Nature de la lumière et science de l’optique chez Hobbes
p. 33-48
Texte intégral
« Ablato omni vidente lumen non amplius existat. »
Tractatus opticus II, IV, 1 51.
« Sight and light is the same thing. » A Minute or First Draught of the Optiques, IL 12.
1On ne sera pas surpris de ce que l’on aborde ici la théorie de la lumière chez Hobbes si l’on fait abstraction d’une longue tradition encore persistante qui privilégie l’œuvre politique du philosophe anglais et si l’on considère l’importance quantitative de ses œuvres scientifiques qui s’inscrivent dans un ensemble plus vaste englobant l’étude du corps (De Corpore, 1655), de l’homme (De Homine 1658) et du citoyen (Cive, 1642), soient les trois parties des Éléments de philosophie. L’ordre logique de ce système, bien que non chronologique, exige cependant que la philosophie civile soit fondée sur la philosophie naturelle que l’on retrouve dans les premiers chapitres des œuvres plus proprement politiques comme les Elements of Law (1640) ou le Léviathan (1651). Mais dans la philosophie naturelle, l’optique n’est pas un chapitre parmi d’autres, c’est au contraire la première science à laquelle Hobbes va s’intéresser et consacrer de nombreux écrits de 1630 à 1649. Par ailleurs, plus que toute autre science, l’optique est pour Hobbes, comme pour la plupart des savants du XVIIe siècle3, liée à la question de la définition même de la science, à la question de sa méthode. À cet égard, il est significatif que dans le chapitre VI du De Corpore, intitulé « De la méthode », Hobbes prenne justement l’exemple de la question de l’origine de la lumière pour illustrer sa conception de l’aspect analytique de sa méthode. Enfin, il est remarquable que Hobbes termine son traité d’optique rédigé en anglais, A Minute or First Draught of the Optiques, par la déclaration suivante :
« S’il se trouve que ma doctrine est exacte bien qu’elle mérite encore d’être polie, je m’honore de la réputation d’avoir été le premier à établir les fondements de deux sciences : celle-ci qui traite de l’optique, la plus curieuse des sciences, l’autre, qui traite de la justice naturelle, que j’ai faite dans mon livre De Cive la plus profitable d’entre toutes4. »
2Ici, l’on voit clairement combien la science de l’optique est importante pour Hobbes. On s’en convaincra d’autant plus si l’on considère non seulement les œuvres publiées mais encore les manuscrits et sa correspondance avec Descartes5 (1640-1641) par l’intermédiaire de Mersenne6. On ne compte, en effet, pas moins de trois traités d’optique, deux en latin, le troisième, A Minute or First Draught of the Optiques, en anglais. Seul le premier7, écrit en 1640, sera publié par Mersenne en 1644 et constitue le livre VII de l’optique de l’Universae geometriae mixtaeque mathematicae synopsis (p. 567-589), le second, écrit entre 1644 et 16458, demeurera inédit, comme l’important manuscrit consacré à l’examen critique du De Mundo de Thomas White9 (1642-1643) dont le chapitre IX traite de la lumière, ainsi que le troisième, A Minute or First Draught of the Optiques (1646-1648), composé de deux parties (la première, consacrée à l’optique physique donne l’explication de la nature de la lumière, la seconde, traitant d’optique physiologique décrit le phénomène de la vision).
3Mais, précisément, ce passage présente deux difficultés : tout d’abord, si l’on suit volontiers Hobbes dans sa prétention à fonder la science politique, force est de constater que la figure de Hobbes fondateur de la science de l’optique est loin d’être évidente. Déjà à son époque, on constate un certain climat de concurrence où dominent les querelles de priorité et les accusations de plagiat. Manifestement Hobbes a fait savoir ses idées trop tard, bien après la publication en 1637 de la Dioprique de Descartes. Par ailleurs, l’importante production scientifique du philosophe anglais, en particulier en optique, est pratiquement passée inaperçue auprès des historiens des sciences10. Cependant, si l’on prend au sérieux la haute opinion que Hobbes semble avoir de sa contribution à la science de l’optique, il importe de savoir en quoi il fut véritablement novateur en ce domaine.
4La deuxième difficulté est liée à la première. L’on sait par le témoignage de deux lettres11 que Hobbes avait l’intention de traduire en latin et de publier au plus tôt A Minute or First Draught of the Optiques. Au lieu de cela, il n’en traduit en latin que la deuxième partie qu’il intègre, après quelques remaniements, dans le corps du texte du De Homine publié en 58. Dans le passage de l’anglais au latin, on notera une différence notable : la disparition de cette conclusion en forme d’auto-satisfecit. Il convient donc d’examiner les raisons de cette autocensure qui semble remettre radicalement en cause les prétentions de Hobbes au fondement de l’optique.
5En nous limitant à la seule question de la nature de la lumière, nous aborderons ici ces deux difficultés en renvoyant le lecteur aux récents travaux12 consacrés aux écits optiques de Hobbes, à l’évolution de sa pensée et à son rapport à la Dioprique de Descartes.
L’importance de l’optique dans l’œuvre de Hobbes : le commencement de la philosophie
6C’est par la philosophie naturelle que commence la carrière philosophique de Hobbes, en particulier par le problème de la nature de la sensation. Nous en avons confirmation par le témoignage de Hobbes qui raconte dans son autobiographie en prose13 qu’alors qu’il se trouvait au milieu d’une « assemblée de doctes », il fut surpris de constater qu’aucun d’eux n’avait su donner une réponse satisfaisante à la question de la nature de la sensation. Hobbes soutient qu’après avoir longuement réfléchi à cette question, il fut le premier à parvenir à cette conclusion que la sensation comme tout autre phénomène doit être expliquée par une variation du mouvement : (causam omnium rerum quaerendam in diversitate motuum. Atque hoc principio usus est primo). Ce qui constitue donc la thèse fondamentale de la philosophie naturelle de Hobbes, à savoir la réduction de toutes les causes des phénomènes au mouvement, avant même qu’il soit question d’avoir recours aux mathématiques et en particulier à la géométrie pour en spécifier les modalités, est présenté par Hobbes comme une idée originale et développé dans un premier temps dans le champ spécifique de l’optique. Cette précision chronologique est importante. Bien que Hobbes n’en précise pas la date, cet épisode doit avoir eu lieu peu avant son départ pour son deuxième voyage sur le continent (avril-mai 1629 – octobre-novembre 1630) ou peu après, c’est-à-dire en même temps qu’un autre épisode tout aussi fondamental : la découverte des Éléments d’Euclide dont Hobbes dit qu’il avait été séduit « par la méthode... non pas tant pour les théorèmes que pour la technique du raisonnement (ob artem ratiocinandi) ». On peut cependant douter que Hobbes ait découvert les mathématiques en même temps que les Éléments d’Euclide et il est plus vraisemblable que son intérêt pour la géométrie ait été suscité par sa fréquentation des textes14 traitant de l’optique, considérée traditionnellement15 comme la science géométrique par excellence, qu’il aborde non seulement en physicien mais en philosophe prêt à trouver dans l’explication de la vision, (« le plus noble des sens »), un modèle pour la constitution d’une théorie de la connaissance. Ainsi, l’approche cinétique et mécaniste du problème de la nature de la sensation le conduit à élaborer assez tôt, dès 1630, une « doctrine sur la nature et la production de la lumière du son et de tous les autres phantasmes ou idées » décrits comme des représentations mentales causées par un mouvement de particules dans le cerveau. Par ailleurs, si Hobbes a besoin de rappeler qu’il fut « le premier16 », c’est que Descartes, d’abord, en 1641, précisément sur le terrain de l’optique, l’accusera de plagiat17 et qu’ensuite, l’un des premiers détracteurs de Hobbes, l’astronome et mathématicien anglais Seth Ward18 (1617-1689) l’accusera en 1654, après la publication du Léviathan (1651) de n’avoir fait que suivre l’exemple de Descartes, de Gassendi et de Kenelm Digby en fondant sa philosophie sur le mouvement, et, ce qui est plus grave, d’avoir plagié l’optique de son ami Walter Warner19. Dans cette dernière querelle, on constate que l’enjeu est plus idéologique et politique que purement scientifique. Mais en ce qui conceme les rapports entre Hobbes et Descartes, on peut difficilement réduire l’optique de Hobbes à une simple réaction à la Dioptrique de Descartes. Tout d’abord l’idée que l’explication de la lumière doit se faire par le mouvement est une certitude inébranlable, établie indépendamment de Descartes et présentée en référence aux théories précédentes, de Kepler et de Vitellion20. Descartes est un auteur comme un autre qu’il n’est d’ailleurs pas interdit d’approuver quand il ne se trompe pas, en l’occurrence, dans son refus des « espèces visibles des aristotéliciens21 ». En revanche, le désaccord théorique entre les deux philosophes porte d’abord sur le principe hobbesien selon lequel toute « action est mouvement local » : Descartes écrit à Mersenne22 que cette « première hypothèse est fausse », à la réduction hobbesienne de toute opération naturelle au seul mouvement local, Descartes oppose la distinction entre le mouvement actuel et « l’action ou l’inclination à se mouvoir23 », en quoi consiste la lumière. Cette distinction cartésienne entre mouvement et inclination, tout comme celle, dans le cas de la réfraction, entre la cause efficiente et la détermination ou la direction du mouvement n’ont pas de sens24 au regard de l’actualisme cinétique de Hobbes qui aboutit à une conception dynamique de la matière. Hobbes se veut plus attentif que son rival à la « raison physique » des phénomènes et l’abstraction géométrique de Descartes aboutit à des hypothèses véritablement inimaginables, à l’instar des qualités occultes de la métaphysique scolastique. Mais justement, la physique de Descartes repose sur sa métaphysique25. L’expression de fondement de l’optique dans le discours hobbesien prend alors un sens philosophique : entre deux explications mécanistes de la lumière, la plus fondée sera celle qui reposera sur des principes qui excluent toute substance immatérielle et toute expression ambiguë ou contradictoire telle que la thèse cartésienne selon laquelle le sujet de la sensation est l’âme et non le corps26. En ce sens, le véritablement fondement de la science qu’elle soit physique ou mathématique27 est à trouver dans la métaphysique de Hobbes c’est-à-dire la partie du De Corpore intitulée « Philosophie première ». Mais Hobbes a commencé tard à philosopher. En 1636, par exemple, un an avant la publication de la Dioptrique de Descartes, sa « Philosophie première » n’est qu’à l’état d’ébauche et sa réflexion sur les mathématiques encore embryonnaire, il n’est donc pas étonnant de constater que, pour ce qui est du mouvement impliqué dans la propagation de la lumière, ses modalités, dans le cadre d’une théorie des milieux, manquent encore de précision :
« Quand je dis la lumière passe, ou la couleur passe ou se diffuse, j’entends par là que le mouvement se trouve seulement dans le milieu, et la lumière et la couleur ne sont que des effets de ce mouvement dans le cerveau. Mais si l’on me demande quel sorte de mouvement je peux imaginer fans le milieu ou l’air qui touche le mur, et ce que devrait devenir un tel mouvement dans le mur ou ses parties, de telle sorte que l’air se meut dans toutes les directions, à cela je ne peux répondre28. »
7La lumière est seulement une poussée ou mouvement dans le milieu parcouru par des ondes dont la structure géométrico-mécanique reste donc encore à définir. Que la lecture de Descartes ait été à la fois stimulante et frustrante, on l’admettra volontiers avec Jean Jacquot29, l’éditeur de la Critique du De Mundo. Reste que c’est sur la base d’une culture scientifique plus vaste qui englobe la connaissance de Vitellion, de Kepler et de Galilée que Hobbes élaborera son explication mécaniste de la lumière30.
L’explication de la nature de la lumière
Permanence du mécanisme
8Si l’on considère l’ensemble de ses écrits sur la lumière, y compris les manuscrits nor publiés, force est de constater que les variations et nombreux réajustements que Hobbes apporta à sa théorie en rendent difficile une exposition synthétique. La disproportion entre les œuvres manuscrites et les œuvres publiées et l’éclatement de l’optique entre le De Corpore et le De Homine est sans doute un indice de la prise de conscience par Hobbes lui-même de cette difficulté. Toutefois, du Tractacus Opticus I au Decameron Physiologicum publié en 1678, en passant par la polémique avec Descartes, il est possible de dégager un certain nombre de constantes à commencer par l’adhésion aux principes généraux du mécanisme d’après lesquels les processus de la Nature ne comportent rien d’occulte, sont parfaitement objectifs et imaginables et se réduisent à des figures et à des mouvements. Les causes finales étant exclues, la Nature est régie entièrement par des causes efficientes et toutes les actions qui s’exercent dans la Nature sont des actions de contact (pression ou traction), toute force ou toute action à distance étant exclues.
9Si le mécanisme en optique s’accorde aussi bien avec une conception atomiste corpusculaire de la lumière qu’avec une conception ondulatoire, on ne sera pas surpris de constater que Hobbes a effectivement pensé dans ces deux directions : dans un premier temps qui correspond au Short Tract on First Principles31, Hobbes conçoit la lumière comme une réalité physique : des corpuscules émis par un corps lumineux qui se propagent à l’infini en ligne droite. Mais à partir de 1636, et de manière définitive, il opte pour une théorie des milieux, cadre théorique commun aux différentes explications qu’il donnera de la propagation de la lumière32. C’est donc à une théorie mécaniste des milieux que nous avons affaire quand nous abordons le TO I, seul écrit relatif à l’optique imprimé du vivant de Hobbes. Ce texte qui se présente more geometrico comprend cinq hypothèses qu’il faut considérer comme des principes de base plutôt que comme des conjectures33 et quatorze propositions numérotées (auxquelles il faut ajouter un postulat et un corollaire). Le mécanisme y est posé dès la première ligne de la première hypothèse : « Toute action est un mouvement local dans l’agent, de même que toute passion est un mouvement local dans le patient. »
10Les autres hypothèses établissent que la vision est une « passion produite par l’action d’un objet lumineux ». Il s’agit donc d’un mouvement qui, de la source à l’œil, se transmet sans transport de matière ni « aucune partie de la source ». Ni corps ou substance, ni substance immatérielle, la lumière est le résultat d’un mouvement imperceptible de pression ou de poussée de la source lumineuse sur le milieu qui lui est contigu, cette pression se propageant ensuite de proche en proche dans toutes les directions à travers tous les milieux environnants qui présentent d’autant plus de résistance qu’ils sont plus denses (fig. 1).
11Parce que la source et le milieu sont solidaires, le mouvement se propage à une distance infinie en un instant. Cela veut dire que la pression exercée sur le milieu de la part de la source agit instantanément sur l’œil et produit la vision. Mais comme Hobbes se rend compte que ce mouvement d’expansion ne peut pas être indéfini, ni pour la source ni pour le milieu, il suppose un mouvement de contraction du corps lumineux qui se trouve donc soumis à un mouvement alternant de systole et de diastole comparable au mouvement du cœur. Il est remarquable que cette hypothèse, loin d’être arbitraire, soit présentée par Hobbes comme la conséquence nécessaire à laquelle le raisonnement aboutit si l’on accepte les deux prémisses suivantes, acceptées par tous : d’une part que la cause efficiente de la vision réside dans l’objet, d’autre part, que l’objet doit être simultanément visible dans toutes les directions34. Enfin, la nature de la lumière consistant en du mouvement toujours actuel, la perception de la lumière (lumen) est également un mouvement dans l’œil. Là encore, Hobbes présente à partir des Elements of Law et dans ses trois traités d’optique, une explication mécaniste de la vision : l’appparition de la lumière à la conscience, que Hobbes finira par situer dans le cœur (FD, DCo) plutôt que dans le cerveau (TO I), résulte d’une réaction à l’impulsion venant de la source lumineuse par le nerf optique. Le mouvement issu du corps lumineux et dirigé vers l’intérieur donne lieu à un mouvement centrifuge qui produit l’impression d’extériorité des objets qui accompagne toute vision.
Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4

Le rayon lumineux et le processus de la réfraction
12L’originalité de Hobbes réside principalement dans son explication de la réfraction et dans sa conception du rayon lumineux, telles qu’elles apparaissent dans le TO I. En effet, le rayon lumineux n’est pas une entité physique mais seulement le chemin par lequel le mouvement issu d’une source lumineuse se propage par une succession de poussées à travers le milieu. Mais comme selon Hobbes seuls les corps peuvent se mouvoir, le rayon lumineux a trois dimensions et constitue un espace solide (OL V, p. 222). Toutefois, nous devons tenir compte du fait que l’exposé de Hobbes se limite au cadre de la géométrie plane : si l’on doit entendre par ces trois dimensions, la longueur, la largeur et l’épaisseur du rayon, l’on doit reconnaître que dans ses schémas, Hobbes ne considère le rayon qu’en coupe longitudinale sans considération de la surface de contact entre deux milieux. En conséquence, deux dimensions seulement sont représentées : la longueur du rayon AI ou BK (fig. 2) et ce qu’il appelle la « ligne de lumière » qui correspond aux segments CD, EF, GH, IK, de longueur constante et perpendiculaires à la direction de propagation.
13Pour expliquer la réfraction d’un rayon qui traverse deux milieux de densité différentes, il faut considérer les vitesses de chaque partie du rayon lumineux. Dans le cas d’un milieu homogène, le chemin par lequel le mouvement se propage peut être comparé au trajet d’un cylindre en rotation dont toutes les parties se meuvent avec la même vitesse. La ligne de lumière conserve la même longueur et est perpendiculaire à la direction du mouvement ; on a alors un parallélogramme ABCD (fig. 3) dont on peut négliger la largeur CD, si bien que le rayon peut être considéré comme une ligne mathématique, c’est-à-dire abstraction faite de la matière et de la largeur. En revanche, si les milieux ne sont pas homogènes, les différentes parties de la ligne de lumière AB ne se déplacent pas avec la même vitesse qui est inversement proportionnelle à la densité du milieu. La ligne de lumière qui demeure toujours perpendiculaire à la direction de poussée et conserve la même longueur ne se comporte plus comme le côté d’un cylindre mais comme un « tronc de cône » dont les bases en A et B sont comme « deux roues inégales ». La courbure du rayon réfracté correspond alors au mouvement décrit par ce tronc de cône suivant les arcs de cercle inégaux AH et BR.
14Cependant, la prise en compte d’inégalités de vitesse dans le cas d’un rayon incident oblique fait qu’il est impossible de le considérer comme une ligne mathématique ; on doit au contraire prendre en compte sa largeur car les côtés du rayon incident sont de longueurs inégales (fig. 4). On voit donc qu’à travers sa conception du rayon lumineux, Hobbes se démarque à la fois de l’optique de Kepler et de Descartes sur la question des rapports entre la science de l’optique et les mathématiques. Loin d’être une branche de la géométrie l’optique de Hobbes est une science mixte, mathématique appliquée à la physique. Le rayon n’est pas la pure fiction qu’est la ligne mathématique, longueur sans largeur35. Malgré ses trois dimensions, il n’est pas davantage un corps, et, pour dissiper tout malentendu, Hobbes, dans le Tractacus Opticus II, substituera au terme de « rayon » celui de « radiation36 » (radiatio).
La lumière comme phantasme du sujet percevant
15À la différence de Descartes, Hobbes aborde directement la question de la nature de la lumière et éprouve la nécessité d’examiner les théories antérieures et contemporaines auxquelles il reproche de ne pas avoir expliqué de manière satisfaisante pourquoi les mêmes choses peuvent nous apparaître avec des grandeurs et des figures différentes ou à des distances inégales, et d’avoir considéré à tort la lumière comme une propriété objective alors qu’en réalité elle n’est rien d’autre qu’un phintasme inhérent au sujet percevant qui consiste en un mouvement interne dirigé vers l’extérieur produit par réaction au mouvement émis par un objet extérieur.
16Son analyse du phénomène de la vision et l’explication de la nature de la lumière s’inscrivent dans le contexte plus global d’une thèse que dans l’ouvrage de philosophie politique intitulé The Elements of Law Natural and Politic37rédigé en 1640, Hobbes tient à présenter comme paradoxale :
« Puisque l’image que nous avons dans la vision, image qui est faite de couleur et de forme, est la connaissance que nous avons des qualités de l’objet de cette sensation, il n’est pas difficile d’adopter l’opinion que couleur et forme sont elles-mêmes les qualités ; et pour la même raison, que le son et le bruit sont les qualités de la cloche, ou de l’air. Cette opinion est depuis si longtemps reçue, que le contraire doit nécessairement apparaître comme un grand paradoxe ; et pourtant l’introduction d’espèces visibles et intelligibles (qui est nécessaire si l’on veut maintenir cette opinion) partant de l’objet et y retournant dans un va-et-vient, est pire que tout paradoxe, car c’est tout simplement une impossibilité » (chap. II, § 4, trad. Roux, p. 133).
17Paradoxale en ce qu’elle prend le contrepied d’une longue tradition scolastique des espèces intentionnelles, l’opinion de Hobbes consiste à radicaliser la thèse galiléenne de la subjectivité des qualités sensibles énoncée dans Il Saggiatore38, publié en 1623. Examinant la question de savoir si le mouvement est cause de la chaleur, Galilée est conduit à préciser que la chaleur, la couleur, l’odeur ou la saveur d’un corps ne sont pas des qualités inhérentes à ce corps mais dépendent de nos organes de perception. Hobbes applique le même raisonnement à propos de la lumière – ce que Galilée ne fait pas – sans d’ailleurs véritablement expliciter le glissement qu’il opère en assimilant lumière et couleur. Avant de conclure comme en passant qu’une « apparition de lumière à l’extérieur n’est réellement que du mouvement à l’intérieur », conclusion qui suit l’analyse des effets d’un coup porté sur l’œil, il établit sa théorie cognitive sur les quatre points suivants :
« 1. Que le sujet à quoi couleur et image sont inhérents n’est point l’objet ou la chose vue.
Qu’il n’y a rien de réel hors de nous qu’on puisse appeler image ou couleur.
Que ladite image ou couleur n’est qu’une apparition de ce mouvement, cette agitation, ou altération que l’objet opère dans le cerveau ou les esprits, ou quelque substance au-dedans de la tête.
Que dans la conception que nous formons par la vision, et dans les conceptions qui naissent des autres sensations, le sujet à quoi ces qualités sont inhérentes n’est point l’objet mais celui qui sent » (ibid).
18Mais la nature paradoxale de ces thèses ne suffit pas à rendre raison des prétentions de Hobbes que nous nous proposions de comprendre au début de cette étude. Toutefois, si Galilée, Descartes et Hobbes se rejoignent dans une démarche commune d’explication mécaniste de la lumière, si, plus particulièrement, Hobbes et Descartes partagent la même analyse de la subjectivité des qualités sensibles39, Hobbes est le seul qui applique au processus de la perception visuelle un modèle mécaniste et matérialiste intégral : seul le mouvement peut être le sujet du mouvement et, par conséquent, l’âme dont parle Descartes ne peut être qu’une substance corporelle40. Reste à comprendre maintenant pourquoi Hobbes n’a pas jugé utile de publier cette déclaration dans laquelle il revendique si fermement un premier rôle dans l’histoire de l’optique, si bien que ni sa réputation ni le destin éditorial de ses œuvres ne sont à la hauteur de ses ambitions et de la haute opinion qu’il avait de sa propre contribution, pourtant non négligeable, à la science de l’optique.
Les difficultés théoriques
19En 1649, après donc l’élaboration de son traité le plus complet, le First Draught, dont il traduit en latin la seconde partie pour son De Corpore futur, Hobbes est en possession d’une théorie unifiée prête à s’intégrer dans la physique, comme partie essentielle. Or, déception et surprise, il change d’avis : l’optique se retrouve dans le De Homine. Comment justifier cette évolution ? On a vu que le début des Elements of Law situe l’optique à partir de la réflexion sur les sens (1640). Encore en 1646, date de la préface au lecteur du De Cive, le De Homine est décrit comme la seconde section qui commence avec l’imagination, c’est-à-dire la première phase cognitive après la sensation, mais rien n’indique que l’optique doive appartenir à cette section des Éléments de philosophie. Enfin, en 1655, dans le De Corpore, les angles de réflexion, la réfraction et la réflexion sont étudiés de manière générale, sans se limiter à l’optique dans les chapitres XIX et XXIV. Lumière et couleur font l’objet du chapitre XXVII, le diaphane et l’opaque sont traités à l’art. 13 du chapitre XXVIII, enfin le chapitre XXV, le plus important pour la physique, ébauche le processus de la vision mais reporte au De Homine les questions du lieu de l’image et des illusions d’optique sous prétexte qu’elles dépendent en bonne partie de la constitution de l’œil humain (Dco, chap. XXV, art. 11), ce qui est d’autant plus étonnant que cette constitution est donnée précisément à l’article précédent et non pas dans le De Homine.
20Tous ces bouleversements sont dus aux difficultés théoriques consécutives au revirement ce Hobbes sur la possibilité du vide qu’il nie radicalement dans le courant de l’année 1648. En effet, jusqu’au début de cette année, il admet la possibilité de vides interstitiels nécessités par sa théorie du mouvement de dilatation et de contraction des corps lumineux. Dans une lettre à Mersenne41 du 17 février 1648, il maintient cette position en commentant l’ouvrage du jésuite Noël intitulé Le Plein du vide :
« Pour résumer mon opinion à propos du vide, je suis du même avis qu’auparavant : il existe certains espaces très petits, ici et là, dans lesquels ne réside aucun corps. »
21Cependant, une difficulté demeure : la question physique posée par les expériences de Torricelli et de Pascal concerne la possibilité pour la lumière de passer à travers le tube dans lequel on a fait le vide. Si tel est le cas, c’est-à-dire s’il y a bien une image visible dans le vide, la conception de la transmission de la lumière à travers le milieu est radicalement mise en question et il faut plutôt admettre la transmission de la lumière à travers un espace vide, littéralement sans milieu. Pour sa part, Hobbes ne semble pas prêt à renoncer à sa théorie des milieux. Aussi, ajoute-t-il un post-scriptum, dans lequel il demande à Mersenne d’examiner l’mage qui est visible à l’intérieur du tube en étudiant la possibilité que la transmission de l’image par les rayons ne se fasse pas à travers le vide – cela lui semble « impossible » – mais à travers le corps du tube suivant un mouvement circulaire. Malheureusement les images à l’intérieur du tube sont parfaitement nettes. Au cours du mois de mai, Hobbes a personnellement l’occasion de le constater en assistant à l’expérience effectuée par Roberval42 qui avait introduit dans l’espace vide une vessie de carpe. Finalement, Hobbes est prisonnier de l’alternative suivante : ou bien il se rallie à la conception du vide et il abandonne la théorie de la lumière comme mouvement d’un milieu, ou bien il accepte le plénisme et doit alors abandonner sa théorie « cardiaque43 » de l’illumination. C’est ce qu’il fait bientôt, comme en témoigne la lettre à Mersenne44 du 25 mai 1648, dans laquelle Hobbes expose son point de vue :
« Toutes les expériences faites par vous et d’autres avec l’argent vif ne concluent pas qu’il y a du vide parce que la matière subtile qui est dans l’air étant pressée passera à travers l’argent vif et à travers tout autre corps vide ou fondu que ce soit, comme la fumée passe à travers l’eau. »
22Définitivement pléniste, il lui faut désormais tenter de développer une autre théorie de l’origine de la lumière. Tel est son programme quand il se remet au De Corpore, après avoir achevé le Léviathan (1651). La cause efficiente de la lumière ne peut plus être un quelconque mouvement de dilatation pas plus qu’un mouvement de criblage (motus cribrationis) évoqué dans le First Draught45. Dans le De Corpore, la matière, dont Hobbes avait contre Descartes affirmé l’élasticité, évolue dans un milieu fluide éthérique qui ne présente pas de vacuité. Ce milieu emplit l’espace si bien que le mouvement s’effectue en circuit fermé. Hobbes le décrit comme un mouvement circulaire simple (Dco, chap. XXVII art. 2), dont est animé le soleil qui exerce une poussée transmise, de proche en proche, à travers l’éther ambiant jusqu’à l’œil. Une telle révision de doctrine ne semble pas à première vue devoir remettre en cause les projets éditoriaux de Hobbes concernant son traité d’optique. Mais précisément, la rectification opérée dans le De Corpore rend inutile la reprise de la première partie du First Draught. Quant à l’auto-censure évoquée plus haut, il se pourrait qu’elle participe de la prise en compte par Hobbes du climat d’intense polémique qui s’instaure dès 1654 à propos de ses œuvres scientifiques, loin des critiques amicales du cercle de Mersenne. Mais surtout, il apparaît que l’adhésion de Hobbes au plénisme le rapproche singulièrement de la physique des tourbillons de Descartes. À Sorbière qui lui s’étonne qu’il ne soit pas vacuiste46, Hobbes répond le 16 février 1657 que « le vide d’Épicure » est « ce que Descartes nomme matière subtile et ce que j’appelle quant à moi substance éthérique la plus pure47 ».
23Dans ces conditions, les différences s’amenuisant, il devient difficile de prétendre à une grande originalité en optique et l’on comprend alors pourquoi Hobbes est amené à réduire ses prétentions au seul domaine de la philosophie politique : aux yeux des contemporains, l’opposition entre Descartes et Hobbes semble principalement métaphysique, mais pour ce qui est de la physique, ils sont dans le même camp des plénistes. C’est précisément ce que Sorbière, avant même l’expérience de Roberval, avait pressenti, lorsqu’en janvier de l’année 1648, il écrivait à Mersenne :
« J’estime qu’à la longue Galilée et Gassendi l’emporteront par-dessus Hobbes et Descartes : encore que les grands coups et les bricolles de ceux cy se fassent dauantage admirer que l’adresse des autres, qui ne fait pas baisser la teste aux spectateurs dans le fond et qui ne fàit pas iour à ceux des galeries. Le ieu des petits corps et des petits vuides ne fait pas tant de fracas que celuy du plein ; mais il ne satisfait pas moins, selon mon sens à toutes les apparences de la nature » (CM, XVI, p. 34).
Notes de bas de page
1 British Museum, MS Harleian 6796, f. 193-266 ; transcription par F. Alessio, Rivista critica di storia della filosofia, XVIII, 1963, p. 147-228, p. 208.
2 British Museum, MS Harleian 3360, édition critique non publiée par Elaine Condouris Stroud, Thomas Hobbes A Minute or First Draught of the Optiques : A Critical Edition, The University of Wisconsin – Madison Ph. D., 1983, microfilm 8319542. Abréviation : FD.
3 Ainsi Descarte ; présente sa Dioptrique à la suite du Discours de la méthode ; Fermat élabore sa loi de réfraction à la suite d’un débat méthodologique sur la définition d’une loi de la nature et sur le rapport entre physique et mathématiques ; Huygens, dans la préface de son Traité de la lumière (Leide, 1690), explique sa méthode en accord avec la théorie qui suit.
4 FD, f. 193 ; édition Stroud, p. 622.
5 Cf. Œuvres de Descartes, éd. Adam et Tannery, Paris, Vrin-CNRS, T. III.
6 Cf. sur l’ensemble de ces textes, Jean Bernhardt, « Hobbes et le mouvement de la lumière », Revue d’histoire des sciences, 1977, XXX/1, p. 3-24.
7 Tractacus opticus I, abr. TO I.
8 Connu sous la dénomination de Tractatus opticus II, abr. TO II, manuscrit du British Museum, Harl. 6796, f. 193-266, publié par F. Alessio, Rivista critica di storia della filosofia, XVIII, 1963-2, p. 147-228. La plupart des commentateurs s’accordent pour dater ce manuscrit de 1644, date de la publication par Mersenne du premier Tractatus opticus. Cf. F. Brandt T. Hobbes’ Mechanical Conception of Nature, London, 1928, p. 98, et à sa suite, J. Bernhardt, « Hobbes et le mouvement de la lumière », Revue d’histoire des sciences, 1977, XXX/1, p. 3-24 et « La polémique de Hobbes contre la Dioptrique de Descartes dans le Tractatus opticus II (1644) », Revue internationale de philosophie, 129/1979, p. 432-442. Le TO II semblant une version plus complète du TO I, il semble difficile d’imaginer que Hobbes ait pu laisser publier une version inférieure alors même qu’il aurait en sa possession un texte plus élaboré. Cependant, Karl Shuhmann, dans un travail encore inédit, objecte qu’il est possible que le TO II ait été antérieur sans toutefois être un obstacle à la publication du TO I si l’on considère la différence de nature des deux traités. Enfin, le troisième traité FD comportant sur la première page la mention manuscrite 1646, il est difficile de fixer la datation du TO II au-delà de 1645.
9 Le manuscrit demeuré dans les papiers de Mersenne et conservé à la Bibliothèque nationale fut publié par Jean Jacquot et H.W. Jones sous le titre Critique du « De Mundo » de Thomas White, Paris, Vrin-CNRS, 1973.
10 À quelques exceptions près : l’optique comme science est étudiée principalement par Allen E. Shapiro, dans sa thèse : « Rays and Waves : a Study of Seventeenth Century Optics », Ph. D. dissertation, Yale University, 1970, et « Kinernatic Optics : a Study of the Wave Theory of Light in the Seventeenth Century », Archive for the History of the Exact Sciences, n° 2-3, 1973, p. 135-266, Elaine C. Stroud, op. cit., 1983 ; « Light and Vision : two Complementary Aspects of Optics in Hobbes’ Unpublished Manuscript, « A Minute or First Draught of the Optiques », Hobbes oggi, Milan, Franco Angeli, 1990, p. 269-277, J. Prins « Kepler Hobbes and medieval optics », Philosophia naturalis, 1987, n° 3, p. 287-310 et Michel Blay, « Genèse des couleurs et modèles mécaniques dans l’œuvre de Thomas Hobbes », Thomas Hobbes, philosophie première, Théorie de la science et Politique sous la direction de Y.C. Zarka et J. Bernhardt, PUF, 1990, p. 153-168.
11 Cf. Franco Alessio, « De Homine e A Minute or First Draught of the Optics di Thomas Hobbes », Rivista critica di storia della filosofîa, XVII, 1962, p. 393-410, p. 404. Il s’agit d’une lettre de Hobbes à Sorbière de juin 1646, in Noël Malcolm, Thomas Hobbes, The Correspondence, Clarendon Press, Oxford, 1994, p. 131-132 : « Accedit quoque quod ipse Opticae meae (quam anglice scriptam dedi Marchioni de NeuCastel) firmitate et robore delectatus, cupiam primo tempore emittere eam latine » ; et d’une lettre de Cavendish à Pell du 1er novembre 1645, in Vaughan, The Protectorate of Cromwell, London, 1883, vol. II, p. 366 : « Mr Hobbes intends to publish as soon as he can, a treatise on optics ; he hath done half of it, and Mr Petit hath written it fair ; it is in English, at my brother request. »
12 En particulier, en France, cf. les travaux de Jean Bernhardt : « Hobbes et le mouvement de la lumière », Revue d’histoire des sciences, 1977, XXX/1, p. 3-24 ; « La polémique de Hobbes contre la Dioptrique de Descartes dans le Tractatus opticus 11 (1644) », Revue internationale de philosophie, 129/1979, p. 432-442. « L’œuvre de Hobbes en optique et en théorie de la vision », in Hobbes oggi, Milan, Franco Angeli, 1990, p. 245-268. Pour une mise en rapport de l’optique de Hobbes et de sa théorie de la vision avec l’ensemble de sa philosophie, cf. Y. C. Zarka, « Espace et représentation dans le De Corpore de Hobbes », Recherches sur le xviiesiècle, n° 7, Paris, 1984, p. 159-180 ; « Vision et Désir chez Hobbes », ibid, n° 8, 1986, p. 127-142. Sur l’influence que la Dioptrique de Descartes a pu exercer sur Hobbes, cf. « La matière et la représentation : Hobbes lecteur de la Dioptrique de Descartes » in Problématique et réception du Discours de la méthode, Paris, Vrin, 1988. Signalons enfin l’excellente mise au point de Michel Blay sur la théorie hobbesienne des couleurs : « Genèse des couleurs et modèles mécaniques dans l’œuvre de Hobbes » in Thomas Hobbes. Philosophie première, théorie de la science et politique sous la direction de Y.C. Zarka et Jean Bernhardt, Paris, PUF, 1990, p. 153-168.
13 Thomas Hobbes Malmesburiensis vita, authore seipso, in Thomae Hobbes Malmesburiensis Opera Philosophica quae latine scripsit omnia..., publiées par William Molesworth, Londres, John Bohn, 1839-1845, reprint : Aalen, Éditions Scientia, 1962, 5 vols, abr. OL suivi du numéro du volume, cf. OL I, p. XXI.
14 Comme en témoigne le manuscrit E2 des archives de Chatsworth publié par Arrigo Pacchi, « Una biblioteca ideale » di Thomas Hobbes », in Acme, XX, 1968, p. 5-42, qui consiste en une liste d’ouvrages sur différents sujets, parmi lesquels on trouve, sous la rubrique « de perspectiva », des textes de Kepler, Alhazen, Roger Bacon, Vitellion, John Pecham, Maurolyco, J.B. della Porta.
15 Cf. David C. Lindberg, Theories of Vision from Al-Kindi to Kepler, The University of Chicago Press, Chicago, London, paperback edition 1981, en particulier le premier chapitre intitulé « The Background, Ancient Theories of Vision ».
16 Hobbes confirme notre datation en écrivant à Mersenne le 30 mars 1641 : « J’ai encore à déclarer devant vous que cette doctrine sur la nature et la production de la lumière du son et de tous les autres phantasmes ou idées, qu’aujourd’hui M. Descartes rejette avec mépris, a été exposée par moi aux très excellents frères MM. William, comte de Newcastle et Charles Cavendish, chevalier doré, notre ami commun, en l’an 1630. » Correspondance du P. Marin Mersenne, vol. X, Paris, CNRS, 1967, p. 569. En 1646, dans la dédicace de son traité d’optique en anglais, le First Draught..., au même Newcastle, il rappellera que « seize ans auparavant » il lui avait exposé la thèse selon laquelle « la lumière est une représentation dans l’esprit, causée par un mouvement dans le cerveau, lequel mouvement à son tour est causé par le mouvement des particules des corps que l’on appelle lumineux », FD, éd. Stroud, p. 76-77.
17 Cf. Descartes à Mersenne, 4 mars 1641, Correspondance du P. Marin Mersenne, vol X, Paris, CNRS, 1967, p. 523-524 : « Je vous prie aussy de ne luy communiquer que le moins que vous pourrez de ce que vous scavez de mes opinions et qui n’est point imprimé ; car je me trompe fort, si ce n’est un homme qui cherche d’acquérir de la réputation à mes despens, et par de mauvaises pratiques. »
18 Cf. Jan Prins, « Ward’s Polemic with Hobbes on the Sources of the Optical Théories », Revue d’histoire des sciences, T. XLVI – 2 / 3 – avril-septembre 1993, p. 195-224.
19 Ibid, p. 210-223. Walter Warner est l’auteur d’un certains nombre de traités d’optique dont un, consacré à la réfraction, fut publié par Mersenne, Universae geometriae mixtaeque mathematicae synopsis, 1644, p. 549-566, juste avant celui de Hobbes.
20 C’est ce que montre J. Prins in « Kepler, Hobbes and Medieval Optics », op. cit., p. 287-289.
21 Cf. TO II, chap. I § 10, éd. Alessio p 151. Les espèces sont qualifiées de « nihil nisi verba ». Hobbes fait ici référence au passage de la Dioptrique consacré aux espèces intentionnelles, éd. Adam-Tannery, T. VI, p. 85. De même Hobbes approuve la conception cartésienne du milieu constitué de matière subtile.
22 Lettre du 18 février 1641 in Hobbes, OL V, p. 295.
23 Dioptrique, in Œuvres, AT, t. VI, p. 88.
24 « Nescio sane neque possum imaginari quid sit illa inclinatio, si non sit actus motus », TO II, éd. Alessio, p. 158.
25 Cf. la Lettre-préface aux Principes, AT IX-2, p. 10.
26 Cf. TO II, éd. Alessio, p. 208.
27 Ainsi, l’élève de Roberval et ami de Hobbes, François Du Verdus, écrit à Hobbes le 23 décembre 1655 (in The Correspondence, op. cit., p. 221) : « Avant vous, il n’y avait point de géométrie. »
28 Lettre du 26 octobre 36 à Newcastle, in Mss of the Duke of Portland, p. 130.
29 Critique du « De Mundo » de Thomas White, op. cit., p. 16.
30 Cf. J. Prins, op. cit., 1987, p. 288-289.
31 Ce texte, probablement rédigé vers 1630, MS British Museum, Harl. 6796 fol. 297-308, a été publié et traduit par Jean Bernhardt sous le titre Court traité des premiers principes, Paris, PUF, 1988.
32 Cf. infra, le développement consacré aus « difficultés théoriques ».
33 Cf. sur ce point les remarques pertinentes de Jean Bernhardt in « L’œuvre de Hobbes en optique et en théorie de la vision », Hobbes Oggi, Atti del Convegno internationale di studi promosso da Arrigo Pacchi, Milano-Locarno 18-21 maggio 1988, Milan, Franco Angeli, 1990, p. 256.
34 « Motum autem talem in corpo ribus sua natura lucidis non supponimus nos, et fïngimus, Libertate illa quam quilibet habet quidlibet fingendi ; sed necessaria demonstratione deducimus ab hypothesibus quas pauci mihi negaverint, suprassumptis, causam efficientem visionis esse in obiecto et videri obiectum simul undiquaque, modo nuhil interpositum sit quod actionem impediat », TO II, éd. Alessio, p. 150 (nous soulignons).
35 Cette conséquence est à mettre en rapport avec la critique à laquelle Hobbes soumettra, dans le De Corpore, chap. VIII, art. 12, la géométrie euclidienne et en particulier la définition classique du point comme ce qui est dénué de dimension.
36 TOII, § 1, éd. Alessio, p. 160.
37 L’ouvrage circula d’abord en manuscrit puis ne fut publié qu’en 1650, en deux parties séparées sous les litres Human Nature et De Corpore politico. La traduction française que nous citons est de Louis Roux, Les Éléments du droit naturel et politique, Lyon, éditions de l’Hermès, 1977.
38 Dans Il Sagg atore, in Opere, ed. naz., vol. VI, p. 350, Galilée précise que les saveurs, les odeurs, les couleurs, que l’on considère comme inhérents aux corps « ne sont rien que des purs noms et résident seulement dans le corps sentant », au point que si ce dernier venait à être détruit, toutes ces qualités cesseraient d’exister. À noter que cette dernière hypothèse est l’exacte réciproque de l’hypothèse de l’annihilation du monde présentée par Hobbes au dernier paragraphe du chapitre précèdent ainsi qu’au chapitre VII du De Corpore.
39 C’est ce que Hobbes reconnaît quand il écrit, FD, II, I, 1, éd. Stroud p. 335-336 : « And seeing Mons. desCartes who only hath sett forth the true principle of this doctrine, namely that the Images of objects are in the Fancie and that they fly not through the aire, under the empty name of species intentionales but are made in the braine by the operation of the objects themselves ».
40 Cf. TO II, éd. Alessio, p. 208.
41 Thomas Hobbes, The Correspondence, op. cit., p. 165-166.
42 Cf. Steven Shapin et Simon Schaffer, Léviathan et la pompe à air, La découverte, 1993, p. 83-93 ; Jean Bernhardt, « La question du vide chez Hobbes », Revue d’histoire des sciences, T. XLVI – 2 / 3 – avril-septembre 1993, p. 225-232.
43 Cf. Elements of Law, Tractatus opticus I, Tractatus opticus II, Critique du « De Mundo », Proposition XXIV de la Ballistica de Mersenne, in Cogitata Physico Mathematica, 1644, p. 74-82, et le First Draught.
44 Cf. Correspondance du P. Marin Mersenne, Paris, éd. du CNRS, 1988, t. XVI, p. 333-334, abr. CM.
45 Cf. E.C. Stroud, op. cit., 1983, p. 26-29.
46 Lettre du 2 février 1657, in Thomas Hobbes, The Correspondence, op. cit., p. 433-435.
47 In Thomas Hobbes, The Correspondence, op. cit., p. 442-444.
Auteur
Paris
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