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Révolutionner les cultures politiques

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Nicolas Soulas

Première partie : recompositions sociopolitiques et comportements antagonistes (vers 1750-vers 1820)

Chapitre 3

Pouvoirs locaux et gouvernements d’exception (1793-1795)

Texte intégral

  • 1 M. Biard, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris (...)

1La crise de l’été 1793 redistribue les cartes en favorisant le retour des vaincus de 1792 tandis que la violence de sa répression accentue davantage les antagonismes en nourrissant un ardent désir de revanche. La gravité de la situation pousse la Convention à suspendre les élections jusqu’à la paix. Jusqu’à l’automne 1795, les administrations locales sont épurées et nommées par les représentants en mission qui s’appuient sur les clubs et sur quelques personnalités emblématiques pour former les nouvelles autorités constituées1. Il s’agit d’établir à présent si la mainmise parisienne se traduit par un profond renouvellement des pouvoirs locaux.

  • 2 J. Tulard, Les Thermidoriens, Paris, Fayard, 2005.
  • 3 J. Horn, « Toute politique est locale : une relecture critique de Le nombre et la raison : la Révol (...)

2Le « fédéralisme », la « Terreur » et la « réaction thermidorienne2 » ne peuvent plus se lire comme une simple greffe locale des événements parisiens. Au contraire, ils témoignent de la capacité d’adaptation des acteurs qui instrumentalisent les soubresauts de la politique nationale pour écarter des adversaires : chaque « parti » se voyant tour à tour « oppresseur ou opprimé »3. Après le 9 thermidor, l’effondrement des potentats de l’an II favorise le glissement progressif de la région dans une spirale de violence marquée par les règlements de compte politisés, dont l’inégale intensité atteste de l’enracinement des antagonismes hérités des débuts de la Révolution.

La crise politique de l’été 1793

Vivacité de l’opposition au jacobinisme radical

3La conquête des pouvoirs locaux par les patriotes « exclusifs » n’a pas totalement court-circuité une opposition méridionale qui leur est hostile. Dans les communes les plus divisées, cette victoire amplifie les désirs de revanche, comme à Mornas. Les conservateurs, regroupés autour d’Étienne Bouchon, ancien maire destitué au cours de l’été 1792, entrent en résistance à la fin de l’année 1792. Les anciens édiles et leurs alliés tentent de s’emparer de l’hôtel de ville tandis que Bouchon bat la campagne environnante à la recherche de soutiens. Quelques alliés de Mondragon répondent à l’appel et se précipitent sur Mornas. Une violente rixe éclate mais le coup de force échoue. Les plus compromis s’exilent tandis que les Bouchon, père et fils, sont emprisonnés à Marseille. Cette insurrection avortée reflète parfaitement la vigueur des antagonismes politiques méridionaux. Dans l’ancien Comtat, l’hostilité au jacobinisme radical résulte de l’accumulation des rancœurs provoquées par la guerre civile comtadine et l’annexion à la France. Les adversaires des Jacobins se recrutent parmi les anciens partisans du Pape. Les événements de 1791 ont dramatiquement cristallisé les tensions et interdisent tout retour à une vie politique normalisée.

  • 4 AD Gard, L 422, lettre d’Agricol Moureau au club des Jacobins de Beaucaire, 1er février 1793.

4Dans le reste du Midi, la radicalisation d’une partie des acteurs favorise les divisions. Dans les Bouches-du-Rhône, les républicains modérés contestent l’ingérence des commissaires marseillais, perçus et dénoncés comme des « anarchistes ». Le clivage entre modérés et patriotes plus avancés conduit parfois à la rupture, comme à Beaucaire. Le départ d’Agricol Moureau affaiblit les patriotes « exclusifs » qui perdent le contrôle de la municipalité fin 1792. Gardant une influence importance à Beaucaire, Moureau tente de reprendre le club en main et de chasser les « êtres indignes d’y paraître », modérés et conservateurs4. En février 1793, la frange la plus radicale des clubistes, ayant échoué à épurer le club, forme une société politique concurrente : la Société de Saint-Benoît. Le 1er avril 1793, un banquet civique organisé par la Société de Saint-Benoît, auquel des clubistes « exclusifs » de Tarascon ont été conviés, dégénère en combats de rue lorsque le club tente de s’emparer de l’hôtel de ville. Les édiles proclament la loi martiale et mobilisent la Garde nationale, dont l’état-major leur est entièrement acquis. Quatre « exclusifs » sont tués, les principaux chefs sont arrêtés et la municipalité procède à un désarmement général de ses adversaires. Les deux factions se rejettent la responsabilité de la « bagarre de Beaucaire ». L’opposition au jacobinisme « exclusif » rassemble au sein d’une fronde hétéroclite des patriotes modérés, condamnant les violences, et des éléments beaucoup plus conservateurs qui tirent les marrons du feu, comme le marquis de Clausonnelle, commandant de la Garde nationale, ou l’avocat Jacques Barthélémy Noailles, ancien procureur général syndic du district de Beaucaire. L’émergence de cette alliance de circonstance contre les « exclusifs » est annonciatrice d’une pratique qui se généralise à l’ensemble du Midi pendant la crise dite « fédéraliste ».

Le « fédéralisme » rhodanien, voie médiane ou option contre-révolutionnaire ?

5La crise dite « fédéraliste » bouleverse les échiquiers politiques en redistribuant les cartes. L’installation des sections et le passage dans les communes des corps expéditionnaires marseillais ou nîmois liquident de vieilles querelles politiques.

  • 5 J. Lahondère, « Le mouvement fédéraliste de 1793 dans un village vauclusien [Caderousse] », Bulleti (...)

6Dans les communes les plus divisées de la vallée du Rhône méridionale, la crise de l’été 1793 est particulièrement violente. La mise en place des sections s’accompagne parfois d’un coup de force qui renverse les autorités en place, comme à Tarascon, où les modérés et les adversaires de la municipalité jacobine arrêtent la quasi-intégralité du conseil municipal tandis que les « exclusifs » emprisonnés sont déférés à Marseille pour y être jugés. Les « fédéralistes » maintiennent un certain légalisme en ne se livrant pas à des exécutions sommaires. Le scénario se reproduit à l’identique dans l’ancien Comtat, surtout dans les citadelles conservatrices fraîchement conquises. Ainsi, à Caderousse, les adversaires des « exclusifs » vont jusqu’à Avignon haranguer des Marseillais pour qu’ils les aident à renverser la municipalité jacobine5.

7En parallèle, les insurgés s’en prennent systématiquement aux symboles de la liturgie jacobine, comme les locaux des clubs, tandis que les demeures des fuyards sont dévastées. À Bagnols, ville sévèrement châtiée pour la résistance de son club, ou à Pont-Saint-Esprit, les habitants profanent les temples du jacobinisme en brisant le mobilier ou en brûlant les papiers en place publique. Les clubs sont également emmurés pour gommer toute trace dans le paysage urbain et dans la mémoire collective du jacobinisme dans son expression la plus radicale.

  • 6 J. Nicolas, La Révolution... op. cit., p. 208.

8Dans le couloir rhodanien septentrional, la crise « fédéraliste » emprunte une voie plus modérée, portée par une partie des élus, comme l’illustre le cas viennois. Proche géographiquement et économiquement de Lyon, Vienne suit sa voisine dans la rébellion lorsque Grenoble est encore hésitante. Dès le 16 juin, les sections sont installées et agissent de concert avec la municipalité et le district avec lesquels elles siègent en permanence. La rébellion reste somme toute modérée et les Jacobins ne sont pas inquiétés. Toutefois, les élites politiques viennoises ne sont pas suivies par une frange importante de la population locale, notamment ouvrière, mobilisée par le club des Jacobins entré en résistance6. Pour sauver la face, les dissidents viennois profitent de la récupération de l’insurrection lyonnaise par les royalistes pour prendre leurs distances et se déclarent ennemis du « fédéralisme » le 2 juillet 1793. Les autres communes de l’axe Givors-Loriol, comme Tain ou Valence, connaissent également une crise très modérée, caractérisée par une absence de violences.

9La révolte « fédéraliste » confirme les comportements politiques des premières années de la Révolution. Comme le suggère la carte n° 5 ci-contre, les bastions conservateurs, conquis en 1792 par des patriotes « exclusifs » figurent en tête des zones les plus troublées au cours de l’été 1793. La comparaison de la carte des violences commises lors de l’été 1793 avec celle de la géographie électorale de l’automne 1792, fait clairement émerger une corrélation entre un « fédéralisme » violent et les foyers de jacobinisme radical.

  • 7 Ce terme, utilisé par les contemporains, désigne les participants aux assemblées de sections et, pa (...)

10Malgré la destruction de nombreux registres, 886 sectionnaires7 ont été recensés dans les communes les plus durement éprouvées par la crise (voir tableau n° 9 p. 172).

  • 8 C. Lucas, La structure de la Terreur. L’exemple de Javogues et du département de la Loire, Saint-Et (...)
  • 9 M. Vovelle, Les sans-culottes marseillais : le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme (...)

11Le mouvement sectionnaire recrute parmi toutes les catégories sociales. Contrairement à d’autres espaces touchés par la révolte, le « fédéralisme » rhodanien est aussi bien urbain que rural8. C’est d’ailleurs l’appui décisif d’un monde rural fortement politisé qui explique les premiers succès de la rébellion dans le Midi. Dans les villes, les « fédéralistes » se recrutent plus dans le monde du négoce ou de la boutique, comme à Marseille9. La noblesse n’apporte sa caution à la révolte que très localement, comme à Pont-Saint-Esprit. Pour la grande majorité des nobles, la rupture politique a eu lieu avant. L’état major du mouvement se recrute parmi les propriétaires fonciers, dans les bourgeoisies de talent ou d’affaires et plus rarement dans le monde de l’échoppe. En somme, élus de 1792 et « fédéralistes » appartiennent aux mêmes milieux sociaux.

CARTE N° 5 : UNE CRISE POLITIQUE D’UNE INÉGALE INTENSITÉ

CARTE N° 5 : UNE CRISE POLITIQUE D’UNE INÉGALE INTENSITÉ
  • 10 La dernière colonne se lit à part.

TABLEAU N° 9 : COMPOSITION SOCIOPROFESSIONNELLE DES « FÉDÉRALISTES » RHODANIENS10

TABLEAU N° 9 : COMPOSITION SOCIOPROFESSIONNELLE DES « FÉDÉRALISTES » RHODANIENS10
  • 11 Pour plus de précisions : N. Soulas, « Le « fédéralisme » au féminin. La crise politique de l’été 1 (...)
  • 12 A. de Mathan, Girondins... op. cit., p. 37-39.

12La participation des femmes au mouvement sectionnaire est très inégale. Sur un total de 886 protagonistes, nous avons relevé la présence de 71 femmes, soit dix fois plus que dans le Bordelais11. Même si toutes les tranches d’âge sont concernées, les « fédéralistes » se recrutent surtout parmi les hommes ou les femmes d’âge mûr. À Tarascon, un rebelle sur deux a entre 36 et 55 ans. Anne de Mathan faisait le même constat dans la région bordelaise12.

  • 13 AD Gard, L 3265, tribunal révolutionnaire du Gard, extrait d’une délibération du directoire du dist (...)
  • 14 AN, F 7 4436 (1), lettre sans date de Viot à Claude Payan.

13Le profil politique des révoltés est beaucoup plus complexe. Le « fédéralisme » ne constitue pas une formation politique au sens strict mais plutôt la cristallisation de toutes les formes d’opposition à la radicalisation du processus révolutionnaire. Le mouvement sectionnaire est loin d’être uniforme. Pour quelques-uns, le « fédéralisme » apparaît comme une voie médiane entre le conservatisme, sinon le royalisme, et le jacobinisme radical. L’administration du district de Beaucaire s’empresse d’adhérer au mouvement, estimant « le moment venu où les vrais républicains, les vertueux citoyens doivent se montrer et soutenir leur droit et leur liberté, [...] les propriétaires surtout et la classe des citoyens la plus aisée doivent donner l’exemple et repousser l’anarchie13 ». De l’autre côté du Rhône, le meunier tarasconnais Pierre Beladen arrache l’arbre de la liberté planté devant le club pour le replanter ailleurs, alors que de sincères contre-révolutionnaires auraient probablement détruit cet arbre après l’avoir arraché. Il s’agit non moins de rompre avec la République qu’avec les prises de position « exclusives » revendiquées par une partie des révolutionnaires. Parmi les Arlésiens ayant occupé des fonctions dans l’administration « fédéraliste » se trouvent, aux dires de l’accusateur public de la Commission Populaire d’Orange, Viot, « de bons patriotes » cherchant à « empêcher les Chiffonistes de faire davantage de mal »14.

  • 15 AD Vaucluse, 8 L 93, dossier Joseph Limoge, 1794.

14Aux côtés de « fédéralistes » idéalistes, s’opposant non moins à la Révolution en elle-même qu’à son durcissement, des conservateurs, sinon quelques crypto-royalistes, tentent d’exploiter la situation. L’Orangeois Joseph Limoge profite de la révolte pour faire l’apologie du manifeste de Brunswick. Arrêté par le comité de surveillance, il est condamné à mort par la Commission Populaire d’Orange et monte à l’échafaud en criant : « Vive le roi ! »15 À Beaucaire, l’avocat Antoine Peyron tente de donner une coloration royaliste à la révolte en incitant les insurgés à prêter serment de fidélité au roi. Ces crypto-royalistes sont néanmoins minoritaires.

15La plupart des insurgés récupèrent le mouvement sectionnaire pour réoccuper une sphère politique dont ils ont été écartés. C’est cette logique revancharde qui explique la violence et l’intensité du mouvement. Aussi, presque un sectionnaire beaucairois sur deux, mais sans doute davantage, a participé à la « bagarre » d’avril 1793 contre le club radical de Saint-Benoît. De nombreux administrateurs déchus saisissent l’occasion d’une revanche.

TABLEAU N° 10 : CRISE « FÉDÉRALISTE » ET REVANCHE POLITIQUE

TABLEAU N° 10 : CRISE « FÉDÉRALISTE » ET REVANCHE POLITIQUE

16Presque un quart des individus de l’échantillon a déjà exercé des fonctions administratives avant l’été 1793. Si l’on dénombre quelques cadres d’Ancien Régime, la plupart ont commencé leur carrière au début de la Révolution. Dans l’ancien Comtat, le mouvement sectionnaire favorise le retour de partisans de la cause pontificale, éliminés en 1792. Presque un tiers des administrateurs bollénois et caderoussiens et 50 % des édiles sorguais de 1791 souscrivent à la révolte. Nous retrouvons, sans surprise, les Bouchon, de Mornas, qui, après avoir échoué à renverser la municipalité jacobine en 1792, profitent de la crise pour tenter de reconquérir le pouvoir. Le ratio est encore plus impressionnant dans les localités où les élites administratives et judiciaires encadrent le mouvement, comme à Mondragon.

17La répression qui accompagne la reprise en main de la région est très variable. Dans le Midi, sa sévérité n’a d’égal que la violence de la crise tandis que dans le nord du couloir rhodanien, la modération appelle la modération.

Lendemains de « fédéralisme »

  • 16 M. Biard (dir.), Les politiques de la Terreur (1793-1794), Rennes, PUR, 2008 ; P. Gueniffey, La pol (...)

18La liquidation des administrations « fédéralistes » et l’instauration du Gouvernement révolutionnaire débouchent sur l’instauration d’une « Terreur » protéiforme qui ne saurait encore aujourd’hui se réduire à un simple décalque de la « Terreur » parisienne16. Le couloir rhodanien illustre cette complexité et cette diversité des politiques de la « Terreur ». Dans le sud du couloir rhodanien, la répression et les épurations qui lui succèdent sont très importantes. Les comités de surveillance et les clubs jouent un rôle de premier plan comme auxiliaires des représentants en mission dans la traque des « fédéralistes ». En revanche, la partie septentrionale de la vallée du Rhône se distingue par une « Terreur » beaucoup plus mesurée.

  • 17 A. Forrest, « Le crime de fédéralisme », 112e congrès national des sociétés savantes, Lyon, section (...)
  • 18 J. Massé, « Les tribunaux de Grenoble pendant les premières années de la Révolution (1790-1795) », (...)
  • 19 B. Benoît, « Les Drômains et Lyon », in Les Drômois, acteurs de la Révolution. Actes du colloque de (...)
  • 20 B. Bodinier, « Un département sans Terreur sanguinaire : l’Eure en l’an II », in M. Biard (dir.), L (...)
  • 21 F. Robin, Les représentants en mission dans l’Isère. Chronique d’une Terreur « douce » (17931795), (...)

19Les représentants du peuple en mission pourchassent en priorité les dissidents les plus compromis, comme les députés envoyés à Marseille ou à Nîmes dans les assemblées « fédéralistes » tenues fin juin17, mais sont plus cléments envers ceux qu’ils considèrent comme égarés. Pour châtier les rebelles, la Convention institue des tribunaux révolutionnaires et des commissions populaires ou militaires. Le nord du sillon rhodanien, où la révolte est restée très modérée, est relativement épargné par la « Terreur » judiciaire, malgré la proximité de Lyon. Les suspects sont arrêtés mais les tribunaux se montrent cléments18. Par exemple, seuls deux Drômois, originaires du couloir rhodanien, ont été exécutés pour « fédéralisme », dont le général transfuge Souchon de Chanron, pour avoir participé à la défense de Lyon19. Épargnés par la guillotine, les départements du nord de la vallée du Rhône, Rhône-et-Loire excepté, se rapprochent par leur profil d’autres départements français, comme l’Eure, où la « Terreur » n’est pas sanglante20. Néanmoins, si la guillotine fonctionne peu, les suspects sont tout de même emprisonnés, dans des conditions de détention parfois éprouvantes. Même si elle n’est pas sanguinaire, la « Terreur » est loin d’avoir été « douce »21.

  • 22 A.M. Duport, « Le tribunal révolutionnaire du Gard, octobre 1793-thermidor an II », Bulletin d’Hist (...)

20En revanche, dans le Midi rhodanien, la répression est aussi sévère que dans d’autres espaces, comme Lyon ou Bordeaux, où la crise « fédéraliste » a été virulente. Dans les Bouches-du-Rhône, 783 prévenus sont déférés devant le tribunal révolutionnaire de Marseille entre août 1793 et avril 1794. Dans le Vaucluse, fraîchement constitué, les « fédéralistes » comparaissent devant le tribunal criminel à partir de septembre 1793. Ce dernier se montre clément envers de nombreux patriotes égarés et ne prononce qu’une trentaine de condamnations à mort entre octobre 1793 et mai 1794. Cependant, à partir du mois de mai 1794, la Commission Populaire d’Orange entre en activité à la demande du représentant du peuple Maignet, souhaitant purger les départements méridionaux du « fédéralisme ». Fustigeant la tiédeur des Avignonnais, il déplace la Commission Populaire à Orange, ville qui s’est régulièrement distinguée par son patriotisme exacerbé. En 47 jours, 595 personnes comparaissent devant les juges qui en condamnent 332 à la peine capitale. Enfin, à Nîmes, le Tribunal révolutionnaire condamne à mort 135 personnes sur un total de 295 jugements au cours du premier semestre 179422.

  • 23 Voir annexe sur HAL.

21La répression touche très inégalement les communes de la vallée du Rhône méridionale23. Certaines payent un tribut particulièrement lourd quand d’autres, comme Saint-Laurent-des-Arbres ou Bollène, passent entre les mailles des tribunaux révolutionnaires, ces derniers s’interrompant alors que les prisons regorgent encore de prisonniers en attente d’une comparution. Les communes ayant adhéré librement au « fédéralisme » sont plus sévèrement sanctionnées que les autres (19 % de l’échantillon à Mondragon et 28 % à Courthézon, contre 13 % à Bagnols et 10 % à Tarascon).

22Contrairement à Lyon, théâtre d’une répression de masse, la sanction de la révolte reste relativement faible dans le couloir rhodanien. Sur les 886 prévenus de « fédéralisme » de notre base de données, 122, soit 14 %, ont été condamnés à la peine capitale.

  • 24 Id.
  • 25 J. Guilhaumou, M. Lapied, « Les femmes actrices ou victimes de la Terreur ? Surveillance et répress (...)

23Sans surprise, les artisans et les boutiquiers sont les plus touchés (22 %)24. S’ils ne sont pas la tête pensante du mouvement, ils fournissent jusqu’à un tiers de l’échantillon total de « fédéralistes », se retrouvant logiquement en bonne place parmi les victimes. Bourgeoisies de talent et d’affaires, parmi lesquelles se recrutent les chefs de file du mouvement, payent également un très lourd tribut à la « Terreur » judiciaire (respectivement 16 % et 21 %). Les juges sont plus tolérants envers les habitants les moins fortunés, ce qui explique pourquoi les professions issues du monde de la terre n’arrivent qu’en troisième position parmi les catégories socioprofessionnelles les plus touchées (16 %). Ce sont seulement les plus gros propriétaires fonciers qui montent à l’échafaud. Le constat est identique en ce qui concerne les administrateurs. Les détenteurs de fonctions supérieures sont plus sévèrement châtiés que les édiles, à l’exception des maires et des procureurs généraux syndics. Ainsi, parmi les huit suppliciés mondragonnais, un seul est officier municipal au moment de la crise. Les sept autres ont tous des responsabilités administratives ou judiciaires importantes (tribunal du district d’Orange, justice de paix, maire et procureur général syndic). Enfin, les juges se montrent plus complaisants envers les femmes. En plus des trente-deux religieuses, seules quatre femmes sont condamnées à la peine capitale pour « fédéralisme » par la Commission Populaire d’Orange, un crime qui arrive loin derrière celui de fanatisme. Le tribunal révolutionnaire de Nîmes n’en a condamné aucune tandis que celui de Marseille en fait exécuter sept. Celles qui ont été condamnées à mort payent en réalité le prix de leur engagement politique depuis le début de la Révolution25.

24La crise « fédéraliste » et son inégale répression confirment l’enracinement des comportements politiques forgés par la Révolution. Dans une vallée du Rhône septentrionale au paysage politique apaisé, la contestation emprunte une voie modérée qui lui épargne un châtiment sévère. En revanche, dans la vallée du Rhône méridionale, l’intensité de la répression est à la hauteur d’une insurrection qui s’articule comme le prolongement de conflits politiques anciens, amplifiés par la radicalisation du processus révolutionnaire. Dans le sud du couloir rhodanien, des factions marginalisées instrumentalisent la crise afin d’écraser leurs rivales. À côté de ceux qui ont perçu le « fédéralisme » comme une voie médiane, rejetant aussi bien la radicalisation de certains patriotes « exclusifs » que les conservateurs, se dégage une autre mouvance opportuniste, qui regroupe au sein d’une coalition hétéroclite tous les ennemis des Jacobins saisissant une occasion de revanche. La présence de royalistes notoires ou d’adversaires de la Constitution civile du clergé apporte une coloration contrerévolutionnaire à un mouvement sectionnaire qui ne l’est pas par essence mais que les Conventionnels et les Jacobins du Midi perçoivent désormais comme tel. Par conséquent, la pacification de la région par la Convention se traduit également par une mainmise importante du pouvoir central sur les institutions locales.

Le temps des autorités constituées

Épurations et démocratisation ?

25À partir de juillet 1793, le couloir rhodanien est régulièrement sillonné par des représentants en mission qui épurent les administrations locales avec une rigueur variant selon la trajectoire politique de la commune visitée. Une première phase d’épuration, s’étalant de l’été 1793 au printemps 1794, sanctionne les autorités les plus compromises dans le « fédéralisme ».

  • 26 L. Brassart, Gouverner le local... op. cit., p. 264.

26Dans le nord du sillon rhodanien, les premières épurations restent globalement très mesurées, frappant ponctuellement les administrations et les individus qui se sont le plus exposés dans la crise. À Vienne, centre du « fédéralisme » isérois, les Conventionnels sanctionnent la municipalité qui était déjà dans le collimateur des représentants en mission qui jugeaient son patriotisme passable. Peu avant l’été 1793, les représentants du peuple Merlino et Amar avaient déjà destitué 9 administrateurs municipaux et le juge de paix, Joseph Loriol, jugés trop modérés. Cependant, cet ajustement ne suffit pas à ancrer Vienne dans le camp de la Montagne. Les représentants Albitte et Dubois-Crancé ne pardonnent pas aux Viennois leurs adresses contestataires et leurs relations ambiguës avec les Lyonnais, d’autant plus que la proximité géographique avec Lyon assiégée rend nécessaire la neutralisation de cette place stratégique. La municipalité est dissoute le 12 août 1793. Seuls 8 administrateurs sur 39 sont conservés dans la nouvelle administration, dont le juriste Thevenin du Lac promu maire. Dans la Drôme, les représentants se montrent plus intrusifs. Le représentant Boisset s’attaque surtout aux membres de l’administration départementale de la Drôme, comme le médecin Caudeiron, qu’il remplace par des Jacobins « exclusifs », tel que Victor Dumas, de Tain. En ce qui concerne les municipalités, l’importance de l’épuration varie en toute logique selon le degré de compromission dans le « fédéralisme ». À Tain, où la municipalité avait critiqué la journée du 2 juin, l’administration municipale mise en place en novembre est amputée de 40 % de ses anciens membres. Toutefois, l’épuration reste limitée dans la mesure où le maire, le procureur général syndic et trois officiers municipaux sur cinq sont reconduits. La municipalité valentinoise, quant à elle, moins exposée que celle de Tain, est plus épargnée. Son maire, le juriste Odeyer, qui a présidé l’assemblée des sections les 20 et 21 juin, anticipe la purge en offrant sa démission début septembre. Ces épurations mesurées se retrouvent également dans d’autres départements où la crise « fédéraliste » est restée modérée, comme l’Aisne26. Les représentants en mission sanctionnent surtout les communes ayant de lourds antécédents. La municipalité d’Étoile, ne rétractant son serment « fédéraliste » qu’en octobre, figure parmi les villages de mauvais grès, tardant notamment à faire partir les réquisitionnaires. Albitte casse l’administration municipale début novembre et aucun édile n’est reconduit dans la nouvelle municipalité.

  • 27 A.M. Duport, « La mission dans le Gard du représentant Borie (pluviôse-thermidor an II) », in R. Hu (...)

27A contrario, dans la vallée du Rhône méridionale, l’épuration est aussi intense que la crise a été violente. Dans le Gard, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, conseils départementaux ou de district sont sévèrement épurés et peuplés des plus chauds partisans de la Montagne, comme Agricol Moureau, nommé procureur général syndic de Vaucluse, mais aussi d’anciens Comtadins, comme Imbert, de Piolenc, Guilhermier et Marchand, de Bollène, ou Pochy, de Sorgues, qui se sont distingués par le passé par leur attachement sans borne à la Révolution et par leur positionnement politique radical. Par contre, les administrations municipales et les justices de paix sont moins touchées par cette première vague d’épuration27. Les représentants en mission réinstallent les administrations jacobines renversées par les sections tandis qu’ils frappent les plus exposés, restés en poste pendant la crise. Ainsi, à Pont-Saint-Esprit, place forte « fédéraliste », où la municipalité avait adopté une ligne de conduite très ambiguë, seuls 31 % des édiles sont reconduits dans la nouvelle administration. Dans les villages, où l’étroitesse du vivier politique rend parfois difficile la nomination d’hommes suffisamment compétents n’ayant pas pris part à la révolte, les représentants doivent composer. Ils s’assurent en premier lieu de neutraliser les postes clefs en les confiant à des républicains « exclusifs ». À Mondragon, où 70 % des édiles prêtèrent le serment de ne plus reconnaître la Convention, seuls le maire, Antoine Roustan, et le procureur général syndic sont arrêtés tandis que les autres administrateurs restent temporairement en place.

  • 28 M. Biard, Missionnaires... op. cit., p. 269.

28Au cours du premier semestre 1794, les départements rhodaniens connaissent une seconde vague d’épuration s’inscrivant dans le nouveau contexte de mise en place du Gouvernement révolutionnaire, à la suite du décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793). Dans le nord du sillon rhodanien, les épurations sont presque insignifiantes et confirment les observations de Michel Biard, estimant les purges du printemps 1794 moins sévères et moins politiques que par le passé28.

  • 29 AN, AFII 191, lettre du représentant Borie au Comité de salut public, 4 mars 1794.
  • 30 AD Gard, E dépôt 40 807, délibération municipale du 26 germinal an II.
  • 31 J. Guilhaumou, M. Lapied, « La mission Maignet », AHRF, 300, 1996, p. 283-294.
  • 32 M. Biard, Missionnaires... op. cit., p. 261.
  • 33 R. Moulinas, Histoire... op. cit., p. 304-309.

29Albitte ne procède à aucune modification dans la composition du personnel municipal de Valence ou de Vienne. En revanche, dans le sud de la vallée du Rhône, les représentants en mission redoublent d’activité et les épurations sont souvent plus importantes qu’en 1793. Le représentant Maignet se méfie totalement du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône qu’il juge gangrenés par le « fédéralisme ». Borie n’a pas une meilleure estime du Gard où il constate que « le nombre de ceux qui n’ont pas adhéré au fédéralisme est si petit qu’il [me] sera presque impossible d’en trouver assez pour former les autorités29 ». Les purges répondent à plusieurs logiques. Il y a tout d’abord de la part des représentants une volonté de confier les postes clefs à des hommes compétents, chaudement recommandés par les sociétés politiques. Par conséquent, illettrés et modérés sont destitués des administrations municipales. Ainsi, le 15 avril 1794, Borie destitue quinze des vingt-neuf édiles de Roquemaure, manquant « de lumières et d’énergie dans l’application du Gouvernement révolutionnaire30 ». Par ailleurs, la loi interdisant le cumul des fonctions, les représentants sont amenés à prendre des arrêtés pour combler les places devenues vacantes dans les administrations municipales ou dans les comités de surveillance. Enfin, dans le Vaucluse, la mission de Maignet prend une tournure particulière, luttant à la fois contre les « fédéralistes », dont certains ont été épargnés lors de la précédente purge, et les protégés de son ennemi Rovère, Conventionnel vauclusien31. Les édiles mondragonnais qui avaient été maintenus en fonction par Rovère sont intégralement destitués en juin 1794. Toutefois, épuration ne signifiant pas forcément désaveu, quelques édiles sont promus à d’autres fonctions. Hésitant à se tourner vers certains clubs « dominés par quelques intrigants qui les regardent comme leur domaine », Maignet s’appuie sur quelques personnalités politiques méridionales, comme les frères Payan, pour mener à bien sa tâche32. En parallèle à son combat contre les anciens « fédéralistes », Maignet s’attaque aux protégés de Rovère placés à certains postes clefs du département et dénoncés pour leur corruption. Les patriotes vauclusiens, surtout avignonnais, sont profondément divisés. Pour simplifier, une mouvance radicale, conduite par Agricol Moureau, le juriste Barjavel ou le célèbre Jourdan, dit Coupe-Tête, s’oppose aux modérés Rovère, Duprat et leurs amis33. Ainsi, le maçon Rochetin, suspecté de malversations économiques, promu maire d’Avignon par la grâce de Rovère en 1793 est destitué et arrêté en avril 1794.

30Le couloir rhodanien connaît deux dernières épurations inhérentes à la volte-face politique du 9 thermidor an II. Une première série de purges commence à l’automne 1794. Conduite par des Conventionnels modérés, elle vise principalement à sanctionner les potentats les plus exposés dans le Gouvernement révolutionnaire de l’an II. Les administrations supérieures sont les plus touchées. Dans la Drôme, les créatures des frères Payan, comme Melleret, d’Étoile, et plus de la moitié des membres des districts de Vienne ou de Valence, souvent en place depuis 1792, sont destituées. Les pouvoirs locaux sont inégalement frappés par l’épuration de l’automne 1794. Si les comités de surveillance sont renouvelés et refondus, la situation varie considérablement d’une municipalité à une autre. En revanche, l’épuration du printemps 1795, conduite dans le contexte particulier de « réaction thermidorienne », purge en profondeur le personnel politique local en sanctionnant les cadres de l’an II qui s’étaient maintenus par endroits. Ils sont remplacés par des individus au profil très hétéroclite partageant une haine farouche à l’encontre des patriotes « exclusifs ».

  • 34 C. Lucas, La structure... op. cit., p. 167.

31Il convient maintenant de mettre en évidence les bouleversements opérés par la suspension des élections entre 1793 et 1795 dans la désignation du personnel politique, justifiant ainsi que nous comparions deux gouvernements d’exception aux conceptions politiques diamétralement opposées. Dans certains départements, les historiens ont noté un très fort immobilisme dans le recrutement des détenteurs de fonctions politiques ou judiciaires locales, notamment rurales, entre 1790 et l’an III. Il s’agit de préciser si une telle évolution se dessine dans le couloir rhodanien34.

  • 35 J.P. Jessenne, Pouvoir... op. cit., p. 95.

32Le stock restreint d’un personnel administratif et politique compétent limite les marges de manœuvre des Conventionnels dans les campagnes. Par conséquent, la suspension des élections ne modifie que très légèrement la composition des municipalités rurales, qui semble se figer après 1792. Environ un édile sur deux se recrute, sans surprise, parmi la catégorie des propriétaires et des exploitants agricoles. Avec presque un quart de l’échantillon en 1794, les artisans connaissent leur poussée maximale avant de décliner continuellement à partir de 1795. La bourgeoisie de talent reste cantonnée en quatrième position, même dans les petits centres administratifs, comme Saint-Paul-Trois-Châteaux. Les gouvernements d’exception confirment l’installation de la bourgeoisie d’affaires, dont l’importance varie selon les lieux (45 % à Lapalud en 1794, 30 % à Pierrelatte en 1795) et la fonction. Presque 50 % des maires et des agents nationaux sont des négociants. Les propriétaires fonciers, qui appartiennent essentiellement aux classes moyennes ou supérieures, concurrencent les négociants pour les mairies en 1794 et finissent par les supplanter en 1795. Leur prépondérance à la tête des administrations locales atteste que la démocratisation du personnel politique se poursuit en 1794 mais reste encore toute relative, avant de régresser dès 1795. Jean Laurent, de Saint-Laurent-des-Arbres, est le seul artisan nommé maire au printemps 1794. Il doit plus sa promotion à son activisme jacobin qu’à son statut social. Contrairement aux campagnes artésiennes, la démocratisation des fonctions stratégiques est moins aboutie dans le couloir rhodanien35. Il faut attendre le printemps 1795 pour voir réapparaître quelques nobles. Leur retour aux affaires locales annonce clairement un tournant dans la politique thermidorienne.

33Comme en milieu rural, la démocratisation du personnel politique connaît sa phase paroxystique au cours du printemps 1794. Le monde des artisans et des boutiquiers atteint sa poussée maximale en l’an II, puis décline à partir de 1795, comme dans de nombreuses autres villes françaises. Après une baisse continue jusqu’au printemps 1794, la bourgeoisie de talent progresse l’année suivante, aux dépends de l’artisanat. Elle reste une force importante dans des centres administratifs attractifs, comme Vienne (50 % en l’an II) ou Montélimar (48 %), où il est difficile de composer sans les juristes, tant le vivier est imposant. Le regain de la bourgeoisie de talent se perçoit également parmi les maires, dont la moitié appartient à cette catégorie sociale en 1795, contre seulement deux en 1794. Enfin, la bourgeoisie négociante progresse tout au long de la période, s’affichant en seconde position à partir du printemps 1794. À Orange, la réorganisation thermidorienne ressemble à s’y méprendre à la municipalité de 1790, dominée par le négoce. Comme dans les villages, quelques nobles font un retour timide en 1795.

34Les équipes municipales nommées entre 1794 et 1795 ont un profil social relativement proche de celui des administrations précédentes. En effet, l’an II ne se traduit pas forcément par un rajeunissement massif des pouvoirs locaux. En revanche, en 1795, la tendance est au vieillissement dans la plupart des hôtels de ville. Toutefois, même si les municipalités sont contrôlées par des hommes d’âge mûr, elles ne sont pas pour autant fermées aux jeunes, comme l’exemple orangeois tend à le démontrer.

GRAPHIQUE N° 2 : L’ENRACINEMENT DE LA GÉNÉRATION DES RÉVOLUTIONNAIRES : LE CAS ORANGEOIS

GRAPHIQUE N° 2 : L’ENRACINEMENT DE LA GÉNÉRATION DES RÉVOLUTIONNAIRES : LE CAS ORANGEOIS

35La démocratisation du personnel politique de l’an II se perçoit enfin avec l’abaissement notable du niveau de richesse des individus ou l’accroissement du nombre de micro-propriétaires. L’exemple de Saint-Laurent-des-Arbres est très éclairant. À la veille de la Révolution française, 368 contribuables sont recensés dans le compoix, dont 155, soit plus de 42 %, sont des forains. Avec une moyenne de l’allivrement cadastral qui s’élève à 8 l., la communauté est très largement composée de petits ou de micro-propriétaires. Seuls 20 % des allivrés excèdent les 8 l. Parmi eux se détachent trois gros propriétaires fonciers : le notaire Deleuze (250 l.), Claude de Pascal (135 l.), et un autre notaire, François Bonhomme (106 l.). La démocratisation du recrutement édilitaire s’accélère à partir de 1792. Les premières années de la Révolution voient les six plus grands propriétaires fonciers occuper le devant de la scène politique, dont François Bonhomme, élu maire en 1790. La conquête de la mairie par les clubistes en septembre 1792 se traduit par l’entrée massive de petites gens. S’ils comptent dans leur rang quelques propriétaires importants, comme le bourgeois Joseph Fournier (65 l.), plus de 90 % d’entre eux, à l’image du nouveau maire, le menuisier Jean Laurent (4 l.), ne possèdent que quelques lopins de terre dans le village. La moyenne de l’allivrement des édiles tombe de 45,5 l. en 1791 à 15 l. en 1792-1794. Presque la moitié des élus de 17931794 se situent en dessous de la moyenne des 8 l. contre seulement deux en 1791 et aucun en 1790.

  • 36 AM Beaucaire, 1 D 1, délibération municipale du 28 brumaire an II.
  • 37 D.M.G. Sutherland, Révolution et Contre-révolution... op. cit., p. 218.

36Dans les villes, les épurations de l’an II offrent un tableau plus contrasté. L’enquête met en lumière l’existence de trois profils différents. Le premier comprend les communes pour lesquelles l’an II marque une véritable rupture dans le recrutement du personnel politique local, comme Beaucaire, où la substitution de la bourgeoisie d’affaires et de riches artisans par des individus plus humbles, comme des portefaix, entraîne une baisse sensible des fortunes. La médiocrité de leurs revenus est telle que les administrateurs beaucairois, choisis « presque tous dans la classe la moins aisée mais riche en vertu et en patriotisme », souhaitent que la ville rembourse l’achat de leurs écharpes36. D’autres communes entrent dans le deuxième profil, celui de la stabilisation des fortunes. Il s’agit de municipalités dont le personnel politique de 1792 est pratiquement reconduit dans son intégralité, comme à Tarascon ou à Valence. Enfin, une dernière catégorie de villes est marquée par l’arrivée d’édiles aisés, notamment des artisans, comme à Orange. D’autres communes françaises d’importance, comme Toulouse ou Montbrison, présentent le même profil37.

37Au printemps 1795, la tendance est à l’augmentation des fortunes dans tout le couloir rhodanien. Dans les villages, la moyenne de la contribution patriotique est aussi importante qu’avant 1792. De gros contribuables émigrés en 1793-1794 font leur retour, comme le Tinois Henri de Durre, fils d’un ex-seigneur, qui s’acquitte d’une taxe de 3 300 l. en 1790. Dans les villes, le constat est identique. Cette élévation des niveaux de richesse traduit le reflux des artisans les plus humbles et des petits ou micro-propriétaires, écartés par les purges de l’automne 1794 et du printemps 1795. Un changement de focale à l’échelle de la municipalité orangeoise offre une bonne appréciation de la rupture de 1795. L’emprunt forcé de l’an IV, jaugeant la fortune des contribuables, constitue un précieux indicateur pour mener à bien ce travail, malgré ses travers, comme la sous-estimation volontaire des revenus.

GRAPHIQUE N° 3 : ÉVENTAIL DES FORTUNES ORANGEOISES

GRAPHIQUE N° 3 : ÉVENTAIL DES FORTUNES ORANGEOISES

38Les administrateurs orangeois appartiennent majoritairement à la classe moyenne. Les petits revenus, inférieurs à 10 000 l. restent rares. Ce sont surtout de petits artisans ou des juristes désargentés. Cependant, les très grandes fortunes sont tout autant sous-représentées. À part en 1790, où plus de 40 % des administrateurs, essentiellement des marchands, jouissent d’une fortune estimée à plus de 50 000 l., les gros revenus ne s’imposent guère. Le retour des négociants au cours du printemps 1795 s’accompagne d’une réapparition des grosses fortunes. Avec plus de 60 % d’édiles ayant un patrimoine supérieur à 25 000 l., la municipalité nommée en 1795 est la deuxième plus riche, après celle de 1790.

Gouvernements d’exception et mobilité municipale

  • 38 Même constat dans la Vienne : J. Péret, « Le village face à la Terreur : l’exemple du département d (...)
  • 39 J.P. Jessenne, Pouvoir... op. cit., p. 95.

39La suspension des élections et les purges politiques des années 1793-1795 favorisent la fermeture des pouvoirs locaux et accentuent l’érosion des édiles d’Ancien Régime. Les représentants en mission, quelle que soit leur sensibilité politique, puisent les édiles au sein d’un même vivier d’administrateurs chevronnés, favorisant dès lors la fermeture des municipalités rurales dès le printemps 1794. Le faible nombre d’individus compétents maîtrisant les rouages de l’administration limite les marges de manœuvre des Conventionnels qui maintiennent en fonction de nombreux édiles de la période précédente : plus de 60 % des élus de 1792 sont reconduits au printemps 179438. En toute logique, la mobilité municipale est plus forte dans les administrations compromises dans le « fédéralisme » : seuls 25 % des édiles de Courthézon sont reconduits, aucun à Mondragon. Dans les administrations restées fidèles à la Convention, les municipalités se figent jusqu’à thermidor : 95 % d’édiles de 1792 sont confirmés à Saint-Laurent-des-Arbres ou à Donzère. Cette stabilité politique concerne également les fonctions clefs. Contrairement aux campagnes artésiennes, où la rupture avec 1792 est très nette39, 83 % des maires ruraux de 1792 sont prolongés en 1794. La mobilité est légèrement plus forte en ce qui concerne les agents nationaux : un peu plus de 50 % des individus de 1792 sont conservés.

  • 40 M. Lapied, « Réaction et Terreur blanche dans le Comtat en l’an III : évolution ou confirmation des (...)

40Une telle continuité administrative explique l’intensité des épurations de l’automne 1794, dans un contexte politique marqué par l’après thermidor. Seuls 22 % des individus en poste sont conservés. Cette rupture favorise l’arrivée d’un plus grand nombre de néophytes, recherchés pour leur non-compromission dans la « Terreur ». Ce n’est effectivement pas un hasard si les « hommes nouveaux » sont surreprésentés dans des villages où les potentats de l’an II se sont signalés par leur zèle, comme à Saint-Paul-Trois-Châteaux, fief des frères Payan, ou Mondragon, dont dix-neuf des vingt individus nommés par Maignet sont disgraciés. A contrario, dans les municipalités rurales où la « Terreur » a été plus modérée, le renouvellement des équipes municipales est beaucoup moins important. Ainsi, 50 % des édiles d’Étoile restent en fonction à l’automne 1794. Seuls les plus compromis comme les Melleret, proches des Payan, et dont un rejeton a été nommé juge de la Commission Populaire d’Orange, sont écartés. En Ardèche, la municipalité du petit village de Beauchastel, ignorant les crises politiques qui affectent le département, est confirmée dans son intégralité. Toutefois, l’épuration de l’automne 1794 ne favorise pas les conservateurs. Seuls 19 % des administrateurs municipaux ont été arrêtés ou suspectés sous la « Terreur ». Les Conventionnels en mission, comme Goupilleau, condamnent autant le jacobinisme radical que les forces politiques plus conservatrices. Par conséquent, la coloration politique des municipalités varie selon la trajectoire du lieu épuré. Dans les villages où les antagonismes sont très prononcés, les nouveaux édiles sont désignés parmi le « parti » adverse des patriotes « exclusifs ». Ainsi, à Mondragon, Goupilleau s’appuie sur des familles de victimes de la Commission Populaire, dont la très influente parentèle Roustan. Dans l’ancien Comtat, de nombreux Papalins reviennent au pouvoir40. En revanche, dans d’autres administrations, les représentants en mission tentent de maintenir le cap en optant pour un habile – mais non moins difficile – dosage dans le renouvellement des autorités constituées. Les « exclusifs » sont remplacés par des républicains de 1792 écartés en l’an II pour leur « modérantisme », flanqués de quelques conservateurs pour donner le change à une partie de l’opinion publique, hostile à la « Terreur ». Ainsi à Piolenc, seuls trois édiles de l’an II sont conservés mais Goupilleau les place aux fonctions clefs tandis qu’une petite poignée de conservateurs réintègre l’hôtel de ville comme simples notables.

  • 41 J.P. Jessenne, « Continuités et ruptures dans la détention des fonctions locales en Artois (1789-18 (...)
  • 42 Les agents nationaux reprennent leur appellation d’origine en germinal an III.

41L’épuration du personnel politique local est parachevée par les purges du printemps 1795. Conduites par des députés hostiles aux Jacobins, comme Jean Debry, dans un contexte de mise en accusation des cadres de l’an II – dépeints comme des « terroristes » –, elles éliminent souvent des patriotes de 1792 au profit d’individus élus entre 1790 et 1791, comme en Artois41, ou d’anciens « fédéralistes ». En revanche, les modérés nommés à l’automne 1794 sont confirmés. Par conséquent, ces dernières purges renforcent l’emprise des élus des premiers temps de la Révolution sur les institutions locales. Au cas par cas, le renouvellement reste très inégal d’un village à un autre. Dans les communes où le personnel municipal est compétent et politiquement sûr, les épurations sont superficielles et n’accordent qu’une place secondaire aux néophytes. Ainsi, à Saint-Paul-Trois-Châteaux, 70 % des édiles nommés lors du renouvellement de l’automne 1794 sont reconduits l’année suivante. A contrario, certains villages, comme Tain ou Donzère, ayant échappé à la première épuration menée par les Thermidoriens, connaissent une purge plus forte : seuls 25 % des administrateurs, en place depuis 1792 pour la plupart, sont reconduits. Dans l’ensemble, les postes clefs sont confiés à des individus intégrant les administrations locales entre 1790 et 1791 (50 % des maires) ou à des cadres d’Ancien Régime (un tiers des maires et 42 % des procureurs généraux syndics42). Seuls deux maires n’ont jamais exercé la moindre fonction administrative par le passé contre un quart des procureurs généraux syndics. En revanche, la mobilité municipale reste très importante : seuls deux maires nommés au cours de la dernière épuration sont reconduits, ce qui en dit long sur le virage politique amorcé au cours du printemps 1795. L’aubergiste Nadal, de Lapalud, est l’unique maire rural à être parvenu à traverser l’an II et les deux épurations thermidoriennes sans encombre. Les procureurs généraux syndics, spécificité de la fonction oblige, sont plus nombreux à être reconduits.

42Alors que les Conventionnels envoyés dans la vallée du Rhône au cours de l’automne 1794 cherchaient à maintenir un certain équilibre, leurs successeurs pulvérisent l’assise locale des Jacobins. Le contexte ayant changé, l’expérience des municipalités mi-parties, associant Jacobins modérés et conservateurs, est abandonnée au profit de ces derniers et les Conventionnels se lancent dans une politique de « déjacobinisation » beaucoup plus incisive. À Courthézon, le boulanger Pierre Onde, témoin à charge dans les procès menés par la Commission Populaire d’Orange, et l’artisan textile Étienne Istre, ancien membre du comité de surveillance, sont tous deux destitués après avoir traversé sans encombre l’épuration de l’automne 1794. Les représentants en mission les remplacent par des hommes au profil hétéroclite manifestant une hostilité prononcée envers les patriotes « exclusifs ». Parmi eux se trouvent des individus ayant souffert de la « Terreur » (30 %) ou des parents de victimes, dont la rancœur envers leurs adversaires en fait des alliés de circonstance du gouvernement thermidorien, et une cohorte d’anciens « fédéralistes » (60 % à Piolenc, 40 % à Caderousse). Enfin, on note la présence d’individus dont les options politiques, difficiles à étiqueter, vont du conservatisme au crypto-royalisme. Parmi eux, nous retrouvons des hommes qui s’étaient déjà distingués pour leurs prises de position réactionnaires, comme le comte de Castellane qui, sitôt rentré d’émigration, retrouve un siège à Saint-Paul-Trois-Châteaux.

43Dans les municipalités urbaines, la fermeture des mairies est plus tardive mais elle est tout aussi manifeste. Comme dans les campagnes, les épurations du printemps 1794 se traduisent par une forte stabilité des équipes en place, à l’exception des communes qui se sont compromises dans le « fédéralisme », comme Beaucaire (86 % de néophytes) ou Vienne (51 %), ou dont les édiles sont jugés trop tièdes (50 % de la municipalité orangeoise). La permanence des équipes municipales et l’arrivée continue de sang neuf, quoique plus faible qu’auparavant, accentuent le reflux des édiles d’Ancien Régime, dont seuls les plus chauds partisans de la Montagne sont conservés (45 % à Montélimar, 31 % à Valence). La mobilité des individus pour les fonctions clefs est beaucoup plus forte que dans les villages. Seul un tiers des maires de l’an II et moins de 20 % des agents nationaux étaient présents avant 1789. En revanche, presque 60 % des agents nationaux de 1794 sont des néophytes contre seulement 18 % des maires. Un seul agent national et quatre maires de 1792 sont conservés après les purges.

44En toute logique, l’épuration du printemps 1794 consacre le triomphe des patriotes « exclusifs ». Comme dans les villages, les édiles se recrutent parmi les sociétés politiques, fournissant un minimum d’expérience administrative aux néophytes. Pour prix de leur engagement, beaucoup ont souffert de la crise de l’été 1793. À Beaucaire, le maire Volpelière, l’agent national Garrigan et presque tous les nouveaux administrateurs sortent des rangs du club radical de Saint-Benoît. Certains d’entre eux ont été arrêtés après la « bagarre » de Beaucaire ou ont été persécutés pendant le « fédéralisme ». La poussée des patriotes « exclusifs » touche toutes les municipalités rhodaniennes, y compris les plus modérées, comme Valence ou Vienne.

45La rupture de l’automne 1794 est plus forte que dans les campagnes. L’épuration sanctionne les individus issus de la Révolution qui se sont trop compromis dans le Gouvernement révolutionnaire montagnard (74 % d’édiles destitués). Cet ostracisme favorise un très net retour des édiles d’Ancien Régime et ouvre les municipalités urbaines aux néophytes, surtout dans les bastions du jacobinisme « exclusif », comme Orange (62 %), Bagnols et Beaucaire (45 %). Comme dans les villages, les représentants tentent une politique reposant sur le compromis. Des individus de sensibilité très différente se côtoient dans une sorte de syncrétisme plutôt cocasse : à Bagnols, des « fédéralistes » siègent avec l’artisan Vermale, patriote « exclusif », ayant contribué à leur arrestation quelques mois plus tôt.

46Contrairement aux campagnes, les gouvernements d’exception ne referment les municipalités urbaines qu’au printemps 1795. L’érosion des néophytes favorise le regain des cadres d’Ancien Régime et l’enracinement des édiles ayant commencé leur carrière administrative à partir de 1790. La mobilité municipale reste très forte (68 % de destitutions), surtout pour les postes clefs : seuls deux maires sont confirmés (Joseph Richier à Orange et Montalivet à Valence) tandis que les procureurs généraux syndics sont intégralement renouvelés. Néanmoins, cette forte mobilité des individus masque un renouvellement très faible des élites politiques locales, puisées au sein d’un même stock d’édiles chevronnés. Ainsi, seuls deux maires et un procureur général syndic n’ont jamais exercé la moindre fonction administrative par le passé. Ce renouvellement limité s’explique par la même stratégie que dans les campagnes consistant à réintégrer les adversaires des cadres de l’an II. La « déjacobinisation » des municipalités urbaines se traduit par l’attribution des fonctions stratégiques à des conservateurs ou à des parents de victimes de la « Terreur » tandis que les « fédéralistes » font leur retour. Ainsi, 41 % des administrateurs beaucairois ont participé au coup de force du 1er avril 1793 contre la société radicale de Saint-Benoît, au moins 21 % des édiles de Bollène ont déjà siégé dans l’administration très conservatrice au temps de la guerre civile comtadine, tandis que l’avocat Jean-Jacques Aymé, dit Job Aymé, proche des milieux contre-révolutionnaires, est nommé notable à Montélimar. Par ailleurs, les Conventionnels s’appuient aussi sur des modérés ou des hommes n’appartenant à aucun parti comme Guillaume Puy, nommé à la tête de la municipalité avignonnaise.

Justices de paix et comités de surveillance

47En 1794, les justices de paix connaissent le même processus de démocratisation que les municipalités en faveur des artisans et des ménagers, surtout en milieu rural. Cependant, la mobilité des individus est beaucoup plus forte que dans le monde édilitaire. En 1794, le patriarche des Payan est le seul juge de paix confirmé. Toutefois, les représentants en mission ne s’appuient pas sur des néophytes et confient la fonction à des individus expérimentés. Les épurations de 1795 referment la parenthèse démocratique en écartant les catégories sociales les plus humbles au profit de puissants propriétaires fonciers dans les campagnes et des juristes, souvent magistrats d’Ancien Régime, dans les villes. En 1795, le retour en grâce des hommes d’Ancien Régime se perçoit dans toutes les strates du pouvoir local.

  • 43 S. Bianchi, « Comité de surveillance : un modèle pour la Seine-et-Oise ? », in D. Pingué, J.P. Roth (...)
  • 44 P. Barlet, « Les sans-culottes aux champs : mentalités révolutionnaires dans les comités de surveil (...)
  • 45 M. Biard, Missionnaires... op. cit., p. 273.

48Enfin, les Conventionnels épurent également les comités de surveillance quand ils n’incitent pas les communes qui en sont dépourvues à en constituer un. Comme en Essonne ou en Haute-Marne, un réseau très dense de comités de surveillance, aussi bien ruraux qu’urbains, se diffuse dans le couloir rhodanien43. Ce maillage se constitue surtout durant les deux premières phases de création (printemps-automne 1793), rarement en 1794. La crise « fédéraliste » joue un rôle majeur dans le développement de cette nouvelle institution. Dans la vallée du Rhône, l’initiative de la création des comités revient surtout aux clubs ou aux municipalités, ce qui en dit long sur le zèle des patriotes rhodaniens. Les représentants en mission se contentent généralement d’épurer les membres et ne procèdent que rarement à la fondation des comités de surveillance, ou à leur régénération, comme celui de Tain, refondé par Boisset en octobre 1793. Le profil social des comités correspond étroitement avec ce qui a pu être observé ailleurs. Dans les villages, les professions issues du monde de la terre ainsi que les artisans et les commerçants fournissent la majorité des membres44. Dans un premier temps, les fonctions clefs (présidence) ou techniques (secrétariat) restent confiées à des juristes, mais la mise en place des présidences tournantes au cours du printemps 1794 change la donne et artisans ou paysans, même illettrés, accèdent aux plus hautes fonctions. Les comités de surveillance urbains sont surtout aux mains des artisans. De tous les pouvoirs locaux de l’an II, c’est certainement celui dont le processus de démocratisation est le plus abouti. 50 % des membres des comités de surveillance ruraux sont des « hommes nouveaux », dont l’importance varie localement : 59 % à Caderousse, 42 % à Lapalud, etc. Dans les villes, les comités de surveillance intègrent davantage les néophytes (54 %), ayant exercé des fonctions dans les clubs, et confirment l’assise des acteurs promus par la Révolution (36 %). Après thermidor, le nombre de comités de surveillance est revu à la baisse (un par canton) et leur personnel, épuré en profondeur, est puisé parmi toutes les communes du canton. Ce remaniement précède la suppression définitive des comités de surveillance entre le printemps et l’été 1795. Contrairement à certains départements comme le Doubs, où les épurations municipales de 1795 restent superficielles – les représentants s’attaquant essentiellement aux comités de surveillance et aux clubs45 –, dans les départements rhodaniens, la compromission de certains édiles et l’intensité de la conflictualité politique sont telles qu’elles nécessitent une purge en profondeur de toutes les strates du pouvoir local.

49L’instauration de gouvernements d’exception entre 1793 et 1795 intensifie les dynamiques sociales amorcées au cours de la période précédente. Si la composition des municipalités rurales tend à se figer face à l’étroitesse du vivier d’administrateurs, les épurations des années 1794-1795 amplifient la recomposition socioprofessionnelle des administrations urbaines. L’enquête nuance l’idée d’une démocratisation systématique des détenteurs de fonctions politiques locales en 1794. Son importance varie selon la fonction occupée (plus grande pour les comités de surveillance que pour les juges de paix ou certaines municipalités). En revanche, 1795 marque un véritable tournant, caractérisé par le retour d’individus fortunés, plus âgés et tranchant nettement par leur positionnement idéologique conservateur. Par ailleurs, la suspension des élections et les nombreuses purges accentuent, en toute logique, la mobilité politique. Toutefois, si du sang neuf entre continuellement dans toutes les instances locales, les épurations favorisent en réalité les nouvelles élites politiques forgées par la Révolution, qui triomphent à la veille du Directoire.

Revanches, résistances et modération

50La résistance jacobine aux mesures thermidoriennes et les rancœurs héritées des débuts de la Révolution ou de la « Terreur » plongent la vallée du Rhône, et plus largement le Midi de la France, dans une pesante atmosphère de violence, vouant à l’échec toute tentative de normalisation de la vie politique méridionale.

Deux voies de sortie de la « Terreur »

  • 46 F. Brunel, Thermidor. La chute de Robespierre, Paris, Éditions Complexe, 1999.
  • 47 L. Chavanette, Quatre-vingt-quinze. La Terreur en procès, Paris, CNRS éditions, 2017.
  • 48 B. Baczko, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Mesnil-sur-l’Estrée, 1989.
  • 49 L. Devès, Les brigands. Épisodes inédits de la réaction thermidorienne dans le Midi de l’arrondisse (...)

51Le coup de théâtre du 9 thermidor46 génère une volte-face politique d’une très inégale intensité, répondant à une double logique, à la fois locale et nationale47, chronologiquement fluctuante48. Les mois qui suivent la chute de Robespierre sont marqués par un regain de violences politiques, longtemps imputées aux seuls « royalistes »49. Or, les violences qui ensanglantent le couloir rhodanien au cours de l’année 1795 sont tout autant le fait de conservateurs revanchards que de Jacobins rejetant leur marginalisation. Elles traduisent par leur complexité la vitalité de la culture politique des populations rhodaniennes.

  • 50 P. Vaillandet, La mission Maignet en Vaucluse. Maignet et la réaction thermidorienne, Marseille, In (...)
  • 51 AM Montélimar, 1 D 8, délibération municipale du 9 floréal an III.
  • 52 R. Pierre (dir.), 240 000 Drômois. De Robespierre à Bonaparte, Crest, Éditions Notre Temps, 1996, p (...)

52Jusqu’au début de l’année 1795, la résistance jacobine est surtout menée au sein des clubs, qui inondent les Conventionnels de pétitions ou d’adresses, comme le fait le club d’Orange en défendant Maignet après son rappel50. La résistance jacobine reste modérée jusqu’à la fin de l’année 1794, même si des échauffourées sont possibles, comme à Avignon où, à la mi-septembre, des heurts entre partisans de la Montagne et thermidoriens dégénèrent en bataille rangée faisant un mort et plusieurs blessés sérieux. La résistance des Jacobins se radicalise après le désarmement des « terroristes », dont l’activisme devient nettement plus offensif et se généralise après l’échec des insurrections parisiennes ou toulonnaises du printemps 1795. Ainsi à Montélimar, les « exclusifs » tiennent tête à Jean Debry en refusant la réorganisation de la Garde nationale, devenue, après l’épuration du club montilien, leur dernier réduit. À la fin du mois d’avril 1795, certains gardes nationaux rejettent leurs nouveaux officiers, jugés trop conservateurs, et exhortent les soldats à distinguer les « patriotes du 9 thermidor et ceux de 178951 ». À la veille du Directoire, la fête du 10 août illustre pleinement la bipolarisation de la vie politique montilienne. Si les Jacobins célèbrent la fête en grande pompe, la municipalité conservatrice la boude en ne se mêlant pas aux patriotes les plus zélés. À Valence également, la recrudescence des violences coïncide étroitement avec la marginalisation politique des « exclusifs ». Ces derniers s’attaquent à la compagnie des Cent, une escouade assurant la police des rues au service de la municipalité, commandée par l’ancien émigré Planta, flanqué d’officiers réactionnaires. Entre le printemps et la fin de l’été 1795, insultes et échauffourées sont légions : le 17 thermidor an III, un groupe de Jacobins charge une patrouille au cri de : « À bas la compagnie des Cent ! »52. Enfin, à Orange, bandes de jeunes conservateurs et anciens cadres de l’an II s’affrontent nuitamment par-delà les rues de la ville. Dans les centres où le jacobinisme s’est très tôt implanté, la résistance des patriotes « exclusifs » est particulièrement vive.

  • 53 C. Lucas, « Themes in southern violence after 9 thermidor », in G. Lewis, C. Lucas (dir.), Beyond t (...)
  • 54 B. Benoît, « Chasser le Mathevon à Lyon en l’an III », in M. Vovelle (dir.), Le tournant de l’an II (...)
  • 55 S. Clay, « Justice, vengeance et passé révolutionnaire : les crimes de la Terreur blanche », AHRF, (...)
  • 56 W. Wilson, Les réseaux contre-révolutionnaires en Provence (1789-1797), thèse de doctorat (dir. M. (...)
  • 57 M. Vovelle, « Massacreurs et massacrés. Aspects sociaux de la contre-révolution en Provence après t (...)
  • 58 J.C. Martin, Nouvelle histoire de la Révolution française, Saint-Amand-Montrond, Perrin, 2012, p. 4 (...)

53Si l’activisme jacobin est aussi incisif, c’est que les violences à leur encontre augmentent à partir du début de l’année 179553. Jusque-là, le sillon rhodanien ignore pratiquement les règlements de compte sanglants qui éprouvent d’autres communes, comme Lyon54. Au début de l’année 1795, un esprit de vendetta anime de nombreuses localités ayant souffert de la « Terreur » judiciaire, favorisé par un contexte national de mise en accusation des partisans de l’an II. Ainsi à Courthézon, la « réaction » est conduite par Alexis Courtias, dont le beau-père, Gabriel Jamet, un notable influent du village, a été exécuté à Orange. La phase paroxystique de la réaction anti-jacobine est atteinte avec la série de massacres collectifs qui ensanglante le Midi de la France entre mai et juillet 179555. À ces règlements de compte politiques à grande échelle, s’ajoute une kyrielle de meurtres isolés, frappant aussi bien les villes que les campagnes, dont sont victimes les cadres déchus de l’an II, des clercs constitutionnels et surtout des délateurs ayant déposé à charge dans les tribunaux de l’an II, comme le notaire Tissot, de Mornas56. Longtemps perçue selon une optique contre-révolutionnaire, cette explosion de violences répond davantage à une logique revancharde, comme l’indique la corrélation entre la géographie de la réaction et celle de la « Terreur » judiciaire. Dans les lieux les plus touchés, les acteurs ont soif de revanche et d’ailleurs les meurtriers appartiennent souvent à la même localité que leurs victimes57. Si la Convention a voulu y voir le poignard royaliste, pour des raisons politiques évidentes lui permettant de s’ingérer à sa guise dans les pouvoirs locaux, il ne s’agit souvent que de conflits interpersonnels que la « Terreur » a radicalisés. Les violences de 1795 touchent très inégalement la vallée du Rhône. L’existence d’une arène politique apaisée dans sa partie septentrionale y autorise une sortie en douceur de la « Terreur », lui permettant d’ignorer les massacres qui ensanglantent le Midi rhodanien et ce, malgré la proximité d’un centre actif de la « réaction thermidorienne » comme Lyon. Là encore, on perçoit à travers ces violences l’existence d’une frontière politique palpable qui sépare des espaces contigus où les comportements des populations divergent : une arène lyonnaise conflictuelle et violente côtoie un espace viennois beaucoup plus modéré et apaisé. La modération du couloir rhodanien septentrional n’est pas sans rappeler d’autres espaces géographiques français, comme le sud-ouest, où la « réaction » reste très modérée58.

  • 59 M. Seyve, C. Seyve, Montélimar... op. cit., p. 106.
  • 60 R. Moulinas, Histoire... op. cit., p. 352.
  • 61 R. Dupuy, « Réaction thermidorienne et royalisme », in R. Dupuy, M. Morabito (dir.), 1795. Pour une (...)

54Si les Conventionnels pensent déceler une forme d’activisme royaliste dans les désordres du Midi, c’est que la menace conservatrice est bien réelle, comme l’illustre l’équipée d’Arnaud de Lestang, au cours de l’été 1795. Bras droit du comte de Castellane qu’il suit en exil après le coup de force mené par les Payan en 1792, il revient après la « Terreur » dans son village, où il pousse les réquisitionnaires et les autres déçus de la Révolution à la rébellion. Ses forces, mêlant actes politiques subversifs et brigandage, sèment la panique dans toute la moyenne vallée du Rhône. En septembre 1795, de Lestang lance ses troupes sur Montélimar, où un petit noyau de Jacobins résiste aux mesures conservatrices, au cri de : « Vive le roi ! À bas la Convention ! »59. La fermeté des habitants épargne aux patriotes « exclusifs », détenus dans la citadelle, le lynchage qu’entendait leur faire subir la bande de déserteurs, qui se détourne alors vers Avignon, en pleine ébullition. En effet, les conservateurs avignonnais, renforcés par des escouades venues des bourgs voisins, s’insurgent dans la nuit du 28 au 29 septembre 1795 et parviennent à prendre le contrôle de la cité après avoir chassé le représentant Boursault60. Toutefois, la révolte avignonnaise est écrasée par le Conventionnel qui reprend la situation en main et punit sévèrement les émeutiers. Contrairement au marquis de Lestang, qui revendique clairement son appartenance à la contre-révolution, cet épisode se rattache plutôt à la « réaction », mêlant étroitement règlements de compte et revanche politique61.

55Comme l’atteste la carte n° 6 ci-contre, les violences de l’an III confirment l’enracinement des options politiques rhodaniennes.

56Certaines communes, au sud de Montélimar, connaissent une « réaction » violente. Ce sont les arènes les plus conflictuelles de la vallée du Rhône, où chaque crise politique nationale amplifie les affrontements. Sont concernés : tout l’ancien Comtat rhodanien, y compris Mondragon et Courthézon, un triangle formé par Bagnols-Saint-Laurent-des-Arbres-Roquemaure dans le Gard, et Saint-Paul-Trois-Châteaux, patrie d’Arnaud de Lestang, dans le Tricastin.

CARTE N° 6 : LE COULOIR RHODANIEN AU PRINTEMPS 1795

CARTE N° 6 : LE COULOIR RHODANIEN AU PRINTEMPS 1795

57Ces zones renouent avec le conservatisme politique et appliquent avec zèle les mesures vexatoires contre les cadres déchus de l’an II. Les Jacobins ne sont pas suffisamment enracinés pour faire face à la pression conservatrice et doivent généralement prendre la route de l’exil.

58D’autres communes, bien que dominées par des édiles modérés ou réactionnaires, possèdent un solide noyau jacobin résistant avec vigueur aux mesures thermidoriennes. Ce sont généralement des bastions jacobins de la première heure. Certains s’étaient distingués en 1793 par le refus d’adhérer au « fédéralisme », comme Montélimar ou Orange. À ces pôles jacobins s’ajoutent des villes au parcours politique plus chaotique, comme Pont-Saint-Esprit, Beaucaire ou Valence. Cette dernière, après avoir été à la pointe du patriotisme en 1791, bascule dans le « modérantisme » politique en 1792. Au cours de l’an II, les deux clubs sont fusionnés en une seule société populaire qui semble avoir redynamisé le zèle républicain des patriotes valentinois. Plus qu’ailleurs, l’orientation politique de l’an III est refusée par une minorité très active de patriotes « exclusifs » qui multiplie les provocations tout au long de l’année 1795. Le courant conservateur, s’il a clairement les faveurs du gouvernement, peine à s’imposer. Dans ces villes, les affrontements entre factions sont récurrents et aucune ne parvient véritablement à prendre l’ascendant sur l’autre.

59Une partie importante de la vallée du Rhône est épargnée par les violences politiques en 1795. Il s’agit surtout des communes de la vallée du Rhône septentrionale, dont les arènes politiques apaisées favorisent les transitions politiques en douceur, malgré la proximité de Lyon, mais également de quelques espaces méridionaux plus ponctuels, comme Lapalud. Ces localités ont moins souffert de la « Terreur » judiciaire et ne déplorent aucune victime. Par conséquent, l’an II n’ayant pas accentué les divisions politiques, une sortie modérée de la « Terreur », sans règlements de compte et violences est possible.

60Ainsi, le recours aux jeux d’échelles et à la méthode inspirée de la micro-histoire révèle toute la complexité de dynamiques politiques locales que les multiples soubresauts rendent particulièrement fluctuantes. Malgré un cadre administratif très mouvant, les comportements politiques s’enracinent. La vallée du Rhône septentrionale, inclinant déjà vers le modérantisme en 1792, conserve la même ligne de conduite au plus fort de la crise de 1793. Dès lors, une sortie de la « Terreur » par la voie modérée, qui autorise un retour à une vie politique normalisée, est possible et acceptée par les « partis » en présence. A contrario, la crise « fédéraliste » et les excès de la « Terreur », instrumentalisés par des « factions » s’affrontant pour l’exercice du pouvoir local, amplifient la très forte bipolarisation de la vie politique méridionale, déjà en place avant 1793. La « réaction », stimulée par la poursuite des conflits interpersonnels et un esprit revanchard, contribue à forger l’image, certes trompeuse, d’un Midi rongé par le royalisme. Dans une zone de forte conflictualité politique comme la vallée du Rhône méridionale, une sortie de la « Terreur » par la voie du compromis n’avait aucune chance d’aboutir. En effet, la présence de petits noyaux jacobins refusant ostensiblement l’orientation thermidorienne, ou de bastions conservateurs dans lesquels les cadres déchus de l’an II sont persécutés, tend à prouver que ces deux années charnières ont rendu difficile, sinon impossible, toute normalisation de la vie politique locale. Ces clivages préfigurent la nouvelle géographie politique du sillon rhodanien qui se met en place au lendemain des élections de novembre 1795.

Notes

1 M. Biard, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, CTHS, 2002.

2 J. Tulard, Les Thermidoriens, Paris, Fayard, 2005.

3 J. Horn, « Toute politique est locale : une relecture critique de Le nombre et la raison : la Révolution française et les élections de Patrice Gueniffey », AHRF, 311, 1998, p. 89-109 ; S. Clay, « Les réactions du Midi : conflits, continuités et violences », AHRF, 345, 2006, p. 55.

4 AD Gard, L 422, lettre d’Agricol Moureau au club des Jacobins de Beaucaire, 1er février 1793.

5 J. Lahondère, « Le mouvement fédéraliste de 1793 dans un village vauclusien [Caderousse] », Bulletin des Amis d’Orange, 53, 1973, p. 10-12 ; 54, 1974, p. 10-12 ; 56, 1974, p. 1-7.

6 J. Nicolas, La Révolution... op. cit., p. 208.

7 Ce terme, utilisé par les contemporains, désigne les participants aux assemblées de sections et, par extension, les « fédéralistes ».

8 C. Lucas, La structure de la Terreur. L’exemple de Javogues et du département de la Loire, Saint-Etienne, Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’expression contemporaine, 1990, p. 40 ; D. Pingué, « Les limites du fédéralisme dans l’Ouest : la prétendue révolte du département de l’Eure », in Les Fédéralismes... op. cit., p. 271.

9 M. Vovelle, Les sans-culottes marseillais : le mouvement sectionnaire du jacobinisme au fédéralisme, 1791-1793, Aix-en-Provence, PUP, 1995, p. 176.

10 La dernière colonne se lit à part.

11 Pour plus de précisions : N. Soulas, « Le « fédéralisme » au féminin. La crise politique de l’été 1793 au prisme des rapports de genre en Révolution », Provence historique, tome LXIX, n° 265, janvier-juin 2019, p. 37-54.

12 A. de Mathan, Girondins... op. cit., p. 37-39.

13 AD Gard, L 3265, tribunal révolutionnaire du Gard, extrait d’une délibération du directoire du district de Beaucaire, 28 juin 1793.

14 AN, F 7 4436 (1), lettre sans date de Viot à Claude Payan.

15 AD Vaucluse, 8 L 93, dossier Joseph Limoge, 1794.

16 M. Biard (dir.), Les politiques de la Terreur (1793-1794), Rennes, PUR, 2008 ; P. Gueniffey, La politique de la Terreur, Mesnil-sur-L’Estrée, Gallimard, 2000 ; M. Biard, H. Leuwers (dir.), Visages de la Terreur. L’exception politique de l’an II, Paris, Armand Colin, 2014.

17 A. Forrest, « Le crime de fédéralisme », 112e congrès national des sociétés savantes, Lyon, section d’histoire moderne et contemporaine, III, 1987, p. 37-45.

18 J. Massé, « Les tribunaux de Grenoble pendant les premières années de la Révolution (1790-1795) », Bulletin de l’Académie delphinale, 4e série, I, 1886, Grenoble, p. 490.

19 B. Benoît, « Les Drômains et Lyon », in Les Drômois, acteurs de la Révolution. Actes du colloque de Valence, 12,13, 14 octobre 1989, Valence, Association drômoise pour la célébration du Bicentenaire de la Révolution française, 1990, p. 492.

20 B. Bodinier, « Un département sans Terreur sanguinaire : l’Eure en l’an II », in M. Biard (dir.), Les politiques... op. cit., p. 114.

21 F. Robin, Les représentants en mission dans l’Isère. Chronique d’une Terreur « douce » (17931795), Paris, ADHE, 2002, 464 p.

22 A.M. Duport, « Le tribunal révolutionnaire du Gard, octobre 1793-thermidor an II », Bulletin d’Histoire de la Révolution française, 1984-1985, p. 85-99.

23 Voir annexe sur HAL.

24 Id.

25 J. Guilhaumou, M. Lapied, « Les femmes actrices ou victimes de la Terreur ? Surveillance et répression dans le sud-est », in M. Biard (dir.), Les politiques... op. cit., p. 178-179.

26 L. Brassart, Gouverner le local... op. cit., p. 264.

27 A.M. Duport, « La mission dans le Gard du représentant Borie (pluviôse-thermidor an II) », in R. Huard (dir.), Les pratiques politiques... op. cit., p. 255.

28 M. Biard, Missionnaires... op. cit., p. 269.

29 AN, AFII 191, lettre du représentant Borie au Comité de salut public, 4 mars 1794.

30 AD Gard, E dépôt 40 807, délibération municipale du 26 germinal an II.

31 J. Guilhaumou, M. Lapied, « La mission Maignet », AHRF, 300, 1996, p. 283-294.

32 M. Biard, Missionnaires... op. cit., p. 261.

33 R. Moulinas, Histoire... op. cit., p. 304-309.

34 C. Lucas, La structure... op. cit., p. 167.

35 J.P. Jessenne, Pouvoir... op. cit., p. 95.

36 AM Beaucaire, 1 D 1, délibération municipale du 28 brumaire an II.

37 D.M.G. Sutherland, Révolution et Contre-révolution... op. cit., p. 218.

38 Même constat dans la Vienne : J. Péret, « Le village face à la Terreur : l’exemple du département de la Vienne », in R. Dupuy (dir.), Pouvoir local... op. cit., p. 283.

39 J.P. Jessenne, Pouvoir... op. cit., p. 95.

40 M. Lapied, « Réaction et Terreur blanche dans le Comtat en l’an III : évolution ou confirmation des options politiques », in M. Vovelle (dir.), Le tournant de l’an III, Paris, CTHS, 1997, p. 539-548.

41 J.P. Jessenne, « Continuités et ruptures dans la détention des fonctions locales en Artois (1789-1800) », in La Révolution française et le monde rural... op. cit., p. 405.

42 Les agents nationaux reprennent leur appellation d’origine en germinal an III.

43 S. Bianchi, « Comité de surveillance : un modèle pour la Seine-et-Oise ? », in D. Pingué, J.P. Rothiot (dir.), Les comités de surveillance. D’une création citoyenne à une institution révolutionnaire, actes du colloque tenu à l’université de Franche-Comté, I.U.F.M de Fort Griffon, Besançon (13-14 janvier 2011), SER, Paris, 2012, p. 146 ; J. Bernet, « Les fonds des comités de surveillance en 1793-an III. Intérêt politique et usages historiques, l’exemple de la Haute-Marne », Rives méditerranéennes, 18, 2004, p. 39.

44 P. Barlet, « Les sans-culottes aux champs : mentalités révolutionnaires dans les comités de surveillance du district de la Châtre (Indre) en l’an II », in 111e congrès national des sociétés savantes, Poitiers, 1986, section d’histoire moderne et contemporaine, 1, fascicule 2, p. 173.

45 M. Biard, Missionnaires... op. cit., p. 273.

46 F. Brunel, Thermidor. La chute de Robespierre, Paris, Éditions Complexe, 1999.

47 L. Chavanette, Quatre-vingt-quinze. La Terreur en procès, Paris, CNRS éditions, 2017.

48 B. Baczko, Comment sortir de la Terreur. Thermidor et la Révolution, Mesnil-sur-l’Estrée, 1989.

49 L. Devès, Les brigands. Épisodes inédits de la réaction thermidorienne dans le Midi de l’arrondissement de Montélimar (1794-1802), Montélimar, Cheynet, 1885.

50 P. Vaillandet, La mission Maignet en Vaucluse. Maignet et la réaction thermidorienne, Marseille, Institut historique de Provence, 1928, p. 4.

51 AM Montélimar, 1 D 8, délibération municipale du 9 floréal an III.

52 R. Pierre (dir.), 240 000 Drômois. De Robespierre à Bonaparte, Crest, Éditions Notre Temps, 1996, p. 49.

53 C. Lucas, « Themes in southern violence after 9 thermidor », in G. Lewis, C. Lucas (dir.), Beyond the Terror. Essays in French regional and social history, 1794-1815, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, p. 152-194.

54 B. Benoît, « Chasser le Mathevon à Lyon en l’an III », in M. Vovelle (dir.), Le tournant de l’an III... op. cit., p. 497-508.

55 S. Clay, « Justice, vengeance et passé révolutionnaire : les crimes de la Terreur blanche », AHRF, 350, 2007, p. 109-133 ; P. Gaffarel, « Les massacres royalistes dans le département des Bouches-du-Rhône aux premiers mois de 1795. Épisode de la réaction thermidorienne », Annales de la faculté de lettres d’Aix-en-Provence, III, n° 1-2, 1909, p. 1-67.

56 W. Wilson, Les réseaux contre-révolutionnaires en Provence (1789-1797), thèse de doctorat (dir. M. Vovelle), université d’Aix-en-Provence, 1985, p. 191.

57 M. Vovelle, « Massacreurs et massacrés. Aspects sociaux de la contre-révolution en Provence après thermidor », in F. Lebrun, R. Dupuy (dir.), Les résistances à la Révolution, Paris, Imago, 1987, p. 141-150.

58 J.C. Martin, Nouvelle histoire de la Révolution française, Saint-Amand-Montrond, Perrin, 2012, p. 485.

59 M. Seyve, C. Seyve, Montélimar... op. cit., p. 106.

60 R. Moulinas, Histoire... op. cit., p. 352.

61 R. Dupuy, « Réaction thermidorienne et royalisme », in R. Dupuy, M. Morabito (dir.), 1795. Pour une République sans Révolution, Rennes, PUR, 1996, p. 243-250.

Table des illustrations

Titre CARTE N° 5 : UNE CRISE POLITIQUE D’UNE INÉGALE INTENSITÉ
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Titre TABLEAU N° 9 : COMPOSITION SOCIOPROFESSIONNELLE DES « FÉDÉRALISTES » RHODANIENS10
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Titre TABLEAU N° 10 : CRISE « FÉDÉRALISTE » ET REVANCHE POLITIQUE
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Titre GRAPHIQUE N° 2 : L’ENRACINEMENT DE LA GÉNÉRATION DES RÉVOLUTIONNAIRES : LE CAS ORANGEOIS
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Titre GRAPHIQUE N° 3 : ÉVENTAIL DES FORTUNES ORANGEOISES
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Titre CARTE N° 6 : LE COULOIR RHODANIEN AU PRINTEMPS 1795
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