Éléments de biographie
Texte intégral
Piotr Alexeïevitch Kropotkine (Moscou, 1842 – Dmitrov, 1921)
1842 – Naissance à Moscou. Lignée dynastique remontant aux premiers souverains de Russie, les Riourikides. Père propriétaire terrien, officier de l’armée. Éducation le destinant à une carrière militaire. Précepteur français.
1857-1862 – École des cadets. Nommé premier page du Tsar. Études brillantes, qui le destinent à la carrière militaire. En parallèle, initié par son frère aîné Alexandre au matérialisme scientifique (Moleschott, Büchner, Vogt), ainsi qu’à l’évolutionnisme (Darwin, Spencer).
1861 – Décret de libération des serfs. Participation aux « écoles du dimanche » des populistes russes.
1862-1866 – En lieu et place de la capitale, choisit une affection dans un régiment de cosaques en Sibérie orientale. Période réformiste : rapport sur les famines paysannes, le régime carcéral, les défauts de l’administration municipale en Sibérie. Explorations en Transbaïkalie. Première mise à l’épreuve empirique du modèle darwinien.
1867-1871 – Retour à Saint-Pétersbourg. Spécialisation en géographie. Travail majeur sur l’orographie de l’Asie septentrionale. Expéditions arctiques. Sollicité pour devenir secrétaire de la Société royale de géographie. Refus et volonté de rendre la science accessible au peuple, selon la prescription des populistes.
1872 – Voyage dans l’ouest de l’Europe (Zurich, Neuchâtel). Fréquentation des sections locales de l’Association internationale des travailleurs (Fédération jurassienne) et des étudiants russes gagnés aux idées socialistes (Lavrov, Bakounine). Adhésion à l’anarchisme.
1872-1874 – Retour en Russie. Participation active à la deuxième vague de l’« aller au peuple ». Continue ses activités de géographe et participe dans le même temps au cercle Tchaïkovski, un des groupes populistes les plus influents. Se grime en « Borodine », personnage qui effectue une propagande en milieu paysan et ouvrier, et demeure Kropotkine le géographe. Premier texte d’envergure, un manuscrit destiné au départ au cercle Tchaïkovski : Devons-nous nous occuper des idéaux de la société future ? (1873).
1874 – Capturé, identifié et placé en détention à la forteresse Pierre et Paul. Extrême sévérité des conditions de réclusion : problèmes pulmonaires, rhumatismes, anémie.
1876 – Évasion et exil en Angleterre. Commence à développer son activité de théoricien. Travaille, sous le pseudonyme de Lévachov, à des recensions scientifiques pour la revue Nature, dirigée par J. S. Keltie. Contraint de révéler son idée lorsque Keltie lui soumet une recension... du travail géographique de Pierre Kropotkine !
1877 – Installé dans le village jurassien de La Chaux-de-Fonds. Début d’une collaboration scientifique et politique avec Élisée Reclus, et un réseau de géographes anarchistes.
1879-1882 – Fonde, avec Reclus, le journal Le révolté. La première série de contributions sera collectée en 1885 sous le titre Paroles d’un révolté.
1882 – Sur le sol français, capturé en décembre en tant qu’instigateur présumé d’une tentative d’attentat anarchiste à Lyon.
1883-1886 – Condamné sans preuve à cinq années de réclusion dans la prison de Clairvaux. Nouvelle dégradation de la santé. Fortes réactions de la communauté intellectuelle et politique française et internationale. Victor Hugo présente au gouvernement une pétition pour la libération de Kropotkine. Clémenceau y participe, Spencer également. Huxley, par contre, refuse fermement de signer.
1886-1891 – Retour en Angleterre. Articles sur la prison, constituant le volume Dans les prisons russes et françaises. Fonde le journal Freedom. Production régulière pour ce journal jusqu’en 1888. Deuxième salve de contributions pour Le révolté, rebaptisé La révolte. Réunion des articles en 1892 dans le volume La conquête du pain. Premiers articles pour Nineteenth Century sur la question de l’entraide, en réaction aux articles de Huxley, La morale anarchiste (1889).
1897-1901 – Deux voyages aux États-Unis. Visite les groupes anarchistes, est invité au prestigieux Lowell Institute de Boston, d’abord pour des conférences de géographie (visite de 1897) puis pour des conférences sur la littérature russe (1901), qui formeront le volume Ideals and Realities in Russian Literature. Parution de Champs, usines et ateliers (1899), de La science moderne et l’anarchie (1901, en russe).
1902 – Publication, en anglais, de Mutual Aid.
1905-1909 – Révoltes paysannes et ouvrières en Russie. Kropotkine soutient à distance la tentative de révolution. Écrit en 1909 La terreur en Russie, relevé minutieux des exactions punitives commises par l’État tsariste depuis le « dimanche sanglant » de 1905. Attire l’attention de la communauté internationale sur la situation en Russie. Publication en 1909 de La Grande Révolution, fruit de trente années de recherches sur la Révolution française.
1910 – Début de la série des articles lamarckiens pour Nineteenth Century.
1914 – Prend position pour la France dans le conflit mondial, afin de préserver les chances de la liberté face à la dictature prussienne à venir. S’aliène une bonne part du mouvement anarchiste, dont Malatesta. Début d’une période d’isolement.
1917 – La révolution des soviets pousse Kropotkine à revenir en Russie. Accueilli chaleureusement par Kerensky qui lui propose un poste de ministre de l’éducation au gouvernement. Kropotkine refuse, mais ne dédaignera pas de conseiller dans un premier temps le régime. Correspondance avec Lénine, et rencontre. Désaccords sur la question de l’État et sur le contrôle ouvrier. « Je suis fatigué de cette vieille baderne » aurait déclaré Lénine à la suite d’un de leurs échanges.
1918-1921 – Kropotkine s’installe à Dmitrov, à soixante kilomètres au nord de Moscou. Conditions de vie assez précaires, santé défaillante. Continue de travailler à l’achèvement de L’éthique, ouvrage sur l’histoire de la morale. Projet d’écriture d’une morale évolutionniste de l’entraide, qui constituerait un deuxième tome de L’éthique. Reçoit la visite de Emma Goldman et Alexander Berkman. Des bruits, relayés par le New York Times, commencent à circuler sur une mort possible de Kropotkine par manque de nourriture. En 1919, la revue Nineteenth Century fait précéder l’article « The direct action of environment and evolution » d’un chapeau insinuant que Kropotkine aurait été jeté en prison par les Bolchéviks, tout portant à craindre qu’il ait été assassiné.
Février 1921 – Mort. Obsèques à Moscou. Lénine autorise les anarchistes retenus en prison à suivre le cortège funèbre, qui atteint les 100 000 personnes.
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