Les sources du funéraire en France à l'époque contemporaine
|CHAPITRE 1 : autres sources, autres méthodes
Le cimetière juif de L’Isle-sur-la-Sorgue (Vaucluse)
Une première approche archéologique au service d’un projet de mise en valeur
Texte intégral
1Le cimetière juif de L’Isle-sur-la-Sorgue est l’un des témoignages matériels de la présence d’une importante communauté juive comtadine. Sa position excentrée au cœur d’une plaine agricole et la dispersion des dernières familles au milieu du XXe siècle ont contribué à son abandon progressif. Propriété communale, ce cimetière, inscrit au titre des Monuments historiques en 2008, est officiellement encore en activité mais reste aujourd’hui essentiellement un lieu de mémoire et un site patrimonial d’exception.
2La superficie de 94 ares est en majorité occupée par la végétation que les services municipaux tentent de juguler depuis une trentaine d’années. Seule une petite partie située dans l’angle sud-est de la parcelle est occupée par des enclos familiaux, des stèles éparses et un monument funéraire. Paradoxalement, ces sépultures érigées entre 1835 et 1939 correspondent à une période où la communauté juive locale est parfaitement assimilée dans la société française. Depuis le rattachement du Comtat à la France en 1791, les juifs ont massivement quitté les anciennes « carrières » pour se disperser sur le territoire national. Forte d’environ 500 personnes en 1750, la communauté juive de L’Isle chute à 102 membres en 1795 et encore de moitié quarante ans plus tard. Il apparaît que cette occupation funéraire du lieu à l’époque contemporaine procède de facteurs sociologiques et de motivations identitaires des derniers descendants d’une communauté qui s’éteint progressivement. L’importance des inhumations situées dans une fourchette chronologique resserrée entre 1860 et 1910 résulte, semble-t-il, de l’influence de la famille Abram, dont l’un des membres, décédé en 1905, fut premier magistrat de la commune sous la Troisième République.
3L’état d’abandon du cimetière, particulièrement affecté à la fin des années 1990 par des vols de pierres tombales, de ferrures d’enclos et par des dégradations volontaires, nécessitait une reprise en main immédiate. Confrontée à la difficulté d’un entretien régulier dans un dédale de stèles renversées et de grilles éventrées ainsi qu’à une demande croissante d’ouverture au public d’un site inscrit, la Ville de L’Isle-sur-la-Sorgue a décidé de lancer en 2013 un projet de mise en valeur du cimetière en plusieurs phases.
- 1 Illustration 1, page 209.
4La Direction du Patrimoine de la Ville a proposé une étude historique et archéologique du cimetière, en partenariat avec le département d’histoire de l’Université d’Avignon et la Direction régionale des Affaires culturelles. L’opération de terrain, réalisée dans la première semaine de septembre 2013 avec le concours d’une dizaine d’étudiants, a permis de dégager les sépultures des apports naturels de terre végétale accumulés depuis plus d’un siècle1. Plusieurs enclos ont ainsi été redécouverts, des stèles dissimulées sont apparues et une quantité non négligeable d’ornements funéraires et de fragments d’épitaphes a été recueillie. L’intervention s’est achevée par une étude épigraphique suivie par une numérisation d’ensemble de l’espace funéraire au scanner 3D. À l’avenir, l’ensemble de la documentation permettra aux architectes de préparer un projet de mise en valeur et de restauration conforme à l’esprit de ce lieu de mémoire, chargé de cette histoire singulière de l’une des plus importantes communautés juives comtadines.
L’opération archéologique et ses résultats
- 2 Au cimetière de Carpentras, la genizah, datée de la décennie 1830, se présente sous l’aspect d’un p (...)
5L’accès unique au cimetière est le portail monumental placé probablement vers 1920, à l’angle nord-est de la parcelle et peut-être financé par les derniers descendants de la communauté. Il est constitué de deux piliers en pierre de taille, arrondis au sommet, et de deux vantaux en fer forgé. Le terrain n’est pas clos par un haut mur de pierre et l’on ne distingue plus de point d’eau, alors qu’elle est nécessaire pour certains rites de mort ou de deuil. Il n’existe pas de dépositoire et a priori, on ne trouve pas de genizah (local ou endroit destiné à conserver les objets du culte et livres saints détériorés ou rendus inutilisables) comme à Carpentras2.
- 3 R. Bertrand, « Les cimetières provençaux au début du XIXe siècle. D’après l’enquête de l’an XII », (...)
- 4 Illustrations 3 et 4, page 209.
6Quant aux tombes, elles sont pour la plupart regroupées dans des enclos familiaux, comme c’est l’usage en cette période, totalement clos3 de grilles en fer forgé sur mur bahut en pierre calcaire4.
- 5 Illustration 2, page 209.
- 6 Ces pierres tombales n’apparaissent pas sur le plan du cimetière de 1998 alors que l’enclos des Car (...)
7Deux de ces enclos sont très bien conservés, ceux des familles Créange (près de 100 m2 pour 17 sépultures) et Crémieux (21 m2 pour trois sépultures). Deux autres sont encore visibles par des vestiges au sol des bases de clôture ; ceux des familles Carcassonne (près de 60 m2 en deux parties, pour quatre sépultures et un monument) et Abram (20 m2 pour deux sépultures). D’autres tombes sont placées en dehors des quatre enclos repérés : un alignement en biais qui semble barrer l’espace sépulcral et assurer la jonction entre les enclos Créange et Crémieux5. Quelques tombes entre les enclos Abram et Carcassonne et plusieurs tombes isolées à l’est et à l’ouest de l’enclos Créange. Un dernier groupe se distingue par son incohérence spatiale, sa désorganisation et son positionnement en retrait, en direction du portail. Il s’agit probablement d’une tentative avortée de spoliation de pierres tombales autrefois placées dans l’enclos des Carcassonne6.
- 7 J. Marx, Dossier historique pour l’inscription du cimetière juif de L’Isle-sur-la-Sorgue, Conservat (...)
8Toutes les tombes sont en pierre calcaire et le type le plus fréquent est la stèle ou le cippe, élément vertical associé à une dalle allongée au sol. On ne voit à L’Isle ni caveau (sauf peut-être celui ruiné de l’enclos de la famille Créange, s’il s’agissait bien d’une sépulture), ni sarcophage, ni colonne, ni pyramide, ni figure sculptée éplorée. En cela le cimetière est relativement conforme à la tradition juive qui préconisait l’uniformité de tombes sobres, initialement de simples dalles couchées au sol7.
- 8 Illustration 4, page 209.
9L’enclos le mieux conservé est celui de la famille Créange, encore en activité dans les années 1920-19308. De plan rectangulaire, l’enclos qui regroupe 17 tombes est réalisé avec soin (soubassement en pierre de taille avec de solides grilles en fer). Un portillon métallique portant le nom de la famille a été volé dans les années 2000. Outre son emprise, ce qui distingue cet enclos des autres réside dans un amas de blocs en pierre de taille. Il s’agit probablement d’un grand monument funéraire placé perpendiculairement à l’enclos, reprenant globalement l’esthétique d’un temple antique (frontons, entablements, etc.) à l’exemple de la plupart des caveaux familiaux présents à cette époque dans tous les cimetières. Le compartimentage de ce monument, perceptible par une rapide observation des ruines, pourrait confirmer cette fonction, mais nous interroge sur l’éventualité de la présence d’une genizah. Si cette hypothèse venait à être confirmée, elle conférerait à la famille Créange une dimension religieuse importante.
- 9 Illustration 5, page 210. Les numéros et lettres entre parenthèses renvoient à des tombes isolées o (...)
10L’opération de nettoyage des vestiges du cimetière juif a permis d’en suivre l’évolution durant environ un siècle avant la Seconde Guerre mondiale9.
- 10 Il y eut donc encore des inhumations après 1926, contrairement à l’indication de J. B. Farber, Les (...)
11La stèle la plus ancienne (2) porte la date de 1835, la plus récente (A6) celle de 193910. En dépit des dégradations subies durant des décennies d’abandon, la quarantaine de tombes dégagées fournit des indications précieuses sur l’organisation du cimetière, la répartition familiale de la communauté et ses habitudes funéraires, ainsi que sur la forme des tombes et leur décor.
12Le cimetière de L’Isle ne saurait être considéré comme un haut lieu de l’art funéraire juif, tant les signes extérieurs d’appartenance des défunts à la confession israélite sont discrets. Seules deux stèles, qui font partie des plus anciennes, présentent un texte en hébreu. La plus importante (2), à l’extrémité ouest du site, est malheureusement très effacée. Un peu plus loin, sur celle d’Aaron Carcassonne (9), mort en 1847, ne sont gravés que deux mots. À partir du milieu du XIXe siècle, les caractères hébraïques disparaissent complètement. Les épitaphes, désormais toutes rédigées en français, se limitent le plus souvent au patronyme et à de brèves indications d’ordre biographique. Aucune particularité d’ordre paléographique n’est à signaler, mis à part le raccourci phonétique DCD en lieu et place de « décédé » sur la stèle A16, ainsi que des abréviations courantes des noms de mois comme 7bre pour « septembre ». Les épitaphes contiennent très peu d’évocations et de prières, hormis des formules stéréotypées du type « il fut bon père et bon mari » pour les hommes et « elle fut bonne épouse et mère » pour les femmes. Le souhait que le défunt repose en paix, fréquemment exprimé sur les tombes chrétiennes à la même époque, est formulé trois fois. L’appel à prier pour le mort, tout aussi banal, l’est à quatre reprises. Seule l’épitaphe de Léon Créange (A5), mort en 1889 à 48 ans, fait preuve d’une relative prolixité au milieu d’un océan de concision. À l’énoncé de ses qualités personnelles, qui souligne surtout sa sollicitude envers ses proches, s’ajoute la seule invocation (inspirée d’un verset biblique ?) repérée sur ce site : « au plus haut des cieux veille sur nous ». La teneur des épitaphes reflète le degré élevé de laïcisation de la communauté durant cette période, les solidarités familiales et l’affirmation de la citoyenneté prenant le pas sur l’appartenance confessionnelle dans les messages que délivrent les sépultures. La présence de la tombe d’un maire de la ville (B2), le juge de paix Adolphe Michael Israël Abram, mort en 1905, revêt à cet égard un caractère hautement symbolique au sein d’un cimetière conservant par vocation sa dimension religieuse. Son épitaphe est d’ailleurs à peu près la seule à mentionner un titre ou un métier. Les efforts civiques de la Troisième République ont manifestement porté leurs fruits à L’Isle.
13Le décor et la morphologie des tombes donnent la même impression de sobriété, qui demeure la note dominante des cimetières israélites de cette période en Provence occidentale. Les rares symboles représentés, comme les deux tibias entrecroisés sur le cippe d’Aaron Carcassonne (9) érigé en 1847 et sur celui tout proche de Gentille Carcassonne (10), morte deux ans plus tard, n’ont rien de spécifiquement juif. Ce secteur du cimetière est dominé par le mémorial de Casimir Carcassonne (C7), au départ surmonté d’une urne funéraire. Les objets, sculptés de manière assez discrète, qui décorent le pourtour de la partie sommitale (tibias, sabliers, faux entrecroisées) se retrouvent tels quels sur les tombes du cimetière communal. La main de justice et la balance avec feuilles d’olivier et de chêne figurés sur la dalle du maire Adolphe Abram (B2) renvoient à ses fonctions de juge de paix et ne relèvent pas du répertoire macabre. D’autres motifs, coquilles, palmettes et autres végétaux stylisés sont purement décoratifs et dépourvus de symbolique particulière. Une évolution de la forme des tombes se dessine assez clairement : aux simples stèles et aux cippes des premières générations s’ajoutent peu à peu les dalles funéraires qui caractérisent les principales concessions familiales à partir de la fin du XIXe siècle. Les épitaphes ont alors tendance à « glisser » de la stèle vers la dalle sans que leur contenu ne se développe à l’exception, on l’a dit, de celle de Léon Créange (A5). L’ensemble offre une grande homogénéité, qui frise l’uniformité à l’intérieur des concessions elles-mêmes. Outre le mausolée atypique de Casimir Carcassonne, on note la présence de l’édicule funéraire, malheureusement écroulé, contre l’enclos de la famille Créange.
- 11 G. Sed-Rajna et alii, L’Art juif, Paris, Citadelles & Mazenod, 1995, p. 176.
14L’influence de l’orientalisme, attisé par la redécouverte progressive des vestiges du judaïsme antique en Palestine au cours du XIXe siècle, ne se fait nullement sentir dans le cimetière de L’Isle-sur-la-Sorgue11.
15Au contraire, une simple visite du cimetière communal fait bien apparaître les similitudes entre les tombeaux des deux communautés. Les mêmes artisans ont manifestement travaillé à la préparation et à la décoration de ces monuments, agrémentés de couronnes de perles tout à fait semblables. Le style art déco de la tombe la plus récente (A6) suit simplement la mode du temps.
16Les renseignements d’ordre prosopographique recueillis lors du débroussaillage du cimetière constituent l’un des apports majeurs de cette opération. Du fait de l’usure du temps et des dégradations volontaires, certaines épitaphes ne sont plus visibles tandis que d’autres ne vont pas tarder à s’effacer. Il était donc urgent de procéder à un premier recensement afin de préserver le maximum d’informations sur l’identité et la filiation des défunts.
- 12 Une analyse complète de ces patronymes et la comparaison avec d’autres villes du Comtat s’impose po (...)
17La famille Carcassonne domine avec 17 mentions, suivie par la famille Créange qui en compte 14. Suivent assez loin derrière les Abram (5 mentions) et les Crémieux (3 mentions). D’autres noms apparaissent de façon sporadique : Bédarrides (1), Cohen (13 et D1), Monteux (A7 et A11), Milhaud (A10), Mosse (A14) et Beaucaire (C4). Ils appartiennent presque tous à des femmes entrées par mariage dans les grandes familles des Carcassonne et des Créange. Les mentions, assez rares, de l’origine géographique des défunts, vont dans le même sens. Jeanne-Rachel Carcassonne (C5), née à Marseille et morte à Privas, a ainsi rejoint le cimetière familial en 1906. Moïse Créange (A6), mort à Nîmes en 1939, a été enterré dans sa ville natale. Léon Monteux (A7), natif de Pierrelatte décédé en 1889, est accueilli au sein de la concession des Créange, de même qu’Amélie Blanche Monteux, née Abram de Marignane (A11). À elles seules, les épitaphes et l’implantation des tombes suggèrent un réseau d’alliances entre ces deux familles à la fin du XIXe siècle12.
- 13 Une recherche dans les archives d’état civil permettra de vérifier ces hypothèses.
18Sauf exception, la brièveté des épitaphes exclut pratiquement tout renseignement sur la condition et la carrière des défunts. Leur nombre relativement restreint n’est pas non plus de nature à tirer des conclusions d’ordre démographique. Un détail émerge cependant de l’examen des stèles voisines 7 et 8, qui nous apprennent que Léantine Carcassonne est morte à l’âge de 22 ans le 27 septembre 1842, le même jour que Moïse Carcassonne âgé de huit mois. En absence de tout indice de filiation, on ne saurait garantir sur la foi de ces seuls documents qu’il s’agit d’une mère et de son fils mais le degré de probabilité reste élevé13.
- 14 Illustration 6, page 210.
19La répartition spatiale des sépultures reflète l’évolution des pratiques en matière d’inhumation et leur degré de respect des règlements rabbiniques, notamment en ce qui concerne l’espace minimum à maintenir entre les tombes et leur orientation. Celles des Carcassonne constituent un bon exemple sur la longue durée. Mis à part la tombe 1, relativement isolée, les plus anciennes (3, 5, 7 à 10, 12), couvrant la période de 1840 à 1856, respectent une sorte d’alignement qui témoigne d’une forme de regroupement familial. À partir de 1860 (C3), les sépultures se succèdent dans le périmètre d’une concession funéraire bien délimitée par un muret grillagé, agrandie dans un deuxième temps, à partir du monument de Casimir Carcassonne qui semble avoir joué le rôle de pôle d’attraction14. D’une manière plus générale, le relevé des épitaphes a notablement étoffé le recensement en cours des familles judéo-comtadines de la commune que l’on peut consulter sur le site Internet des descendants des juifs du Pape et de leurs alliés. Un inventaire provisoire fait état d’au moins huit personnes non répertoriées dans cette base de données, qui s’est révélée fort utile pour contrôler ou rectifier les indications mentionnées sur les tombes.
20Une exploitation plus poussée de ces résultats permettra de compléter des arbres généalogiques et de mieux appréhender les stratégies familiales de la communauté juive de L’Isle-sur-la-Sorgue avant le second conflit mondial.
21La redécouverte du cimetière dans le cadre de cette étude préparatoire à sa réhabilitation met en lumière l’histoire des juifs à L’Isle sur une période qui dépasse largement le cadre chronologique livré par les inhumations identifiées. L’étude de l’espace funéraire doit être mise en perspective avec l’évolution du cadre de vie des juifs.
La communauté juive de L’Isle et son cimetière du Moyen Âge au début du xxe siècle
- 15 F. Guyonnet, « Archéologie des juifs du pape en Comtat Venaissin : acquis et perspectives », L’Arch (...)
22Dans la topographie de la ville aux XIIe et XIIIe siècles, la juiverie se situe intra muros, dans le quartier de Villefranche, près de l’enceinte romane15. À partir du XIVe siècle, la vie du quartier est ponctuée d’émeutes anti-juives qui vont pousser les autorités pontificales à appliquer une règle de séparation stricte entre chrétiens et juifs. Dans la seconde moitié du XVe siècle, on assiste en Comtat, à la première délimitation précise de l’habitat juif groupé autour de la place de la Juiverie. Dès lors, le terme de « carrière » (la rue en provençal) va désigner le quartier juif (clos par des portes) et la communauté qui l’habite. En 1624, les juifs sont assignés à résidence dans quatre cités (Avignon, Carpentras, Cavaillon et L’Isle) qui restent les derniers lieux de peuplement juif du sud de l’Europe occidentale (Italie exceptée). C’est dans cette carrière surpeuplée que se déroulera la vie de la communauté juive de L’Isle pendant près de deux siècles, jusqu’à la Révolution, qui verra l’intégration de ce territoire à la France et la reconnaissance aux juifs de la citoyenneté. Désormais libres, les communautés comtadines vont se disperser ou progressivement se fondre dans la population locale et les anciennes carrières vont être très largement détruites. La carrière de L’Isle était relativement vaste, en comparaison avec les trois autres villes accueillant des communautés juives. Néanmoins, le nombre d’habitants reste très mesuré (300 en 1690 avec un pic autour de 500 vers 1750) et le centre de la juiverie est occupé par une grande place où se concentrent les activités économiques, essentiellement tournées vers l’industrie textile. La seconde moitié du XVIIIe siècle voit une amélioration des conditions de vie de la communauté et un accroissement significatif de ses ressources. Celles- ci sont réinvesties dans l’architecture cultuelle et domestique avec des réalisations de grande qualité (synagogue et immeubles familiaux).
- 16 R. Moulinas, « Les juifs de L’Isle-sur-la-Sorgue au XVIIIe siècle », Troisième journée d’études vau (...)
23Ce cadre de vie accueille tout au long de l’Ancien Régime, un brassage de populations diverses. On trouve des familles juives autochtones auxquelles se joignent les vagues d’immigrations successives, liées à l’exil des juifs chassés de France dès le XIVe siècle, de la péninsule ibérique et de Provence au siècle suivant. Les patronymes juifs islois, connus entre la fin du XVIIe siècle et le début du XIXe siècle, évoquent à eux seuls l’histoire de cette communauté et de ces brassages : les juifs comtadins (Astruc, Abram, Bédarrides, etc.), des juifs languedociens (Beaucaire, Carcassonne, etc.) ou espagnols et portugais (Cohen, Lisbonne, etc.)16. Certains noms sont encore représentés au XIXe siècle dans les concessions du cimetière.
- 17 Une déclaration du responsable de la communauté juive de L’Isle, lors de la promulgation des lois d (...)
24On ne dispose d’aucune mention du cimetière avant le milieu du XVIe siècle. Seule l’archéologie pourrait confirmer une utilisation antérieure de ce terrain excentré des Bagnoles et ainsi déterminer s’il existe une continuité d’occupation depuis le Moyen Âge jusqu’au XXe siècle. Cette hypothèse conférerait au cimetière de L’Isle une importance majeure pour l’histoire des populations juives comtadines. Traditionnellement, les cimetières juifs sont situés hors les murs des cités, mais le cas de L’Isle interroge par son éloignement conséquent (deux kilomètres)17.
- 18 Quelques calculs très aléatoires permettent de donner une estimation de la durée d’utilisation de l (...)
25L’augmentation de la population de la carrière dans le premier tiers du XVIIIe siècle impose aux administrateurs laïcs de la communauté, les bailons, l’acquisition d’un nouveau terrain pour étendre le cimetière en 1736. Cette extension du cimetière, d’une superficie d’environ 4 000 m2, semble correspondre précisément à la partie orientale du terrain, là où celui-ci forme un léger décrochement vers le sud. Ainsi, l’acquisition de 1736 a permis à la communauté de pratiquement doubler son espace funéraire avec cette parcelle de plan carré. Reste à savoir si le terrain primitif, de plan rectangulaire, visiblement saturé de tombes, au début du deuxième tiers du XVIIIe siècle a pu recevoir les défunts des deux communautés du Thor (jusqu’en 1624) et de L’Isle pendant plusieurs siècles auparavant18.
- 19 L’histoire du cimetière juif pendant la période révolutionnaire reste à écrire. Notons que 12 à 14 (...)
26La Révolution est le point de départ d’un long processus de modification du régime des cultes et par extension du fonctionnement des « champs des morts ». Avec le régime des cimetières confessionnaux, la Convention dépossède les fabriques ou consistoires des cimetières (décret du 13 brumaire an II - 3 novembre 1793) et « laïcise » ces espaces19. Les citoyens sont désormais égaux même dans la mort. Dans l’esprit du Concordat et afin de pacifier les relations de l’État avec les Cultes (à noter que l’organisation du culte israélite ne sera défini qu’en 1808), Napoléon promulgue en juin 1804 un décret qui organise les cimetières dans lequel il dispose que « dans les communes où l’on professe plusieurs cultes, chaque culte doit avoir un lieu d’inhumation particulier ; et dans le cas où il n’y aurait qu’un seul cimetière, on le partagera par des murs, haies, fossés en autant de parties qu’il y a de cultes différents, avec une entrée particulière pour chacune, et en proportionnant cet espace au nombre d’habitants de chaque culte » (article 15). Un décret du 10 février 1806 a permis aux institutions juives de conserver la propriété des cimetières privés construits avant 1804.
Le cimetière, seule institution juive à L’Isle
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- 23 Au recensement de 1841 apparaît la famille Alphandery qui n’apparaîtra plus après 1856, G. Milesi, (...)
27En 1817, il ne reste que 22 juifs à L’Isle, la plupart faisant partie des familles les plus pauvres n’ayant pu quitter l’ancienne carrière qui disparaît alors sous la pioche des démolisseurs20. Cependant, la présence des juifs perdure dans la ville tout au long du siècle. Grâce aux données des recensements de la population réalisés tous les cinq ans et qui sont conservées depuis 183621, on remarque que seules neuf familles portant quatre noms différents sont mentionnées : il s’agit des Créange, Carcassonne, Abraham et Crémieux22. Il apparaît qu’à partir des années 1830, certaines des familles dispersées dans les grandes villes au XVIIIe et au début du XIXe siècle reviennent. S’y ajoutent également des familles non originaires de la ville23, même si le nombre d’habitants juifs reste restreint (42 au total) comme en témoigne l’enquête de 1858 qui recense cette population à la demande du préfet de Vaucluse, en vue de la création d’un nouveau rabbinat dans le département.
28Malgré ce retour et deux ans avant ce recensement, un arrêté voté par les membres du conseil municipal - dont certains étaient juifs -, décide la destruction de la synagogue de la ville. Avec la disparition de cet édifice, les juifs demeurant à L’Isle n’ont plus de lieu pour partager leur foi et leurs prières. Il ne reste alors de l’ancienne communauté juive de L’Isle que le nom d’une place et son cimetière situé à l’extérieur de l’agglomération.
- 24 G. Milesi, Les Juifs de L’Isle…, op. cit. p. 30.
- 25 Le nom Abram, d’après Jackie Kohnstamm, citée dans Armand Lunel et les Juifs du midi (C. Iancu éd., (...)
- 26 AC L’Isle-sur-la-Sorgue, série 1E de E38 (1809-1814) à E95 (1930-1934) qui concerne les actes de dé (...)
- 27 La tombe se trouve dans l’enceinte du cimetière israélite et où il est écrit « Ici repose Moïse Cré (...)
29Les activités professionnelles des juifs de l’Isle au XIXe siècle ne présentent pas une très grande variété : on trouve principalement les métiers en lien avec le textile et ceux en lien avec le commerce des chevaux et autres bêtes de traits24. La vie de la communauté ne s’organise pas spécifiquement dans les limites de l’ancienne juiverie. Deux familles bien représentées au cimetière juif, les Abram25 et les Créange attirent particulièrement notre attention par la singularité de leurs destins. La famille Créange est restée tout au long du XIXe siècle sur le terroir communal26 ; elle est notamment liée à la famille Abram par deux mariages. Le personnage emblématique de cette famille est Moïse Créange27, propriétaire, exerçant le métier de marchand drapier, dont les biens se trouvaient en zone urbaine. Ses demeures, au nombre de quatre, se situaient à l’extérieur de l’ancienne juiverie. Notons qu’un de ses fils, Aaron Philippe (qui repose également au cimetière juif), a exercé le même métier que son père.
- 28 G. Milesi, Les Juifs de L’Isle…, op. cit., p. 44.
- 29 29. Ibid., p. 51-53.
30David Samuel Abraham (1811-1868), qui signera plus tard Abram, marchand de chevaux, va devenir un riche propriétaire et conseiller municipal, une fois la République proclamée en 1848. Pour la première fois dans l’histoire de la ville, un juif y siège et ce jusqu’en 1865. Des juifs de la ville, il est celui qui possède le plus grand nombre de biens fonciers28. En 1835, il fait l’acquisition d’un « maraîcher », ce qui lui permet de se rapprocher de la structure classique du propriétaire terrien vauclusien. Son parcours professionnel et politique en fait l’un des personnages majeurs de cette communauté juive du XIXe siècle. Son fils aîné, Adolphe Mickaël Israël Abram (1834- 1905), sera maire de la ville de L’Isle de 1871 à 1874. L’élection d’un juif dans une ville où la majorité des habitants est catholique ne semble pas avoir suscité de réaction particulière. Ainsi, la présence d’une communauté juive est bien intégrée dans les mentalités et la « communauté religieuse s’éclipse au profit de la communauté des citoyens »29.
31Les parcours de ces deux familles de statut social différent montrent la parfaite intégration de leurs membres à la société locale près d’un demi-siècle après l’émancipation de la communauté juive. L’ancienne carrière n’est plus le lieu exclusif de résidence des familles juives et l’identité même de ce quartier s’efface avec la destruction de la synagogue en 1856. Le cimetière joue alors le rôle de lieu identitaire et c’est dans la mort que ces familles mettent en avant leur judéité et leur filiation à cette culture juive comtadine. À l’évidence, les principales familles juives (Abram, Crémieux Carcassonne, etc.) de la ville sont les initiateurs de cette renaissance du cimetière au XIXe siècle.
La réoccupation du cimetière
32La réoccupation du cimetière juif au XIXe siècle se caractérise par une concentration importante de sépultures dans la partie sud-est, probablement là où des places étaient alors disponibles, dans la parcelle acquise par la communauté en 1736. L’état ancien du cimetière est en quelque sorte sacralisé par la plantation de plusieurs rangées de platanes. Contrairement aux cimetières juifs des villes proches comme Carpentras et Saint-Rémy, celui de L’Isle n’a jamais été fermé par un mur.
33La loi du 14 novembre 1881 abroge l’article 15 du décret du 23 prairial de l’an XII, en interdisant les carrés confessionnels, afin de faire cesser les conflits de personnes, de confessions et de régler les problèmes des suicidés, athées ou des enfants morts sans baptême. Celle du 5 avril 1884 soumet le maire à une obligation de neutralité dans l’exercice de son pouvoir de police des funérailles et des cimetières (règle qui s’applique notamment à l’emplacement choisi pour l’inhumation).
34Lors du processus de séparation des Églises et de l’État, les cimetières ne seront concernés directement que par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires [...] et indirectement pour les cimetières confessionnels encore existant par les inventaires des biens à dresser ». La loi du 28 décembre 1904 avait préalablement laïcisé le service extérieur des pompes funèbres (avec la mise en place d’un monopole communal qui perdurera jusqu’en 1993).
- 30 Archives départementales de Vaucluse, 8V3, M. Bitton, « L’ancien cimetière israélite de L’Isle-sur- (...)
35C’est dans ce contexte que, le 26 mars 1906, l’inventaire des biens juifs sur la commune est dressé par le service des domaines en présence d’Ernest Abram (probable fils d’Adolphe Abram) qui représente le consistoire de Marseille (dont les juifs du Vaucluse dépendent). Seul le cimetière apparaît30.
36La loi du 9 décembre 1905 dispose que les biens deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s’ils n’ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal (soit un an) et l’article 19 précise que les associations cultuelles à créer pour revendiquer les biens devront avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte et être composées, au moins pour les communes de 1 000 à 20 000 habitants, de quinze personnes.
37Il n’y avait certainement pas assez de juifs à L’Isle pour constituer une association cultuelle, après le décès en 1905, d’Adolphe Abram. Le cimetière juif, seul bien recensé en 1906, est cédé à la commune et devient de par sa destination, dépendance du domaine communal affecté à un service public. Les descendants de l’ancienne communauté juive gardent l’usufruit de ce cimetière mais l’on n’en connaît pas les modalités.
38Malgré l’inactivité du lieu depuis 1939, il n’y a pas eu de désaffection. On pourrait donc toujours légalement procéder à des inhumations et, paradoxalement, en application des lois de 1881 et 1884 confirmées par la jurisprudence, pas exclusivement pour les personnes de confession juive. Cependant, en l’absence de documents de gestion (registre de délivrance des emplacements, plan d’agencement des sépultures non matérialisées par un monument) et dans l’esprit de l’inscription au titre des Monuments historiques, aucun droit d’accès pour inhumation n’est aujourd’hui autorisé, contrairement à Carpentras.
- 31 AC L’Isle-sur-la-Sorgue, 47 W 1.
- 32 J. Marx, Dossier historique…, op. cit.
39Depuis plusieurs années, la municipalité a pris conscience de l’intérêt de ce patrimoine, jusqu’alors à l’abandon31. Des travaux d’entretien et de débroussaillement ont été effectués à plusieurs reprises et malheureusement ont eu pour corollaire une meilleure visibilité des monuments funéraires pour les voleurs... Dès 1975, la mairie a fait dégager l’enclos de la famille Carcassonne, à la demande d’un descendant, ancien sénateur. La même année, elle demandait un devis pour la pose d’une clôture grillagée protégeant le site. Des travaux insuffisants puisqu’en septembre 1978 un courrier du maire fait état d’actes de vandalisme dans le cimetière. La mairie et les services de l’État ont constaté d’autres dégradations opérées dans la fin des années 1990 et au début des années 200032. Une clôture plus solide est posée en 2000 et une nouvelle opération de débroussaillement, de nettoyage et de relevage de certaines stèles est effectuée en 2002 avec des élèves du lycée agricole voisin et l’autorisation du rabbin d’Avignon.
Conclusion
40Délaissé depuis très longtemps, pillé par des amateurs de ferronneries anciennes et de pierres de taille, enfoui progressivement sous une terre végétale de plus en plus abondante, le cimetière juif sombrait dans un inéluctable oubli. Quelques décennies d’indifférence auraient suffi pour effacer définitivement les dernières traces des enclos et des sépultures et rendu à la friche ce lieu, simplement signalé à terme par des limites parcellaires et des indications toponymiques. Paradoxalement, c’est cette première approche archéologique, nécessitée par les mesures de protection au titre des Monuments historiques, qui vient redonner à ce cimetière toute sa dimension mémorielle. L’archéologie vient rappeler qu’il s’agit d’un lieu de sépulture, juridiquement toujours en fonction, de la communauté juive de L’Isle et de ses descendants.
41Les méthodes développées lors de cette courte opération ont permis d’identifier précisément les enclos funéraires, de localiser certaines plantations paysagères et de repérer quelques fragments de mobilier (couronnes, vases, etc.). L’étude en cours de ces données permettra de mieux comprendre cette phase importante de réoccupation du cimetière dans la seconde moitié du XIXe siècle en mettant en exergue quelques aspects qui n’apparaissent pas dans les textes (position de certaines tombes, rites funéraires, etc.), à l’exemple de ce que la discipline peut effectuer sur d’autres sites funéraires plus anciens.
42Ces informations seront prises en compte dans le cadre d’une étude de mise en valeur et de restauration du cimetière, prochainement confiée à un architecte-paysagiste spécialisé dans le patrimoine. Cette orientation prioritaire restituera le cimetière dans son état du début du XXe siècle et permettra aux visiteurs le recueillement ou la prise de conscience d’une identité juive locale à l’instar d’autres sites du Comtat (synagogues, carrières, etc.). L’avenir des recherches sur ce lieu est plus incertain, car il paraît peu probable d’envisager une fouille archéologique sur les parties anciennes dans la mesure où le cimetière n’est pas uniquement un site patrimonial. Pourtant, les questions sur son existence depuis le Moyen Âge demeurent ainsi que sur la densité de l’occupation funéraire. De nouvelles techniques d’investigation, non destructrices pour le sous-sol, et des études historiques complémentaires viendront probablement nous épauler pour poursuivre les recherches tout en maintenant cet équilibre entre lieu d’histoire et lieu de mémoire.
Illustration 1. Décapage mécanique des niveaux supérieurs du cimetière

(photo F. Guyonnet, DP/Isle-sur-la-Sorgue)
Illustration 2. État général du cimetière après l’opération archéologique

(photo F. Guyonnet, DP/Isle-sur-la-Sorgue)
Illustration 3. Enclos de la famille Abram dont les grilles ont été volées

(photo F. Guyonnet, DP/Isle-sur-la-Sorgue)
Notes
1 Illustration 1, page 209.
2 Au cimetière de Carpentras, la genizah, datée de la décennie 1830, se présente sous l’aspect d’un petit temple. Une genizah peut se trouver dans la synagogue ou dans une fosse du cimetière.
3 R. Bertrand, « Les cimetières provençaux au début du XIXe siècle. D’après l’enquête de l’an XII », Provence historique, 1984, t. 34, fascicule 135, p. 70. Il utilise le terme « aires familiales » et relève aussi cette pratique dans les cimetières catholiques ruraux.
4 Illustrations 3 et 4, page 209.
5 Illustration 2, page 209.
6 Ces pierres tombales n’apparaissent pas sur le plan du cimetière de 1998 alors que l’enclos des Carcassonne possède six tombes dans sa partie ouest (actuellement quatre)…
7 J. Marx, Dossier historique pour l’inscription du cimetière juif de L’Isle-sur-la-Sorgue, Conservation régionale des Monuments historiques (DRAC-PACA), Aix-en-Provence, 2008, p. 20. Sur les rites funéraires juifs, voir P. Hidiroglou, Rites funéraires et pratiques de deuil chez les juifs en France, XIXe- XXe siècles, Paris, Les Belles Lettres, 1999.
8 Illustration 4, page 209.
9 Illustration 5, page 210. Les numéros et lettres entre parenthèses renvoient à des tombes isolées ou en enclos sur le plan de localisation.
10 Il y eut donc encore des inhumations après 1926, contrairement à l’indication de J. B. Farber, Les Juifs du Pape en Provence. Itinéraires, Arles, Actes Sud, 2003, p. 287.
11 G. Sed-Rajna et alii, L’Art juif, Paris, Citadelles & Mazenod, 1995, p. 176.
12 Une analyse complète de ces patronymes et la comparaison avec d’autres villes du Comtat s’impose pour comprendre les réseaux familiaux.
13 Une recherche dans les archives d’état civil permettra de vérifier ces hypothèses.
14 Illustration 6, page 210.
15 F. Guyonnet, « Archéologie des juifs du pape en Comtat Venaissin : acquis et perspectives », L’Archéologie du judaïsme en France et en Europe, éd. P. Salmona et L. Sigal, Paris, La Découverte, 2011, p. 115-128.
16 R. Moulinas, « Les juifs de L’Isle-sur-la-Sorgue au XVIIIe siècle », Troisième journée d’études vaudoises et historiques du Luberon. Lacoste, 1er septembre 1979, Mérindol, Association d’études vaudoises et historiques du Luberon, 1979, p. 2 9-40 ; R. Moulinas, Les Juifs du Pape. Avignon et le Comtat Venaissin, Paris, Albin Michel, 1992 ; G. Milesi, Les Juifs de L’Isle-sur-la-Sorgue au XIXe siècle. De l’émancipation à l’intégration, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, Université Paul Valéry, Montpellier III, 2001.
17 Une déclaration du responsable de la communauté juive de L’Isle, lors de la promulgation des lois de séparation en 1905, stipule que le cimetière appartient aux communautés de L’Isle et du Thor. La possibilité d’une mutualisation ancienne de l’espace funéraire entre les deux villes est crédible dans la mesure où le cimetière est situé à trois kilomètres au sud-est du Thor.
18 Quelques calculs très aléatoires permettent de donner une estimation de la durée d’utilisation de la première parcelle : les 5 000 premiers mètres carrés du cimetière auraient pu être remplis de sépultures pendant 250 ans. Selon des schémas actuels et en rajoutant 30 % du taux de crémation, il faut environ 50 ans pour remplir 1 000 m2 d’un cimetière (en partant du postulat qu’une population de 500 personnes procède à environ 6,5 inhumations par an et qu’un terrain de 1 000 m2 peut contenir 300 sépultures non superposées). Le cimetière aurait alors été établi sur cette parcelle à la fin du XVe siècle ou au début du siècle suivant et, par conséquent, c’est ailleurs qu’il conviendrait de rechercher le cimetière médiéval, sur un autre terrain adjacent ou au contraire en un autre lieu du territoire communal. Cette hypothèse reste à vérifier car des superpositions de tombes peuvent être autorisées dans certains cas par le Talmud (cf. cimetière de Prague).
19 L’histoire du cimetière juif pendant la période révolutionnaire reste à écrire. Notons que 12 à 14 juifs ont été enterrés, entre 1793 et 1795, dans le cimetière communal de Carpentras (R. Colozzi, Le Noir & l’argent. Une histoire des cimetières de Carpentras, Brantes, Éditions du Toulourenc, 2011, p. 97).
20 M. Bitton, « Sur les traces des Juifs du Pape à l’Isle-sur-la-Sorgue », Conférence pour les journées du Patrimoine du 22 septembre 2002.
21 Archives communales de L’Isle-sur-la-Sorgue, série M (Administration générale et économie du département (1800- 1940), 6 M 133 : Recensement de la population à l’Isle sur la Sorgue (1803-1856)
22 Pour une étude sur les noms de familles des juifs du Comtat Venaissin et plus précisément ceux de L’Isle, nous nous rapportons aux travaux de J. Kohnstamm, Family Structure and Behaviour and Ghetto Life in the Jewish Community of L’Isle-sur-Sorgue, PhD, University of East Anglia, 1981.
23 Au recensement de 1841 apparaît la famille Alphandery qui n’apparaîtra plus après 1856, G. Milesi, Les Juifs de L’Isle…, op. cit., p. 23.
24 G. Milesi, Les Juifs de L’Isle…, op. cit. p. 30.
25 Le nom Abram, d’après Jackie Kohnstamm, citée dans Armand Lunel et les Juifs du midi (C. Iancu éd., Montpellier, Université Paul Valéry, 1986), est un nom de famille attaché à la commune de L’Isle-sur-la-Sorgue. Il s’agirait d’une famille originaire du Thor qui se serait installée sur le terroir de L’Isle dès le XVIIIe siècle.
26 AC L’Isle-sur-la-Sorgue, série 1E de E38 (1809-1814) à E95 (1930-1934) qui concerne les actes de décès.
27 La tombe se trouve dans l’enceinte du cimetière israélite et où il est écrit « Ici repose Moïse Créange, décédé le 26 avril 1881 à l’âge de 87 ans ».
28 G. Milesi, Les Juifs de L’Isle…, op. cit., p. 44.
29 29. Ibid., p. 51-53.
30 Archives départementales de Vaucluse, 8V3, M. Bitton, « L’ancien cimetière israélite de L’Isle-sur-la-Sorgue », L’Écho des carrières, n° 31, 2002, p. 33-36.
31 AC L’Isle-sur-la-Sorgue, 47 W 1.
32 J. Marx, Dossier historique…, op. cit.
Table des illustrations
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Titre | Illustration 1. Décapage mécanique des niveaux supérieurs du cimetière |
Crédits | (photo F. Guyonnet, DP/Isle-sur-la-Sorgue) |
URL | http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4907/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 168k |
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Titre | Illustration 2. État général du cimetière après l’opération archéologique |
Crédits | (photo F. Guyonnet, DP/Isle-sur-la-Sorgue) |
URL | http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4907/img-2.jpg |
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Titre | Illustration 3. Enclos de la famille Abram dont les grilles ont été volées |
Crédits | (photo F. Guyonnet, DP/Isle-sur-la-Sorgue) |
URL | http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4907/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 115k |
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Titre | Illustration 4. Enclos de la famille Créange |
Crédits | (photo F. Guyonnet, DP/Isle- sur-la-Sorgue) |
URL | http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4907/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 172k |
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Titre | Illustration 5. Localisation des enclos et des sépultures |
Crédits | (plan-scan, AFT Topographie) |
URL | http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4907/img-5.jpg |
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Titre | Illustration 6. L’enclos et le monument de Casimir Carcassonne |
Crédits | (photo F. Guyonnet, DP/Isle-sur-la-Sorgue) |
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© Éditions Universitaires d’Avignon, 2015