Nouvelles sources du funéraire. Le numérique et Internet
p. 255-257
Texte intégral
1Depuis l’avènement des technologies numériques et de l’Internet, les sources du funéraire ne se localisent plus exclusivement sur les sites archéologiques, dans les archives ou sur le terrain ethnographique, leur champ s’est étendu à l’espace virtuel.
2Deux types de sources numériques sont répertoriés : les sites Internet des cimetières ou des services off line et les productions numériques créatrices d’espaces funéraires virtuels. À cette dichotomie s’ajoutent les sources hybrides mêlant Internet et le numérique aux autres sources.
3Ainsi, la numérisation de cimetières off line1 permet aux chercheurs d’effectuer des visites virtuelles et de recenser les tombes à distance. De même, les sites des entreprises des pompes funèbres2 offrent des bases de données sur l’économie du funéraire. La nouveauté de ces sources réside non pas dans les informations, souvent identiques à celles off line, mais dans leurs modalités d’accès : multi-situées, immédiates, souvent ouvertes à tous, voire gratuites.
4La seconde source funéraire du numérique relève des cimetières virtuels3. Le premier, un site américain The World Wide Cemetery4 a été créé en 1995 par Michael Kibbee. Depuis, ces cimetières ont essaimé dans le monde entier5 et se sont spécialisés6. La France a suivi la tendance, à partir des années 2005. Si certains s’attachent à recréer la configuration d’un cimetière off line7, la plupart réalisent des pages individualisées, « mémoriaux virtuels »8 . Ces mémoriaux sont à l’origine d’une nouvelle identité post mortem9 plus personnalisée.
5Depuis 2005, le web 2.0 offre une nouvelle « sociabilité funéraire ». Le réseau n’est plus un simple support de communication avec les morts, il s’agit surtout d’une interaction entre vivants : échanger son expérience de deuil, ses pratiques, en créant des blogs ou des forums10. Notons que, depuis les années 2010, les espaces mémoriels se situent au-delà des sites spécialisés11, les réseaux sociaux comme Facebook12 ou Twitter13 sont devenus également des lieux participatifs pour les profils des défunts14.
6Les objets hybrides mêlant on line et off line constituent une autre source. C’est le cas des cérémonies funèbres filmées et consultables en direct ou en différé sur Internet, via un PC ou une tablette15 ou la liaison satellite entre la tombe physique et un mémorial en ligne16 grâce à des flash codes, appelés aussi QR code17, disposés à côté de la pierre tombale.
7Ces sources numériques demandent pour le chercheur de nouvelles connaissances techniques liées à Internet et plus généralement à l’informatique. Ainsi pour identifier les sites et services en ligne sur le funéraire, il sera amené à effectuer une veille technologique. Travaillant aux côtés d’ingénieurs en informatique, ou connaisseur lui-même de logiciels, le chercheur en sciences sociales pourra extraire des données numériques d’une plateforme, en faire le traitement statistique et leur restitution sous forme par exemple de cartographies.
8Sa méthodologie devra donc s’adapter aux nouvelles technologies numériques et à Internet : observation participante on line, création d’enquêtes par questionnaire on line, interview à distance sur Skype, etc.
Notes de bas de page
1 http://www.cimetieres-de-france.fr/ http://www.findagrave.com/ sites consultés le 4 février 2014.
2 http://www.pfg.fr/ http://www.sublimatorium-florian-leclerc.fr/ sites consultés le 4 février 2014.
3 Voir F. Gamba, « Rituels postmodernes d’immortalité : les cimetières virtuels comme technologie de la mémoire vivante », Sociétés, n° 97, 2007/3, p. 109-123.
4 http://www.cemetery.org/ consulté le 4 février 2014.
5 Le Japon a suivi de très près les États-Unis à la fin des années 1990. Voir F. Duteil-Ogata, « Nouvelles technologies et pratiques funéraires contemporaines », Japon Pluriel 8, éd. N. Berlinguez-Kôno et B. Thomann, Arles, Philippe Picquier, 2011, p. 297-308.
6 Il existe de nombreux cimetières virtuels animaliers (http://www.lecimetiere-animalier.net/ des cimetières dédiés aux célébrités (http//memories.michaeljackson.com/), des cimetières pour les victimes de guerre (http://www.memorial-chemindesdames.fr) Ces sites ont été consultés le 22 mars 2014.
7 http://www.jardindusouvenir.fr/ consulté le 4 février 2014.
8 http://www.memoiredesvies.com/ http://www.paradisblanc.com/ http://www.itomb.net/ http://www.i-memorial.com/ http://www.lecimetiere.net/consultés le 22 mars 2014.
9 A. Wrona, « La vie des morts : jesuismort.com, entre bibliographie et nécrologie », Questions de communication, 19, 2011, p. 73-90.
10 http://lamortfaitpartiedelavie.com/ consulté le 22 mars 2014. Voir C. J. Sokfa, I. Noppe Cupit and K. R. Gilbert ed., Dying, Death and Grief in a online Universe, New York, Springer Publishing Company, 2012.
11 F. Georges, « Le spiritisme en ligne. La communication numérique avec l’au-delà », Les Cahiers du Numérique, vol. 9, 2013/3-4, p. 211-240.
12 Voir S. Pène, « Facebook mort ou vif. Deuils intimes et causes communes », Questions de communication, 19, 2011, p. 91-112.
13 Voir J. Sanderson and P. H. Cheong, « Tweeting Prayers and Communicating Grief over Michael Jackson Online », Bulletin of Science Technology and Society, 30, october 2010, p. 328-340.
14 C’est le cas des pages Facebook in memoriam « en mémoire de » : http://www.facebook.com/help/contact/305593649477238, consulté le 22 mars 2014.
15 http://www.crematorium-perelachaise.fr/p_ceremonies_filmees_87.html consulté le 22 mars 2014.
16 Voir http://dziga.com/hyman-victor/ consulté le 22 mars 2014.
17 Il s’agit de codes-images matriciels pour lecture via mobile.
Auteur
Fabienne Duteil-Ogata, docteur en ethnologie, chercheur associé à l’Institut interdisciplinaire du contemporain (IIAC, UMR 8177 CNRS /EHESS) est spécialiste de la religion japonaise contemporaine. Elle participe au programme ANR ENEID Éternités numériques, les identités numériques post mortem et les usages mémoriaux innovants du web au prisme du genre. Récemment, elle a co-organisé le colloque international « Le religieux sur Internet » (dont les communications sont accessibles en ligne https://archive.org/details/4Fev.13MorningAFSRReligionOnTheWeb) au CNRS Paris, les 11 et 12 février 2013 où elle a présenté la communication suivante : « Nouvelles pratiques funéraires japonaises : de la tombe ordinateur à la tombe online ».
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