Postface
p. 451-452
Texte intégral
1Les enfants de Enfances inégales ont grandi. Ils se sont dispersés, non seulement dans différentes villes, mais aussi dans différentes positions au sein du système de stratification sociale de notre pays1. Depuis cinq ans que je suis les participants à l’étude, les écarts entre eux ont continué à se creuser. Garrett Tallinger a récemment entamé une carrière de chargé de clientèle. Alexander Williams est maintenant en faculté de médecine. Stacey Marshall a abandonné son projet de devenir médecin et prépare un doctorat en sciences humaines. Les jeunes des classes moyennes n’ont pas tous des emplois hautement qualifiés : Melanie Handlon est coiffeuse. Mais, dans la plupart des cas, la formation scolaire des enfants des classes moyennes les a orientés vers des postes situés dans le tiers supérieur de la distribution des revenus. En revanche, aucun des jeunes des classes populaires et des familles pauvres n’a ce type de position professionnelle. Billy Yanelli est membre d’un syndicat de peintres en bâtiment, bien qu’il soit actuellement sans emploi. Wendy Driver est mère au foyer, son mari est dans la marine. Harold McAllister est serveur dans une chaîne de restaurants. Tyrec Taylor est à la recherche d’un emploi. Katie Brindle, qui était passée du nettoyage de chambres à la réception d’un hôtel, a été licenciée avec la récession. Ses enfants sont chez les parents de son ex-mari, et elle réside maintenant en Floride, où elle travaille dans une boîte de nuit. Certains des jeunes des classes populaires et des familles pauvres sont satisfaits et heureux, mais tous sont confrontés à une incertitude économique forte. Contrairement à de nombreux jeunes issus de familles des classes moyennes, leurs possibilités de promotion sociale sont limitées.
2Tous les parents veulent ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants. Pourtant, tous ne peuvent offrir les mêmes ressources, les mêmes cadeaux ou les mêmes opportunités à ces êtres si chers à leurs yeux. Même si les parents des classes populaires et les parents des familles pauvres de l’enquête aiment leurs enfants, aucun d’entre eux n’a été en mesure de les mettre efficacement sur la voie d’un diplôme universitaire, fondement d’un emploi stable et lucratif. Ces parents nagent à contre-courant. Parmi les filles et les garçons que j’ai étudiés, des pièces cruciales du puzzle étaient déjà en place lorsqu’ils avaient dix ans, ce qui rendait probable qu’ils se retrouvent dans des situations semblables à celles de leurs parents – et c’est ce qui est arrivé pour la plupart d’entre eux. S’il n’est pas impossible pour un individu de changer significativement de position sociale, cela est plutôt rare.
3Dans la culture méritocratique américaine, l’idée d’une compétition implique à la fois des conditions de fair-play et que les résultats obtenus soient mérités. Cette croyance suggère que des gens comme Alexander et Garrett, qui étudient dur à l’université, sont récompensés par de bons emplois, où ils continueront à s’appliquer consciencieusement et, ainsi, à accumuler des récompenses de plus en plus grandes. Mais le fait que de nombreux jeunes des classes moyennes travaillent dur ne doit pas nous faire oublier la réalité sous-jacente : le système n’est pas juste. Il n’est pas neutre. Il ne donne pas les mêmes chances à tous les enfants. Non seulement les écoles sont différentes mais, dans les écoles et autres institutions qui jouent un rôle de tri des enfants au sein du système de stratification sociale, certaines pratiques culturelles sont tout simplement privilégiées par rapport à d’autres. L’accent presque exclusif que notre culture place sur les choix individuels rend invisible le rôle clé des institutions. En Amérique, l’arrière-plan de la classe sociale encadre et transforme les actions individuelles. Les chemins que nous suivons dans la vie ne sont donc ni égaux ni librement choisis.
Notes de bas de page
1 Bien que j’aie pu contacter la plupart des jeunes adultes, il ne m’a pas été possible de renouer avec tous. Pour Harold, les informations sont fondées sur le dernier contact que j’ai eu avec lui, en 2005. Je n’ai pas essayé de joindre Alexander ; j’ai pu confirmer sa situation grâce à un site web. Quant aux trois jeunes qui ont participé à l’enquête intensive mais qui ne figurent pas dans le livre, Jessica Irwin a obtenu son diplôme universitaire, elle a épousé un policier et elle poursuit ses études pour devenir art-thérapeute. Tara Carroll espère toujours retourner dans un community college, mais elle travaille à plein temps comme aide-soignante dans un foyer pour adultes handicapés. Je n’ai pas réussi à joindre Karl Greeley ; aux dernières nouvelles, il travaillait dans une épicerie. Il espérait obtenir son GED un jour.
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