Un trésor à l'Université d'Avignon
| ,Introduction
Texte intégral
1La valorisation de l’ancienne pharmacie de l’Hôpital Sainte‑Marthe, trésor caché à découvrir, est, depuis longtemps, notre premier désir et objectif. Située au cœur des bâtiments de l’actuelle université (Campus Hannah Arendt) et remarquablement préservée, elle connaît régulièrement un franc succès lors des Journées du patrimoine. Un recueil d’articles portant sur l’Hôpital Sainte‑Marthe et sa pharmacie nous a donc paru le meilleur moyen de dévoiler les multiples richesses d’un lieu aussi attachant que, presque, intemporel.
2Nous avons, au préalable, entamé une démarche concertée en sollicitant les acteurs qu’il nous semblait indispensable d’associer au projet : à savoir, du côté des biens mobiliers et immobiliers, le Centre Hospitalier d’Avignon, propriétaire de la pharmacie, ainsi que la Conservation régionale des monuments historiques et la DRAC, et, du côté des autres partenaires, les Ordres départemental, régional et national des pharmaciens. Ces collaborateurs, que nous remercions sincèrement, ont, tous, prêté une oreille bienveillante à nos demandes et n’ont jamais manqué de nous encourager dans notre ambitieux projet. C’est ainsi qu’est née cette publication concernant l’« apothicairerie » – pour lui donner son nom d’autrefois – et portant sur son devenir comme sur le contenu surprenant de ses tiroirs, pots, récipients et d’autres objets encore. N’oublions pas en effet que chaque hôpital possédait alors « une boutique de drogues », qu’un réseau européen regroupe aujourd’hui (www.apothicaireries.eu). Les sources variées et la pluralité des approches permettent de retracer en de belles pages l’histoire pluriséculaire de la pharmacie et de son ancien Hôpital.
3Cet ouvrage vise à mettre en valeur un lieu de mémoire spécifique, caractéristique d’un savoir aussi bien technique qu’érudit, tout en présentant ses nombreux enjeux : les pratiques sociales et thérapeutiques, les attitudes envers les malades, les mécanismes de la gestion administrative par les recteurs de l’Hôpital ainsi que les circuits économiques qui sous‑tendent l’achat des différents produits.
4En parcourant la longue liste des établissements hospitaliers, Marilyn Nicoud présente une synthèse exhaustive de l’histoire de la médecine et des hôpitaux tant dans la durée (xiie‑xvie siècles) que dans un large espace européen et méditerranéen. Dans ce cadre, nous pouvons observer l’évolution progressive des missions hospitalières au fil des critiques de ses usagers et médecins. En s’appuyant sur le grand succès des pharmacies anciennes auprès d’un public large et varié, Jean‑Charles Bertozzi montre tout l’intérêt de lire attentivement les archives de l’Hôpital afin de comprendre des phénomènes touchant autant à l’histoire sociale des XVIIE et XVIIIE siècles qu’aux préoccupations sanitaires, toujours constantes, des autorités de la ville et de l’Hôpital. Le décor et le mobilier sont minutieusement décrits par Marie‑Claude Léonelli. Ses explications détaillées restituent les secrets des panneaux muraux, malheureusement voilés par le manque de lumière naturelle et la patine des années. Le contenu des pots et autres flacons, connu par l’inventaire de 1661, est fidèlement transcrit par Françoise Moreil. Le résultat de cette opération scrupuleuse est une longue liste de produits aux noms particulièrement évocateurs. L’ample catalogue des drogues utilisées pour les malades révèle des trajectoires insoupçonnées : le long voyage que les richesses de la pharmacie ont dû effectuer pour rejoindre, enfin, Avignon. Nous pouvons suivre les péripéties affrontées par herbes et médicaments, provenant souvent de continents lointains, particulièrement du Nouveau Monde. Ces produits sont répertoriés dans les Pharmacopées de Moyse Charas et de Nicolas Lemery, ce qui témoigne de l’ampleur et de la finesse des connaissances scientifiques des pharmaciens de l’époque. Il n’y a pas de doute : l’apothicairerie est bien le lieu où se déploient savoirs et pratiques médicales dans la société d’autrefois.
5Tout aussi longue est la route que l’encens a suivie depuis la Corne de l’Afrique jusqu’au placard de l’apothicairerie avignonnaise, avant d’être analysé par voie chimique, grâce aux techniques les plus modernes, par une équipe soudée et motivée. Céline Joliot, Carole Mathe et Catherine Vieillescazes ont également dressé l’inventaire scientifique du contenu d’un tiroir en l’agrémentant d’un titre évocateur : « Couleurs à soigner, couleurs à peindre ? ». Au regard des interrogations qui se posent aujourd’hui sur les conditions de conservation des produits naturels, cette approche ciblée aux problématiques et aux exigences spécifiques d’une pharmacie ancienne permet d’allier protection du patrimoine et avancée technologique. La collaboration entreprise a pour but de développer la recherche scientifique sur ces matériaux afin de déterminer à la fois l’origine géographique des sources de matières premières et les modes d’approvisionnement aux différentes périodes de la vie de cette pharmacie, véritable témoin historique du fonctionnement de l’Hôpital.
6L’apothicairerie était un rouage essentiel de l’établissement hospitalier, l’endroit où se retrouvaient, dans le même temps, les élites urbaines qui le dirigeaient et les malades qui venaient s’abriter entre ses murs. C’était la réponse à l’urgence de la charité, une réponse qui, si elle fut parfois insuffisante, eut en tout cas le mérite d’exister.
7Nous remercions vivement la Fondation de l’Université, les Archives départementales de Vaucluse, la Bibliothèque municipale d’Avignon, les Archives municipales d’Avignon, le Musée de la Pharmacie Albert Ciurana (Université de Montpellier), le Musée Georges Borias d’Uzès, toute l’équipe des Éditions Universitaires d’Avignon ainsi que, bien évidemment, le Centre Hospitalier d’Avignon pour avoir bien voulu autoriser la reproduction des photographies de la pharmacie.
© Éditions Universitaires d’Avignon, 2018