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    Plan détaillé Texte intégral Raison et idéalisme (introduction du chapitre 5) La raison observante (section A) Notes de bas de page Auteur

    Lire la Phénoménologie de l'esprit de Hegel

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre 7

    La solidarité du rationalisme formel et de l’empirisme

    (Lecture du chapitre 5, introduction et section A)

    Emmanuel Renault

    p. 119-136

    Texte intégral Raison et idéalisme (introduction du chapitre 5) De l’entendement à la raison L’idéalisme et sa critique La raison observante (section A) L’observation de la nature (section A-a) Lois logiques, lois psychologiques (section A-b) Lois physiognomoniques et lois phrénologiques (section A-c) Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Lorsque Hegel reformulera ultérieurement dans l’Encyclopédie (et déjà dans la Propédeutique) les analyses de la Phénoménologie de l’esprit, il en proposera une version abrégée qui correspond assez précisément aux quatre premiers chapitres de l’ouvrage de 1807, mais où l’on ne retrouvera rien des développements qui conduisent du chapitre 5 au chapitre 81. La dernière section de la Phénoménologie de l’Encyclopédie y est certes intitulée « Raison », et dans les deux cas, le concept de raison désigne la synthèse de la conscience et de la conscience de soi, mais on perçoit néanmoins des différences significatives dans le sens et les fonctions qui sont attribuées à ce concept. Dans l’Encyclopédie, la raison est définie comme « la vérité étant en et pour soi » et « l’identité simple de la subjectivité du concept et de son objectivité et universalité » (Enc. III § 438). Il est également dit qu’elle est « la vérité en tant que savoir. Car elle a ici pour déterminité propre, pour forme immanente, le concept pur existant pour lui-même, le moi, la certitude de soi-même comme universalité infinie (Enc. III § 439). Cette définition correspond moins à la « raison » telle qu’elle est entendue dans le chapitre 5 de la Phénoménologie de l’esprit qu’au « savoir absolu », c’est-à-dire l’exposition dans la forme du concept d’un savoir qui se sait identique à son objet. Hegel affirmera en effet dans le chapitre 8 que dans le savoir absolu, ou « savoir qui conçoit », « la vérité n’est pas seulement en soi parfaitement égale à la certitude, mais elle a aussi la figure de la certitude de soi-même, ou encore, elle est […] pour l’esprit qui sait, dans la forme du savoir de soi-même » (881/427-428). En 1807, le concept de raison désigne tout autre chose que le « savoir absolu » dont l’exposition est reportée trois chapitres plus loin, ce qui semble impliquer une certaine forme de dévalorisation de la raison, paradoxale chez un auteur qui toujours a identifié le savoir spéculatif au savoir rationnel par excellence2. Ce n’est cependant pas le savoir rationnel sous sa forme véritable qui est soumis à la critique dans le chapitre 5, mais ce que Hegel appelle, à la fin de l’introduction de ce chapitre « le concept abstrait de la raison » (321/137), ce par quoi il vise une conception erronée du savoir rationnel, qui est partagée selon lui aussi bien par Kant et Fichte que par l’empirisme scientifique, et qui trouve son pendant dans différentes conceptions inadéquates de la rationalité pratique.

    2L’homogénéité de ces différentes conceptions de la rationalité théorique et pratique étant loin d’aller de soi, l’unité du chapitre 5 se présente comme un défi à relever pour les commentateurs3. Nous étudierons dans ce qui suit l’introduction, qui critique le concept formel de la raison, et la section A, « La raison observante », qui dénonce différentes conceptions inadéquates de l’observation rationnelle de la nature. Il y a une forte continuité entre cette introduction et cette section A qui définissent par contraste l’exigence d’une conception plus satisfaisante de la rationalité, et qui, de fait, annoncent le chapitre 8, « Le savoir absolu ». Les sections B, « La réalisation effective de la conscience de soi », et C, « L’individualité qui est à ses yeux réelle en et pour soi-même », qui seront analysées dans le prochain chapitre, effectuent quant à elles la transition avec la problématique du chapitre 6, « L’esprit ». Hegel distingue d’ailleurs lui-même la section A des sections B et C en expliquant, dans le développement introductif de la section B, que la section A reformulait les chapitres 1-3 dans l’élément de la raison, et qu’il reste encore à reformuler le contenu du chapitre 4 dans ce même élément (431/293)4.

    Raison et idéalisme (introduction du chapitre 5)

    De l’entendement à la raison

    3S’il ne fait pas de doute qu’ici, comme dans le reste du système, le sens du concept de raison est entendu par Hegel à partir de la distinction kantienne de l’entendement et de la raison, il n’en demeure pas moins que cette distinction n’est pas prise au même sens chez Kant et Hegel. Chez le premier, l’entendement et la raison désignent, au même titre que la sensibilité, des facultés de l’esprit dont l’indépendance est attestée par les types de représentations pures dont elles sont l’origine : intuitions pures de l’espace et du temps pour la sensibilité d’une part, concepts purs de l’entendement d’autre part, idées de la raison enfin. Il en va tout autrement chez Hegel qui critique le concept même de « facultés de l’esprit » parce que ce dernier présuppose que l’esprit soit analogue à une chose dotée de différentes propriétés indépendantes les unes des autres, alors que l’esprit est fondamentalement activité et que ce qu’on prend à tort pour des facultés indépendantes ne sont rien d’autre que les moments d’une même activité. Ce rejet de la psychologie des facultés trouve l’une de ses formulations les plus frappantes dans un passage de la section « Raison observante » où Hegel ironise sur le fait que « la psychologie d’observation […] trouve toutes sortes de facultés, d’inclinations et de passions […] jusqu’à ce qu’on s’étonne de ce que, dans l’esprit, comme dans un sac, puissent exister côte à côte des choses contingentes d’une si grande variété et d’une telle hétérogénéité » (383/169).

    4La distinction de l’entendement et de la raison ne désigne donc pas deux types de facultés mais deux types de savoirs qui doivent être distingués l’un de l’autre de deux points de vue distincts que l’on appellera, pour simplifier, phénoménologiques et logiques : le point de vue phénoménologique concerne le rapport du savoir à l’objet, le point de vue logique la structuration interne du savoir. Du point de vue logique, l’entendement désigne les savoirs fondés sur la subsomption des phénomènes sous des pensées universelles qui ne sont que partiellement explicitées dans leur contenu logique, et qui entretiennent les unes avec les autres des relations externes : elles sont mises en rapport les unes avec les autres pour rendre compte d’autre chose qu’elles-mêmes, à savoir des phénomènes. C’est en ce sens que la préface de la Phénoménologie affirme que l’entendement « ne parvient assurément qu’à des pensées qui sont elles-mêmes des déterminations bien connues, fixes et en repos » (105/27) : « bien connues » mais non explicitées dans leur contenu de pensée ; « fixes et en repos » et non mises en rapport immanent les unes avec les autres. Au contraire, l’idée de raison désigne l’automouvement du concept en tant qu’il est explicitation du contenu logique des pensées d’entendement et des relations internes qu’elles entretiennent les unes avec les autres. C’est en ce sens que dans cette même préface, la raison est considérée comme une « fluidification des pensées fixes » (107/28) qui les transforme en « concepts » : « moyennant ce mouvement, les pensées pures deviennent des concepts et sont alors seulement ce qu’elles sont en leur vérité, des automouvements » (108/28).

    5Si dans la préface, de même que dans le système encyclopédique, le sens logique de la distinction entre entendement et raison prévaut, dans le cours de la Phénoménologie, en revanche, la distinction entre l’entendement et la raison (l’un et l’autre figurant dans le titre des chapitres 3 et 5) prend une signification phénoménologique qui concerne le rapport du savoir à l’objet. Dans le chapitre 3, le terme « entendement » désigne une conception du savoir reposant sur la conviction qu’il y a plus de vérité dans la pensée5 que dans la perception parce que seule la pensée est en mesure de saisir l’essence comme un principe dynamique (une force) dont le phénomène, c’est-à-dire l’objet de la perception, n’est que l’extériorisation. La vérité des pensées dépend de leur adéquation à un en-soi (un monde suprasensible) existant indépendamment de la pensée. D’où le titre du chapitre 4 : « Force et entendement. Phénomène et monde suprasensible ». Au contraire, l’idée de raison désigne dans le chapitre 5 la certitude que c’est dans le savoir d’un objet que cet objet accède à sa vérité, de sorte que l’opposition du savoir et de l’en-soi perd son sens : la vérité des phénomènes n’est pas à chercher dans un monde suprasensible dont la pensée devrait rendre compte, mais dans la rationalité immanente de la phénoménalité qui, comme telle, n’existe nulle part ailleurs que dans la pensée rationnelle de la phénoménalité. C’est en ce sens que Hegel affirme : « La raison est la certitude de la conscience d’être toute réalité » (313/133) ou la « certitude d’être toute réalité » (315/134). Dans les figures de la conscience étudiées dans le chapitre 5 s’exprime donc la conviction, selon Hegel légitime, que la rationalité véritable est la rationalité immanente de la phénoménalité, et qu’elle est susceptible d’être connue. Cette conviction sera formulée dans les Principes de la philosophie du droit (PPD, p. 129), puis dans l’Encyclopédie (Enc. III, § 6 rq.) sous la forme de la double affirmation célèbre qui définit l’une des orientations fondamentales de la philosophie hégélienne : « ce qui est rationnel est effectif, et ce qui est effectif est rationnel ». L’un des enjeux du chapitre 5 est précisément d’en expliciter le sens. L’étude d’une nouvelle série d’expériences de la conscience permettra d’écarter un certain nombre de contresens concernant tout à la fois les modalités de la connaissance rationnelle de l’effectif et la nature de l’effectivité.

    6Le premier défaut de ces figures de la conscience réunies dans le chapitre 5 tient à la nature du savoir de la rationalité immanente à l’effectivité. La conviction légitime que le monde est rationnel et connaissable comme tel s’accompagne chez elles de la croyance erronée que les principes d’une pensée formelle permettent de connaître cette rationalité immanente. Cette rationalité formelle est caractérisée dans l’introduction et la section A dans une double référence à l’idéalisme transcendantal de Kant et Fichte et à la pratique des sciences empiriques. La philosophie transcendantale propose un concept formel de la rationalité dans la mesure où elle fait dépendre les principes de la connaissance de la nature d’une mise en forme du contenu sensible par les formes pures de la pensée d’un objet. Les sciences d’observation présupposent également une conception formelle de la rationalité dans la mesure où elles réduisent les principes rationnels à des principes d’organisation des observations et qu’elles réduisent l’organisation rationnelle des observations à des classifications et des lois. Ce qu’il y a d’insuffisant dans les types de savoirs étudiés au chapitre 5 tient donc au fait qu’ils sont rationnels au sens phénoménologique de la distinction de l’entendement et de la raison, sans être rationnels au sens logique de la rationalité spéculative. Ils entreprennent en effet de connaître la rationalité immanente de l’effectivité en se référant à une conception formelle de la rationalité du savoir, relevant de la rationalité d’entendement, alors que la connaissance de la rationalité immanente de l’effectivité relève d’un autre type de pensée rationnelle, celui de la pensée spéculative ou « savoir absolu ».

    7Le deuxième défaut de ces types de savoir tient à la conception qu’ils se font de l’effectivité. Rappelons tout d’abord le sens du concept d’effectivité (Wirklichkeit) qui définit l’objet de cette figure de la conscience et qui est omniprésent dans ce chapitre. Il définit déjà dans la préface l’objet de la philosophie (119/34), et il remplira encore cette fonction dans l’Encyclopédie (§ 6 et rq.). L’Encyclopédie définira l’effectivité comme le dépassement du dualisme de l’essence et de sa manifestation, ou de l’intérieur et de l’extérieur (Enc. I, § 142). L’effectivité désigne en outre la réalité phénoménale en tant qu’elle satisfait les exigences théoriques et pratiques de la pensée rationnelle (Enc. I, § 6 rq., § 38 rq.). Or, l’exigence d’un dépassement des dualismes de l’intérieur et de l’extérieur, d’une part, du rationnel et du phénoménal, d’autre part, est apparue dans les deux chapitres précédents. Dans le chapitre 3, l’entendement ne pouvait satisfaire ses exigences théoriques que dans la pensée d’un monde suprasensible, tandis que dans le chapitre 4, la conscience de soi ne pouvait satisfaire ses exigences pratiques que dans la pensée d’un au-delà. De même que la nécessité d’un dépassement du dualisme de l’essence, ou de l’intérieur, et du phénomène, ou de l’extérieur, était acquise à la fin du chapitre 3, de même, la transition de la conscience malheureuse dans la raison souligne la nécessité du dépassement du dualisme du rationnel et de l’effectif. C’est en ce sens que Hegel écrit que la conscience de soi « découvre le monde comme son nouveau monde effectif qui a pour elle de l’intérêt en sa permanence, tout comme, l’instant d’avant, il n’en avait que dans sa disparition » (312-313/132-133).

    8Si les savoirs étudiés dans le chapitre 5 ont le mérite de concevoir leur objet comme l’effectivité, ils pâtissent cependant de conceptions inadéquates de ce qui fait l’effectivité. L’usage du formalisme des classifications et de la loi est solidaire d’une conception de la nature et de l’esprit comme constitué de déterminités fixes et relativement indépendantes les unes des autres, de sorte que leurs relations ne peuvent être qu’extérieures les unes aux autres. On verra notamment resurgir l’opposition de l’intérieur et de l’extérieur (dans la connaissance de la vie organique aussi bien que dans celle de l’esprit individuel). La préface soulignait déjà la dimension processuelle de l’effectivité en la définissant comme « le naître et le disparaître qui, lui-même, ne naît ni ne disparaît mais qui est en soi » (120/35). La section « Raison observante » sera l’occasion de souligner la dimension fondamentalement processuelle, c’est-à-dire relationnelle et dynamique de la nature et de l’esprit, et de souligner que seule une pensée processuelle, celle d’un « automouvement » (131/40) du concept qui soit également « soi immanent du contenu », peut la connaître adéquatement. Hegel affirmera dans l’Encyclopédie que « l’idée est essentiellement procès » (§ 215), soutenant ainsi la thèse d’une indissociabilité de l’ontologie et de l’épistémologie processuelles qui, comme on le verra, sous-tend plusieurs développements de la section « Raison observante »6.

    L’idéalisme et sa critique

    9Dès l’introduction du chapitre 5, Hegel précise qu’il ne considérera dans ce chapitre que la forme la plus immédiate de la conscience de l’identité du savoir et de la réalité. Cette forme immédiate correspond à ce qu’il définit comme l’idéalisme, lequel désigne l’idéalisme de Kant et plus encore de Fichte, puisque Kant admettait un dualisme du phénomène et de la chose en soi qui est dépassé à ce stade. Alors que le chapitre 3 servait à développer une critique des conceptions leibnizienne et kantienne du dualisme du monde sensible et du monde intelligible, le chapitre 5 commence par critiquer le point de vue d’un idéalisme transcendantal expurgé de la chose en soi, celui de Fichte7.

    10Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi Hegel voit dans cette version de l’idéalisme transcendantal l’illustration la plus directe de « la certitude de la conscience d’être toute réalité ». Kant et Fichte affirment que les formes de la représentation des objets sont constitutives de ces objets, de sorte que l’espace et le temps, en tant que formes de l’intuition pure, et les catégories, comme formes pures de l’entendement, nous livrent également une connaissance des propriétés universelles de la phénoménalité. Récuser la distinction du phénomène et de la chose en soi conduit à l’idée que les formes de la représentation des objets ne sont pas seulement constitutives de la phénoménalité, mais de la réalité elle-même. L’unité de la conscience d’objet (ou de l’expérience) et de la conscience de soi (ou de l’unité originaire de l’aperception), affirmée par Kant dans la Déduction transcendantale de la Critique de la raison pure, est alors radicalisée en une certitude que les formes de la représentation de la réalité sont également les formes de la réalité.

    11Dans l’introduction, la caractérisation de l’idéalisme prend pour fil conducteur le principe fichtéen du Moi = Moi (Ich = Ich), que l’on peut aussi rendre par Je = Je), interprété comme un équivalent du principe kantien de l’unité originaire de l’aperception, et son lien avec la « catégorie » conçue comme une forme de pensée qui est aussi une forme constitutive de la réalité. De même que Kant affirmait que le moi (le « Je pense ») doit toujours accompagner ses propres représentations des phénomènes, Fichte soulignait que le moi reste identique à lui-même dans sa conscience d’un objet (d’un non-moi) parce que ce dernier n’est que sa représentation8. C’est à cette argumentation que se réfère Hegel en écrivant que l’idéalisme « énonce immédiatement : Moi, je suis Moi, en ce sens que le Moi qui m’est ob-jet [… est] toute réalité et présence » (313/133) et qu’il montre « dans tout être le Mien de la conscience » (319/136). Cet idéalisme a pour mérite de dépasser le dualisme de la conscience et de son objet, ou du savoir et de la vérité, c’est-à-dire d’affirmer que la vérité ne doit pas être conçue comme un au-delà du savoir. Mais il souffre de deux défauts majeurs : d’une part, le principe de l’identité du savoir et de la réalité est postulé plus que véritablement pensé et justifié, d’autre part l’identité du savoir et de la réalité est conçue de manière seulement formelle.

    12Hegel affirme tout d’abord que le principe de l’idéalisme transcendantal doit rester une pure affirmation, dont le sens ne peut pas même être adéquatement formulé, tant qu’il est énoncé à la manière d’un premier principe, Moi = Moi, comme chez Fichte. Son sens véritable dépend en fait des expériences précédentes parce que ce n’est pas le savoir en général mais seulement un certain type de savoir qui peut prétendre contenir en lui sa propre vérité : un savoir distinct de ceux dont nous avons déjà établi la non-vérité, à savoir ceux de la certitude sensible, de la perception, de l’entendement, et de ceux associés aux pensées du stoïcisme, du scepticisme et de la conscience malheureuse. Le sens même de l’idée d’objet du savoir doit lui aussi être spécifié. Pour que la conscience de soi puisse prétendre que son savoir est identique à la réalité, l’objet de son savoir ne peut plus être conçu ni comme ceci, ni comme chose, ni comme divisé en monde suprasensible et phénomène. On retrouve ici le principe, énoncé dans l’introduction, suivant lequel le sens et la justification d’une figure de la conscience dépendent des expériences précédentes de la conscience. Or, ce principe vaut réfutation parce que l’idéalisme transcendantal prétend fonder directement son principe dans une analyse des conditions de l’expérience possible (chez Kant), ou dans une analyse de la structure de la représentation (chez Reinhold puis chez Fichte). C’est plus généralement la pertinence de l’entreprise visant à philosopher à partir d’un « premier principe », déjà dénoncée dans la préface (97/21), qui est contestée ici.

    13L’idéalisme transcendantal se voit ensuite reprocher de concevoir l’identité du savoir et de la réalité de manière seulement formelle. Alors que la déduction des catégories est censée établir l’identité du savoir et de la réalité, les catégories sont conçues comme de pures formes. Il en résulte que le contenu de la connaissance est dépendant non pas seulement de l’unité originaire de l’aperception mais aussi de la manière dont les objets affectent notre sensibilité. Par son caractère formel, l’idéalisme est donc condamné à rester ou bien un « idéalisme vide » (319/136), en affirmant la validité de formes sans contenu, ou bien à « être dans la contradiction » (321/137) en fondant l’objectivité de la connaissance non plus seulement sur le principe de l’unité originaire de l’aperception, mais aussi sur une source de connaissance empirique indépendante, conçue comme « réceptivité » de la sensibilité chez Kant et « choc étranger »9 (319-320/136) chez Fichte. Un autre signe de contradiction est l’incapacité dans laquelle Kant se trouve de déduire les catégories à partir du principe de l’unité transcendantale de l’aperception. Il se contente d’identifier les catégories de manière empirique en déduisant sa « table des catégories » d’une « table des jugements », c’est-à-dire d’une énumération des différents types de jugement possible. Alors que les catégories sont censées permettre de fonder l’universalité et la nécessité des principes de la connaissance de la nature, cette universalité et cette nécessité ne pouvant pas être fondées empiriquement, les catégories se voient pourtant déduites empiriquement :

    Accueillir la pluralité des catégories, d’une quelconque manière, […] comme un objet trouvé, par exemple à travers les jugements, et s’en accommoder ainsi, cela doit en réalité être regardé comme un outrage à la science ; où l’entendement pourrait-il encore montrer une nécessité s’il ne le pouvait pas en lui-même, qui est la nécessité pure. (316-317/134-135)

    14En tant qu’idéalisme vide, l’idéalisme transcendantal se contente d’énoncer des principes formels, comme le principe de la permanence de la substance, ou le principe de l’explication du changement par l’action d’une cause, qui tout en s’appliquant à tous les phénomènes, ne permettent de produire aucune connaissance déterminée de leur rationalité immanente. Il faut donc s’en remettre à l’observation empirique pour produire cette connaissance. Le formalisme de l’idéalisme transcendantal conduit à son contraire : l’empirisme. Hegel écrit en ce sens que « l’idéalisme vide », qui voit dans tous les objets le « pur Mien de la conscience », « doit être en même temps un empirisme absolu, car, pour que le Mien vide soit rempli, c’est-à-dire pour la différence et pour tout développement et toute configuration d’un tel Mien, la raison de cet idéalisme a besoin d’un choc étranger dans lequel seule serait d’abord logée la multiplicité variée de la sensation ou représentation » (319/136).

    15C’est cette solidarité de l’idéalisme formel et de l’empirisme qui conduit à la section « Raison observante ». La raison avait été initialement définie comme « la certitude de la conscience d’être toute réalité », mais, à l’issue de l’introduction, on comprend que ce que Hegel entendait par là, c’est une certitude qui reste encore une simple certitude, une certitude qui n’a pas encore été élevée à la vérité. On comprend donc également que c’est notamment par l’intermédiaire de l’observation que la raison va tenter d’élever sa certitude à la vérité.

    La raison observante (section A)

    16Si l’introduction du chapitre 5 mobilisait le concept de raison dans le cadre d’une confrontation avec l’idéalisme transcendantal, la série d’expériences de la conscience qui est analysée dans la section « Raison observante » est l’occasion d’une confrontation avec différents programmes scientifiques relevant des sciences de la nature, de la psychologie et de la logique. Ces programmes scientifiques sont autant d’illustrations de ce que Hegel nomme parfois « l’empirisme scientifique ». Ce dernier se distingue de l’empirisme du sens commun en ce qu’il ne se contente pas d’identifier le vrai à ce qui se donne dans la perception, mais qu’il compte sur l’enquête empirique non pas tant pour saisir la singularité des choses que pour formuler les principes universels qui sont constitutifs de la rationalité immanente de l’expérience (Enc. I, § 38). Cette différence est fixée, dans l’introduction de la section « Raison observante », par une opposition entre la simple perception, passive, dénuée de pensée et orientée vers le singulier, et l’observation activement conduite par la pensée et dirigée vers l’universel. Parlant de la conscience, Hegel écrit : « Auparavant, il lui est seulement arrivé de percevoir maints aspects en la chose, d’en avoir l’expérience ; ici, elle institue les observations et l’expérience elle-même » (322/137). Convaincue que l’effectivité est rationnelle, « la raison nourrit, maintenant, un intérêt universel pour le monde » (ibid.). Certaine qu’elle peut connaître sa rationalité immanente, la raison compte sur une observation dirigée par la pensée pour produire cette connaissance : « La conscience observe, c’est-à-dire que la raison veut trouver et avoir elle-même comme un ob-jet étant, comme un mode d’être effectif, sensiblement présent » (323/138).

    17Les difficultés d’interprétation de la transition de l’introduction à la section A peuvent être formulées par l’intermédiaire des deux questions suivantes. Quel est le sens du rapport établi entre empirisme scientifique et philosophie transcendantale ? Quels sont les enjeux de cette confrontation avec les sciences empiriques ? La réponse à la première tient au fait que par son formalisme, la philosophie transcendantale est condamnée à « l’empirisme absolu » comme on l’a vu plus haut. Que la philosophie transcendantale soit un mixte contradictoire d’idéalisme et d’empirisme, c’est selon Hegel ce qui disqualifie l’idée d’une fondation transcendantale de la science de la nature, telle qu’elle est mise en œuvre par exemple dans les Premiers principes métaphysiques de la science de la nature de Kant. Mais dans la section « Raison observante », ce thème sera surtout dirigé contre le mixte de formalisme et d’empirisme que l’on trouve chez Schelling et dans son école qui prétendaient dépasser l’abstraction de la philosophie transcendantale dans une construction a priori de l’ensemble des phénomènes de la nature à partir d’une polarité originaire présidant à leur production10. Que les principes censés guider l’observation de la nature soient puisés dans une théorie des formes de la représentation, comme dans la philosophie transcendantale, ou dans une théorie de la polarité structurante de la phénoménalité, comme chez Schelling, on se condamne en fait à appliquer une forme extérieure aux matériaux empiriques et l’on s’interdit d’en connaître la rationalité immanente. En analysant la diversité des principes rationnels qui président à l’observation des phénomènes naturels, Hegel souligne également, contre la philosophie transcendantale aussi bien que contre la philosophie de la nature schellingienne, qu’il n’y a pas une mais plusieurs rationalités immanentes à la phénoménalité : on verra notamment que si la recherche de lois est légitime dans le cadre de la nature mécanique (Hegel se référera à la loi de la chute libre) et physique (Hegel mentionnera l’électricité et la chimie), elle ne l’est pas s’agissant de la nature organique et de l’esprit. L’Encyclopédie explicitera l’orientation pluraliste de sa théorie hégélienne de la nature et l’antiréductionnisme de son épistémologie en soulignant que la nature doit être considérée comme un système de niveaux (Enc. II, § 249) faisant l’objet de savoirs scientifiques irréductibles les uns aux autres11.

    18Si le rapport de la section « Raison observante » avec la critique de Kant, Fichte et Schelling est facile à comprendre, les enjeux proprement épistémologiques de la discussion des sciences qui s’y développe sont plus difficiles à déterminer. D’un côté, Hegel s’efforce manifestement de caractériser l’une des spécificités des sciences empiriques de son temps : un consensus assez large y règne concernant la nécessité de guider l’observation par des principes rationnels12. D’un autre côté, le rapport aux sciences de l’époque peut y sembler principalement critique, notamment parce que la section « Raison observante » se conclut sur la critique de ces pseudo-sciences que sont la physiognomonie et la phrénologie. Il serait cependant erroné d’y voir un rejet en bloc des sciences empiriques, dont Hegel soulignera ultérieurement qu’elles sont la présupposition et la condition de la philosophie de la nature (Enc. II, § 246 rq.). On a déjà remarqué que si la recherche de lois empiriques des phénomènes organiques et psychologiques est critiquée, elle ne l’est nullement dans son application aux phénomènes mécaniques, électriques et chimiques. De même, si les classifications apparaissent comme des formes incapables de saisir par elles-mêmes la rationalité immanente de la nature chimique et organique, il n’en résulte pas qu’elles ne puissent avoir aucune valeur une fois fondées par une théorie adéquate des processus chimiques, géologiques, végétaux et animaux, comme cela apparaîtra plus clairement dans la philosophie de la nature de l’Encyclopédie13.

    19Remarquons en outre que les critiques adressées aux sciences empiriques qui sont ici considérées ne concernent pas tant la valeur de leur savoir, à quelques exceptions près (dont la physiognomonie et la phrénologie), que l’auto-compréhension empiriste de ce qui fait la valeur de leur savoir. La raison observante croit que les principes rationnels de la connaissance de l’effectivité se réduisent à des principes d’organisation des observations, et elle considère que la vérité de ces principes dépend de leur capacité à organiser les observations de manière cohérente et exhaustive. Elle localise donc dans les observations la vérité des principes rationnels, mais les difficultés sur lesquelles elle butte révèlent, pour nous, que c’est bien plutôt de la nature des principes rationnels que dépend la valeur de connaissance des observations. Hegel écrit en ce sens que la

    conscience observante, aborde les choses en étant d’avis qu’elle les prend en vérité en tant que choses sensibles, opposées, au moi ; mais son agir effectif contredit cet avis, car elle connaît les choses, elle change leur aspect sensible en concepts, c’est-à-dire en un être qui est en même temps le moi, […] et elle n’affirme en fait que les choses n’ont de vérité que comme concept. (324/138)

    20Les expériences de la raison observante ont pour nous la signification de la conduire à prendre conscience de la nature de sa propre opération de connaissance : « le résultat de son mouvement consistera, pour elle-même, à devenir pour soi-même ce qu’elle est en soi » (325/138).

    L’observation de la nature (section A-a)

    21Cette longue section est subdivisée en trois moments principaux qui correspondent à trois manières d’organiser rationnellement les observations : la description (325-327/139-140), la classification (327-331/140-142) et la loi (331-378/142-166). Il ne peut être ici question de restituer l’ensemble des sources scientifiques et le détail de la discussion14, mais seulement de reconstruire le mouvement général de la succession des expériences de la conscience au cours desquelles il s’avère d’une part que la rationalité immanente de l’effectivité ne peut être connue par l’observation organisée par la pensée mais seulement par la pensée concevante de ce qui est donné à l’observation, d’autre part que la nature est incapable de satisfaire les aspirations rationnelles de la connaissance théorique, en raison de ce que l’Encyclopédie désignera comme sa contingence constitutive (Enc. II, § 249).

    22La première forme de la raison observante est celle d’une observation des singularités géologiques, végétales et animales, destinée à en extraire l’élément universel. La démarche consiste plus précisément à décrire les différentes caractéristiques des phénomènes pour déterminer s’ils entrent sous des espèces déjà répertoriées ou définissent de nouvelles espèces. Elle est condamnée à l’échec parce que la contingence de la nature s’exprime notamment dans une variabilité infinie des phénomènes. Non seulement la description se présente donc comme une tâche sans fin, mais il est impossible de déduire de la seule non-conformité d’un phénomène aux espèces analogues qu’il relève d’une nouvelle espèce. L’expérience de la conscience est ici que la nature est tout aussi rationnelle qu’irrationnelle et qu’il est impossible d’identifier sa rationalité immanente à partir de la simple description : « au lieu d’une richesse incommensurable », la raison décrivante découvre « seulement la limite de la nature [c’est-à-dire sa contingence] et la limite de sa propre activité à elle » (327/140).

    23Ce qui est requis pour déterminer si un phénomène entre sous un ensemble d’espèces répertoriées ou définit une nouvelle espèce est une distinction entre des caractéristiques essentielles et inessentielles, ce par quoi il apparaît, pour nous, que l’intérêt de la raison observante ne porte pas sur l’ensemble des propriétés susceptibles d’être décrites mais seulement sur celles qui sont susceptibles d’avoir valeur de connaissance : « pour elle, ce qui importe, c’est au moins aussi essentiellement elle-même que les choses » (327/140). Si les marques distinctives des espèces ne peuvent être fondées sur la seule observation, elles doivent l’être par la raison elle-même, dans son activité de reconstruction systématique, à partir de caractéristiques prédéfinies, des descriptions minéralogiques, botaniques et zoologiques. Telle fut la démarche des classifications artificielles, et tout particulièrement celle de Linné, auquel Hegel se réfère implicitement ici. Mais la raison observante étant persuadée qu’elle est capable de connaître la rationalité immanente de la nature, elle exige que les classifications systématiques soient aussi des classifications « naturelles », c’est-à-dire que les distinctions entre ordres, classes, genres et espèces qui les structurent expriment des distinctions conformes à l’ordre de la nature elle-même, et non pas seulement l’exigence d’unification systématiques des descriptions : « le système artificiel doit être conforme au système de la nature elle-même et exprimer seulement celui-ci » (328/140). L’expérience de la conscience qui relève de cette forme de la raison observante est qu’il existe une profusion de phénomènes n’entrant pas dans les subdivisions de ses classifications :

    L’observation, qui maintenait [les caractéristiques distinctives] avec ordre à part les unes des autres et croyait avoir en elles quelque chose de fixe, voit que, sur un principe les autres viennent empiéter, qu’il se forme des transitions, des confusions, et que tout cela est lié qu’elle prenait en premier lieu pour absolument séparé, et séparé ce qu’elle rassemblait. (330/141)

    24Si la conscience classifiante est ainsi mise en échec, ce n’est pas seulement, de nouveau, parce que la contingence de la nature est irréductible, mais aussi parce que la nature ne consiste pas tant en un ensemble de caractéristiques indépendantes et statiques, comme celles qui définissent des espèces distinctes les unes des autres et se reproduisant à l’identique au fil des générations, qu’en un ensemble de phénomènes relationnels et dynamiques.

    25C’est en cherchant à observer des lois dans la nature que la raison observante tente de saisir ces caractéristiques relationnelles et dynamiques. Dans le chapitre 3, la loi apparaissait comme l’unité constante au sein de la variabilité des phénomènes, ce qui correspond à la conception de la loi comme la description d’une relation invariable dans différentes variations observables. C’est à un autre concept de loi que Hegel se réfère ici : la loi a une valeur pour la connaissance de la nature non seulement parce qu’elle produit une description universelle mais aussi et plus encore parce qu’elle exprime une relation conceptuelle. Hegel prend l’exemple de la loi de la chute libre dont la vérité, pour la conscience observante, dépend du concept de pesanteur (333/142). On pourrait dire qu’on est passé d’une conception empiriste à une conception rationaliste de la loi. Le nouveau type d’observation qui en résulte tient précisément à la tentative de faire apparaître dans l’observation la relation conceptuelle qui est constitutive de la loi, et cela par l’intermédiaire de l’expérimentation. Hegel indique ainsi que la raison observante « institue des expériences sur la loi » pour « purifier la loi et ses moments en les amenant au concept » (334/143). Il s’agit de produire expérimentalement « les conditions pures de la loi » (ibid.) de sorte que la relation conceptuelle par exemple entre l’électricité négative et l’électricité positive, ou entre l’acide et l’alcalin, puisse être rendue observable. La nature apparaît alors comme un ensemble de caractéristiques n’existant pas indépendamment des relations dynamiques qu’elles entretiennent mutuellement : l’électricité positive et l’électricité négative, l’acide et l’alcalin n’existent pas indépendamment du processus électrique et du processus chimique. La raison observante s’appuie sur l’expérimentation pour l’établir, bien que la processualité électrique ou chimique ne soit pas observée comme telle dans l’expérimentation mais seulement conçue.

    26La transition avec le reste du développement tient au fait que la raison est poussée à trouver un moyen de saisir par l’observation cette processualité qui n’existe pour l’instant que dans la pensée de l’expérience, et non dans l’expérience comme telle. Elle se tourne alors vers l’observation de la nature organique : « un tel ob-jet, qui a en lui le processus dans la simplicité du concept, est l’être organique » (337/145). Le raisonnement devient alors particulièrement sinueux. Hegel commence par soutenir que toute tentative de saisir la processualité essentielle de l’organisme par des lois est condamnée à l’échec : les lois sont susceptibles de rendre compte des relations dynamiques entre entités relativement indépendantes, comme les acides et alcalins, mais non entre les moments indissociables des processus organiques. Suit une polémique dirigée contre la philosophie de la nature schellingienne et l’usage qu’elle fait du formalisme quantitatif des « puissances ». Deux thèses ressortent de ces développements. Premièrement, la démarche de l’observation dirigée par la raison, qu’elle soit celle des sciences empiriques ou de l’empirio-formalisme de la philosophie de la nature de l’école schellingienne, est condamnée à l’échec parce que la processualité essentielle de la nature ne peut pas être observée comme telle, mais seulement conçue. Deuxièmement, en raison de sa contingence irréductible, la nature observée est toujours différente de la nature conçue, de sorte que la raison observante ne peut jamais retrouver dans l’observation de la nature l’exigence de rationalité qui lui est propre, pas même dans les niveaux de la nature qui sont les plus intensément structurés par une rationalité immanente, à savoir dans l’organisme animal. D’où la transition à l’observation de la conscience de soi.

    Lois logiques, lois psychologiques (section A-b)

    27Lorsque la raison observante se tourne vers l’observation de la conscience de soi, c’est tout d’abord la conscience pensante qu’elle prend pour objet. De nouveau, c’est la loi qui apparaît comme la forme adéquate de connaissance rationnelle par observation, et Hegel s’engage à ce propos dans une critique de la conception traditionnelle de la logique en tant que science des lois formelles de la pensée vraie. À cette conception de la logique, Hegel reproche d’une part de concevoir la pensée comme un ensemble de formes alors que les concepts, les jugements et les syllogismes ne sont pas des formes de pensée sans contenu et que leur vérité dépend précisément de leur contenu. Il souligne d’autre part que ce que la logique conçoit traditionnellement comme des lois indépendantes (le principe de non-contradiction, le principe de raison suffisante, les règles du raisonnement valide, etc.) ne sont pas indépendantes les unes des autres : « en leur vérité, en tant qu’elles sont, dans l’unité de la pensée, des moments qui disparaissent, il faudrait les prendre comme un savoir ou comme un mouvement pensant, mais pas comme des lois du savoir » (381/168). Si elles apparaissaient trop formelles au premier abord, il apparaît maintenant qu’elles « manquent bien plutôt de la forme qui est leur essence » (ibid.), la forme de l’automouvement du concept qui caractérise la vérité. De même que la forme de la loi s’avérait incapable de saisir la processualité essentielle de la nature, de même, elle s’avère incapable de saisir la processualité de la pensée vraie15.

    28La psychologie d’observation butera sur un problème analogue lorsque, prenant la « conscience agissante » pour objet, elle cherchera à établir des lois expliquant le caractère et les actions d’un individu par son environnement, c’est-à-dire par « les circonstances, la situation, les coutumes, les mœurs, la religion, etc. » (384/169-170). Or, le fait qu’une caractéristique de l’environnement puisse influer sur une individualité et non sur une autre s’explique par la nature de ces individualités qui, par ailleurs, ont la capacité de modifier leur environnement par l’action. Plutôt qu’une relation statique entre des causes indépendantes et des effets, susceptible d’être décrite sous la forme de lois du comportement, le rapport de l’individualité et de l’environnement relève d’un processus d’action réciproque que la forme de la loi ne peut saisir adéquatement.

    Lois physiognomoniques et lois phrénologiques (section A-c)

    29La dernière sous-section analyse d’autres manières de formuler des lois de l’esprit. Il s’agit de nouveau d’étudier non plus seulement la pensée mais le caractère et l’action, et au lieu d’expliquer ces derniers par les caractéristiques externes d’un environnement, la démarche consiste à analyser le caractère à partir de son expression somatique dans les traits du visage (lois physiognomoniques) et les os du crane (lois phrénologiques). Dans ce moment synthétique, puisque l’observation de la conscience de soi (comme en A-b) devient également une observation de la nature (comme en A-a), la tonalité se fait plus critique encore que précédemment. La physiognomonie et la phrénologie sont des pseudo-sciences. Elles ne sont certes pas aussi irrationnelles que « l’astrologie, la chiromancie, et autres sciences du même genre » (392/174) puisque l’esprit individuel ne peut jamais être séparé de sa nature corporelle, et qu’il est donc légitime de s’interroger sur le rapport de l’un et de l’autre (comme Hegel le fera dans la section « Anthropologie » de l’Encyclopédie). Cependant, ces théories mettent en œuvre des méthodes inadaptées en cherchant à soumettre l’esprit à des lois (alors que déjà à propos du corps animal, la connaissance nomologique s’avère inappropriée). En outre, l’esprit et la nature étant deux réalités d’ordres différents, et l’esprit étant caractérisé par un type de rationalité immanente supérieur à celui de la nature, il est totalement illusoire d’établir des corrélations directes entre caractère et conformation corporelle. Radicale dans son contenu, la critique est parfois d’une ironie mordante. Hegel explique ainsi que la meilleure manière de répondre à Lavater, fondateur de la physiognomonie, est une « gifle » : « Cette réplique touche juste parce qu’elle est la réfutation de la première présupposition d’une telle science […], celle selon laquelle l’effectivité de l’homme est son visage » (401/178). À Gall, fondateur de la phrénologie, il oppose également que considérer que « l’être de l’esprit est un os » (425/190), revient à confondre « l’organe de la génération et l’organe servant à pisser » et qu’une théorie fondée sur ce genre de confusion « se comporte comme on le fait quand on pisse » (429/192).

    30Cependant, la critique de Lavater donne l’occasion à Hegel d’énoncer une thèse importante : le caractère d’un individu ne doit pas être considéré comme un ensemble de caractéristiques permanentes et identifiables indépendamment de ce que fait l’individu, tel un intérieur séparé de son expression extérieure : « c’est bien plutôt l’acte qui est à considérer comme l’être authentique de l’homme » (402/178). Comme le dira Hegel dans les Principes de la philosophie du droit : « ce qu’est le sujet, c’est la série de ses actions » (PPD, § 124, p. 276). Or, l’effectivité de l’action ne doit pas être localisée ailleurs que dans les mouvements et expressions du corps (« les organes d’effectuation et d’exécution ont en eux-mêmes l’agir comme agir ou l’intérieur comme tel », 390/173), ainsi que dans la manière dont elle se réfléchit de manière langagière dans l’interaction avec autrui16. De nouveau, la critique de la raison observante conduit à souligner la processualité de l’effectivité dans la complexité des actions réciproques qui la constituent.

    Notes de bas de page

    1 On a pu y voir un argument en faveur de la thèse, mentionnée dans l’introduction de ce volume, suivant laquelle Hegel aurait dévié de son plan initial à partir du chapitre 5.

    2 Dans la Différence des systèmes de Fichte et de Schelling, en 1801, Hegel critiquait Kant en ces termes : « S’il traite de l’entendement par la raison, il traite de la raison par l’entendement » (La différence entre les systèmes philosophiques de Fichte et de Schelling, trad. B. Gilson, Paris, Vrin, 1986, p. 102). Dans les deuxième et troisième éditions de l’Encyclopédie, le moment proprement spéculatif de l’exposition philosophique du vrai est désigné comme son moment « positivement rationnel » (Enc. I, § 82), par opposition au moment dialectique, « négativement rationnel » (Enc. I, § 81).

    3 Comme le souligne G. W. Bertram, Hegels « Phänomenologie des Geistes ». Ein systematischer Kommentar, Stuttgart, Reclam, 2017, p. 127. Relever ce défi fut notamment l’objectif du seul ouvrage intégralement consacré à ce chapitre : K. E. Kaehler, W. Marx, Die Vernunft in Hegels Phänomenologie des Geistes, Francfort, V. Klostermann, 1992.

    4 Pour un examen du sens de ce parallélisme entre le plan du chapitre 5 et la succession des chapitres précédents, voir P.-J. Labarrière, Structures et mouvement dialectique dans la Phénoménologie de l’esprit, Paris, Aubier, 1985, p. 97-107.

    5 Il est vrai que le concept de « pensée » n’est thématisé que dans la section B du chapitre 4, où il est renvoyé au stoïcisme, qui correspond à une pensée des lois que la conscience de soi doit supporter et s’abstenir de contrarier pour être libre, et au scepticisme qui entreprend d’assurer la liberté de la conscience de soi en niant la vérité des représentations du monde objectif. Ce n’est pas tant de la pensée en général que de la contribution de la pensée à la liberté qu’il est question alors.

    6 Soulignons ici que Hegel mérite tout autant d’être considéré comme un philosophe du processus que Leibniz, Schelling, Bergson ou Whitehead ; à ce propos, voir E. Renault, « Hegel, philosophe du processus », à paraître.

    7 On a pu soutenir que c’était en fait le système de l’identité de Schelling, ainsi que la thèse schellingienne suivant laquelle rien n’existe hors de la raison, qui était visée dès l’introduction du chapitre 5 ; voir G.-H. H. Falke, Begriffne Geschichte. Das historische Substrat und die systematische Anordnung des Bewusstseingsgestalten in Hegels Phänomenologie des Geistes. Interpretation und Kommentar, Berlin, Lukas Verlag, 1996, p. 192-193. Il nous semble bien plutôt que c’est de Fiche qu’il s’agit de partir, dans cette introduction, avant de critiquer le point de vue schellingien dans la section A, en faisant apparaître une continuité du second avec le premier qu’il avait cru à tort dépasser. C’est sans doute également à Kant et à Fichte qu’il faut se référer, et plus précisément à leur théorie du primat de la raison pratique, pour comprendre le passage de la section A, traitant de la raison théorique, aux sections B et C, traitant de la raison pratique ; sur ce point, voir notamment K. Düsing, « Der Begriff der Vernunft in Hegels Phänomenologie », G. W. F. Hegel. Phänomenologie des Geistes, D. Köhler et O. Pöggeler éd., Berlin, Akademie Verlag, 1998, p. 150-156.

    8 Moi = Moi est le premier principe du Fondement de la doctrine de la science dans son ensemble (1794), disponible en français dans : Œuvres choisies de philosophie première, trad. A. Philonenko, Paris, Vrin, 1972, p. 11-238. L’introduction du chapitre 4 déjà évoquait le Moi = Moi, mais la discussion portait alors sur son rapport avec le « Non-Moi » (deuxième principe du Fondement de la doctrine de la science) et sur la source pratique de leur unité (troisième partie de ce même ouvrage), ce qui introduisait la problématique du rapport entre conscience de soi et désir (voir dans le chapitre 5 de ce volume le commentaire d’O. Tinland). Ici, c’est au contraire le rapport entre Moi = Moi et catégorie qui retient l’attention.

    9 Le concept de « choc » traduit ici l’allemand « Anstoss » (qu’on peut également traduire par « impulsion »), qui servait chez Fichte, dans le Fondement de la doctrine de la science, à décrire la manière dont l’activité pratique rencontre le monde extérieur comme un obstacle que l’activité représentative du moi a pour fonction d’objectiver.

    10 La polémique avec Schelling, centrale dans la préface, était déjà engagée dans le chapitre 3. Voir à ce propos le commentaire de ce chapitre par D. Wittmann.

    11 Nous avons souligné ces orientations pluralistes et antiréductionnistes dans Philosophie chimique. Hegel et la science dynamiste de son temps, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2002, p. 77-89 et p. 115-131. Pour une défense contemporaine du pluralisme et de l’antiréductionnisme en philosophie des sciences, associé à la thèse de la contingence de la nature, voir J. Dupré, The Disorder of Things. Metaphysical Foundations of the Disunity of Science, Cambridge, Harvard University Press, 1993.

    12 Comme le soutient à juste titre C. Ferrini dans « Raison Observing Nature », The Blackwell Guide to Hegel’s Phenomenology of Spirit, K. Westphal éd., Malden, Blackwell, 2009, p. 92-135. On trouvera également dans cet article une restitution des références scientifiques implicites de ce chapitre et une tentative d’interprétation des prises de position de Hegel dans les débats scientifiques auxquels il se réfère.

    13 Sur le rapport de la philosophie aux sciences de la nature, voir E. Renault, Hegel. La naturalisation de la dialectique, Paris, Vrin, 2001. Sur la valorisation des classifications chimiques fondées sur une théorie de la processualité chimique, voir p. 251-257.

    14 Pour une analyse plus détaillée du mouvement de la « Raison observante », voir le commentaire de J. Hyppolite, Genèse et structure de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, Paris, Aubier-Montaigne, 1946, p. 223-249.

    15 Ces thèmes seront développés, et reformulés, dans la Science de la logique. Pour une analyse des enjeux de ces remarques polémiques pour la théorie logique, voir M. Wolf, « Science of Logic », The Bloomsbury Companion to Hegel, A. De Laurentis et J. Edwards éd., New York, Bloomsbury, 2013, p. 71-101.

    16 On consultera l’article classique d’A. C. Macintyre, « Hegel on Faces and Skulls » (Hegel: A Collection of Critical Essays, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1972, p. 219-236) pour une discussion du contenu positif et des enjeux contemporains de cette dernière sous-section. Parmi les enjeux contemporains, mentionnons que la discussion de la physiognomonie anticipe des théories des actes de parole et de l’agir communicationnel, tandis que la discussion de la phénoménologie développe une critique par anticipation des programmes réductionnistes en sciences cognitives.

    Auteur

    • Emmanuel Renault

      Professeur de philosophie à l’université Paris Nanterre. Ses recherches portent principalement sur Hegel, Marx, Dewey et la théorie critique considérée dans son histoire et son actualité. Il est l’auteur de trois ouvrages sur Hegel : Hegel. La naturalisation de la dialectique (Vrin, 2001), Philosophie chimique. Hegel et la science dynamiste de son temps (Presses universitaires de Bordeaux, 2002), et Connaître ce qui est. Enquête sur le présentisme hégélien (Vrin, 2015).

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    1 On a pu y voir un argument en faveur de la thèse, mentionnée dans l’introduction de ce volume, suivant laquelle Hegel aurait dévié de son plan initial à partir du chapitre 5.

    2 Dans la Différence des systèmes de Fichte et de Schelling, en 1801, Hegel critiquait Kant en ces termes : « S’il traite de l’entendement par la raison, il traite de la raison par l’entendement » (La différence entre les systèmes philosophiques de Fichte et de Schelling, trad. B. Gilson, Paris, Vrin, 1986, p. 102). Dans les deuxième et troisième éditions de l’Encyclopédie, le moment proprement spéculatif de l’exposition philosophique du vrai est désigné comme son moment « positivement rationnel » (Enc. I, § 82), par opposition au moment dialectique, « négativement rationnel » (Enc. I, § 81).

    3 Comme le souligne G. W. Bertram, Hegels « Phänomenologie des Geistes ». Ein systematischer Kommentar, Stuttgart, Reclam, 2017, p. 127. Relever ce défi fut notamment l’objectif du seul ouvrage intégralement consacré à ce chapitre : K. E. Kaehler, W. Marx, Die Vernunft in Hegels Phänomenologie des Geistes, Francfort, V. Klostermann, 1992.

    4 Pour un examen du sens de ce parallélisme entre le plan du chapitre 5 et la succession des chapitres précédents, voir P.-J. Labarrière, Structures et mouvement dialectique dans la Phénoménologie de l’esprit, Paris, Aubier, 1985, p. 97-107.

    5 Il est vrai que le concept de « pensée » n’est thématisé que dans la section B du chapitre 4, où il est renvoyé au stoïcisme, qui correspond à une pensée des lois que la conscience de soi doit supporter et s’abstenir de contrarier pour être libre, et au scepticisme qui entreprend d’assurer la liberté de la conscience de soi en niant la vérité des représentations du monde objectif. Ce n’est pas tant de la pensée en général que de la contribution de la pensée à la liberté qu’il est question alors.

    6 Soulignons ici que Hegel mérite tout autant d’être considéré comme un philosophe du processus que Leibniz, Schelling, Bergson ou Whitehead ; à ce propos, voir E. Renault, « Hegel, philosophe du processus », à paraître.

    7 On a pu soutenir que c’était en fait le système de l’identité de Schelling, ainsi que la thèse schellingienne suivant laquelle rien n’existe hors de la raison, qui était visée dès l’introduction du chapitre 5 ; voir G.-H. H. Falke, Begriffne Geschichte. Das historische Substrat und die systematische Anordnung des Bewusstseingsgestalten in Hegels Phänomenologie des Geistes. Interpretation und Kommentar, Berlin, Lukas Verlag, 1996, p. 192-193. Il nous semble bien plutôt que c’est de Fiche qu’il s’agit de partir, dans cette introduction, avant de critiquer le point de vue schellingien dans la section A, en faisant apparaître une continuité du second avec le premier qu’il avait cru à tort dépasser. C’est sans doute également à Kant et à Fichte qu’il faut se référer, et plus précisément à leur théorie du primat de la raison pratique, pour comprendre le passage de la section A, traitant de la raison théorique, aux sections B et C, traitant de la raison pratique ; sur ce point, voir notamment K. Düsing, « Der Begriff der Vernunft in Hegels Phänomenologie », G. W. F. Hegel. Phänomenologie des Geistes, D. Köhler et O. Pöggeler éd., Berlin, Akademie Verlag, 1998, p. 150-156.

    8 Moi = Moi est le premier principe du Fondement de la doctrine de la science dans son ensemble (1794), disponible en français dans : Œuvres choisies de philosophie première, trad. A. Philonenko, Paris, Vrin, 1972, p. 11-238. L’introduction du chapitre 4 déjà évoquait le Moi = Moi, mais la discussion portait alors sur son rapport avec le « Non-Moi » (deuxième principe du Fondement de la doctrine de la science) et sur la source pratique de leur unité (troisième partie de ce même ouvrage), ce qui introduisait la problématique du rapport entre conscience de soi et désir (voir dans le chapitre 5 de ce volume le commentaire d’O. Tinland). Ici, c’est au contraire le rapport entre Moi = Moi et catégorie qui retient l’attention.

    9 Le concept de « choc » traduit ici l’allemand « Anstoss » (qu’on peut également traduire par « impulsion »), qui servait chez Fichte, dans le Fondement de la doctrine de la science, à décrire la manière dont l’activité pratique rencontre le monde extérieur comme un obstacle que l’activité représentative du moi a pour fonction d’objectiver.

    10 La polémique avec Schelling, centrale dans la préface, était déjà engagée dans le chapitre 3. Voir à ce propos le commentaire de ce chapitre par D. Wittmann.

    11 Nous avons souligné ces orientations pluralistes et antiréductionnistes dans Philosophie chimique. Hegel et la science dynamiste de son temps, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2002, p. 77-89 et p. 115-131. Pour une défense contemporaine du pluralisme et de l’antiréductionnisme en philosophie des sciences, associé à la thèse de la contingence de la nature, voir J. Dupré, The Disorder of Things. Metaphysical Foundations of the Disunity of Science, Cambridge, Harvard University Press, 1993.

    12 Comme le soutient à juste titre C. Ferrini dans « Raison Observing Nature », The Blackwell Guide to Hegel’s Phenomenology of Spirit, K. Westphal éd., Malden, Blackwell, 2009, p. 92-135. On trouvera également dans cet article une restitution des références scientifiques implicites de ce chapitre et une tentative d’interprétation des prises de position de Hegel dans les débats scientifiques auxquels il se réfère.

    13 Sur le rapport de la philosophie aux sciences de la nature, voir E. Renault, Hegel. La naturalisation de la dialectique, Paris, Vrin, 2001. Sur la valorisation des classifications chimiques fondées sur une théorie de la processualité chimique, voir p. 251-257.

    14 Pour une analyse plus détaillée du mouvement de la « Raison observante », voir le commentaire de J. Hyppolite, Genèse et structure de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, Paris, Aubier-Montaigne, 1946, p. 223-249.

    15 Ces thèmes seront développés, et reformulés, dans la Science de la logique. Pour une analyse des enjeux de ces remarques polémiques pour la théorie logique, voir M. Wolf, « Science of Logic », The Bloomsbury Companion to Hegel, A. De Laurentis et J. Edwards éd., New York, Bloomsbury, 2013, p. 71-101.

    16 On consultera l’article classique d’A. C. Macintyre, « Hegel on Faces and Skulls » (Hegel: A Collection of Critical Essays, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1972, p. 219-236) pour une discussion du contenu positif et des enjeux contemporains de cette dernière sous-section. Parmi les enjeux contemporains, mentionnons que la discussion de la physiognomonie anticipe des théories des actes de parole et de l’agir communicationnel, tandis que la discussion de la phénoménologie développe une critique par anticipation des programmes réductionnistes en sciences cognitives.

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    Renault, Emmanuel. « La solidarité du rationalisme formel et de l’empirisme ». In Lire la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, édité par Christophe Bouton et Emmanuel Renault. Lyon: ENS Éditions, 2022. https://doi.org/10.4000/books.enseditions.42196.
    Renault, Emmanuel. « La solidarité du rationalisme formel et de l’empirisme ». Lire la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, édité par Christophe Bouton et Emmanuel Renault, ENS Éditions, 2022, https://doi.org/10.4000/books.enseditions.42196.

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    Bouton, C., & Renault, E. (éds.). (2022). Lire la Phénoménologie de l’esprit de Hegel (1‑). ENS Éditions. https://doi.org/10.4000/books.enseditions.42081
    Bouton, Christophe, et Emmanuel Renault, éd. Lire la Phénoménologie de l’esprit de Hegel. Lyon: ENS Éditions, 2022. https://doi.org/10.4000/books.enseditions.42081.
    Bouton, Christophe, et Emmanuel Renault, éditeurs. Lire la Phénoménologie de l’esprit de Hegel. ENS Éditions, 2022, https://doi.org/10.4000/books.enseditions.42081.
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