Par Gaëtane Vallet

1Mes années d’étudiante à l’université d’Avignon m’ont amenée à suivre les cours de Catherine Wolff. Lorsqu’elle entre dans l’amphithéâtre, le silence se fait en quelques secondes – on n’en attend pas moins d’une ancienne professeure du secondaire. Une fois le cours commencé, on se retrouve plongé dans un univers « antique » durant 1 h 30. Le cours est haletant et rempli d’humour. Catherine Wolff affuble les personnages historiques des meilleurs des surnoms : Cléopâtre VII devient « la vieille », et Claude « le mal-aimé ». On écoute, on apprend, on rit et on se fait parfois reprendre à juste titre. À la sortie du cours, même les étudiants les plus réfractaires à « l’ancienne » en soulignent la qualité : « C’est chaud, l’antique, mais ça passe bien. » Une manière tout aussi rustique qu’admirative de le dire.

2Lorsque l’on commence un cursus universitaire, on assiste à des cours très différents de ceux auxquels on a été habitué dans le secondaire, souvent réduits à l’histoire contemporaine. Les cours d’histoire ancienne ont donc ce je-ne-sais-quoi d’exotique lié à la période, aux faits relatés et au vocabulaire latin – sans parler du reste. Les étudiants sont effrayés, la quantité de travail à fournir est décuplée. Malgré cette tension collective, Catherine Wolff réussit à transmettre une multitude de choses, et met pour cela en avant ses talents de professeure. Elle est attentive aux besoins et aux difficultés des étudiants mais n’hésite pas à les rabrouer lorsque le travail fourni est insuffisant. Toutes les questions sont permises, chaque cours débute par un rappel du précédent et quelques questions afin de vérifier les connaissances des étudiants. Gageons que tout étudiant interrogé en début de séance s’en rappelle encore aujourd’hui !

3Que ce soit en licence ou lors de la préparation des concours, les oraux sont des moments particulièrement craints des étudiants. Plus un professeur est apprécié, plus le moment de l’oral est redouté : on sait qu’on va recevoir une leçon tant sur le fond que sur la forme du travail. Pourtant, une fois encore, on apprend et on rit : l’humour de Catherine Wolff dédramatise n’importe quelle situation.

4Ces qualités d’enseignante ont été déterminantes à deux égards en ce qui me concerne. Sa capacité à captiver un public m’a donné envie comme à d’autres de devenir professeure. Mes camarades et moi-même savions qu’il fallait rapidement trouver un sujet de mémoire, c’est donc très naturellement que j’ai demandé à Catherine Wolff de m’encadrer, tant pour son investissement auprès des étudiants que pour sa gentillesse. Ces années de master m’ont également permis de découvrir une nouvelle qualité en Catherine Wolff : elle est patiente ! Peu de professeurs prennent le temps de traduire avec leurs étudiants des extraits du Corpus Inscriptionum Latinarum le vendredi soir de 18 h à 20 h. L’avancée du travail est suivie, on ne sent pas seule, bien au contraire. Les questions ont droit à leurs réponses et on sort de ces rencontres toute ragaillardie.

5Une fois son parcours universitaire achevé, on s’aperçoit, finalement, que Catherine Wolff reste présente. Je peux encore aujourd’hui compter sur ses conseils et son soutien, et c’est toujours avec joie que je la retrouve à Avignon pour échanger et rire. J’espère que cela se poursuivra après son départ de l’université. D’ici là, je la remercie infiniment pour ces dix années d’enrichissement intellectuel, de conseils avisés, de gentillesse et d’humour… non sans profiter de ce livre en son hommage pour rapporter quelques souvenirs éclairants sur cette personnalité si marquante.

6Un beau jour de printemps, en licence 2, des organisations étudiantes avaient mis en place un concours de balle au prisonnier dans le campus. Le cours d’ancienne devait commencer et toute une promotion assistait au spectacle, debout aux fenêtres, en attendant la professeure. Un des étudiants, plus agité que les autres, semblait vouloir participer à ce grand tournoi. Il hurlait qu’il allait quitter toute de suite le cours pour « venir jouer ». Une fois ces paroles vociférées, il s’est retourné pour se retrouver face à face avec Catherine Wolff. Un regard aura suffi : il n’est pas allé jouer à la balle au prisonnier mais s’est assis au premier rang pour le reste du semestre. Et a validé son unité d’enseignement (UE).

7Une autre fois en L3, l’horaire d’un cours de spécialisation avait été modifié. Nous avions cours jusqu’à 20 h et avions bien évidemment apporté en classe de la nourriture pour parer à tout risque d’inanition. Seule une étudiante n’avait pas de quoi se restaurer : à la pause, Catherine Wolff est sortie et lui a rapporté du chocolat.

8Lors de la préparation du CAPES, enfin, Catherine Wolff avait demandé aux étudiants de lui rappeler les dates du Principat d’Auguste. Elle n’eut qu’un silence en guise de réponse. J’ai alors levé la main pour donner la réponse, toute fière d’avoir « appris ma leçon ». Elle m’a répondu : « Vous voulez peut-être des applaudissements ? » Le lendemain tous les étudiants savaient les dates du Principat et toute la promotion a obtenu le concours.

9Merci infiniment pour ces moments, Madame.