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La République et ses autres

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Sarah Mazouz

Annexes

Discours 1

Communication en Conseil des ministres de Mme Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité sur la politique d’intégration

Mercredi 21 octobre 1998

Note de l’auteur

Le texte de cette intervention n’est plus accessible en ligne dans sa version intégrale. Seul un résumé de ce discours est disponible à l’adresse suivante : [http://discours.vie-publique.fr/notices/986003497.html] (consulté le 9 janvier 2017).

Texte intégral

1Monsieur le président, Monsieur le Premier ministre, Chers collègues,

2Le gouvernement poursuit, depuis maintenant dix-sept mois, un objectif qui tend à renforcer notre contrat social, le contrat républicain. La politique d’intégration s’inscrit pleinement dans cette action.

3— Le modèle français d’intégration a fait ses preuves, malgré les difficultés du pays.

4La politique d’intégration doit d’abord exprimer une certaine confiance dans l’avenir. La France a en effet une longue tradition d’accueil qui lui a permis de s’enrichir des immigrations qu’elle a connues et qui sont une constante de son histoire. L’entreprise et le monde du travail, comme l’école, ont contribué au fonctionnement de cette « machine à intégrer ».

5Pour autant, il ne faut pas ignorer que ce que l’on a parfois appelé le « modèle français d’intégration » a connu des phases difficiles, qui correspondent d’ailleurs toujours aux périodes de crise économique. Dans les années 1900, le racisme et la xénophobie touchaient les travailleurs italiens ou polonais. Aujourd’hui, certains de nos concitoyens, lorsqu’ils sont en difficulté, cherchent des boucs émissaires. Cela s’explique, mais n’est pas acceptable, notamment car ce racisme tend à se systématiser et à se théoriser. Il touche d’ailleurs tous ceux qui correspondent à ce fantasme, étrangers comme Français.

6Si cette « machine à intégrer » paraît quelque peu grippée, la cause doit être recherchée principalement dans les circonstances économiques et en premier lieu dans la situation de l’emploi.

7— Ces difficultés, qui donnent naissance à des manifestations racistes et à des discriminations, soulignent le caractère indispensable d’une politique d’intégration qui réponde aux besoins concrets de ceux qui vivent en France.

8Pourtant, reconnaître ces difficultés ne doit pas conduire à remettre en cause les principes fondamentaux de notre politique d’intégration. Il n’est pas question d’accepter ce que j’appellerais « la vie séparée » que connaissent certains de nos voisins : chacun vivrait dans son quartier, avec ses valeurs, à une place déterminée par les origines, même lointaines, avec, parfois, des élites communautaires chargées de la liaison avec le reste de la société. Ceci ne fait pas partie de notre histoire ni de nos traditions. La société française s’est construite par le mélange, en référence à ses valeurs historiques : celles de la liberté, de la solidarité, de l’égalité, dans le respect des droits et devoirs de chacun. La force de ce modèle vient précisément de sa capacité d’adaptation aux changements. Nous devons ainsi réaffirmer que les principes de notre politique d’intégration doivent nous permettre de mieux vivre ensemble.

9Les moyens de cette politique sont les mêmes pour tous. Ce sont les moyens des différentes politiques publiques : l’éducation, le logement, la formation ou l’accès à l’emploi, à la culture ou aux pratiques sportives. Bien entendu, la politique de la ville et l’engagement de l’État, avec les collectivités territoriales, sur certains territoires concourent à la réalisation de cet objectif. Comme cela a été décidé lors du Comité interministériel des villes du 30 juin 1998, l’État inscrira systématiquement la politique d’intégration parmi les éléments des prochains contrats de ville.

10— L’intégration est possible : elle passe par le respect des droits et devoirs de chacun et des valeurs de notre société, tout en assurant à tous une place digne.

11Je souhaite affirmer que l’intégration se fait chaque jour et que la France dispose de tous les atouts pour réussir. Le gouvernement a modifié les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers en France. Nous devons souligner que la politique d’intégration est le complément absolument indispensable de la maîtrise des flux migratoires et de la politique de co-développement menée par ailleurs.

12L’intégration passe par le respect des droits et devoirs de chacun, étrangers résidant en France, jeunes Français ou familles arrivées il y a plusieurs années déjà. L’intégration suppose que tous respectent les valeurs fondamentales de notre société, comme la liberté individuelle, le principe de laïcité ou l’égalité des droits. Il faut aussi, pourquoi ne pas le dire, que ceux qui vivent avec nous en France souhaitent vraiment réussir cette intégration, ensemble.

13Mais cette réussite suppose aussi que nous donnions à chacun, avec ses spécificités, ses racines, son histoire personnelle, la certitude qu’il a bien sa place dans notre société. Il doit ainsi pouvoir garder ses pratiques culturelles ou religieuses, dès lors qu’elles n’entrent pas en contradiction avec les valeurs de notre société.

14Voilà le défi : aider et assurer le bon déroulement du processus d’intégration dans une société qui connaît depuis des décennies des bouleversements profonds. Nous ne pouvons pas perdre : il s’agit de la construction de la société que nous laisserons à nos enfants. Et nous avons tous les moyens pour réussir.

15— Trois temps pour un parcours d’intégration

16Je souhaite en venir maintenant aux orientations de la politique d’intégration. Ces trois priorités correspondent à une vision de l’intégration comme un phénomène dynamique permanent. L’intégration est en effet un processus particulièrement complexe, aux dimensions personnelles et intimes, mais aussi économiques, culturelles et sociales. On « s’intègre » petit à petit, sans renoncer à ses racines et à sa culture, mais en adoptant certaines valeurs de la collectivité dans laquelle on vit et que l’on enrichit en apportant les siennes. C’est à ce processus progressif que la politique d’intégration se doit de répondre, en mettant en place des outils adaptés.

17Ces trois priorités correspondent à trois temps du processus d’intégration :

18Mieux accueillir en France – Mettre en œuvre le principe républicain d’égalité en luttant contre les discriminations – Faciliter l’acquisition de la nationalité française et adapter la politique des naturalisations aux évolutions de la société

19I – MIEUX ACCUEILLIR EN FRANCE

20La première étape du parcours est l’accueil des personnes qui arrivent en France. C’est le moment des premiers contacts avec notre pays ; c’est aussi les premiers moments où la politique d’intégration peut et doit s’exprimer.

21Nous devons immédiatement lever les suspicions qui pèsent sur les immigrés. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont autorisées, chaque année, à venir en France, pour des raisons variées, liées notamment à la famille, à la profession ou aux études. Nous devons affirmer qu’il peut être de l’intérêt de la France d’admettre sur son territoire des ressortissants étrangers. Encore convient-il, pour favoriser l’intégration, de ne pas laisser le nouvel arrivant seul face à une société dont, bien souvent, il ne connaît ni la langue, ni les habitudes.

22Ainsi, accueillir, c’est d’abord organiser concrètement l’arrivée de celui qui a été autorisé à résider en France. Accueillir, c’est préparer éventuellement la venue de celui qui va arriver plus tard, dans le cadre du regroupement familial par exemple. C’est aussi, pour celui qui représente le pays d’accueil, expliquer les droits et les devoirs, les règles de vie commune. C’est enfin se préoccuper des besoins du nouvel arrivant de façon à faciliter son installation.

23L’objectif du gouvernement est de mettre en place une politique d’accueil efficace répondant à ces principes, pour que toute personne qui vient s’installer régulièrement en France pour au moins un an en bénéficie, alors qu’aujourd’hui seulement une faible part des familles arrivant a pu bénéficier d’un accueil au contenu encore limité.

24L’accueil personnalisé repose aujourd’hui sur l’État (les préfets élaborent des plans départementaux d’accueil pour coordonner l’action des différents partenaires publics et associatifs), l’OMI et le FAS, les travailleurs sociaux intervenant pour orienter les primo-arrivants qui, le cas échéant, peuvent bénéficier d’un crédit d’apprentissage du français.

25À terme, dans chaque département, un lieu unique d’accueil, dit « plate-forme » d’accueil, sera créé avec des locaux adaptés aux rencontres collectives ou personnalisées, dans lequel interviendront de façon coordonnée les personnels formés à ce rôle : auditeurs sociaux, interprètes, agents publics, travailleurs sociaux, représentants du monde associatif.

26En conséquence, il a été décidé que :

271 – L’accueil personnalisé, qui ne concernait que les familles arrivant en France dans le cadre du regroupement familial, est élargi aux familles de réfugiés ainsi qu’aux conjoints de Français : doivent en priorité bénéficier de cet accueil ceux qui ont vocation à rester quelque temps en France, notamment parce qu’ils y ont de la famille.

282 – Les personnes qui sont déjà présentes en France et qui se font rejoindre par leur famille seront, à cette occasion, invitées à une rencontre avec le service public de l’accueil. Ces rencontres seront organisées de façon collective (quinze personnes environ) sous la responsabilité de l’OMI, assisté des services d’accueil et des autres associations actives dans ce domaine.

293 – L’accueil des familles elles-mêmes sera rendu plus performant : les familles bénéficieront :

30— d’une rencontre collective de présentation de la société française (modes de vie, droits et obligations), le cas échéant dans la langue parlée par le nouvel arrivant ;

31— d’un entretien personnalisé, si nécessaire, dans sa propre langue avec un auditeur social qui permettra de faire un bilan linguistique et un bilan social ;

32— si nécessaire, d’un premier entretien avec un travailleur social qui sera le correspondant du nouvel arrivant. Ces bilans devront permettre de définir la formation ou les modes d’accompagnement nécessaires lors de la première année.

33Ce dispositif, opérationnel dès la fin de l’année en Seine-Saint-Denis et dans le Rhône, sera étendu en 1999 dans les dix départements où l’immigration est la plus importante.

344 – Les plans départementaux d’accueil, qui organisent la coordination des services en matière d’accueil, sont étendus à l’ensemble des départements sous la responsabilité des préfets.

35II – METTRE EN ŒUVRE LE PRINCIPE RÉPUBLICAIN D’ÉGALITÉ EN LUTTANT CONTRE LES DISCRIMINATIONS

36Le succès du parcours d’intégration, pour ceux qui résident en France, passe ensuite par la lutte contre les discriminations raciales qui est une des applications les plus importantes du principe d’égalité, si important en droit français. Nous souhaitons, donc, faire de la lutte contre les discriminations, dans toutes ses dimensions, un des axes forts de la politique d’intégration.

37Cet objectif est capital pour la cohésion sociale de notre pays. Ces discriminations touchent en effet non seulement les étrangers, mais aussi ceux qui « ont l’air étrangers » : les Français récemment naturalisés, les Français qui sont arrivés il y a plus ou moins longtemps dans notre pays, et même les Français d’outre-mer.

38La situation, comme l’a relevé le Haut Conseil à l’intégration dans le rapport remis hier au Premier ministre, est préoccupante et appelle une mobilisation de tous et, notamment, de l’État qui doit être exemplaire. C’est, d’abord, par des prises de position publiques et par une parole politique forte condamnant les discriminations raciales dans notre pays que les choses commenceront d’avancer. L’affirmation d’une volonté ferme accompagnée de modestie est également indispensable : la loi ne peut pas tout et c’est plus par une action de pédagogie, d’information et de conviction que les discriminations reculeront dans notre pays.

39Deux dimensions particulièrement importantes pour l’intégration doivent être mentionnées : la lutte contre les discriminations dans le monde du travail et dans l’accès au logement.

402.1. La lutte contre les discriminations dans le monde du travail

41Il s’agit d’un sujet dont l’État doit désormais se saisir. L’année 1997 a été celle d’une prise de conscience (avec l’année européenne de lutte contre le racisme). 1998 et 1999 doivent être les années de l’action, sur un thème qui a été longtemps tabou. Je souhaite aujourd’hui contribuer à briser la loi du silence.

42Car, si tout dans la situation de l’emploi des étrangers (dont le taux de chômage est trois fois supérieur à la moyenne des « nationaux ») ne s’explique pas, fort heureusement, par l’existence de comportements racistes, il n’en demeure pas moins que les discriminations à l’embauche (les annonces discriminatoires BBR, code 001, la « préférence familiale ») ou dans le courant de la carrière se sont multipliées ces dernières années, jusqu’à remettre en cause notre modèle d’intégration.

43Sur ce sujet délicat, il convient d’avancer avec prudence mais aussi avec volonté. Le gouvernement a d’ores et déjà décidé d’avancer :

441 – Les partenaires sociaux, sans lesquels, rien n’est possible et grâce auxquels des résultats peuvent être atteints, doivent être mobilisés. Certains ont déjà donné l’exemple. Je proposerai d’organiser avant la fin de l’année une table ronde sur les discriminations raciales. Il est important de parler de ces discriminations et d’engager une concertation, pour évoquer notamment trois séries de sujets :

45— le rapprochement des diagnostics : nous vérifierons que nos analyses sont les mêmes, sur la situation dans le monde du travail et sur les moyens de l’améliorer ;

46— l’analyse des dispositions du Code du travail permettant de lutter contre les discriminations : nous vérifierons que les compétences reconnues aux institutions représentatives du personnel et aux syndicats sont adaptées et ne doivent pas être complétées. De même, je souhaite examiner avec eux la possibilité d’élargir le champ de la négociation collective ou de modifier les règles relatives à la charge de la preuve qui pèse aujourd’hui sur les personnes discriminées et qui rend concrètement impossible toute action : je crois ainsi possible d’aller vers un système où le juge se forgerait une conviction sans pour autant inverser totalement la charge de la preuve, ce qui serait contraire à nos traditions juridiques, notamment en matière pénale ;

47— la formation des syndicalistes : je souhaiterais que nous puissions, avec nos partenaires, améliorer les conditions dans lesquelles les représentants des syndicats dans les entreprises comme dans l’administration sont formés sur ces questions délicates.

482 – En faveur des jeunes, nous souhaitons que soient développées les opérations de parrainage que le ministère de l’Emploi et de la Solidarité a mis en œuvre de manière expérimentale depuis 1993. Ces opérations, qui permettent à des salariés actifs ou récemment retraités d’appuyer des jeunes dans leurs recherches d’emploi, donnent d’excellents résultats puisque près des deux tiers des jeunes parrainés accèdent à un emploi ou à une formation qualifiante après six ou neuf mois. 30 000 jeunes seront parrainés en 1999 contre 13 500 en 1997.

49Surtout, des accords ont été signés (par exemple avec la Jeune Chambre économique, des caisses de retraite ou la Fondation agir contre l’exclusion) ou le seront dans les prochaines semaines avec le monde de l’entreprise. Une charte nationale du parrainage sera signée pour qu’un nombre important de grands réseaux d’employeurs se mobilisent. D’ores et déjà, certaines fédérations d’employeurs, des associations de responsables des ressources humaines et des groupements d’employeurs ont déjà décidé d’adhérer à cette démarche. Les entreprises sont très réceptives et certaines ont déjà ouvert la voie. La charte nationale posera les principes fondamentaux, comme le bénévolat des parrains ou les objectifs pour la sortie des jeunes vers l’emploi stable et engagera la mobilisation de ces réseaux, pour élargir le recrutement des parrains. Ceux-ci, salariés actifs pour la plupart, viendront s’inscrire dans les réseaux constitués depuis 1993 qui seront ainsi consolidés.

503 – En ce qui concerne l’État lui-même, le gouvernement souhaite qu’il soit exemplaire et qu’il montre la voie.

51Ceci concerne d’abord les agents du service public qui ne doivent en aucun cas être critiquables. Nous allons travailler sur leur formation pour que l’accueil dans les services publics soit amélioré. Ceci concerne au premier chef le service public de l’emploi. Des instructions ont été données aux services de l’ANPE et de l’AFPA (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes) pour rappeler les dispositions applicables en matière de lutte contre les discriminations et pour donner une application concrète dans le marché du travail à cette priorité du gouvernement.

52De plus, il sera procédé à une analyse exhaustive des différentes professions dont l’exercice est interdit, en droit, aux étrangers. Cela ne concerne pas la fonction publique qui relève d’une autre logique, comme l’a relevé le Haut Conseil à l’intégration, mais en revanche se pose la question du statut de plusieurs professions privées ou de certaines entreprises publiques. La plupart de ces discriminations légales datent de l’après-guerre. À l’issue de cette analyse, le gouvernement envisagera la suppression des discriminations qui n’ont plus aucune justification.

53Par ailleurs, les inspecteurs du travail chargés de faire appliquer le Code du travail recevront, dans le cadre des orientations qui leur seront fixées pour 1999, des instructions pour renforcer leur action dans ce domaine.

544 – Je souhaite mentionner enfin la dimension européenne de ces questions : il s’agit d’un enjeu majeur pour l’Europe qui, au-delà de la politique commune d’entrée et de séjour des étrangers, devra demain mener une politique d’intégration commune. J’ai, à ce titre, souhaité que soit inscrite dans les lignes directrices pour l’emploi pour 1999, qui seront adoptées en décembre prochain, la lutte contre les discriminations afin que nos pratiques en la matière puissent peu à peu se rapprocher.

552.2. La lutte contre les discriminations dans le domaine du logement

56Il s’agit d’une application forte du principe d’égalité, dans la mesure où le logement, avec l’emploi, est un facteur déterminant d’intégration et où les discriminations sont réelles.

57Trois orientations me paraissent devoir être mentionnées :

58— en premier lieu, les besoins réels des immigrés, liés notamment à la taille des familles, doivent être pris en compte ;

59— de plus, les choix du passé sont particulièrement lourds puisque la création de logements pour les immigrés, dans les années 1960 et 1970, n’a pas été accompagnée des moyens qui auraient permis d’assurer un passage vers le logement de droit commun. Il faut aujourd’hui mener des actions spécifiques pour les 140 000 personnes qui vivent en foyers ;

60— enfin, l’objectif de mixité sociale dans la ville, qui est poursuivi par le gouvernement dans le cadre de la politique de logement et de lutte contre les exclusions, se heurte pour les populations immigrées à des difficultés propres, liées à leur situation socio-économique, mais aussi à de réelles discriminations. Nous devons répondre à ces besoins.

61Aussi, sur la base de ces orientations :

621 – Afin de relancer une politique dynamique pour le logement des immigrés, la CILPI sera rapidement réunie, en présence des préfets à qui un message très clair sera adressé. La CILPI est notamment chargée d’établir un bilan annuel du logement des populations immigrées. Ce bilan fera l’objet d’un rapport qui sera rendu public.

632 – Le plan quinquennal pour les foyers prévu dans la convention État-UESL (Union économique et sociale pour le logement), relative au 1 % patronal préparé par la CILPI, sera mis en œuvre dans les prochaines semaines. Bien qu’on ne puisse être partout satisfait de ce type de logements qui, dans certains cas, conduit à l’enfermement, il n’est pas réaliste de penser qu’on pourra rapidement le transformer. Aussi, nous visons à accompagner le mouvement de transformation de ces foyers à un rythme qui corresponde aux réalités sociales et humaines des occupants. Des opérations de réhabilitation, de reconstruction ou de démolition, avec le relogement des habitants, mais aussi l’ouverture des foyers à d’autres populations ou l’adaptation de l’équipement pour accueillir dignement les personnes âgées seront décidées dans le cadre de ce plan à partir de diagnostics sociaux et des capacités d’accompagnement social, sous la responsabilité de la CILPI en liaison avec les préfets.

643 – La gestion des foyers de travailleurs immigrés est assurée en dehors de la SONACOTRA par des organismes qui sont juridiquement des associations. Un grand nombre d’entre elles ont des difficultés à équilibrer leur activité économique. Aussi vais-je demander à la CILPI d’organiser un travail de réflexion concernant :

65— la définition des conditions de l’équilibre économique de l’activité de gestion des foyers ;

66— la réflexion sur le système d’aides qui leur sont accordées ;

67— la formation des cadres gestionnaires ;

68— la restructuration du secteur des organismes gestionnaires.

69Au-delà des questions d’emploi et de logement, qui sont capitales pour la réussite du processus d’intégration, il reste que les discriminations et le racisme s’expriment dans tous les domaines de la vie sociale.

70C’est pourquoi, il paraît nécessaire de répondre à une lacune que tous les acteurs constatent et sur laquelle le Haut Conseil à l’intégration vient d’attirer l’attention.

71Plusieurs voix se sont en effet fait entendre pour constater que la France manquait d’une structure spécialisée dans la lutte contre toutes les formes de discrimination et que ses structures administratives n’étaient pas adaptées. Le Haut Conseil propose ainsi la création d’une autorité administrative indépendante. La CNCDH, quant à elle, a suggéré, dans son rapport au printemps 1998, la création d’un médiateur. D’autres se réfèrent aussi aux modèles britannique ou néerlandais.

72Plusieurs questions fort complexes se posent encore : il s’agit d’abord de savoir si, d’un point de vue juridique et pratique, la France a réellement besoin d’une telle institution et si, en renforçant l’action des magistrats, des inspecteurs du travail ou des forces de police, des résultats ne pourraient pas être atteints. Il ne faut pas, en effet, céder au travers consistant à créer une structure dès qu’un problème, aussi grave soit-il, a été identifié. De plus, la nature exacte de nos besoins, en ce qui concerne les compétences, les modalités de saisine ou l’étendue des pouvoirs de nos institutions, reste à déterminer. C’est pourquoi un rapport sur la question de l’adéquation de nos structures à l’objectif de la lutte contre les discriminations a été commandé, pour que le gouvernement soit totalement éclairé. Les conclusions de ce rapport seront connues en février 1999.

73Sans attendre les conclusions de cette réflexion, un groupe d’études sur les discriminations sera mis en place dans les semaines qui viennent pour marquer l’engagement de l’État et des différentes administrations sur ce thème.

74Les expériences innovantes et les cas de discrimination raciale, dans le monde du travail et au-delà, devront être analysés pour que les pouvoirs publics puissent en tirer des conclusions pour leur action. Les chercheurs compétents pour chacun des domaines étudiés seront associés à ces travaux, comme les acteurs sociaux (syndicats, associations, entreprises).

75III – Faciliter l’acquisition de la nationalité française et adapter la politique des naturalisations aux évolutions de la société

76La dernière étape du parcours d’intégration est constituée, parfois, pour ceux qui le souhaitent, par la naturalisation. La politique suivie en la matière doit être adaptée aux évolutions que connaît notre société : il n’est pas question de traiter les dossiers de naturalisation comme on le faisait il y a vingt ans.

77De plus en plus d’étrangers demandent à devenir français et, toutes procédures confondues, ce sont environ 110 000 personnes qui sont devenues françaises en 1997. Pour la naturalisation par décret, qui relève de la compétence du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, ce sont 60 000 décisions positives qui ont été prises.

78Naturellement, on peut être intégré sans demander la nationalité et inversement. Mais il faut également affirmer que l’acquisition de la nationalité n’est pas seulement le résultat de « l’assimilation » des étrangers à la société française, pour reprendre les termes, quelque peu datés, du Code civil. Certes, l’acquisition de la nationalité symbolise l’appartenance à la communauté nationale dont les intéressés font partie intégrante et à laquelle ils doivent adhérer. Mais être naturalisé ne doit pas signifier l’abandon de toutes ses références, de son histoire et de ses racines.

79Il s’agit donc d’un dossier très important. Deux chantiers ont été ouverts depuis juin 1997. Ils aboutissent aujourd’hui.

801 – Le premier chantier concerne la qualité du service public rendu aux personnes qui formulent une demande de naturalisation et notamment la réduction du délai de réponse.

81La procédure dure environ vingt-quatre mois, ce qui est tout à fait excessif : de cette réponse dépend souvent la solution de bien des problèmes, dans la recherche d’un emploi ou d’un logement par exemple.

82Bien sûr, la procédure est complexe, ce qui explique que du temps soit nécessaire, les agents des préfectures (qui constituent les dossiers) et ceux de la direction de la Population et des Migrations (qui traitent les demandes) n’étant pas en cause. Mais toutes les dispositions doivent être prises pour que le délai de réponse maximum de dix-huit mois, fixé par le législateur par la loi du 16 mars 1998, soit respecté :

83— la sous-direction des Naturalisations de la DPM est renforcée pour que le traitement des dossiers soit à la fois plus rapide et de meilleure qualité. Des efforts importants dans les méthodes de travail ont été engagés. Ils seront poursuivis. L’amélioration des liens entre les services, qui permet une meilleure circulation de l’information, est engagée, notamment grâce à des applications informatiques ;

84— les procédures, qui ne sont pas les mêmes dans toutes les préfectures, seront harmonisées, pour que les liens entre les services et avec les usagers soient améliorés. Ceci concerne des détails importants comme les conditions de réalisation de l’entretien destiné à vérifier la bonne intégration ;

85— les pièces qui seront demandées aux intéressés seront simplifiées, afin que des documents inutiles ne soient pas réclamés aux candidats à la naturalisation. La période de référence pour laquelle des justificatifs et des enquêtes sont nécessaires sera réduite. Cette simplification est possible, sans pour autant renoncer à la qualité des informations dont nous avons besoin pour prendre la décision, notamment lorsque des questions de sécurité se posent.

862 – Le second chantier est plus fondamental encore : il concerne les principes mêmes de la politique de naturalisation. Ces principes doivent être assouplis pour prendre en compte les évolutions qu’a connues notre société depuis vingt ans et s’adapter à elles.

87C’est pourquoi j’ai souhaité que la circulaire du 27 avril 1995 soit revue. Les critères des décisions de naturalisation, favorables et défavorables, sont ainsi adaptés aux évolutions de notre société. Ceci concerne en particulier quatre domaines :

88— l’appréciation sur la stabilité de la résidence en France sera portée en fonction d’un faisceau d’indices favorables au demandeur, notamment à partir de sa situation au regard des règles de séjour, de ses attaches affectives ou de ses intérêts matériels et professionnels. À titre d’exemple, pour les étudiants, si le principe doit rester que ceux qui sont venus pour accomplir des études supérieures ont vocation à apporter leurs compétences à leur pays, en revanche, lorsque l’intégralité du cursus scolaire a été réalisée en France, l’appréciation sera plus favorable au demandeur ;

89— l’appréciation sur l’insertion professionnelle des demandeurs, qui est un des critères déterminants a, dans le passé, trop souvent constitué une entrave à la naturalisation et plus généralement à l’intégration. Les demandeurs qui n’avaient pas de contrat de travail, notamment à durée indéterminée, se voyaient refuser par principe la naturalisation. J’ai souhaité que l’on tienne compte du parcours personnel du demandeur, des efforts d’insertion qu’il aura accomplis et de son dynamisme. Le défaut d’insertion ne sera plus opposé de manière systématique. Ainsi, pour les chômeurs, l’ensemble de la situation familiale et personnelle pourra être pris en compte ;

90— les critères d’intégration sociale et culturelle seront également appliqués pour tenir compte du parcours personnel du demandeur ;

91— enfin, la motivation des décisions défavorables est améliorée : les personnes qui ont vu leur demande rejetée doivent être en mesure de connaître avec précision les motifs de cette décision. Cette exigence représente une difficulté certaine pour l’administration. Il s’agit aussi d’une nécessité pour améliorer la qualité du service public.

92CONCLUSION

93Ces trois priorités participent de l’ensemble de l’action du gouvernement, pour redonner de la force à notre contrat social.

94Nous sommes tous engagés dans la construction de la société du siècle prochain. La contribution des populations issues de l’immigration à la construction du pays hier, à sa modernisation aujourd’hui, montre combien le modèle français d’intégration est précieux : lorsque la volonté de réussir l’intégration est partagée, celle-ci fonctionne. En l’adaptant aux évolutions de notre société, le gouvernement entend réaffirmer sa valeur et la confiance qu’il place en lui, pour une société plus juste et plus solidaire.

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