Versione classicaVersione mobile

Les sources du funéraire en France à l'époque contemporaine

 | 
Bruno Bertherat

CHAPITRE 2 : sources inattendues, traditionnelles ou nouvelles

L’ancien matériel des obsèques

Régis Bertrand

Testo integrale

1Le matériel utilisé jusqu’au dernier tiers du XXe siècle pour les obsèques n’a guère fait l’objet d’études spécifiques. On devra d’abord être attentif au régime législatif du service funèbre, avant et après la loi du 28 décembre 1904, aux rituels des « services » intérieur (cultuel) et extérieur de chaque culte. La recherche commencera par celle des tarifs d’enterrement qui pourra procurer des renseignements sur les éléments de l’apparat des « classes » de pompes funèbres, sur le costume porté par les croque-morts et le caparaçon des chevaux. Elle relèvera ensuite d’une forme d’archéologie des temps contemporains, qui pourrait combiner l’enquête de terrain pour trouver ce qui peut subsister, la recherche des documentations écrite (cahier de charge pour la réalisation de corbillards) et iconographique (des gravures et peintures jusqu’aux photographies et même scènes d’obsèques dans des films).

Le brancard ou bière commune et le corbillard

2Il n’existe pas de cartographie historique des deux principaux moyens de porter un corps, « à bras » ou sur un char - en général par traction hippomobile puis automobile. Dans les régions méditerranéennes, le mort a longtemps été porté « à visage découvert » dans une bière sans toiture ni couvercle. Comme pour beaucoup de pratiques autrefois courantes, les seules traces écrites en sont souvent le témoignage de voyageurs et les arrêtés pris au cours du XIXe siècle pour l’interdire et exiger des bières fermées.

3Le corbillard à chevaux a remplacé le brancard au cours du XIXe siècle, là où ce dernier était usité. Cette innovation d’origine urbaine a pu imposer le réaménagement du chemin conduisant au cimetière, voire l’élargissement de sa porte d’entrée. Des brancards ont été longtemps conservés par précaution. Outre des églises paroissiales et des entrepôts communaux, certaines confréries peuvent en posséder : c’est le cas de l’exceptionnel brancard à décor macabre aujourd’hui exposé dans la chapelle de la compagnie des pénitents gris d’Aix-en-Provence.

  • 1 Voir par exemple I. Lavallade, Histoire des plus beaux corbillards hippomobiles et motorisés, Anton (...)

4Le Musée privé du corbillard et de l’attelage anciens de Cazes- Mondenard (Tarn-et-Garonne) possède plus d’une centaine de corbillards, rassemblée par Yvan Quercy par achats ou dons depuis les années 1970 à titre de curiosités. Les plus anciens corbillards automobiles sont surtout connus par des photographies1.

Le poêle et les tentures

5Le poêle est le « drap mortuaire ». Il a pu recouvrir le corps ou le cercueil pendant le convoi. Il est plutôt porté aujourd’hui lorsqu’il est encore utilisé par des confrères ou amis du mort derrière le cercueil et déposé sur le cercueil pendant la cérémonie. Certains poêles étaient munis sur leurs bords de cordons servant à leur préhension et à leur ornement, d’où l’expression « tenir les cordons du poêle ». Des groupes restreints, confréries, loges maçonniques, académies, avaient naguère et ont parfois des poêles ornés de passementeries et broderies. Le poêle recouvrait aussi le catafalque lors de cérémonies religieuses (catholiques du moins) ou civiles à la mémoire des morts.

6On drapait en sites urbains jusqu’aux années 1960 la porte de la maison mortuaire et celle de l’église de tentures de drap noir (blanc pour les enfants), d’un matériau analogue à celui des poêles. Un cartouche indiquait les initiales du mort au moyen de lettres amovibles. Lorsque le corps était exposé en un lieu public, un ensemble de tentures permettait et permet encore de réaliser la « chambre ardente ». Dans des cas de grandes obsèques ou de cérémonies commémoratives, l’édifice religieux ou profane qui en était le cadre pouvait être entièrement ou partiellement drapé. Ce matériel appartenait aux entreprises de pompes funèbres. Il apparaît avant tout dans les factures d’obsèques. Une petite trace archéologique qui disparaît avec les ravalements est constituée par les crochets destinés à faciliter sa pose fixés autour des portes des maisons et des églises. Les portes de cimetières urbains ou de mémoriaux des guerres sont encore drapées entre les 2 et 11 novembre. Des gravures de l’Illustration montrent nombre de décors de cérémonies, avec cependant une précision de détail très inégale.

Le matériel spécifique au catholicisme

7Le catafalque ou « représentation » (du mort) pour les offices de requiem était ordinairement constitué de tréteaux ou d’une caisse recouverts du poêle. On indiquera aussi la croix de procession noire pour le convoi, le crucifix sans hampe, à manche court, des obsèques enfantines et les vêtements liturgiques noirs du prêtre. Des confréries pouvaient avoir des porte-flambeaux noirs, parfois ornés de larmes ou de têtes de mort. Le bénitier et son goupillon, l’encensoir et sa navette ne sont en rien spécifiques aux obsèques.

Note

1 Voir par exemple I. Lavallade, Histoire des plus beaux corbillards hippomobiles et motorisés, Antony, ETAI, 2011.

Autore

Régis Bertrand est professeur émérite d’histoire moderne de l’Université d’Aix-Marseille et chercheur à l’UMR Telemme (Maison méditerranéenne des sciences de l’homme). Il est spécialiste d’histoire religieuse et culturelle de la France méridionale du XVIIe au XIXe siècle. Ses recherches portent sur les rapports entre les vivants et les morts, les cimetières et les lieux de mémoire, les pratiques religieuses à travers les dévotions, les communautés religieuses et les confréries, l’histoire culturelle et le patrimoine de la Provence.

Il testo e gli altri elementi (illustrazioni, file importati) possono essere utilizzati con OpenEdition Books License, se non diversamente specificato.

Cerca su OpenEdition Search

Sarai reindirizzato su OpenEdition Search