Un message aux mères
« A message to mothers », Physical Culture, avril 1916
p. 99-101
Texte intégral
1« La maternité est sacrée ! » Combien de fois avons-nous entendu cette platitude, ce mensonge doux et écœurant au regard de la terrible vérité selon laquelle la maternité a si souvent été un blasphème, l’incarnation même de l’irresponsabilité, de la négligence et de l’aveuglement face à la misère future ? Par la maternité involontaire, la misère, la maladie, l’ignorance et la stupidité ont été multipliées par millions en ce monde. Une humanité faible et exploitable s’est perpétuée au profit de ses maîtres machiavéliques.
2Telle doit être du moins l’impression de quelqu’un comme moi. Car, par ce travail, j’ai eu de nombreuses réponses des mères d’Amérique elles-mêmes, des centaines, voire des milliers de lettres et de demandes venant à moi pour obtenir cette connaissance. La seule opposition est venue de ceux qui se sont installés derrière les remparts du privilège et du pouvoir, ou de ceux qui tirent leurs gros revenus de cette humanité faible et déshéritée, résultat d’une procréation irresponsable.
3Certains sont d’avis que la pratique du contrôle des naissances par les mères américaines se traduira par l’amélioration de la qualité de la race, bien qu’elle en diminue la quantité. Je préfère souligner les avantages directs et immédiats pouvant être tirés du contrôle des naissances. Certes, nous avons besoin d’enfants bien portants et nés dans de bonnes conditions. Pour les avoir, nous avons besoin de mères fortes, de femmes fortes – spirituellement et physiquement fortes.
4Quand j’ai commencé ma propagande en faveur du contrôle des naissances, une lutte sombre et désespérée contre les forces de l’autorité et de l’ignorance, j’étais décidée à donner aux femmes la seule arme efficace avec laquelle elles pourraient affirmer leur fonction centrale et radicale dans la société.
5Si les mères d’Amérique, en particulier les mères des pauvres, réclamaient des méthodes sûres de contrôle des naissances afin de soulager et de supprimer leur misère, est-ce que le médecin, l’assistante sociale, l’infirmière, toute personne en possession de cette connaissance, aurait le droit de ne pas la divulguer ? Ou en refusant de diffuser cette connaissance, ne devrait-elle pas dès lors être tenue pour responsable des effets indésirables de la parentalité forcée ou insouciante ?
6L’arme du contrôle des naissances placerait entre les mains de toutes les femmes le pouvoir de décider, de faire ce choix capital. Il élèverait la Maternité, il l’a en effet déjà élevée, à une fonction de la plus haute responsabilité. Nous sommes maintenant en mesure de tenir les femmes pour responsables des enfants qu’elles mettent au monde. Les femmes doivent maintenant se rendre compte que ce sont des hommes et des femmes qu’elles mettent au monde, pas simplement des bébés sur lesquels s’attendrir.
7« Quel droit avez-vous de mettre cet enfant au monde ? » C’est la question à laquelle chaque mère doit maintenant répondre.
8« Quel droit avez-vous de me demander de mettre des hommes et des femmes au monde ? » C’est la question que chaque femme doit à son tour poser à la société.
9Oh ! Si je pouvais encourager suffisamment de femmes, suffisamment de mères de ma classe, la classe ouvrière, à poser cette sombre question à la société américaine – des femmes totalement conscientes du véritable caractère sacré de la maternité, des femmes prêtes à exiger une réponse honnête et décidées à faire de ce monde un lieu digne d’accueillir leurs enfants –, alors ne nous concentrerions-nous pas immédiatement sur la résolution des problèmes sociaux ?
10Seules les femmes et les mères d’Amérique, et non les tribunaux, ont le pouvoir de décider de la cause du contrôle des naissances.
11Affirmez ce pouvoir !
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