Chapitre 2
Le téléphone portable en prison : une mise à l’épreuve de l’ordre carcéral ?
p. 63-88
Texte intégral
Les objets suivants sont strictement interdits (liste non exhaustive) : vêtements pouvant se confondre avec l’uniforme pénitentiaire ou tout autre uniforme ; tenues à imprimé camouflage ; vêtements à capuche ; vêtements en cuir, doublés ou matelassés ; gants en cuir ; capuches ; cagoules ; outillages ; plantes ; animaux ; parfums alcoolisés ; maquillage ; boissons alcoolisées ; friteuse ; bombes aérosol ; matériels informatiques non autorisés ; consoles de jeux équipées communicantes ; téléphones portables et accessoires ; pièces d’identité ; appareil photo et caméscope ; cannes, béquilles, fauteuils roulants (sauf sur prescription médicale) ; objets tranchants à bout pointu (couteaux, ciseaux…) ; laser ; lunettes de soleil (sauf sur prescription médicale) ; plans et cartes ; clés ; argent et autres moyens de paiement…1
1En prison, l’expression du pouvoir institutionnel sur les détenus s’inscrit notamment dans la matérialité. La réclusion repose en effet sur de nombreux dispositifs physiques de contrainte et de séparation tels que les portes, les verrous, les grilles ou les serrures. De plus, l’expérience carcérale induit de fortes restrictions matérielles : de nombreux objets de la vie quotidienne y sont interdits.
2L’interdiction de certains objets est légitimée par le principe de sécurité qui détermine le fonctionnement des établissements pénitentiaires. Les contraintes matérielles se sont toutefois assouplies depuis les années 1970 et les détenus ont désormais accès à un éventail plus large de biens de consommation. Ainsi, « la vie matérielle de la prison se rapproche, de plus en plus, de la vie ordinaire par ses objets familiers » (Bouagga 2015, p. 80). En plus de pouvoir conserver quelques objets personnels (alliance, photos de famille, montre, vêtements)2 et de disposer de livres empruntés à la bibliothèque, les détenus ont l’autorisation de récupérer des objets par l’intermédiaire de personnes extérieures, à l’occasion des visites au parloir. Ils peuvent aussi « cantiner »3 des objets, c’est-à-dire en acheter. Outre les denrées alimentaires, divers objets d’utilité quotidienne peuvent être acquis, dans la limite des moyens financiers de chacun : plaque chauffante, ustensiles de cuisine, nécessaire pour correspondre, produits d’hygiène, journaux et magazines, tabac, lecteur DVD, ordinateur non connecté à internet, etc. Le téléviseur et le réfrigérateur, eux, peuvent être loués.
3On peut considérer Erving Goffman (1968) comme étant le premier chercheur à s’être intéressé à la dimension matérielle de l’expérience de réclusion. Dans son ouvrage Asiles, il décrit les techniques de mortification et de dépersonnalisation des détenus qui passent notamment par le dépouillement des objets personnels et l’attribution d’objets uniformes et impersonnels. Son analyse de la vie clandestine des reclus souligne la prépondérance des détournements d’usage des objets pour s’adapter à la réclusion.
4Le courant de la géographie carcérale s’est, dans ce sillage, penché sur la matérialité de l’enfermement : l’architecture (Milhaud 2017), mais aussi les objets de l’enfermement tels que les grilles, les portes et les fenêtres étudiées par David Scheer (2014) et ceux bricolés au quotidien par les détenus pour décorer et aménager leur cellule (Baer 2005 ; Bony 2015). Dans un dossier thématique consacré aux objets de l’enfermement (Bruslé et Morelle 2014), Corinne Rostaing (2014) montre la plasticité sémantique des objets religieux et son exacerbation par le contexte carcéral. Gwenola Ricordeau (2014) s’intéresse quant à elle aux objets du parloir, à leur réglementation et aux détournements qui en sont faits. On peut également citer l’analyse de Yasmine Bouagga (2015), qui se penche sur trois objets (le joint, le téléphone et le tapis de prière) considérés comme des révélateurs des tensions entre enjeux sécuritaires et humanistes en prison. Dans son essai L’ombre du monde, Didier Fassin (2015) décrit lui aussi la vie sociale, économique et politique de trois objets (l’œilleton, le téléphone portable et le tabac). Finalement, l’ensemble de ces travaux donne à voir la richesse des approches de la prison à travers des objets qui contribuent tant à l’expression du pouvoir en détention qu’à son contournement. La présente contribution entend poursuivre et approfondir ce questionnement, en se consacrant à un unique objet, le téléphone portable, et en ne limitant pas l’analyse aux rapports sociaux au sein de l’espace de la détention, à rebours des approches « carcéralo-centrées » (Chantraine 2018).
5Son interdiction étant inscrite dans le Code pénitentiaire (article R345-11), le téléphone portable fait partie des objets personnels que les détenus ne peuvent garder avec eux en détention. Les détenus le déposent au vestiaire4 au moment de leur mise sous écrou (la puce électronique est placée sous scellé) et le récupèrent à leur libération si un proche ne l’a pas fait entre-temps. Malgré cela, les téléphones portables sont largement répandus dans les établissements pénitentiaires. Leur présence étant illégale, il n’est pas possible d’en connaître le nombre exact. Les chiffres donnés par l’administration pénitentiaire et repris par la presse donnent une idée de l’ampleur de la situation : en 2023, 53 000 téléphones et accessoires ont été saisis5.
6Dans quelle mesure peut-on considérer que l’introduction de téléphones portables en détention et leur usage par les détenus constituent un trouble à l’ordre carcéral ? Si la présence et l’usage de cet objet transgressent effectivement le règlement intérieur des établissements, brisent-ils pour autant la bonne marche de l’institution ? Cette contribution montre que les rapports respectifs au téléphone portable des détenus et de l’institution sont révélateurs de la façon dont l’ordre carcéral se construit en prison, c’est-à-dire en faisant appel aussi bien à de la contrainte et de la répression qu’à de la dissimulation, de la négociation ou encore du faux-semblant. Dans cette perspective, le pouvoir est appréhendé à la fois dans une approche institutionnaliste, qui l’identifie à l’État (pouvoir judiciaire ou administratif dont les agents pénitentiaires sont les exécutants ou les médiateurs), et dans une approche relationnelle (rapport de force inégalitaire s’exprimant dans toute interaction entre détenus ou entre détenus et surveillants).
7La première partie aborde la vie clandestine des détenus à travers leurs usages des téléphones portables : il s’agit d’abord de décrire la façon dont ces objets pénètrent et circulent en détention puis d’analyser les usages qui en sont faits. La seconde partie se place du côté de l’institution et analyse la façon dont les agents pénitentiaires sur le terrain, d’une part, et les gouvernants (responsables administratifs et politiques), d’autre part, tentent d’enrayer la prolifération de cet objet en détention.
8Ce chapitre repose sur les données collectées dans le cadre de ma thèse de doctorat (Bony 2014), à savoir des informations recueillies par entretiens et observations dans une maison d’arrêt6 de banlieue parisienne en 2011. Afin de les actualiser, j’ai réalisé fin 2019 une série d’entretiens complémentaires avec des acteurs du champ pénitentiaire (acteurs associatifs, agents de surveillance syndicalistes, membres de l’administration centrale).
La vie cachée de l’objet : introduction, circulation et usages du téléphone portable en prison
9Cette première partie décrit les modes d’accès au téléphone portable et les usages qu’en font les détenus. Il s’agit de comprendre comment cet objet est révélateur à la fois de l’ordre interne entre détenus (les rapports de force qui structurent leurs relations sociales) et des désordres potentiellement induits dans l’organisation carcérale par l’usage du téléphone (qui transgresse l’isolement des détenus vis-à-vis de l’extérieur).
L’entrée de l’objet interdit en détention
10L’univers carcéral reproduit, voire exacerbe, les inégalités sociales existant à l’extérieur (Marchetti 1997). Dans un contexte de rareté des biens matériels, il s’y développe une économie clandestine dans laquelle s’inscrit l’accès au téléphone portable.
11Diverses voies clandestines existent pour faire pénétrer des objets illicites en prison ou pour les en faire sortir. C’est par exemple le cas des « projections ». Dans le jargon pénitentiaire, on entend par là l’introduction d’objets, de denrées alimentaires ou de boissons dissimulés dans des balles de tennis, des chaussettes rembourrées ou emballés dans de la cellophane : ces objets sont projetés depuis les abords extérieurs de l’établissement dans la cour de promenade à destination des détenus. Ces pratiques, relativement courantes7, nécessitent une organisation à l’intérieur comme à l’extérieur.
12À l’intérieur :
J’appelle mon pote [à l’extérieur], il vient en bécane, il met le petit8, tac tac tac, il grimpe et il jette. J’appelle, je dis que j’ai promenade à 16 h, dès que je vois le B39 (ils sortent avant nous), je dis : « Le B3 il est sorti, dans une minute vous pouvez. Ça veut dire que je jette une orange, dès que vous voyez une orange, c’est bon, je suis là ». Donc j’en prends deux trois, des fois que ça foire, on sait jamais. Donc je jette une orange, et c’est bon : tac tac tac. (Détenu, 24 ans, 3e incarcération)
13À l’extérieur :
[Pour les projections,] il y a toute une petite organisation en fait. D’abord, on a le poteau [ami incarcéré] qui nous dit s’il a besoin de quelque chose. Donc ça, ça se règle au téléphone. Bon, on parle codé, bon parce que… Et puis ensuite on fait les colis, enfin pas moi, y a quelqu’un qui fait les colis. Et puis ensuite y en a d’autres qui s’occupent de les envoyer. C’est des petits, c’est des petits parce que… ils se font des sous, ils prennent pas grand-chose, mais pour eux c’est bien et puis… ils courent vite ! Et même s’ils se font attraper, ils risquent rien, ils ont rien sur eux. Voilà. (Détenu, 26 ans, 2e incarcération)
14Les objets peuvent aussi circuler de l’extérieur vers l’intérieur de la prison par l’intermédiaire des personnes qui y entrent et en sortent quotidiennement : les intervenants extérieurs, les avocats, mais aussi le personnel de surveillance. La corruption de surveillants est un secret de polichinelle, comme en témoigne un certain nombre d’articles de presse consacrés à ce sujet10. D’après Emmanuel Baudin, secrétaire général du syndicat national pénitentiaire Force ouvrière, « le trafic a augmenté chez les personnels, ce qui s’explique non seulement par les nouveaux recrutements mais aussi par le niveau des salaires chez des agents chargés de surveiller des détenus qui, en une journée, gagnent ce qu’eux-mêmes gagnent en trois mois »11.
15Enfin, les rencontres au parloir sont aussi des occasions de faire entrer et sortir des objets illicites. L’extrait d’un guide à destination des visiteurs en prison précise les modalités de ces circulations et les risques encourus s’agissant de l’introduction d’un téléphone portable :
Ne faites pas ça à la légère et pas sans l’accord du détenu. Renseignez-vous si le portable est susceptible de déclencher le portique. Placez-le dans une poche de votre vêtement afin de pouvoir prétendre que vous l’avez oublié. Une fois dans le parloir, vous ne risquez plus grand-chose car votre proche peut affirmer l’avoir trouvé là. Le plus compliqué n’est pas forcément de le faire parvenir au détenu, mais bien souvent pour le détenu de le faire parvenir jusqu’à la détention…12
Circulation et invisibilisation de l’objet entre les murs
16Pour faire remonter en cellule les téléphones portables récupérés au parloir ou dans la cour de promenade à la suite de projections, les détenus ont généralement recours à des « mules », soit des personnes chargées de transporter sur elles l’objet interdit et de le rendre à son propriétaire en lieu sûr.
On a des mules en promenade [pour récupérer les téléphones]. Un mec, tu l’attrapes, tu lui dis : « Ouais, je vais te donner un joint », tac et vas-y… Dès que je rentre en cellule, il me redonne tout, je mets tout dans ma veste. Et voilà. (Détenu, 24 ans, 3e incarcération)
Une autre petite technique qui marche toujours, pour les kamikazes [ou « mules »], c’est celle-là : tu le fais habiller sur sa tenue normale avec des fringues pas à lui, il revient avec le colis, on l’entoure à une vingtaine pendant que lui se change en étant accroupi au milieu du groupe. Même avec leurs caméras, ils voient rien. Et blam, on s’éparpille, ils ont rien pu capter de qui a quoi et de qui a fait quoi. Faut être rapide, discret, mais y a toujours une solution. (Détenu, 22 ans, 2e incarcération)
17Ce service peut se monnayer et s’échanger contre d’autres services (accès occasionnel au téléphone, cigarettes, cannabis, médicaments, denrées alimentaires, etc.) ; il peut aussi se réaliser sous la menace et la contrainte. Comme le souligne Yasmine Bouagga, « ce sont souvent les moins favorisés qui prennent des risques au bénéfice de ceux qui, parce qu’ils ont plus de capitaux physiques (force), sociaux (soutien d’un groupe de pairs) ou économiques (moyens de rémunération), peuvent obtenir d’eux ce service » (2015, p. 82).
18En détention, les objets circulent également beaucoup par l’intermédiaire des détenus autorisés à travailler dans la prison, appelés « auxiliaires ». Ces derniers sont affectés au service général de l’établissement et chargés de diverses tâches telles que le nettoyage des coursives, la distribution des repas, les menus travaux de réparation, etc. Ce travail leur permet de jouir d’une plus grande liberté de circulation que les autres détenus : ils peuvent ainsi participer aux réseaux d’échange en détention, en faisant office de messagers ou de coursiers entre différents lieux de l’établissement. Cet avantage peut devenir une contrainte lorsque des pressions sont exercées par certains détenus qui peuvent forcer le détenu auxiliaire à transmettre des objets interdits, tels les téléphones portables.
19Le système du « yoyotage » permet enfin de faire circuler de petits objets de cellule en cellule lorsque les détenus y sont enfermés : fabriqués avec des morceaux de tissu déchiré assemblés sous forme de corde, les « yoyos » permettent par un mouvement de balancier effectué sur le rebord de la fenêtre de faire passer des objets d’une cellule à une autre.
20En cellule, les détenus bricolent des cachettes pour y laisser leur téléphone (blocs des WC, fond creux dans une boîte de conserve, portes de frigo, etc.) ; d’autres préfèrent avoir leur puce en permanence sur eux afin de limiter les conséquences d’éventuelles fouilles de cellule (découverte du téléphone et identification de son propriétaire). Certains détenus délèguent à d’autres la tâche de les conserver dans leur cellule moyennant rémunération ou sous la contrainte : ces détenus, qui jouent le rôle de « nourrice » et prennent ainsi tous les risques, sont toujours les plus vulnérables (auteurs d’agression sexuelle, personnes démunies, personnes ne sachant pas se défendre, nouveaux venus ou étrangers non francophones notamment).
21Il est aussi possible d’obtenir un téléphone portable introduit dans la prison en l’achetant, à des prix très variables – de 100 € à 3 000 € d’après Didier Fassin (2015, p. 240) et Roger-Louis Bianchini (2007, p. 83). Ces prix varient non seulement selon les modèles, mais aussi selon les difficultés à les faire entrer en détention (format, fragilité, composition métallique, nécessité de rémunérer un surveillant, un lanceur de projections puis une mule), ainsi que selon les lieux et les périodes (en période de rareté liée à une surveillance renforcée, les prix augmenteraient). Certains détenus mettent également en place un système de location ou de prêt rémunéré. Parce que l’argent est en principe absent en prison, divers biens matériels peuvent servir de monnaie d’échange (tabac, sucre, café, vêtement, cannabis, etc.). Ainsi, le téléphone portable peut représenter une importante source d’enrichissement pour certains détenus.
22Finalement, à l’instar d’autres objets interdits, tels que les produits stupéfiants et notamment le cannabis, les téléphones portables s’inscrivent dans le système d’échange qui structure les relations sociales inégalitaires en prison. Toutefois, des formes d’entraide et de solidarité existent entre détenus, bien qu’elles soient souvent occultées dans les discours en raison du besoin de se démarquer (Ivone Cunha 1995). Ainsi, les téléphones portables peuvent aussi se prêter entre codétenus, sans nécessairement qu’une contrepartie soit demandée. Il s’agit alors de se soutenir dans l’épreuve de l’incarcération et de faire front face à l’institution dont l’organisation participe à l’atomisation de la population carcérale.
Le contournement de l’enfermement carcéral par l’usage du téléphone portable
23Les usages du téléphone portable prennent un sens particulier en situation d’enfermement. Cet objet y remplit en effet une fonction de « passe-muraille ». Dispositif de contact avec l’extérieur venant s’ajouter à ceux qui sont autorisés (parloir, courrier, cabine téléphonique), le téléphone offre aussi la possibilité de s’évader virtuellement à l’extérieur et constitue, en cela, une forme de résistance à la contrainte de séparation vis-à-vis des proches que constitue l’incarcération.
Entretenir des relations en (relative) intimité
24Le téléphone portable permet de tenir de longues conversations avec des proches, membres de la famille ou amis. Contrairement aux appels passés depuis la cabine téléphonique, les conversations ne risquent pas d’être écoutées (sauf en cas de mise sur écoute du téléphone portable du détenu ou du téléphone de son interlocuteur, pour des raisons judiciaires) et ne sont pas limitées dans le temps. Comme le courrier, les appels avec le téléphone portable sont réalisés depuis la cellule, espace potentiellement plus intime que le couloir ou la promenade où sont situées les cabines. Enfin, alors que l’accès aux cabines téléphoniques n’est possible qu’en journée (avant 17 heures), les téléphones portables permettent de contacter des proches sur des plages horaires plus larges (notamment en dehors des heures de travail des personnes extérieures). Ainsi, les appels ou les échanges de SMS se déroulent généralement le soir et la nuit, depuis le lit : ils dessinent un espace-temps marqué par l’intimité, dans un contexte institutionnel qui la proscrit, et permettent ainsi la reconstitution d’un « chez-soi » virtuel et sensoriel (Guérin 2019).
Se distraire
25L’ennui et l’oisiveté sont caractéristiques du quotidien en détention, particulièrement en maison d’arrêt où les activités proposées par l’administration sont insuffisantes par rapport à la surpopulation de ces établissements. Le téléphone portable peut par conséquent être utilisé comme passe-temps : il permet d’occuper ses journées ou ses soirées. Les détenus valorisent alors moins le contenu de la conversation ou l’interlocuteur avec lequel la communication s’établit que la distraction qu’apporte l’utilisation du téléphone portable.
Le soir, t’as ton film à 20 h 30, t’essaies de t’organiser, t’essaies de manger avant, t’essaies de prendre en plus ta douche avant d’entrer en cellule. T’essaies de t’organiser un peu. Tu sais comment va se passer ta soirée ; de temps en temps, je vais pas te mentir, il y a le téléphone portable, comme tout le monde le sait. Tout le monde le dit pas, mais bon, c’est vrai qu’il y a le téléphone portable aussi quand t’es tout seul qui te permet au moins d’avoir des nouvelles de la famille et des proches, des gens qui sont là… (Détenu, 26 ans, 1re incarcération)
[Les soirées portable, c’est] pas tous les soirs, tous les soirs. Si, tous les soirs je me sers de mon portable, mais je reste pas des heures. Non, j’appelle mon frelon [frère], j’appelle ma frangine, j’appelle mon cle-on [oncle], j’appelle des poteaux [amis]. J’appelle les petites folles [jeunes femmes de son quartier], des fois je rigole avec elles, je rigole un peu et après je les passe à mon co[détenu]. Ça fait une petite semaine, deux semaines, j’appelle que des poteaux tout ça, t’as vu ? (Détenu, 29 ans, 10e incarcération)
26Certains téléphones permettent de consulter internet et apportent ainsi d’autres distractions : ils rendent alors possibles le visionnage de films, la lecture d’articles de presse, etc.
Rester virtuellement dehors
27L’usage récurrent des téléphones portables tend à rendre les murs de la prison moins étanches : les informations extérieures y pénètrent rapidement et les détenus reçoivent quotidiennement des nouvelles de leur famille et de leurs amis. Cette perméabilisation de l’enceinte carcérale à travers l’usage du téléphone portable a pour conséquence d’atténuer le sentiment d’éloignement vis-à-vis de l’extérieur. Certains détenus expriment même un sentiment d’« ubiquité résidentielle », de « présence à distance » : ils continuent ainsi d’être omniprésents dans le quotidien de leurs proches, par des appels réguliers (Bony 2021).
Documenter la vie carcérale et (se) mettre en scène sur internet
28Les téléphones portables, et plus particulièrement les smartphones, permettent enfin de diffuser sur internet des photographies et des vidéos réalisées en détention. Or, s’il existe une tradition de photographie de prison13 et que l’institution s’ouvre de plus en plus aux photographes et aux médias en général14, il n’empêche que la prison reste un lieu dont l’image est très strictement contrôlée par l’administration pénitentiaire (Eichenberger, Gayet-Viaud et Icard 2019). Par conséquent, les vidéos réalisées avec des smartphones et diffusées par les détenus sur les réseaux sociaux contournent cette « politique de l’image » (Musée Carnavalet 2010, p. 131).
29J’ai constitué un corpus de 76 vidéos postées sur YouTube en suivant les suggestions de la plateforme puis en consultant chacune des chaînes des contributeurs pour retrouver d’éventuelles autres vidéos tournées en prison15. Ces vidéos sont de durée variable, de 9 secondes à 25 minutes, mais généralement assez courtes (en moyenne près de 3 minutes). Elles sont très majoritairement tournées en cellule, où la surveillance est moindre : elles donnent ainsi à voir l’intérieur des cellules, mais aussi souvent la cour de promenade depuis la fenêtre, à travers les barreaux. Si certaines vidéos sont directement tournées dans les cours de promenade et dans les couloirs, celles-ci sont plus rares, les risques de s’y faire surprendre par un surveillant étant bien plus importants.
30Les vidéos recensées diffèrent non seulement par le lieu de la prise de vue, mais aussi par les fonctions que leur attribuent les détenus qui les tournent. Trois types de vidéos peuvent ainsi être distingués.
31La plupart des vidéos ont une fonction documentaire : elles informent sur la vie carcérale et donnent à voir le quotidien des détenus. Ces vidéos sont plus ou moins mises en scène, avec un montage ou une présentation de soi non spontanée. Certaines sont commentées par la voix off de l’auteur ou découpées en « chapitres » avec des intertitres incrustés en texte : « Envie de soirée » pour introduire une scène de détenus qui dansent ; « On mange bien aussi en taule » avant une séquence montrant une assiette dressée comme dans un restaurant. Si ces vidéos donnent à voir le quotidien des détenus, nombre d’entre elles insistent de manière caricaturale sur leur vie clandestine : étalage de produits stupéfiants, d’armes artisanales, de liasses de billets, bagarres, détenu qui escalade le grillage d’enceinte d’une cour de promenade, démonstration d’ouverture d’une porte de cellule avec du fil de fer ou de la technique du yoyo, etc. Ces vidéos, qui exhibent les détenus autant que leur espace de vie, transmettent les expériences carcérales dans leurs dimensions tant matérielles que subjectives. Certaines sont d’ailleurs explicitement présentées comme visant à dénoncer les conditions de détention : la vétusté des bâtiments et la violence du quotidien16, le coût de la vie en prison en montrant un bon de cantine, ou encore le quotidien des condamnés à perpétuité à travers l’interview de l’un d’eux. Ces vidéos s’inscrivent dans un registre politique revendiqué : elles s’attaquent au pouvoir carcéral en montrant la domination structurelle de l’institution et les résistances des détenus. En les réalisant, les auteurs de ces vidéos s’octroient un droit d’expression qui leur est refusé.
32D’autres vidéos remplissent une fonction de communication interpersonnelle. Beaucoup sont des extraits de l’application Periscope, qui permet à l’utilisateur de retransmettre en direct ce qu’il est en train de filmer et de communiquer avec les spectateurs qui interviennent en envoyant des messages écrits et des cœurs. Certaines de ces vidéos s’apparentent aux précédentes dans la mesure où elles s’attachent à documenter la vie carcérale, mais de manière interactive. On y discute par exemple des modalités d’introduction des téléphones portables en détention ou de la vie sexuelle en prison. Mais la plupart du temps, ces vidéos ne visent a priori aucun but : on y voit des détenus semblant découvrir l’application et ne rien faire d’autre que rire en découvrant les commentaires de leurs auditeurs, ou encore des détenus qui échangent avec des inconnus sans fil conducteur clair, les commentaires fusant de manière décousue. De telles vidéos illustrent clairement l’ennui au quotidien en détention, et le divertissement qu’apporte un téléphone portable en cellule. D’autres vidéos encore servent aux détenus à communiquer avec une ou plusieurs personnes en particulier, de manière publique, comme cette vidéo où un détenu demande à un autre détenu présent dans la cour de lever la main pour saluer une connaissance (à qui la vidéo est adressée), ou cette autre où deux détenus sont filmés couteau à la main, menaçant une tierce personne de représailles.
33Un troisième type de vidéo rassemble des créations artistiques réalisées en détention. Il peut s’agir de clips (vidéos souvent montées en illustration d’un morceau de rap enregistré par ailleurs), de freestyles (couplets de rap récités face caméra, en principe improvisés) ou encore de Harlem Shake (danse collective sur le morceau Harlem Shake du compositeur de musique électronique Baauer).
34Finalement, l’usage des téléphones portables, inscrit dans la vie clandestine des détenus, perturbe l’ordre réglementaire sous différents angles : trafics et exploitation entre détenus, transmission et réception d’informations non contrôlées par l’administration, diffusion non autorisée d’images subversives de la prison, etc. Ces pratiques transgressives relèvent des adaptations secondaires, soit des « pratiques qui, sans provoquer directement le personnel, permettent au reclus d’obtenir des satisfactions interdites ou bien des satisfactions autorisées par des moyens défendus » (Goffman 1968, p. 99). Erving Goffman distingue les adaptations secondaires « désintégrantes », qui conduisent à briser la bonne marche de l’organisation, de celles dites « intégrées », qui acceptent les structures institutionnelles existantes (ibid., p. 255). Dans cette perspective, comment peut-on considérer l’usage du téléphone portable en prison ? Comment l’institution perçoit-elle son omniprésence entre les murs ? Quelles sont les mesures mises en œuvre pour enrayer le phénomène ?
Déprise et reprise du contrôle par l’institution
35L’omniprésence des téléphones portables en détention est révélatrice de l’impuissance de l’institution à tout contrôler et tout surveiller. Dans cette seconde partie, nous faisons l’hypothèse que si les agents de terrain sont contraints de s’adapter à la réalité du phénomène – adaptation pouvant être perçue comme l’expression d’une relative tolérance –, les gouvernants (en l’occurrence les parlementaires) sont plus crispés sur le sujet et en appellent à davantage de contrôle, celui-ci impliquant l’introduction de nouveaux dispositifs matériels en prison.
36L’introduction et la circulation des téléphones portables en prison font l’objet d’une attention particulière de la part des surveillants. Toutefois, comme la production de l’ordre en prison ne repose pas seulement sur un pouvoir répressif (Chantraine 2004), on constate une certaine labilité des règles et de leur application. Par ailleurs, l’objet de « résistance » que représente le téléphone portable pour les détenus peut également se retourner contre eux et finalement servir le pouvoir de l’institution judiciaire.
S’organiser pour traquer les objets interdits
37La recherche de téléphones portables (et plus généralement d’objets interdits) s’appuie sur divers dispositifs matériels et humains.
38Dans de nombreux établissements, des aménagements ont été réalisés pour tenter de limiter les projections d’objets dans les cours de promenade : rehaussement des murs, filins antiprojection, patrouilles régulières de brigades de police, etc. De plus, les établissements pénitentiaires sont dotés de nombreux portails de détection des masses métalliques sous lesquels les détenus doivent passer lors de toute circulation en détention (sortie vers la cour de promenade, vers les parloirs, vers les ateliers, les salles de formation ou le service médical).
39Les surveillants sont aussi directement mobilisés : ils sont chargés de réaliser des fouilles corporelles des détenus à la sortie des parloirs, ainsi que des palpations à la sortie de l’atelier17 ou bien des cellules avant d’aller en promenade.
40Les surveillants inspectent également les cellules. Des fouilles généralisées, réalisées simultanément dans l’ensemble des cellules d’un étage, voire d’un bâtiment, visent à « reprendre en main la détention », à « resserrer la vis » et à « envoyer un signal » à l’ensemble de la population détenue18. La recherche de téléphones portables peut d’ailleurs faire l’objet de politiques d’établissement temporaires : les agents pénitentiaires ont alors des objectifs chiffrés de saisie de téléphones portables (Bouagga 2015, p. 82 et 99). Les fouilles de cellules peuvent être davantage ciblées, visant un détenu en particulier. Dans ce cas, il s’agit pour les agents de contrôler des personnes suspectes, leur suspicion reposant généralement sur des informations fournies par d’autres détenus.
41C’est souvent grâce à la délation, en effet, que les agents pénitentiaires découvrent des téléphones portables. Le recours à la délation peut être appréhendé comme une forme de délégation de pouvoir aux détenus, alors chargés de s’autosurveiller. Cette autosurveillance s’obtient parfois par la contrainte :
Le surveillant, à chaque fois, il vient : « Qui a des portables, qui fait entrer le shit ? ». Nous, on sait rien du tout, on est là pour travailler. Je suis pas une balance. Déjà je travaille dans [le ramassage de] la poubelle, ils [les autres détenus] vont me prendre pour une merde. Ça se fait pas. Même l’autre auxi poubelle19, il parle pas. À chaque fois qu’il travaillait avec ce surveillant, il était pas bien parce qu’à chaque fois c’était : « C’est qui qui a des portables ? Comment on fait pour rentrer des armes ? » (Détenu, 38 ans, 10e incarcération)
42La délation a pour conséquence d’augmenter la méfiance entre détenus, d’entretenir la peur et de limiter ou prévenir toute forme de coalition. Elle atomise la population incarcérée et limite in fine son pouvoir de contestation.
Sanctionner, tolérer, surveiller : trois modalités de maintien de l’ordre
Sanctionner : la règle et la pratique
43La possession d’un téléphone portable constitue d’abord une faute disciplinaire du premier degré20, soit l’une des fautes les plus graves, parce qu’elle est considérée comme dangereuse pour la sécurité des personnes et de l’établissement. Les sanctions disciplinaires encourues vont de l’avertissement au placement en cellule disciplinaire (vingt jours maximum). La possession d’un téléphone portable en détention est aussi une faute pénale : les détenus peuvent être poursuivis pour « recel de bien provenant d’un délit » (le recel est punissable de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende). Elle peut enfin avoir une conséquence sur la durée du séjour en prison, le juge de l’application des peines pouvant supprimer les remises de peine ou refuser d’accorder une permission de sortie pour ce motif. Ainsi, les détenus encourent une triple sanction pour une même infraction.
44On peut toutefois s’interroger sur la fréquence à laquelle les agents de surveillance recourent à la procédure disciplinaire (qui enclenche potentiellement la procédure pénale) à la suite de la découverte d’un téléphone portable. La règle veut en effet qu’en cas de découverte d’un objet interdit, les agents pénitentiaires rédigent un compte rendu d’incident qui est ensuite traité par la hiérarchie, c’est-à-dire classé sans suite ou transmis en vue d’un jugement en commission disciplinaire. Toutefois, plusieurs travaux ont constaté un recours modéré à la procédure officielle pour gérer les incidents en détention, les agents privilégiant les négociations interindividuelles pour asseoir leur autorité (Rostaing 2014 ; Durand 2019). La possession d’un téléphone portable n’entraîne donc pas nécessairement de poursuites ni de sanctions, contrairement aux insultes et menaces à l’encontre d’agents pénitentiaires (Durand 2019, p. 399). Par ailleurs, bien qu’aucune statistique nationale ne permette d’évaluer l’ampleur et les motifs des sanctions disciplinaires, les estimations disponibles montrent que la détention d’un téléphone portable n’est pas un motif de sanction prévalent. Sur les 222 procédures disciplinaires étudiées par Gérard Lambert (2012), 60 concernaient la « détention de stupéfiants ou de tout objet ou substance dangereux » (p. 354), dont 15 cas de téléphones portables. Et sur les 46 comparutions en commission disciplinaire pour « détention d’objet interdit » observées par Corentin Durand (2019, p. 381), une trentaine concernait du matériel téléphonique ou informatique.
Tolérer pour préserver l’ordre et se protéger
45On peut ainsi conjecturer que la tolérance déjà observée vis-à-vis de la consommation de cannabis, souvent qualifiée de « camisole cannabique » ou « chimique » parce que cela assure la paix en détention (Bouagga 2015, p. 80), concerne également les téléphones portables. En effet, leur usage participe aussi à la pacification de la détention : tous les détenus qui en possèdent restent relativement calmes en cellule le soir, s’entretenant longuement au téléphone ou naviguant sur internet, et peuvent avoir tendance à se montrer discrets pour éviter la fouille de leur cellule. Un surveillant interrogé confirme : « Une prison est comme une cocotte-minute : si on verrouille tout, la pression monte. Les téléphones portables, c’est comme les [produits] stup[éfiants], quand ça ne rentre plus, la tension monte. Tout est une question d’équilibre : il faut laisser un peu entrer pour obtenir la paix. »21 Concrètement, si cette tolérance se manifeste parfois par la participation délibérée de surveillants à l’entrée et à la circulation des téléphones, elle peut aussi se traduire par une absence de fouille malgré l’existence d’informations indiquant la présence d’un téléphone portable, par des fouilles peu approfondies de cellule ou de détenus, ou encore par des confiscations de matériel sans rédaction de compte rendu d’incident (surtout s’il s’agit de chargeurs sans téléphone ou lorsque le propriétaire du téléphone ne peut être facilement identifié).
46Didier Fassin observe quant à lui une plus grande tolérance morale vis-à-vis des téléphones portables que vis-à-vis du cannabis (2015, p. 241). Mes observations sur le terrain et mes échanges avec les agents ne vont pas totalement dans ce sens. En effet, si j’ai pu voir des agents ne pas réagir à la vue de détenus fumant peu discrètement un joint dans un couloir ou à l’ouverture d’une porte de cellule enfumée et sentant fortement le haschich, je n’ai jamais observé de surveillant laissant ostensiblement passer un téléphone portable sous ses yeux (leur usage est cependant bien plus discret). De plus, les surveillants expriment davantage de crainte vis-à-vis du téléphone portable, qui peut potentiellement mettre à mal leur sécurité en contribuant à l’organisation d’évasions, d’attentats, d’agressions depuis l’extérieur de la prison, alors que le cannabis, s’il peut générer des trafics et des violences entre détenus, affecte peu leur travail et leur sécurité. On peut alors faire l’hypothèse que les suites données à la découverte d’un téléphone portable dépendent fortement du profil de l’individu qui le détient et de la dangerosité qui lui est imputée.
47Cette propension à « lâcher du lest » (Sykes 1956), caractéristique du travail des agents de surveillance, peut être ainsi reformulée : « Pour garder le pouvoir, il faut lâcher une partie du pouvoir » (Chantraine 2004, p. 204-205). Le recours à la répression disciplinaire pour les téléphones portables ne vise alors pas « à proscrire de tels comportements », mais à les maintenir « à un niveau acceptable », et rappelle que l’interdiction reste en vigueur, en dépit de sa violation quotidienne (Durand 2019, p. 382).
Surveiller : une manière de retourner l’objet contre le détenu
48Si les surveillants relâchent parfois, de manière plus ou moins consciente, leur vigilance dans la traque des téléphones portables, il arrive que leur soit explicitement demandé de ne pas intercepter le téléphone portable de certains détenus, en raison de leur mise sur écoute par la police judiciaire dans le cadre d’enquêtes. Le téléphone portable peut donc aussi servir d’instrument pour renforcer la surveillance et le contrôle de la population carcérale.
49L’interdiction du téléphone portable constitue également un levier pour le maintien de l’ordre public. Il m’a en effet été confirmé par plusieurs sources pénitentiaires et judiciaires que dans le cadre d’incarcérations pour des faits de terrorisme, le ministère de la Justice demande aux agents pénitentiaires de laisser son téléphone au détenu afin que l’objet puisse être saisi peu de temps avant sa libération et qu’il soit ainsi à nouveau condamné à une nouvelle peine d’emprisonnement ferme. L’explication avancée est qu’il est plus facile, techniquement et économiquement, de placer un individu sous surveillance en détention qu’en liberté. Ainsi, l’interdiction du téléphone portable est détournée pour prolonger des peines de prison, à des fins de sécurité publique.
50La relative banalité des téléphones portables en prison, associée à un contrôle mêlant répression et tolérance, contraste avec la représentation qu’en ont les gouvernants. Or, ce qui se passe en détention dépend en partie des décisions prises à ces niveaux supérieurs.
Gouverner à distance
51L’imperméabilité de l’enceinte carcérale est une question particulièrement sensible pour l’administration. Il en va en effet de la crédibilité de l’institution dans son fondement même, comme le rappelle Jean-Marc Chauvet dans son rapport de 2001 consacré à la sécurité en prison :
Les tentatives d’évasion récentes et des jets quotidiens d’objets par-dessus les murs d’enceinte, sont, sans aucun doute, à la base d’un sentiment d’angoisse très fort des personnels comme d’une perte de crédibilité de l’institution que ces derniers ressentent douloureusement. Instaurer cette sécurité à double effet nécessite de rétablir la notion d’une enceinte pénitentiaire aussi imperméable que possible aux tentatives d’intrusions comme à celles d’extrusions.22
52Dans ce cadre, l’omniprésence des téléphones portables en détention est donc perçue comme une menace et un risque. L’usage de téléphones portables par les détenus est révélateur d’une perte de contrôle de l’institution sur les détenus, leurs relations sociales et leurs liens avec l’extérieur, qui doivent être limités et sous surveillance.
Le téléphone portable comme facteur de risque : des évasions aux attentats
53L’étude de divers rapports et débats parlementaires portant sur la prison depuis 2000 donne à voir un glissement dans la façon dont la question du téléphone portable est appréhendée. En effet, au début des années 2000, cet objet était systématiquement associé au risque d’évasion. Par exemple, le rapport de Jean-Marc Chauvet mentionné précédemment souligne que
la résolution du problème des téléphones portables en détention aurait pour effet de rendre plus problématique l’évasion par hélicoptère en atténuant fortement, entre le candidat à l’évasion et ses complices, la possibilité de prise de rendez-vous et surtout sa précision.23
54De même, dans le rapport relatif au projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (dite Perben I), il est précisé que
la diffusion de téléphones mobiles engendre un trafic dans les établissements pénitentiaires. Elle permet aux détenus de poursuivre leurs infractions depuis leur cellule, d’organiser des agressions contre leurs codétenus ou leurs surveillants, ou même de préparer des évasions. L’enquête relative à l’évasion par hélicoptère de trois détenus du centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure, le 9 juin 2000, a révélé l’usage de téléphones mobiles avant et pendant l’opération.24
55Enfin, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice, déposé au Sénat le 17 juillet 2002, indique :
La découverte de téléphones portables ou leurs accessoires au sein des établissements pénitentiaires est en augmentation constante depuis plusieurs années. Il est permis de supposer que les téléphones portables sont utilisés notamment pour préparer des évasions voire au cours de celles-ci.25
56On peut faire l’hypothèse que l’attention portée aux évasions s’explique par les quelques évasions et tentatives d’évasion survenues au cours de l’année 2001. L’évolution des thématiques de préoccupation relatives à la détention et aux détenus s’est traduite dans la loi. Ainsi, en 2015, une proposition de loi relative à « l’isolement électronique des détenus et [au] renseignement pénitentiaire » associait la question du téléphone portable à celle du terrorisme et de la radicalisation islamiste en prison :
Les téléphones portables clandestins contribuent à cette radicalisation. La circulation croissante de ces appareils en détention, et l’accès Internet que ceux-ci permettent, multiplient les sources avec lesquelles les détenus sont en contact. Au cours de son second séjour en prison, Mehdi Nemmouche a fait l’objet de trois signalements pour des appels à la prière collective et après que des images à caractère djihadiste aient été découvertes sur le téléphone portable trouvé en sa possession.26
57Les attentats du 7 janvier 2015 et les projets d’attentat organisés depuis des établissements pénitentiaires27, finalement déjoués, exacerbent alors la crainte de nouveaux attentats et leur organisation à distance par des détenus :
Ainsi peut-on aujourd’hui parler d’une quasi-liberté d’accès à la téléphonie mobile, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes de sécurité. On le sait, des filières de délinquance, des réseaux terroristes sont aujourd’hui organisés depuis la prison. Des enquêtes sont en cours, sur le soupçon que certains attentats ont pu être organisés depuis la prison.28
58Si les attentats terroristes se sont substitués aux évasions dans les préoccupations associées à l’usage du téléphone portable en prison, en raison de l’évolution du contexte social et politique entre 2000 et 2015, il ne faut pas oublier que l’objet a lui-même évolué durant cette période. Les smartphones, qui se sont largement démocratisés dans les années 2010, sont devenus de véritables mini-ordinateurs qui offrent d’autres ressources que la seule possibilité de s’appeler ou de s’envoyer des messages écrits. Cette évolution technique peut contribuer à expliquer ces perceptions différenciées des risques associés au téléphone portable selon les époques. Celles-ci ont cependant un point commun : elles relient l’usage du téléphone portable à des phénomènes rares29, dans lesquels le rôle de l’objet n’est pas le seul déterminant. Ainsi, les craintes exprimées à l’encontre de l’usage des téléphones portables paraissent décalées par rapport aux usages courants qui en sont faits par les détenus.
De nouveaux dispositifs matériels pour lutter contre la prolifération des téléphones portables
59Les mesures préconisées par les gouvernants pour lutter contre la prolifération des téléphones portables engendrent de nouvelles matérialités en détention.
60Si la mise en place de brouilleurs est très régulièrement sollicitée, elle demeure compliquée, ceux-ci ayant du mal à suivre les avancées technologiques. Ainsi, « les dispositifs de brouillage actuellement installés ne sont pas évolutifs. Les plus anciens dispositifs ne brouillent que la 2G alors que les portables émettent en 3G et en 4G »30. De plus, l’architecture carcérale (les murs en béton armé, les grilles, les barreaudages, etc.) perturbe la diffusion des ondes du système de brouillage, alors qu’à l’inverse, dans certains établissements situés en centre-ville, les systèmes de brouillage perturbent les télécommunications du voisinage. À cela s’ajoute un coût très élevé, qui explique que seuls quelques établissements en soient équipés (ceux accueillant des détenus dits « terroristes »)31.
61Dans le sillage de la loi pénitentiaire de 2009, qui a étendu aux personnes incarcérées en détention provisoire le droit d’accéder aux cabines téléphoniques afin, entre autres, de « réduire la tentation pour certaines personnes détenues de se procurer un téléphone portable et [de] diminuer les trafics et pressions liés à la possession de ces téléphones »32, l’installation de téléphones fixes en cellule « afin de lutter contre les trafics de téléphones portables et favoriser le maintien du lien entre les détenus et leurs familles »33 est de plus en plus pratiquée. L’expérimentation a débuté en 2016 au centre de détention de Montmédy, dans le département de la Meuse. Si le temps des communications a été multiplié par quatre, attestant ainsi de l’usage qu’en font de nombreux détenus (utilisation également encouragée par la baisse du coût de l’appel par rapport aux anciens téléphones installés dans les espaces collectifs), le bilan est plus mitigé concernant le volet « lutte contre le trafic de téléphones portables », le nombre de portables saisis ayant peu diminué (baisse de 10 %). Comme le constatent les parlementaires Xavier Breton et Dimitri Houbron dans leur rapport, « certains détenus préfèrent détenir illégalement un téléphone portable qui représente un coût moindre pour les détenus et qui permet l’accès aux réseaux sociaux »34.
62L’IMSI-catcher est un appareil permettant d’intercepter le contenu des communications établies par l’ensemble des téléphones portables situés à proximité du capteur (à la différence des écoutes ciblées qui ne visent qu’un téléphone particulier). Un article de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme proposait de donner à l’administration pénitentiaire l’accès à cette technologie ; il a finalement été supprimé. De même, la proposition de loi visant à garantir l’isolement électronique des détenus et à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire en 2015 a remis à l’ordre du jour le développement de cette technologie en détention. Il s’agissait alors d’intercepter les données techniques de connexion des téléphones portables, et non les conversations. Cette technologie aurait notamment permis de recenser le nombre de téléphones portables sur une zone au sein des établissements pénitentiaires et d’orienter les fouilles de cellules35. Cette proposition a également été rejetée.
63En alternative aux fouilles intégrales systématiques interdites par l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009, les portiques à ondes millimétriques permettent de détecter tout produit ou objet porté par un individu, y compris lorsque ces objets sont dissimulés sous les vêtements. Depuis 2011, le ministère de la Justice a déployé onze portiques dans autant d’établissements pénitentiaires. Toutefois, comme le précisait la garde des Sceaux en 2019, « compte tenu du coût de ces équipements, de leur relative fragilité, des contraintes liées à leur utilisation qui rendent, par exemple, difficile leur emploi en maison d’arrêt, il n’est pas envisagé d’en déployer davantage »36.
64En fin de compte, la volonté d’éradiquer la présence des téléphones portables en prison entraîne un renforcement du contrôle et de la surveillance des détenus. Il ressort toutefois des différentes initiatives engagées pour lutter contre ce phénomène que l’administration n’arrive pas à suivre les évolutions technologiques des objets (miniaturisation des téléphones, de moins en moins métalliques, développement des réseaux 5G, etc.) ainsi que les innovations mises en œuvre par les détenus pour contourner les dispositifs de contrôle.
Conclusion
La production de l’ordre carcéral au prisme du téléphone portable
65L’objet de convoitise que constitue le téléphone portable est un bon indicateur des modalités de l’exercice du pouvoir en prison à plusieurs niveaux. L’analyse de la circulation des téléphones portables en détention révèle en effet les situations inégalitaires et les rapports de force entre détenus : cet objet est non seulement source d’enrichissement pour ceux qui profitent de ce commerce clandestin, mais il est aussi révélateur de la domination de ceux qui exploitent les plus faibles pour le faire entrer et circuler.
66Concernant le pouvoir exercé par l’institution sur les détenus, l’analyse donne à voir la dichotomie entre les postures de fermeté affichées par les parlementaires, gouvernant à distance, et les tolérances et arrangements constatés sur le terrain : l’ordre carcéral se distingue donc de l’ordre réglementaire et formel en ce qu’il est instable et incertain, construit au cas par cas.
67Le téléphone portable renforce l’agentivité des détenus en leur offrant des marges d’action en dehors de tout contrôle institutionnel. En diffusant sur internet des vidéos tournées en prison sans autorisation, ils contestent l’autorité pénitentiaire et inversent finalement l’optique du pouvoir : du panoptisme pensé pour assurer une surveillance totale des reclus, on passe à une forme de surveillance inverse, ou « sousveillance » pour reprendre l’expression de Steve Mann (Mann, Nolan et Wellman 2003), où l’institution se trouve elle-même observée.
68Si le téléphone portable est un objet de transgression, le pouvoir qu’il confère aux détenus peut toutefois se retourner contre eux à travers l’intensification de la surveillance qu’il rend possible. De plus, leur prolifération engendre de nouvelles matérialités et techniques de contrôle.
Une approche multiscalaire de la prison à partir d’un micro-objet
69Comme évoqué en introduction, le pouvoir exercé par l’institution sur les détenus s’exprime sous diverses formes matérielles. Les murs, tels que l’enceinte de la prison ou encore les murs des cellules, incarnent fortement l’emprise institutionnelle.
70Or, l’observation des circulations et des usages des téléphones portables donne à voir la relative perméabilité de ces discontinuités spatiales : perméabilité matérielle, à travers la pénétration de l’objet en détention et sa circulation interne ; perméabilité informationnelle, à travers les communications qu’il rend possibles entre l’intérieur et l’extérieur. L’analyse d’un objet tel que le téléphone portable révèle un espace moins clos et une expérience carcérale moins déconnectée de l’extérieur qu’on ne l’imagine. En effet, cet objet à la fois petit et de grande portée a le pouvoir de transformer la spatialité de l’expérience carcérale en ne la cantonnant plus aux quatre murs de la prison, mais en connectant ce lieu au réseau dont il fait partie et qui le dépasse. L’étroite cellule depuis laquelle la plupart des appels téléphoniques sont réalisés se trouve ainsi reliée aux lieux de vie des proches des détenus. Les smartphones, qui donnent accès à internet et à l’échange non seulement de sons, mais aussi d’images et de vidéos, renforcent encore cette sensation de pouvoir s’extraire de la cellule pour se projeter virtuellement dans un nombre potentiellement infini de lieux extérieurs.
Vers une autorisation des téléphones portables en prison ?
71Nombre d’acteurs du champ pénitentiaire considèrent comme inéluctable l’autorisation future des téléphones portables en prison. Un premier pas avait été fait dans ce sens par le député Jean-Jacques Urvoas qui, dans le cadre des débats autour de la loi pénitentiaire de 2009, avait déposé un amendement visant à autoriser les détenus affectés en centre de semi-liberté à conserver leur téléphone portable non seulement en journée, à l’extérieur, mais également la nuit, à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire. Si cet amendement a finalement été rejeté, ce projet est revenu à l’ordre du jour en 2015 sous forme de décret porté par la Direction de l’administration pénitentiaire. Face à la très vive opposition des syndicats pénitentiaires, il a finalement été retiré37. Il n’empêche que des expérimentations sont mises en œuvre : le téléphone portable est par exemple autorisé dans les centres de semi-liberté de Nîmes38 et de Nanterre, et pendant la crise sanitaire du Covid-19, les détenus confinés dans certains centres de semi-liberté ont été autorisés à garder leur téléphone portable39. La généralisation de l’autorisation des téléphones portables dans tous les établissements pénitentiaires est portée par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) ; elle continue toutefois de rencontrer de fortes résistances de la part des syndicats pénitentiaires. Le téléphone portable permet, on l’a vu, d’observer les relations entre détenus et professionnels des prisons, mais il donne aussi à voir les tensions et rapports de force entre acteurs du champ pénitentiaire.
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Notes de bas de page
1Règlement intérieur de la maison d’arrêt de Nanterre, février 2010, fiche 1, p. 13.
2Code de procédure pénale, art. D420.
3La cantine est le système commercial officiel de l’établissement pénitentiaire, où la personne détenue peut acheter divers objets ou denrées.
4Le vestiaire est un service par lequel passe tout nouvel arrivant en détention : il y est réalisé une fouille du détenu ainsi qu’un inventaire de ses effets personnels (ceux qui ne sont pas autorisés en détention sont stockés et seront remis à la personne lors de sa libération), et une remise du « paquetage arrivant » composé d’affaires pour le lit, le repas, l’hygiène et la correspondance.
5« Prison : plus de 50 000 téléphones portables et accessoires saisis en 2023 », France Info, 18 mai 2024.
6En France, une maison d’arrêt est un établissement pénitentiaire qui reçoit les personnes prévenues en détention provisoire, les personnes condamnées dont le reliquat de peine n’excède pas deux ans et les condamnés en attente d’affectation dans un établissement pour peines (maison centrale ou centre de détention).
7De nombreux articles de presse ou reportages télévisés font état de ces pratiques et rendent compte de leur banalisation. Par exemple : William Molinié, « Prisons : ”Les téléphones portables entrent à une vitesse phénoménale” », 20 Minutes, 3 décembre 2013 ; Sophie Filippi‑Paoli, « Objets interdits : les prisons sont-elles des passoires ? », La Voix du Nord, 17 avril 2013 ; Évelyne Chatelais, « Marseille : du parachutage de colis à la prison des Baumettes », France Info, 21 juillet 2014 ; « Pau : libéré en conditionnelle, il lance des colis par-dessus le mur de la prison », Sud Ouest, 8 août 2014.
8Comme cela est expliqué dans la citation suivante, l’organisation de telles projections implique souvent des personnes mineures.
9Le « B3 » correspond aux détenus encellulés au troisième étage du bâtiment B de la maison d’arrêt, qui sont amenés à descendre au même moment dans la cour de promenade.
10Par exemple : Valérie Mahaut, « Nanterre : un surveillant de prison arrêté pour trafic de portables », Le Parisien, 30 juillet 2018.
11Rapport no 3070 de l’Assemblée nationale. Rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris le jeudi 3 octobre 2019. En ligne : [http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ceprefpol/l15b3070_rapport-enquete#].
12Guide à l’usage des proches de personnes incarcérées, 2013, p. 40. En ligne : [http://permisdevisite.noblogs.org/].
13Voir par exemple les reportages photographiques d’Henri Manuel à la fin des années 1930, qui mettent en scène les conditions de vie en prison (Denoyelle 2002). Le fonds de photographies d’Henri Manuel est accessible sur le site du Centre de ressources sur l’histoire des crimes et des peines (CRCHP) de l’École nationale d’administration pénitentiaire (ÉNAP). En ligne : [https://enapagen2.bibenligne.fr/node/content/nid/219925].
14Le site Carceropolis recense par exemple un grand nombre de reportages photographiques et de documentaires. En ligne : [http://carceropolis.fr/#].
15Ce recensement se veut donc aussi exhaustif que possible (aucune vidéo n’a été mise de côté), à la date à laquelle il a été réalisé (septembre 2020).
16Un montage de ce type de vidéos a donné lieu à un reportage diffusé dans Envoyé spécial sur France 2. En ligne : [https://www.youtube.com/watch?v=rO6fUtmDjqY].
17Certains détenus travaillent au sein des ateliers des établissements pénitentiaires, pour le compte d’entreprises, de structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), ou en régie.
18Entretien avec un directeur d’établissement, 6 décembre 2019.
19Les détenus « auxiliaires » sont employés au service général de l’établissement, notamment pour le ramassage des poubelles.
20Circulaire du 9 juin 2011 relative au régime disciplinaire des personnes détenues majeures (NOR : JUSK1140024C).
21Entretien réalisé le 5 novembre 2019.
22Jean-Marc Chauvet, La sécurité des établissements pénitentiaires et des personnels, rapport pour le ministère de la Justice, 2001, p. 2.
23Ibid., p. 24.
24Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon, Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d’Administration générale sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice, rapport no 370, 2002, p. 164. En ligne : [https://www.senat.fr/rap/l01-370/l01-37015.html].
25Dominique Perben, Projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice, texte no 362, 2002. En ligne : [http://www.senat.fr/leg/pjl01-362.html].
26Philippe Goujon, Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de la Législation et de l’Administration générale de la République, sur la proposition de loi (no 2571) visant à garantir l’isolement électronique des détenus et à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire, rapport no 3092, 2015, p. 5. En ligne : [http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r3092.asp]. La proposition de loi qui suivra sera rejetée par une motion de rejet préalable.
27Jérémie Pham-Lê, « En prison, des détenus soupçonnés de préparer des attentats en France », Le Parisien, 31 juillet 2019.
28Éric Ciotti, dans le cadre des débats autour de l’article « Interdire aux détenus les téléphones portables et les terminaux d’accès non contrôlé à Internet » du rapport de M. Philippe Goujon (rapport cité, p. 14).
29En France, en 2017, l’administration pénitentiaire a dénombré seulement 15 évasions (Ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire, Les chiffres clés de l’administration pénitentiaire au 1er janvier 2018, Paris, DAP, p. 8). De plus, ces évasions ne sont pas toujours le fait de personnes qui franchissent illégalement l’enceinte de l’établissement : un certain nombre d’entre elles concerne des détenus qui ne reviennent pas de leur permission de sortir.
30Xavier Breton et Dimitri Houbron, Rapport d’information […] en conclusion des travaux d’une mission d’information relative au régime des fouilles en détention, rapport d’information no 1295, 2018, p. 43. En ligne : [https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b1295_rapport-information].
31Stéphane Bredin, directeur de l’administration pénitentiaire, cité dans Florent Boudié, Rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de Paris le jeudi 3 octobre 2019, rapport no 3070, 2020, p. 576. En ligne : [http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ceprefpol/l15b3070_rapport-enquete#].
32Jean-Paul Garraud, Rapport […] sur le projet de loi pénitentiaire (no 1506) adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, rapport no 1899, 2009, p. 199. En ligne : [http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r1899.asp].
33X. Breton et D. Houbron, Rapport d’information […] en conclusion des travaux d’une mission d’information relative au régime des fouilles en détention, ouvr. cité, p. 7.
34Ibid., p. 42.
35Philippe Goujon, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république, sur la proposition de loi (no 2571) visant à garantir l’isolement électronique des détenus et à renforcer les moyens du renseignement pénitentiaire, 2015, p. 35.
36Réponse du ministère de la Justice à une question relative au programme de déploiement des portiques à ondes millimétriques en France, publiée dans le Journal officiel du Sénat du 18 juillet 2019, p. 3892. En ligne : [https://www.senat.fr/questions/jopdf/].
37Paule Gonzalès, « Portables en prison : un projet très critiqué », Le Figaro, 6 février 2015.
38Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapport de la deuxième visite de la maison d’arrêt de Nîmes (Gard), 2016. En ligne : [https://www.cglpl.fr/2018/rapport-de-la-deuxieme-visite-de-la-maison-darret-de-nimes-gard/].
39Observatoire international des prisons, « Journal d’appels de l’OIP au temps du coronavirus », 2020. En ligne : [https://oip.org/breve/crise-du-coronavirus-en-prison-journal-dappels-de-loip/].
Auteur
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Lucie Bony
CNRS, LAVUE (UMR 7218)
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