Une orientation sous tension, sur un segment hypersélectif du marché scolaire
p. 49-51
Texte intégral
1Dans un lycée dont les deux tiers des élèves relèvent des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE), l’ambiance est particulière.
2Pour le second cycle, nous sommes un lycée socialement assez favorisé, sectorisé comme tous les lycées publics de France, avec un taux d’élèves boursiers entrants en seconde ayant toutefois doublé ces dernières années. Nous accueillons également l’internat d’excellence du second cycle le plus important de l’académie de Lyon, qui regroupe 45 élèves. Il s’agit d’un public très majoritairement boursier, à qui nous proposons une chambre individuelle, un accompagnement particulier par des enseignants, et un tutorat par des élèves de grandes écoles qui viennent faire une période de formation humaine chez nous. En les prenant par la main et en suscitant leur ambition, notamment en leur faisant côtoyer au quotidien des élèves de CPGE, ce qui peut faire sauter des plafonds de verre, nous arrivons à faire vivre à ces élèves une orientation comparable à celle de l’ensemble de nos élèves de terminale. Nous avons dix ans de recul sur ce dispositif d’égalité des chances.
3En tant que proviseur de lycée général, ma difficulté principale est de susciter l’intérêt des élèves de seconde générale et technologique, et de leurs parents, pour la voie technologique. On arrive à en convaincre de plus en plus de choisir cette voie, dans leur intérêt, y compris pour accéder à des grandes écoles d’ingénieurs ou de management, pour les plus ambitieux. Il existe en effet de véritables « parcours protégés », allant des premières technologiques jusqu’aux grandes écoles, via des CPGE spécifiques, ce qui est trop peu connu.
4En tant que proviseur de lycée à CPGE, je suis responsable du plus grand établissement à prépas de France, avec 31 classes et 1 400 élèves, dont l’offre couvre l’ensemble des filières littéraire, scientifique et commerciale. Un lycée très sélectif et attractif : ici la difficulté en termes d’orientation concerne l’éclairage des choix, et consiste à véhiculer le plus d’informations objectives possible sur ces classes prépas, qui souffrent parfois d’une représentation fausse ou datée, parfois même les deux en même temps. En effet, ce sont des formations gratuites, d’une efficience remarquable et inégalée dans le paysage de l’enseignement supérieur en France, notamment dans les filières scientifiques et commerciales, où quasiment tous les élèves intègrent une grande école.
5Tous les discours anti-prépas éloignent de ces formations celles et ceux qui ne les connaissent pas, alors que ceux qui intègrent l’École Polytechnique depuis cinq générations continueront à venir chez nous… Je précise aussi que les élèves recrutés ne sont pas purement et simplement sélectionnés par un algorithme. En tant que responsable de ce processus de sélection, j’organise les regards croisés d’experts humains, qui examinent les dossiers en détail.
L’orientation, un dispositif de plus en plus complexe et équipé
6Les professeurs principaux de terminale sont au nombre de deux par classe depuis quelques années, se partageant l’effectif pour l’orientation. D’autres organisations sont aussi possibles, la réalité du groupe classe étant de moins en moins effective dans les lycées. J’observe à ce titre des enseignants souvent très motivés, ayant envie de s’investir auprès des élèves et de les accompagner, très demandeurs d’une information sur les filières et ayant même parfois l’ambition d’avoir une connaissance exhaustive des différentes formations du supérieur, ce qui n’est ni possible, ni souhaitable.
7On organise aussi des sessions spécifiques d’information pour les enseignants sur les CPGE. Il m’est arrivé dans d’autres académies d’organiser, à la demande des recteurs, des formations sur ce thème, pour les psychologues de l’Éducation nationale, très demandeurs d’une information actualisée. L’échelle des bassins peut aussi être intéressante, pour délivrer une information à des prescripteurs qui la relaieront, spécifiquement là où il n’y a pas forcément d’enseignement sélectif.
L’enseignement supérieur privé : exemplaire ou concurrent ?
8La difficulté à faire connaître les formations publiques se retrouve à tous les niveaux : dans le post-bac, on passe beaucoup d’énergie à faire, par exemple, apparaître les avantages de passer par un cursus en classes préparatoires de deux ans, suivi de trois ans dans une grande école, par rapport à une intégration directe dans une école après le baccalauréat, lorsqu’on souhaite faire des études de management poussées. En effet, lorsque vous vous rendez dans un salon de l’orientation, vous êtes assailli par des écoles de management post-bac développant un matériau marketing important, quand nous avons des stands beaucoup moins attractifs.
9Notre argumentaire se fonde sur trois critères. Tout d’abord la valeur du diplôme, c’est-à-dire le salaire d’embauche et l’évolution de ce dernier sur trois ans : selon le classement du Financial Times, qui fait autorité en la matière, quasiment toutes les écoles post-classes préparatoires offrent un diplôme mieux valorisé que les écoles post-bac. Ensuite, la sécurisation des parcours : en tant qu’élève de classe préparatoire, vous êtes inscrit parallèlement à l’université et si vous souhaitez changer de voie, vous le pouvez sans perdre de temps, par l’octroi d’équivalences universitaires ; tandis qu’en école post-bac, vous avez perdu et votre temps et votre argent. Enfin, le cursus dure cinq ans en école post-bac, toujours payante, alors qu’en prépa publique, les deux premières années sont gratuites et il n’y a aucun risque de ne pas intégrer, car il y a davantage de places dans les écoles de management post-prépas qu’il n’y a d’élèves dans l’ensemble des prépas de France. Les CPGE sont un système de ventilation entre les différentes écoles post-CPGE et chacun trouvera une place. Donc la question n’est pas « est-ce que j’aurai une école ? » mais « laquelle ? ».
10La qualité d’une décision dépendant de celle de l’information qui l’alimente, les enseignants de CPGE et les proviseurs se déplacent dans beaucoup de salons et lycées pour rencontrer les élèves et leurs familles, en France et à l’étranger, afin de les aider à faire les meilleurs choix possibles.
Auteur
Proviseur Lycée général du Parc, Lyon, académie de Lyon
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