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Scénographies numériques du patrimoine

 | 
Julie Deramond
, 
Jessica de Bideran
, 
Patrick Fraysse

PREMIÈRE PARTIE

Chapitre 2

Comprendre le geste musical patrimonial dans un environnement numérique : le projet IMAPI

Julien Ferrando

Testo integrale

Introduction

  • 1 IMAPI est l’acronyme d’Immersion Musicale en Acoustique Patrimoniale Immersive. Cet article a été p (...)
  • 2 Les extraits sonores issus de l’expérience évoquée dans l’article, sont interprétés par l’ensemble (...)
  • 3 Maître de conférences en musique ancienne et nouvelles technologies à Aix-Marseille Université.
  • 4 Appel à projet IMAPI remporté en 2020 à la Maison Méditerranéenne des Sciences Humaines d’Aix-en-Pr (...)

1IMAPI1, Immersion Musicale en Acoustique Patrimoniale Immersive, est un projet qui s’inscrit dans le cadre de l’archéo-acoustique. Son propos est de recréer autant que possible les ambiances historiques d’un lieu patrimonial majeur pour la musique de la région méditerranéenne2 : la chapelle pontificale du Palais des Papes d’Avignon. Ce projet est porté par Julien Ferrando3, le laboratoire PRISM (AMU-CNRS, UMR 7061), ainsi que par Avignon Tourisme-Palais des Papes (Jean-Paul Trinquier) et la MMSH d’Aix-en-Provence4.

  • 5 J. Ferrando, « Music, Architecture and Symbolism in the court of Clement VI: Another interpretation (...)

2À la suite de travaux de recherche5 effectués sur un corpus de musique politique avignonnais composé sous Clément VI, j’ai exploré la manière singulière de « dire » le politique en musique dans une cour papale. C’est précisément par la coopération entre l’art musical et l’art de la rhétorique que se développe en effet un art « du sonore » destiné à porter au plus loin dans le monde du xive siècle les préceptes d’un pontife. Les rapports entre l’art musical et l’exercice de la souveraineté sont particulièrement riches à cette époque et font suite à la problématique de tout dirigeant de démontrer le bienfondé de son pouvoir, d’autant plus dans un contexte géopolitique troublé.

  • 6 J. Ferrando, « Solus Deus creat nullum corpus potest creare. La Chapelle Saint-Pierre Saint-Paul du (...)
  • 7 Depuis 2016, des concerts de musique de l’époque pontificale sont organisés dans la grande chapelle (...)

3De plus, en explorant les rapports entre proportion musicale et architecturale, je me suis rendu compte des liens étroits qui pouvaient exister entre les œuvres musicales et leurs lieux de production, comme la grande chapelle pontificale du Palais des Papes6. Cet édifice, qui fut l’un des centres majeurs de la polyphonie au xive siècle, se révèle encore aujourd’hui comme l’un des lieux les plus adaptés à l’interprétation de la musique médiévale polyphonique, vocale comme instrumentale7.

4En effet, en Avignon à partir de Clément VI, les productions musicales (motets, mouvements de messes, ballades) deviennent des supports politiques majeurs, vecteurs d’une seule parole et d’un même objectif : démontrer la légitimité pontificale dans la cité provençale. Pour la société médiévale, la musique a une vocation liturgique et spirituelle essentielle, ainsi qu’une dimension esthétique, mêlant sons et paroles, pour intercéder avec le ciel.

  • 8 Ce que l’on pourrait également nommer l’Auralité, la perception sensible des musiciens de cette épo (...)
  • 9 Chanter dans la chapelle des papes au xive siècle. Coopération entre le LAM (Paris), PRISM (Marseil (...)

5À travers cette recherche, et plus précisément à travers un corpus d’œuvres polyphoniques avignonnaises, il s’agira ici d’interroger l’écoute musicienne patrimoniale du xive siècle8 et de l’interpréter dans un environnement acoustique virtuel immersif. Le projet IMAPI repose en effet sur la conception d’un dispositif numérique effectué sur la base d’un relevé 3D, qui permettra autant que possible, de reproduire l’acoustique de la chapelle telle qu’elle « sonnait » à l’époque médiévale9.

6On le sait, l’espace sonore du Moyen-Âge est fort différent de l’espace sonore d’aujourd’hui : dans beaucoup de monuments, le mobilier influant sur la réverbération a disparu et l’environnement sonore s’est transformé. Cette reproduction ne prétend en aucune manière reproduire à l’identique cette acoustique (ce qui du point de vue historique est impossible). Dans un contexte « historiquement informé », l’œuvre musicale peut être appréhendée comme un « fossile », dont il faut pouvoir reconstituer la situation originelle, afin d’en donner une interprétation qui paraîtra la plus proche de sa réalité historique. L’œuvre rejoint ainsi tous les autres matériaux de l’histoire, c’est-à-dire ce que l’on appelle les vestiges. Elle aussi doit être interprétée pour ce dont elle témoigne.

  • 10 Pour plus de détails consulter C. Esclapez, « L’expérience musicologique comme rencontre », in Sémi (...)

7De plus, il faut considérer que l’interprétation des musiques anciennes est située dans un espace intermédiaire, situé entre artefact et création rêvée ou mythifiée de l’histoire. Elle est à la fois une archéologie du sonore et une « recréation » dépassant la problématique académique de l’authenticité, tout comme celle de la création conçue comme invention ex nihilo. La problématique de la « recréation », par le retournement qu’elle suppose mais aussi par l’horizon qu’elle dégage, nous paraît plus apte à cerner le tissage entre histoire, mémoire et invention ou, comme l’écrivait dans les années 1970 Pierre Francastel, « entre réel, perçu et imaginaire ». Tissage qui est en jeu dans l’interprétation de ces répertoires anciens, patrimoniaux, écrits ou improvisés10.

8Dans ce cadre, IMAPI permet de former de nouvelles pistes de recherche sur les pratiques musicales historiquement informées, les corpus de manuscrits en lien avec le contexte pontifical, l’interaction entre le geste musicien, l’ambiance sonore du Palais des Papes telle qu’elle pouvait résonner au xive siècle et ses possibles reconstitutions, par l’univers sonore virtuel. Le projet a pour vocation, à plus long terme, de devenir un dispositif possiblement reproductible dans d’autres sites patrimoniaux. Il s’agit donc essentiellement d’ouvrir de nouvelles perspectives dans l’appréhension du geste vocal ou instrumental, historiquement informé par les documents, mais aussi par l’expérience du musicien.

9Le questionnement sur l’acoustique des lieux patrimoniaux est ici allié aux interrogations concernant les nouvelles technologies numériques du son, mais aussi l’expérience de visite des lieux patrimoniaux, qui pourrait être davantage centrée sur le son et l’écoute (comme en témoigne le futur parcours Ars musica du Palais des Papes). Un tel projet invoque de nouvelles manières d’appréhender l’espace, les distances et les volumes d’un site patrimonial. De là, découlent de nouvelles pistes de recherche, d’interprétation des musiques patrimoniales, ainsi que de nouvelles formes d’écoute pour l’interprète et l’auditeur. Une nouvelle forme de médiation se dégage pour le grand public, ajoutant une dimension sonore et sensible à la visite et valorisant ainsi la place du musical dans les parcours de visite patrimoniaux.

Le geste et le lieu

  • 11 J.-M. Fritz, Paysages sonores du Moyen Âge. Le versant épistémologique, Paris, Honoré Champion, 200 (...)
  • 12 A. M. Busse-Berger, « The art of Memory », Berkeley, University of California Press, 2005, p. 45.
  • 13 E. S. Mainoldi, Ars Musica, la concezione della musica del medioevo, Milan, Rugginenti, 2001, p. 22 (...)

10Le son est le vecteur d’une parole, d’un chant, de bruits qui composent un paysage sonore singulier. C’est dans cette perspective que l’ouïe est considérée comme le second des cinq sens de l’être humain11. Il est également au cœur de la mentalité médiévale. La musique est l’expression d’un art du sonore qui est transmis par le geste et l’instrument, par le souffle et la bouche. Dès le ixe siècle, apparaît ainsi la volonté d’une fixation du son par une écriture tangible et mnémotechnique12. Le son est donc étroitement lié aux questions métaphysiques et cosmologiques enseignées par les doctrinaires de l’Église. Il est également attaché aux notions de timbre, de résonance et de vibration. Le phénomène physique de la vibration est bien connu des théoriciens, puisque Boèce le définit comme tel : « Le son ne peut exister sans une stimulation ou une attaque [comme pour une corde par exemple]. Il n’existe donc pas s’il n’est pas précédé d’un mouvement ». (Boèce, De musica, I. 3)13.

  • 14 V. Zara, « Musique et Architecture : théories, composition, théologie (xiiie-xviie siècles) », Bull (...)
  • 15 B. Postma, B. Katz, « Acoustics of Notre-Dame Cathedral de Paris », in International Congress on Ac (...)
  • 16 V. Zara, « Architecture et Musique : ressemblances entre procédés de composition et architecture », (...)
  • 17 B. Palazzo-Bertholon, « La spatialisation des pots acoustiques dans l’espace liturgique et la matér (...)

11La conception du sonore au Moyen-Âge doit donc être pensée comme une polysémie comprenant le son, l’espace, l’architecture et la symbolique. L’édifice et le musical sont ainsi liés par la proportion qui permet de construire, disposer et découper l’espace sonore comme celui de l’architecture14. Cependant, il ne faut pas les restreindre à un simple rapport mathématique, mais plutôt comprendre cette relation comme un écosystème singulier, résultat d’une adaptation à des configurations spatiales existantes dans le sanctuaire. Le musicien qui s’y produit entretient un lien étroit avec l’acoustique et adapte son geste vocal, instrumental, en fonction de ce qu’il perçoit dans l’acoustique et la résonance du lieu15. Dans le cas de la musique liturgique, la relation entre la pièce musicale et l’édifice est ainsi primordiale. L’abbaye, l’église et la cathédrale sont également des lieux ayant chacun une spécificité acoustique, puisqu’on ne chante pas la liturgie de la même manière dans une acoustique romane ou gothique16. Il est possible d’ailleurs que l’on ait adapté et façonné l’édifice en fonction des répertoires musicaux, comme en atteste le cas des vases acoustiques, ces artéfacts qui ont permis aux architectes d’agir sur la qualité réceptive du son dans l’espace résonnant17. Entre le xie et le xiiie siècle, ces poteries sont ainsi insérées dans les maçonneries des abbatiales au niveau du chœur et dans les voûtes épaisses, comme en témoignent celles de l’église de la Chartreuse de Villeneuve-lèz-Avignon. L’objectif est, semble-t-il, d’amplifier et de rendre intelligibles la parole et le chant. Cette technique antique va être largement utilisée dans toute l’Europe.

  • 18 Le corpus de musique sacrée, ce qu’on appelle le chant grégorien (le chant liturgique de l’église c (...)
  • 19 L’organum est, aux ixe-xie siècles, une forme polyphonique qui est inventée et composée à partir d’ (...)

12La musique polyphonique est par essence une architecture. Musique et architecture partagent un territoire commun dans lequel l’organisation de l’espace est soumise aux règles strictes de la proportion et de la rhétorique. Remarquons que l’abbaye romane est étroitement liée au contexte du chant monodique, comme celui des tropes18. Ce type de sanctuaire accueille également dans ses volumes les premières polyphonies, tels que les organum19 mélismatiques (la mélodie se déployant en longues « guirlandes musicales ») empreints d’une grande virtuosité, à deux voix, et qui laissent une large place à l’improvisation.

  • 20 Zara, architecture…, op. cit., p. 245.
  • 21 E. Cirillo, F Martellotta, « Les églises romanes berceaux du chant grégorien », in La musique au Mo (...)
  • 22 Les ecclésiastiques étant également chanteurs de haut niveau et le plus souvent issus d’une sélecti (...)

13Au cours du xiie siècle, les besoins musicaux évoluent avec la modification de l’espace rituel de la cathédrale20. Il s’agrandit considérablement et demande des changements importants dans la manière d’appréhender le temps musical au sein d’une polyphonie qui se densifie, se fixe par l’écrit et développe des processus rhétoriques d’une grande finesse. Ce passage marque l’arrivée de la polyphonie de l’école de Notre-Dame21 avec l’organum. Dans cet « assemblage polyphonique », se déploient la troisième voix (triple) et la quatrième (quadruple). La place des chantres22 dans la cathédrale pose un problème, qu’il faut prendre en compte dans un travail d’interprétation et de restitution historiquement informé, à partir de manuscrits, mais également des sources archivistiques qui éclairent le contexte de production.

14L’évolution de l’architecture des cathédrales, des abbatiales, va sans cesse entraîner de nouveaux gestes de composition et de nouvelles formes de techniques d’écriture musicale. Le motet, par exemple, sera un terrain particulièrement usité. Il est écrit à plusieurs voix sur un ténor élaboré à partir d’un chant grégorien approprié à la circonstance de composition. Il est donc à lui seul une « somme architecturale sonore » qui joue avec l’audible et le non audible. Certains éléments musicaux n’apparaissent pas directement à l’oreille et sont plutôt induits par une lecture plus profonde, plus intellectuelle. Le compositeur crée en effet des subtilités auditives pour l’auditeur en faisant apparaître plusieurs niveaux de complexité en fonction des destinataires.

  • 23 J. Ferrando, « L’ars rhetorica musicalis… », art. cité, p. 808-811 et B. Vecchione, « Une poétique (...)

15C’est également par des techniques subtiles d’écriture musicale que le compositeur peut spatialiser des motifs musicaux qui « voyagent » ainsi d’une voix à l’autre. Par le son, le discours mis en musique se déploie dans l’acoustique singulière de l’édifice23.

  • 24 G. Gross, « Le discours musical comme stratégie de communication ou la légitimation implicite de l’ (...)
  • 25 J. Ferrando, « “Semper faveant operi”… », art. cité.

16Cette technique d’écriture prend ses racines dans les corpus polyphoniques de l’organum de Notre Dame autour de 120024. Au xive siècle, le motet deviendra donc le média par excellence pour porter la parole de Dieu au sein du monde des hommes, mais également au sein du monde du ciel25.

Fig. n° 7 : chapelle Clémentine

Fig. n° 7 : chapelle Clémentine

© Fabrice Lepeltier

Fig. n° 8 : Reconstitution de la chapelle pontificale autour de 1362 dans l’HistoPad

Fig. n° 8 : Reconstitution de la chapelle pontificale autour de 1362 dans l’HistoPad

© Histovery

  • 26 A. Tomasello, Music and Ritual at papal Avignon, 1309-1403, New-York, UMI Research Press, 1983, p. (...)
  • 27 Ibid, p. 58.

17Dans le contexte de l’Avignon au temps des papes, et plus précisément autour du pontificat de Jean XXII, Avignon et le Palais des Papes vont devenir un terrain de création musicale majeur et sans précédent pour la musique de circonstance à caractère hautement politique au service de la théocratie. Il en résulte un ensemble architectural établi à partir de 1336, sous le pontificat de Benoît XII, et qui se poursuivra notamment sous le règne de Clément VI jusqu’en 1352 et au-delà. Le Palais des Papes renferme plusieurs chapelles pour les grands offices (Magna) et chapelles privées (Secreta)26. Ainsi, après de longues années de construction complexe, la chapelle Clémentine, dédicacée à Saint-Pierre et Saint-Paul, est inaugurée à la Toussaint 1352, quelques semaines avant le décès de Clément VI27.

  • 28 G. Colombe, « Au Palais des Papes : La Chapelle Clémentine », Mémoires de l’Académie de Vaucluse, s (...)
  • 29 G. Gross, « Organum at Notre-Dame in the Twelfth and Thirteenth Centuries: Rhetoric in Words and Mu (...)

18Cette chapelle offre encore aujourd’hui, malgré le manque du décorum d’origine (tenture, tapis, mobilier et un public nombreux), une acoustique d’une grande clarté, pensée pour le chant, monodique comme polyphonique. Nous ne parlons pas d’intelligibilité totale dans toute la chapelle, seulement jusqu’aux trois premières travées, - travées qui étaient alors séparées par une barrière en maçonnerie, un cancel28. Il est important de bien comprendre qu’en général, l’espace cérémonial était séparé par un jubé, ce qui changeait complètement la conception de l’écoute pour l’assemblée située à grande distance de la source sonore29.

19Le corpus de production musicale (manuscrits de motet, mouvements de messe) qui est arrivé jusqu’à nous offre une grande singularité du fait d’une spatialisation entre plusieurs voix et d’une construction sonore élaborée, chaque partie chantant un texte différent. Les techniques d’écriture permettent soit la superposition harmonique soit le dialogue.

  • 30 La place géopolitique d’Avignon au xive siècle offre plusieurs avantages non négligeables et rares  (...)
  • 31 Plusieurs sources musicales et littéraires existent pour cette œuvre. Retenons avant tout la versio (...)

20C’est également un témoignage fort d’une pratique artistique du sonore, inscrite dans une problématique géopolitique30 : faire de la musique pour donner à entendre la parole du pape dans le monde chrétien et en retour pour l’écouter. Le motet Petre Clemens / Lugentium / Non est inventus31 offre un exemple de la place du son dans une cour pontificale. Il offre également un témoignage important sur la situation en Méditerranée en 1342 : on trouve trace par exemple de la situation de la petite Arménie, de la Syrie et de la perte progressive de la puissance militaire en Méditerranée orientale. Le motet propose donc une discursivité multiple, qui s’adresse à des groupes différenciés de destinataires. Cette « multivocité » peut être comprise comme liée à ce que le compositeur voulait : c’est-à-dire, par le sonore, rendre sensible pour l’auditoire une parole politique singulière dans une situation acoustique réfléchie et hautement symbolique.

  • 32 Plusieurs ouvrages traitent de cette vaste question de l’authenticité dont J.-J. Nattiez, « Interpr (...)

21Il est toutefois important dans ce contexte d’étude, de bien considérer la question primordiale de l’interprétation du patrimoine musical du Moyen-Âge aujourd’hui. Dès les années 1960, les travaux des interprètes et des musicologues ont permis de considérer différemment l’interprétation de la musique patrimoniale. L’idée principale était de recontextualiser une pratique disparue, d’étudier et de déchiffrer (au sens herméneutique) les sources, de comprendre, restaurer puis reconstruire des instruments de musique anciens. Cependant, cet engouement pour la musique ancienne s’est très vite orienté vers une recherche utopique d’authenticité32. C’est bien évidemment un leurre qui aujourd’hui n’est plus de mise. « L’expérimentation » serait plutôt le maître mot de notre projet IMAPI. Il rejoint ainsi la volonté de réaliser des relectures des musiques patrimoniales, avec une profonde réflexion sur le contexte acoustique nécessaire à leur interprétation. Pour ce faire, il est nécessaire de comprendre l’œuvre dans son contexte historique.

Interpréter la musique ancienne : un acte de création contemporain

22Notre questionnement sur l’interprétation des corpus médiévaux concerne plutôt le moment où les musiciens, après avoir accédé à ces recherches, re-donnent les œuvres dans un contexte contemporain. Plusieurs étapes sont nécessaires pour aborder un document musical ancien (étapes nécessaires à l’interprétation d’une musique ancienne en sortant d’un cadre simplement historique) :

    • 33 Je fais référence, ici, à l’interprétation du Bourgeois Gentilhomme, mise en scène de Benjamin Laza (...)

    une approche philologique qui implique un retour aux sources, en expurgeant le plus souvent les transcriptions sujettes déjà par elles-mêmes à la réinterprétation d’un éditeur33 ;

  • une approche herméneutique, qui implique la compréhension de l’œuvre comme un document jusqu’à l’élaboration du geste musical et des sons.

  • 34 F. Escal, Espaces sociaux, espaces musicaux, Paris, Payot, 1979, p. 31-32.
  • 35 Les enregistrements de « musique ancienne », sont fréquemment réalisés avec les Microphones DPA 400 (...)

23Toutes ces considérations préalables montrent bien que l’interprète participe à l’élaboration de l’œuvre : il devient co-auteur34. S’élabore ainsi une co-construction du sens en tant que re-création musicale, à partir de l’échange avec l’ingénieur du son et le chercheur qui se questionnent sur les problématiques des reconstitutions numériques. Les rencontres, les interactions et la recherche interdisciplinaire entre interprète, chercheur musicologue, acousticien, permettent de nouveaux redéploiements de l’œuvre. S’ouvre ici un vaste questionnement autour de la manière de capter la réalité musicale des interprètes dans un « écosystème » numérique et virtuel35. Tout ceci pourra permettre de concevoir de nouvelles manières de réaliser la captation et la publication de ces productions et de les rendre accessibles au public.

Un projet interdisciplinaire

  • 36 François Rabelais, Œuvres complètes, M. Huchon, F. Moreau (dir.), Paris, Gallimard, 1994.

24La volonté de retrouver les sons du passé constitue un désir ancré depuis fort longtemps dans l’imaginaire humain. Déjà Rabelais dans le chapitre 56 du Quart livre36 des aventures de Pantagruel, évoque les paroles gelées, figées dans la glace qui redeviennent audibles, sitôt cette fine enveloppe disparue. Cette vision romanesque, fantastique, montre toutefois l’utopie, mille fois imaginée, de pouvoir réentendre le passé grâce à une écoute sensible qui traverserait le temps. Ainsi, le rapport entre lieu de création, geste musical et acoustique fait sens depuis des millénaires dans l’histoire des pratiques.

25Avec le développement des technologies du son, de sa captation à l’écoute, s’est posée la question de la restitution d’espaces virtuels sonores et de leur impact sur le geste musical37. En outre, l’écologie sonore initiée à partir des travaux de R. M. Schafer38 dès 1977, a permis de prendre conscience de l’importance de notre « milieu ambiant », c’est-à-dire à la fois des sons qui nous entourent et de notre propre écoute du monde. La captation de la musique et la restitution de l’espace sonore sont devenues progressivement une préoccupation des artistes et des ingénieurs du son39. Alors que ce type de recontextualisation n’était - il y a peu - qu’imaginaire, le développement de projets tels que Hyper Radio40 (Radio-France), RevisMartin41 (Centre d’études supérieures de la Renaissance de Tours) ou le Projet Bretez42 (Mylène Pardoen, MSH -LSE-USR Lyon) a permis d’ouvrir le champ de la réflexion autour de la reconstitution sonore de l’objet patrimonial.

  • 43 Ce terme implique une reconstitution artificielle d’une acoustique, d’après des relevés de mesure p (...)
  • 44 M. Kleiner, B.-L. Dalenbäck, P. Svenson, « Auralization: An overview », Journal of the Audio Engine (...)
  • 45 S. Mills, Auditory archaeology : understanding sound and hearing in the past, Walnut Creek, CA, Lef (...)
  • 46 Site du logiciel (http://www.euphonia.fr/cattv90c.html consulté le 2 juin 2020).
  • 47 Site du logiciel (https://odeon.dk consulté le 2 juin 2020).

26Du point de vue des recherches en acoustique, les travaux sur l’auralisation43 de Mendel Kleiner en 199344 ont permis d’ouvrir un champ d’expérimentation autour d’un modèle acoustique virtuel, recréé en trois dimensions. La sensation de profondeur est restituée clairement pour l’auditeur, soit par un ensemble de haut-parleurs, soit par le casque. L’espace sonore virtuel devient ainsi immersif grâce à la possibilité de collecter des réponses impulsionnelles (autrement dit des modèles acoustiques) et de les adapter à des éléments historiques. On nomme aujourd’hui cette pratique archéo-acoustique45. Des logiciels tels que CATT Euphonia46, ODEON Dk47 ont ainsi offert la possibilité de créer ou de recréer artificiellement un espace.

27Par la suite, des travaux ont été menés pour analyser les différences et similitudes entre le modèle virtuel et la scène acoustique réelle in situ comme ceux de Postma et Katz (ANR ECHO-ANR RASPUTIN)48 sur l’auralisation des lieux de spectacles, mais également des lieux patrimoniaux. Différents travaux de simulation acoustique ont été réalisés notamment sur le site de la cathédrale de Notre-Dame de Paris avec le programme de modélisation GHOST49. À la suite de l’incendie de la cathédrale en avril 2019, les travaux entrepris par Brian Katz et l’expérience du projet Bretez de Mylène Pardoën permettront d’encadrer les travaux de reconstruction en faisant appel à la connaissance de l’espace sonore de l’édifice relevé avant sa destruction.

Une première expérimentation de l’acoustique : reproduire deux points d’écoutes stratégiques

  • 50 Festival Ars Musica, Palais des Papes, Avignon.

28En 2018, à la suite d’une série de concerts que j’ai menés en duo et en ensemble, j’ai pu expérimenter par la pratique l’acoustique singulière50 de la chapelle du Palais des Papes d’Avignon. Pour les deux concerts, la scène était positionnée à la deuxième travée au centre de l’édifice. Dans les deux situations, que ce soit pour les chanteurs ou pour les instruments, le confort acoustique a été immédiat. Malgré une forte réverbération, la perception du lieu a permis de construire un geste vocal et instrumental induit par l’acoustique. Les chanteurs ont adapté leur voix en fonction de la résonance qu’ils ont perçue.

29Cette première expérimentation musicale a suscité l’envie, puis le besoin, de réaliser une première expérimentation en relevant le schéma acoustique en 3D de la chapelle Clémentine et d’inclure dans cette acoustique deux enregistrements du répertoire avignonnais, interprétés par l’ensemble Diabolus In Musica. L’objectif était de saisir la différence avec l’acoustique moderne, à partir du point de diffusion des chantres (troisième travée droite) et entre deux points d’écoute précis qui représentent deux situations spatiales des auditeurs :

  • L’écoute papale ;

  • L’écoute de l’assemblée.

30Ces points d’écoute correspondent à deux situations stratégiques concernant la réception d’une œuvre musicale politique. La musique étant faite pour être un vecteur sonore.

  • 51 Réverbération artificielle qui reproduit les caractéristiques et variables acoustiques d’un lieu en (...)
  • 52 Le balcon (https://www.lieuxperdus.com/ consulté le 03 juin 2020).

31L’expérimentation a pu être menée avec le compositeur Pedro Garcia-Velazquez qui expérimente l’interaction d’acoustique par convolution51 en 3D dans ses compositions et cherche de nouveaux espaces de restitution virtuelle52. Ses propres travaux l’ont amené à constituer un catalogue de réponses impulsionnelles, mais également à recréer un espace musical en 3D virtuel, une fiction musicale avec un programme en mobilité, Lieux perdus, en 2014. Cette création intègre à la fois de la musique patrimoniale (qui permet de situer historiquement les lieux induits dans le parcours) et de la création contemporaine. Le spectateur est immergé dans un espace narratif en 3D créé en temps réel et inscrit dans une déambulation scénique précise.

32De plus, une résidence de recherche à l’Ircam sur la question de la « Caractérisation d’espaces virtuels au casque : Appel ZKM » en 2018 a permis à Pedro Garcia-Velazquez de parfaire la question de l’espace virtuel restitué en situation de concert.

33Le résultat s’est concrétisé par un site innovant : un convolueur en ligne constitué d’un catalogue de réponses impulsionnelles de différents lieux singuliers (escalier du théâtre de Chaillot, église en bois, château d’eau, etc.)53, permettant d’aider les compositeurs, les créateurs, à utiliser des espaces généralement non utilisés pour la production musicale. En intégrant un son à distance, il est possible de l’intégrer dans une acoustique virtuelle en 3D et de l’enregistrer comme tel.

34Cette expérience dans le domaine de la saisie des réponses impulsionnelles et de la restitution binaurale au casque, nous a ainsi permis de monter une collaboration qui s’est concrétisée en 2018 lors de la collecte des points d’écoute au Palais des Papes (Cour d’honneur, chapelle Clémentine). Même si à ce stade il n’était pas possible de recréer l’acoustique patrimoniale, il était important de saisir, avec l’acoustique contemporaine, les deux positionnements historiques (pape, à la deuxième travée gauche, et chantres à la troisième travée droite) et de permettre d’insérer une production musicale dans ces expérimentations.

Fig. n° 9 : Séance de captation en avril 2018 - Installation dans la grande chapelle et dans la Cour d’honneur avec Pedro Garcia-Velazquez

Fig. n° 9 : Séance de captation en avril 2018 - Installation dans la grande chapelle et dans la Cour d’honneur avec Pedro Garcia-Velazquez

© Julien Ferrando

FIG. n° 10 : Séance de captation en avril 2018 - Installation dans la grande chapelle et dans la Cour d’honneur avec Pedro Garcia-Velazquez

FIG. n° 10 : Séance de captation en avril 2018 - Installation dans la grande chapelle et dans la Cour d’honneur avec Pedro Garcia-Velazquez

© Julien Ferrando

35Rappelons que les œuvres sélectionnées lors de cette expérimentation sont des motets ou mouvements de messe qui possèdent une écriture compositionnelle subtile, qui utilise des éléments qui peuvent être perçus différemment suivant la localisation de l’écoute. Du point de vue de l’organisation de l’espace sonore, il n’existe pas de description précise de l’activité musicale dans la chapelle Clémentine.

  • 54 D. Vingtain, Le Palais des Papes, Paris, Zodiaque, 1998, p. 290.
  • 55 Tomasello, Music and Ritual…, op. cit., p. 71.
  • 56 Ibid, p. 71.
  • 57 Colombe, « Au Palais des Papes… », art. cité, p. 15-17.
  • 58 Tomasello, Music and Ritual…, p. 209 ; Colombe, « Au Palais des Papes… », art. cité, p. 3.
  • 59 Ibid, p. 15-17.

36Cependant, les traces archivistiques (notamment des archives financières, comme les Introitus et Exitus conservés aux archives du Vatican) nous donnent des éléments précieux pour reconstituer l’acoustique de ce lieu et notamment le mobilier, qui pouvait pourvoir le sanctuaire. La chapelle constituée d’une vaste nef de 52 mètres de large et de 20 mètres de haut est découpée en sept travées d’ogives. Elle est éclairée par quatre baies à meneau central au sud et par deux fenêtres à double meneau sur chacun des murs pignons54. L’espace est occupé par un large trône accueillant la chaire papale, couvert d’un dais et recouvert de tentures épaisses55. Les témoignages archivistiques nous renseignent sur l’état de l’occupation de l’espace par le mobilier (tentures sur les murs et tapis au sol par exemple), mais également sur la place des chantres musiciens (situation par rapport au pape, groupe des chantres placé parmi le clergé dans la troisième travée, à droite de l’autel sur un espace surélevé par une estrade, etc.)56. D’après les travaux de Gabriel Colombe57 et Andrew Tomasello, il apparaît que la chapelle possède un Parcus cantorum58, c’est-à-dire un espace dédié aux chantres. De plus, les archives attestent que le chœur des chantres était probablement positionné sur un podium légèrement au-dessus des stalles des cardinaux59.

Vers le futur

37Notre étude s’inscrira dans le contexte acoustique de la chapelle pontificale du Palais des Papes (également nommée chapelle clémentine) et des répertoires polyphoniques, ainsi que dans celui des répertoires grégoriens et des psalmodies interprétés dans la chapelle privée Saint-Martial. Pour rendre active cette situation musicologique, IMAPI utilisera les nouveaux dispositifs technologiques et numériques qui aident à comprendre l’œuvre dans son contexte originel de création.

  • 60 Diabolus in Musica (http://diabolusinmusica.fr consulté le 2 juillet 2020).
  • 61 L’ensemble a enregistré un premier CD Missa Magna en 1999, sur une messe polyphonique au temps de C (...)
  • 62 CD Mille Bonjour, chanson de Guillaume Dufay, Ensemble Diabolus in Musica, Julien Ferrando, CD Alph (...)

38Notre questionnement concerne également le moment de l’interprétation contemporaine in situ. C’est l’ensemble Diabolus in Musica60 dirigé par Antoine Guerber, qui a été choisi pour conduire cette étape. Il constitue l’un des plus importants ensembles actuels de musique médiévale et a, par ailleurs, une longue expérience du répertoire et du lieu61. Cet ensemble travaille également avec des instruments de musique reconstitués à partir de travaux organologiques, comme les vièles à archet, le clavicytherium (clavecin à cordes verticales)62. L’expérience de l’immersion est donc primordiale afin de recréer ces espaces oubliés. Cette confrontation ouvre également le champ des musiques anciennes aux nouvelles technologies.

  • 63 P. Criton, « Mobilité et hétérotopies », Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société : Musiqu (...)

39Enfin, l’expérience des musiciens mêlés aux différentes étapes du projet permettra de créer des propositions d’interprétation encore inédites. Dans cet environnement expérimental spécifique, les interprètes produiront en effet un travail de restitution d’œuvres médiévales en lien avec le corpus interprété dans la chapelle Saint-Martial, la chapelle papale d’Avignon, autour de 1362. Il sera alors possible de vérifier si la prégnance du lieu représente, comme l’évoque Pascale Criton, « un théâtre de sensations, un ensemble de conditions qui assurent le renouvellement d’une expérience du temps et la localise63 ».

40IMAPI devrait ainsi permettre aux interprètes de vivre une nouvelle expérience du sonore par la recréation numérique d’une acoustique, prenant en compte le mobilier et la disposition originelle de l’espace de la chapelle. Il permettra également de poser la question inédite de la restitution d’une écoute patrimoniale. Cela conduira à induire de nouveaux modes de diffusion qui pourraient déboucher sur de futurs concerts de musique médiévale insérés dans une acoustique patrimoniale en immersion 3D. Ainsi, ce dispositif ouvrira sans doute de nouvelles pistes pour percevoir la musique patrimoniale grâce au son immersif notamment, suscitant une implication forte de l’auditeur. Le fait de percevoir en relief donne en effet une localisation précise des sons et une perception réaliste par rapport à la situation de notre corps dans l’espace.

Méthodologie et mise en œuvre du projet64

  • 64 Ce projet bénéficiera de la collaboration avec le projet EVAA (Experimental Virtual Archaeological- (...)
  • 65 L’acoustique médiévale inclut dans un premier temps le mobilier reconstitué d’après les textes arch (...)

41Pour réaliser ce projet, plusieurs expériences seront conduites in situ dans le palais et en laboratoire, au sein de la plateforme d’immersion PRISM (CNRS Aiguier, Marseille). En premier lieu, une expérience d’immersion dans la chapelle aura pour objectif de sensibiliser les chanteurs de l’ensemble à la singularité de l’acoustique moderne de la chapelle et d’effectuer des enregistrements en 3D dans les différents points d’écoute historiques de la chapelle : le lieu de la chaire papale, au milieu du chœur des chantres et au milieu de l’assemblée (premier rang autour de la quatrième travée). L’ensemble Diabolus in Musica interprétera un corpus d’œuvres, composées dans le giron des papes Clément VI et Innocent VI, ce qui servira de jalon pour les expériences en confrontation avec l’espace numérique en laboratoire proposant une acoustique médiévale virtuelle65.

42En second lieu, l’expérience sera transférée dans la chapelle Saint-Martial avec le même dispositif technique, mais avec cette fois un autre corpus de référence et un espace sonore totalement différent. Afin de relever les caractéristiques acoustiques et l’écoute sensible des musiciens, un corpus de référence grégorienne sera choisi et interprété dans cet espace singulier qui accueillait à l’origine les offices privés du pontife. La reconstitution permettra ici de créer des champs d’expérimentation concrets et cohérents concernant le rituel liturgique papal du xive siècle.

43Enfin l’expérience se transportera au sein du laboratoire PRISM pour procéder à une immersion dans l’espace numérique reconstituant l’acoustique des espaces sélectionnés du Palais des Papes, tels qu’ils pouvaient sonner au xive siècle. C’est par le procédé d’auralisation déjà évoqué, que l’expérience principale sera menée. Elle consiste à immerger les musiciens cette fois-ci dans l’artefact numérique en temps réel. Chaque chanteur portera un casque et entendra sa propre voix dans le contexte de la réverbération médiévale reconstituée. Il s’agira également de mettre en œuvre un dispositif constitué de micros connectés à une interface numérique, afin de récupérer les sons émis par les musiciens. Le modèle géométrique acoustique, réalisé en amont par les acousticiens, permettra de prendre en compte toute la subtilité de l’évolution des sons dans un espace reconstitué.

44Le laboratoire PRISM nous autorise à utiliser différents équipements de pointe et notamment des chambres anéchoïques, à savoir des chambres « sourdes » qui, par le traitement de leurs parois, empêchent toute réflexion du son et ne présentent donc aucune résonance66.

Pratiques comparées dans le Palais des Papes d’Avignon et en laboratoire

45Trois lieux majeurs ont été sélectionnés pour notre étude :

  1. la chapelle clémentine pour les répertoires polyphoniques ;

  2. les chapelles Saint-Martial et Saint-Jean, pour la monodie et les messes privées ;

  3. le dispositif virtuel (PRISM, Marseille).

  • 67 Kyrie Rex Angelorum /Clemens Pater, Manuscrit 16bis d’Apt, fol 1v-2 ; Et in terra pax /Clemens deus (...)

46Le protocole consistera à confronter l’ensemble Diabolus qui interprétera les œuvres politiques créées pour être données au Palais des Papes (tel que le motet politique Petre Clemens / Luggentium siccentur / Non est inventus, ainsi que les mouvements de messes polyphoniques dédiés à Clément VI67) dans les conditions acoustiques actuelles de la grande Chapelle et des petites chapelles, puis à l’immerger in situ dans l’espace patrimonial et historique virtuel reconstitué en laboratoire, avec les changements inhérents au mobilier (tentures, nattes, tapis). Plus précisément, l’expérimentation consistera à étudier, en filmant et en enregistrant, l’évolution du geste musical des chanteurs (entre quatre et six musiciens, ce qui permettra d’avoir tout l’ambitus du corpus sélectionné), d’abord indépendamment puis dans le groupe, entre les différentes situations d’interprétation. L’image permettra de saisir le positionnement des chanteurs et de pouvoir étudier son évolution ; de mieux comprendre la réalité musicienne confrontée au modèle virtuel, en ouvrant la question de l’expérimentation autour du document patrimonial et de l’espace qui façonne le geste musical ; mais également d’ouvrir des perspectives de recherche dans le domaine de la reconstitution virtuelle immersive, permettant d’explorer de nouvelles voies dans la restitution des œuvres patrimoniales. L’image virtuelle, pour l’archéologie comme pour le son et la pratique musicale, constituent de nouvelles façons de mettre en scène l’espace, ouvrant de nouvelles perspectives scientifiques entre théorie et pratique. L’immersion permet de dépasser les cadres habituels de production et d’instituer des situations nouvelles de re-création et de diffusion du patrimoine, bien au-delà de la question aujourd’hui révolue de l’authenticité.

47Plusieurs questions seront ainsi posées. Elles ne seront pas exhaustives et constituent la base de la réflexion scientifique du projet.

  • Quelle est l’évolution de la relation entre les membres de Diabolus in Musica et les conditions acoustiques de la chapelle et du modèle numérique reconstituant l’acoustique patrimoniale ? Nous souhaitons ici comprendre comment l’impact de la résonance du lieu modifie la manière de construire le son, mais également l’interprétation.

  • Quelles sont les conditions de placement de la voix, d’articulation, de coordination entre les chanteurs ? Quels sont les comportements face à une réverbération nouvelle ? Quelles seront les réactions des musiciens face aux dispositifs techniques (casques / microphones et acoustique numérique) ?

  • Comment concevoir musicologiquement la valeur de la reconstitution historique à partir des avancées technologiques ? Comment concevoir la question de la recréation et de l’authenticité dans le champ des musiques médiévales ? L’aspect de l’acoustique dans la restitution de la musique ancienne n’a pas vraiment été pris en compte, notamment dans la reconstruction d’un geste interprétatif.

48Ces points témoignent de la nécessité d’œuvrer dans une perspective interdisciplinaire, qui permet aux chercheurs et aux acteurs du patrimoine comme du spectacle vivant (musicologie, histoire, muséologie, ainsi qu’acousticiens et archivistes) de dialoguer et de construire un territoire commun d’expérimentation68. Par l’exploration virtuelle IMAPI pourra donc ouvrir des perspectives de recherche autour d’un patrimoine musical contextualisé dans sa dimension sensorielle.

Conclusion

49Le projet IMAPI se veut une invitation à comprendre différemment les pratiques musicales médiévales par une interdisciplinarité affirmée, dans le cadre d’une multimodalité impliquant le geste musical in situ (dans l’édifice) et ex-situ (dans le modèle recréé en laboratoire). Cette approche de reconstitution doit être pensée avec le recul qui est nécessaire à toute réappropriation du passé. Comme nous l’avons évoqué, bien au-delà d’une quelconque recherche d’authenticité, le projet IMAPI est conçu comme un moyen de redéployer des éléments d’une pratique musicale afin de renouveler la perception qui en découle.

50La reconstitution numérique permettra ainsi de poser un certain nombre de questions nouvelles pour le musicien et l’auditeur, à partir de documents d’archives réunis pour la première fois (partitions et sources sur le placement des chanteurs et des auditeurs dans l’espace, évocation du mobilier aujourd’hui disparu). La question acoustique s’avère donc cruciale et permettra d’appréhender ce qui se construit avant le son (la respiration, les gestes, l’attaque) et après le son (extinction du son et réception de la résonance). Ces divers éléments permettront de comprendre l’impact que pouvait avoir une acoustique bien différente de celle d’aujourd’hui, sur les manières de construire les sons et l’expérience de l’écoute d’une production patrimoniale.

  • 69 L’hétérotopie sonore implique tout d’abord que des espaces peuvent en abriter d’autres. Elle se déf (...)
  • 70 M. Foucault, « Des espaces autres », in Dits et écrits, t. IV, Des espaces autres, Paris, Gallimard (...)
  • 71 Ars Musica est un futur parcours de visite du Palais des Papes, consacré à la musique au temps des (...)

51Dans ce contexte, il est toutefois important d’avoir conscience que les modèles obtenus agiront à la fois comme des moyens de redéployer les éléments sensibles et tangibles d’une acoustique du xive siècle, mais également comme autant de « hétérotopies sonores69 » : des lieux réels qui évoquent d’autres lieux imaginaires, utopiques, inspirés par les théories du philosophe Michel Foucault et de la compositrice Pascale Criton70. IMAPI impliquera donc l’expérimentation cognitive des lieux in situ et ex-situ et les gestes artistiques qui en découlent. À la suite de ces expériences multiples, les éléments sonores enregistrés avec les acoustiques reconstituées en trois dimensions seront intégrés au sein du parcours de visite consacré à la musique du Palais des Papes : Ars Musica71. Il s’agira de rendre accessible au plus grand nombre une nouvelle approche sensible des productions musicales en lien avec le monument. Le fait d’être impliqué dans une reconstitution in situ, avec un casque, dans une écoute solitaire, permet au visiteur de profiter d’une écoute active. Nous espérons, avec IMAPI que le dispositif immersif permettra à l’auditeur, tout comme à l’interprète, d’appréhender le nouveau territoire sensoriel des musiques médiévales.

Bibliografia

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CD

Ensemble Diabolus in Musica, Missa Magna, Paris, Studio SM, 1999.

Ensemble Diabolus in Musica, Mille Bonjours, chansons de Guillaume Dufay, Alpha 115, 2007.

Note

1 IMAPI est l’acronyme d’Immersion Musicale en Acoustique Patrimoniale Immersive. Cet article a été pensé et réalisé à la suite de nombreux échanges avec Christine Esclapez (Professeure des Universités, membre de PRISM -AMU / CNRS). Je la remercie avec toute mon amitié.

2 Les extraits sonores issus de l’expérience évoquée dans l’article, sont interprétés par l’ensemble Diabolus in Musica. Les enregistrements ont été introduits dans une acoustique spatialisée en 3D et sont à écouter avec un casque. Ils sont disponibles à l'adresse suivante : https://eua.hypotheses.org/3885

3 Maître de conférences en musique ancienne et nouvelles technologies à Aix-Marseille Université.

4 Appel à projet IMAPI remporté en 2020 à la Maison Méditerranéenne des Sciences Humaines d’Aix-en-Provence.

5 J. Ferrando, « Music, Architecture and Symbolism in the court of Clement VI: Another interpretation of the pontifical Policy in Avignon », in Choir Stalls, F.V. Sebastián, M. D. Teijeira Pablos, W. Muller, F. Billiet (dir.), Cambridge, Cambridge Scholars Publishing 2015 ; J. Ferrando, « “Semper favenant operi”, Le motet petre clemens / lugentium siccentur / non est inventus : une production musicale au service de la légitimité pontificale », Roda da Fortuna, Eletronic Journal about Antiquity and Middle Ages, 2 (https://www.revistarodadafortuna.com/2014-2 consulté le 2 juillet 2020) ; J. Ferrando, « L’Ars rhetorica musicalis en Avignon au temps des papes : L’exemple du motet Petre Clemens », Proceedings from ICMS 7, 2001, E. Tarasti (dir.), Helsinki, Semiotica Fennica, 33, 2002, p. 803-811.

6 J. Ferrando, « Solus Deus creat nullum corpus potest creare. La Chapelle Saint-Pierre Saint-Paul du Palais des Papes. Une projection architecturale du motet Petre Clemens ? », in Ontologie de la création en musique, des lieux en musique, vol. 3, C. Esclapez (dir.), Paris, L’Harmattan, 2015.

7 Depuis 2016, des concerts de musique de l’époque pontificale sont organisés dans la grande chapelle et le Tinel (Festival de musique baroque en Avignon).

8 Ce que l’on pourrait également nommer l’Auralité, la perception sensible des musiciens de cette époque ou, pour le dire autrement, la fonction cognitive mise en jeu lors de l’écoute et qui induit des critères sensibles dans un espace de diffusion.

9 Chanter dans la chapelle des papes au xive siècle. Coopération entre le LAM (Paris), PRISM (Marseille) et le Palais des Papes d’Avignon.

10 Pour plus de détails consulter C. Esclapez, « L’expérience musicologique comme rencontre », in Sémiotique et vécu musical : Du sens à l’expérience, de l’expérience au sens, C. Mader, M. Reybrouck (dir.), Louvain, Leuven University Press, 2016, p. 52-53.

11 J.-M. Fritz, Paysages sonores du Moyen Âge. Le versant épistémologique, Paris, Honoré Champion, 2000, p. 19-55 ; H. Laurent, Les paysages sonores, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 9.

12 A. M. Busse-Berger, « The art of Memory », Berkeley, University of California Press, 2005, p. 45.

13 E. S. Mainoldi, Ars Musica, la concezione della musica del medioevo, Milan, Rugginenti, 2001, p. 221.

14 V. Zara, « Musique et Architecture : théories, composition, théologie (xiiie-xviie siècles) », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre, 11, 2007, p. 7-8 (http://cem.revues.org/1178 consulté le 06 décembre 2019).

15 B. Postma, B. Katz, « Acoustics of Notre-Dame Cathedral de Paris », in International Congress on Acoustics (ICA), Bueenos Aires, p. 1-10 (http://www.ica2016.org.ar/ica2016proceedings/ica2016/ICA2016-0269.pdf consulté le 20 juin 2020) ; D. Quinot, B. Postma, B. Katz, « Augmented auralization: Complimenting auralizations with immersive virtual reality technologies », in International Symposium on Music and Room Acoustics (ISMRA), 2016, p. 14 (http://ica2016.org.ar/ismra2016proceedings/ismra2016/ISMRA2016-14 consulté le 18 juin 2020) ; S. Bolzinger, Contribution à l’étude de la rétroaction dans la pratique musicale par l’analyse de l’influence des variations d’acoustique de la salle sur le jeu du pianiste, Thèse de doctorat (dir. J.C. Risset), Université de la Méditerranée Aix-Marseille II, 1995 ; K. Kato, K. Ueno, K. Kawai, « Effect of room acoustics on musician performance », in Audio Analysis of the Variations in Performed Sound, Acta Acustica, 101, 2015, p. 743-759 ; M. Pères, Les voix du plain-chant, Paris, Desclée De Brouwer, 2011, p. 54.

16 V. Zara, « Architecture et Musique : ressemblances entre procédés de composition et architecture », in La musique au Moyen-Âge, V. Minazzi (dir.), Paris, CNRS, 2011, p. 244-245.

17 B. Palazzo-Bertholon, « La spatialisation des pots acoustiques dans l’espace liturgique et la matérialisation du son », in Les cinq sens au Moyen Âge, E. Palazzo (dir.), Paris, Cerf, 2016, p. 407-428.

18 Le corpus de musique sacrée, ce qu’on appelle le chant grégorien (le chant liturgique de l’église catholique) est considéré comme sacré et intouchable. Dès le ixe siècle, les musiciens et praticiens ont contourné ces interdictions pour créer un répertoire nouveau avec des « gloses musicales ». Ce sont des parties musicales totalement créées à partir du corpus grégorien, en reprenant à la fois les techniques d’écriture, mais en inventant également de nouvelles mélodies. C’est le début d’une création musicale indépendante : le répertoire des tropes en est un exemple. Il s’est développé en Aquitaine autour d’une abbaye majeure pour la musique liturgique : L’abbaye Saint-Martial de Limoges.

19 L’organum est, aux ixe-xie siècles, une forme polyphonique qui est inventée et composée à partir d’un chant grégorien. La voix nouvelle se nomme voix organale, la voix d’origine se nomme voix principale. Les deux parties sont conçues autour d’intervalles à la quinte, à la quarte, à l’octave et à l’unisson. Elles évoluent par mouvement parallèle, contraire ou les deux.

20 Zara, architecture…, op. cit., p. 245.

21 E. Cirillo, F Martellotta, « Les églises romanes berceaux du chant grégorien », in La musique au Moyen-Âge, op. cit., p. 91.

22 Les ecclésiastiques étant également chanteurs de haut niveau et le plus souvent issus d’une sélection drastique.

23 J. Ferrando, « L’ars rhetorica musicalis… », art. cité, p. 808-811 et B. Vecchione, « Une poétique du motet médiéval : textes hypotextes et niveaux de discours dans l’Ave Regina Celorum de Marchetto da Padova », in L’Ars Nova Italiana del Trecento, M. Gozzi, A. Ziino, F. Zimei (dir.), VIII, Lucca, LIM, 2014, p. 69-71.

24 G. Gross, « Le discours musical comme stratégie de communication ou la légitimation implicite de l’autorité épiscopale », Revue historique, 659, 2011, p. 487-510 (https://www.cairn.info/revue-historique-2011-3-page-487.htm/ consulté le 5 mai 2020).

25 J. Ferrando, « “Semper faveant operi”… », art. cité.

26 A. Tomasello, Music and Ritual at papal Avignon, 1309-1403, New-York, UMI Research Press, 1983, p. 287.

27 Ibid, p. 58.

28 G. Colombe, « Au Palais des Papes : La Chapelle Clémentine », Mémoires de l’Académie de Vaucluse, seconde Série, 35, 1935, p. 79-95.

29 G. Gross, « Organum at Notre-Dame in the Twelfth and Thirteenth Centuries: Rhetoric in Words and Music », Plainsong and Medieval Music, 15/2, 2006, p. 87-108 ; O. Cullin, Laborintus, Paris, Fayard, 2004, p. 113-131.

30 La place géopolitique d’Avignon au xive siècle offre plusieurs avantages non négligeables et rares : l’axe rhodanien fait partie de ces couloirs de circulation qui mettent en relation commodément l’Europe septentrionale et l’Europe méditerranéenne et qui permettent de franchir à l’Ouest l’isthme européen.

31 Plusieurs sources musicales et littéraires existent pour cette œuvre. Retenons avant tout la version tardive à trois voix du Codex d’Ivrea (Ivrea, Biblioteca Capitolare, J.IV.115). Une version littéraire particulièrement complète existe également dans le livre de sermons de Pierre Roger / Clément VI conservé à la bibliothèque de Vienne. Seuls des doublons des textes sont connus à ce jour. Le Manuscrit de Vienne, par exemple (Wien, ÖNB 4195, conservé à l’Österreichische Nationalbibliothek sous la cote A-Wn, Ms 4195, f.157), ne comporte que le texte complet du motet, sans la musique. Soulignons que l’existence du manuscrit est attestée dans l’index du manuscrit de la Trémoïlle (B.N.F, fonds nouv. acq. franç. 23190, olim Château de Serrant, ducs de la Trémoïlle), qui ne se présente aujourd’hui que sous la forme d’un seul bifolio et dont la totalité des musiques a disparu. Enfin une version avec solus tenor existe en version fragmentaire dans un bi-folio d’Aix-la-Chapelle (Aachen, Beis E 14, fol. (2)r).

32 Plusieurs ouvrages traitent de cette vaste question de l’authenticité dont J.-J. Nattiez, « Interprétation et authenticité », Musiques. Une encyclopédie pour le xixe siècle, J.-J. Nattiez (dir.), Arles, Actes Sud/Cité de la Musique, 2004, p. 1132 ; S. Détournay, « Les Baroqueux et la question de l’interprétation musicale », Revue Déméter, décembre 2002, Université de Lille 3 (www.univ-lille3.fr/revues/demeter/interpretation/detournay.pdf consulté le 30 avril 2020) ; N. Harnoncourt, Le Discours musical. Pour une nouvelle conception de la musique, Paris, Gallimard, 1984, p. 14-16.

33 Je fais référence, ici, à l’interprétation du Bourgeois Gentilhomme, mise en scène de Benjamin Lazar et interprétée par le Poème Harmonique, avec reconstitution de la diction par Eugène Green. Il s’agit d’un Reenactement, qui amène à réaliser la pièce dans son intégralité, avec la musique de scène généralement écartée ainsi que l’éclairage « d’époque ». Les artistes retiennent qu’il a fallu beaucoup d’énergie, une grande concentration, pour jouer avec les ombres et la lumière. Cette tentative a, d’après le metteur en scène Benjamin Lazar, ouvert une voie pour « faire autrement » qu’à l’accoutumée et notamment face à la voie de la Comédie Française (http://fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes00285/le-bourgeois-gentilhomme-mis-en-scene-par-benjamin-lazar-au-theatre-l-apostrophe-de-pontoise.html consulté le 15 mai 2020).

34 F. Escal, Espaces sociaux, espaces musicaux, Paris, Payot, 1979, p. 31-32.

35 Les enregistrements de « musique ancienne », sont fréquemment réalisés avec les Microphones DPA 4006 omnidirectionnels (https://www.dpamicrophones.com/pencil/4006-omnidirectional-microphone/ consulté le 03 juin 2020). Ils servent soit de couple principal en position A-B soit de base stéréophonique en couple ORTF. Ces micros ont, pour ainsi dire, participé à la co-construction d’une esthétique de la musique ancienne.

36 François Rabelais, Œuvres complètes, M. Huchon, F. Moreau (dir.), Paris, Gallimard, 1994.

37 P. Katz, « Acoustics of Notre-Dame… », art. cité, p. 1-10.

38 R. M. Schafer, Le paysage sonore, Paris, Wildproject édition, 2010, p. 69.

39 F. Delalande, Le son des musiques, Entre technologie et esthétique, Paris, Buchet / Chastel, 2001, p. 116.

40 Projet Hyper Radio (http://hyperradio.radiofrance.fr/son-3d/ consulté le 19 février 2020).

41 Projet RevisMartin (https://intelligencedespatrimoines.fr/revismartin-2/ consulté le 22 mai 2020).

42 Site Bretez (https://sites.google.com/site/louisbretez/home/ consulté le 20 mai 2020).

43 Ce terme implique une reconstitution artificielle d’une acoustique, d’après des relevés de mesure par des réponses impulsionnelles.

44 M. Kleiner, B.-L. Dalenbäck, P. Svenson, « Auralization: An overview », Journal of the Audio Engineering society, 41, 1993, p. 861-875.

45 S. Mills, Auditory archaeology : understanding sound and hearing in the past, Walnut Creek, CA, Left Coast Press, 2014 (https://theconversation.com/comment-les-acousticiens-peuvent-reconstruire-le-son-de-notre-dame-117279/ consulté le 02 juin 2020) ; M. Díaz-Andreu, T. Mattioli, « Art, music and acoustics: a world overview », in The Oxford Handbook of the Archaeology and Anthropology of Rock Art, B. David, I. J. McNiven (dir.), Oxford, Oxford University Press, 2019, p. 503-528.

46 Site du logiciel (http://www.euphonia.fr/cattv90c.html consulté le 2 juin 2020).

47 Site du logiciel (https://odeon.dk consulté le 2 juin 2020).

48 Projet ANR (https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE38-0004 consulté le 2 juin 2020).

49 Sur le projet Ghost (http://www.lam.jussieu.fr/Projets/index.php?page=GhostOrchestra/ consulté le 02 juin 2020.

50 Festival Ars Musica, Palais des Papes, Avignon.

51 Réverbération artificielle qui reproduit les caractéristiques et variables acoustiques d’un lieu en utilisant des échantillons de relevés par réponses impulsionnelles.

52 Le balcon (https://www.lieuxperdus.com/ consulté le 03 juin 2020).

53 Lieux Perdus (https://www.lieuxperdus.com/convolueur/ consulté le 03 juin 2020).

54 D. Vingtain, Le Palais des Papes, Paris, Zodiaque, 1998, p. 290.

55 Tomasello, Music and Ritual…, op. cit., p. 71.

56 Ibid, p. 71.

57 Colombe, « Au Palais des Papes… », art. cité, p. 15-17.

58 Tomasello, Music and Ritual…, p. 209 ; Colombe, « Au Palais des Papes… », art. cité, p. 3.

59 Ibid, p. 15-17.

60 Diabolus in Musica (http://diabolusinmusica.fr consulté le 2 juillet 2020).

61 L’ensemble a enregistré un premier CD Missa Magna en 1999, sur une messe polyphonique au temps de Clément VI (Studio SM – D2819) et réalisé deux concerts en 1999 et en 2016 dans la chapelle. Enfin, l’ensemble Diabolus in Musica a développé un nouveau programme autour d’Avignon avec Cantores, Motets et Messes au temps des papes d’Avignon (http://diabolusinmusica.fr/programmes/cantores consulté le 25 juin 2020).

62 CD Mille Bonjour, chanson de Guillaume Dufay, Ensemble Diabolus in Musica, Julien Ferrando, CD Alpha 115, 2007.

63 P. Criton, « Mobilité et hétérotopies », Filigrane. Musique, esthétique, sciences, société : Musique et lieu, juin 2011 (https://revues.mshparisnord.fr:443/filigrane/index.php?id=307/ consulté le 01 décembre 2019).

64 Ce projet bénéficiera de la collaboration avec le projet EVAA (Experimental Virtual Archaeological-Acoustics) et le projet « Chanter dans la chapelle des papes d’Avignon », qui sera réalisé par des relevés menés autour de la fin de l’année 2020 début 2021 (la crise du Covid-19 ayant bouleversé le calendrier des projets scientifiques) pour reconstituer une modélisation acoustique des chapelles du Palais des Papes.

65 L’acoustique médiévale inclut dans un premier temps le mobilier reconstitué d’après les textes archivistiques (tenture, tapis, stalles, situation des chantres sur une estrade).

66 PRISM (https://www.prism.cnrs.fr/le-laboratoire/equipements-et-plateformes/ consulté le 6 juillet 2020).

67 Kyrie Rex Angelorum /Clemens Pater, Manuscrit 16bis d’Apt, fol 1v-2 ; Et in terra pax /Clemens deus artifex, Codex d’Ivrea I-IV ms 115, fol 27v-28.

68 Pour plus d’informations https://www.msh-lse.fr/projets/nomadhiss/ consulté le 06 juin 2020.

69 L’hétérotopie sonore implique tout d’abord que des espaces peuvent en abriter d’autres. Elle se définit ici comme un moyen de déployer des espaces sonores imaginaires, « utopiques », par des reproductions numériques à partir de lieux réels. Ces modèles artificiels permettent de déployer l’imaginaire, une fiction spatiale et qui plonge l’auditeur dans une multiplicité d’espaces réels et reconstitués.

70 M. Foucault, « Des espaces autres », in Dits et écrits, t. IV, Des espaces autres, Paris, Gallimard, 1994, p. 752-762 ; Criton, « Mobilité et hétérotopies », art. cité, p. 1-2.

71 Ars Musica est un futur parcours de visite du Palais des Papes, consacré à la musique au temps des papes. Une première présentation a été réalisée au cours du festival Musique au temps des papes en 2016. Une version V. 1, d’Ars Musica sera inaugurée en 2021 (https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/la-musique-au-temps-des-papes-avignon-bientot-des-visites-guidees-musicales-au-palais-des-papes-1479145180 consulté le 5 juillet 2020).

Indice delle illustrazioni

Titolo Fig. n° 7 : chapelle Clémentine
Credits © Fabrice Lepeltier
URL http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4520/img-1.jpg
File image/jpeg, 268k
Titolo Fig. n° 8 : Reconstitution de la chapelle pontificale autour de 1362 dans l’HistoPad
Credits © Histovery
URL http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4520/img-2.jpg
File image/jpeg, 150k
Titolo Fig. n° 9 : Séance de captation en avril 2018 - Installation dans la grande chapelle et dans la Cour d’honneur avec Pedro Garcia-Velazquez
Credits © Julien Ferrando
URL http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4520/img-3.jpg
File image/jpeg, 89k
Titolo FIG. n° 10 : Séance de captation en avril 2018 - Installation dans la grande chapelle et dans la Cour d’honneur avec Pedro Garcia-Velazquez
Credits © Julien Ferrando
URL http://books.openedition.org/eua/docannexe/image/4520/img-4.jpg
File image/jpeg, 162k

Autore

Julien Ferrando est maître de conférences en musiques anciennes et nouvelles technologies et responsable du secteur musique et sciences de la musique de l’Université d’Aix- Marseille, membre de laboratoire PRISM (AMU/CNRS). Il est également artiste musicien membre de l’ensemble Diabolus in Musica et directeur artistique de l’ensemble de musique ancienne Mescolanza. Il collabore régulièrement avec l’ensemble De Caelis sur des programmes de musiques médiévales et contemporaines. Il est conseiller artistique en musique médiévale au Festival de musique ancienne d’Avignon et du Palais des Papes d’Avignon.

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