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    Plan détaillé Texte intégral Le problème de l’autorité, du théologique au pédagogique Transferts, déplacements, sécularisation Un exemple : l’appropriation buissonienne du concept d’intuition Une pensée indissociable des contextes extra-philosophiques où elle s’est constituée Deuxième exemple : l’Égalité dans la diversité ou l’émergence de la notion de sélection démocratique Faire l’histoire de la philosophie de l’éducation comme philosophie de l’institution Notes de bas de page Auteur

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    Table des matières

    Ferdinand Buisson, une philosophie de l’institution scolaire républicaine

    Anne-Claire Husser

    p. 557-570

    Texte intégral Le problème de l’autorité, du théologique au pédagogique Transferts, déplacements, sécularisation Un exemple : l’appropriation buissonienne du concept d’intuition Une pensée indissociable des contextes extra-philosophiques où elle s’est constituée Deuxième exemple : l’Égalité dans la diversité ou l’émergence de la notion de sélection démocratique Faire l’histoire de la philosophie de l’éducation comme philosophie de l’institution Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Lorsque Pierre-François Moreau me mit sur la piste de Ferdinand Buisson, je ne mesurai pas à l’époque à quel point cette invitation était à l’image de son approche de l’histoire de la philosophie, approche qui, par-delà la diversité de leurs objets de recherche, confère comme un air de famille aux travaux de ses élèves. Quoiqu’il ait été philosophe de formation1, Ferdinand Buisson ne fait guère partie en effet du panthéon des grands auteurs consacrés par la tradition philosophique universitaire et il ne s’inscrit à vrai dire pas davantage dans la catégorie des philosophes mineurs qu’il serait bon d’étudier pour mieux apprécier l’originalité des grands maîtres ou les voies contournées de leur influence sur la postérité.

    2Le fait est que Buisson, à l’instar de Deligny2, fut un homme de terrain, un acteur de l’histoire bien davantage qu’un théoricien : s’il a exercé quelques années les fonctions de professeur d’université, à l’académie de Neuchâtel et bien plus tard en tant que titulaire de la chaire de science de l’éducation de la Sorbonne, ses conférences et ses écrits n’ont, à l’exception de sa thèse sur Sébastien Castellion, guère de visée académique et se comprennent d’abord à la lumière des contextes politiques et institutionnels variés au sein desquels ils apparaissent comme une modalité d’action.

    3Bien documentée par les historiens3, la longue carrière publique de celui que Péguy décrivait comme « le grand maître de l’enseignement primaire » qui avait « fait les instituteurs »4 a sur ce plan de quoi forcer l’admiration : au retour d’un séjour de quelques années en Suisse romande où il devient un des proches d’Edgar Quinet et forge ses armes politiques en contribuant activement à la promotion du libéralisme théologique au sein de la communauté protestante, Buisson est appelé par Jules Simon aux fonctions d’inspecteur avant d’être chargé par Jules Ferry de la direction de l’instruction primaire où il restera de 1879 à 1896, assurant la continuité de l’œuvre scolaire de la République et présidant au développement de ses programmes d’enseignement ainsi qu’à la formation des maîtres et maîtresses laïques. Cette carrière administrative se double d’une carrière politique et militante, Buisson ayant été membre actif et président de plusieurs grandes associations républicaines parmi lesquelles on peut citer la Ligue de l’Enseignement, l’Association nationale des libres penseurs de France et la Ligue des droits de l’homme ; député radical-socialiste de 1902 à 1914 puis de 1919 à 1924, il a été l’un des grands artisans de la séparation des Églises et de l’État dont il présida la commission préparatoire. En 1927, ses efforts en faveur de la mise en place d’un système d’arbitrage international lui ont valu le prix Nobel de la paix, partagé avec le militant pacifiste allemand Ludwig Quidde5.

    4Cette succession d’engagements et les innombrables écrits de circonstances qui les ont accompagnés font assurément de Buisson un précieux témoin de son temps justifiant le projet que s’est assigné son dernier biographe, Patrick Cabanel : « chercher à percevoir, derrière un homme et une génération, le tissu d’un pays et le tournant d’une histoire »6. Si, en dépit d’inévitables et fécondes zones de rencontre, le travail de l’historien de la philosophie doit se distinguer cependant de celui de l’historien tout court et ne pas se laisser reconduire à une socio-histoire des engagements intellectuels, on est naturellement en droit d’interroger les attendus et le bénéfice escompté de l’étude d’un corpus de cette nature au moyen des outils de l’histoire de la philosophie, c’est-à-dire par le biais d’une lecture des textes centrée sur l’élaboration rationnelle de problèmes de pensée et l’agencement de structures conceptuelles.

    5Cela revient en premier lieu à interroger la consistance philosophique de l’œuvre buissonnienne. Sans aller jusqu’à l’ériger au rang de « monument éternel de la pensée humaine »7 on peut néanmoins considérer qu’elle répond aux critères de philosophicité identifiés par Martial Gueroult lorsqu’il désigne comme objets spécifiques de l’histoire de la philosophie un ensemble de « doctrines » prétendant « imposer une vérité à l’universalité des êtres raisonnables en n’ayant recours qu’à des évidences, analyses, et démonstrations qui ressortent directement à la raison »8. En dépit de l’éclatement du corpus buissonnien et du faible nombre que celui-ci compte de vrais livres, se dessine bien en son sein une cohérence problématique articulant une philosophie de la religion, une philosophie morale, une philosophie de l’éducation et une philosophie politique se déployant au travers d’une production textuelle échelonnée sur une soixantaine d’années.

    Le problème de l’autorité, du théologique au pédagogique

    6Il nous a semblé possible de ressaisir cette cohérence en prenant pour fil directeur la question de l’autorité que Buisson a rencontrée et retravaillée dans une série de contextes variés, à commencer par celui de la controverse théologique et ecclésiologique qui agitait la communauté réformée de la seconde moitié du xixe siècle alors divisée entre les tendances libérale et évangélique9. Il s’agissait alors de déterminer si la foi et l’Église pouvaient se soutenir sous l’égide du libre examen et en dernière instance en faisant l’économie de la Révélation. Prenant le parti des « libéraux », Buisson est amené à conduire dès les années 1860 une réflexion ecclésiologique adossée à une méditation sur l’héritage du protestantisme à laquelle il reviendra dans sa thèse de 1891 sur Sébastien Castellion10. Buisson cherche ce faisant à disqualifier les formes conservatrices et extérieures d’autorité tout en conservant la dimension liante et dynamogène de la religion, tentative qui à partir des années 1870 va entrer en résonance avec le projet scolaire républicain et trouver une nouvelle élaboration dans le cadre d’une pédagogie laïque pour l’école du peuple.

    7Soucieux d’inscrire la laïcisation de l’instruction primaire sous le signe de la rupture par rapport aux modes d’enseignement pratiqués jusque-là, le discours de la modernité pédagogique républicaine construit un modèle repoussoir plus ou moins explicitement associé au cléricalisme, au travers duquel se trouvent dénoncés un ensemble de procédés autoritaires jugés peu propices à la formation du jugement. En dépit d’un intérêt affirmé pour la psychologie enfantine, il ne s’agit pas tant ici de remettre en question la nature hiérarchique de la relation maître-élève ou de promouvoir la libération de l’enfant en tant qu’enfant que de constituer l’autonomie du futur citoyen. Il est à cet égard remarquable qu’en dépit du statut de porte-parole de la réforme scolaire que lui conféraient ses responsabilités à la tête de l’instruction primaire et la direction du Dictionnaire de pédagogie11, Buisson ait proposé une interprétation particulièrement libérale des méthodes actives mises en avant dans la littérature pédagogique de l’époque, faisant preuve d’une confiance, alors somme toute assez rare, dans le pouvoir de la spontanéité enfantine.

    8Des années 1880 à l’entre-deux-guerres, Buisson joue un rôle subtil dans l’économie des controverses relatives à l’école qui agitent le débat public : faisant fonction d’idéologue de la République éducatrice, il développe tout un argumentaire pour répondre aux attaques du parti catholique contre « l’école sans Dieu » mais aussi aux critiques émanant du camp républicain lui-même, notamment de sa frange conservatrice qui reproche aux instituteurs d’avoir péché par excès d’intellectualisme et fragilisé ce faisant la cohésion sociale en alimentant la contestation de l’ordre établi. Relevant d’un seul et même élan les défis de la sécularisation et de la démocratisation de l’autorité, Buisson se fait alors le théoricien de la crise de développement du modèle républicain confronté aux progrès de l’idée d’égalité et aux exigences de la justice sociale.

    9La critique de l’autorité sous ses multiples formes, religieuses et séculières, dessine ainsi un horizon problématique qui court tout au long de l’œuvre de Ferdinand Buisson comme une sorte de fil rouge.

    Transferts, déplacements, sécularisation

    10Pour l’historien de la philosophie, cette cohérence problématique s’avère d’autant plus riche d’enseignements qu’elle est amenée à se construire dans une pluralité de contextes idéologiques, supposant de la part de Buisson un travail permanent de transposition des concepts et des structures argumentatives en usage dans un cadre de discussion donné pour les approprier à un autre. Pour étudier ces transpositions, nous avons mobilisé la catégorie de sécularisation, dans son acception germanique de Verweltlichung12, à savoir au sens d’un « transfert dans le champ du politique, parfois inaperçu par les acteurs, de contenus, de schèmes et de modèles élaborés dans le champ théologique »13. Il ne s’agissait pas en cela de considérer que toute la pensée pédagogique et politique de Buisson était en germe dans ses réflexions sur le protestantisme mais plutôt de dégager les caractéristiques ayant permis à sa théologie de se séculariser. Ce n’est que parce que, de l’intérieur même de son protestantisme libéral, s’initiait un profond travail de redéfinition de la religion qu’un tel transfert des contenus théologiques s’est avéré possible. La contestation théologique de l’autorité déployée par le protestantisme libéral buissonien s’avère en retour décisive pour comprendre les reformulations successives de l’idéal laïque qu’il s’est efforcé de promouvoir en tant que théoricien de l’école républicaine et en tant que député radical-socialiste.

    11Cet ancrage théologique de l’œuvre buissonienne permet de mettre en lumière la porosité du modèle français de laïcisation, placé sous le signe de la rupture avec la religion14, à la logique de la Verweltlichung15. Buisson a en effet pu faire alliance avec la mouvance spiritualiste incarnée par Jules Simon16, pour promouvoir une laïcité hospitalière à une religiosité déconfessionnalisée mais il a incontestablement développé une interprétation singulière de cette religiosité en la dissociant du théisme pour faire d’elle avant tout un principe critique et progressiste. Le dialogue que poursuit Buisson dans les premières années du xxe siècle avec le pasteur libéral Charles Wagner et avec les libres penseurs matérialistes17 est à cet égard particulièrement révélateur de l’effort de Buisson pour donner aux catégories de foi et de religion une signification qui permette de faire se rejoindre ce qu’il considère comme des approches différentes mais point irréconciliables du libre examen.

    Un exemple : l’appropriation buissonienne du concept d’intuition

    12Buisson ne forge guère de concepts mais il excelle dans l’art de reconfigurer ceux qu’il trouve en circulation en hybridant des éléments de lexique empruntés à différents registres pouvant relever de la tradition philosophique classique et contemporaine18, de la controverse théologique, de la science de l’éducation en cours de constitution19, et plus généralement en lien avec les polémiques diverses auxquelles il est amené à prendre part. Son usage du concept d’intuition dans le cadre de la promotion d’une pédagogie active pour l’école primaire fournit à cet égard un bon exemple de cette approche syncrétique de la conceptualité philosophique.

    13Dans les années 1870-1880, la « méthode intuitive » constitue le mot d’ordre emblématique de la modernité pédagogique dont se réclament les républicains engagés dans la réforme de l’instruction primaire. Ceux-ci s’inscrivent en cela dans un mouvement transnational de critique du mode passif d’enseignement que reflètent les pavillons scolaires des expositions universelles dès les années 1860. Délégué à l’exposition scolaire de Vienne en 1873, Buisson se fait l’écho dans son rapport du développement en Europe et en Amérique d’un progressisme pédagogique tendant à « introduire dans tous les domaines les idées et les pratiques scolaires que désigne ce mot relativement nouveau de méthode intuitive »20. Il s’agit, résume-t-il alors, de « substituer l’observation des choses à l’étude des mots, le jugement à la mémoire, l’esprit à la lettre, la spontanéité à la passivité intellectuelle », autant de préceptes dont les rédacteurs du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire reconnaissent volontiers la paternité à Montaigne, Rabelais, Comenius, Rousseau, ou Pestalozzi.

    14Dans le cadre de l’école de la République, cette pédagogie intuitive se trouve déclinée selon des modalités qui tiennent à la fois au jeune âge et au recrutement sociologique de ceux qui la fréquentent. Parce que l’enfant se meut d’abord dans l’élément sensible et que son esprit suit sa logique propre, irréductible à celle de l’adulte, cultiver son jugement suppose qu’on aille du connu à l’inconnu et qu’on parte du concret pour accéder à l’abstrait, requisits qui se trouvent réunis dans la leçon de choses alors mise à l’honneur comme machine de guerre dirigée contre les procédés mécaniques de l’éducation traditionnelle21. La méthode intuitive n’est pas seulement cependant présentée comme le meilleur moyen d’éveiller l’intelligence juvénile, elle définit aussi une pédagogie concrète et pratique appropriée à la formation des futurs travailleurs, consacrant par là même l’irréductible dualité des ordres d’enseignement. Les instructions officielles de 1882 et celles de 1887 qui en reprennent la teneur, associent ainsi expressément les caractères « intuitif » et « pratique » de l’instruction élémentaire tout en rappelant que « les élèves de l’école primaire n’ont pas de temps à perdre en discussions oiseuses, en théories savantes, en curiosités scolastiques »22.

    15Il est à cet égard significatif que les écrits où Buisson est amené à développer sa conception de la méthode intuitive, à savoir la conférence de 1878 sur l’enseignement intuitif prononcée devant les instituteurs lors de l’exposition universelle de Paris et l’article « Intuition et méthode intuitive » du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire23, s’attachent précisément à contrecarrer une approche strictement prosaïque de la pédagogie appropriée à l’éducation des enfants du peuple, pour faire au contraire de l’intuition le vecteur d’une authentique éducation libérale. Buisson y déconstruit l’assimilation de la méthode intuitive à l’éducation de la sensibilité, s’efforçant de l’étendre à l’éducation intellectuelle et morale. Contre l’orientation sensualiste de la méthode intuitive qu’il repère chez les pédagogues allemands, se trouve alors convoquée une « définition française de l’intuition »24 attribuée à Descartes et à Victor Cousin :

    Nous procédons par intuition toutes les fois que notre esprit, soit par les sens, soit par le jugement, soit par la conscience, connaît les choses avec ce degré d’évidence et de facilité que présente à l’œil la vue distincte d’un objet. Ainsi l’intuition n’est pas une faculté à part, ce n’est pas quelque chose d’étranger et de nouveau dans l’âme humaine. C’est l’âme humaine elle-même apercevant spontanément ce qui existe en elle ou autour d’elle.25

    16Buisson entend ainsi montrer que l’intuition sensible ne constitue que la modalité la plus apparente du phénomène intuitif, l’aperception immédiate se déployant également dans l’ordre du jugement et de la conscience, où elle revêt le nom d’« intuition intellectuelle » et d’« intuition morale ». De l’expérience du cogito, le directeur de l’instruction primaire retient le modèle d’un entendement intuitif fondant l’universelle capacité des esprits à accéder aux vérités les plus hautes, aptitude « qui est, entre nous tous, le titre de parenté le plus indéniable »26.

    17Force est toutefois de constater qu’au moment de tirer les conséquences pédagogiques de cette relecture de Descartes, Buisson s’éloigne quelque peu de la méthode analytique que, dans sa Réponse aux secondes objections, Descartes présentait comme « la plus propre pour enseigner »27 quoiqu’il ne la destinât manifestement pas aux très jeunes esprits. Les enfants, écrit Buisson, veulent « aller vite et joyeusement du connu à l’inconnu, du concret à l’abstrait, du facile au difficile, plutôt par bonds que pas à pas » ; aussi la méthode intuitive devra-t-elle consister à leur donner « une première vue des choses, très sommaire, très insuffisante, mais qui a du moins ce bienheureux effet de leur faire comprendre et aimer en enfants ce qu’ils apprendront plus tard à comprendre et à aimer en hommes »28. Plutôt que comme le résultat d’un cheminement ordonné et rigoureux, l’intuition enfantine apparaît comme une forme de coup d’œil synthétique et pour le moins approximatif ; elle gagne cependant en dynamisme ce qu’elle perd en rigueur puisqu’elle enveloppe un affect que Buisson qualifie d’« élan spontané de l’intelligence vers la vérité »29. Au moyen d’un glissement subtil de la « lumière naturelle » à la nature, l’intuition cartésienne se trouve redéfinie comme un « instinct de vérité », Buisson posant à travers elle non seulement l’existence d’une puissance universelle de saisir le vrai dans la clarté de l’évidence mais aussi celle d’une aspiration à le rechercher. De la méthode cartésienne à la pédagogie buissonnienne, l’intuition s’est muée en une opération de nature morale tout autant que cognitive : elle enveloppe désormais un impératif de la conscience que l’éducation républicaine aura précisément vocation à cultiver.

    18En dépit de la liberté que prend Buisson à l’égard de la conceptualité cartésienne, l’inscription de la méthode intuitive sous le patronage de l’auteur des Méditations n’est pas anodine : elle témoigne de la volonté de fonder pédagogiquement ce que l’on pourrait nommer une éthique de la responsabilité intellectuelle. La référence à Descartes permet ainsi d’incorporer à la pédagogie républicaine une tournure libre penseuse qui constitue l’équivalent séculier du libre examen célébré par Buisson dans ses écrits sur le protestantisme et qu’il désigne de manière transparente dans sa correspondance avec le pasteur Charles Wagner comme la méthode du « doute méthodique appliqué à toutes les croyances »30.

    Une pensée indissociable des contextes extra-philosophiques où elle s’est constituée

    19Buisson, on le voit, n’hésite pas à puiser dans la tradition philosophique pour les besoins de l’idéal pédagogique qu’il défend pour l’école laïque. Il serait inexact cependant d’accorder à celle-ci une fonction prépondérante dans l’économie de sa pensée, à commencer parce que cette pensée se déploie en grande partie sur un terrain qui n’est pas l’espace de la discussion philosophique mais celui de la rationalité pratique présidant aux affaires politiques et au fonctionnement des administrations. Une partie significative du corpus buissonnien, et non la moins intéressante, est ainsi constituée de rapports, de discours et d’articles de presse traitant de questions d’actualité variées allant de la réponse aux accusations dirigées contre l’école sans Dieu à l’analyse des relations des syndicats et de l’administration en passant par la réforme du traitement des instituteurs ou les moyens d’améliorer le niveau d’alphabétisation des conscrits. Sans pour autant faire disparaître la cohérence repérable dans les écrits théoriques de Buisson, le contexte extra-philosophique prend ici le dessus avec sa visée performative immédiate et son lot de détails techniques et de références plus ou moins explicites aux menues circonstances tissant le présent du lectorat ciblé. S’il s’avère possible, et souvent souhaitable, de réinscrire ces « petits textes » dans le cadre d’une systématicité construite dans des écrits de plus haute densité conceptuelle, la tentation demeure grande pour l’historien de la philosophie de les considérer comme insignifiants.

    20La pratique de l’histoire de la philosophie qui est celle de Pierre-François Moreau s’est avérée ici un guide fécond parce qu’elle invitait à voir dans le caractère éminemment circonstancié de ces écrits non une indignité constitutive mais une occasion d’étudier la manifestation concrète du double mouvement par lequel les philosophies empruntent au contexte idéologique dans lequel elles se constituent tout en restituant à ce contexte des catégories et schèmes de pensée transformés. À côté de l’étude des grands textes, il y a dans cette perspective place, et même une place nécessaire, pour l’analyse des « objets transversaux qui expliquent les questions et les horizons des auteurs et sans lesquels ce qu’il y a de véritablement nouveau chez ceux-ci demeureraient proprement invisible »31. L’étude du corpus buissonnien en l’occurrence, permet dans son hétérogénéité de mettre en lumière les enjeux de l’institutionnalisation du républicanisme français au moment où celui-ci cesse progressivement de représenter une philosophie politique d’opposition pour devenir la philosophie d’un régime durable et par conséquent amené à rencontrer la question de sa propre réforme. La longévité politique de Buisson, son rôle dans l’administration républicaine comme son action au sein du monde associatif font de lui un témoin intéressant de l’élaboration et de la reconfiguration des grands thèmes de la tradition républicaine au xixe siècle et dans les premières décennies du xxe siècle, et en particulier de son projet émancipateur.

    21Quoiqu’elle puisse apparaître rétrospectivement comme une sorte d’étendard de l’héritage d’une époque fondatrice, la « foi laïque »32 de Ferdinand Buisson constitue à cet égard moins une parole officielle de la République (et dans le recueil éponyme, Buisson ne se prive pas de faire entendre sa voix singulière) que comme un observatoire privilégié de la manière dont s’articulent ses multiples composantes et dont les tensions travaillent la vie politique concrète : discussions relatives au contenu des programmes de morale, lutte contre les congrégations enseignantes, séparation des Églises et de l’État, développement du syndicalisme enseignant… Du réformisme religieux à la pédagogie et à la politique radicale-socialiste, Buisson est amené à élaborer une philosophie de la laïcité qui accompagne sans s’y réduire le cadre juridique de la séparation des Églises et de l’État : la liberté de conscience s’y trouve d’emblée solidaire de la liberté de pensée mais celle-ci est amenée, à mesure que le régime républicain se consolide, à intégrer la dimension d’une critique sociale qui se nourrit du dialogue avec les courants socialistes et les instituteurs amicalistes et syndicalistes33. En dépit de la singularité qui le caractérise, le cheminement de Buisson, témoigne en effet de la genèse au sein de la tradition républicaine d’une exigence de justice scolaire comprise dans une perspective de mobilité sociale, exigence qui dans la seconde moitié du xxe siècle prendra le nom d’« égalité des chances » mais qui dans les premières années du xixe siècle se trouve thématisée sous le lexique de « l’égalité dans la diversité »34.

    Deuxième exemple : l’Égalité dans la diversité ou l’émergence de la notion de sélection démocratique

    22Rappelons que les grandes lois scolaires des années 1880 s’étaient inscrites dans un dispositif de différenciation sociale en vertu duquel les enfants du peuple et ceux de la bourgeoisie avaient peu de chance de s’asseoir jamais sur les mêmes bancs. Coexistaient en effet deux systèmes scolaires parallèles, destinés à accueillir deux publics bien distincts, et entre lesquels les passerelles demeuraient rares : l’école primaire proprement dite pour les enfants du peuple, donnant accès pour ceux qui avaient la possibilité de poursuivre leur scolarité aux écoles primaires supérieures et aux cours complémentaires35 ; les petites classes des lycées, payantes et ouvrant les portes de l’enseignement secondaire, réservées de facto aux enfants de la bourgeoisie.

    23À la fin des années 1890, Buisson se fait l’écho de la critique de cette dualité des ordres d’enseignement telle qu’elle se fait jour au sein des amicales d’instituteurs : il est ce faisant conduit à repenser à nouveaux frais l’éducation du citoyen qui s’était trouvée définie jusque-là en dehors de toute perspective d’émancipation sociale et à articuler la logique humaniste d’épanouissement de la personne présidant à son libéralisme pédagogique à une logique de transformation de l’ordre social.

    24En se saisissant de la question de l’égalité des enfants devant l’instruction, qui sera puissamment relayée au début du siècle par la ligue fondée à cet effet en 1904 par Maximilien Carnaud36 ainsi que par la Ligue de l’Enseignement à l’issue du congrès d’Angers de 1906, Buisson participe à cet égard d’une mutation du républicanisme scolaire qui s’est imposée au cours du xxe siècle au point d’en apparaître comme une composante originelle : au modèle ferryste et quinésien d’une école primaire creuset de l’identité nationale, s’est surajouté celui d’une école organisatrice de la sélection naturelle des intelligences ordonnée à une conception méritocratique de la justice scolaire.

    25Dans la déposition qu’il livre dans le cadre de l’enquête parlementaire sur l’enseignement secondaire en 1899, Buisson met ainsi en avant l’iniquité d’un droit à l’instruction dont l’extension varie selon l’origine sociale des élèves en même temps que le caractère contreproductif d’un tel système de formation des élites37. Cette volonté de promouvoir une distribution équitable et efficace de l’instruction en laissant les élites se constituer sur la base des potentialités de chacun s’est trouvée au cœur des discussions engagées autour de la question de l’unification des ordres d’enseignement lors du XXVIe congrès de La Ligue de l’Enseignement en 1906 mais, là encore, Buisson s’associe à un mouvement qu’il estime aller dans le sens de l’histoire tout en le ressaisissant dans une perspective qui lui est propre. En 1910, il dépose avec les députés Jean Bouveri et Louis Gérard-Varet une proposition de loi « tendant à établir l’égalité des enfants pour le droit à l’instruction »38 qui se signale par la promotion d’un enseignement secondaire diversifié de manière à fournir à chacun la culture spécifique la plus à même de favoriser l’épanouissement de ses dispositions personnelles tout en garantissant un avenir économique à la masse des travailleurs pour lesquels est revendiqué l’accès à une scolarisation prolongée. Sans perdre de vue les exigences de la division du travail, Buisson retient de l’idéal socialiste d’éducation intégrale39 une valorisation certaine de la culture ouvrière et technique, accordant une grande attention à la formation professionnelle comprise dans une optique de conciliation de la formation de l’homme et du producteur. S’il n’est pas possible dans le cadre du présent article d’entrer dans le détail de cette proposition de loi, ce type de document n’en présente pas moins un intérêt certain pour l’histoire de la philosophie et en particulier de la philosophie de l’éducation.

    Faire l’histoire de la philosophie de l’éducation comme philosophie de l’institution

    26« L’éducation est chez les philosophes une question délaissée », écrivait Denis Kambouchner en 2013 dans un ouvrage qui tentait précisément d’inverser la tendance40. Au-delà de son absence des départements universitaires de philosophie, ce dernier soulignait plus généralement la rareté de l’intervention philosophique sur la place de l’éducation scolaire dans la société contemporaine et les questions fondamentales de la pédagogie et du rapport au savoir. Nous faisons l’hypothèse qu’une des raisons de ce relatif désinvestissement peut être recherchée dans la prégnance d’une histoire de la philosophie comme histoire des systèmes qui conduit à envisager l’éducation comme objet idéal plutôt que comme fait social inscrit dans l’histoire. C’est ce même désintérêt pour l’effectivité de l’éducation, que dans l’article « Pédagogie » de l’édition de 1911 du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire41, Durkheim reprochait aux pédagogues tels que Montaigne et Rousseau, « esprits révolutionnaires, insurgés contre les usages de leurs contemporains »42 qui ne s’intéressent aux systèmes d’éducation réels que pour les condamner. Militant en faveur du développement dans la formation des instituteurs de ce que l’on pourrait qualifier d’enseignement philosophique de l’histoire des institutions éducatives, Durkheim soulignait la nécessité de se mettre à l’école des faits pour appréhender l’épaisseur historique des structures éducatives et les dynamiques qui les travaillent. Si ces dynamiques comportent assurément une part de matérialité, le cours de Durkheim publié sous le titre l’Évolution pédagogique en France43, qui constitue une mise en œuvre de la méthode énoncée dans l’article « Pédagogie », ne laisse pas de doute quant au fait que ces dynamiques sont aussi des dynamiques de pensée. Ce programme que Durkheim assigne pour sa part à la science de l’éducation nous semble pouvoir être assumé au moins en partie par une histoire de la philosophie de l’éducation comprise comme histoire de la philosophie des institutions. Il ne s’agit plus seulement dans cette perspective d’étudier les grandes pensées de l’éducation de Platon à Dewey mais de chercher à mettre en lumière les pensées qui travaillent, informent ou ressaisissent les pratiques et structures éducatives, en particulier scolaires, dans leur effectivité. Ceci passe assurément par l’inclusion dans nos corpus de textes d’un genre assez éloigné de ceux qui ont été consacrés par la tradition philosophique.

    Notes de bas de page

    1 Il obtient l’agrégation de philosophie en 1868.

    2 Voir P.-F. Moreau, Fernand Deligny et les idéologies de l’enfance, Paris, Retz, 1978.

    3 Voir par exemple la récente biographie de Buisson publiée par P. Cabanel, Ferdinand Buisson. Père de l’école laïque, Genève, Labor et fides, 2016.

    4 C. Péguy, De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, Œuvres en prose complètes, Paris, Gallimard (Bibliothèque de La Pléiade), t. II, 1988, p. 707.

    5 Voir sur ce point O. Njølstad, « Buisson et le prix Nobel de la paix », L. Loeffel dir., Ferdinand Buisson. Fondateur de la laïcité, militant de la paix, Amiens, Scéren, CRDP de l’académie d’Amiens, 2004, p. 99-103.

    6 P. Cabanel, Ferdinand Buisson…, ouvr. cité, p. 14.

    7 M. Gueroult, « La méthode en histoire de la philosophie », Philosophiques, 1(1), 1974, p. 7.

    8 Ibid., p. 15.

    9 Pour une étude d’ensemble de la situation de l’Église réformée de France sur la période, nous renvoyons à l’ouvrage d’A. Encrevé, Protestants français au milieu du xixe siècle : les réformés de 1848 à 1870, Genève, Labor et Fides (Histoire et sociétés), 1986.

    10 F. Buisson, Sébastien Castellion. Sa vie et son œuvre (1515-1563). Étude sur les origines du protestantisme libéral français, Paris, Hachette, 1892.

    11 F. Buisson dir., Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, 1887 et Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, 1911.

    12 J.-C. Monod, La querelle de la sécularisation. Théologie politique et philosophies de l’histoire de Hegel à Blumenberg, Paris, Vrin (Problèmes et controverses), 2002, p. 26.

    13 Ibid., p. 26.

    14 Ibid.

    15 Voir à cet égard les travaux de L. Loeffel, P. Cabanel, ou P. Ognier qui ont contribué à mieux faire connaître l’importance d’une forme religieuse de laïcité dans l’élaboration des programmes de l’école républicaine des années 1880-1895 : L. Loeffel, La question des fondements de la morale laïque sous la IIIe République (1870-1914), Paris, PUF (Éducation et formation), 2000 ; P. Cabanel, Le dieu de la république. Aux sources protestantes de la laïcité, 1860-1900, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003 ; P. Ognier, Une école sans dieu. 1880-1895. L’invention d’une morale laïque sous la IIIe République, Toulouse, Presses universitaires du Mirail (Tempus), 2008.

    16 Voir P. Ognier, ibid.

    17 F. Buisson et C. Wagner, Libre pensée et protestantisme libéral, Paris, Fischbacher, 1903.

    18 Les auteurs classiques que Buisson mobilise le plus volontiers sont Descartes, Kant et Spinoza (ce dernier dans une moindre mesure). Il convoque également des auteurs plus contemporains dont les travaux alimentent la réflexion pédagogique de la fin du xixe siècle comme Spencer ou Guyot.

    19 Voir J. Gautherin, Une discipline pour la République. La science de l’éducation en France, Berne, Peterlang, 2002.

    20 F. Buisson, Rapport sur l’instruction primaire à l’Exposition universelle de Vienne en 1873, Paris, Imprimerie nationale, 1875, p. 110.

    21 P. Kahn, La leçon de choses. Naissance de l’enseignement des sciences à l’école primaire, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2002.

    22 Organisation pédagogique et plan d’études des écoles primaires publiques, op. cit., p. 15.

    23 L’article est publié entre 1882 et février 1883. Voir Dictionnaire de pédagogie…, ouvr. cité, p. 238.

    24 F. Buisson, « Conférence sur l’enseignement intuitif, faite aux instituteurs délégués à l’Exposition universelle de 1878, le 31 août 1878 », Conférences et causeries pédagogiques, op. cit., p. 8.

    25 F. Buisson, « Intuition et méthode intuitive », Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, ouvr. cité, partie I, t. 1, p. 1376.

    26 F. Buisson, « Conférence sur l’enseignement intuitif… », art. cité, p. 29-30.

    27 « L’analyse montre la vraie voie par laquelle une chose a été méthodiquement inventée, et fait voir comment les effets dépendent des causes ; en sorte que, si le lecteur la veut suivre, et jeter les yeux soigneusement sur tout ce qu’elle contient, il n’entendra pas moins parfaitement la chose ainsi démontrée, et ne la rendra pas moins sienne que si lui-même l’avait inventée ». Descartes, Réponse aux secondes objections, Œuvres philosophiques de Descartes, F. Alquié éd., vol. II., Paris, Classiques Garnier, 1999, p. 583.

    28 F. Buisson, « Intuition et méthode intuitive », art. cité, p. 1377.

    29 F. Buisson, « Conférence sur l’enseignement intuitif… », art. cité, p. 9.

    30 F. Buisson et C. Wagner, Libre pensée et protestantisme libéral, ouvr. cité, 1re lettre de Buisson, p. 12-13.

    31 P.-F. Moreau « Préface », Les passions à l’âge classique, Paris, PUF, 2006, p. 1.

    32 F. Buisson, La foi laïque. Extraits de discours et d’écrits (1878-1911), Paris, Hachette, 1912.

    33 Voir à ce sujet F. Mole, L’école laïque pour une République sociale. Controverses pédagogiques et politiques (1900-1914), Presses universitaires de Rennes / Institut national de recherche pédagogique (Histoire), 2010 et M. Brunet-Giry, Ferdinand Buisson et les socialistes libertaires. Chez l’auteur, 2014.

    34 Voir F. Mole, « L’“égalité dans la diversité” : un modèle de justice à la préhistoire de l’école unique (1898-1914) », Revue française de pédagogie, 2007/2, no 159.

    35 Pour une étude d’ensemble de l’histoire de l’enseignement primaire supérieur voir J.-P. Briand et J.-M. Chapoulie, Les collèges du peuple : l’enseignement primaire supérieur et le développement de la scolarisation prolongée sous la Troisième République, Paris, INRP / ENS de Fontenay-aux-Roses, Éditions du CNRS, 1992.

    36 Ancien instituteur, le député socialiste Maximilien Carnaud dépose en octobre 1902 une « proposition de loi ayant pour but d’assurer l’égalité des enfants devant l’instruction, sans distinction de fortune », suivie d’une seconde dans le même esprit en 1909. Voir F. Mole, L’école laïque…, ouvr. cité, p. 259-260 ; 280 et suiv.

    37 « Déposition de M. Buisson », dans Chambre des députés, Enquête sur l’enseignement secondaire. Procès-verbaux des dépositions présentés par M. Ribot, président de la commission de l’enseignement, Paris, Imprimerie des journaux officiels, 1899, p. 435.

    38 F. Buisson, L. Gerard-Varet et J. Bouveri, Proposition de loi tendant à établir l’égalité des enfants pour le droit à l’instruction (Chambre des députés, 9e législature, session de 1910, proposition no 3265). Le projet reprend largement le rapport présenté en 1909 par Buisson au congrès de Nantes du parti radical socialiste. Celui-ci fournira également la teneur d’un article publié par Buisson en mai 1914 dans le Bulletin de la ligue des droits de l’homme sous le titre « L’achèvement de l’œuvre scolaire de la IIIe République », article reproduit par C. Bouglé dans Un moraliste laïque. Ferdinand Buisson. Pages choisies, Paris, Alcan, 1933, p. 76-99.

    39 Le concept d’éducation intégrale est originellement théorisé par les socialistes libertaires Paul Robin et Michel Bakounine. Sur son détournement par les promoteurs de l’école unique, voir F. Mole, L’école laïque…, ouvr. cité, p. 279-291.

    40 D. Kambouchner, L’école, question philosophique, Paris, Fayard, p. 27.

    41 É. Durkheim, article « Pédagogie », Nouveau Dictionnaire de pédagogie…, F. Buisson dir., ouvr. cité, reproduit dans le volume Éducation et sociologie, Paris, PUF, 1997.

    42 É. Durkheim, Éducation et sociologie, ouvr. cité, p. 77.

    43 É. Durkheim, L’évolution pédagogique en France, Paris, Félix Alcan, 1938.

    Auteur

    Anne-Claire Husser

    université Claude Bernard Lyon 1, INSPE de l’académie de Lyon (UR « Éducation, cultures, politiques », chercheuse associée à l’UMR 5317-IHRIM)

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    1 Il obtient l’agrégation de philosophie en 1868.

    2 Voir P.-F. Moreau, Fernand Deligny et les idéologies de l’enfance, Paris, Retz, 1978.

    3 Voir par exemple la récente biographie de Buisson publiée par P. Cabanel, Ferdinand Buisson. Père de l’école laïque, Genève, Labor et fides, 2016.

    4 C. Péguy, De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, Œuvres en prose complètes, Paris, Gallimard (Bibliothèque de La Pléiade), t. II, 1988, p. 707.

    5 Voir sur ce point O. Njølstad, « Buisson et le prix Nobel de la paix », L. Loeffel dir., Ferdinand Buisson. Fondateur de la laïcité, militant de la paix, Amiens, Scéren, CRDP de l’académie d’Amiens, 2004, p. 99-103.

    6 P. Cabanel, Ferdinand Buisson…, ouvr. cité, p. 14.

    7 M. Gueroult, « La méthode en histoire de la philosophie », Philosophiques, 1(1), 1974, p. 7.

    8 Ibid., p. 15.

    9 Pour une étude d’ensemble de la situation de l’Église réformée de France sur la période, nous renvoyons à l’ouvrage d’A. Encrevé, Protestants français au milieu du xixe siècle : les réformés de 1848 à 1870, Genève, Labor et Fides (Histoire et sociétés), 1986.

    10 F. Buisson, Sébastien Castellion. Sa vie et son œuvre (1515-1563). Étude sur les origines du protestantisme libéral français, Paris, Hachette, 1892.

    11 F. Buisson dir., Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, 1887 et Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, Paris, Hachette, 1911.

    12 J.-C. Monod, La querelle de la sécularisation. Théologie politique et philosophies de l’histoire de Hegel à Blumenberg, Paris, Vrin (Problèmes et controverses), 2002, p. 26.

    13 Ibid., p. 26.

    14 Ibid.

    15 Voir à cet égard les travaux de L. Loeffel, P. Cabanel, ou P. Ognier qui ont contribué à mieux faire connaître l’importance d’une forme religieuse de laïcité dans l’élaboration des programmes de l’école républicaine des années 1880-1895 : L. Loeffel, La question des fondements de la morale laïque sous la IIIe République (1870-1914), Paris, PUF (Éducation et formation), 2000 ; P. Cabanel, Le dieu de la république. Aux sources protestantes de la laïcité, 1860-1900, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003 ; P. Ognier, Une école sans dieu. 1880-1895. L’invention d’une morale laïque sous la IIIe République, Toulouse, Presses universitaires du Mirail (Tempus), 2008.

    16 Voir P. Ognier, ibid.

    17 F. Buisson et C. Wagner, Libre pensée et protestantisme libéral, Paris, Fischbacher, 1903.

    18 Les auteurs classiques que Buisson mobilise le plus volontiers sont Descartes, Kant et Spinoza (ce dernier dans une moindre mesure). Il convoque également des auteurs plus contemporains dont les travaux alimentent la réflexion pédagogique de la fin du xixe siècle comme Spencer ou Guyot.

    19 Voir J. Gautherin, Une discipline pour la République. La science de l’éducation en France, Berne, Peterlang, 2002.

    20 F. Buisson, Rapport sur l’instruction primaire à l’Exposition universelle de Vienne en 1873, Paris, Imprimerie nationale, 1875, p. 110.

    21 P. Kahn, La leçon de choses. Naissance de l’enseignement des sciences à l’école primaire, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2002.

    22 Organisation pédagogique et plan d’études des écoles primaires publiques, op. cit., p. 15.

    23 L’article est publié entre 1882 et février 1883. Voir Dictionnaire de pédagogie…, ouvr. cité, p. 238.

    24 F. Buisson, « Conférence sur l’enseignement intuitif, faite aux instituteurs délégués à l’Exposition universelle de 1878, le 31 août 1878 », Conférences et causeries pédagogiques, op. cit., p. 8.

    25 F. Buisson, « Intuition et méthode intuitive », Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, ouvr. cité, partie I, t. 1, p. 1376.

    26 F. Buisson, « Conférence sur l’enseignement intuitif… », art. cité, p. 29-30.

    27 « L’analyse montre la vraie voie par laquelle une chose a été méthodiquement inventée, et fait voir comment les effets dépendent des causes ; en sorte que, si le lecteur la veut suivre, et jeter les yeux soigneusement sur tout ce qu’elle contient, il n’entendra pas moins parfaitement la chose ainsi démontrée, et ne la rendra pas moins sienne que si lui-même l’avait inventée ». Descartes, Réponse aux secondes objections, Œuvres philosophiques de Descartes, F. Alquié éd., vol. II., Paris, Classiques Garnier, 1999, p. 583.

    28 F. Buisson, « Intuition et méthode intuitive », art. cité, p. 1377.

    29 F. Buisson, « Conférence sur l’enseignement intuitif… », art. cité, p. 9.

    30 F. Buisson et C. Wagner, Libre pensée et protestantisme libéral, ouvr. cité, 1re lettre de Buisson, p. 12-13.

    31 P.-F. Moreau « Préface », Les passions à l’âge classique, Paris, PUF, 2006, p. 1.

    32 F. Buisson, La foi laïque. Extraits de discours et d’écrits (1878-1911), Paris, Hachette, 1912.

    33 Voir à ce sujet F. Mole, L’école laïque pour une République sociale. Controverses pédagogiques et politiques (1900-1914), Presses universitaires de Rennes / Institut national de recherche pédagogique (Histoire), 2010 et M. Brunet-Giry, Ferdinand Buisson et les socialistes libertaires. Chez l’auteur, 2014.

    34 Voir F. Mole, « L’“égalité dans la diversité” : un modèle de justice à la préhistoire de l’école unique (1898-1914) », Revue française de pédagogie, 2007/2, no 159.

    35 Pour une étude d’ensemble de l’histoire de l’enseignement primaire supérieur voir J.-P. Briand et J.-M. Chapoulie, Les collèges du peuple : l’enseignement primaire supérieur et le développement de la scolarisation prolongée sous la Troisième République, Paris, INRP / ENS de Fontenay-aux-Roses, Éditions du CNRS, 1992.

    36 Ancien instituteur, le député socialiste Maximilien Carnaud dépose en octobre 1902 une « proposition de loi ayant pour but d’assurer l’égalité des enfants devant l’instruction, sans distinction de fortune », suivie d’une seconde dans le même esprit en 1909. Voir F. Mole, L’école laïque…, ouvr. cité, p. 259-260 ; 280 et suiv.

    37 « Déposition de M. Buisson », dans Chambre des députés, Enquête sur l’enseignement secondaire. Procès-verbaux des dépositions présentés par M. Ribot, président de la commission de l’enseignement, Paris, Imprimerie des journaux officiels, 1899, p. 435.

    38 F. Buisson, L. Gerard-Varet et J. Bouveri, Proposition de loi tendant à établir l’égalité des enfants pour le droit à l’instruction (Chambre des députés, 9e législature, session de 1910, proposition no 3265). Le projet reprend largement le rapport présenté en 1909 par Buisson au congrès de Nantes du parti radical socialiste. Celui-ci fournira également la teneur d’un article publié par Buisson en mai 1914 dans le Bulletin de la ligue des droits de l’homme sous le titre « L’achèvement de l’œuvre scolaire de la IIIe République », article reproduit par C. Bouglé dans Un moraliste laïque. Ferdinand Buisson. Pages choisies, Paris, Alcan, 1933, p. 76-99.

    39 Le concept d’éducation intégrale est originellement théorisé par les socialistes libertaires Paul Robin et Michel Bakounine. Sur son détournement par les promoteurs de l’école unique, voir F. Mole, L’école laïque…, ouvr. cité, p. 279-291.

    40 D. Kambouchner, L’école, question philosophique, Paris, Fayard, p. 27.

    41 É. Durkheim, article « Pédagogie », Nouveau Dictionnaire de pédagogie…, F. Buisson dir., ouvr. cité, reproduit dans le volume Éducation et sociologie, Paris, PUF, 1997.

    42 É. Durkheim, Éducation et sociologie, ouvr. cité, p. 77.

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    Husser, A.-C. (2024). Ferdinand Buisson, une philosophie de l’institution scolaire républicaine. In D. Antoine-Mahut, A. Charrak, P. Girard, & M. M. Zaragozá (éds.), La raison au travail, 1 (1‑). ENS Éditions. https://doi.org/10.4000/12twa
    Husser, Anne-Claire. « Ferdinand Buisson, une philosophie de l’institution scolaire républicaine ». In La raison au travail, 1, édité par Delphine Antoine-Mahut, André Charrak, Pierre Girard, et Marina Mestre Zaragozá. Lyon: ENS Éditions, 2024. https://doi.org/10.4000/12twa.
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