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    Plan détaillé Texte intégral L’originalité de la critique hobbesienne de l’astrologie judiciaire dans l’Anti-White Le De radiis attribué à al-Kindi Conclusion Notes de bas de page Auteur

    La raison au travail, 1

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Hobbes, l’astrologie et le De radiis attribué à al-Kindi

    José Médina

    p. 345-356

    Texte intégral L’originalité de la critique hobbesienne de l’astrologie judiciaire dans l’Anti-White Le De radiis attribué à al-Kindi Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1En définissant la philosophie dans le De Corpore1 (I, 8), Hobbes précise que « l’astrologie, telle qu’elle se présente aujourd’hui, est exclue ainsi que toutes les autres pratiques du même genre qui sont plutôt des divinations que des sciences ». Et, dans les dernières lignes (XXX,15), il avertit que toute physique concurrente devra présenter des hypothèses « pensables » et bannir de son vocabulaire les « mots vides des scolastiques » comme le mouvement spontané ou produit par les espèces, la puissance, les formes substantielles, les substances incorporelles, l’instinct, l’antipéristase, l’antipathie ou la sympathie, les qualités occultes. À cette liste, un passage similaire du chapitre 46 du Léviathan2 ajoute les « qualités spécifiques ».

    2Ce vocabulaire est aussi celui des astrologues qui expliquent les effets du ciel sur le monde sublunaire. Trois causes sont généralement admises : le mouvement visible des astres, leur lumière, et leur « influence ». Ce dernier terme désigne les causes invisibles de tous les effets visibles mais inexplicables par le mouvement et la lumière. De ces « vertus occultes » qui se manifestent par une action à distance, le modèle terrestre est la force magnétique.

    3Pourquoi alors associer ici l’astrologie au nom de Hobbes, partisan d’un mécanisme strict et grand admirateur de Copernic et de Galilée ? Et que vient faire le De radiis, un manuscrit du xiiie siècle attribué au fameux savant arabe Abū Yūsuf Yaqūb ibn Ishaq al-Kindī (ixe siècle) ?

    4L’astrologie mérite un examen parce que dans le tableau de la classification des sciences du Léviathan (1651, chap. IX), elle est une branche de la « physique ou conséquence des qualités »3, en tant que « conséquences de l’influence des astres » – l’astronomie étant rangée dans la philosophie naturelle : « conséquences du mouvement et de la quantité des corps considérés spécifiquement ». Dans le chapitre XII (« De la religion », Lev, 176), l’art de tirer les horoscopes, une des formes de la divination pratiquée par les fondateurs des religions païennes, est dit « tenu pour une partie de l’astrologie judiciaire ». Cette dernière doit donc comporter deux parties : une bonne qui étudie les « influences des corps célestes » et dont le De Corpore (VI, 6) détermine le cadre :

    […] si on doit expliquer la cause de phénomènes naturels particuliers, par exemple, quels sont les mouvements et les vertus des corps célestes [virtutes, en anglais, influences] et de leurs parties, cette explication rationnelle est à chercher sur la base des parties susdites de la science [la philosophie première et la géométrie], autrement, il n’y aura pas du tout d’explication, mais seulement conjecture incertaine.

    5Quant à la mauvaise partie, celle des astrologues faux prophètes, c’est elle qu’en 1655, le De Corpore désigne comme « l’astrologie, telle qu’elle se présente aujourd’hui » et que, dans les œuvres plus tardives, de manière cohérente, Hobbes n’aura de cesse de dénoncer : en 1658, De Homine4, XIV, 12 ; vers 1659-1660, Historia ecclesiastica carmine elegiaco concinnata, OL V, p. 357 ; vers 1668, Behemot5 (OL VI, p. 398, à propos de l’astrologue William Lilly).

    6La reconnaissance hobbesienne de l’influence des astres n’est pas une nouveauté. Dans la polémique avec l’évêque Bramhall sur la nécessité et le hasard (1645), Hobbes l’affirme à plusieurs reprises : « L’influence des étoiles n’est qu’une petite partie de la cause entière qui consiste dans le concours de tous les agents »6. Le nécessitarisme strict de Hobbes fait que si l’on raisonne au niveau de l’univers pris comme un tout, l’influence des étoiles doit constituer une chaîne causale nécessaire à la production de tout effet. Cette chaîne causale astrale n’est cependant pas unique. En cela, Hobbes se démarque de la doctrine astrologique : la chaîne causale astrale est certes nécessitante – Bramhall objectera qu’elle « incline mais ne nécessite pas la volonté »7 – mais partielle : « Le concours de toutes les causes ne fait pas non plus une simple chaîne ou un enchaînement, mais un nombre incalculable de chaînes, réunies non pas dans toutes les parties, mais dans le premier maillon, Dieu Tout-Puissant ; et par conséquent, la cause entière d’un événement ne dépend pas toujours d’une seule chaîne, mais de plusieurs chaînes réunies »8. En 1645, donc, la position de Hobbes est que :

    […] les étoiles à elles seules […] ne peuvent produire aucun effet sans le concours de tous les autres agents. Il n’est, en effet, guère d’action, si fortuite semble-t-elle, que ne concoure à causer tout ce qui est in rerum natura, point sur lequel je n’insisterai pas parce que c’est un grand paradoxe et qu’il découle de bien des spéculations antérieures.9

    7Luc Foisneau10, dont je viens de citer la traduction, a brillamment montré que ces spéculations antérieures renvoient au court chapitre XXXVI de la Critique du De Mundo de Thomas White11 (1642 et 1643) : « Iudicia astrologica esse vana ». Puisqu’il suit l’ordre des questions traitées par White, Hobbes n’a pas choisi le sujet de l’astrologie judiciaire, mais en accord avec lui sur la vanité de la pratique de la divination – il lui reproche seulement de ne pas être cohérent dans son argumentation – il formule la même thèse qu’en 1645 : « toutes les choses agissent sur toutes au même moment, c’est-à-dire qu’à la production d’un effet quelconque concourent les influences de tous les astres »12.

    L’originalité de la critique hobbesienne de l’astrologie judiciaire dans l’Anti-White

    8On s’attendrait à ce que Hobbes se moque complètement du principe même de l’influence astrale à l’instar de Galilée à propos de l’explication keplerienne des marées13. Or, dans le chapitre XXXVI, la majeure partie des paragraphes est consacrée à développer ce principe – Le paragraphe 6 établit que la variété des aspects astraux produit des effets variés en fonction de la position relative des astres – et seul le paragraphe 9 réfute la pratique des horoscopes sur la base du constat que la précession des équinoxes implique un décalage entre la position des constellations célestes et les signes du zodiaque imaginés par les astrologues. Quant au texte fondateur de l’astrologie, le Tetrabiblos de Ptolémée, le paragraphe 10 le juge indigne de l’auteur de l’Almageste et l’attribue plutôt à un mendiant égyptien14. L’astrologie judiciaire qui prétend prédire les événements humains est une imposture mais Hobbes ne reprend pas dans sa critique les arguments traditionnels avancés par Giovanni Pico della Mirandola (1496, Disputationes adversus astrologiam divinatricem). Soucieux de distinguer l’astronomie de l’astrologie, il conteste même la capacité de l’astrologie à prédire le temps qu’il fera demain : chaque lieu et chaque temps sont affectés différemment ; aucun effet météorologique n’est semblable. Parce que l’induction ne produit jamais une conclusion nécessaire, en droit la prédiction du temps pour chaque lieu est possible mais en fait, elle est impossible car aucun relevé exhaustif n’a été réalisé. Est donc seulement admise la réalité de « toutes les influences de tous les astres » (§ 8) : « Il est certain, cependant, que l’on ne peut pas prévoir que l’effet en découlera, à cause de l’impossibilité de concevoir la multitude innombrable des influences, et aussi à cause de l’imperceptibilité des mouvements » (propter motuum Insensibilitatem). Le premier de ces arguments fait l’objet d’une remarque judicieuse de Gad Freudenthal15 : pour ceux qui admettent l’influence céleste, il n’est pas possible de fonder le rejet de l’astrologie sur la théorie physique. « C’est pourquoi les auteurs des réfutations de l’astrologie ont généralement choisi d’argumenter sur d’autres fronts en soutenant que les effets précis des influences célestes sont inconnaissables (trop de facteurs sont impliqués) et que le déterminisme astrologique peut être neutralisé par le libre arbitre humain ».

    9La défense du libre arbitre humain, l’argument privilégié des théologiens, étant exclue, la stratégie adoptée par Hobbes dans l’Anti-White correspond bien à cette analyse.

    10Quant au second argument sur l’imperceptibilité des mouvements, il découle de la physique mécaniste de Hobbes : pour rendre compte des différences perceptibles, par exemple les couleurs, il faut bien descendre sous le seuil de la perception et faire appel à des processus cachés mais compris selon les principes du mécanisme comme des mouvements. D’où (§ 2) l’interprétation mécaniste de l’influence des astrologues comme « ce mouvement imperceptible dans les parties des astres par lequel le mouvement se propage à distance par une impulsion continue du milieu »16. Pour expliquer le phénomène de l’influence des astres à distance, Hobbes précise que « le mouvement se propage d’un corps à l’autre à une distance, aussi grande soit-elle, en raison d’une poussée continue d’un corps au corps le plus proche et le plus contigu ; et donc, pour produire un effet, un corps, ou une partie d’une étoile, n’a pas besoin de voler vers la terre ». On reconnaîtra là l’exacte transcription de l’explication mécaniste de la propagation des rayons lumineux, sans transport de matière, à partir du soleil (AW, IX, § 2, p. 161) et cette poussée exercée à travers le milieu jusqu’à l’œil de l’observateur est due à un mouvement réciproque de dilatation et de contraction du soleil à l’image du mouvement cardiaque de diastole et de systole17. Et la cause de ce mouvement ne peut être attribuée qu’à « la main immédiate de Dieu »18.

    11Mais l’emprunt à l’optique du principe de la dilatation cardiaque du soleil pour expliquer l’action des astres n’est pas la seule innovation : Copernic avait permis de considérer que la terre est un astre sphérique comme un autre et doit être soumise aux mêmes lois régissant le mouvement des corps célestes. Contrairement à la position des astrologues, Hobbes, qui se montre ici copernicien, considère la terre comme un astre et lui attribue une influence. Le mouvement alterné de diastole-systole est ainsi appliqué à toutes les planètes y compris la terre19. Toute action appelant une réaction, la somme des mouvements qui manifestement sont des conatus irradiés produit une interaction réciproque qui se traduit par une nécessaire conjonction des innombrables chaînes causales à l’œuvre dans l’univers.

    12À White pour qui l’influence des astres n’est que lumière, Hobbes répond (AW, XXXVI, § 7) : « pourquoi refuser aux étoiles toute autre influence que la lumière ? ». En effet, le paragraphe 21 du chapitre XXIV (p. 303-304) expliquait l’opacité de la terre par son hétérogénéité : chacune de ses parties a un mouvement spécifique contrarié par celui des parties adjacentes sans pour autant empêcher son mouvement global de dilatation-contraction ; le soleil a une nature homogène dans toutes les parties les plus petites qui le composent de sorte que sa luminosité est fonction de la vitesse de leur dilatation. Mais le plus surprenant est que Hobbes attribue une influence à tous les corps terrestres :

    […] ce mouvement [de dilatation de la terre] n’est pas lumière, mais une influence différente de la lumière, et puisque les corps diffèrent entre eux par essence à cause du mouvement interne des parties et que les différences spécifiques des corps sont innombrables, sont également innombrables les différences entre les influences. Partant, l’influence de chaque partie de la terre différera non seulement de celle des corps homogènes qui est la lumière mais aussi de l’influence des autres parties ; ainsi l’influence des métaux diffère de celle des plantes et des pierres, et, parmi ces dernières, l’influence de la pierre d’aimant est différente de celle des autres pierres.

    13Cette attribution systématique de l’influence, entendue comme mouvement interne des parties d’un corps, à tous les corps de l’univers a pour conséquence la nécessaire multiplication des chaînes causales – « innombrables » selon Hobbes – comme sont innombrables les types d’influence de chaque corps pris dans un jeu d’interactions réciproques.

    14Comment ne pas reconnaître dans ces mouvements imperceptibles les caractéristiques du conatus défini dans l’Anti-White (XIII, § 2, p. 195) comme « un mouvement actuel quoique très petit et invisible »20 ? Outre son invisibilité, sa particularité est de se propager à l’infini, « qu’il soit fort ou faible », dans le vide ou dans le plein, en un instant (DCo, XV, 7, p. 159). Qu’il soit imperceptible et donc invisible à cause de sa faiblesse n’exclut en rien qu’il produise quand même un effet instantanément. À ce compte-là, dira John Wallis21, « le saut d’un cricket ou d’une puce devrait se propager au même instant jusqu’au fin fond des Indes, bien plus, (si l’on t’ajoutait quelque foi) jusqu’au ciel étoilé et au-delà à l’infini ». Il est manifeste que cette conception du conatus, appliquée à la totalité des corps qui composent l’univers, a pour effet ce que Luc Foisneau appelle « le paradoxe de la cause entière » dans la dispute avec Bramhall : tout agit sur tout au même moment. Et cette fois c’est au tour de Bramhall d’ironiser en refusant d’admettre que le grand Mogol – encore l’Inde – puisse être la cause de ce qu’il écrive sa réplique à Hobbes.

    15On objectera qu’en 1668, l’astrologie disparaît de la classification des sciences du chapitre 9 du Léviathan latin ainsi que la mention de « la partie de l’astrologie judiciaire » du chapitre 12. Je tenterai de répondre à cette objection dans ma conclusion, qu’il me suffise pour l’instant de remarquer que la définition de la cause entière (DCo, IX, 3, p. 96) : « agrégat de tous les accidents tant des agents, aussi nombreux soient-ils, que du patient » n’est jamais remise en question et que dans l’Historia ecclesiastica, nous pouvons encore lire ces vers (315-318, OL, V, p. 357), où l’astrologie est associée à la tromperie :

    [Sec.] L’observation fréquente du ciel ne sert-elle à rien, ce qui s’est souvent produit dans le passé ne nous apprend-il pas ce qui va se passer ?

    Pr. Pas du tout. En fait, personne ne sait ce qui va se passer à moins de tout connaître, car toutes les choses affectent toute chose (Omni contribuunt omnia namque rei).

    16Sur quelle culture en matière d’astrologie22 Hobbes s’appuie-t-il, au début de son séjour parisien, pour condamner l’astrologie judiciaire tout en défendant de manière assez singulière le principe d’une influence des astres ? Telle est la question que je me propose d’aborder ici. Et comme G. Paganini23, le traducteur italien de l’Anti-White, se range à l’avis de Cees Leijenhorst pour attribuer au chapitre XXXVI une source stoïcienne, et désigne Pomponazzi24, comme inspirateur du déterminisme astrologique, je me propose d’examiner la possibilité que le De radiis fasse partie de cette culture.

    17Venons-en maintenant à al-Kindi.

    18Une bonne raison de penser à lui, lorsqu’on étudie l’œuvre de Hobbes en optique – la première science étudiée dans les années 1630 – est que le « philosophe des Arabes » est l’auteur de dix traités d’optique, et que la proposition 11 du De aspectibus25, traduit par Gérard de Crémone, est une critique de la nature géométrique des rayons visuels : ce qui n’a pas de dimension ne peut être vu, donc les rayons ne sont pas des lignes géométriques. Or la principale innovation de Hobbes en optique – que Descartes juge inacceptable – est de considérer le rayon lumineux non comme une ligne géométrique sans largeur ni épaisseur mais comme un espace tridimensionnel conique26. Hobbes ne mentionne pas le nom d’al-Kindi mais reprend cette idée à partir de Vitellion et de John Pecham27, deux sources attestées dans ses écrits28.

    19Le cas du De radiis est différent. Il est mentionné dans un manuscrit (E1) conservé à Chatsworth dans les papiers de Hobbes : une sélection de titres de manuscrits cédés à la Bodleian Library le 30 décembre 1634 par Kenelm Digby29. Son éditeur, Arrigo Pacchi30, l’attribue sans hésitation à Hobbes, mais il néglige al-Kindi et ne s’intéresse qu’aux œuvres de Roger Bacon et de Robert Grosseteste afin de souligner l’intérêt de Hobbes, dès 1634, pour des textes traitant d’optique. Toutefois, Noel Malcolm31 montra que le MS E1 est en réalité de la main de Robert Payne qui, à la différence de Hobbes, s’intéressa très tôt à Grosseteste. La sélection établie par Payne, pour son usage, ne serait parvenue à Hobbes qu’en 1651 avec d’autres manuscrits transmis par sa veuve Martha Castle. En lisant l’en-tête du MS E1 : Sr Kenelm Digby’s mss. 1634, Pacchi comme Malcolm32 prennent à tort l’année 1634 pour la date de sa rédaction : les cotes de la Bodleian Library sont mentionnées à la suite des titres33, et cette cotation n’a sans doute pas pu être établie en un jour. La date du MS E1 est donc postérieure à 1634. En outre, aucun de nos commentateurs ne s’intéresse au De radiis. Ils négligent ainsi l’importance de sa diffusion34 dans l’entourage de Hobbes : Digby en possédait deux exemplaires, Robert Payne en a probablement copié des extraits, et on le trouve dans la bibliothèque de Henry Percy, neuvième comte de Northumberland, le patron de Walter Warner35, mathématicien, astrologue et ami de Hobbes, dont Stephen Clucas36 a montré que sa conception de la matière dotée d’une « vertu radiative » (vis radiativa) dérive du De radiis. Entre octobre 1634 et octobre 1636, Hobbes est sur le continent en compagnie de son élève William III Cavendish. Mais depuis 1630, il s’occupe plus particulièrement d’optique, encouragé par le comte de Newcastle37, William Cavendish, son frère Charles et leur chapelain Robert Payne. En 1636, l’importance des échanges épistolaires entre Hobbes Payne les frères Cavendish – souvent à propos de Warner38 – les conversations savantes que Hobbes regrettera tant dans sa vieillesse, autorisent l’hypothèse d’une connaissance directe ou indirecte du De radiis dans les années 1630.

    Le De radiis attribué à al-Kindi

    20La date de ce traité qui n’existe que dans une traduction latine est inconnue39. Sa diffusion devait être assez importante puisque dans les années 1270, Gilles de Rome lui consacra un chapitre de son traité De erroribus Philosophorum : « Alkindus in libro De Theoria artium magicarum multos errores protulit ».

    21Le titre du De radiis, édité par M.-T. d’Alverny et F. Hudry40, peut faire croire à un traité d’optique. Il n’en est rien. Les variantes De radiis stellarum ou stellicis et Theorica artium magicarum orientent le lecteur respectivement vers l’astrologie et la magie et ces deux aspects correspondent effectivement à peu près aux deux moitiés du traité. Pour peu qu’on laisse de côté les cinq derniers chapitres41 (sur 10) qui décrivent la façon dont les hommes peuvent agir à distance pour obtenir quelque effet : par les paroles, les prières, les images, les lettres, les sacrifices, on a affaire, dans les chapitres 2 à 442, à un véritable traité de physique céleste précédé de considérations épistémologiques (chap. 1 : « Sur l’origine de la connaissance »). Le De radiis suit manifestement Aristote et a recours à la notion de similitude, autrement dit des species, pour décrire la perception sensible. De manière répétitive, l’auteur insiste sur la nécessité pour la connaissance de dériver de la sensation mais remarque que la raison établit l’existence des « espèces de vertus par lesquelles se produisent les opérations dans les corps »43. Du fait de leur invisibilité, ces « vertus » sont occultes et celle des astres est identifiée à la puissance d’émettre des rayons dont le traité étudie les propriétés : chaque étoile a une nature singulière mais toutes ont en commun la puissance d’émettre des rayons dans toutes les directions vers les éléments terrestres qui à leur tour, par effet de miroir, « émettent à leur manière des rayons comme le font les astres » (II, § 1), sans toutefois émettre des rayons vers les astres44. Les rayons « remplissent à leur manière la totalité du monde » (I, § 3) : le cosmos du De radiis (« mundana machina ») est ainsi régi par l’« harmonie céleste » dont seuls les sages ont conscience. Celui qui « comprendrait pleinement sa nature, connaîtrait pleinement le monde des éléments et tout ce qu’il contient en tous lieux et en tout temps, comme la chose causée est connue grâce à la connaissance de la cause » (II, § 15).

    22La plupart des commentateurs45 privilégient cet aspect rationnel et théorique et minimisent la dimension magique principalement en raison de l’absence d’instructions pratiques. Cette lecture sélective, Liana Saif46 a raison de la trouver fautive : l’ensemble du traité est cohérent et les derniers chapitres ne font qu’exposer les conséquences pratiques magiques de la partie théorique. En ce sens, le De radiis a recours à tous les concepts que Hobbes47 rejette radicalement : les qualités occultes, la sympathie, l’antipathie, le pouvoir magique des mots, des images, des sacrifices. Toute son originalité tient cependant au fait que contrairement aux autres traités d’astrologie qui font appel aux qualités spécifiques des astres (leur humidité, leur sécheresse, leur chaleur, leur magnétisme), l’influence céleste n’est comprise que comme un phénomène de radiation. L’espace compris entre les astres et la terre étant continu, leur rayonnement et leur mouvement agissent à distance sur la matière des corps dont ils affectent la forme de manière différenciée. Les rayons des astres suivent donc les lois de l’optique : leur puissance est fonction de leur angle d’incidence ainsi que de la distance et de la position des astres (III, § 4-7). Leur diversité produit donc des effets variés sur les corps terrestres qui ne sont jamais exactement semblables. L’étude de l’interaction des corps terrestres « sans prendre en compte la cause céleste », « reste un point de vue physique » (IV, § 7). Mais si nous l’étudions « à partir des causes célestes », notre considération est « métaphysique » (IV, § 8). Enfin l’auteur souligne le caractère illusoire du libre arbitre et exclut radicalement la contingence (IV, § 1-4).

    23Le modèle optique, la radiation universelle, l’insistance sur la diversité des effets qui ne sont jamais identiques, le rejet de la contingence et du libre arbitre sont apparemment des thèses susceptibles d’avoir retenu l’attention de Hobbes dans ses « spéculations antérieures » à son départ pour la France (fin novembre 1640) puisqu’on les retrouve dans ses arguments en faveur de l’influence des étoiles.

    Conclusion

    24S’il est vrai que Hobbes a « mécanisé » l’astrologie, force est de reconnaître que le De radiis est le texte astrologique le mieux placé pour cette opération : il suffit de remplacer l’harmonie céleste, métaphysique pour son auteur, par la cause pleine, impliquant la main de Dieu ; d’unifier avec Copernic et Galilée les physiques supralunaire et sublunaire ; de réduire l’influence qui ressemble à une émanation d’énergie (la vis radiativa de Warner ?) à un conatus et à une cause partielle ; enfin de rejeter en bloc tout ce qui relève de la magie.

    25Dans sa physique du DCo, (XXVI), Hobbes avancera quelques hypothèses sur l’influence de la lune sur le phénomène des marées, mais sa physique ne s’aventurera jamais dans des considérations métaphysiques. Pourquoi donc renonce-t-il à mentionner l’astrologie dans le Léviathan latin, la seule version que le public non anglophone pourra lire ? Sans doute parce que ce public savant est largement prévenu contre l’astrologie. Mais pourrait aussi entrer en ligne de compte le renoncement à l’explication de l’action du soleil par dilatation et contraction au profit du seul « mouvement simple » : le modèle cardiaque impliquait l’existence de petits vides disséminés mais en 1648 Hobbes a définitivement nié l’existence du vide. Or, on a vu que dans l’Anti-White, tous les corps se dilatent et se contractent. Dans le Decameron Physiologicum (EW, 7, p. 105), Hobbes ne croit pas que « le soleil qui est une étoile fixe soit la cause efficiente des planètes plus lointaines Mars, Jupiter et Saturne ». Dans ces conditions l’on comprend que la physique de l’influence des corps célestes soit devenue une « conjecture incertaine ». Comme Gassendi48 et Mersenne49, Hobbes renonce donc à l’astrologie parce que fondamentalement la cause entière, prise en toute rigueur, nous renvoie à la main de Dieu. Or la théologie est aussi exclue de la philosophie qui ne peut traiter que des générations connues des phénomènes sensibles : ubi generatio nulla aut nulla proprietas ibi nulla Philosophia intelligitur (DCo, I, 8, p. 16). Reste la physique hypothétique à dimension humaine qui permet d’intervenir sur la nature au bénéfice de l’humanité « quand les matériaux et le pouvoir de produire des mouvements sont dans nos mains »50. D’une certaine manière, la science moderne réussit ainsi à réaliser le vieux rêve des magiciens sans s’embarrasser de mots vides : scientia propter potentiam (DCo, I, 6, p. 15).

    Notes de bas de page

    1 De Corpore, XXX, § 15, K. Schuhmann éd., Paris, Vrin, 1999, p. 353, abrégé DCo. Les références aux autres œuvres sont prises dans l’édition de W. Molesworth, The English Works of Thomas Hobbes of Malmesbury (Londres, John Bohn, 1839-1845), 11 vol., abrégé EW ; Opera philosophica quæ latine scripsit, 5 vol., abrégé OL.

    2 Leviathan, N. Malcolm éd., Oxford, Clarendon Press, 2012, vol. 2, abrégé Lev, p. 130-131.

    3 Les qualités étant subjectives, en tant qu’elles sont des effets dans le patient de la puissance des agents : un certain type de mouvement, il faut donc comprendre que les qualités des astres désignent leurs effets sensibles sur les corps qu’ils affectent : le soleil réchauffe mais n’est pas lui-même chaud.

    4 Hobbes, De l’homme (De homine), J. Terrel éd., Paris, Vrin, 2015, p. 449.

    5 Sur Behemoth, voir K. Hoekstra, « Disarming the Prophets: Thomas Hobbes and Predictive Power », L. Foisneau and G. Wright dir., New Critical Perspectives on Hobbes’s Leviathan, Milan, Franco Angeli, 2004, p. 109-124.

    6 Hobbes, Of Liberty and Necessity, EW, IV, 246, « The influence of the stars is but a small part of the whole cause, consisting in the concourse of all agents ».

    7 Hobbes, The Questions concerning Liberty, Necessity and Chance, no XXI, EW, V, p. 303.

    8 Ibid., p. 246-247.

    9 Ibid., p. 266-267.

    10 L. Foisneau, Hobbes et la toute-puissance de Dieu, Paris, PUF, 2000, p. 113 et suiv. ; argument repris dans « Hobbes’s First Philosophy and Galilean Science », British Journal for the History of Philosophy, 2011, 19, 4, p. 795-809 ; p. 806 et suiv.

    11 Critique du De Mundo de Thomas White, J. Jacquot et H. Whitmore Jones éd., Paris, Vrin-CNRS, 1973, abrégé AW pour Anti-White, p. 396-401.

    12 AW, XXXVI, § 3, p. 398 : « Efficitur omnia in omnia simul agere, hoc est ad quemlibet effectum producendum Concurrere omnium astrorum Influentias ».

    13 Dans le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Galilée reprochait à Kepler d’expliquer le phénomène des marées en faisant appel à « des qualités occultes et à d’autres fantaisies similaires » (Le Opere di Galileo Galilei, Edizione Nazionale, A. Favaro éd., 20 vol., Florence, Barbèra, 1890-1907, vol. 7, p. 486).

    14 Dans le Decameron physiologicum (EW, VII, p. 75) Ptolémée est « excellent en astronomie et en géométrie […] mais pour l’Astrologie judiciaire […] il est à nouveau un Gitan ».

    15 G. Freudenthal, « The Astrologization of the Aristotelian Cosmos. Celestial Influences on the Sublunar World in Aristotle, Alexander of Aphrodisias, and Averroes », New Perspectives on Aristotle’s De caelo, A. C. Bowen et C. Wildberg dir., Leyde, Boston, Brill, 2009, p. 274 et suiv.

    16 « Estque influentia (ut vocem illam definiam) nihil aliud praeter illum motum in astrorum partibus sensu non perceptibilem, quo propagatur motus ad distantiam, continua medii protrusion ».

    17 Ces deux termes étant pris dans le sens traditionnel antérieurement à la thèse de Harvey qui veut que la poussée du flux sanguin résulte de la systole et non de la diastole.

    18 Lettre du 8 février 1641 à Charles Cavendish, dans Hobbes, The Correspondence I, N. Malcom éd. Oxford, Clarendon Press, 1994, p. 83.

    19 Pour expliquer le phénomène des marées, Mersenne (Questions Inouyes, 1634, qu. XXXVII, p. 176) suppose que la sphère terrestre a un mouvement qui « se rapporte a celuy du cœur, que l’on appelle de Systole & Diastole ».

    20 « conatus motus actualiter, licet exiguus, nec oculis manifestus ».

    21 J. Wallis, Elenchus geometriæ hobbianæ, 1655, p. 38 ; Due correction for Mr Hobbes Or Schoole discipline, for not saying his lessons right, 1656, p. 89.

    22 La critique de la théorie des aspects (AW, XXXVI, p. 9), le fondement de la pratique des horoscopes, suppose une connaissance des traités d’astrologie. Le catalogue de la bibliothèque de Hardwick (MS El, A, p. 88), mentionne un ouvrage en faveur de l’astrologie judiciaire : Christopher Heydon, A Defence of Iudiciall Astrologie in Answer to a Treatise Lately Published by M. Iohn Chamber…, Londres, 1603. Les arguments du Treatise Against Iudicial Astrologie, 1601 de John Chamber (1546-1604) sont repris dans la discussion.

    23 Moto, Luogo e Tempo di Thomas Hobbes, traduction G. Paganini, Turin, UTET, 2010, p. 610, n. 9. Paganini parle d’une « refonte mécaniste » de l’astrologie qui « combine une conception déterministe stoïcienne avec une réinterprétation de la nécessité astrologique comprise en des termes d’influence astrale qui se traduisent toutefois en purs mouvements conformément au mécanisme de Hobbes ».

    24 C. Leijenhorst, The Mechanisation of Aristotelianism: the Late Aristotelian Setting of Thomas Hobbes’ Natural Philosophy, Leyde, Boston, Brill, 2002, p. 213-214. Deux œuvres de Pomponazzi sont proposées : Le De Incantationibus et le De Fato. Mais Paganini remarque que ce dernier texte n’a été découvert qu’au siècle dernier et que chez Pomponazzi l’influence céleste relève d’un moteur incorporel.

    25 « Imprimens autem corpus est corpus habens tres dimensiones, longitudinem et latitudinem et profunditatem… Quod vero caret latitudine non sentitur, et omne quod sentitur simul cum latitudine sue extensionis videtur. Omne enim quod sentitur habet latitudinem », De aspectibus, in Roshdi Rashed, Œuvres philosophiques et scientifiques d’al-Kindı, vol. 1, L’optique et la catoptrique, Leyde, Brill, 1997, p. 461.

    26 Cette thèse se traduit par une correction préconisée par Hobbes dans le Tractatus Opticus II, ouvr. cité, p. 160, le mot « rayon » (radius) est dit « ambigu » car il laisse penser qu’il est une longueur sans largeur, comme la ligne géométrique, aussi doit-on plutôt parler de « radiation ». L’AW, IX, § 9, p. 165, applique cette correction (« irradiatio »).

    27 Vitellion, Perspectiva, II, 3 ; John Pecham, Perspectiva communis, II, 18.

    28 Voir De l’homme (De homine), ouvr. cité, annexe II.

    29 Sur les circonstances de la donation des manuscrits de Digby, voir l’introduction de A. G. Watson, Bodleian Library Quarto Catalogues IX ; Digby Manuscripts II, Oxford, Bodleian Library, 1999, p. 2-3 (réédition et révision de W. D. Macray, Catalogi codicum manuscriptorum Bibliothecae Bodleianae pars nona codices a viro clarissimo Kenelm Digby, Eq. Aur., anno 1634 donatos, complectens: adiecto indice nominum et rerum, Oxford, 1883).

    30 A. Pacchi, « Ruggero Bacone e Roberto Grossatesta in un inedito hobbesiano del 1634 », Rivista critica di storia della filosofia, 20, 1965, p. 499-502.

    31 N. Malcolm, Aspects of Hobbes, Oxford, Clarendon Press, 2002, chap. « Robert Payne, the Hobbes Manuscripts, and the Short Tract », p. 86 ; p. 104 et 143.

    32 Ibid., p. 85.

    33 Cote 183 (Pacchi note par erreur 138). Le titre indiqué est Alkindus de radiis stellarum. f. 3S. L’ancienne cote A 22 de la collection du premier propriétaire, Thomas Allen est également indiquée.

    34 Sur les 20 exemplaires connus, 11 se trouvent en Angleterre dont un dans la bibliothèque de Magdalen Hall, le collège où Hobbes fit ses études (Al Kindi, De radiis stellicis, Bibliotheca Collegii Hertfordiensis 4 – Olim Aulae B. Mariae Magdalenae 2). En 1822, Magdalen Hall fut transféré sur le site de Hertford College.

    35 Sur Warner, voir J. Jacquot, « Harriot, Hill Warner and the New Philosophy », Thomas Harriot, Renaissance Scientist, J. W. Shirley éd., Oxford, Clarendon Press, 1974, p. 107-128.

    36 S. Clucas, « Corpuscular Matter Theory in the Northumberland Circle », Late Medieval and Early Modern Corpuscular Matter Theories, C. Lüthy, J. E. Murdoch, W. R. Newman éd., Leyde, Brill, 2001, p. 163-180.

    37 Sur Newcastle, Charles Cavendish et Robert Payne, voir Hobbes, The Correspondence II, ouvr. cité, « registre biographique » ; J. Jacquot, « Sir Charles Cavendish and his Learned Friends », Annals of Science, VIII, 1951, p. 13-27 et p. 175-191.

    38 Voir mon article « Hobbes’s Geometrical Optics », Hobbes Studies, 29, 1, 2016, p. 39-65.

    39 La plupart des commentateurs d’al-Kindi défendent l’authenticité du manuscrit. Voir P. Travaglia, Magic, Causality and Intentionality. The Doctrine of Rays in al-Kindī, Florence, Edizioni del Galluzzo, 1999 (Micrologus’ Library, 3) ; P. Adamson, Al-Kindi, Oxford, Oxford University Press, 1972, p. 188-191. Pour un avis contraire, que je partage, voir le compte rendu du livre de P. Travaglia par J. Jolivet, Cahiers de civilisation médiévale, 45e année (no 180), oct.-déc. 2002, p. 405-408.

    40 « Al-Kindi, De radiis », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 41, 1974, p. 139-269. Il existe deux traductions françaises : S. Matton, La magie arabe traditionnelle, Paris, Bibliotheca hermetica, 1977 ; D. Ottaviani : Al-kindi, De radiis. Théorie des arts magiques, Paris, Allia, 2003.

    41 5- « Ce qui favorise un effet de mouvement » ; 6- « La vertu des paroles » ; 7- « les figures » ; 8- « Les images » ; 9- « les sacrifices » ; 10- « Le début des opérations ».

    42 2- « Les rayons des étoiles » ; 3- « Les rayons des éléments » ; 4- « Le possible ».

    43 « Verum ratione formantur quedam universalia et eorum alique condiciones que sensus non docuit, ut virtutum species ex quibus operacionesn procedunt in corporibus ».

    44 C’est l’objet d’une critique de Jean Gerson (Trilogium astrologiae theologizatae [1419], pro. VI, Opera omnia, Antwerpiæ, 1706, 192 col. b.) : « Certains astrologues, tel Al Kindi dans son de radiis stillicidiis, se sont trompés en supposant que les choses d’ici-bas n’exerçaient aucune action, qu’elles se bornaient à transmettre les influences rayonnantes du Ciel ».

    45 Les éditrices du texte latin, P. Travaglia, P. Adamson et P. E. Pormann, « On Rays », The Philosophical Works of al-Kindi, Karachi, Oxford University Press, 2012, p. 217-41.

    46 L. Saif, The Arabic Influences on Early Modern Occult Philosophy, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2015, p. 30 et suiv.

    47 Dans le Decameron Physiologicum (Londres, William Crooke, 1678 ; EW, VII, p. 155) Hobbes commence sa discussion sur l’aimant en disant : « Vous savez que je n’ai pas d’autre cause à attribuer qu’un mouvement local, et que je n’ai jamais approuvé aucun argument tiré de la sympathie, de l’influence, des formes substantielles ou des effluves incorporels. Car je ne suis pas un sorcier, et mes adversaires ne me prennent pas pour tel ».

    48 Gassendi, « Syntagmatis Philosophici, Physicae 2.6 », Opera omnia, Lyon, 1658, t. 1, p. 717-752.

    49 Mersenne, Les preludes de l’harmonie universelle, ou questions curieuses (Paris, Henry Guenon, 1634), question III, corollaire III, p. 109.

    50 Hobbes, Seven Philosophical Problems, dédicace au roi, EW, VII, 4.

    Auteur

    • José Médina

      chercheur associé à l’IRHIM, UMR 5317

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    1 De Corpore, XXX, § 15, K. Schuhmann éd., Paris, Vrin, 1999, p. 353, abrégé DCo. Les références aux autres œuvres sont prises dans l’édition de W. Molesworth, The English Works of Thomas Hobbes of Malmesbury (Londres, John Bohn, 1839-1845), 11 vol., abrégé EW ; Opera philosophica quæ latine scripsit, 5 vol., abrégé OL.

    2 Leviathan, N. Malcolm éd., Oxford, Clarendon Press, 2012, vol. 2, abrégé Lev, p. 130-131.

    3 Les qualités étant subjectives, en tant qu’elles sont des effets dans le patient de la puissance des agents : un certain type de mouvement, il faut donc comprendre que les qualités des astres désignent leurs effets sensibles sur les corps qu’ils affectent : le soleil réchauffe mais n’est pas lui-même chaud.

    4 Hobbes, De l’homme (De homine), J. Terrel éd., Paris, Vrin, 2015, p. 449.

    5 Sur Behemoth, voir K. Hoekstra, « Disarming the Prophets: Thomas Hobbes and Predictive Power », L. Foisneau and G. Wright dir., New Critical Perspectives on Hobbes’s Leviathan, Milan, Franco Angeli, 2004, p. 109-124.

    6 Hobbes, Of Liberty and Necessity, EW, IV, 246, « The influence of the stars is but a small part of the whole cause, consisting in the concourse of all agents ».

    7 Hobbes, The Questions concerning Liberty, Necessity and Chance, no XXI, EW, V, p. 303.

    8 Ibid., p. 246-247.

    9 Ibid., p. 266-267.

    10 L. Foisneau, Hobbes et la toute-puissance de Dieu, Paris, PUF, 2000, p. 113 et suiv. ; argument repris dans « Hobbes’s First Philosophy and Galilean Science », British Journal for the History of Philosophy, 2011, 19, 4, p. 795-809 ; p. 806 et suiv.

    11 Critique du De Mundo de Thomas White, J. Jacquot et H. Whitmore Jones éd., Paris, Vrin-CNRS, 1973, abrégé AW pour Anti-White, p. 396-401.

    12 AW, XXXVI, § 3, p. 398 : « Efficitur omnia in omnia simul agere, hoc est ad quemlibet effectum producendum Concurrere omnium astrorum Influentias ».

    13 Dans le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Galilée reprochait à Kepler d’expliquer le phénomène des marées en faisant appel à « des qualités occultes et à d’autres fantaisies similaires » (Le Opere di Galileo Galilei, Edizione Nazionale, A. Favaro éd., 20 vol., Florence, Barbèra, 1890-1907, vol. 7, p. 486).

    14 Dans le Decameron physiologicum (EW, VII, p. 75) Ptolémée est « excellent en astronomie et en géométrie […] mais pour l’Astrologie judiciaire […] il est à nouveau un Gitan ».

    15 G. Freudenthal, « The Astrologization of the Aristotelian Cosmos. Celestial Influences on the Sublunar World in Aristotle, Alexander of Aphrodisias, and Averroes », New Perspectives on Aristotle’s De caelo, A. C. Bowen et C. Wildberg dir., Leyde, Boston, Brill, 2009, p. 274 et suiv.

    16 « Estque influentia (ut vocem illam definiam) nihil aliud praeter illum motum in astrorum partibus sensu non perceptibilem, quo propagatur motus ad distantiam, continua medii protrusion ».

    17 Ces deux termes étant pris dans le sens traditionnel antérieurement à la thèse de Harvey qui veut que la poussée du flux sanguin résulte de la systole et non de la diastole.

    18 Lettre du 8 février 1641 à Charles Cavendish, dans Hobbes, The Correspondence I, N. Malcom éd. Oxford, Clarendon Press, 1994, p. 83.

    19 Pour expliquer le phénomène des marées, Mersenne (Questions Inouyes, 1634, qu. XXXVII, p. 176) suppose que la sphère terrestre a un mouvement qui « se rapporte a celuy du cœur, que l’on appelle de Systole & Diastole ».

    20 « conatus motus actualiter, licet exiguus, nec oculis manifestus ».

    21 J. Wallis, Elenchus geometriæ hobbianæ, 1655, p. 38 ; Due correction for Mr Hobbes Or Schoole discipline, for not saying his lessons right, 1656, p. 89.

    22 La critique de la théorie des aspects (AW, XXXVI, p. 9), le fondement de la pratique des horoscopes, suppose une connaissance des traités d’astrologie. Le catalogue de la bibliothèque de Hardwick (MS El, A, p. 88), mentionne un ouvrage en faveur de l’astrologie judiciaire : Christopher Heydon, A Defence of Iudiciall Astrologie in Answer to a Treatise Lately Published by M. Iohn Chamber…, Londres, 1603. Les arguments du Treatise Against Iudicial Astrologie, 1601 de John Chamber (1546-1604) sont repris dans la discussion.

    23 Moto, Luogo e Tempo di Thomas Hobbes, traduction G. Paganini, Turin, UTET, 2010, p. 610, n. 9. Paganini parle d’une « refonte mécaniste » de l’astrologie qui « combine une conception déterministe stoïcienne avec une réinterprétation de la nécessité astrologique comprise en des termes d’influence astrale qui se traduisent toutefois en purs mouvements conformément au mécanisme de Hobbes ».

    24 C. Leijenhorst, The Mechanisation of Aristotelianism: the Late Aristotelian Setting of Thomas Hobbes’ Natural Philosophy, Leyde, Boston, Brill, 2002, p. 213-214. Deux œuvres de Pomponazzi sont proposées : Le De Incantationibus et le De Fato. Mais Paganini remarque que ce dernier texte n’a été découvert qu’au siècle dernier et que chez Pomponazzi l’influence céleste relève d’un moteur incorporel.

    25 « Imprimens autem corpus est corpus habens tres dimensiones, longitudinem et latitudinem et profunditatem… Quod vero caret latitudine non sentitur, et omne quod sentitur simul cum latitudine sue extensionis videtur. Omne enim quod sentitur habet latitudinem », De aspectibus, in Roshdi Rashed, Œuvres philosophiques et scientifiques d’al-Kindı, vol. 1, L’optique et la catoptrique, Leyde, Brill, 1997, p. 461.

    26 Cette thèse se traduit par une correction préconisée par Hobbes dans le Tractatus Opticus II, ouvr. cité, p. 160, le mot « rayon » (radius) est dit « ambigu » car il laisse penser qu’il est une longueur sans largeur, comme la ligne géométrique, aussi doit-on plutôt parler de « radiation ». L’AW, IX, § 9, p. 165, applique cette correction (« irradiatio »).

    27 Vitellion, Perspectiva, II, 3 ; John Pecham, Perspectiva communis, II, 18.

    28 Voir De l’homme (De homine), ouvr. cité, annexe II.

    29 Sur les circonstances de la donation des manuscrits de Digby, voir l’introduction de A. G. Watson, Bodleian Library Quarto Catalogues IX ; Digby Manuscripts II, Oxford, Bodleian Library, 1999, p. 2-3 (réédition et révision de W. D. Macray, Catalogi codicum manuscriptorum Bibliothecae Bodleianae pars nona codices a viro clarissimo Kenelm Digby, Eq. Aur., anno 1634 donatos, complectens: adiecto indice nominum et rerum, Oxford, 1883).

    30 A. Pacchi, « Ruggero Bacone e Roberto Grossatesta in un inedito hobbesiano del 1634 », Rivista critica di storia della filosofia, 20, 1965, p. 499-502.

    31 N. Malcolm, Aspects of Hobbes, Oxford, Clarendon Press, 2002, chap. « Robert Payne, the Hobbes Manuscripts, and the Short Tract », p. 86 ; p. 104 et 143.

    32 Ibid., p. 85.

    33 Cote 183 (Pacchi note par erreur 138). Le titre indiqué est Alkindus de radiis stellarum. f. 3S. L’ancienne cote A 22 de la collection du premier propriétaire, Thomas Allen est également indiquée.

    34 Sur les 20 exemplaires connus, 11 se trouvent en Angleterre dont un dans la bibliothèque de Magdalen Hall, le collège où Hobbes fit ses études (Al Kindi, De radiis stellicis, Bibliotheca Collegii Hertfordiensis 4 – Olim Aulae B. Mariae Magdalenae 2). En 1822, Magdalen Hall fut transféré sur le site de Hertford College.

    35 Sur Warner, voir J. Jacquot, « Harriot, Hill Warner and the New Philosophy », Thomas Harriot, Renaissance Scientist, J. W. Shirley éd., Oxford, Clarendon Press, 1974, p. 107-128.

    36 S. Clucas, « Corpuscular Matter Theory in the Northumberland Circle », Late Medieval and Early Modern Corpuscular Matter Theories, C. Lüthy, J. E. Murdoch, W. R. Newman éd., Leyde, Brill, 2001, p. 163-180.

    37 Sur Newcastle, Charles Cavendish et Robert Payne, voir Hobbes, The Correspondence II, ouvr. cité, « registre biographique » ; J. Jacquot, « Sir Charles Cavendish and his Learned Friends », Annals of Science, VIII, 1951, p. 13-27 et p. 175-191.

    38 Voir mon article « Hobbes’s Geometrical Optics », Hobbes Studies, 29, 1, 2016, p. 39-65.

    39 La plupart des commentateurs d’al-Kindi défendent l’authenticité du manuscrit. Voir P. Travaglia, Magic, Causality and Intentionality. The Doctrine of Rays in al-Kindī, Florence, Edizioni del Galluzzo, 1999 (Micrologus’ Library, 3) ; P. Adamson, Al-Kindi, Oxford, Oxford University Press, 1972, p. 188-191. Pour un avis contraire, que je partage, voir le compte rendu du livre de P. Travaglia par J. Jolivet, Cahiers de civilisation médiévale, 45e année (no 180), oct.-déc. 2002, p. 405-408.

    40 « Al-Kindi, De radiis », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 41, 1974, p. 139-269. Il existe deux traductions françaises : S. Matton, La magie arabe traditionnelle, Paris, Bibliotheca hermetica, 1977 ; D. Ottaviani : Al-kindi, De radiis. Théorie des arts magiques, Paris, Allia, 2003.

    41 5- « Ce qui favorise un effet de mouvement » ; 6- « La vertu des paroles » ; 7- « les figures » ; 8- « Les images » ; 9- « les sacrifices » ; 10- « Le début des opérations ».

    42 2- « Les rayons des étoiles » ; 3- « Les rayons des éléments » ; 4- « Le possible ».

    43 « Verum ratione formantur quedam universalia et eorum alique condiciones que sensus non docuit, ut virtutum species ex quibus operacionesn procedunt in corporibus ».

    44 C’est l’objet d’une critique de Jean Gerson (Trilogium astrologiae theologizatae [1419], pro. VI, Opera omnia, Antwerpiæ, 1706, 192 col. b.) : « Certains astrologues, tel Al Kindi dans son de radiis stillicidiis, se sont trompés en supposant que les choses d’ici-bas n’exerçaient aucune action, qu’elles se bornaient à transmettre les influences rayonnantes du Ciel ».

    45 Les éditrices du texte latin, P. Travaglia, P. Adamson et P. E. Pormann, « On Rays », The Philosophical Works of al-Kindi, Karachi, Oxford University Press, 2012, p. 217-41.

    46 L. Saif, The Arabic Influences on Early Modern Occult Philosophy, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2015, p. 30 et suiv.

    47 Dans le Decameron Physiologicum (Londres, William Crooke, 1678 ; EW, VII, p. 155) Hobbes commence sa discussion sur l’aimant en disant : « Vous savez que je n’ai pas d’autre cause à attribuer qu’un mouvement local, et que je n’ai jamais approuvé aucun argument tiré de la sympathie, de l’influence, des formes substantielles ou des effluves incorporels. Car je ne suis pas un sorcier, et mes adversaires ne me prennent pas pour tel ».

    48 Gassendi, « Syntagmatis Philosophici, Physicae 2.6 », Opera omnia, Lyon, 1658, t. 1, p. 717-752.

    49 Mersenne, Les preludes de l’harmonie universelle, ou questions curieuses (Paris, Henry Guenon, 1634), question III, corollaire III, p. 109.

    50 Hobbes, Seven Philosophical Problems, dédicace au roi, EW, VII, 4.

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    Médina, J. (2024). Hobbes, l’astrologie et le De radiis attribué à al-Kindi. In D. Antoine-Mahut, A. Charrak, P. Girard, & M. M. Zaragozá (éds.), La raison au travail, 1 (1‑). ENS Éditions. https://doi.org/10.4000/12twi
    Médina, José. « Hobbes, l’astrologie et le De radiis attribué à al-Kindi ». In La raison au travail, 1, édité par Delphine Antoine-Mahut, André Charrak, Pierre Girard, et Marina Mestre Zaragozá. Lyon: ENS Éditions, 2024. https://doi.org/10.4000/12twi.
    Médina, José. « Hobbes, l’astrologie et le De radiis attribué à al-Kindi ». La raison au travail, 1, édité par Delphine Antoine-Mahut et al., ENS Éditions, 2024, https://doi.org/10.4000/12twi.

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    Antoine-Mahut, D., Charrak, A., Girard, P., & Zaragozá, M. M. (éds.). (2024). La raison au travail, 1 (1‑). ENS Éditions. https://doi.org/10.4000/12tuc
    Antoine-Mahut, Delphine, André Charrak, Pierre Girard, et Marina Mestre Zaragozá, éd. La raison au travail, 1. Lyon: ENS Éditions, 2024. https://doi.org/10.4000/12tuc.
    Antoine-Mahut, Delphine, et al., éditeurs. La raison au travail, 1. ENS Éditions, 2024, https://doi.org/10.4000/12tuc.
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