1Pourquoi réaliser une recherche à partir de l’interculturalité dans l’enseignement de l’histoire en Catalogne ? La réalité catalane est multiculturelle à deux niveaux. D’un côté, la Catalogne possède une langue et une histoire particulières qui cohabitent avec la langue espagnole et avec l’histoire de l’Espagne. De l’autre, la provenance des immigré(e)s est double : ceux qui maîtrisent la langue espagnole (provenant essentiellement de l’Amérique latine) et ceux qui ne dominent aucune des deux langues officielles (immigrants d’origine européenne, africaine et asiatique).

2L’existence de différentes cultures dans notre société n’est pas un phénomène récent. Un historien tel que Vicens Vives a déjà dépeint en 1954 la Catalogne comme une terre de passage, d’accueil, de métissage :

Comme tous les peuples de passage, les Catalans sont enclins aux refus intempestifs et aux abandons affectifs, aux haines primaires et aux embrassades cordiales. Les va-et-vient de personnes étranges sur notre territoire nous a rendus incongrus et paradoxaux. Nous sommes le fruit de diverses levures et, par conséquent, une bonne tranche du pays appartient à une biologie et à une culture du métissage. […] Le mouvement d’immigrations n’a jamais cessé.1

3Mais en Catalogne et en Espagne, on n’avait jamais, jusqu’à aujourd’hui, eu une telle conscience de l’importance du phénomène migratoire.

4En outre, il est de plus en plus fréquent dans les pays multiculturels – dont la Catalogne fait partie – de contester l’approche de l’histoire européanocentrique et patriote, considérant qu’elle n’est pas la plus adéquate pour répondre aux besoins d’une société démocratique et plurielle. De plus, faire connaître les « cultures minoritaires » aux étudiants de la « culture majoritaire » représente aussi un vaccin important contre les stéréotypes et contre le racisme si cela est fait à partir d’une approche égalitaire et non pas de soumission.

5Dans ce travail, nous présentons certains résultats d’une recherche qualitative réalisée depuis l’année 2005 jusqu’en 2010. Le groupe de travail a été constitué par un total de quinze professeurs de didactique de l’histoire et des sciences sociales issus d’une part de l’Universitat Autònoma de Barcelona (constitué en GREDICS, Groupe de recherche en didactique des sciences sociales 2009SGR468) et, d’autre part, de sciences sociales dans l’éducation secondaire, bien que ce nombre ait varié au fil du temps en fonction des disponibilités des professeurs.

6Les objectifs généraux des recherches réalisées par le GREDICS ont varié depuis l’année 2005-2006, mais son objectif principal a été de chercher à savoir ce que les adolescents qui vivent et étudient en Catalogne et terminent l’enseignement secondaire savent de l’histoire, comment ils l’ont appris et comment ils l’utilisent pour s’orienter dans leur monde et dans leur futur.

7Après ces cinq années, nous nous accordons à affirmer que tout au long de cette période, nous avons consolidé une manière de faire de la recherche dans laquelle existe un dialogue constant entre la pratique et la théorie, et où nous partageons avec des professeurs de sciences sociales et d’histoire de l’éducation secondaire les réflexions théoriques, la conception de matériels et l’analyse critique de l’expérimentation dans la pratique. Notre modèle cherche à apporter des éléments d’amélioration à la formation à la pensée historique, à la formation des professeurs et à la construction d’une théorie sur la recherche en didactique des sciences sociales. P. Jonnaert et S. Laurin2 considèrent qu’il existe deux types de recherche en didactique : celle qu’ils dénomment « recherches de didactique » et celle qu’ils baptisent sous le nom de « recherches sur les didactiques ». La première catégorie est destinée à chercher des réponses permettant d’optimiser, d’une manière ou d’une autre, le processus d’enseignement et d’apprentissage. La seconde constitue par ailleurs un métadiscours sur la didactique, une réflexion épistémologique ou historique sur la didactique elle-même et sur les concepts qu’elle utilise. Dans ce travail, nous présentons une recherche s’évertuant à être « de » didactique tout autant que « sur » la didactique.3

La création d’un modèle conceptuel sur la formation de la pensée historique

8Ce modèle est basé sur quatre aspects fondamentaux de la formation de la pensée historique : a) la conscience historico-temporelle ; b) la représentation de l’histoire à travers le récit et l’explication historique ; c) l’empathie historique et les compétences à mettre en contexte ; d) l’interprétation de l’histoire à partir des sources. La construction de ce modèle conceptuel a été complétée tout au long des trois projets de recherche, de telle manière que nous pouvons actuellement le présenter comme un modèle pour la recherche et pour l’innovation dans l’enseignement de l’histoire. Ainsi, le modèle s’est converti en un instrument de la recherche elle-même, et il a été en même temps un objectif et un résultat de cette dernière.

Proposition d’un schéma conceptuel pour la pensée historique (réalisé par Antoni Santisteban)

La conscience historico-temporelle

9La conscience historique est fondamentale pour l’éducation à la citoyenneté. La conscience historique est une conscience temporelle, elle se configure à partir des relations que nous établissons entre le passé, le présent et le futur.4 Elle n’est pas seulement un concept en relation avec le passé ou avec le souvenir d’événements déterminés, mais elle a besoin du passé en tant qu’apprentissage pour la construction du futur. L’histoire enseignée est avant tout considérée comme un projet de futur.

La représentation de l’histoire à travers le récit et l’explication historique

10Pour J. Rüsen5, il existe un discours historique qui distingue la mémoire de la conscience historique, bien que la distinction ne soit pas facile. Ces deux concepts touchent le même domaine, mais ils ont été configurés de manière différente. Le discours sur la mémoire établit une claire distinction entre le rôle joué par les représentations historiques dans la culture générale et les procédures rationnelles de la pensée historique par lesquelles la connaissance est créée. Il souligne ainsi la force du passé dans les procédures pré-rationnelles de représentation. Il s’agit de dévoiler toutes les manières de construire ou de conserver le passé dans le présent.

11Le discours sur la conscience historique comprend la rationalité des procédures de la pensée humaine. Il s’intéresse tout particulièrement à ces formes de représentation qui attribuent au passé la forme distinctive de l’histoire. Il interprète en outre l’impact de l’histoire sur les perspectives futures de la vie humaine. Nous ne pouvons pas, par conséquent, séparer la conscience historique de la représentation de l’histoire et nous ne pouvons pas non plus séparer ces représentations de ce que sont les récits de nos élèves. Mais comme l’affirme S. Pla6, l’enseignement de l’histoire doit amener les élèves à réaliser des récits historiques, causals et intentionnels, où les personnages, les scénarios et les faits historiques sont situés sur une trame cohérente de la représentation.

L’empathie historique et les compétences à contextualiser

12Pour S. Levesque7, dans le passé, non seulement les gens menaient un mode de vie différent, mais ils réalisaient des expériences et agissaient selon des normes et des systèmes de croyances différents. Pour tenter de donner du sens à la connaissance de ces situations, les historiens ont créé et imaginé la situation à travers la compréhension empathique, en même temps qu’ils ont mis le concept de passé en accord avec leurs perceptions contemporaines et leurs jugements moraux. Pour K. Jenkins8, l’empathie est une illusion qui a pris force, plus particulièrement, dans l’enseignement de l’histoire, alors qu’en réalité elle constitue une entreprise aussi impossible qu’inutile. Dans tous les cas, l’empathie requiert l’imagination historique et la contextualisation de nos jugements sur le passé.

13Pour R. Martineau et C. Dery9, l’enseignement de l’histoire doit être un instrument pour former la pensée critique et créative ; critique pour réaliser des évaluations du passé, des comparaisons et pour établir des relations avec le présent, créative pour imaginer des futurs alternatifs dans l’évolution des problèmes sociaux actuels.

L’interprétation de l’histoire à partir des sources

14Pour F. R. Ankersmit10, lorsque nous interprétons des données ou des sources historiques, nous y incorporons notre expérience historique. Dans l’enseignement, lorsque nous souhaitons que les élèves « vivent l’histoire », leur expérience historique peut constituer un instrument de motivation et de compréhension très utile. Lorsque l’on cherche à ce que les élèves développent leur pensée historique, les sources historiques se convertissent en éléments centraux du processus d’enseignement et d’apprentissage. Dans ce sens, le travail avec les sources doit être réalisé à partir de problèmes historiques, dans lesquels les élèves mettent en jeu leur expérience historique, pour le développement de la compétence historique.11

15L’enseignement de l’histoire au moyen de sources historiques aide à dépasser la structure organisationnelle des livres de texte ; il permet de connaître l’histoire la plus proche, mais aussi d’établir des relations avec d’autres réalités ; il génère une connaissance historique conçue comme une connaissance discutable ; il permet aux élèves d’entrer dans le contenu problématique de la discipline ; il met en jeu le concept d’objectivité par rapport au manuel ou au texte historiographique ; il permet de contempler les événements passés à partir d’une sorte « d’espace naturel » et il met directement les élèves en relation avec le passé ; il facilite le protagonisme et l’autonomie de l’étudiant dans sa propre reconstruction de l’histoire ; il diversifie le processus d’enseignement-apprentissage et il favorise finalement la richesse des expériences.

Le travail commun avec le professorat de sciences sociales

16La recherche a été focalisée sur l’analyse du processus d’expérimentation de certaines propositions didactiques et elle nous a permis d’en savoir un peu plus sur la manière d’introduire de bonnes pratiques dans l’enseignement de l’histoire12 dans des contextes multiculturels, où l’on trouve un pourcentage significatif d’élèves récemment arrivés. Nous avons essentiellement travaillé avec les productions écrites des élèves, avec des observations ethnographiques, avec des enregistrements de quelques sessions de classe et des travaux de groupes d´élèves, et avec le journal de classe des professeurs.

Le premier projet

17Le premier projet surgit d’une demande des professeurs de sciences sociales, de géographie et d’histoire responsables des classes d’accueil des élèves immigrés dans des établissements locaux. Ainsi, le premier projet (2005-2007) avait pour objectifs : a) de décrire les représentations que les jeunes immigrants ont du pays d’accueil, de son histoire et de sa culture ; b) d’analyser les connaissances historiques apprises lors de leur scolarisation antérieure ; c) de développer et d’expérimenter une proposition curriculaire pour l’enseignement de l’histoire aux élèves d’immigration récente et d) de valider un modèle curriculaire dans lequel on cherchait à articuler la compréhension historique avec la construction de sens historique.

18Les critères d’analyse des représentations historiques des élèves ont été établis, nous avons analysé leurs connaissances et nous avons élaboré et expérimenté deux unités didactiques : « La dictature (1939-1975) et la démocratie (1978-2007) en Espagne », et « Les mouvements migratoires : l’immigration en Catalogne à la moitié du xx^e siècle ». Nous avons analysé l’expérimentation réalisée avec quarante élèves (qui étaient arrivés en Catalogne entre 2002 et 2006) de cinq centres éducatifs, à partir d’entretiens en groupes aux élèves, des observations et des enregistrements de cours.13

Le deuxième projet de recherche

19Ce projet a été réalisé dans le courant de l’année 2007-2008. Dans ce projet, nous avons insisté sur l’enseignement de l’histoire à partir de l’interculturalité, à partir de thématiques pour aider à comprendre la pluralité et la diversité culturelle. Les objectifs étaient : a) d’identifier et d’analyser les stratégies et les difficultés des élèves pour établir des relations temporelles ; b) d’interpréter les stratégies historico-narratives utilisées par les élèves pour construire et émettre des jugements et c) d’identifier et d’analyser la manière dont les élèves organisent les éléments du discours historique.14

20Les unités didactiques confectionnées et expérimentées étaient les suivantes : « Pouvons-nous cohabiter avec des personnes de cultures différentes ? » (pour les élèves de première année de l’éducation secondaire, de 12-13 ans) et « Les migrations : un phénomène nouveau ? » (pour les élèves de troisième et quatrième année de l’enseignement secondaire, de 14-16 ans). Chaque unité a été expérimentée pendant six sessions de travail d’une heure chacune. La première et la dernière sessions étaient identiques pour les deux unités didactiques car nous avons cherché à comparer ce que les élèves savaient au début et ce qu’ils avaient appris à la fin. Les contenus étaient cependant distincts. 71 élèves ont participé – 27 provenant d’un établissement privé et 44 d’un établissement public – de trois établissements éducatifs, parmi lesquels 20 % étaient des immigrants. Dans ce projet, le contexte était celui de la salle de classe habituelle, où les observations ont été réalisées et où nous avons analysé et interprété les productions écrites des élèves.

Le troisième projet de recherche

21Entre 2008 et 2010, les objectifs suivants ont été développés : a) caractériser et analyser les processus cognitifs de la pensée historique, à partir de l’approche d’un problème historique ; b) décrire le processus d’interprétation de sources historiques à partir de l’utilisation de stratégies interactives et coopératives ; c) analyser les capacités des élèves pour mettre en valeur et comparer des interprétations historiographiques du même fait historique ; d) connaître les processus de représentation de l’histoire à travers des formats audiovisuels, où divers éléments explicatifs sont combinés dans le récit historique.

22Le travail a pris la forme de l’élaboration d’une séquence didactique sur « Les causes de l’exil pendant la Guerre civile », proposées aux élèves comme un problème auquel ils devaient apporter une réponse, à partir de la question : Pourquoi sont-ils partis ? La thématique nous permet de faire une réflexion sur la pluralité, la cohabitation et le conflit dans le passé, à partir de la défense des valeurs démocratiques. Six sessions ont été préparées, avec une session antérieure à celles-ci où l’on a analysé les idées des élèves à partir d’une activité d’introduction qui reproduisait à petite échelle le travail postérieur avec les sources historiques.

23Dans l’expérimentation de la séquence didactique, cinq professeurs d’histoire ont collaboré, qui enseignaient l’histoire en 2^e année (un groupe), 3^e année (quatre groupes) et 4^e année (deux groupes) du premier cycle de l’enseignement secondaire, ainsi qu’en 2^e année du deuxième cycle (post-obligatoire), dans quatre établissements, avec un total de dix groupes-classes et avec la participation de 231 élèves au total.

L’analyse critique de la pratique de l’enseignement de l’histoire

24Les trois projets ont constitué une recherche contextuelle et interprétative, et ils ont été caractérisés par le fait que :

• les dynamiques qui se produisent dans les salles de classe sont réelles, et elles sont donc extrapolables à des situations similaires, ainsi les résultats peuvent être transférables à des contextes proches ;
• les professeurs – qui font partie du groupe de recherche – agissent en toute normalité, sans penser à aucun moment qu’ils se trouvent dans une situation exceptionnelle ;
• la pratique fournit des résultats imprévisibles mais d’une grande richesse. Dans une dynamique de classe normale, il n’arrive pas toujours ce qui a été programmé, même dans le cadre d’une recherche. Le fonctionnement et la vie d’une classe ne reproduisent pas les étapes logiques d’une recherche.

25Voici ce que nous pouvons conclure globalement sur les représentations des élèves, les caractéristiques des récits et le développement des compétences de la pensée historique. Premièrement, la représentation de l’histoire à travers les récits des élèves nous a permis de connaître leurs discontinuités pour se situer dans l’histoire. Une grande majorité des élèves interviewés savaient très peu de choses sur l’Espagne ou la Catalogne. Ils connaissaient seulement certains personnages, des stéréotypes sur l’histoire nationale et des questions actuelles présentes dans les moyens de communication. Les contenus historiques travaillés ont été filtrés par l’expérience historique individuelle des élèves. Ces derniers ont assimilé des contenus, vu qu’ils ont été utilisés de manière adéquate, bien qu’ils les aient réélaborés à partir de leur expérience personnelle particulière.

26Concernant les récits des élèves, les éléments étaient peu structurés. Certains élèves ont fait preuve de capacités significatives pour expliquer leur passé et le mettre en relation avec leur présent. Les explications causales des élèves étaient majoritairement dirigées vers des motivations ou des intentionnalités individuelles des protagonistes.

27Enfin, pour ce qui relève du développement des compétences de la pensée historique, les élèves rencontrent de grandes difficultés pour « se mettre à la place de l’autre » et pour contextualiser leurs jugements sur le passé. Ainsi, le critère des élèves est construit à partir des valeurs et des motivations du présent et depuis le présent. Seule une minorité d’élèves utilise l’histoire pour expliquer le présent et projeter le futur, et seule une petite proportion contextualise correctement les faits historiques, bien que les plus grandes difficultés se rencontrent lorsqu’il s’agit d’établir une ligne temporelle passé-présent-futur. Les élèves sont capables d’établir des relations entre différentes sources historiques, ainsi que d’interpréter les causes de l’exil à partir de ces dernières, mais les mécanismes qu’ils utilisent pour apporter une réponse au problème qui a été proposé (pourquoi sont-ils partis ?) reproduisent ou cherchent à reproduire ceux du commentaire de texte. Ils pensent que la réponse est dans le texte d’une des sources, ou dans les images. La réalisation de la vidéo avec des moyens informatiques en tant que représentation historique finale, qui apportait une réponse au problème soulevé au début, a mis en évidence les difficultés du travail coopératif, en même temps qu’elle confrontait les connaissances des uns avec celles des autres, par exemple dans le domaine de la symbologie, de la musique, des concepts, etc. Les résultats des vidéos produites sont très satisfaisants, si l’on laisse de côté quelques incohérences historiques ponctuelles.

28En général, les récits sont d’une grande richesse, d’une plus grande complexité que d’autres types de représentations historiques, ils constituent un recueil du processus de travail et du débat des élèves, exprimés avec créativité. Mais il faut dire que l’organisation curriculaire des établissements et le curriculum chronologique de l’histoire lui-même constituent des entraves pour incorporer des innovations à l’enseignement.

29Parfois, les chercheurs en didactique des sciences sociales ne sont pas sûrs d’eux-mêmes en matière de méthodologie. L’« incertitude intellectuelle » génère une conformité méthodologique avec toutes et chacune des approches de la recherche, qu’elles soient positiviste, ethnographique, phénoménologique ou critique.15 Les discours d’exclusion évitent un débat nécessaire sur les méthodes de recherche en didactique des sciences sociales, débat qui ne peut pas se focaliser sur l’affrontement entre le quantitatif et le qualitatif. Par nos expériences de recherche en tant que groupe (GREDICS), nous avons pu vérifier que le plus important est, comme l’affirme Eisner16, ce que sont les objectifs de la recherche plutôt que la nature des instruments utilisés.

30Il conviendrait de penser et de débattre sur les caractéristiques de nos méthodologies dans une direction similaire à celle qui est proposée dans les travaux édités de M.-J. Perrin-Glorian et Y. Reuter :

La nécessité, pour toute discipline, de réfléchir à ses fonctionnements et à ses spécificités ainsi que de confronter ses pratiques pour mieux comprendre et se donner les moyens de les améliorer […] peut être considéré comme une nécessité épistémologique pour toute discipline de recherche. C’est en effet en grande partie par l’usage de méthodes de recherche contrôlables que le discours scientifique peut construire des résultats différenciés des opinions. Il représente ainsi une composante structurelle de la réflexion sur la définition, les fonctionnements, les modes de travail, les normes de scientificité, inhérente à toute discipline de recherche. 17

31Nos recherches nous permettent de travailler dans le domaine de la formation des instituteurs et institutrices d’école primaire et secondaire à partir des problèmes réels dans une lignée très similaire à celle proposée par Johnston18 lorsqu’il affirme :

Les formateurs d’instituteurs et d’institutrices, qui travaillent avec des élèves instituteurs montreront directement la valeur de l’investigation pour le développement professionnel en faisant de la recherche. Si nous voulons de futurs instituteurs qui soient, de manière critique, pratiques et réflexifs, alors nous devons modeler ce qui y ressemble dans nos propres programmes de formation d’instituteurs et dans l’enseignement dans les classes.

32Dans nos recherches, dans la lignée de celles qui ont été présentées ci-dessus, nous tentons de générer une connaissance théorique à partir de la pratique, une connaissance pratique à partir du débat avec les professeurs, à partir des investigations en matière de représentations sociales des élèves, à partir de leurs processus et leurs productions, générés dans la salle de classe et dans les mêmes conditions quotidiennes que celles de l’enseignement des sciences sociales. Tout au long de ces années, nous avons appris que la recherche « de » et « sur » la didactique des sciences sociales requiert une réflexion profonde sur les méthodes de recherche, qui génèrent des modèles utiles pour l’amélioration de l’enseignement et pour la formation des professeurs, en plus d’aider à construire la discipline elle-même. Finalement, la conséquence la plus importante du processus qui a été décrit ci-dessus pour les trois projets de recherche est la satisfaction en ce qui concerne la formation de ces professeurs et surtout en ce qui concerne notre propre formation.