1Le diplôme de fin de primaire est lointain à présent. À mesure que les jeunes garçons et filles sont passés du collège au lycée et au-delà, ils n’ont pas fait que grandir – Garrett Tallinger mesure maintenant plus d’un mètre quatre-vingt-dix –, ils ont également adopté les signes de l’âge adulte : certains d’entre eux se sont fait tatouer les bras ou le dos, les voix des jeunes hommes sont devenues plus graves, et les jeunes femmes – comme Melanie Handlon – ont commencé à suivre la mode, avec leurs coiffures tendance et leurs vernis à ongles brillants. Le style personnel de chacun varie. Certains s’habillent à la mode, d’autres préfèrent les T-shirts et les jeans. Mais, incontestablement, ce sont tous de jeunes adultes.

2Ma pratique, qui consistait à envoyer chaque année une carte à l’occasion des vacances et un petit cadeau aux enfants, a suscité quelques réponses au cours des années qui ont suivi et m’a donné une idée de la façon dont certaines des familles se débrouillaient. Cependant, l’image que donnaient ces retours restait incomplète. Je voulais savoir si les différences dans l’éducation des enfants décrites dans la première version du livre avaient ou non perduré dans le temps. Au fur et à mesure que les jeunes devenaient adultes, ils étaient moins dépendants de leurs parents. Les schémas observés lors de la recherche initiale pouvaient avoir considérablement changé. C’est pourquoi, environ dix ans plus tard, alors que les jeunes avaient entre dix-neuf et vingt et un ans, j’ai revu les douze familles qui avaient participé à l’enquête intensive afin de reprendre ces questions. Comme je l’explique plus en détail ci-dessous, j’ai mené un entretien de deux heures avec chacun des douze jeunes adultes, et dans la plupart des cas, j’ai également mené un entretien approfondi séparé avec la mère, le père, et, le plus souvent, un frère ou une sœur.

3Ces entretiens suggèrent qu’il y a eu des changements importants dans la vie des familles au fil du temps. Certaines familles s’en sont beaucoup mieux sorties au cours de cette période qu’elles ne l’avaient fait au cours de la décennie précédente. Parmi les familles des classes populaires, deux – celles de Wendy Driver et Tyrec Taylor – sont passées du statut de locataire à celui de propriétaire. La mère de Katie Brindle a commencé à travailler comme femme de ménage. Tous les jeunes adultes, y compris de familles pauvres et des classes populaires, ont pu éviter les grandes difficultés de la vie. Aucun des douze n’a été arrêté par la justice à l’âge adulte (bien que certains aient eu des démêlés avec la police en tant que mineurs). Tous étaient en vie et en bonne santé. Certains étaient mariés et avaient des enfants.

4Pourtant, la classe sociale a continué à compter dans la vie de ces jeunes gens. Elle a joué un rôle dans leurs expériences au lycée. Elle a joué un rôle dans la phase de transition à la sortie du lycée, car plusieurs d’entre eux ont cherché, souvent sans succès, à entrer à l’université. Les différences dans le niveau de diplôme que les uns et les autres ont acquis se sont ensuite ressenties dans les options qui s’offraient à eux dans le monde du travail. La classe sociale n’a pas joué un rôle important quant à la manière dont les parents de ces jeunes gens les aimaient, s’inquiétaient pour eux et cherchaient à les aider. En revanche, elle a eu une influence déterminante sur les ressources que les parents pouvaient mobiliser pour leurs enfants. Son importance s’est particulièrement ressentie dans les interactions des parents avec les établissements d’enseignement.

5La race a également joué un rôle important. Les jeunes hommes noirs, quelle que soit leur classe sociale, ont mentionné rencontrer des difficultés dans les lieux publics. Il arrive encore à Alexander Williams, désormais inscrit dans une université de l’Ivy League, d’être suivi par des employés de magasin soupçonneux. Mais, si la race a eu des conséquences dans certaines situations pour une partie de ces jeunes, le pouvoir de la classe sociale a été frappant pour tous.

6Cette deuxième édition de Enfances inégales présente trois nouveaux chapitres. Tout d’abord, le chapitre 13 analyse la manière dont la classe sociale a influencé la transition des enfants vers l’âge adulte. Ce chapitre donne un aperçu de la méthodologie de recherche utilisée pour le suivi des enquêtés et une courte mise à jour de la vie de chaque enfant présenté dans le livre original. Ensuite, il propose une analyse de la manière dont les trajectoires prises par les enfants lorsqu’ils avaient dix ans se sont prolongées dans le temps. La discussion porte sur la persistance des différences de classe dans les relations des parents avec les institutions, notamment dans les informations dont disposent les parents et dans leurs interventions dans la vie des jeunes.

7Au moment où je menais les entretiens, j’ai donné à chacune des familles un exemplaire du livre. Certaines familles se sont senties à l’aise avec la façon dont elles étaient décrites dans Enfances inégales, d’autres non. Le chapitre 14 aborde cette question, en relatant les réactions de chaque famille au livre. Ce chapitre offre également une mise au point honnête sur certains des défis que représente une recherche longitudinale utilisant des méthodes ethnographiques. Au cours de la période qui a suivi la publication de la première édition, j’ai travaillé avec des collègues spécialisés dans les méthodes quantitatives pour analyser la manière dont les styles éducatifs présentés dans ce livre s’accordaient avec les données d’un échantillon représentatif au niveau national. Le chapitre 151 présente un bref résumé de cette recherche.

8Enfin, au moment de la mise sous presse de la deuxième édition, lorsque les jeunes avaient vingt-cinq et vingt-six ans, j’ai repris contact avec la plupart d’entre eux (mais pas tous). Dans une brève postface, je fais le point sur leur situation de vie actuelle et mes réflexions sur le projet dans son ensemble.