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Les sources du funéraire en France à l'époque contemporaine

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Bruno Bertherat

Introduction générale

Bruno Bertherat

Texte intégral

  • 1 Remerciements à Régis Bertrand, Anne Carol, Christian Chevandier, Catherine Dentone, Guénola Groud (...)
  • 2 L’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse et l’Université du Havre ; le groupe des historiens (...)
  • 3 B. Bertherat et C. Chevandier, Paris dernier voyage. Histoire des pompes funèbres (XIXe-XXe siècles (...)
  • 4 R. Bertrand, « L’histoire de la mort, de l’histoire des mentalités à l’histoire religieuse », Revue (...)
  • 5 P. Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977, p. 551-595. Voir aussi G. Gorer, Ni pleurs ni (...)

1Ce livre trouve son origine dans deux journées d’étude1 que nous avons consacrées avec Christian Chevandier aux sources du funéraire les 10 et 11 septembre 2013 à l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse avec le soutien de nos universités et laboratoires respectifs2 : son titre est celui des deux journées. L’idée nous était venue après un travail en commun sur les Pompes funèbres de Paris, à l’époque où celles-ci étaient situées au 104 de la rue d’Aubervilliers, paru en 20083. Ce cheminement intellectuel s’inscrit lui-même dans une histoire de la mort à l’époque contemporaine largement balisée depuis une quarantaine d’années par des pionniers, parmi lesquels se détachent Philippe Ariès, Michel Vovelle, puis Régis Bertrand et Madeleine Lassère, qui avaient fait le choix d’une longue durée englobant l’époque contemporaine, que l’on fait commencer habituellement au début du XIXe siècle, après la Révolution. Depuis, les recherches se sont multipliées dans de nombreux domaines, qu’il s’agisse des systèmes funéraires, de la médecine, de la violence, du corps, de l’histoire religieuse, de l’histoire sociale et politique ou encore de l’histoire de l’art. Régis Bertrand parlait voici déjà quelques années d’une « histoire éclatée »4. Par ailleurs, les autres champs des sciences humaines et sociales ont fourni des études de référence qui ont contribué à nourrir la réflexion des historiens, de même que le droit et la psychologie, voire la psychanalyse ou la psychiatrie. Cette floraison oscille parfois entre polyphonie et cacophonie, en particulier lorsqu’elle alimente les débats concernant le tabou autour de la mort ou le déni de la mort, évoqué dans la dernière partie du grand livre de Philippe Ariès, L’Homme devant la mort, « La mort inversée »5. L’objet de ce livre est moins de prendre position dans ces débats que de revenir sur la matière qui les constitue.

  • 6 E. Bellanger, La Mort, une affaire publique. Histoire du syndicat intercommunal funéraire de la rég (...)
  • 7 J.-H. Déchaux, Le Souvenir des morts. Essai sur le lien de iliation, Paris, PUF, 1997.
  • 8 Ainsi, l’exhumation et le placement des restes humains dans un ossuaire sont une pratique courante (...)
  • 9 Ce qui correspond à l’étymologie de « nécropole ». « Ville des sépulcres », écrit Victor Hugo (Les (...)
  • 10 A. Delpuech et J.-P. Jacob éd., Archéologie de l’esclavage colonial, Paris, La Découverte, Inrap, 2 (...)
  • 11 Le traitement funéraire est nié par les auteurs des massacres et des génocides : il peut y avoir un (...)
  • 12 On pense par exemple aux (ré)inhumations de soldats de la Grande Guerre dont les dépouilles ont été (...)
  • 13 J. Michelet, Histoire de France, Paris, L. Hachette, 1833-1841, t. 2, « Éclaircissement », p. 701-7 (...)

2Il nous a semblé en effet opportun de revenir aux sources, celles qui nourrissent les travaux des chercheurs. Elles sont au cœur de l’histoire de la mort, puisqu’elles renvoient aux discours et aux pratiques liés aux funérailles et au deuil. C’est toute une culture qui apparaît alors, avec son vaste territoire. Le temps de la gestion des morts n’est pas seulement limité au cercle de la famille, car la mort est une « affaire publique » et elle est aussi un « marché »6. Il y a aussi le « souvenir des morts »7, qui se prolonge bien après les funérailles. Il y a enfin le devenir des corps sur la longue durée, au gré de leurs déplacements dans et hors du cimetière en particulier8. Le temps du funéraire est donc un temps distendu, voire pluriel, et qui implique des acteurs multiples, des collectivités aux individus. Enfin, les temps eux-mêmes changent et les pratiques aussi, apportant de nouvelles sources qui s’ajoutent aux précédentes : archives, celles des entreprises notamment, sources imprimées ou orales, normatives ou artistiques, iconographiques, voire audiovisuelles, sources numériques, sources matérielles, des objets, tels les vêtements de deuil, les corbillards, aux espaces de la mort que sont principalement les cimetières dont le paysage a beaucoup changé en deux siècles, avec l’essor des nécropoles militaires, l’apparition plus récente des carrés musulmans et autres jardins du souvenir, et aussi les monuments aux morts recouvrant de leur noir manteau les communes de France. Le funéraire est une porte d’entrée dans le monde des vivants et permet d’en comprendre le fonctionnement, quelles que soient les époques. Les cimetières sont souvent comparés à une ville9. Ils apportent de précieux renseignements quand les sources traditionnelles viennent à manquer. Ainsi les cimetières d’esclaves des Antilles, de la Guyane et de la Réunion, fouillés depuis peu10. Les charniers des victimes de massacres et de génocides sont a priori exclus de notre approche. Toutefois, ils bénéficient d’une reconnaissance scientifique et mémorielle, qui permet de les réintégrer dans la chaîne des temps funéraires11. Il faut ajouter l’effet de proximité : ces sources (nous pensons surtout aux XXe et XXIe siècles) sont de notre temps, avant que celui-ci ne s’estompe à son tour. Nous en sommes les producteurs et les sujets. Et nos sociétés contemporaines sont irriguées, submergées parfois, par les souvenirs et le « devoir de mémoire », qu’ils soient collectifs ou privés12. Finalement, il en est de ces sources comme des « catacombes manuscrites » explorées par Michelet : ce sont « des vies d’hommes » qu’elles font ou feront renaître13.

  • 14 R. Bertrand et A. Carol éd., Aux origines des cimetières contemporains, Aix-en-Provence, Presses un (...)
  • 15 Les réflexions de G. Cuchet, « La mort annoncée des baby-boomers : un possible tournant anthropolog (...)

3Cette grande richesse nous a imposé deux limites. Une limite chronologique d’abord, celle des temps contemporains. La première borne est le décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804) qui refonde les pratiques funéraires (funérailles et cimetières) jusqu’à nos jours, même s’il est l’aboutissement d’une évolution apparue au siècle précédent14. Se met alors en place progressivement une nouvelle culture de la mort, synthèse de traditions et de nouveautés : c’est le temps de la « belle mort », des pompes funèbres, du « culte des morts » dont le tombeau est le « temple », le cimetière devenant à la fois lieu de souvenir et de visite. L’autre borne n’en est pas une, puisqu’il s’agit du temps présent, celui où nous écrivons ces lignes. Ce choix permet tout à la fois de mettre en lumière les pratiques évoquées précédemment et les changements importants que celles-ci ont connus notamment depuis un demi-siècle, car seule la longue durée permet de rendre compte de l’évolution des systèmes culturels, de donner du sens au présent, voire de proposer des scénarios possibles pour un futur proche15. Des limites géographiques s’imposaient également. La France a été choisie pour des raisons d’opportunité, la proximité des sources, mais aussi parce qu’elle a apporté une contribution pionnière à l’évolution des sensibilités et des pratiques funéraires en Occident à l’époque contemporaine, diffusant ses propres normes, les imposant même au gré des conquêtes passagères de l’ère révolutionnaire et impériale. Dans ce domaine aussi, Paris a joué le rôle de capitale : que l’on songe au cimetière du Père- Lachaise. Mais la délimitation de frontières invite à leur franchissement. Certaines contributions de ce volume s’inscrivent dans un temps très long, pluriséculaire ; d’autres se situent au-delà de la France. Ces variations ont un sens, tout autant que les limites imposées. Il ne s’agissait pas d’exclure, mais de délimiter un champ d’étude raisonnable.

  • 16 Il peut s’agir de vieux cimetières isolés ou oubliés, mais pas seulement. Outre quelques témoignage (...)
  • 17 Ou à l’absence de pleurs. L’apparent détachement de Meursault, le héros de L’Étranger, à la mort de (...)
  • 18 A. Corbin, Les Cloches de la terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe s (...)
  • 19 Par Christian Chevandier.
  • 20 Article 16.
  • 21 Régis Bertrand nous fait opportunément remarquer que les cimetières publics ne sont pas l’unique li (...)

4La fragilité des sources est l’envers de leur richesse. Quoi qu’en disent les épitaphes, les regrets ne sont pas éternels : la tombe de Jean Valjean en témoigne. En témoignent aussi les reprises de concessions, pourtant perpétuelles, permises par la loi de 1924, lorsque le tombeau tombe en ruine et menace les vivants qui passent et les morts d’à côté, ou même parfois l’affleurement des ossements dans certains cimetières16. Ajoutons le désintérêt, le manque de place pour conserver les archives ou pour enterrer les morts, la faillite d’une entreprise, les vols, les destructions involontaires ou volontaires et le vandalisme, qui peut aller jusqu’à la profanation, ou encore l’extrême volatilité de certaines sources, des selfies pris lors de funérailles aux paroles de deuil échangées, aux pleurs versés17. L’évolution des modes et surtout celle de la culture funéraire jouent enfin leur rôle. Le déclin de la pompe funèbre, des rites dits traditionnels, la disparition des tentures, l’assourdissement des cloches18 en sont les signes parmi les plus marquants. On renvoie ici aussi bien aux historiens qu’à Georges Brassens et à ses « funérailles d’antan » (1960). Ce qui apparaissait auparavant comme la norme, devient incongru, obsolète, voire inconvenant. Dans ces conditions, pourquoi garder ce qui ne sert plus ? La couronne mortuaire en céramique qui orne – c’est le mot qui convient – la couverture de ce livre en fournit l’exemple : c’est à côté d’un tas de gravats rue des Vignoles qu’elle a été découverte au début de l’année 201319, non loin du Père-Lachaise. Certaines pratiques aboutissent à la remise en cause partielle des espaces funéraires. Le décret du 20 août 1976 autorise la dispersion des cendres dans la nature, possibilité confirmée et encadrée par la loi du 19 décembre 200820. Le cimetière n’est plus l’unique destination des morts. Le territoire des morts a donc tendance aujourd’hui à déborder sur le territoire des vivants et à se fondre dans celui-ci21.

  • 22 L’Alsace-Lorraine est pionnière en matière de protection des « vestiges et souvenirs de guerre », l (...)
  • 23 Voir par exemple le site de l’historien Philippe Landru, Cimetières de France et d’ailleurs. Nous p (...)
  • 24 M. Lassère, « Le XIXe siècle et l’invention du tourisme funéraire », Revue d’histoire moderne et co (...)
  • 25 Nous parlons ici des cimetières de l’époque contemporaine. La nécropole des Alyscamps à Arles est l (...)
  • 26 Leur recension pose néanmoins problème lorsqu’on interroge les bases de données Palissy et Mérimée (...)

5Pourtant, toutes ces sources constituent un véritable patrimoine, et en premier lieu les cimetières, même si la prise de conscience peut paraître tardive, à l’exception des cimetières militaires de la Première Guerre mondiale22. La promotion des grands cimetières urbains par les guides touristiques, jamais démentie depuis le XIXe siècle, et, plus récemment, par des associations, voire des particuliers23, la loi de 1924 sur les reprises administratives des concessions abandonnées et, à partir des années 1980, l’élargissement temporel et catégoriel de la notion de patrimoine, nourri par l’apport des sciences humaines et sociales, ont accentué la nécessité de leur protection24. Le classement en 1962 de la partie la plus ancienne du Père- Lachaise comme site remarquable au titre de la loi du 2 mai 1930 sur les monuments naturels et les sites apparaît emblématique. Il est suivi par l’inscription et le classement de nombreuses tombes et monuments de ce cimetière à partir de 198325. Bien d’autres sites funéraires bénéficient depuis de telles mesures. Commencent aussi à être inventoriés, protégés les objets, tels les tentures, corbillards, cercueils ou couronnes mortuaires. Tous ces lieux, monuments, objets, vestiges ont désormais une place à part entière dans le monde du patrimoine, quelque part entre « la cathédrale » et « la petite cuillère »26.

6Des expositions récentes ont montré un élargissement des centres d’intérêt à d’autres aspects de ce patrimoine. On pense notamment à l’exposition « Le Dernier Portrait », consacrée au portrait funéraire, organisée par Emmanuelle Héran avec Joëlle Bolloch au musée d’Orsay en 2002 ; on pense aussi à celle organisée en 2008 aux Archives de Paris par Gérald Monpas et Juliette Nunez, au titre évocateur, « La Mort s'archive aussi ». Un an auparavant, les Archives de Paris avaient recueilli le versement du fonds du Service municipal des pompes funèbres de la ville de Paris, situé au 104 de la rue d’Aubervilliers, fermé en 1998, et la collecte partielle des fonds des Pompes funèbres générales (PFG). Les initiatives ne viennent pas seulement des institutions et sont parfois plus précoces. Ainsi l’ouverture dès 1970 du musée privé de l’Attelage et du Corbillard à Cazes-Mondenard (département du Tarn-et-Garonne), qui semble répondre dix ans plus tard à la chanson de Brassens. Le patrimoine funéraire en général bénéficie donc d’un début de reconnaissance, relayé par de multiples publications. C’est pour cette raison que les conservateurs du patrimoine ont été associés au projet des journées d’étude et du livre. Car si les chercheurs basent toujours leur travail sur les sources, c’est parce que les conservateurs permettent qu’elles soient répertoriées, collectées, conservées, restaurées et accessibles.

7La complémentarité des uns et des autres est donc une évidence, d’autant plus que les conservateurs peuvent être amenés à faire un travail de chercheur, tandis que les chercheurs du très contemporain créent souvent leurs propres sources (transformant les témoignages, enregistrés ou non, en sources orales).

  • 27 On pense en particulier au domaine de l’archéologie préventive (l’Inrap, Institut national de reche (...)

8Il s’agit donc de faire un premier état des lieux. Seront présentés une ébauche de panorama de ces sources et les enjeux qui en découlent pour les historiens, les chercheurs en sciences humaines et sociales et les conservateurs du patrimoine. Quelles sont-elles ? Comment les utiliser ? Comment conserver, valoriser et faire partager ce patrimoine ? Les trois parties du livre, qui reprennent l’articulation des journées, tentent d’apporter des éléments de réponse à ces questions. Chacune d’entre elles est présentée plus en détail par une courte introduction. La première s’intéresse aux entreprises, aux institutions et aux associations, qui constituent le cadre du monde funéraire, son mode de gestion, et qui produisent des sources fondamentales. Sont évoqués les cimetières, les entreprises de marbrerie et les associations crématistes avec une attention portée sur quelques particularismes. La deuxième partie met en évidence la diversité des sources, diversité qui correspond à une exigence de méthode pour le chercheur, celle de leur croisement. Elle met aussi en évidence la diversité des approches, celles d’autres disciplines, sociologie, anthropologie et archéologie en l’occurrence27, diversité qui enrichit le travail de l’historien dans son exploration des sources. Des sources éclatées donc, mais aussi traditionnelles et modernes, surprenantes et fragiles. La fragilité est d’ailleurs l’un des thèmes de la troisième partie, liée aux problématiques de la conservation du patrimoine et de sa valorisation par le biais des expositions notamment, avec la comparaison avec des pays voisins de la France, qui clôt le livre.

9Tout plan apporte clarté et rigueur, mais contribue aussi à figer, à restreindre la portée des démonstrations. La plupart des textes auraient pu figurer dans plusieurs parties à la fois. L’ensemble présente en outre une tonalité latine, voire méditerranéenne, y compris dans les textes portant sur des pays étrangers, touchés par la diffusion des normes culturelles françaises qui avait été évoquée dans un paragraphe précédent. Il faut y voir non pas une volonté d’exclusion, mais le hasard (heureux) des rencontres, la part des affinités électives et le lien tissé entre notre université et son territoire, le Vaucluse et la Provence. Ce lien s’était d’ailleurs matérialisé à la fin des journées d’étude par la visite de la partie contemporaine du cimetière juif d’Isle-sur-la- Sorgue, conduite par François Guyonnet, archéologue et directeur du Patrimoine de la ville, et des étudiants du département d’histoire, qui en faisaient l’analyse. Par ailleurs, les quatorze textes issus des communications et de l’opération archéologique d’Isle-sur-la-Sorgue qui composent ce livre sont accompagnés par treize autres, plus courts, qui ont pour but de présenter des aspects qui n’avaient pas été abordés lors des journées d’étude. Ce choix doit être justifié. Il ne s’agissait pas de faire une synthèse, mais de donner une idée du foisonnement des sources et des pistes qu’elles révèlent pour le chercheur. Tous ces textes sont différents. Certains se présentent comme un retour d’expérience ; d’autres comme une synthèse de recherches en cours ou sur une thématique ; d’autres enfin ont une dimension programmatique. On a choisi de laisser une place, quoique limitée, aux entretiens avec des acteurs du funéraire. Différents, ces textes se font aussi écho. Certains points évoqués par l’un sont développés par l’autre et le croisement des approches donne un peu plus de relief encore aux sources mises en œuvre. Enfin, l’iconographie n’a pas été négligée. Elle donne un aperçu des différents types de sources, mais aussi des méthodes pour les répertorier, les étudier.

  • 28 Il faut remercier la bibliothèque de notre université qui nous a permis de consulter de nombreux tr (...)
  • 29 Nous avons aussi souhaité laisser une place à la littérature grise, parce qu’elle constitue le vivi (...)
  • 30 Il nous a semblé opportun de mentionner des fouilles archéologiques significatives. En ce qui conce (...)

10Quelques mots sur les annexes. Nous avons souhaité adjoindre une bibliographie à ce livre. Celle-ci n’a aucune prétention à l’exhaustivité28. Elle tente simplement de donner une idée de la diversité de la production récente, à quelques exceptions, dans le domaine de l’histoire avec un élargissement aux autres sciences humaines et sociales, un intérêt marqué pour la dimension patrimoniale et quelques incursions dans le domaine du droit, voire de la psychologie29. N’ont pas été mentionnées les études qui ne consacraient pas au moins une partie significative à la dimension funéraire. Cette bibliographie est en outre centrée sur la France à l’époque contemporaine. Les références concernant les périodes plus anciennes, bien qu’éclairées par des œuvres majeures de grands historiens, ne sont pas citées, de même que celles portant sur d’autres pays. Les études concernant au moins partiellement la France et celles portant sur une très longue durée incluant l’époque contemporaine ont été intégrées. Le lecteur trouvera dans les différents textes qui composent ce livre d’utiles compléments bibliographiques et des références de sources. La chronologie fonctionne sur les mêmes principes. Elle est en quelque sorte double : elle pose des jalons sur l’histoire de la mort (dans sa dimension funéraire), mais aussi sur celle du patrimoine, avec une insistance sur Paris et le territoire vauclusien et provençal. D’où un déséquilibre fort logique en faveur du tournant des XXe et XXIe siècles30. Certains travaux, qui figurent dans la bibliographie, auraient d’ailleurs pu être cités dans cette chronologie, tant ils ont marqué l’historiographie et même notre vision de la mort. Enfin, les annexes comportent une brève sitographie. Sont indiqués aussi bien des sites institutionnels et des sites de recherches, de sociétés savantes, que des sites d’associations et de particuliers, avec un aperçu des sites étrangers, accompagnés parfois par des annotations.

  • 31 Nous n’oublions pas non plus celles et ceux qui apporté leur aide ponctuelle au directeur et/ou aux (...)
  • 32 Avec le soutien financier du Centre Norbert Elias (UMR 8562) et de l’équipe HEMOC dirigée par Stéph (...)

11C’est aux auteurs et aux correcteurs de ce volume ainsi qu’à l’éditeur que seront consacrées les dernières lignes de cette introduction31. Car c’est d’un travail collectif qu’il s’agit où l’échange joue un rôle fondamental. Entamé dans le cadre de la préparation des journées d’étude, il s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui, dans le long travail de préparation des textes, qui associaient relectures et réécritures, et même dans l’élaboration des annexes. Nous tenions à les remercier tous avant de leur céder la plume, ainsi que les Éditions universitaires d’Avignon et Guy Lobrichon qui ont permis et accompagné ce projet éditorial32.

Notes

1 Remerciements à Régis Bertrand, Anne Carol, Christian Chevandier, Catherine Dentone, Guénola Groud et Isabelle Renaudet.

2 L’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse et l’Université du Havre ; le groupe des historiens modernistes et contemporanéistes d’Avignon, HEMOC, du Centre Norbert Elias (UMR 8562), et le CIRTAI, Centre interdisciplinaire de recherche sur les mobilités (UMR IDEES 6266). Nous avons aussi bénéficié du soutien de l’ANR CoRPS et de l’UMR 7303 Telemme. Le comité scientifique était composé de : Pierre Beaumont, Emmanuel Bellanger, Régis Bertrand, Anne Carol, Sylvestre Clap, Patricia Hidiroglou, Juliette Nunez. En ce qui concerne la gestion de cette manifestation, nous avons enfin pu compter sur la collaboration d’étudiants du département d’histoire de notre université : Tessa Boehm, Loïc Bost, Camille Fautras, Gilles Garson, Manon Marsy et Charlotte Pelloux.

3 B. Bertherat et C. Chevandier, Paris dernier voyage. Histoire des pompes funèbres (XIXe-XXe siècles), Paris, La Découverte, 2008.

4 R. Bertrand, « L’histoire de la mort, de l’histoire des mentalités à l’histoire religieuse », Revue de l’histoire de l’Église de France, t. 86 (n° 217), juillet-décembre 2000, p. 559.

5 P. Ariès, L’Homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977, p. 551-595. Voir aussi G. Gorer, Ni pleurs ni couronnes, précédé de Pornographie de la mort, Paris, EPEL, 1995 [1955 et 1963] ; N. Elias, La Solitude des mourants, Paris, Bourgois, 1987 [1982] ; M. Vovelle, La Mort et l’Occident de 1300 à nos, Paris, Gallimard, 1983, p. 687-709 et 740- 761 ; J.-H. Déchaux, « La mort dans les sociétés modernes : la thèse de N. Elias à l’épreuve », L’Année sociologique, 2001/1, vol. 51, p. 161-183 ; G. Clavandier, Sociologie de la mort, Paris, Armand Colin, 2008, p. 107-112 notamment ; D. Memmi, La Seconde vie des bébés morts, Paris, Éditions de l’EHESS, 2011, p. 45-52 en particulier. Cette liste se limite à quelques exemples pris dans les sciences humaines et sociales.

6 E. Bellanger, La Mort, une affaire publique. Histoire du syndicat intercommunal funéraire de la région parisienne, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, 2008 ; P. Trompette, Le Marché des défunts, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2008.

7 J.-H. Déchaux, Le Souvenir des morts. Essai sur le lien de iliation, Paris, PUF, 1997.

8 Ainsi, l’exhumation et le placement des restes humains dans un ossuaire sont une pratique courante et ancienne en France comme en Occident.

9 Ce qui correspond à l’étymologie de « nécropole ». « Ville des sépulcres », écrit Victor Hugo (Les Misérables, Œuvres complètes, Roman II, Paris, Robert Laffont, 1985 [1862], p. 1150) ; « ville des morts », écrivent Michel Vovelle et Régis Bertrand (La Ville des morts. Essai sur l’imaginaire urbain contemporain d’après les cimetières provençaux, Paris, Éditions du CNRS, 1983). Voir aussi J.-D. Urbain, La Société de Conservation. Étude sémiologique des cimetières d’Occident, Paris, Payot, 1978. Il s’agit bien sûr des grands cimetières urbains.

10 A. Delpuech et J.-P. Jacob éd., Archéologie de l’esclavage colonial, Paris, La Découverte, Inrap, 2014. Cette première synthèse en français, issue d’un colloque international, montre l’importance accordée aux cimetières dans l’approche archéologique de l’esclavage.

11 Le traitement funéraire est nié par les auteurs des massacres et des génocides : il peut y avoir une volonté d’effacement des morts, jusqu’au souvenir même de leur existence (É. Anstett et J.-M. Dreyfus éd., Cadavres impensables, cadavres impensés. Approches méthodologiques du traitement des corps dans les violences de masse et les génocides, Paris, Éditions Pétra, 2012). L’étude récente des guerres et des catastrophes (terme qui englobe en particulier les massacres, les épidémies, les catastrophes « naturelles », voire industrielles) permet de montrer les différences de traitement des dépouilles, de la négation à la reconnaissance funéraire, aussi fugitive soit-elle (L. Capdevila et D. Voldman, Nos Morts. Les sociétés occidentales face aux tués de la guerre, Paris, Payot & Rivages, 2002 ; G. Clavandier, La Mort collective. Pour une sociologie des catastrophes, Paris, CNRS éditions, 2004 ; C. Rigeade, Les Sépultures de catastrophe. Approche anthropologique des sites d’inhumations en relation avec des épidémies de peste, des massacres de population et des charniers militaires, Oxford, Archaeopress, 2007 ; L. Buchet, C. Rigeade, I. Séguy et M. Signoli, Vers une anthropologie des catastrophes, Antibes, APDCA, Paris, INED, 2009 ; « Archéologie de la violence – violence de masse, violence de guerre », colloque international organisé par l’Inrap et le Musée du Louvre-Lens au Musée du Louvre-Lens les 2-4 octobre 2014).

12 On pense par exemple aux (ré)inhumations de soldats de la Grande Guerre dont les dépouilles ont été retrouvées lors de fouilles archéologiques sur les champs de bataille ou à leurs abords et au retour des cendres des déportés de la Seconde Guerre mondiale. On pense aussi aux catastrophes minières (Courrières en 1906 particulièrement, Liévin en 1974) dont la dimension funéraire reste à étudier.

13 J. Michelet, Histoire de France, Paris, L. Hachette, 1833-1841, t. 2, « Éclaircissement », p. 701-702.

14 R. Bertrand et A. Carol éd., Aux origines des cimetières contemporains, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, à paraître.

15 Les réflexions de G. Cuchet, « La mort annoncée des baby-boomers : un possible tournant anthropologique », Argument, vol. 17, n° 2, 2015, p. 14-26

16 Il peut s’agir de vieux cimetières isolés ou oubliés, mais pas seulement. Outre quelques témoignages oraux recueillis, nous avons pu trouver des exemples récents dans la presse : J. Bernatas, « Au cimetière, on marche sur des os », leParisien.fr, 1er août 2014 : http://www.leparisien.fr/espace-premium/hauts-de-seine-92/au-cimetiere-on-marche- sur-des-os-01-08-2014-4039785.php (consulté le 27 octobre 2014). E. Blunstein, « Saint-François. Un cimetière sous le sable de la plage », FranceAntilles.fr, 22 août 2013 : http://www.guadeloupe.franceantilles.fr/regions/grande-terre- sud-et-est/un-cimetiere-sous-le-sable-de-la-plage-230480.php (consulté le 12 octobre 2014).

17 Ou à l’absence de pleurs. L’apparent détachement de Meursault, le héros de L’Étranger, à la mort de sa mère, n’est pas que littérature et peut devenir aussi objet d’histoire. Il renvoie à l’ambiguïté des selfies funéraires.

18 A. Corbin, Les Cloches de la terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1994.

19 Par Christian Chevandier.

20 Article 16.

21 Régis Bertrand nous fait opportunément remarquer que les cimetières publics ne sont pas l’unique lieu d’inhumation des morts, comme le stipule le décret de Prairial (articles 1 et 14) : l’inhumation en propriété privée est possible (même si l’attitude de l’administration, qui doit l’autoriser, est de plus en plus restrictive depuis le Second Empire) et il y a des exceptions concernant certains lieux publics pour certaines personnalités (par exemple, des lieux de culte catholiques ou le Panthéon).

22 L’Alsace-Lorraine est pionnière en matière de protection des « vestiges et souvenirs de guerre », les premiers classements intervenant dans l’immédiat après-guerre. Voir N. Lefort, Patrimoine régional, administration nationale : la conservation des monuments historiques en Alsace de 1914 à 1964, thèse d’histoire, Université de Strasbourg, 2013, chapitres 2, 4 (en particulier p. 206-218) et 7.

23 Voir par exemple le site de l’historien Philippe Landru, Cimetières de France et d’ailleurs. Nous pensons aussi à Olivier Loudin, comédien et cicerone, qui nous a conduit, parmi les arbres et les pierres du Père-Lachaise, à la tombe que nous cherchions en vain.

24 M. Lassère, « Le XIXe siècle et l’invention du tourisme funéraire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 44-4, octobre-décembre 1997, p. 601-616 ; N. Heinich, La Fabrique du patrimoine. « De la cathédrale à la petite cuillère », Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009 ; J.-Y. Andrieux et F. Chevallier, Le Patrimoine monumental. Sources, objets et représentations, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014.

25 Nous parlons ici des cimetières de l’époque contemporaine. La nécropole des Alyscamps à Arles est le premier cimetière à avoir été classé (en 1862) ; de nombreux cimetières et monuments de l’époque médiévale sont classés dès le XIXe siècle et le début du XXe siècle.

26 Leur recension pose néanmoins problème lorsqu’on interroge les bases de données Palissy et Mérimée (par exemple, la difficulté de distinguer la protection de cimetières et celle de tombeaux isolés, le fait que des tombeaux sont vus tantôt comme immeubles, tantôt comme objets). Il faudrait remonter aux dossiers de protection eux-mêmes. De plus, il existe d’autres formes de protection en dehors des Monuments historiques (site remarquable au titre de la loi de 1930 par exemple) ou des labels, qui ne présentent qu’un effet de valorisation, sans les contraintes réglementaires de la protection (label Patrimoine du XXe siècle depuis 1999). Le cimetière du Père-Lachaise a été privilégié en raison de son importance et du caractère pionnier des mesures de protection dont il a bénéficié. L’historique précis des mesures patrimoniales reste à dresser.

27 On pense en particulier au domaine de l’archéologie préventive (l’Inrap, Institut national de recherches archéologiques préventives, a été créé en 2002, succédant à l’AFAN, Association pour les fouilles archéologiques nationales).

28 Il faut remercier la bibliothèque de notre université qui nous a permis de consulter de nombreux travaux, publiés ou non, grâce à sa politique d’achat et d’échange avec les autres bibliothèques. Son travail contribue à faire vivre la recherche et a nourri ce livre.

29 Nous avons aussi souhaité laisser une place à la littérature grise, parce qu’elle constitue le vivier des publications scientifiques : des thèses et des rapports de fouilles ont été cités. En revanche, les champs de la philosophie, de la psychanalyse, de la psychiatrie et de la théologie n’ont pas été exploités.

30 Il nous a semblé opportun de mentionner des fouilles archéologiques significatives. En ce qui concerne les mesures patrimoniales, nous avons tenté d’introduire quelques jalons ou événements qui ont « fait date » en privilégiant les catégories évoquées dans la note 26.

31 Nous n’oublions pas non plus celles et ceux qui apporté leur aide ponctuelle au directeur et/ou aux auteurs de ce volume : Clémentine Albertinoti, Jonathan Barbier, Maud Batut, Fanny Beck, Catherine Berthelot, Joëlle Bolloch, Denis Bouquin, Élodie Cabot, Carine Carpentier, Fabienne Chaudesaigues, Catherine Chauveau, Agnès Chauvin, Gaëlle Clavandier, Adrien Collin, Guillaume Cuchet, Sylvie Denante, Catherine Dentone, Philippe Dupuis, Gautier Feuillepain, Roger Fix, Guy Flucher, Marion Fontaine, René Francès, Florence Fresse, Myriam Gilet, Julien Guillot, Hervé Guy, Florence Heller, Sylvie Jérémy, Lahouari Kaddouri, Françoise Lapeyre-Uzu, Stéphane Le Bigot, Nicolas Lefort, Stéphane Leprêtre, Olivier Loudin, Arina Makarova, Marie Menrath, Françoise Monfrin, Gérald Monpas, Françoise Moreil, Éric Morvillez, Michel Nolot, Gaëlle Pichon-Meunier, Marie-Christine Pénin, Béatrice Prioron- Pinelli, Marie-France Quercy, Anne Richier, Roger Schvartsman, Isabelle Séguy, Jean-Christophe Simon, Valérie Souffron, Luc Staniaszek, Stéphane Théfo, Danielle et Michel Tisnès, Agnès Verbrugge, Bérangère Véron, Catherine Wolff.

32 Avec le soutien financier du Centre Norbert Elias (UMR 8562) et de l’équipe HEMOC dirigée par Stéphane Durand que nous remercions également.

Auteur

Bruno Bertherat est maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse. Il travaille sur le fait divers, notamment audiovisuel, sur l’histoire de l’identité et sur celle du cadavre (médecine légale, pratique funéraires, imaginaires). Il prépare un ouvrage sur la Morgue (Paris, XIXe siècle).

© Éditions Universitaires d’Avignon, 2015

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