’escalier permettait le passage entre les niveaux (Le Pont d’Avignon, 2016, p. 51). Mais la solidité de l’ouvrage n’était pas encore assurée. À cause de l’attaque des hommes de Boucicaut, une partie de la tour s’écroule à la suite de l’affaiblissement des fondations. Les combats entre partisans de Benoît XIII − désormais retranchés dans le palais pontifical − et la faction qui lui est hostile s’éternisent avec le siège du palais jusqu’en 1403, quand le pape réussit à s’évader du palais dans la nuit du 11 au 12 mars (Pansier, 1932). Avec l’aide de quelques fidèles, Benoît XIII profite d’une barque qui l’attendait au port, réussi à descendre le Rhône jusqu’à Châteaurenard, village qui lui était resté fidèle, puis à Carpentras et à Pont-de-Sorgues avant de quitter la Provence.
42Une nouvelle phase du conflit s’ouvre alors. Dès la fin de l’année 1403, et en prévision d’une nouvelle attaque, les maisons situées aux abords du palais, notamment à l’ouest, sont détruites pour créer un espace vide et, donc, plus sûr et plus facile à défendre. De plus, le pape contesté ordonne au capitaine d’Avignon et recteur du Comtat Venaissin Rodrigo de Luna et à ses hommes restés à Avignon de bâtir une muraille pour relier Notre-Dame-des-Doms au Petit Palais. En l’espace de quelques mois, Avignon devient le théâtre d’un vaste chantier qui permet de fortifier le palais apostolique, le Petit Palais, le rocher des Doms, l’entrée du pont (Butaud, 2008). Pour ce faire, une nouvelle tour-porte, remplaçant celle qui avait été détruite en 1398, est reconstruite en pierre sèche et est équipée de deux grandes portes en bois qui barrent le passage (Pansier, 1930, p. 21). La mise en défense de cet ensemble est complétée en janvier 1405 par l’édification d’une puissante tour sur le Rocher, la tour Quiquengrogne.
43Avec les travaux du début du xve siècle, le palais est destiné à se fondre avec les édifices allant vers le Rocher et le Rhône dans une unité artificielle, en dépit des diverses phases de construction. En donnant encore aujourd’hui l’impression d’être un seul et même ensemble, les abords du palais sont incorporés dans un système de fortification qui isole le quartier du reste de la ville. Les Avignonnais fortifient eux aussi, pour se protéger des « inimicis Cathalanis », des ennemis catalans restés dans le palais, l’accès au palais par le Puits-de-Bœufs et par la maison du Maréchal45. Le quartier du palais est désormais bouclé. Représentation monumentale et militaire des nouveaux rapports existants entre le souverain et ses sujets, ces travaux sont aussi l’indice que le conflit n’est pas encore terminé. En effet, si le 5 juin 1409 le concile de Pise dépose les papes concurrents et désigne un nouveau pontife (Alexandre V), Avignon et le Comtat Venaissin restent dans l’obédience de Benoît XIII, qui refuse obstinément d’abdiquer. Une plus grande offensive semble alors être imminente. Elle se concrétise en février 1410.
44Pierre Pansier a laissé un récit détaillé de ce second siège, qui dispense ici de rentrer dans les détails des événements (Pansier, 1930). Il suffit de rappeler que, comme en 1398, les combats se concentrent aux abords du pont et de la tour-porte. Depuis la robuste muraille et la tour Quinquengrogne, une armée composée de 450 routiers aragonais stipendiés par Benoît XIII défend l’entrée de la ville. De l’autre côté, les troupes françaises entament ce nouveau siège − qui est connu sous le nom de « guerre des Catalans » − en lançant l’attaque depuis le pont et la tour-porte bloquée par une grille, un cancellum. Très vraisemblablement le projet des Français et des Avignonnais qui avaient abandonné la cause du pape catalan était de barrer rapidement l’accès au port et au pont sur le Rhône afin de limiter les possibilités de fuite. C’est pour cette raison que des machines de guerre en bois avaient été dressées sur l’île de l’Argenton, face à la ville. Depuis cette place forte, des catapultes et des bombardes dirigent leurs tirs contre la ville et contre les mercenaires du pape cachés derrière la tour-porte, l’hôpital de l’œuvre du pont et la porte Ayguière, condamnée pour l’occasion (Pansier, 1930, p. 33‑41). Les Catalans retranchés utilisent le secteur entre la tour-porte et la chapelle de Bénézet pour frapper, eux aussi avec des armes à feu, les ennemis. Sous les ordres du sénéchal de Beaucaire les assaillants cherchent à mettre le feu à la tour-porte puis on y concentre les tirs d’artillerie tout en entamant les travaux de sape avec une mine. Les Catalans essaient de fermer le passage du Rhône : on tend sous le pont une chaîne en fer afin d’empêcher le passage et on amasse du bois sur le tablier (Pansier, 1930, p. 68). Ne pouvant pas assurer la défense du site, ils détruisent volontairement une arche en pierre afin de bloquer le passage aux assaillants. Sur les ordres du sénéchal de Beaucaire, une mine est placée aux pieds de la tour. Le 12 septembre, la tour s’écroule et, en tombant, « rompet grandament lou pont46 ». Les Avignonnais installent enfin des bombardes sur le pont afin de frapper les deniers résistants qui s’étaient retranchés dans le palais de l’évêque tandis que deux châteaux forts construits sur des barges, attachées aux arches désormais détruites du pont, rendaient possible une surveillance des berges du Rhône. Les combats continuent jusqu’en novembre 1411, mais la crise du schisme se déplaçait loin de la ville rhodanienne.
45Les deux sièges du Palais laissent derrière eux un quartier en ruine. Le Petit Palais (Pansier, 1923, p. 113), l’hôpital Saint Bénézet, la livrée vieille de Viviers, la livrée Saint-Martial, la tour du pont sont fortement endommagés. Le pont et notamment la partie qui depuis les remparts allait vers la chapelle et vers l’île de l’Argenton est désormais impraticable.
46Malgré cela, tout est mis rapidement en œuvre afin d’oublier le souvenir douloureux de cette guerre. En mai 1411, avant même la fin des hostilités, les membres du conseil de ville d’Avignon avaient demandé au roi de France un sauf-conduit pour transporter à travers le Rhône ou l’Isère tout matériau « pour la grant nécéssité qui est de réffaire et réparer le pont du dit lieu d’Avignon ». L’ouvrage se trouvait « rompu et despecié en deux ou trois lieux ». Charles VI, « de grace espécial » concède la liberté de passage aux navires avignonnais47. Le 6 novembre le pont semble déjà être ouvert à la circulation et permet à des individus de l’emprunter « à pè et à cheval pès anar à Villanova ». Avec la même rapidité, les Avignonnais détruisent les fortifications édifiées par ordre de Benoît XIII et notamment « lo mur noù et la torre que s’appelava Quinqueconnrogne et totz los autres murs que éron dessus la Rocca de Dons48 ». Le 15 juin 1414, une nouvelle tour est construite au début du pont sur le Rhône en utilisant les pierres de celle qui avait été détruite pendant la guerre des Catalans (Pansier, 1930, p. 21). Les syndics de la ville, Cathalan de La Roque, Joan de Cary et Pierre de Bor, dirigent ces travaux : la ville, une fois de plus, « la fy faire à ses despèns49 ».
47Avignon fait peau neuve en attendant la fin du schisme. Pour fêter la fin des combats, la ville organise en 1412 une grande procession de Notre-Dame jusqu’à la livrée de Poitiers (à la place de l’actuel hôtel de la Préfecture) et, comme de coutume, à l’église des Cordeliers pour écouter le sermon déclamé par le père inquisiteur50. L’apogée des festivités a lieu en décembre 1415 quand séjourne à Avignon l’empereur Sigismond, fils de Charles IV. L’empereur arrive aux bords du Rhône après une mission difficile. Il avait tenté, sans succès, d’obtenir la démission de Benoît XIII en tant que pape afin de procéder à un nouveau conclave et en finir avec un schisme qui durait depuis trop longtemps. Même si Benoît XIII refuse d’abdiquer, à Narbonne, l’empereur obtient le soutien des représentants des royaumes de Castille, de Navarre, d’Aragon, d’Écosse, du Portugal ainsi que du comte de Foix. Les princes acceptent de soustraire leur obédience à Benoît XIII et de rejoindre le parti fidèle au concile de Constance (Payan, 2009, p. 242‑244). C’est une grande victoire pour Sigismond, qui peut ainsi gagner l’ancienne capitale de la Chrétienté en tant que grand stratège. Son père, Charles IV, avait lui aussi fait son entrée solennelle à Avignon sous un dais couvert d’un drap doré, porté par quatre barons en mai-juin 1365. Par la même occasion, en suivant une tradition qui avait été renouvelée par Frédéric Barberousse, il s’était fait couronner roi d’Arles et de Vienne51. Sigismond ne se fait pas couronner dans l’ancienne capitale du royaume, mais son séjour à Avignon permet de raviver les souvenirs de la présence impériale dans la région, étouffés en 1348 après la cession des droits de la ville au pape, mais, visiblement, jamais vraiment éteints. Il fait son entrée la nuit, par la porte Saint-Michel, lui aussi sous un dais, porté par le viguier, les syndics et les magistrats communaux, dais sur lequel sont reproduites les enseignes du souverain, du collège des cardinaux et de la ville. Cinquante torches escortent le cortège impérial jusqu’à la livrée de Poitiers, près de l’église Saint-Agricol. La ville lui remet 2 000 florins en signe de fidélité.
48Sigismond peut renouer avec l’ancienne tradition impériale. Il se comporte, à Avignon, comme un véritable seigneur. Pour fêter la soustraction d’obédience au pape catalan, l’empereur fait célébrer une messe solennelle le 9 janvier dans l’église de Notre-Dame-des-Doms suivie d’une procession dans les rues de la cité. Le souverain se montre à la foule, participe aux offices et marche dans la procession avec les fidèles. Dans une brève chronique avignonnaise anonyme qui relate la fin du Grand Schisme à Avignon sous forme d’annales, on met en valeur l’humanité de ce souverain qui, à l’inverse des derniers pontifes, est proche du peuple. L’auteur anonyme de ces annales ne peut que s’extasier devant cet empereur qui, très modestement, « anèt à pie pertout » dans la ville52.
Notes de bas de page
1 AMA, H dépôt Avignon, hôpital Saint-Bénézet, A1, fol. 2‑5.
2 AMA, H dépôt Avignon, hôpital Saint-Bénézet, A1, fol. 47v.
3 AMA, H dépôt Avignon, hôpital Saint-Bénézet, A1, fol. 3.
4 AMA, H dépôt Avignon, hôpital Saint-Bénézet, A1, fol. 46‑47.
5 AMA, H dépôt Avignon, hôpital Saint-Bénézet, A1, fol. 5‑12.
6 AMA, H Hôpital Saint Bénézet, A1, fol. 9‑9v et fol. 14v-15v.
7 AMA, H dépôt Avignon, hôpital Saint-Bénézet, A1, fol. 49‑50v.
8 AMA, H dépôt Avignon, hôpital Saint-Bénézet, A1, fol. 25‑27.
9 Les premières mentions de la fête des Rogations à Avignon se trouvent dans les comptes du trésorier de l’évêque conservés aux ADV, 1G118. Le prélat offrait ensuite aux 200 nautoniers présents un maigre repas : « Expense facte pro prandio facto ribayreriis, qui portaverunt virtutes et reliquias ecclesie Avenionensis per flumen Rodani in vigilia Ascensionis Domini ». Il y a des mentions uniquement de 1364 à 1366, mais la fête avait une cadence annuelle.
10 Les indications proviennent de la Chronique parisienne anonyme, 1884, p. 149 et de la Chronique de Bazas, 1874, p. 41.
11 Brun, 1937, t. XV, p. 113.
12 BMA, ms. 5703, p. 64.
13 Annales avignonnaises, p. 64 et p. 66‑67.
14 Brun, 1937, t. XV, p. 118.
15 Annales avignonnaises, p. 67‑68.
16 AMA, boîte Pintat 82, no 39 et Saint Bénézet, 1984, p. 111.
17 Saint Bénézet, 1984, p. 111.
18 Les comptes les plus complets se trouvent dans AV, Reg. Av. 164 (pour les années 1366-1368), ADV, 1G118 (de 1368 à 1371) et Annales avignonnaises, 1914.
19 AMA, II330, no 22.
20 Annales avignonnaises, p. 18‑22.
21 Annales avignonnaises, p. 24.
22 Lettres closes Clément VI, no 4574.
23 Saint Bénézet, 1984, p. 111.
24 Annales avignonnais, p. 24‑25.
25 AMA, CC1011, fol. 298 et fol. 279.
26 Annales avignonnaises, p. 12‑13.
27 Mandat de payement du 14‑15 février 1376, dans AMA, CC1011, fol. 113‑113v.
28 Annales avignonnais, p. 14.
29 Annales avignonnais, p. 37 et p. 39.
30 BMA, ms. 5703, p. 60.
31 Münz, 1888, p. 173.
32 AMA, CC1011, fol. 133.
33 AMA, CC1011, fol. 140v.
34 AMA, boîte Pintat 65, no 2205.
35 Lettres closes Clément VI, no 1750 et BMA, ms. 5703, p. 52.
36 ADV, H Hôpital Saint-Bénézet, A2, fol. 67‑68v.
37 AMA, boîte Pintat 65, no 2205. Une copie du même document se trouve aussi dans AMA, boîte Pintat 66, no 2220, fol. 32.
38 AMA, boîte Pintat 66, no 2213.
39 Procès du 8 août 1399 : La chapelle du pont est modifiée à la fin du xive siècle et dotée d’un deuxième espace de culte au-dessous de la tombe de saint Bénézet. Elle est consacrée à saint Nicolas, patron des nautoniers, et devient le siège de la confrérie homonyme. Voir Saint Bénézet, p. 112.
40 BMA, ms. 5703, p. 53.
41 Le document se trouve aux AMA, boîte Pintat 63, no 2142, et un vidimus est aussi aux AMA, boîte Pintat 66, no 2216.
42 Dans une lettre du 5‑6 février 1384 (Brun, 1937, t. XV, p. 51).
43 Sur la documentation élaborée à Saint-Denis dans ce contexte voir Millet, 1999. Cet épisode bien documenté et extrêmement connu est relaté par la Chronique du religieux de Saint-Denys, p. 299 : « Le bruit ayant couru que c’était le pape qui avait ordonné l’incendie pour faire affront aux ducs, plusieurs courtisans cherchèrent à leur persuader d’en tirer vengeance. À cette nouvelle, le pape s’empressa de leur prouver son innocence. Il fit venir des ouvriers et leur enjoignit de réparer le pont. Il ordonna aussi qu’on établît une communication d’une rive à l’autre au moyen d’une suite de bateaux liés ensemble, manda lesdits ducs à son palais, et leur jura, pour sa justification, qu’il n’avait jamais conçu ni commandé une telle perfidie ». Voir aussi le Journal de Gontier Col qui reste moins catégorique en affirmant que « ne sçaiton qui le feu y bouta », Veterum scriptorum, t. 7, col. 504‑505.
44 Sercambi, 1892, t. II, p. 231. Cité par P. Payan dans Le Pont d’Avignon, 2016, p. 32‑34.
45 Voir les comptes des fortifications transcrits par Pansier, Un fragment, 1930, p. 123‑124.
46 Chronicum parvum, p. 168 et Annales avignonnaises, p. 16.
47 AMA, boîte Pintat 65, no 81.
48 Chronicum parvum, p. 170.
49 Chronicum parvum, p. 171.
50 Valois, 1902, p. 179.
51 GCNN Avignon, no 1412.
52 Chronicum parvum, p. 172.
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