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Le pont d’Avignon

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Simone Balossino

Préface

Guido Castelnuovo

Texte intégral

1Avignon et son Pont, voici deux termes aujourd’hui indissociables. On les chante le plus souvent sur le Pont ; le trafic, urbain et touristique, passe régulièrement sous le Pont ; nous pensons aussi, parfois, connaître l’histoire du Pont, ou au moins sa tradition. À l’origine il y aurait eu un saint homme, Bénézet de son prénom, un jeune berger que Dieu aurait poussé à (faire) construire le Pont, dans les dernières décennies d’un xiie siècle aussi moyenâgeux que de légende.

2Mais que savons-nous réellement de ce pont au Moyen Âge ? Qu’a-t-il pu signifier ? Pourquoi a-t-il vu le jour à Avignon ? Fut-il bâti en un jour, en quelques années, en plus d’un siècle ? Comment se fait-il qu’il ait été en pierre ? Que nous révèlent, entre histoire et mémoire, les différentes étapes de sa construction ou, plus près de nous, de sa patrimonialisation ?

3Toutes ces questions sont passionnantes et en dissimulent bien d’autres encore. Il était temps d’en dévoiler les réponses, à partir d’une lecture historique aussi sûre qu’attrayante.

4Voilà pourquoi ce livre est si nécessaire, parce qu’il est nouveau et qu’il se lit comme un roman ; or, l’histoire du pont est en elle-même un condensé romanesque, aucun doute là-dessus. Parce ce qu’il s’agit d’un ouvrage qui apprend et qui enseigne, qui nous fait voyager dans le temps et dans les sources (écrites et iconographiques, d’archives en chroniques) et qui nous oblige à réfléchir, à enjamber le Pont pour découvrir la ville (Avignon), le fleuve (le Rhône), ses rives et son royaume, si proche et lointain à la fois, la France, dont Avignon ne fera partie qu’après la Révolution.

5Ce livre sur le Pont d’Avignon est un livre de combat, historique et méthodologique. Il nous permet de faire revivre tout un pan du Moyen Âge avignonnais et rhodanien, provençal et impérial, pontifical et français. En vérité, c’est toute une société, bigarrée et complexe, citadine et plurielle, qui renaît sous la plume, toujours juste et souvent mordante, de Simone Balossino. Spécialiste reconnu de l’Avignon médiévale – nous lui devons un fort beau livre sur la cité avignonnaise et ses institutions entre le milieu du xiie et les premières décennies du xiiie siècle –, l’auteur nous entraîne dès ses premières pages sur les traces d’un univers trop souvent oublié, d’un monde qui conjugue légendes édifiantes et réalités du quotidien. C’est ainsi que le jeune Bénézet et son rêve de pont côtoient et rencontrent les différents chantiers à l’œuvre, leurs acteurs, leurs problèmes, leurs succès, leurs conflits. C’est ainsi, surtout, que la principale protagoniste de l’histoire médiévale du pont d’Avignon se révèle au grand jour et je parle, ici, de la communauté urbaine dans son ensemble.

6L’aventure du pont sur le Rhône est l’histoire d’un récit collectif qui, de la fin du xiie au cœur du xve siècle, concerne tous les Avignonnais, des dirigeants politiques (évêques, consuls, podestats, syndics) aux artisans locaux et régionaux, des prédicateurs urbains aux frères de l’œuvre, en passant par les hérétiques et les mendiants. Avec brio, Simone Balossino nous guide à la découverte des ressorts composites d’un roman urbain et fluvial. Derrière cette œuvre impressionnante, et si médiévale en ce qu’elle n’est jamais ni parfaitement droite ni tout à fait terminée, se dessine une véritable société de bâtisseurs qui porte, littéralement, le pont sur ses multiples épaules.

7Cet ouvrage a cela de rare qu’il associe magistralement une recherche de première main et une présentation accessible d’un sujet combinatoire et captivant. En le lisant, et en le méditant, nous percevons enfin toute la richesse d’un univers aussi lointain qu’attachant.

8Non seulement le pont d’Avignon eut plusieurs vies mais ses enjeux multiples nous amènent, et nous obligent, à reconstruire une histoire totale de l’Avignon médiévale, qui parle de politique (du local au global) et d’économie (des chantiers aux commerces), de topographie (des quartiers aux palais), de culture (des légendes aux chroniques) et de religiosité, de l’œuvre du Pont aux processions ou à la chapelle sur le pont. Tout est là, et tout cela concerne et explique les destins médiévaux du pont sur le Rhône.

9Voilà pourquoi ce livre est si important. Il est impératif pour les médiévistes, bien sûr, qui y trouveront de nouvelles inspirations accompagnées de fulgurantes mises en abîme ; il est tout aussi indispensable pour un public féru d’histoire, de patrimoine et de mémoire ; il s’ouvre, enfin, à la curiosité de chaque Avignonnaise et de chaque Avignonnais qui désirerait découvrir, imaginer et apprécier l’histoire, vivante et inattendue, d’un pont, d’une ville et de toute une société.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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