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Révolutionner les cultures politiques

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Nicolas Soulas

Seconde partie : mutations de la conflictualité et construction du politique au tournant du XVIIIe siècle

Chapitre 8

Des conflits recyclés et sublimés par la Révolution

Testo integrale

  • 1 H. Delpont, La victoire des croquants. Les révoltes paysannes du grand sud-ouest pendant la Révolut (...)
  • 2 N. Bourguignat, Les grains du désordre. L’État face aux violences frumentaires dans la première moi (...)
  • 3 D. Margairaz, P. Minard, « Marché des subsistances et économie morale : ce que « taxer » veut dire  (...)
  • 4 L.A. Tilly, « La révolte frumentaire, forme de conflit politique en France », Annales ESC, 27e anné (...)
  • 5 F. Hincker, Les Français devant l’impôt sous l’Ancien Régime, Paris, Flammarion, 1971, p. 6476 ; C. (...)

1Parallèlement aux mutations de la conflictualité électorale ou des querelles de légitimité, la Révolution offre également une nouvelle caisse de résonance à d’autres conflits antécédents intrinsèquement liés aux structures d’Ancien Régime : relation avec le seigneur, rapport au sacré et question du recrutement militaire. On pourrait s’étonner de ne pas voir apparaître la question alimentaire, élément pourtant essentiel du quotidien. Nous avons fait le choix de l’exclure de notre objet d’étude car les émeutes frumentaires, même si elles mobilisent encore une part importante de la population, dont de nombreuses femmes, restent rares dans le couloir rhodanien d’Ancien Régime, qui ignore notamment les troubles de la guerre des farines qui ébranlent la France septentrionale. Par ailleurs, comme dans le sud-ouest1, la question de l’approvisionnement alimentaire sous la Révolution et durant les régimes qui lui succèdent2 ne dégénère pas en mouvements insurrectionnels violents ou taxateurs, comme dans la moitié nord de la France3. De plus, les conflits d’ordre frumentaire ont largement été couverts par l’historiographie4. Enfin, les affrontements liés aux exigences fiscales sont beaucoup moins vifs au XVIIIe siècle qu’au siècle précédent5. Bien que les impôts indirects mobilisent encore de nombreux habitants, leur contestation emprunte des voies moins virulentes. Par conséquent, nous avons pris le parti de ne pas les intégrer dans cette enquête. Ces conflits anciens, avatars de la culture politique de la France du XVIIIe siècle, sont accentués par la Révolution qui en modifie les conditions d’expression. Alors que durant les dernières décennies du XVIIIe siècle, ces querelles restent circonscrites à un lieu et ne mobilisent généralement qu’une minorité d’habitants, la nationalisation de la vie politique locale sous la Révolution leur confère de nouvelles dimensions qui transforment en profondeur les arènes politiques locales.

Entre contestation antiseigneuriale et liquidation du régime féodal

2Choisir comme focale la remise en cause de l’ordre seigneurial afin de déceler dans les pratiques et les discours les mutations de la culture politique locale peut s’avérer pertinent à plus d’un titre. Si les conflits remettant en cause le monde féodal et ses seigneurs, fréquents sous l’Ancien Régime, s’intensifient durant les dernières décennies du XVIIIe siècle, la Révolution favorise la mutation de la conflictualité antiseigneuriale. Les populations profitent de l’ambiguïté des réformes mises en place et des tergiversations des Constituants pour aller bien au-delà des premiers amendements du système féodal. Enfin, la dégradation de l’image du seigneur, inhérente à la radicalisation d’une partie des habitants, atteste de l’appropriation par ces derniers d’un nouveau lexique, reflet de la nationalisation de la vie politique locale.

Les avatars de la contestation antiseigneuriale à la veille de la Révolution

  • 6 R. Pillorget, Les mouvements insurrectionnels de Provence entre 1596 et 1715, Paris, Pedone, 1975.
  • 7 H. Bourderon, « La lutte contre la vie chère dans la généralité de Languedoc au XVIIIe siècle », AM (...)
  • 8 J. Nicolas, La rébellion française (1661-1789), Paris, Gallimard, 2008, p. 46-47.

3Si les provinces méridionales ne connaissent plus les grands soulèvements du siècle précédent6, ce faux « beau XVIIIe siècle » reste jalonné de conflits qui adoptent des modes d’expression beaucoup moins virulents7. Après une flambée émeutière vers 1719-1720, le calme revient jusqu’en 1740, année qui inaugure un nouveau cycle de tensions correspondant aux tentatives du contrôleur général des finances Machault d’Arnouville de moderniser l’État et la fiscalité. À partir de 1764, les conflits de différentes natures s’intensifient jusqu’à l’explosion de 17898.

  • 9 Ibid, p. 53-54.
  • 10 Ibid, p. 326-327.
  • 11 Y. Castan, « Attitudes et motivations dans les conflits entre seigneurs et communautés devant le Pa (...)

4Quelle place accorder aux luttes antiseigneuriales dans ces cycles conflictuels ? L’enquête de Jean Nicolas atteste que les affaires seigneuriales restent très marginales (5,1 % des 8 528 conflits étudiés9), témoignant moins de la coexistence sereine entre le seigneur et ses vassaux que de l’existence d’une conflictualité détournée ou empruntant des voies plus légales. Une approche régionale conclut que le quart sud-est, Languedoc en tête, constitue, avec le centre-est, les espaces géographiques où les revendications antiseigneuriales sont les plus prononcées10. Sur 512 rébellions contre l’ordre seigneurial recensées, 87 concernent le Languedoc, 30 la Provence et 17 seulement le Dauphiné. Après l’« illusion d’une paix profonde jusqu’en 1730 », les frictions avec les seigneurs connaissent un très net essor entre 1750 et 178011. Qu’en est-il dans le couloir rhodanien, qui ne représente qu’une infime partie de ces espaces ? L’inégale qualité des sources n’a pas permis de quantifier le phénomène contestataire avec précision. Toutefois, des sondages conduits dans différents fonds (plaintes et placets en Languedoc, série BB et FF des archives communales, justices seigneuriales, bailliages et sénéchaussées) permettent de se faire une idée des motivations et des modes d’action de la contestation antiseigneuriale dans la vallée du Rhône durant les dernières décennies de l’Ancien Régime.

  • 12 A. Follain, Le village sous l’Ancien Régime… op. cit., p. 433.
  • 13 J. Sauvageon, « Les cadres de la société rurale dans la Drôme à la fin de l’Ancien Régime : surviva (...)
  • 14 A. Barruol, V. Sottocasa, « Contestation et vie sociale en Basse-Provence au XVIIIe siècle », Prove (...)

5Contrairement à la moitié nord du royaume, l’empreinte seigneuriale sur les communautés d’habitants est beaucoup moins marquée dans la France méridionale12, à l’exception notable d’une partie du Dauphiné13. Cette faible emprise expliquerait le peu d’actions antiseigneuriales collectives et violentes durant les dernières années du siècle : en Basse-Provence, par exemple, seuls cinq conflits majeurs mettent aux prises les communautés contre leur seigneur pour tout le XVIIIe siècle, et aucun ne concerne la Provence rhodanienne14. Cela ne signifie pas pour autant que la contestation du régime seigneurial est inexistante. Elle emprunte des voies légales, à l’image de ces innombrables procès, omniprésents dans une société de droit écrit où existe la présomption d’allodialité, et surtout détournées, comme la petite criminalité (coupe de bois ou pratique de la chasse malgré les interdictions, etc.), et les déprédations. Les relations communauté/ seigneurs sont loin d’être linéaires et on ne saurait encore aujourd’hui percevoir le seigneur comme une sorte de tyran persécutant et dépossédant des communautés ponctionnées par des redevances exorbitantes, comme les révolutionnaires en ont forgé la légende noire. En réalité, les rapports sont très fluctuants. Les études sur la longue durée démontrent que cycles de tensions et phases de relations très cordiales alternent tout au long de l’Ancien Régime. Un conflit éclate lorsqu’un certain seuil de tolérance, variant selon les acteurs, est dépassé. À la veille de la Révolution, trois grands types de conflits récurrents opposent les communautés à leur(s) seigneur(s) dans le couloir rhodanien.

  • 15 AD Hérault, C 6865, lettre du subdélégué Roussel, 11 octobre 1775.

6En premier lieu, le rejet du seigneur bourgeois constitue un objet de conflit redondant et très classique. La seigneurie suscite encore la convoitise de nombreux roturiers pour le prestige et les privilèges qu’elle confère à ses détenteurs, comme par exemple un banc privatif à l’église ou des armoiries. Les familles nobles, à court d’argent, cèdent volontiers les terres les moins rentables avec leurs droits et privilèges honorifiques. Cependant, les communautés sont très rétives face à des roturiers enrichis, surtout lorsqu’il s’agit de forains, et refusent de reconnaître la domination de celui qu’elles considèrent comme un égal. Dans les premières années de la décennie 1770, le duc de Gramont vend sa terre de Chusclan, située entre Roquemaure et Bagnols, au sieur Ode, un très riche négociant de Coudoulet. Ce dernier ayant le double défaut de n’être ni noble, ni natif de Chusclan, éprouve quelques difficultés à s’imposer. En effet, un parti antiseigneurial, mené par le premier consul et son oncle, curé du lieu, lui mène la vie dure15. Ce n’est pas le régime seigneurial en lui-même qui semble être critiqué mais le fait qu’un forain, issu du même état que les notables du lieu, puisse devenir symboliquement leur maître. En achetant la seigneurie de Chusclan, Ode contrarie bien des desseins personnels et bouleverse un ordre social établi auquel les plus apparents sont particulièrement attachés. Ce type de conflit très classique se retrouve dans de nombreux autres espaces du royaume.

7Les rapports entre les communautés et les seigneurs se tendent également lorsque ces derniers s’ingèrent trop dans les affaires locales, réduisant le pré carré municipal à peau de chagrin.

  • 16 AD Hérault, C 6859, lettre du comte de Brancas-Laudun au commandant en chef de la province de Langu (...)
  • 17 Même constat en Normandie : G. Lemarchand, La fin du féodalisme dans le pays de Caux. Conjoncture é (...)

8La rupture de l’équilibre des pouvoirs devient alors insupportable pour les notables locaux qui multiplient les procès ou se réfugient derrière l’anonymat d’une conflictualité détournée, touchant symboliquement le seigneur dans l’essence même de sa puissance, alors que l’autorité inhérente à sa fonction et son pouvoir coercitif le rendent habituellement intouchable. Ainsi, lorsque le comte de Brancas-Laudun, seigneur de Laudun dont il est régulièrement absent, s’immisce de plus en plus dans les affaires de la communauté, notamment pour faire cesser les excès d’une partie de la jeunesse, les mûriers du seigneur et les biens de son procureur fiscal (plus ferme que les consuls dans l’application des directives seigneuriales) sont saccagés. L’enquête révèle rapidement les noms des coupables, dont le fils du greffier seigneurial. Ce dernier s’est déjà attaqué au four banal, aux pigeons du comte et au poteau de justice, situé sur la place du village et sur lequel figurent les armes du seigneur pour marquer sa juridiction16. Ces attaques détournées qui frappent le seigneur à travers les symboles de sa puissance, comme les pigeons ou ses armoiries, ne sont pas des actes subversifs visant à détruire la seigneurie de Laudun, mais constituent des représailles à l’encontre d’un seigneur devenu trop envahissant et qui perturbe l’équilibre de la communauté par sa trop grande immixtion17.

  • 18 J. Gallet, « Réflexion sur la réaction seigneuriale et féodale en France au XVIIIe siècle », in Éta (...)
  • 19 N. Vivier, Propriété collective et identité communale. Les biens communaux en France, 1750-1914, Pa (...)
  • 20 La défense des droits collectifs et communaux arrive en tête du classement des révoltes : J. Nicola (...)
  • 21 N. Castan, Les criminels de Languedoc. Les exigences d’ordre et les voies du ressentiment dans une (...)

9Enfin, les revendications les plus nombreuses et les plus sérieuses à l’encontre des agissements des seigneurs concernent ce que certains historiens ont qualifié de « réaction seigneuriale »18. La plupart des procès opposant les communautés rhodaniennes à leur(s) seigneur(s) ont pour toile de fond les empiétements seigneuriaux (offensive sur les communaux19) ou la sauvegarde des droits collectifs qui sont les manifestations les plus importantes de la « réaction seigneuriale »20. Des seigneurs voulant faire fructifier leurs biens ou cherchant à se renflouer après l’achat de leur seigneurie font appel à des feudistes pour rénover les terriers, contribuant dès lors à accentuer les contentieux fonciers21.

  • 22 L. Combaluzier, Le marquisat de Saint-Marcel-de-Pierre-Bernis : la liberté perdue au XVIIIe siècle, (...)
  • 23 A. Molinier, Stagnation et croissance. Le Vivarais aux XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Éditions de l’E (...)
  • 24 J.L. Issartel, « Sus au marquis ! Contestation antiseigneuriale à Saint-Marcel-de-Pierre-deBernis » (...)
  • 25 H. Dubled, Histoire du Comtat Venaissin, Carpentras, Broché, 1981, p. 134-135.
  • 26 P. Salvadori, La chasse sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1996, p. 343.
  • 27 AD Ardèche, E dépôt 45, BB 15, délibération du 20 janvier 1763.

10Dans le sillon rhodanien, les contestations les plus virulentes se produisent surtout dans des espaces politiques longtemps fragmentés, comme les coseigneuries, dont l’équilibre est subitement altéré par les ambitions d’un individu cherchant à concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. L’exemple de Saint-Marcel-de-Pierre-Bernis est sans doute le plus emblématique. Au début du XVIIIe siècle, Saint-Marcel est une coseigneurie partagée entre une dizaine de seigneurs. L’empreinte féodale est moins marquée que dans une seigneurie détenue par un seul propriétaire. Au milieu du XVIIIe siècle, l’une des familles nobles du terroir, les Pierre, seigneurs de Bernis et coseigneurs de Saint-Marcel, resserre progressivement son emprise sur la communauté en éclipsant tous les autres coseigneurs. En 1751, Louis XV érige en marquisat les terres de Philippe Charles François de Pierre-Bernis, frère du célèbre cardinal, constituées, en plus des terres possédées dans Saint-Marcel, des fiefs adjacents de Saint-Etienne-de-Dions, Saint-Julien-du-Colombier, Bidon, Saint-Just, La Batie et Baladun22. Les ambitions de la famille génèrent des tensions avec la communauté qui intente un procès à leur seigneur en 1743 au sujet de la nobilité de ses terres, dans un contexte de « réaction seigneuriale » particulièrement intense en Vivarais23. Au terme d’une longue procédure judiciaire, la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier tranche en faveur du marquis de Bernis en 175824. Afin de renforcer son autorité sur ses terres, le marquis de Pierre-Bernis tente également de restreindre puis d’interdire le droit de chasse à ses vassaux, objet de conflits fréquents en Languedoc. Outre sa portée symbolique, à la fois droit honorifique et signe d’appartenance nobiliaire, la chasse induit le droit au port d’armes que la monarchie a considérablement limité tout au long de l’époque moderne. La victoire des Pierre-Bernis se concrétise lorsque le Parlement de Toulouse accorde le droit de chasse au seul marquis et à ses héritiers. La patrimonialisation de ce droit accentue les tensions avec la communauté. Cette restriction est mal vécue dans une province très giboyeuse où la chasse est une véritable institution, d’autant plus que dans le Comtat voisin le droit de chasse et le port d’armes sont largement autorisés pour tous les habitants malgré les tentatives des seigneurs pour le restreindre25. Saint-Marcel reste très attachée à son droit de chasse, accordé par lettre patente du roi Louis XII en 1501 mais progressivement rogné26. En 1763, la communauté assigne à nouveau le marquis de Bernis en justice mais elle est à nouveau déboutée27. En 1762, le marquis de Pierre devient le principal seigneur de Saint-Marcel, concentrant entre ses mains les fonctions stratégiques locales.

  • 28 A.M. Cocula-Vaillières, « La contestation des privilèges seigneuriaux dans le fonds des Eaux et For (...)
  • 29 AD Hérault, C 6881, lettre du marquis de Bernis au commandant en chef de la province de Languedoc, (...)

11L’ascension fulgurante de la famille, devenue en un peu plus de dix ans maîtresse effective du lieu menace l’équilibre de la communauté. Une fronde antiseigneuriale se développe au sein de l’hôtel de ville et brave l’autorité du marquis. Faisant fi de ses interdictions, certains habitants chassent et défilent ostensiblement avec leurs armes et leurs prises devant le château seigneurial, revendiquant ainsi une libre disposition des biens de la nature28. Parmi les incriminés se trouvent Charles Abrieu, un ancien militaire maniant aisément les armes et pouvant à l’occasion former à leur pratique, et au moins onze édiles : dix conseillers politiques, comme Charles Veyrene, fils d’un notaire, et surtout le second consul Louis Radal. La réponse du marquis est à la hauteur de la provocation. Les chasseurs sont incarcérés et leurs armes sont symboliquement brisées en place publique. Toutefois, la tension est montée d’un cran et certains habitants affirmeraient « hautement qu’ils ne veulent point de seigneur29 ». Dans la nuit du 14 au 15 août 1763, un groupe d’habitants, conduit par les chasseurs punis, tente de prendre d’assaut le château seigneurial. S’ils ne parviennent pas à briser le portail d’entrée, des coups de feu sont tirés contre les fenêtres et contre les armoiries, symboles de l’ordre seigneurial. Les émeutiers frappent également aux portes de ceux qui composent avec le marquis. Après avoir épuisé les recours légaux qui lui ont été défavorables, cette explosion de violence traduit la résistance acharnée d’une communauté longtemps préservée de la houlette seigneuriale face à la perte de ses libertés, de son autonomie et de son identité. Le village est en effet forcé de prendre le nom de son seigneur : Saint-Marcel-de-Pierre-Bernis. Jusqu’à l’embrasement de 1763, le conseil politique résiste et continue à utiliser l’ancien nom du village, régulièrement biffé par le juge seigneurial. Le marquis de Pierre-Bernis fait désarmer les habitants, ce qui amplifie davantage la haine contre le seigneur, et place des garnisaires dans le village, à la charge de la communauté. Dès octobre 1763, des échauffourées éclatent à plusieurs reprises entre les soldats et certains habitants, qui jouissent du silence protecteur du reste du village. Toutefois, la charge financière représentée par l’entretien et le logement des gens de guerre incite la communauté à renouer le dialogue avec son seigneur. Les rebelles les plus compromis se sont exilés tandis que Veyrene, soupçonné d’avoir tiré sur les fenêtres du château, est emprisonné à Viviers. En 1768, l’investiture du marquis de Pierre-Bernis à la fonction de gouverneur de Saint-Marcel consacre définitivement la victoire de la famille. Son décès en 1774 contribue à apaiser les esprits.

12Dans les communautés voisines de Saint-Just et de Saint-Remèze, également en procès contre leurs seigneurs respectifs, la contestation antiseigneuriale n’est pas aussi violente. Le profil de la seigneurie, voire la personnalité même du seigneur, ont une incidence majeure sur les formes et l’intensité des revendications antiseigneuriales.

  • 30 G. Sabatier, Le vicomte assailli : économie rurale, seigneurie et affrontements sociaux en Languedo (...)
  • 31 G. Astoul, « Solidarités paysannes au pays des croquants au XVIIIe siècle », AHRF, 311, 1998, p. 25 (...)
  • 32 J.J. Clère, Les paysans de Haute-Marne et la Révolution française, Paris, CTHS, 1988, p. 132 et sui (...)
  • 33 J. Nicolas, « La seigneurie en Languedoc au XVIIIe siècle. Les derniers jours », in J. Fouilleron, (...)
  • 34 Y.M. Bercé, Croquants et nu-pieds. Les soulèvements paysans en France du XVIe au XIXe siècle, Folio (...)
  • 35 R. Mousnier, Fureurs paysannes. Les paysans dans les révoltes du XVIIe siècle (France, Russie, Chin (...)
  • 36 J. Gallet, Seigneurs et paysans en France (1600-1793), Rennes, Ouest-France, 1999, p. 238.
  • 37 E. Le Roy-Ladurie, « Révoltes et contestations rurales en France de 1675 à 1788 », Annales. Économi (...)
  • 38 C. Grimmer, « Seigneurs et paysans : fidélités », in Le paysan. Actes du 2e colloque d’Aurillac 2-3 (...)

13Ces différents exemples attestent que les conflits opposant les communautés à leur(s) seigneur(s) sont rarement violents. Comme de nombreux autres chercheurs l’ont démontré, la contestation antiseigneuriale n’a plus rien d’extraordinaire au XVIIIe siècle30 et le cas de Saint-Marcel reste atypique, très certainement lié à la personnalité du marquis de Pierre-Bernis. Les communautés se lancent plus facilement dans de longs et coûteux procès, à l’issue souvent hasardeuse, mais qui ne sortent pas du cadre légal31. Ces procès révèlent l’existence d’une résistance organisée32. Même s’il y a des « frictions récurrentes », la seigneurie est par exemple beaucoup mieux tolérée en Languedoc et en Provence que dans les provinces voisines du Rouergue ou du Périgord33. Les rares émotions ne mobilisent plus les populations comme par le passé, au temps des Croquants ou des « Bonnets rouges »34. Dans les affaires de Laudun et de Saint-Marcel, les rebelles n’excèdent pas une vingtaine d’individus. Ces mouvements antiseigneuriaux restent également circonscrits à la paroisse dans laquelle ils sont apparus et ne se propagent pas en tache d’huile, de village en village, comme cela a pu jadis être le cas, notamment lors de la crise bretonne des Torreben en 167535. La contestation antiseigneuriale se fait au nom de l’égalité36. Les délits de chasse ou la remise en cause de certains droits féodaux plaident en ce sens. Les voies détournées de la petite criminalité, sorte de conflictualité du quotidien, offrent l’opportunité à toute une frange de la population de s’exprimer. Ces conflits concourent à la formation d’une conscience politique37 reposant, entre autres, sur la survivance des libertés et des privilèges communaux. Par ailleurs, de longs et coûteux procès, parfois multiséculaires, contribuent à cristalliser fortement et à pérenniser durablement l’hostilité des habitants à l’encontre de leur seigneur. Cependant, entrapercevoir dans ces conflits antiseigneuriaux une forme d’unanimisme communautaire serait caricatural. Bien que certains habitants s’attaquent au seigneur, d’autres lui restent fidèles38. Si les agents seigneuriaux et leurs réseaux de clientèle le soutiennent par intérêt, certains habitants le soutiennent par conviction politique. La question seigneuriale polarise les débats durant tout l’Ancien Régime et contribue à sensibiliser à la politique une partie des habitants pour qui l’hôtel de ville peut devenir l’enjeu d’une âpre compétition, ainsi que toute une frange de la population exclue de toute visibilité politique et qui parvient ainsi à exprimer ses revendications d’une manière détournée. En nationalisant les conflits locaux, la Révolution relance les revendications antiseigneuriales et modifie ses conditions d’expression.

Le crépuscule des ci-devant : la tourmente révolutionnaire et au-delà

  • 39 J.J. Clère, « L’abolition des droits féodaux en France », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire crit (...)
  • 40 P.J. Hesse, « Géographie coutumière et révolte paysanne en 1789. Une hypothèse de travail », AHRF, (...)
  • 41 P. Cavard, La Grande Peur en Viennois, Vienne, Blanchard, 1988.
  • 42 V. Chomel, « La Grande Peur et la Révolution des paysans dauphinois », in V. Chomel (dir.), Les déb (...)
  • 43 J. Egret, Le Parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du XVIIIe sièc (...)
  • 44 P. Jones, Liberty and Locality in Revolutionnary France, six villages compared, 1760-1820, Cambridg (...)
  • 45 I. Rubinstein, Révolution et Contre-révolution. Les mouvements paysans en Ardèche, 17891792, maîtri (...)
  • 46 M. Vovelle, De la cave au grenier. Un itinéraire en Provence au XVIIIe siècle. De l’histoire social (...)

14Contrairement à certains espaces comme le Mâconnais, ébranlés par des émeutes antiseigneuriales d’une rare violence en 1789, le processus rébellionnaire reste circonscrit à quelques foyers isolés dans la vallée du Rhône39. Le couloir rhodanien ignore les insurrections antiféodales qui embrasent une partie de la Provence au printemps 178940. Ce n’est qu’à partir de l’été 1789 que la contestation antiseigneuriale resurgit avec violence sur le devant de la scène. Deux foyers majeurs émergent alors dans la vallée du Rhône au cours de l’été. Un premier espace de contestation se constitue dans le Haut-Dauphiné, débordant partiellement sur le Viennois41. Entre le 27 juillet et le 5 août 1789, les villages situés dans un triangle délimité par Vienne, Grenoble et Lyon sont le théâtre d’une violente fronde antiseigneuriale s’attaquant aux châteaux ou aux abbayes. Déçues par le conservatisme des députés envoyés à Romans, qui n’évoquent pas la question du rachat des droits seigneuriaux alors en cours dans le royaume voisin de Savoie, les populations dauphinoises passent à l’offensive42. La crise est particulièrement intense dans les Terres-Froides, entre Vienne et Bourgoin, mais effleure la vallée du Rhône et ses environs immédiats43. Le sud de la province connaît également quelques incendies de châteaux, comme celui d’Allan, proche de Montélimar, mais la contestation antiseigneuriale est nettement moins intense que dans le nord du Dauphiné44. En parallèle, un second foyer se forme en Vivarais45. Le 9 août, la communauté de Rochemaure brûle les terriers de la famille Garnier des Hières et le mouvement se propage aux alentours, à La Voulte, Saint-Montan et Meysse. Les émeutes antiseigneuriales s’estompent dans les dernières semaines du mois d’août. Le reste du couloir rhodanien est épargné, y compris en Provence occidentale et dans le Comtat, où la noblesse et le clergé possèdent de grands domaines46.

  • 47 Même si Anatoli Ado remarquait une certaine analogie entre droits seigneuriaux imposants et insurre (...)
  • 48 P. Jones, « Paysans et seigneurs dans la France de 1789. La construction d’une arène politique loca (...)
  • 49 AM Orange, D 3338, lettre du comte de La Baume-Suze au comité permanent d’Orange, 4 août 1789.
  • 50 J.P. Jessenne, Les campagnes françaises... op. cit., p. 131.

15La corrélation entre les foyers de troubles antiseigneuriaux d’Ancien Régime et ceux de l’été 1789 n’explique pas toujours ce clivage géographique. Elle est très nette dans le Viennois, où le régime seigneurial était particulièrement sévère, et dans de nombreuses parties du Languedoc. L’attitude des privilégiés durant la « réaction seigneuriale » a sans doute été décisive durant l’explosion insurrectionnelle de l’été 178947, comme à Allan, où un très lourd contentieux judiciaire dégénère en incendie du château. En revanche, d’autres lieux propices à l’embrasement, comme Saint-Marcel-d’Ardèche, restent à l’écart de la fronde antiseigneuriale48. Dans ces espaces, les seigneurs parviennent à désamorcer la crise par des dons patriotiques ou en allant au devant des émeutiers. Ainsi à Suze, le comte de La Baume-Suze, avec lequel la communauté était en procès, apaise les émeutiers en sollicitant l’expertise du comité permanent d’Orange, invité à fouiller le château49. Le positionnement politique des seigneurs est également déterminant dans la maturation de ces violences. Déçues par l’attitude conservatrice des États de Romans, plusieurs communautés paysannes du Dauphiné rhodanien invitent les seigneurs à renoncer à leurs privilèges. Ainsi, Mure de Larnage, riche seigneur de Tain et de Larnage, abandonne tous ses privilèges fiscaux, à la plus grande joie des habitants du lieu. Ces renoncements précoces aux droits féodaux désamorcent rapidement les tensions dans cette partie du Dauphiné. En définitive, il n’existe pas d’explication dominante permettant de comprendre la géographie complexe des émeutes seigneuriales de 1789 mais différentes synergies, propres à chaque espace et surtout à chaque profil seigneurial50.

  • 51 G. Aubert, Les révoltes du papier timbré, 1675. Essai d’histoire événementielle, Rennes, PUR, 2014, (...)
  • 52 J. Nicolas, La Révolution... op. cit., p. 85.

16En modifiant les conditions d’expression des luttes antiféodales, la Révolution favorise la résurgence d’une conflictualité qui s’apparente par certains aspects aux manifestations antiseigneuriales les plus violentes du XVIIe siècle. Circonscrit au seul cadre de la paroisse dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, le mouvement d’hostilité au seigneur fait tache d’huile vers les communautés voisines en 1789. Cette propagation du mouvement par contagion n’est pas sans rappeler la révolte dite des « Bonnets rouges » en Basse-Bretagne – seule véritable insurrection de type antiseigneurial de grande envergure du XVIIe siècle –, au cours de laquelle des groupes de paysans, dénonçant les nouveautés fiscales et les carences de la justice locale, s’attaquent aux seigneurs51. Bien que les enjeux des crises de 1675 et 1789 soient différents, les mécanismes du soulèvement sont similaires : attaque, incendie des châteaux et destruction des papiers féodaux menés par des assaillants vivant dans les environs du lieu de l’attaque. Enfin, il reste à noter que l’insurrection antiféodale de l’été 1789 est relativement peu meurtrière du côté des seigneurs. Le meurtre d’Arbalestier au Pouzin, noble ayant raillé les milices bourgeoises locales, reste exceptionnel52. Le mouvement attaque plus le symbole féodal que représentent les châteaux et les terriers plutôt que les hommes qui l’incarnent. En revanche, la répression de la révolte est particulièrement sévère.

  • 53 J.N. Luc, Paysans et droits féodaux en Charente-Maritime pendant la Révolution française, Paris, CT (...)
  • 54 A. Soboul, Problèmes paysans de la Révolution, 1789-1848, Paris, François Maspero, 1983, p. 269.
  • 55 P. Goujard, L’abolition de la féodalité dans le pays de Bray (1789-1793), Paris, CTHS, 1979.
  • 56 Sur ce point, voir les travaux d’Anne Conchon : Le péage en France au XVIIIe siècle. Les privilèges (...)

17Après la flambée antiseigneuriale de l’été 1789, la tension redescend d’un cran dans le couloir rhodanien. Les décrets de la Constituante entamant la dislocation de l’ordre seigneurial désamorcent la crise mais ne donnent qu’une satisfaction partielle aux populations. En effet, si l’abolition des banalités et des corvées est vue d’un bon œil, le rachat des autres droits féodaux, jugé exorbitant, est rejeté presque partout, tandis que péages et dîmes restent exigibles jusqu’en janvier 179153. La féodalité, détruite dans ses dimensions politiques et institutionnelles, est maintenue dans sa réalité économique54. Profitant de la complexité, sinon de l’ambiguïté, des premières réformes menées par les Constituants, les populations font de la résistance passive en refusant, au nom de l’égalité, de racheter les redevances seigneuriales55. Les droits de péage sur le Rhône arrivent largement en tête des privilèges seigneuriaux les plus contestés. Gens du fleuve ou simples quidams refusent désormais de s’acquitter d’une taxe qui rappelle trop l’ancien temps et flétrit la notion émergente d’égalité sociale et juridique. Ainsi, en juillet 1790, au nom d’un « libéralisme égalitaire »56, le village ardéchois de Serrières refuse de payer le péage que le marquis de Chabrillan prétendait imposer pour l’utilisation du bac à traille, dont il avait usurpé la possession au cours du XVIIIe siècle.

  • 57 J. Boutier, Campagnes en émoi. Révoltes et révolution en Bas-Limousin (1789-1800), Treignac, Les Mo (...)

18Alors que certains espaces, comme le sud-ouest ou l’ouest de la France, connaissent de violentes émeutes antiseigneuriales au cours de l’année 1790, le couloir rhodanien semble relativement préservé57. La conflictualité antiféodale ne disparaît pas pour autant, le phénomène se déplaçant vers le Comtat, ébranlé au cours du printemps par une flambée de révoltes dont les seigneurs constituent l’une des cibles principales. Les Comtadins profitent des circonstances pour s’émanciper de leurs seigneurs français affaiblis. Dans le Comtat rhodanien, les émeutes antiseigneuriales, rarement violentes, prennent surtout la forme de partages agraires forcés. Mais, comme en France, l’explosion révolutionnaire constitue parfois la phase paroxystique d’un cycle de conflictualité plus long, comme l’illustre l’exemple de Caderousse.

  • 58 Marie-Philippe de Gramont-Vachères (1719-1800), gouverneur de Crest en Dauphiné et duc de Caderouss (...)
  • 59 A. de Boulard d’Olonne, Les barons comtadins. Essai sur la féodalité dans le Comtat Venaissin au XV (...)

19L’émeute antiseigneuriale qui éclate en mai 1790 parachève un long processus conflictuel amorcé au tournant des années 1760. En 1767, les Ancézune-Cadart-de Tournon-d’Oraison vendent leurs droits sur la coseigneurie de Caderousse à la puissante famille de Gramont58 qui tente d’asseoir son autorité en concentrant entre ses mains tous les leviers du pouvoir local. Les ambitions de la famille se heurtent à une partie de la communauté qui résiste aux empiétements de leur seigneur. Dès 1771, elle proteste contre l’usurpation du four communal que Gramont tente d’ériger en four banal, imitant en cela d’autres seigneurs comtadins ou provençaux59. Le long et coûteux procès que la communauté intente au duc dégrade l’image du seigneur, devenu l’adversaire irréductible du village, et exacerbe les tensions. Contestant les prétentions du duc de Gramont, certains habitants continuent d’utiliser les fours de particuliers, défendus ardemment par le conseil politique, lorsque le duc les attaque en justice. Au cours du procès, les relations se tendent également entre une partie du conseil politique et les agents seigneuriaux. En mai 1776, le premier consul refuse de présenter les clefs de la cité au viguier ducal, comme le veut l’usage lorsque le seigneur est absent afin de renouveler symboliquement la soumission de la communauté au seigneur. À partir de 1776, ces cérémonies annuelles sont ostensiblement transformées en bras de fer entre les deux partis. En représailles, le viguier ducal refuse d’assister au conseil. La tension est telle que l’évêque d’Orange offre sa médiation pour apaiser les esprits.

  • 60 AM Caderousse, BB 33, délibération municipale du 7 mars 1790.

20La Révolution éclate dans ce climat tendu. Les violences antiseigneuriales de l’été 1789 en Dauphiné, dont le duc de Gramont a été témoin dans le cadre de ses fonctions de gouverneur de Crest, le poussent à renouer le dialogue avec la communauté de Caderousse au début du mois d’août 1789. La fermentation des esprits et le risque de contagion du processus rébellionnaire incitent le seigneur à négocier avec un conseil politique enhardi par les événements et qui lui impose à présent des conditions drastiques, comme le remboursement des « grands frais » occasionnés par les différents procès60. Après de nombreuses tractations, le duc de Caderousse cède, sous forme de don patriotique, le four banal au début de l’année 1790 mais refuse catégoriquement de rembourser les 6 000 livres que lui réclame la communauté. Si l’abolition des privilèges en France a suscité de grands espoirs dans la province pontificale, à Caderousse, Marie-Philippe de Gramont-Vachères a laissé entendre qu’il s’opposait à l’abolition des droits seigneuriaux.

  • 61 AM Caderousse, 2 J 5, lettre de Costaing à M. de Gérente, 29 mai 1790.

21En avril 1790, les élections des députés à l’Assemblée représentative du Comtat, et les enjeux qu’elles suscitent, relancent et transforment le conflit avec le seigneur. Dès le début de l’élection, les habitants confient les postes clefs du bureau électoral à des agents seigneuriaux. Le secrétaire, Joseph Lusignan, est le fils du lieutenant de juge seigneurial, tandis que les trois scrutateurs sont des clients du duc. Toutefois, cette nouvelle ingérence seigneuriale suscite un fort tumulte dans l’assemblée, conduisant à son ajournement au 15 mai. Dans la nuit du 13 au 14 mai 1790, Caderousse est le théâtre d’une émeute antiseigneuriale particulièrement violente. Profitant de l’absence du duc, des émeutiers érigent une potence devant le château tandis que le viguier ducal est violemment houspillé61. Les armoiries seigneuriales sont détruites et les registres seigneuriaux brûlés en place publique. Par ailleurs, les émeutiers forcent les agents seigneuriaux à rembourser à la population toutes les contraventions payées au duc. On interdit également aux fermiers de prélever la dîme et le cens. À moins de deux jours du scrutin, cette insurrection vise non seulement à réduire l’influence ducale mais aussi à éloigner ses partisans de l’assemblée primaire. Le 15 mai, la plupart des ténors du « parti » patriote, comme le cordonnier Chanaud, adversaires acharnés du seigneur, figurent parmi les vingt-quatre élus pour la rédaction des cahiers de doléances. Cette crise est symptomatique de l’élargissement de la sphère politique locale à de nouveaux acteurs qui s’immiscent brusquement sur la scène politique et refusent d’être réduits au silence. Les Caderoussiens s’émancipent de celui qui fut considéré sous l’Ancien Régime comme un adversaire politique de la communauté avant de devenir en 1790 l’ennemi du peuple et de la patrie en s’opposant ostensiblement aux idées nouvelles. En nationalisant la vie politique locale, la Révolution sublime le traditionnel affrontement binaire seigneur/communauté et lui confère une nouvelle dimension. L’appropriation de la terminologie révolutionnaire, adaptée à une réalité locale, façonne une nouvelle image du seigneur. De l’adversaire de la communauté, le seigneur devient l’« aristocrate », ennemi de la Nation. Dès lors le conflit sort du cadre strictement communautaire et se charge d’une nouvelle coloration idéologique.

22Si aucune nouvelle insurrection à caractère antiseigneurial n’est à signaler en 1791 dans le couloir rhodanien, la question du rachat des droits seigneuriaux entretient un climat tendu dans une conjoncture économique délétère et un contexte marqué par la marche à la guerre, puis sa déclaration au printemps 1792. Entre avril et l’été 1792, le Gard, l’Ardèche et les Bouches-du-Rhône sont simultanément le théâtre d’une flambée d’insurrections populaires, où la question féodale n’est plus qu’une récrimination parmi d’autres, entraînant notamment le pillage et la destruction de châteaux. La frange méridionale de la Drôme est plus tardivement touchée, entre la fin de l’été et l’automne 1792.

  • 62 Voir annexe sur HAL.
  • 63 S. Maurette-Mondet, La « Peur » d’avril 1792 dans le département du Gard. Rumeurs et brûlements de (...)
  • 64 J. Godechot, Le comte d’Antraigues : un espion dans l’Europe des émigrés, Paris, Fayard, 1996.
  • 65 A.M. Duport, « De la spontanéité à la structuration d’un mouvement populaire : l’exemple du Gard en (...)
  • 66 M. Vovelle, De la cave au grenier... op. cit., p. 261.

23Un glissement s’est opéré en 1792 au profit du sillon rhodanien méridional62. Alors qu’en 1789, la contestation antiseigneuriale reste presque essentiellement circonscrite au Viennois et au Haut-Dauphiné, trois nouveaux foyers de troubles apparaissent en 1792. De nouvelles attaques de châteaux, concomitantes avec la noyade accidentelle de soixante-neuf volontaires à Villeneuve-lez-Avignon, se propagent en tache d’huile dans le département du Gard et dans une partie de l’Ardèche entre mars et avril 179263. En Ardèche, le mouvement concerne essentiellement la partie méridionale du département et s’attaque surtout aux propriétés du comte d’Antraigues64, agent de la contre-révolution. Les attaques ne débordent que très légèrement sur la frange rhodanienne, entre Viviers et Bourg-Saint-Andéol. Dans le Gard également, les districts rhodaniens sont moins touchés que le reste du département. Les châteaux sont plus rarement dévastés mais les émeutiers incendient les titres féodaux tandis que les partages agraires forcés sont plus fréquents qu’ailleurs65. Le constat est identique dans les Bouches-du-Rhône occidentales, qui forment un second foyer d’agitation. Michel Vovelle a montré l’analogie qui existait entre la présence d’une grande propriété nobiliaire et ecclésiastique et les insurrections du printemps 179266. C’est surtout dans le Haut-Comtat, avoisinant les Baronnies, que les châteaux sont le plus dévastés. Enfin, un dernier épicentre rébellionnaire s’est constitué dans le département de la Drôme. Un petit pôle secondaire, prolongement du théâtre isérois des Terres-Froides, s’est constitué autour de Saint-Vallier, mais les points chauds se trouvent dans le massif des Baronnies, autour du château de Bésignan. Dans la partie rhodanienne du département, seuls les châteaux de Rochegude et de Suze sont détruits. Comme dans le Gard rhodanien, le mouvement contestataire se traduit surtout par des partages fonciers forcés, frappant tout autant les nobles que les roturiers.

24Petits ménagers, journaliers et artisans fournissent le gros des insurgés, encadrés par un état-major de plus haute condition : juristes, négociants, etc. Ce sont les mêmes catégories sociales qui s’agitaient déjà sous l’Ancien Régime. Ils agissent par groupes de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’individus, et se déplacent sur plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. Le mouvement contestataire est porté par certaines élites politiques locales, comme Justamont, maire de Saint-Marcel-d’Ardèche, destitué pour son attitude ambiguë lors du pillage du château de la famille de Pierre-Bernis. Comme sous l’Ancien Régime, les femmes sont rarement présentes dans les actions antiseigneuriales, contrairement aux troubles frumentaires ou religieux.

  • 67 É. Pélaquier, « Conflits de communauté et longue durée à Saint-Victor-de-la-Coste en Languedoc (165 (...)
  • 68 J.L. Issartel, « Les émeutes du printemps 1792 en Bas-Vivarais, de l’été et de l’automne dans le su (...)
  • 69 M. Vovelle, De la cave au grenier... op. cit., p. 265.
  • 70 J. Nicolas, La rébellion... op. cit., p. 269-270.

25En 1792, les attaques de châteaux les plus violentes se produisent en toute logique là où elles n’ont pas été décisives en 1789-1791, ou, plus intéressant, dans des lieux qui ignoraient jusqu’à présent une telle conflictualité. Ainsi, des châteaux épargnés au cours de l’été 1789 sont désormais livrés au pillage, comme celui de Saint-Victor-la-Coste67 ou celui de Saint-Marcel-d’Ardèche68. Le même parallèle peut être fait en Provence. Les communautés où les châteaux sont dévastés en 1792 correspondent à des localités ayant eu souvent maille à partir avec leur seigneur au cours des dernières décennies de l’Ancien Régime69. Ces châteaux, qui avaient traversé sans dommage la crise de 1789, ne résistent plus au nouveau climat politique. Ainsi à Suze, à la lisière du couloir rhodanien, dont la communauté s’était insurgée en 1781 contre le droit de huitain – sorte de taxe sur le vin et les céréales que le comte de La Baume-Suze voulait appliquer aux autres denrées agricoles –, le château épargné à l’été 1789 est mis à sac en 179270. L’affaire du huitain, qui cristallise les tensions depuis les années 1730, se conclut dramatiquement par une destruction symbolique de la puissance seigneuriale et révèle une longue maturation politique. Le décalage chronologique met clairement en lumière la question de la radicalisation politique. En 1789, la fouille du château suffit à désamorcer la crise. Les autorités locales très modérées se satisfont de perquisitions infructueuses dans un contexte marqué par la psychose du « complot aristocrate ». En 1792, les insurgés ne cherchent plus à surveiller mais à punir. Le château est détruit pour le nouveau symbole qu’il représente dans une vie politique locale nationalisée, dans une conjoncture appesantie par l’émigration de nombreux seigneurs ainsi que par la déclaration de guerre.

  • 71 A. de Baecque, « Le discours anti-noble (1787-1792) aux origines d’un slogan : le peuple contre les (...)
  • 72 S. Pivoteau, « Nobles, aristocrates, châtelains : du pareil au même. Mobilisations contre une figur (...)
  • 73 N. Alzas, « La représentation du noble, enjeu de la mobilisation patriotique pendant la Révolution  (...)
  • 74 AM Tain, BB 7, délibération municipale du 24 août 1788.

26La virulence des attaques de 1792 témoigne de la dégradation rapide de l’image du noble, et plus particulièrement de celle de l’émigré, dans un contexte politique national délétère. Alors que le rejet des idées nouvelles par certains privilégiés avait contribué à forger l’image de l’aristocrate71 suspect d’incivisme, l’émigration d’une partie de la noblesse allant grossir les rangs de l’armée des Princes finit par discréditer totalement l’ancien second ordre, accusé désormais de trahison. Le château devient dès lors le lieu où l’on imagine que se trament des complots contre la Nation72. L’existence avérée ou supposée de tels complots légitime le passage à l’acte et règle un lourd contentieux opposant les assaillants à leur seigneur73. Ce phénomène est très net à Tain, où le seigneur du lieu, Mure de Larnage, parvient à sauver ses châteaux en renonçant à la plupart de ses privilèges en 1789. Perçu comme un ami du nouvel ordre, il continue à être associé aux affaires communales et devient officier municipal en février 1790. Au printemps 1790, lorsque la municipalité lance une souscription publique afin de remplir les greniers, l’évergétisme du seigneur renforce davantage sa popularité. Toutefois, la radicalisation révolutionnaire pousse Mure de Larnage à démissionner avant la fin de son mandat et le jette sur les routes de l’exil. En émigrant, le comte écorne totalement son image, passant du noble libéral dont « la droiture et la probité » étaient vantées par le conseil en 1788, à l’« aristocrate » incivique trahissant la Révolution74. La destruction de ses domaines en 1792 vise à châtier sa trahison et sa duplicité.

  • 75 AD Vaucluse, 2 E 9 674, mémoire du duc de Gramont, an VIII.

27Les insurrections antiseigneuriales de l’année 1792 sonnent le glas d’un système agonisant. Le 17 août 1792, la Législative décrète l’abolition sans indemnité de tous les droits féodaux tandis que la loi du 17 juillet 1793 signe la mise à mort du complexe féodo-seigneurial. Quid des ex-seigneurs émigrés dont les biens ont été confisqués par la Nation et parfois vendus ? Avec la fin de la « Terreur » et la radiation des premiers émigrés sous la Convention thermidorienne, se pose la question de la réintégration dans leurs biens des ex-seigneurs dépossédés. Elle se pose avec d’autant plus d’acuité sous le Consulat, lorsque les émigrés, autorisés à rentrer en plus grand nombre, réoccupent le devant de la scène politique tandis que l’État protège les acquéreurs de biens nationaux de deuxième origine. Les stratégies déployées par les émigrés qui ne sont pas parvenus à faire acheter leurs terres par des hommes de paille sont propices à générer des conflits et des tensions à une époque où l’on tente de restaurer l’unité du pays éprouvée par la Révolution. Une vaste enquête nationale livrerait certainement d’intéressantes conclusions. Identifier les mécanismes d’une telle conflictualité nécessiterait de dépouiller d’imposants fonds d’archives judiciaires, ce qui n’a, hélas, pas été envisageable dans le cadre de cette enquête. Des sondages menés dans les séries M des dépôts départementaux ou dans les fonds communaux se sont avérés très décevants. Toutefois, quelques découvertes tendent à démontrer que les acteurs tentent parfois de trouver un accommodement pour régler des litiges laissés en suspens par la Révolution, comme l’illustre l’affaire de Coudoulet. Au cours du XVIIIe siècle, le duc de Caderousse s’est approprié un certain nombre d’îlots sur le Rhône, revendiqués par les communautés riveraines, dont celle de Coudoulet dans le Gard. La Révolution relance le contentieux pour la mainmise sur les îles rhodaniennes. Profitant de l’émigration des Gramont, les habitants obtiennent du représentant Boisset que les terres contestées soient déclarées communales et partagées entre les habitants au début de l’année 1794. Or, Gramont, rayé de la liste des émigrés dès septembre 1797, entend être rétabli dans ses biens avec restitution « des fruits, dépenses, dommages et intérêts75 ». S’en suit alors un procès, perdu en cassation par la communauté, qui accentue les tensions entre les différentes parties. La mort de Gramont au début du Consulat change la donne. Son fils, nettement moins intransigeant, s’accommode de l’accord proposé par le village. Pour rembourser le préjudice évalué à 55 720 f. et trouver un compromis qui arrangerait tous les acteurs, les habitants proposent au duc d’affermer les îles à ceux qui les exploitent depuis le partage agraire de l’an II, moyennant une rente annuelle de 8 000 f. ou 134 salmées de blé. Pour apaiser les esprits, Gramont accepte de renoncer à faire payer les frais de justice par le village. Désormais, les relations sont au beau fixe entre l’ex-seigneur et le village. Dans le cas de Coudoulet, la question est rapidement réglée. Néanmoins, dans certains villages, la Révolution pose les jalons de conflits durables qui empoisonnent la vie politique durant une grande partie du premier XIXe siècle.

28Les conditions d’expression de la contestation antiseigneuriale évoluent entre les dernières décennies de l’Ancien Régime et la liquidation du régime féodal en 1793. Cette dernière prend rarement une dimension insurrectionnelle dans le couloir rhodanien avant 1789. Elle emprunte des voies légales avec la multiplication des procédures juridiques, ou des voies buissonnières sous la forme de petite criminalité. Cette résistance organisée pour la sauvegarde des droits et des libertés communautaires affûte la conscience politique des populations divisées en partis antagonistes, secondant ou non le seigneur en fonction d’intérêts divergents, et cristallise les haines contre des seigneurs trop envahissants. L’étroite corrélation entre la géographie des émeutes de l’été 1789 ou de 1792 et celle de la conflictualité antiseigneuriale des dernières décennies de l’Ancien Régime tendrait à le confirmer. En mobilisant de nouveaux acteurs, issus toutefois des mêmes catégories sociales que ceux qui s’opposaient à leur seigneur avant 1789, et en touchant plus de lieux que par le passé, la Révolution offre un nouveau souffle aux conflits antiseigneuriaux. Elle favorise la résurgence d’une conflictualité politique violente, telle qu’elle s’est jadis manifestée. Par ailleurs, l’appropriation par les populations de la terminologie révolutionnaire sort les conflits antiféodaux du cadre communautaire et sublime la traditionnelle opposition communauté/seigneur. La nationalisation de la vie politique locale se perçoit à travers la dégradation de l’image du seigneur qui, autrefois adversaire des libertés communautaires, incarne désormais, dans un nouveau contexte révolutionnaire, la figure de l’« aristocrate » ennemi du peuple et de la Nation. En parallèle, la Révolution française bouleverse le rapport au sacré en offrant une nouvelle orientation politique aux conflits religieux.

Sphère politique et sphère religieuse : une redéfinition ?

29Le sacré, parce qu’il fait partie intégrante de l’environnement quotidien des Français de l’époque moderne, peut générer des conflits. Dans le couloir rhodanien de la seconde partie du XVIIIe siècle, le religieux ne provoque que de légères frictions, mais en redéfinissant les rapports entre sphères politique et sacrée, la Révolution fait de la question religieuse un élément structurant dans le processus de politisation des populations et engendre des conflits d’une intensité rappelant en de nombreux points les guerres de Religion.

À la veille de la Révolution : des conflits de faible envergure

  • 76 Contrairement au diocèse de Nîmes : A. Herrmann, « Les tentatives des protestants pour accéder à la (...)
  • 77 Les rébellions contre le clergé ou ayant à trait à la religion représentent respectivement 1,2 % et (...)

30Dans le couloir rhodanien, l’empreinte protestante étant beaucoup moins nette que dans d’autres espaces du royaume, les luttes politiques entre les catholiques et une minorité protestante combative n’ont pas laissé de traces très visibles dans les dernières décennies du XVIIIe siècle76. Toutefois, comme le révèle l’enquête menée par Jean Nicolas, la question religieuse, liée au culte ou à ses desservants, suscite encore quelques tensions à la fin de l’époque moderne77. Si ces frictions ne se traduisent plus par un déchaînement de violence comme au XVIe siècle, elles ponctuent le quotidien des hommes et mobilisent encore un nombre important de personnes, comme l’affaire d’Étoile tend à l’illustrer.

  • 78 AD Drôme, B 606, déposition d’Antoine-Henri Navelle, 19 avril 1771.

31En 1771, Dom François Gallias, prieur d’Étoile, dénonce au procureur du Parlement de Grenoble l’émeute dont il a été victime. Après avoir constaté que les ornements religieux souffraient de l’humidité dans la sacristie, le curé d’Étoile propose à Dom Gallias de les déplacer dans l’une des chapelles de l’église. Dom Gallias effectue des travaux sur ses propres deniers et un grillage, remplaçant un panneau en bois, est érigé pour protéger l’entrée de la chapelle appartenant à l’un des coseigneurs du lieu. Toutefois, les objets liturgiques n’ayant jamais été transférés, le prieur se rend à Étoile avec des serruriers pour récupérer le grillage. Cette intervention suscite l’hostilité de l’édile Antoine-Henri Navelle qui considère le grillage comme « un bien et un ornement acquis à l’église78 ». Le prieur est sommé de quitter les lieux. Le 11 avril 1771, Dom Gallias, de retour au village, relance le curé pour récupérer son grillage. Navelle, devenu entre-temps second échevin, est appelé par le curé pour régler définitivement cette affaire. Le ton monte rapidement. L’édile menace le prieur et mobilise ses partisans, dont de nombreuses femmes, sensibles à ce qui concerne la sphère religieuse. Elles insultent le prieur et le menacent de couper sa bure « pour en faire des reliques ». Dom Gallias s’en sort sans dommages mais est quitte pour une bonne frayeur.

32Reste que l’affaire d’Étoile reflète assez bien les quelques conflits ayant à trait au religieux qui éclatent sporadiquement dans le couloir rhodanien à la veille de 1789. C’est un bref coup de sang sans lendemain qui unit la communauté derrière la sauvegarde de son patrimoine culturel et cultuel, auquel les habitants sont particulièrement attachés. Cette révolte constitue la réponse d’une communauté se sentant agressée par l’ingérence d’un pouvoir extérieur qui bafoue l’autorité de son conseil politique. L’intrusion du prieur renforce l’unanimisme communautaire : les habitants et le conseil politique restent soudés derrière le second échevin. La procédure judiciaire ne donne rien de concluant. Les différents témoins gardent prudemment le silence ou minimisent les faits. Cette affaire recèle peut-être d’autres motivations, comme des rivalités de parentèles, mais la sécheresse des sources ne permet pas de pousser plus en avant les investigations.

33En redéfinissant le rapport du politique à la sphère religieuse, la Révolution génère des conflits religieux d’une intensité que le couloir rhodanien n’avait plus connue depuis les guerres de Religion. La confiscation des biens du clergé, la refonte de l’Église opérée par les révolutionnaires et le serment imposé aux clercs constituent autant de sujets de division et de conflit, et deviennent un enjeu majeur dans le nouveau rapport au politique. En prenant fait et cause pour la nouvelle organisation ecclésiastique ou, au contraire, en la condamnant, une plus grande partie de la population se mobilise et n’entend plus rester à l’écart des débats intenses qui agitent parfois violemment des villes et des villages durablement éprouvés.

L’élargissement de la sphère politique au prisme de la question religieuse

  • 79 J.L. Ormières, « Politique et religion dans l’Ouest », Annales ESC, 40, 5, 1985, p. 1061.

34La nouvelle orientation religieuse de la Constituante bouleverse les arènes politiques locales. Les divisions qu’elle entraîne rendent le partage de ces espaces particulièrement conflictuel et témoignent d’une redéfinition des rapports entre sphères politique et religieuse79.

35Contrairement aux dernières décennies du XVIIIe siècle, les conflits religieux générés par la Révolution divisent des villages entiers et jouent un rôle décisif dans la constitution des options politiques locales.

  • 80 M. Vovelle, « Le poids des affrontements religieux dans la formation des options collectives méridi (...)

36La géographie de la crise religieuse de 1791 est riche en enseignements. Dans le Midi rhodanien, trois espaces majeurs de conflictualité de dessinent. Une première zone de friction apparaît dans le district gardois de Pont-Saint-Esprit. Contrairement aux districts voisins de Nîmes ou d’Alès, la question protestante n’est pas déterminante dans les antagonismes religieux. De l’autre côté du Rhône, entre Arles et Avignon, un second espace bien connu se distingue par l’intensité et par la violence de ses affrontements. Enfin, une dernière zone se constitue entre Montélimar et Orange, englobant notamment l’ancien Comtat rhodanien et son puissant pouvoir de nuisance. En revanche, à part le cas tinois sur lequel nous reviendrons, la vallée du Rhône septentrionale ignore totalement les manifestations les plus violentes de la crise religieuse. Par conséquent, le sillon rhodanien ne constitue pas une aire homogène de soutien ou de refus à la politique des Constituants, comme dans le cas vendéen80. Les conflits religieux se retrouvent tout aussi bien dans les espaces urbains que ruraux. Dans les districts de Pont-Saint-Esprit ou de Montélimar, le nouvel ordre religieux suscite les conflits les plus virulents dans les campagnes. Dans d’autres, les centres urbains et plus particulièrement les cités épiscopales – dont certaines, comme Orange ou Saint-Paul-Trois-Châteaux, ont été déclassées par la Révolution –, comptant d’importants noyaux cléricaux, sont également le théâtre d’âpres luttes. Enfin, on notera que les épicentres de la tension religieuse méridionale se situent à la lisière ou dans un rayon relativement proche de l’ancien Comtat Venaissin. C’est particulièrement flagrant dans le département de la Drôme, clivé en deux espaces aux comportements politiques diamétralement opposés. La crise religieuse montre à quel point l’ex-enclave papale, terre de refus massif de la Constitution civile du clergé et de la politique religieuse des Constituants, joue un rôle essentiel dans la déstabilisation des territoires périphériques.

37La chronologie de la conflictualité religieuse suit un schéma assez classique. Après une phase paroxystique, entre 1791 et le début de l’année 1792, le nombre de conflits chute brutalement à partir du second semestre 1792. S’ils perdent en intensité, ils ne disparaissent pas totalement. Lors de la déchristianisation, des manifestations frisant parfois l’émeute sont organisées pour protester contre la fermeture des églises ou l’abdication des prêtres, mais les crises n’atteignent plus la même intensité qu’en 1791-1792. La rupture est déjà consommée.

38La question du serment exigé des ecclésiastiques, garant de leur adhésion au nouvel ordre politique et religieux, divise autant qu’elle politise les populations méridionales. Réfractaires et jureurs ont chacun leurs partisans. Si les constitutionnels jouissent du soutien indéfectible des clubs, les réfractaires bénéficient parfois de la complaisance des municipalités. Les lieux de culte officiels sont réservés aux jureurs mais des chapelles privées ou des oratoires sont mis à la disposition des réfractaires qui continuent ostensiblement leur prêche. La coexistence des deux cultes concurrents devient rapidement conflictuelle. Les règlements de compte se multiplient avant ou à la sortie des messes. En septembre 1791, des Orangeois venus assister à la messe de l’ancien capiscol, réfractaire notoire, sont passés à tabac par une escouade de patriotes « exclusifs ». On pourrait multiplier les exemples à loisir. Dans une aire géographique où les antagonismes politiques sont très prononcés, le partage de la sphère sacrée débouche régulièrement sur des combats de rue et contribue à créer une situation explosive, comme à Donzère, au sud de Montélimar.

  • 81 La question de l’accaparement des biens communaux par plusieurs propriétaires fonciers, brûlante so (...)
  • 82 T. Robert, Le diocèse du Tricastin à la veille de la Révolution française, maîtrise (dir. C. Lamarr (...)
  • 83 J. Chevalier, L’Église constitutionnelle et la persécution religieuse dans le département de la Drô (...)
  • 84 Parmi les travaux les plus récents : J.C. Martin, La révolte brisée. Femmes dans la Révolution et l (...)
  • 85 M. Lapied, « La fanatique contre-révolutionnaire, réalité ou représentation ? », in L. Capdevilla, (...)
  • 86 M. Lapied, « Les Comtadines et la Révolution française : une défense prioritaire de l’identité reli (...)

39Au début de la Révolution, de fortes tensions couvent dans la communauté que la Constitution civile du clergé accentue et aggrave81. Comme la plupart des ecclésiastiques du diocèse du Tricastin, le curé congruiste Jean-Claude Garen ne dispose que d’un petit revenu82 l’incitant dans un premier temps à prêter serment avant de se rétracter, comme de nombreux autres clercs du district de Montélimar, limitrophe du Comtat83. La tension monte d’un cran dans le village lorsqu’un nouveau curé arrive en octobre 1791 pour remplacer Garen. En effet, certains habitants refusent de se séparer de leur ancien curé qui jouissait avant 1791 d’une certaine popularité. Comme de nombreux autres villages méridionaux, Donzère se scinde entre partisans et adversaires du nouveau curé. Entre l’automne 1791 et l’hiver 1791-1792, la violence des mots et des gestes va crescendo. Tous les moyens sont mis en œuvre pour perturber les offices du curé constitutionnel : les cierges sont badigeonnés d’huile, dégageant une odeur tellement pestilentielle que les fidèles doivent évacuer les lieux, les clefs de la sacristie disparaissent, etc. De plus, le curé est inondé de lettres de menaces et d’insultes. En parallèle, le curé réfractaire continue de dire la messe dans la chapelle des pénitents attenante à l’église principale. Les femmes, dont le rôle moteur dans les conflits à caractère religieux sous l’Ancien Régime n’est plus à démontrer, restent omniprésentes dans ces crises84. La question religieuse est un critère décisif de leur engagement politique, au même titre que les préoccupations alimentaires85. Elles poussent parfois leurs époux à s’investir davantage dans le conflit religieux, quand elles ne prennent pas la défense de leur curé86.

  • 87 A. Chenivesse, « Salvator, chef révolutionnaire à Donzère », Recherches donzéroises. Bulletin de l’ (...)
  • 88 J. Ferrand, Histoire de la principauté de Donzère, Paris, Maison Quantin, 1887, p. 271.

40Cette crise rejaillit sur la vie politique locale lors des élections municipales de novembre 1791. Si elles se déroulent dans le plus grand calme, les tensions religieuses sont déterminantes dans le choix des citoyens actifs qui élisent les adversaires les plus acharnés du curé réfractaire, comme l’aubergiste Salvator87. Ce schisme a engendré un glissement politique en facilitant l’élection de patriotes nettement plus radicaux que ceux élus en janvier 1790. Ils rejoignent une équipe municipale modérée, très mal à l’aise face à la crise religieuse qui agite la commune. La discorde se durcit à la suite de cette élection. Les adversaires du curé réfractaire, légitimés par leur victoire électorale, se font plus incisifs et tentent de réduire son audience. Ils commencent par restreindre les horaires d’ouverture de la chapelle puis obtiennent du district de Montélimar l’autorisation de fermer l’église des pénitents. Néanmoins, le curé réfractaire bénéficie des tergiversations des Constituants, qui reconnaissent par le décret du 7 mai 1791 la légalité du culte réfractaire, mais seulement à titre privé. Dès lors, Garen officie à huis clos et à des horaires décalés88. La séparation des cultes intensifie les tensions au lieu de les apaiser. Les partisans du curé réfractaire, relégués à un état de semi-clandestinité, multiplient les conciliabules chez Honorade Gauthier, épouse de Jean François Gauthier, l’un des plus fervents défenseurs du curé Garen. Dans un climat politique délétère, ces assemblées privées réactivent des peurs irrationnelles chez les patriotes et alimentent un nouvel imaginaire politique, amalgamant fanatisme et contre-révolution.

  • 89 M. Vovelle, « Aristocrate ou fanatique : le portrait à charge du prêtre dans les images de la Révol (...)
  • 90 J. Foa, « Devenir huguenot pas à pas. La contribution de l’espace urbain à l’incorporation des iden (...)

41Le conflit entre dans sa phase paroxystique en février 1792, dans une conjoncture anxiogène générée par la marche à la guerre et la duplicité du pouvoir royal. Le 1er février 1792, les partisans du curé réfractaire, venus perturber l’office religieux, déclenchent une violente rixe nécessitant l’intervention du district de Montélimar qui dépêche un détachement de cent hommes. La présence des soldats conforte les partisans du curé constitutionnel qui passent à l’offensive. La maison curiale, dans laquelle le curé Garen s’est réfugié, est assiégée. Il est sauvé in extremis et la municipalité le prie de quitter Donzère, ne pouvant plus assurer sa protection. La tension redescend d’un cran après son départ mais le schisme religieux a irrémédiablement divisé un village qui en porte longtemps les stigmates. Le curé constitutionnel est encore régulièrement insulté tandis que les partisans du curé Garen figurent en tête de la liste des suspects à désarmer dressée par la municipalité en avril 1793. Le schisme religieux redéfinit de nouvelles lignes de fracture selon des critères idéologiques supra-communautaires et façonne une nouvelle image de l’adversaire, notamment de la figure du curé, désormais clivée entre l’image du « bon prêtre » et celle du « mauvais prêtre89 ». En rejetant la politique religieuse des Constituants, les réfractaires témoignent ostensiblement de leur attachement à un ordre des choses immuable, insoluble dans le nouveau moule forgé par les Constituants. De là à faire l’amalgame avec la contre-révolution, il n’y a qu’un pas, dont le franchissement témoigne autant des progrès de l’acculturation des acteurs à la nouvelle culture politique que de leur radicalisation. Dans le même ordre d’idées, la crise religieuse génère une redéfinition de l’espace quotidien selon ces mêmes nouveaux critères idéologiques. En effet, l’apprentissage de la terminologie révolutionnaire politise la perception de l’espace : distinction entre lieux de culte selon le profil du prêtre et désignation des habitations des partisans du curé réfractaire comme des lieux suspects d’un incivisme qu’il faut châtier. C’est dans cette logique que l’aubergiste Salvator et ses complices dévastent et pillent la maison de la veuve Ricou en août 1793. Cette redéfinition de l’espace sous couvert de crise politique et religieuse n’est pas sans rappeler les guerres de Religion90.

  • 91 V. Sottocasa, Mémoires affrontées... op. cit., p. 68-75.
  • 92 M. Lapied, « La question religieuse et le refus de la France révolutionnaire dans le Comtat Venaiss (...)

42À Donzère comme dans le reste du Midi, la question religieuse est un élément structurant des comportements politiques. En l’absence de menace protestante, la Constitution civile du clergé ne soude pas les villages de la vallée du Rhône méridionale derrière le refus du serment, comme dans les Cévennes91. Au contraire, elle fissure la concorde civile en dessinant de nouvelles lignes de fracture communautaires, quand elle n’accentue pas les divisions héritées de l’Ancien Régime ou des premières années de la Révolution92. Véritable catalyseur, le schisme religieux engendre des conflits de grande envergure dans des localités qui semblaient les avoir ignorés auparavant – ou dans lesquelles ils étaient moins vifs –, perturbant durablement les arènes politiques locales.

  • 93 J. Nicolas, La rébellion... op. cit., p. 752.
  • 94 M. Vovelle, Religion et Révolution. La déchristianisation de l’an II, Paris, Hachette, 1976.
  • 95 A. Corbin, Les cloches de la Terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes du XIXe s (...)
  • 96 M. Vovelle, La Révolution contre l’Église. De la Raison à l’Être suprême, Bruxelles, Éditions Compl (...)
  • 97 AD Ardèche, E dépôt 45, D 2, délibération municipale du 3 nivôse an II.
  • 98 X. Maréchaux, Noces révolutionnaires. Le mariage des prêtres en France, 1789-1815, Paris, Vendémiai (...)

43L’ingérence des révolutionnaires dans les pratiques cultuelles constitue un objet de conflit ancien que la Révolution réactive. Avant 1789, les changements d’usages touchant aux croyances ou aux pratiques cultuelles provoquaient déjà des sursauts défensifs pour le maintien des traditions93. Les bouleversements opérés par l’instauration du culte de la Raison ou celui de l’Être suprême, ainsi que la déchristianisation qui se traduit notamment par la fermeture des lieux de culte, génèrent des rejets moins virulents et plus discrets qu’en 1791-1792, probablement parce que la rupture est déjà faite. Les historiens ont clairement montré que la résistance à la déchristianisation est surtout passive (refus de chômer le décadi, etc.)94. Les refus d’abandonner des pratiques « traditionnelles » ou les éléments constituant le paysage sacré de l’univers collectif empruntent parfois la forme d’une petite criminalité, ce qui les rend plus difficiles à déceler. Ainsi, à Bourg-Saint-Andéol, les mûriers de l’individu qui a descendu les cloches de la commune, considérées comme un véritable « marqueur de l’identité communautaire », sont saccagés95. Pour de nombreux fidèles, l’événement le plus traumatisant reste l’abdication de leur curé. Dans un contexte de radicalisation politique, les révolutionnaires les plus virulents encouragent les ecclésiastiques à renier leur sacerdoce. Si l’abdication de Gobel, l’évêque de Paris, et de certains de ses vicaires, en brumaire an II (octobre-novembre 1793) déclenche le premier mouvement d’abdication massive, les acteurs locaux impulsent aussi le processus à leur niveau. La démarche abdicataire touche le couloir rhodanien à partir de pluviôse an II (janvier-février 1794) où, par l’intermédiaire du représentant Albitte, les départements du Rhône et de l’Isère sont les premiers impactés. Les autres départements rhodaniens connaissent un pic déchristianisateur autour de ventôse (février-mars 1794) et de germinal (mars-avril 1794) an II. La question de l’abdication des clercs divise les villages. L’abandon du sacerdoce, vécu comme une trahison par certains habitants, engendre de vives tensions. À Saint-Marcel-d’Ardèche, où l’unité de la commune a déjà été mise à rude épreuve lors de la question du serment, une partie des habitants refuse que le curé Joseph Perbost quitte ses fonctions comme les deux tiers des prêtres ardéchois96. Le jour de son abdication, une foule en colère l’entraîne à la barre du club des Jacobins et l’exhorte à trois reprises à reprendre ses fonctions. Il accepte à contrecœur de célébrer à nouveau la messe. Mais considérant le culte catholique comme « nuisible à la révolution républicaine », Joseph Perbost abdique définitivement et livre ses lettres de prêtrise à la municipalité97. Dès lors, l’hostilité à son égard s’accentue. Pour le punir, les fidèles frustrés forment une farandole devant sa maison et l’insultent : « À bas le calotin, point de lui ! » Si Perbost n’est plus curé, il exerce toujours des fonctions officielles en tant qu’agent national de la commune, ce qui est contesté par de nombreux habitants. Enfin, le jour de son mariage98, ses détracteurs déposent des ossements sur le pas de sa porte. À Saint-Marcel-d’Ardèche, comme dans le reste du Midi, les questions religieuses polarisent les options politiques tout au long de la Révolution et entretiennent les divisions, dont la visibilité est parfois à peine perceptible mais où le religieux reste toujours étroitement imbriqué dans le politique.

44Dans les communes dont le modèle communautaire résiste aux bouleversements révolutionnaires, la question religieuse renforce la cohésion des populations, soudées contre l’immixtion des pouvoirs extérieurs. Ces espaces peu éprouvés par les divisions se retrouvent surtout dans la vallée du Rhône septentrionale, comme Tain. Le village entre dans la Révolution sous les meilleurs auspices. La relation entre le conseil politique et le seigneur sont au beau fixe et les dernières décennies de l’Ancien Régime ne lèguent aucun conflit majeur. De plus, les élections municipales de février 1790 ouvrent les portes de l’hôtel de ville à de nouveaux venus. Or, le refus du curé de prêter serment menace la cohésion du conseil politique et plus globalement celle de la communauté.

  • 99 AM Tain, 1 D 32, délibération municipale du 22 février 1791.
  • 100 C. Genest, Tain au quotidien (122 av. J.-C.-1800), Tournon, Éditions Claude Genest, 1991, p. 160.

45Dom Fortunat Deloche, curé officiant depuis plus de cinquante ans, est issu d’une importante famille de juristes bien intégrée dans les instances administratives et judiciaires locales. Les premiers mois de la Révolution confortent les positions de la famille. Un Deloche est élu représentant du canton de Tain au conseil d’administration du département de la Drôme. Au début de l’année 1791, la municipalité apprend que l’assemblée électorale de Valence a pourvu au remplacement de la cure de Tain. La décision de l’administration supérieure provoque un torrent de protestations : le curé a « acquis la confiance et la considération de tous ses paroissiens » et, surtout, la municipalité ne l’a pas encore officiellement dénoncé au district99. Après avoir tenté de protéger son curé, qui s’entête dans son refus, la municipalité essaie de garder la main sur ses affaires en proposant pour occuper la cure de Tain Simon Seguin, clerc assermenté et vicaire du curé depuis 1771. Or, pour l’administration départementale, la question a déjà été tranchée par les citoyens actifs qui ont confié l’exercice du culte à Dumas, vicaire de Saint-Jean-de-Bournay, en Isère. Aux yeux de la municipalité qui le présente comme un étranger bien qu’étant en réalité issu d’une famille tinoise, l’abbé Dumas souffre d’une mauvaise réputation, due « aux écarts de sa jeunesse qui ne pouvaient inspirer confiance »100. Prévenu par son père, ancien procureur général syndic du village, de l’hostilité des habitants, Dumas décale prudemment sa venue au début du mois d’août 1791. Son arrivée dans le village accentue les tensions et le conflit sort du cadre religieux qui l’a fait naître.

46Refusant d’entériner l’élection de Dumas, le maire Charles Jourdan et deux officiers municipaux, dont Simon Seguin, qui cumule la fonction avec celle de vicaire, se démettent de leurs fonctions. Leur démission est imitée par d’autres administrateurs municipaux. Dumas, devant prendre possession de sa cure le 7 août, exprime ses doutes et craint pour sa vie. En acceptant, Dumas s’est aliéné la majeure partie du village. Des femmes poussent leurs maris à agir et des enfants l’insultent sous ses fenêtres. Le 14 août 1791, l’administration départementale députe deux de ses membres afin d’apaiser les esprits mais ils se heurtent à la résistance passive des édiles qui refusent de s’assembler. L’impasse est totale. Tain n’a officiellement plus de curé depuis janvier 1791 et les affaires municipales sont paralysées par la défection des édiles. Il n’y a plus de maire et il ne reste qu’un seul officier municipal sur cinq tandis que les notables ne veulent pas occuper les places vacantes. À quelques mois des élections de novembre 1791, les administrateurs municipaux préfèrent laisser l’affaire aux nouveaux élus plutôt que de devoir installer Dumas et traiter avec les instances administratives supérieures. La municipalité et les habitants font cause commune et ne cèdent pas face à la pression du district de Valence et du département de la Drôme. Pourtant, le département valide en septembre l’élection de Dumas, dont l’installation a été repoussée au 2 octobre. Le curé avait fui l’hostilité de ses ouailles en se réfugiant dans son ancienne paroisse. Lorsque les élections municipales s’ouvrent en novembre 1791, la question de la cure n’est toujours pas réglée. Les citoyens actifs renouvellent leur confiance à Jourdan en le reconduisant dans ses fonctions de maire. Cependant, ce dernier campe sur ses positions et refuse catégoriquement sa réélection. Au même moment, l’abbé Dumas, n’ayant aucun goût pour le martyr, renonce définitivement à la cure de Tain le 14 novembre 1791.

  • 101 J. Nicolas, La rébellion... op. cit., p. 741-742.

47La crise de Tain est riche d’enseignements. Elle symbolise avant tout l’unanimisme communautaire face au bouleversement de la vie quotidienne. Le remplacement du curé et du vicaire, au service de la commune depuis longtemps, est vécu comme une perte d’identité et de repères. Par ailleurs, pour la famille Deloche et les notables qui leur sont liés, comme les Jourdan, compter le curé paroissial parmi ses membres confère un prestige particulier. La protection dont bénéficie le curé réfractaire s’explique par l’enchevêtrement des solidarités familiales ou des liens d’amitié. La démission d’une partie des membres de la municipalité s’inscrit sans doute dans cette même logique de solidarité. Pour exprimer leur soutien, les familles alliées, dont les intérêts sont contrariés par la Révolution, boycottent les réunions municipales. Enfin, cette crise montre comment la nationalisation de la vie politique locale pérennise et sublime un conflit typique d’Ancien Régime – la question de l’acceptation d’un curé étranger à la paroisse suscitait déjà des tensions dans de nombreux villages avant la Révolution101 – en lui donnant une nouvelle connotation politique. En effet, la Constitution civile du clergé accroît les risques de résurgence, à plus grande échelle que par le passé, de cette conflictualité ancienne. Mais surtout, en érigeant les curés en fonctionnaires élus par les citoyens actifs et non plus nommés par le diocèse, elle confère une nouvelle dimension politique à ces affrontements. En rejetant le vœu des citoyens actifs et en mettant leur démission dans la balance, les administrateurs municipaux sortent le conflit de son cadre strictement religieux. Les autorités supérieures ne s’y trompent pas lorsqu’elles fustigent la commune pour son incivisme. Refuser l’élection faite par les citoyens actifs revient à rejeter la volonté du peuple en déniant à la Nation la nouvelle légitimité d’élire les curés et, par conséquent, à faire preuve d’incivisme. La Révolution modifie profondément le lien qui relie le religieux au politique. Si au XVIIIe siècle, le politique se fond étroitement dans la sphère religieuse (messe après les élections consulaires, prières pour le roi, etc.), la Constitution civile du clergé tend à inverser ce rapport de force. En contraignant les ecclésiastiques à prêter serment de fidélité à la Nation, en les salariant et en soumettant l’attribution des cures au principe électif, les révolutionnaires inféodent l’Église au nouvel ordre politique : ce n’est plus le politique qui s’imbrique dans le religieux mais bien l’inverse. En redéfinissant ainsi les rapports entre sphère sacrée et sphère publique, la Révolution favorise l’irruption sur la scène politique d’un plus grand nombre d’acteurs que par le passé et la question religieuse, abondamment relayée par la presse et les clubs, ne laisse pas l’opinion publique indifférente.

  • 102 J.N. Hood, « Permanence des conflits traditionnels sous la Révolution : l’exemple du Gard », Revue (...)
  • 103 AD Vaucluse, 1 M 50, lettre du préfet au ministre de l’Intérieur, 28 mai 1806.
  • 104 Même constat dans le Var : M. Agulhon, La vie sociale… op. cit., p. 408.

48La Révolution bouleverse donc en profondeur le rapport que les Français entretiennent avec le sacré et génère des conflits intenses et durables102 qui transcendent la période, notamment dans la vallée du Rhône méridionale, plus durement éprouvé par le schisme de 1791. Ainsi, sous l’Empire, le village vauclusien de Bédarrides est le théâtre de violentes rixes ayant trait aux divisions religieuses que la Révolution a fait naître et qu’elle a laissées en suspens. Au début du Consulat, le département compte de nombreux réfractaires et prêtres insoumis. Si la politique concordataire de Bonaparte désamorce en grande partie les tensions, des crises sporadiques reflètent la prégnance des stigmates révolutionnaires. Avant le Concordat, une partie importante des habitants de Bédarrides suit les préceptes du père Giraud, ancien curé réfractaire célébrant clandestinement la messe. Son influence est telle que ses fidèles intriguent pour qu’il soit nommé curé titulaire du village au début du Concordat, aux dépens du curé constitutionnel en exercice. Pour mettre fin aux tensions, l’évêque nomme à la cure de Bédarrides un ecclésiastique étranger au village et aux deux « partis »103. Giraud, refusant les promotions offertes par le diocèse, obtient d’être nommé vicaire. Dès lors, ses partisans, dont de nombreuses femmes, se déchaînent contre le titulaire de la cure en perturbant les messes ou en multipliant les vexations contre sa personne, rappelant ainsi les mécanismes de la conflictualité à l’œuvre lors de la crise du serment de 1791. Cet exemple, choisi parmi d’autres, atteste de la survivance des divisions religieuses héritées de la Révolution et du bouleversement durable du paysage politique local bien après la décennie révolutionnaire104.

49Après des conflits sporadiques et sans grand relief dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, la Révolution offre de nouvelles dimensions à la conflictualité religieuse d'Ancien Régime, qu’elle recycle (refus du curé étranger, défense de pratiques cultuelles) tout en créant de nouveaux objets de conflit (question du serment, déchristianisation). En modifiant radicalement le rapport au sacré, la Révolution fait de la question religieuse un élément structurant des options politiques et chamboule durablement les échiquiers politiques locaux. Par ailleurs, la Révolution amplifie les conflits liés aux réquisitions militaires.

Le poids des réquisitions militaires dans la nouvelle conflictualité

50Les réquisitions militaires cristallisent l’hostilité des populations depuis l’instauration du service militaire obligatoire. Si la milice, bien que détestée, ne fait pas l’objet d’une vive contestation durant les dernières décennies de l’Ancien Régime, les pressions supplémentaires exercées par les guerres à partir de 1792 génèrent un nouveau cycle de conflictualité sans commune mesure avec l’Ancien Régime. Le refus des levées militaires et de leur institutionnalisation par la conscription engendre des conflits à plus grande échelle tout en favorisant le développement d’un brigandage en pleine mutation. Par ailleurs, le passage récurrent des militaires qui remontent ou descendent le fleuve au cours des guerres révolutionnaires, accentue les tensions lorsqu’ils sont embrigadés dans les dynamiques politiques locales.

La milice : institution détestée, conflictualité limitée

  • 105 A. Rouquette, Les cahiers de doléances du Tiers-État de la sénéchaussée de Nîmes pour les ÉtatsGéné (...)
  • 106 J. Gébelin, Histoire des milices provinciales (1688-1791). Le tirage au sort sous l’Ancien Régime, (...)
  • 107 A. Corvisier, L’armée française de la fin du XVIIe siècle au ministère Choiseul. Le soldat, Paris, (...)
  • 108 A. Crépin, Défendre la France. Les Français, la guerre et le service militaire, de la guerre de sep (...)
  • 109 En Provence, seuls 2,5 % des hommes sont miliciens entre 1783 et 1789 : C. Vignes, Les milices en P (...)
  • 110 A. Corvisier, Histoire militaire de la France de 1715 à 1871, Paris, PUF, 1992, p. 19.
  • 111 E. Pélaquier, « Le recrutement des milices provinciales en Languedoc au XVIIIe siècle. Première app (...)
  • 112 P. Roux, « Le recrutement de la milice royale au XVIIIe siècle : l’exemple du bataillon d’Albi (174 (...)

51Lors de la rédaction des cahiers de doléances, les habitants expriment leur rejet de la milice. Ainsi, à Saint-Victor-la-Coste, les habitants exhortent les Constituants à supprimer cet « épouvantail des paroissiens qui les fait fuir dans le Comtat pour s’en exempter »105. Créées par ordonnance royale du 29 novembre 1688, les milices provinciales visent à seconder les troupes réglées en temps de guerre ou sont assignées à une mission de surveillance en temps de paix. À l’origine, les milices provinciales sont levées sur de courtes périodes correspondant à des phases de guerre. L’ordonnance du 25 février 1726 transforme les milices provinciales en institutions permanentes106. Chaque paroisse doit fournir un nombre d’hommes, fixé par les intendants, pour le service de la milice. Sont miliciables tous les hommes célibataires ou veufs sans enfants, âgés de 18 ans à 40 ans107. Les miliciens sont levés pour six ans à partir de 1765 mais leur service se borne en réalité à la surveillance des côtes ou à monter la garde dans les citadelles de la province quelques jours par an108. En revanche, les miliciens peuvent être incorporés dans les armées de ligne en temps de guerre. Ce n’est pas tant le service de la milice en lui-même, relativement peu contraignant109, qui est critiqué, que l’iniquité de son mode de recrutement par tirage au sort. Les plus riches payent pour se faire remplacer tandis que ceux qui tirent un bon numéro indemnisent ceux qui partent110. Ce montant, variant selon les communautés, est exécré par les populations qui l’assimilent à une seconde taille. Dans le Languedoc rhodanien, des « embaucheurs » d’Avignon se chargent de trouver des remplaçants, moyennant finance111. Le tirage au sort suscite de telles animosités que l’on n’ose pas pendant longtemps l’imposer dans les grandes villes, de peur qu’il ne déclenche une révolte. Par ailleurs, des hommes peuvent être favorisés par la complaisance de certains consuls qui omettent volontairement de les inscrire sur les listes de miliciables112. Enfin, l’inégalité de la répartition du nombre de miliciens entre les paroisses ou à l’intérieur d’une même paroisse suscite l’hostilité des populations.

  • 113 J. Nicolas, La rébellion… op. cit., p. 586.
  • 114 D. Biloghi, É.Pélaquier, « Le village et l’armée en Languedoc à l’époque moderne », Les villageois (...)

52Bien que honnie, la milice ne provoque pas de révoltes majeures dans le couloir rhodanien, contrairement au reste du royaume113. En outre, la milice semble plus facilement acceptée dans la vallée du Rhône septentrionale que dans le Midi rhodanien. La situation frontalière du Dauphiné avec la Savoie (pourtant alliée du royaume de France dans les dernières décennies du XVIIIe siècle), a probablement joué un rôle dans l’acceptation du service militaire par les populations, comme dans les provinces de l’est. Dans le Midi rhodanien, les oppositions sont plus vives. En 1767, des jeunes gens de Tavel refusent de tirer au sort114. Les réfractaires sont immédiatement mis aux arrêts au fort Saint-André de Villeneuve-lez-Avignon. En février 1778, plusieurs jeunes de Saint-Laurent-des-Arbres insultent et frappent une recrue engagée par un notable pour servir à la place de son fils. L’opposition des populations rhodaniennes à la milice se lit surtout à travers les désertions les jours de tirage au sort, dont l’importance varie d’une paroisse à une autre.

  • 115 Voir annexes sur HAL.
  • 116 AD Gard, C 238-C 241, levées des miliciens pour les années 1775 à 1780.
  • 117 AD Gard, C 245-C 249, levées des miliciens pour les années 1784 à 1788.

53En 1788, par exemple, les 159 communautés de la subdélégation de Bagnols doivent fournir cinquante-cinq hommes pour le service de la milice115. Le nombre d’individus à lever par localité reste faible : entre deux et trois miliciens dans les centres urbains, un seul dans les villages. Le nombre de réfractaires varie selon les années et les lieux. En toute logique, il est plus important en cas de conflit qu’en temps de paix, comme en 1788. Par conséquent, le nombre de réfractaires à la milice est assez faible dans cette partie de la subdélégation, à l’exception notable de Roquemaure, où 25 % des appelés ne se sont pas présentés lors du tirage au sort. Un sondage effectué pour les années 1775 à 1788 tend à démontrer que le nombre de réfractaires au service de la milice, insignifiant dans la seconde moitié de la décennie 1770, s’est accentué après 1780. Entre 1775 et 1780, il n’y a que sept insoumis à Roquemaure et neuf à Villeneuve-lez-Avignon116. En revanche, entre 1784 et 1788, ils sont trente-et-un à Villeneuve-lez-Avignon et soixante-douze à Roquemaure117. La proximité de l’enclave pontificale, dont les populations ne sont astreintes à aucun service militaire, incite les candidats à la désertion. Toutefois, les raisons qui déterminent l’adhésion ou le rejet du service militaire sont complexes et souvent propres à chaque lieu.

54L’hostilité des populations face à la milice reste globalement discrète et se manifeste surtout par l’insoumission de certains miliciables. En intensifiant les réquisitions, la Révolution amplifie les tensions liées au refus du service militaire et accentue les désertions et le brigandage. Enfin, l’intégration dans les conflits des soldats de passage, parfois instrumentalisés par les différentes factions, complexifie davantage les dynamiques politiques locales.

Le couloir rhodanien et les guerres

  • 118 J.P. Bertaud, La Révolution armée. Les soldats-citoyens et la Révolution française, Paris, Robert L (...)
  • 119 A. Forrest, Déserteurs et insoumis sous la Révolution et l’Empire, Paris, Perrin, 1988, p. 35.

55Dès le début de la Révolution, les Constituants réforment en profondeur le système de recrutement militaire et enterrent définitivement la milice le 20 mars 1791. Elle est remplacée par le volontariat, plus conforme aux idéaux égalitaires. La montée des tensions face aux monarchies européennes pousse les députés à régénérer l’armée tout en instaurant une levée de 100 000 volontaires. L’engouement pour le service est très variable d’un département à un autre. Les départements frontaliers, comme l’Isère, premiers touchés en cas d’invasion, fournissent un contingent important de volontaires118. Toutefois, certains espaces, notamment ruraux, sont plus récalcitrants119. En 1792, l’Assemblée Législative exhorte à nouveau le patriotisme des Français dans un climat politique délétère. Cette nouvelle levée de volontaires reçoit un accueil moins favorable que la première et met en lumière les carences du volontariat. La déclaration de guerre et la constitution de la Première coalition obligent la Convention à renouer avec la pratique du service militaire obligatoire. Le 24 février 1793, une levée de 300 000 combattants est décrétée, recrutés parmi les hommes âgés de 18 à 40 ans, veufs sans enfants ou célibataires. Chaque commune doit fournir un quota de soldats fixé par le gouvernement central en rapport avec la population. En revanche, la question des modalités des recrutements reste à la discrétion des communes : tirage au sort ou désignation par scrutin. Le tirage au sort réactive le souvenir de la milice que les populations avaient unanimement condamnée tandis que la répartition des quotas varie selon les départements. Ceux qui ont fourni beaucoup de volontaires en 1791 et 1792 sont moins astreints à ce nouvel effort de guerre que les autres.

  • 120 Même constat dans le Roussillon : M. Brunet, Le Roussillon... op. cit., p. 297.
  • 121 AD Gard, L 809, Lettre de Chaumette au directoire du district de Pont-Saint-Esprit, 25 mars 1793.

56Face à l’aggravation de la situation militaire, les Conventionnels instaurent en août 1793 une nouvelle levée en masse. Au nom de l’égalité, tous les Français âgés de 18 à 25 ans, célibataires ou veufs sans enfants, doivent faire le sacrifice de leur personne pour sauver la République. Les citoyens les plus riches ne peuvent plus acheter un remplaçant. Cette nouvelle réquisition militaire, bien que se rapprochant par essence de l’idéal républicain d’égalité, suscite l’hostilité d’une partie du pays parce qu’elle perturbe le quotidien et l’économie des villages. Contrairement aux départements de l’ouest et du sud-ouest, les différentes réquisitions militaires de l’année 1793 ne déclenchent pas de révoltes massives dans la vallée du Rhône, plus particulièrement dans sa partie septentrionale, la plus proche de la zone de front. Dans un Midi rhodanien éprouvé par les divisions politiques, ces réquisitions suscitent davantage l’animosité des populations, plus éloignées des forces coalisées. Les populations comtadines, anciennement exemptées de service militaire, figurent largement en tête des récalcitrants120. Face au Comtat rhodanien, entre Bourg-Saint-Andéol et Roquemaure, se dessine une autre zone importante de refus. On y retrouve des lieux, comme Roquemaure, déjà rétifs à la milice sous l’Ancien Régime. Le Midi rhodanien s’inscrit dans un espace régional plus ample de résistance aux réquisitions militaires, formant un trait d’union entre les collines ardéchoises et le Gard d’une part, le massif des Baronnies et l’ancien Haut-Comtat d’autre part. Cependant, les levées d’hommes de 1793 ne provoquent pas de soulèvements violents, comme en Vendée. Il s’agit, comme sous l’Ancien Régime, de brefs coups de sang sans lendemain, circonscrits à une commune. La possibilité laissée aux communes de recruter les hommes sur la base du volontariat désamorce en partie les conflits. Toutefois, l’absence de révolte à grande échelle ne doit pas masquer la grogne d’une partie des habitants qui refuse des réquisitions militaires plus contraignantes que par le passé. Alors que la communauté de Mondragon ne devait fournir qu’un seul homme pour le service de la milice sous l’Ancien Régime, le district d’Orange exige la levée de dix soldats en 1792 et de trente-neuf hommes supplémentaires entre avril et septembre 1793. Dans de telles conditions, les réquisitions sont loin de faire l’unanimité, y compris dans les villages les plus patriotes. Le notaire Chaumette, ardent Jacobin et administrateur du district de Pont-Saint-Esprit, dénonce les tentatives des « aristocrates » pour inciter les jeunes gens à ne pas servir dans les armées de la République121.

  • 122 L. Bergès, Résister à la conscription : 1798-1814. Le cas des départements aquitains, Paris, CTHS, (...)
  • 123 J. Waquet, « Réflexions sur les émotions populaires et le recrutement militaire de 1799 à 1831 », a (...)

57L’instauration en 1798 de la conscription par la loi Jourdan, qui décrète la mobilisation pour cinq ans de tous les jeunes âgés de 20 à 25 ans, accentue davantage l’hostilité des populations méridionales. Contrairement au nord de la vallée du Rhône, qui se plie systématiquement aux réquisitions demandées par le gouvernement et ignore dès lors les remises en cause violentes du phénomène conscriptionnaire, le Midi rhodanien est plus agité. Les manifestations du refus y sont plus violentes, sans toutefois égaler en intensité les insurrections du sud-ouest122. Celles-ci perdent en intensité dès les premières années du Consulat. Le couloir rhodanien rejoint les Alpes, le reste du Midi et la Normandie, où l’hostilité à la conscription fut temporaire, et s’oppose à des foyers de résistance « fondamentale et permanente » comme la Corse, les pays aquitains et le Massif central123.

  • 124 Y.M. Bercé, « Nostalgie et mutilations : psychoses de la conscription », in F. Lebrun, R. Dupuy (di (...)
  • 125 B. Vandeplas, « Le problème de la conscription dans la première moitié du XIXe siècle : un refus de (...)
  • 126 Pour les contemporains, il y a une nuance entre le déserteur (soldat quittant son corps sans autori (...)

58Les formes de la résistance aux réquisitions militaires sont multiples et bien connues : délivrance de faux passeports, mutilations124 et mariages de complaisance notamment125. Nous nous focaliserons sur les formes du refus les plus conflictuelles : émeute lors des recrutements et désertion ou insoumission126. En effet, l’une des manifestations d’hostilité la plus courante consiste, comme sous l’Ancien Régime, à boycotter le recrutement des soldats ou à perturber son bon déroulement. En août 1793, la municipalité d’Étoile peine à enrôler les réquisitionnaires qui refusent de partir en guerre. Les administrateurs doivent s’y prendre à cinq reprises pour arriver à assembler tous les citoyens compris dans la première classe. Le 23 août au matin, au terme d’une très longue assemblée électorale ayant duré toute la nuit, une partie des habitants encercle l’église dans laquelle se tient l’assemblée, disperse les scrutateurs et s’empare des papiers et des listes des réquisitionnaires. La crise ne va pas plus loin. Les habitants refusent que certains jeunes soient désignés pour voler aux frontières. L’étroite surveillance de la commune par le district désamorce toute nouvelle tentative d’obstruction aux réquisitions militaires, malgré la grogne des habitants. Parfois, ce sont les juges de paix, chargés notamment de poursuivre les réquisitionnaires récalcitrants, qui subissent les foudres des opposants aux levées militaires. En 1797, le juge de paix de Roquemaure, Pierre-Louis Chanut, est molesté par une troupe de jeunes qui encercle sa maison, en force l’entrée et emporte toutes les procédures les concernant. Choqué par cet attentat, Chanut donne sa démission dans la foulée. La réaction des communautés contre le prélèvement militaire est dans le droit fil de ce qu’elle était sous l’Ancien Régime, avec un facteur multiplicatif probablement dû à l’accentuation sans commune mesure du poids que les différentes réquisitions font peser sur les familles.

  • 127 J. Paquet, « Les Dauphinois face au service militaire : les problèmes de la conscription dans l’Isè (...)
  • 128 A. Forrest, Déserteurs et insoumis… op. cit., p. 88.
  • 129 A. Lignereux, La France rébellionnaire. Les résistances à la gendarmerie (1800-1859), Rennes, PUR, (...)
  • 130 AN, AFIV 1126-1146, situation des départements sur les réfractaires des classes de 1806, 1807, 1808 (...)

59Comme sous l’Ancien Régime, la désertion et l’insoumission constituent une autre illustration de l’hostilité des habitants aux levées d’hommes. En 1792, l’entrée de la France dans un long cycle de conflits internationaux bouleverse le quotidien de sociétés locales de plus en plus mises à contribution. Les différentes levées et surtout la mise en place de la conscription à partir de 1798, en concernant davantage d’hommes, multiplient les risques de désertion dans des zones où le service militaire est rejeté. D’après les cartes établies par Alan Forrest, les départements rhodaniens comptant les plus forts taux de désertion sont l’Isère127 et l’Ardèche, deux départements montagneux, avec 30 à 39 % de conscrits déserteurs128. Viennent ensuite le Gard, la Drôme et les Bouches-du-Rhône, dont les taux avoisinent les 20 à 30 %. Enfin, le Vaucluse, avec seulement 10 à 19 % de déserteurs clôt le classement. Des recherches plus récentes confirment ces observations129. En 1810, plus de 800 réfractaires sillonneraient le département de l’Ardèche, autour de 400 en Isère contre 283 dans la Drôme, 150 en Vaucluse et 145 dans le Gard130. Toutefois, ces données, éclairantes au niveau départemental et national, ne reflètent pas les disparités internes à chaque département. En Isère par exemple, le rejet de la conscription ne prend une dimension conflictuelle que dans la zone alpine (Vercors, Chartreuse) tandis que la frange rhodanienne demeure particulièrement calme. En revanche, dans le Midi rhodanien, la désertion et l’insoumission posent un réel problème. Déserteurs et insoumis y sont particulièrement nombreux. Leur nombre dépasse de loin la part de réfractaires à la milice d’Ancien Régime.

  • 131 V. Sottocasa (dir.), Criminalité et protestation politique (1750-1850), Rennes, PUR, 2013 ; Les bri (...)
  • 132 F.X. Emmanuelli, Pouvoir royal et vie régionale en Provence au déclin de la monarchie. Psychologie, (...)
  • 133 L. Andries (dir.), Cartouche, Mandrin et autres brigands du XVIIIe siècle, Paris, Desjonquières, 20 (...)

60Les autorités redoutent ces militaires en rupture de ban, susceptibles de rejoindre ou de former des bandes de brigands qui infestent les départements méridionaux131. La Révolution n’invente pas le brigandage et le Midi est, déjà à la fin de l’Ancien Régime, une terre de prédilection du banditisme132. En Dauphiné, le souvenir de Mandrin ou de Cartouche résonne encore dans l’esprit des populations133. Cependant, en mobilisant un plus grand nombre de soldats, la Révolution accentue les désertions et les risques que déserteurs et insoumis grossissent les rangs des brigands. Leur zone d’action est délimitée à l’est par le massif des Baronnies et le HautComtat et à l’ouest par les Cévennes et les montagnes d’Ardèche. Le milieu naturel de la basse vallée du Rhône, de Montélimar à Roquemaure, laisse l’opportunité aux brigands et déserteurs de se cacher dans des massifs boisés faisant office d’avant-postes. Ils profitent de la relative facilité à franchir le Rhône pour échapper aux gendarmes.

  • 134 B. Grissolange, « Les brigands, le brigandage et les honnêtes gens », in M. Cubells (dir.), La Révo (...)

61La Révolution offre une nouvelle caisse de résonance au brigandage en lui conférant une dimension politique. En effet, en plus des voyageurs régulièrement détroussés entre Donzère et Orange, les brigands ciblent particulièrement les Jacobins radicaux, les administrateurs trop zélés dans l’application des mesures révolutionnaires ou des acquéreurs de biens nationaux, renforçant ainsi dans les imaginaires politiques la collusion entre brigandage et contre-révolution134. Dans un quadrilatère délimité par Bourg-Saint-Andéol, Donzère, Orange et Bagnols, le brigandage de la fin du Directoire et des premières années du Consulat vire aux règlements de compte politiques. Dans cet espace où les vendettas sont particulièrement meurtrières depuis l’an III, les réfractaires aux prélèvements militaires s’en prennent aux républicains « exclusifs », accusés notamment d’être la cheville ouvrière du gouvernement dans l’application des mesures conscriptionnaires. Peu de temps après le coup d’État du 18 brumaire an VIII, les édiles bollénois doivent se réfugier et tenir leurs séances dans l’hôtel de ville de Pont-Saint-Esprit, tant ils sont menacés. Les déserteurs du canton de Bollène, qui s’étaient déjà distingués en l’an IV par le meurtre du général Dours, harcèlent régulièrement les républicains. Par ailleurs, les troupes rebelles d’Arnaud de Lestang et du baron de Saint-Christol, tous deux anciens militaires, sont composées en partie de déserteurs ou d’insoumis. Entre Donzère et Bagnols, le brigandage politique germe sans surprise dans des lieux où les antagonismes les plus vifs, hérités des premières années de la Révolution, ont profondément divisé et politisé les populations. Dans ces espaces, le brigandage constitue un support important de la contestation politique, à un moment où la pratique du vote en assemblée est de plus en plus contrôlée par l’un des différents « partis » et à une époque où l’opposition n’a guère le droit à la parole.

  • 135 AD Drôme, L 369, lettre du général Pellapra à Curnier, 4 thermidor an IV.

62Dans le Midi de la France, le brigandage s’est considérablement développé parce que les déserteurs et les brigands bénéficient souvent de la complicité des populations locales. En 1796, le commandant militaire de Pierrelatte dénonce la collusion des administrateurs municipaux, accusés de feindre d’ignorer les déserteurs tout en les prévenant des mouvements de la force armée135. De plus, les autorités civiles et militaires souffrent d’un manque total de coordination dans son éradication. Sous le Second Directoire et plus encore dans les premiers mois du Consulat, une plus grande cohésion entre les acteurs de la lutte contre le brigandage, l’application de mesures d’exception – comme l’état de siège et le durcissement de la législation –, et les amnisties affaiblissent progressivement le brigandage sans toutefois l’éradiquer. En fait, sa nature évolue entre le Second Directoire et le début du Consulat. Le brigandage politique fait place au banditisme de droit commun.

  • 136 D. Biloghi, Logistique et Ancien Régime : de l’étape royale à l’étape languedocienne, Montpellier, (...)
  • 137 L. Brassart, M. Kaci, « Actions collectives et mobilisations politiques dans les départements picar (...)

63Enfin, la forte mobilité des forces armées, sans commune mesure avec l’Ancien Régime, génère des conflits à plus grande échelle. Les étapes militaires suscitent, comme par le passé, des frictions avec les habitants136. Les armées révolutionnaires représentent une charge matérielle et une présence encombrante pour les communes. Par ailleurs, les rixes entre soldats étrangers au lieu et les habitants, ou entre militaires de différents corps, sont fréquentes dans les cabarets et omniprésentes dans le quotidien des hommes quelle que soit la période étudiée. Toutefois, l’appropriation de nouveaux concepts politiques par les populations locales et par les soldats transforme ces conflits anciens dans un contexte révolutionnaire. Soldats en garnison, ou simplement de passage, peuvent être instrumentalisés par les différentes factions, intégrant dès lors l’échiquier local et devenant des acteurs majeurs des violences politiques. En mai 1793, les volontaires avignonnais commandés par Agricol Moureau sèment le trouble à Beaucaire. La cité, encore échaudée par la bagarre d’avril 1793 ayant conduit à la défaite des républicains « exclusifs », passe pour une citadelle « aristocrate », à la lisière de bastions jacobins comme Tarascon ou Arles. Rédacteur au Courrier d’Avignon dans lequel il ne cesse de flétrir régulièrement la municipalité de Beaucaire pour son « modérantisme », Moureau a très probablement contribué à véhiculer parmi ses hommes l’image répulsive de l’administration municipale de Beaucaire. Le 3 mai 1793, une centaine de volontaires en garnison à Tarascon franchissent le fleuve pour mener une expédition punitive contre la cité. Ces conflits sont révélateurs des divisions politiques du Midi rhodanien. Dans les luttes implacables qui opposent les différentes factions, le soutien de la force armée, détentrice d’une certaine légitimité et surtout d’une force de frappe, est parfois nécessaire pour faire pencher la balance. L’intrusion des armées révolutionnaires dans les dynamiques politiques locales se retrouve également dans les espaces frontaliers, comme les départements de la France septentrionale137.

64Les levées en masse de la décennie révolutionnaire et l’instauration de la conscription accentuent les tensions, sans toutefois déboucher sur des conflits aussi violents que dans l’ouest et le sud-ouest de la France. Au-delà de quelques révoltes sans lendemain, les refus du prélèvement militaire, dont la charge s’est lourdement amplifiée pour les familles par rapport à la menace que pouvait représenter la milice, empruntent surtout la forme, comme par le passé mais à plus grande échelle, de l’insoumission ou de la désertion. Ces dernières alimentent le brigandage, endémique dans le Midi rhodanien, en lui apportant une coloration politique qu’il n’avait jamais eue auparavant. Les guerres de la Révolution et de l’Empire avivent les luttes partisanes en offrant à des militaires politisés l’opportunité d’intervenir dans les dynamiques conflictuelles rhodaniennes, concourant ainsi à bouleverser davantage des échiquiers politiques perturbés par le processus révolutionnaire.

65La nationalisation de la vie politique locale sous la Révolution offre une nouvelle caisse de résonance à d’anciens objets de conflits en leur conférant une nouvelle dimension. La Révolution réactive et amplifie des clivages et des pratiques d’opposition d’Ancien Régime (refus du curé étranger, défense des pratiques cultuelles, refus du service militaire, combat contre le seigneur, passage des militaires) tout en en créant de nouveaux (question du serment, déchristianisation, brigandage politique, etc.) et mobilise plus de lieux et davantage d’acteurs que par le passé. Cette mutation atteste l’acclimatation des habitants à la nouvelle culture politique révolutionnaire, reposant tant sur l’apprentissage de nouveaux codes que sur la réadaptation de pratiques anciennes. La Révolution favorise en effet la résurgence de pratiques conflictuelles héritées des guerres de Religion ou des soulèvements antiseigneuriaux du XVIIe siècle (propagation des révoltes antiseigneuriales de 1789 et 1792 par contagion, mobilisation de plusieurs centaines d’individus, attaque des châteaux, etc.). Par ailleurs, l’appropriation de la terminologie révolutionnaire concourt à redéfinir les rapports que les populations entretiennent avec leur espace quotidien et avec les individus, selon des critères idéologiques définis hors du cadre communautaire. Ainsi, la radicalisation du processus révolutionnaire génère une perception partisane et fantasmagorique d’un espace public chargé d’une nouvelle symbolique (évolution de la représentation du château, dégradation de l’image de l’adversaire, etc.) qui alimente un certain imaginaire politique. Enfin, l’inégale intensité de la conflictualité locale trahit l’existence d’une multiplicité de vécus révolutionnaires. Dans le nord du couloir rhodanien, les communautés résistent mieux aux fractures. Par conséquent, les mutations de la conflictualité locale se traduisent par un sursaut identitaire et communautaire : unanimisme face à l’ingérence révolutionnaire en matière de foi, de réquisitions militaires ou dans la lutte contre les privilèges seigneuriaux. En revanche, dans le Midi rhodanien, les nouvelles dimensions de la conflictualité locale accentuent les divisions politiques héritées du XVIIIe siècle ou des premières années de la Révolution tout en contribuant, par leur violence, à la formation d’antagonismes durables.

Note

1 H. Delpont, La victoire des croquants. Les révoltes paysannes du grand sud-ouest pendant la Révolution (1789-1799), Nérac, Les Amis du vieux Nérac, 2002, p. 305.

2 N. Bourguignat, Les grains du désordre. L’État face aux violences frumentaires dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 2002.

3 D. Margairaz, P. Minard, « Marché des subsistances et économie morale : ce que « taxer » veut dire », AHRF, 352, 2008, p. 53-99.

4 L.A. Tilly, « La révolte frumentaire, forme de conflit politique en France », Annales ESC, 27e année, n° 3, 1972, p. 731-757 ; E.P. Thomson, F. Gauthier, G.R. Ikni (dir.), La guerre du blé au XVIIIe siècle : la critique populaire contre le libéralisme économique, Montreuil, Éditions de la Passion, 1988. Plus récemment, Haïm Burstin montrait comment la question de l’approvisionnement alimentaire des populations du faubourg Saint-Marcel avait politisé les discours et conditionné les attitudes politiques : H. Burstin, Une révolution à l’œuvre : le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Paris, Champ Vallon, 2005.

5 F. Hincker, Les Français devant l’impôt sous l’Ancien Régime, Paris, Flammarion, 1971, p. 6476 ; C. Tilly, La France conteste : de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986, p. 253.

6 R. Pillorget, Les mouvements insurrectionnels de Provence entre 1596 et 1715, Paris, Pedone, 1975.

7 H. Bourderon, « La lutte contre la vie chère dans la généralité de Languedoc au XVIIIe siècle », AM, 66, 26, 1954, p. 155-170 ; É. Pélaquier, « Les mouvements anti-fiscaux en Languedoc d’après les archives de la Cour des Comptes, Aides et Finances de Montpellier (1660-1789) », AM, 111, 225, 1999, p. 5-29 ; A.M. Duport, « Les mouvements populaires dans les diocèses civils de Nîmes, Uzès et Alès de 1740 à 1789 », AM, 111, 225, 1999, p. 31-45 ; M. Lapied, « Les mouvements populaires à Avignon et dans le Comtat Venaissin au XVIIIe siècle », Provence historique, 36, 143, 1986, p. 325-338.

8 J. Nicolas, La rébellion française (1661-1789), Paris, Gallimard, 2008, p. 46-47.

9 Ibid, p. 53-54.

10 Ibid, p. 326-327.

11 Y. Castan, « Attitudes et motivations dans les conflits entre seigneurs et communautés devant le Parlement de Toulouse au XVIIIe siècle », in Les villes de l’Europe méditerranéenne et de l’Europe occidentale du Moyen-Âge au XIXe siècle, actes du colloque de Nice (27-28 mars 1969), Paris, Les Belles Lettres, 1969, p. 233.

12 A. Follain, Le village sous l’Ancien Régime… op. cit., p. 433.

13 J. Sauvageon, « Les cadres de la société rurale dans la Drôme à la fin de l’Ancien Régime : survivances communautaires, survivances féodales et régime seigneurial », in Aux origines provinciales de la Révolution… op. cit., p. 42-44.

14 A. Barruol, V. Sottocasa, « Contestation et vie sociale en Basse-Provence au XVIIIe siècle », Provence historique, 36, 145, 1986, p. 289.

15 AD Hérault, C 6865, lettre du subdélégué Roussel, 11 octobre 1775.

16 AD Hérault, C 6859, lettre du comte de Brancas-Laudun au commandant en chef de la province de Languedoc, 22 juin 1751.

17 Même constat en Normandie : G. Lemarchand, La fin du féodalisme dans le pays de Caux. Conjoncture économique et démographique et structure sociale dans une région de grande culture, de la crise du XVIIe siècle à la stabilisation de la Révolution (1640-1795), Paris, CTHS, 1989, p. 375.

18 J. Gallet, « Réflexion sur la réaction seigneuriale et féodale en France au XVIIIe siècle », in États et société en France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mélanges offerts à Yves Durand, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2000, p. 243-257 ; A. Fillon, « Réflexion sur la réaction seigneuriale et féodale en France au XVIIIe siècle », in Y. Durand, L’ordre du monde… op. cit., p. 240-257.

19 N. Vivier, Propriété collective et identité communale. Les biens communaux en France, 1750-1914, Paris, Publications de la Sorbonne, 1998.

20 La défense des droits collectifs et communaux arrive en tête du classement des révoltes : J. Nicolas, La rébellion française… op. cit., p. 230 ; P.Y. Beaurepaire, Échec au roi. Irrespect, contestations et révoltes dans la France des Lumières, Paris, Belin, 2015, p. 279-282 ; G. Lemarchand, « Le féodalisme dans la France rurale des temps modernes. Essai de caractérisation », in G. Lemarchand, Féodalisme, société et Révolution française. Études d’histoire moderne, XVIe-XVIIIe siècles, Caen, n° spécial des Cahiers des annales de Normandie, n° 30, 2000, p. 19.

21 N. Castan, Les criminels de Languedoc. Les exigences d’ordre et les voies du ressentiment dans une société pré-révolutionnaire (1750-1790), Toulouse, Presses universitaires de ToulouseLe Mirail, 1980, p. 86 ; F.X. Emmanuelli, « Une relecture de la pré-révolution provençale », in P.L. Féral (dir.), La France pré-révolutionnaire, Paris, Publisud, 1991, p. 100.

22 L. Combaluzier, Le marquisat de Saint-Marcel-de-Pierre-Bernis : la liberté perdue au XVIIIe siècle, maîtrise (dir. F. Moreil), université d’Avignon, 1999-2001, p. 21.

23 A. Molinier, Stagnation et croissance. Le Vivarais aux XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Éditions de l’EHESS, 1985, p. 81-83.

24 J.L. Issartel, « Sus au marquis ! Contestation antiseigneuriale à Saint-Marcel-de-Pierre-deBernis », Mémoire d’Ardèche : temps présent, 62, 1999, p. 14.

25 H. Dubled, Histoire du Comtat Venaissin, Carpentras, Broché, 1981, p. 134-135.

26 P. Salvadori, La chasse sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1996, p. 343.

27 AD Ardèche, E dépôt 45, BB 15, délibération du 20 janvier 1763.

28 A.M. Cocula-Vaillières, « La contestation des privilèges seigneuriaux dans le fonds des Eaux et Forêts. L’exemple aquitain dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », in Mouvements populaires... op. cit., p. 214.

29 AD Hérault, C 6881, lettre du marquis de Bernis au commandant en chef de la province de Languedoc, 4 mars 1763.

30 G. Sabatier, Le vicomte assailli : économie rurale, seigneurie et affrontements sociaux en Languedoc des montagnes (Velay, Vivarais, Gévaudan aux XVIIe et XVIIIe siècles), Saint Vidal, Centre d’étude de la vallée de la Borne, 1988, p. 423.

31 G. Astoul, « Solidarités paysannes au pays des croquants au XVIIIe siècle », AHRF, 311, 1998, p. 25-48.

32 J.J. Clère, Les paysans de Haute-Marne et la Révolution française, Paris, CTHS, 1988, p. 132 et suiv.

33 J. Nicolas, « La seigneurie en Languedoc au XVIIIe siècle. Les derniers jours », in J. Fouilleron, R. Andréani (dir.), Villes et représentations urbaines dans l’Europe méditerranéenne (XVIe-XVIIIe siècles). Mélanges offerts à Henri Michel, Montpellier, PUM, 2011, p. 263.

34 Y.M. Bercé, Croquants et nu-pieds. Les soulèvements paysans en France du XVIe au XIXe siècle, Folio histoire, Paris, Gallimard, 1991 [1974], p. 57-149.

35 R. Mousnier, Fureurs paysannes. Les paysans dans les révoltes du XVIIe siècle (France, Russie, Chine), Paris, Calmann-Lévy, 1967, p. 138-141.

36 J. Gallet, Seigneurs et paysans en France (1600-1793), Rennes, Ouest-France, 1999, p. 238.

37 E. Le Roy-Ladurie, « Révoltes et contestations rurales en France de 1675 à 1788 », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1, 1974, p. 15.

38 C. Grimmer, « Seigneurs et paysans : fidélités », in Le paysan. Actes du 2e colloque d’Aurillac 2-3-4 juin 1988, Paris, Éditions Christian, 1989, p. 181-192.

39 J.J. Clère, « L’abolition des droits féodaux en France », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 94-95, 2005, p. 139.

40 P.J. Hesse, « Géographie coutumière et révolte paysanne en 1789. Une hypothèse de travail », AHRF, 236, 1979, p. 287.

41 P. Cavard, La Grande Peur en Viennois, Vienne, Blanchard, 1988.

42 V. Chomel, « La Grande Peur et la Révolution des paysans dauphinois », in V. Chomel (dir.), Les débuts de la Révolution... op. cit., p. 176.

43 J. Egret, Le Parlement de Dauphiné et les affaires publiques dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Le Parlement et la Révolution dauphinoise (1775-1790), Roanne, Horvath, 1942, p. 344-354.

44 P. Jones, Liberty and Locality in Revolutionnary France, six villages compared, 1760-1820, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 100.

45 I. Rubinstein, Révolution et Contre-révolution. Les mouvements paysans en Ardèche, 17891792, maîtrise (dir. M. Vovelle), université de Provence, 1984-1985, p. 55.

46 M. Vovelle, De la cave au grenier. Un itinéraire en Provence au XVIIIe siècle. De l’histoire sociale à l’histoire des mentalités, Québec, Serge Fleury, 1980, p. 143.

47 Même si Anatoli Ado remarquait une certaine analogie entre droits seigneuriaux imposants et insurrections antiseigneuriales : A. Ado, Paysans en révolution… op. cit., p. 190.

48 P. Jones, « Paysans et seigneurs dans la France de 1789. La construction d’une arène politique locale dans une terre adjacente de Provence », in C. Belmonte, C. Peyrard (dir.), Peuples en Révolution... op. cit., p. 11-24.

49 AM Orange, D 3338, lettre du comte de La Baume-Suze au comité permanent d’Orange, 4 août 1789.

50 J.P. Jessenne, Les campagnes françaises... op. cit., p. 131.

51 G. Aubert, Les révoltes du papier timbré, 1675. Essai d’histoire événementielle, Rennes, PUR, 2014, p. 367-371.

52 J. Nicolas, La Révolution... op. cit., p. 85.

53 J.N. Luc, Paysans et droits féodaux en Charente-Maritime pendant la Révolution française, Paris, CTHS, 1984.

54 A. Soboul, Problèmes paysans de la Révolution, 1789-1848, Paris, François Maspero, 1983, p. 269.

55 P. Goujard, L’abolition de la féodalité dans le pays de Bray (1789-1793), Paris, CTHS, 1979.

56 Sur ce point, voir les travaux d’Anne Conchon : Le péage en France au XVIIIe siècle. Les privilèges à l’épreuve de la réforme, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002.

57 J. Boutier, Campagnes en émoi. Révoltes et révolution en Bas-Limousin (1789-1800), Treignac, Les Monédières, 1987, p. 37-109 ; R. Dupuy, De la Révolution à la chouannerie. Paysans en Bretagne, 1788-1794, Saint-Just-la-Pendue, Flammarion, 1988, p. 57-121.

58 Marie-Philippe de Gramont-Vachères (1719-1800), gouverneur de Crest en Dauphiné et duc de Caderousse, il est aussi seigneur de Codolet et baron du Thor.

59 A. de Boulard d’Olonne, Les barons comtadins. Essai sur la féodalité dans le Comtat Venaissin au XVIIIe siècle, Avignon, Seguin, 1917, p. 178 ; R. Blaufarb, « La banalité d’une seigneurie féminine : Eyguières versus Sade », in Haro sur le seigneur ! Les luttes anti-seigneuriales dans l’Europe médiévale et moderne, actes des XXIXes Journées Internationales d’Histoire de l’Abbaye de Flaran, 5-6 octobre 2007, textes réunis par Ghislain Brunel et Serge Brunet, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2009, p. 33-44.

60 AM Caderousse, BB 33, délibération municipale du 7 mars 1790.

61 AM Caderousse, 2 J 5, lettre de Costaing à M. de Gérente, 29 mai 1790.

62 Voir annexe sur HAL.

63 S. Maurette-Mondet, La « Peur » d’avril 1792 dans le département du Gard. Rumeurs et brûlements de châteaux, doctorat (dir. G. Gavignaud-Fontaine), université Paul Valéry, 2002, 2 vol.

64 J. Godechot, Le comte d’Antraigues : un espion dans l’Europe des émigrés, Paris, Fayard, 1996.

65 A.M. Duport, « De la spontanéité à la structuration d’un mouvement populaire : l’exemple du Gard en 1792 », in Mouvements populaires... op. cit., p. 459.

66 M. Vovelle, De la cave au grenier... op. cit., p. 261.

67 É. Pélaquier, « Conflits de communauté et longue durée à Saint-Victor-de-la-Coste en Languedoc (1655-1848) », Provence historique, 37, 148, 1987, p. 166.

68 J.L. Issartel, « Les émeutes du printemps 1792 en Bas-Vivarais, de l’été et de l’automne dans le sud de la Drôme », Mémoire d’Ardèche temps présent, 62, 1999, p. 53.

69 M. Vovelle, De la cave au grenier... op. cit., p. 265.

70 J. Nicolas, La rébellion... op. cit., p. 269-270.

71 A. de Baecque, « Le discours anti-noble (1787-1792) aux origines d’un slogan : le peuple contre les gros », Revue d’histoire moderne et contemporaine, XXXVI, 1989, p. 3-28.

72 S. Pivoteau, « Nobles, aristocrates, châtelains : du pareil au même. Mobilisations contre une figure de l’ennemi et politisation des campagnes cantaliennes lors des troubles de mars 1792 », in P. Bourdin (dir.), Les noblesses françaises... op. cit., p. 547-562.

73 N. Alzas, « La représentation du noble, enjeu de la mobilisation patriotique pendant la Révolution », in P. Bourdin (dir.), Les noblesses françaises... op. cit., p. 571.

74 AM Tain, BB 7, délibération municipale du 24 août 1788.

75 AD Vaucluse, 2 E 9 674, mémoire du duc de Gramont, an VIII.

76 Contrairement au diocèse de Nîmes : A. Herrmann, « Les tentatives des protestants pour accéder à la charge consulaire dans la seconde moitié du XVIIIe siècle à Calvisson » in F. Pugnière (dir.), Les cultures politiques à Nîmes et dans le Bas-Languedoc oriental du XVIIe siècle aux années 1970. Affrontements et dialogues, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 59-67.

77 Les rébellions contre le clergé ou ayant à trait à la religion représentent respectivement 1,2 % et 3,1 % des 8 528 émotions recensées : J. Nicolas, La rébellion française... op. cit., p. 53-54.

78 AD Drôme, B 606, déposition d’Antoine-Henri Navelle, 19 avril 1771.

79 J.L. Ormières, « Politique et religion dans l’Ouest », Annales ESC, 40, 5, 1985, p. 1061.

80 M. Vovelle, « Le poids des affrontements religieux dans la formation des options collectives méridionales sous la Révolution française », in Religion, Révolution, Contre-révolution... op. cit., p. 218.

81 La question de l’accaparement des biens communaux par plusieurs propriétaires fonciers, brûlante sous l’Ancien Régime, est réactivée par la Révolution.

82 T. Robert, Le diocèse du Tricastin à la veille de la Révolution française, maîtrise (dir. C. Lamarre et C. Frostin), université Jean Moulin, 1997-1998, p. 29.

83 J. Chevalier, L’Église constitutionnelle et la persécution religieuse dans le département de la Drôme pendant la Révolution (1790-1801), Valence, Jules Céas et fils, 1919, p. 127.

84 Parmi les travaux les plus récents : J.C. Martin, La révolte brisée. Femmes dans la Révolution et l’Empire, Paris, Armand Colin, 2008 ; É. Viennot, Et la modernité fut masculine. La France, les femmes et le pouvoir, 1789-1804, Paris, Perrin, 2016.

85 M. Lapied, « La fanatique contre-révolutionnaire, réalité ou représentation ? », in L. Capdevilla, S. Cassagnes, M. Cocaud, D. Godineau, F. Rouquet, J. Sainclivier (dir.), Le genre face aux mutations. Masculin et féminin du Moyen-Âge à nos jours, Rennes, PUR, 2003, p. 255-364.

86 M. Lapied, « Les Comtadines et la Révolution française : une défense prioritaire de l’identité religieuse ? », in G. Audisio (dir.), Religion et identité, Aix-en-Provence, PUP, 1998, p. 172.

87 A. Chenivesse, « Salvator, chef révolutionnaire à Donzère », Recherches donzéroises. Bulletin de l’association des amis du vieux Donzère, 17, 1991, p. 91-97.

88 J. Ferrand, Histoire de la principauté de Donzère, Paris, Maison Quantin, 1887, p. 271.

89 M. Vovelle, « Aristocrate ou fanatique : le portrait à charge du prêtre dans les images de la Révolution française », in H. Berlan, P.Y. Kirschleger, J. Fouilleron, H. Michel (dir.), L’anticléricalisme de la fin du XVe au début du XXe siècle. Discours, images et militances, Paris, Michel Houdiard éditeur, 2011, p. 143-153.

90 J. Foa, « Devenir huguenot pas à pas. La contribution de l’espace urbain à l’incorporation des identités confessionnelles au temps des guerres de Religion », in L. Croq, D. Garrioch (dir.), La religion vécue… op. cit., p. 45-65.

91 V. Sottocasa, Mémoires affrontées... op. cit., p. 68-75.

92 M. Lapied, « La question religieuse et le refus de la France révolutionnaire dans le Comtat Venaissin », in Religion, Révolution, Contre-révolution... op. cit., p. 59-65 ; J.P. Nicoli, Le clergé et la vie religieuse en Arles sous la Révolution (1789-1802), maîtrise (dir. M. Vovelle), université d’Aix-enProvence, 1981-1982.

93 J. Nicolas, La rébellion... op. cit., p. 752.

94 M. Vovelle, Religion et Révolution. La déchristianisation de l’an II, Paris, Hachette, 1976.

95 A. Corbin, Les cloches de la Terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes du XIXe siècle, Roubaix, Champs histoire, 2013 [1994], p. 44 et p. 128.

96 M. Vovelle, La Révolution contre l’Église. De la Raison à l’Être suprême, Bruxelles, Éditions Complexe, 1988, p. 120.

97 AD Ardèche, E dépôt 45, D 2, délibération municipale du 3 nivôse an II.

98 X. Maréchaux, Noces révolutionnaires. Le mariage des prêtres en France, 1789-1815, Paris, Vendémiaire, 2017.

99 AM Tain, 1 D 32, délibération municipale du 22 février 1791.

100 C. Genest, Tain au quotidien (122 av. J.-C.-1800), Tournon, Éditions Claude Genest, 1991, p. 160.

101 J. Nicolas, La rébellion... op. cit., p. 741-742.

102 J.N. Hood, « Permanence des conflits traditionnels sous la Révolution : l’exemple du Gard », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 24-1, 1977, p. 602-640.

103 AD Vaucluse, 1 M 50, lettre du préfet au ministre de l’Intérieur, 28 mai 1806.

104 Même constat dans le Var : M. Agulhon, La vie sociale… op. cit., p. 408.

105 A. Rouquette, Les cahiers de doléances du Tiers-État de la sénéchaussée de Nîmes pour les ÉtatsGénéraux de 1789, Nîmes, Lacour/Eruditate Indagationes, 1989, p. 86.

106 J. Gébelin, Histoire des milices provinciales (1688-1791). Le tirage au sort sous l’Ancien Régime, Paris, Hachette, 1882, p. 84.

107 A. Corvisier, L’armée française de la fin du XVIIe siècle au ministère Choiseul. Le soldat, Paris, PUF, 1964, p. 113.

108 A. Crépin, Défendre la France. Les Français, la guerre et le service militaire, de la guerre de sept ans à Verdun, Rennes, PUR, 2005, p. 23.

109 En Provence, seuls 2,5 % des hommes sont miliciens entre 1783 et 1789 : C. Vignes, Les milices en Provence de la fin du XVIIe siècle à la Révolution, Aix-en-Provence, Office universitaire de polycopie, 1953, p. 40.

110 A. Corvisier, Histoire militaire de la France de 1715 à 1871, Paris, PUF, 1992, p. 19.

111 E. Pélaquier, « Le recrutement des milices provinciales en Languedoc au XVIIIe siècle. Première approche », Histoire et défense. Les cahiers de Montpellier, 21, 1/1990, p. 56.

112 P. Roux, « Le recrutement de la milice royale au XVIIIe siècle : l’exemple du bataillon d’Albi (1740-1771) », AM, 108, 216, 1996, p. 466-468.

113 J. Nicolas, La rébellion… op. cit., p. 586.

114 D. Biloghi, É.Pélaquier, « Le village et l’armée en Languedoc à l’époque moderne », Les villageois face à la guerre (XIVe-XVIIIe siècle), actes des XXIe Journées Internationales de l’Histoire de l’Abbaye de Flaran, 8, 9, 10 septembre 2000, études réunies par Christian Desplat, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2002, p. 181.

115 Voir annexes sur HAL.

116 AD Gard, C 238-C 241, levées des miliciens pour les années 1775 à 1780.

117 AD Gard, C 245-C 249, levées des miliciens pour les années 1784 à 1788.

118 J.P. Bertaud, La Révolution armée. Les soldats-citoyens et la Révolution française, Paris, Robert Laffont, 1979, p. 66.

119 A. Forrest, Déserteurs et insoumis sous la Révolution et l’Empire, Paris, Perrin, 1988, p. 35.

120 Même constat dans le Roussillon : M. Brunet, Le Roussillon... op. cit., p. 297.

121 AD Gard, L 809, Lettre de Chaumette au directoire du district de Pont-Saint-Esprit, 25 mars 1793.

122 L. Bergès, Résister à la conscription : 1798-1814. Le cas des départements aquitains, Paris, CTHS, 2002, p. 161-162.

123 J. Waquet, « Réflexions sur les émotions populaires et le recrutement militaire de 1799 à 1831 », actes du 91e congrès des Sociétés savantes, Rennes, 1966, section d’histoire moderne et contemporaine, Paris, Broché, 1969, p. 51-74.

124 Y.M. Bercé, « Nostalgie et mutilations : psychoses de la conscription », in F. Lebrun, R. Dupuy (dir.), Les résistances à la Révolution... op. cit., p. 171-179.

125 B. Vandeplas, « Le problème de la conscription dans la première moitié du XIXe siècle : un refus de l’identité nationale ? L’exemple cantalien », AHRF, 329, 2002, p. 17-40.

126 Pour les contemporains, il y a une nuance entre le déserteur (soldat quittant son corps sans autorisation) et l’insoumis (individu refusant de servir sous les drapeaux et fuyant l’enrôlement).

127 J. Paquet, « Les Dauphinois face au service militaire : les problèmes de la conscription dans l’Isère sous le Consulat et l’Empire », Bulletin mensuel de l’Académie delphinale, mars 1975, 8e série, 14e année, 3, p. 54-66.

128 A. Forrest, Déserteurs et insoumis… op. cit., p. 88.

129 A. Lignereux, La France rébellionnaire. Les résistances à la gendarmerie (1800-1859), Rennes, PUR, 2008, p. 25.

130 AN, AFIV 1126-1146, situation des départements sur les réfractaires des classes de 1806, 1807, 1808, 1809, 1810 et 1811.

131 V. Sottocasa (dir.), Criminalité et protestation politique (1750-1850), Rennes, PUR, 2013 ; Les brigands et la Révolution. Violences politiques et criminalité dans le Midi (1789-1802), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016.

132 F.X. Emmanuelli, Pouvoir royal et vie régionale en Provence au déclin de la monarchie. Psychologie, pratiques administratives, défrancisation de l’intendance d’Aix, 1745-1790, Lille, Service de reproduction des thèses, vol. 1, 1974, p. 76.

133 L. Andries (dir.), Cartouche, Mandrin et autres brigands du XVIIIe siècle, Paris, Desjonquières, 2010.

134 B. Grissolange, « Les brigands, le brigandage et les honnêtes gens », in M. Cubells (dir.), La Révolution française : la guerre et la frontière, Paris, CTHS, 2000, p. 462.

135 AD Drôme, L 369, lettre du général Pellapra à Curnier, 4 thermidor an IV.

136 D. Biloghi, Logistique et Ancien Régime : de l’étape royale à l’étape languedocienne, Montpellier, Publications de l’université Paul Valéry, 1998.

137 L. Brassart, M. Kaci, « Actions collectives et mobilisations politiques dans les départements picards et septentrionaux en 1792. Quelles spécificités ? », in C. Belmonte, C. Peyrard (dir.), Peuple en Révolution... op. cit., p. 91.

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