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Faire vie de la littérature

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Julien Gosselin

Préface

Laure Adler, Emmanuel Ethis et Damien Malinas

Texte intégral

1Les festivals, comme les campus, sont des scénarisations palimpsestes, une sorte de chaîne de collaboration réunie en un monde organisé par des ingénieurs de l’enchantement. Organisées en coopération avec la direction du Festival d’Avignon, l’équipe avignonnaise du Centre Norbert Elias et la Maison de la culture et de la vie de campus, les Leçons de l’Université invitent, depuis 2005, de grandes figures de la scène nationale et internationale, des artistes, des chercheurs et intellectuels, à donner une leçon magistrale d’une heure retraçant leur expérience, leur point de vue, leur posture et donc, en tout premier lieu, leurs idées.

2En 2009, à leur sortie de l’EPSAD (école professionnelle supérieure d’art dramatique) à Lille, Guillaume Bachelé, Antoine Ferron, Noémie Gantier, Julien Gosselin, Alexandre Lecroc, Victoria Quesnel et Tiphaine Raffier créent Si vous pouviez lécher mon cœur. Après Gênes 01 et Tristesse Animal Noir, et sous la direction de Julien Gosselin, le collectif s’arrête sur des œuvres littéraires dont les mécanismes jouent avec la temporalité du lecteur-spectateur, l’immergeant toujours dans des expériences ultra sensibles, dont Les Particules élémentaires de Michel Houellebecq et 2666 de Roberto Bolañio, accueillis lors de précédentes éditions du Festival d’Avignon.

« Il y a encore une raison qui fait que je m’attaque à des romans, c’est qu’avec le travail accompli année après année, je deviens un meilleur lecteur et ça me bouleverse d’accéder à des langues qui, auparavant, me paraissaient obscures. »

3Pour John Dewey, l’expérience esthétique correspond toujours au produit d’une première dimension - celle de la tension, de la réaction corporelle, d’une anticipation - et d’une seconde dimension, intellectuelle, réconciliatrice. Au demeurant, si l’on ne vit pas pleinement la première dimension de l’expérience, celle de la tension, on est sans doute moins en mesure de vivre la seconde, intellectuelle et pacificatrice.

4Cette capacité à immerger et faire croire au monde à un instant donné est la même capacité à changer la vie car on se sent exister et que l’on peut provoquer une véritable expérience esthétique, une première fois. Terriblement, ces premières si uniques sont tellement les mêmes que celles des autres : c’est pour cela qu’elles se vivent fortement et avec le temps, se racontent souvent faiblement. Celui qui transmet son ou ses expériences les raconte un peu plus fort afin qu’elles soient transmises pour contribuer à ce que d’autres puissent vivre leur rituel de passage unique, à eux. Les premières fois culturelles sont aussi les dernières dans la carrière ou le trajet de l’individu. Elles fonctionnent comme des hapax : ces mots qui n’ont qu’une seule occurrence dans un corpus donné.

5Grâce aux Éditions Universitaires d’Avignon et à la collection Entre-Vues, nous espérons, par une adaptation fidèle des Leçons de l’Université d’Avignon, fixer durablement et prolonger le plaisir, l’intérêt et la réflexion pour tous ceux qui y ont assisté et, pour ceux qui n’étaient pas là, faire découvrir les mots et les paroles, si importants ici, de ceux qui définissent au mieux et dans tous les sens du terme, l’espace de la création et de la recherche.

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