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Rome : éduquer et combattre

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Catherine Wolff

Pour Catherine

Par Guido Castelnuovo

Texte intégral

1Catherine Wolff n’aime pas perdre son temps. Arrivée en septem­bre 2009 à l’université d’Avignon comme professeure d’histoire romaine, elle n’attend que quelques mois pour concevoir et mettre en ordre de marche, avec la complicité de son acolyte de toujours, Bruno Bertherat, le premier diplôme de master professionnalisant de son nouveau département. Ce cursus en « Patrimoine et Archives historiques », qu’elle codirigera jusqu’en 2014, est encore aujourd’hui, sous une dénomination partiellement rénovée (« Patrimoines et cultures historiques »), l’un des plus beaux fleurons de l’offre pédagogique des historiens avignonnais, attentifs à tisser des liens, aussi durables que vivants, avec les riches institutions culturelles de la cité et du territoire.

2Catherine ne s’arrête jamais. Pendant presque trois lustres, les services qu’elle a fournis à son établissement et qu’elle a toujours menés de main de maître ont été considérables. Elle a été une codirectrice de département sans peur et sans reproche, mais pourvue d’une justesse, d’une rigueur et de cet humour pince-sans-rire qui la caractérisent si bien. Elle s’est sans cesse investie dans ces tâches obscures et énergivores auxquelles on essaie toujours de se soustraire : siéger dans les différents conseils de l’établissement (quelle que soit leur configuration), être présente et disponible pour toute réunion, pour tout impératif imprévu, pour toute requête en provenance de quelque étudiante ou étudiant que ce soit.

3C’est que le sens du service public est une seconde nature chez Catherine, et j’ai parfois l’impression qu’il pourrait s’agir de sa nature originelle ; ce serait, pourtant, une grave erreur de perspective, car Catherine Wolff est le modèle même de l’enseignant-chercheur idéal, capable, parfois, d’accepter de se plier à la (dé)raison bureaucratique, sans toutefois jamais rompre. Son vrai talent d’enseignante, qu’elle avait peaufiné tant dans le secondaire qu’au cours de ses 11 ans comme maître de conférence à Lyon 3, des générations d’étudiants sont prêtes à l’attester, avec nombre de souvenirs marquants et amusants à l’appui ; et je viens de rappeler ses grandes qualités d’organisatrice universitaire. Mais s’arrêter à ces seuls constats serait aussi réducteur que trompeur.

4Catherine est une formidable chercheuse. Elle a ce don, rare s’il en est, de savoir trouver le juste milieu entre l’érudition et la transmission, entre l’analyse et la synthèse, et sa propre bibliographie le prouve aisément. Cet équilibre entre la recherche et sa diffusion, si énergiquement désiré et si effectivement atteint, lui a permis au cours des dernières décennies d’associer à ses remarquables études sur les univers guerriers et sur les mondes éducatifs romains – de la République à l’Empire – une curiosité enseignante et fédératrice jamais prise en défaut. Si le cœur de ses recherches est demeuré lyonnais, autour du CEROR (Centre d’études et de recherches sur l’Occident romain) et, aujourd’hui, du Laboratoire HiSoMa auquel elle reste semper fidelis, son rayonnement universitaire, à la fois scientifique, pédagogique et humain, a fait d’elle la collègue avec laquelle l’on désirerait, toujours, partager le bureau, et les cours.

5Catherine est une authentique battante. Prévenante et dynamique, loyale et disponible, grande buveuse de thé et randonneuse hors pair (même en ville, impossible de suivre son pas décidé, au point qu’il m’est arrivé, quelquefois, de devoir littéralement me poster devant elle, dans la rue, pour qu’elle daigne me voir et s’arrêter…), elle est prête à se battre contre toute injustice en privilégiant des propositions concrètes à la simple pars destruens. Catherine Wolff brille par sa science, aussi ferme que vaste, et par son esprit, parfois vertement sarcastique, par son empathie réservée et par son appétit de savoirs.

6Essayons, pour terminer, de l’imaginer en statue antique, par exemple en Minerve studieuse. Quelle serait la vraie Catherine sculptée ? Immaculée, façon Renaissance, ou vivement colorée comme avaient pu l’être, le plus souvent, les statues gréco-romaines d’origine ?

7Tel un Janus bifront, Catherine Wolff personnifie, à mon sens, une intime association de ces deux représentations historicisées de la statuaire romaine. Élégante et lointaine, elle incarnerait à merveille les statues de la Renaissance, si admirables qu’elles en paraissent presque supérieures. Mais ce serait compter sans sa bienveillance, qu’une ironie caustique ne cache jamais longtemps : Catherine est colorée, elle est subtile, elle est entière. Bref, c’est à la fois une collègue insigne et une amie précieuse.

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