Avant-propos
p. 5-8
Remerciements
Nous remercions très vivement l’ENS Fontenay-Saint-Cloud de l’avoir accueilli dans ses collections et d’en avoir assuré la mise en forme définitive et l’impression.
Texte intégral
1L’idée d’une journée d’étude sur le toucher est née de rencontres informelles entre Yvette Conry, récemment nommée Professeur à l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV), Directrice du Centre Européen des Sciences et des Cultures Philosophiques, et le rédacteur de ces quelques lignes, en tant que Directeur du Centre d’Histoire des Idées (UPJV). Nous avions souhaité trouver un projet commun, susceptible d’amorcer une restructuration de nos Centres de recherche, associant la philosophie et plus particulièrement l’histoire des sciences du vivant d’une part, et d’autre part, l’histoire des idées et sa sensibilité aux domaines du culturel, du mental, voire du spirituel.
2Cel nous a amenés à proposer une journée d’étude qui a eu lieu à Amiens (à la Faculté de Médecine de l’UPJV) le samedi 23 novembre 1991. Et il nous est venu à l’idée d’étudier un sens sous cet angle pluridisciplinaire. Nous avons choisi le toucher plutôt que la vue ou l’ouïe, parce que ces derniers sens nous avaient semblé avoir été l’objet de davantage d’études, mais aussi parce que le sens du toucher, peut-être plus concret ou plus “matériel” que les autres, était susceptible de suggérer des perspectives intéressantes et diversifiées notamment à l’époque des Lumières.
3Yvette Conry n’a malheureusement pas pu, faute de temps, présenter le travail sur Diderot auquel elle avait songé quand nous avons lancé le projet. Celui- ci a abouti à la présentation de cinq conférences : deux portent sur l’Antiquité. S. Byl (Université Libre de Bruxelles) a traité du toucher selon Hippocrate et Aristote : pour ce dernier, le toucher est le seul sens indispensable au vivant, et le seul commun à tous les animaux, l’homme est l’animal qui bénéficie du sens du toucher le plus affiné. M. Perrin (UPJV), à propos d’auteurs latins de l’Antiquité Tardive, qui recueillent la science antique avant de la transmettre au Moyen Age, a mis en évidence la perspective à la fois physiologique et morale de Lactance, Augustin et Némésius d’Émèse : pour les Latins au moins depuis Cicéron, cela n’avait rien que de très naturel.
4Avec M. Crampe-Casnabet (ENS Fontenay-Saint-Cloud), nous avons ensuite fait un grand bond en avant jusqu’à la philosophie sensualiste de Condillac : à propos de la thèse fondamentale du sensualisme (toute connaissance naît de la sensation), tenter de comprendre, à l’intérieur de la sensation, comment est engendré le sentiment qu’il pourrait y avoir des objets hors de nous : à ce niveau, le toucher serait-il le principe unique, qui doterait la philosophie sensualiste de la seule systématicité fondée en raison ?
5J. Garelli (UPJV) poursuivait alors la réflexion en nous menant sur les rives de la phénoménologie, en nous parlant de la réversibilité sans coïncidence du sentant et du senti, dans une étude sur l’attitude de Merleau-Ponty à l’égard du corps. Subtiles méditations sur le “je ne réussis pas tout à fait à me toucher touchant”, et qui veulent modifier le rapport du moi aux choses.
6La conclusion de la journée revenait à Gisèle Guilbaud (INSERM) qui, aidée de nombreuses diapositives, a présenté l’approche médicale actuelle du toucher en insistant tout particulièrement sur les rapports entre le toucher et la douleur. On sait à quel point la question de savoir comment traiter la douleur, et d’abord reconnaître son existence, est un problème dont l’acuité est maintenant évidente pour tout médecin et malade.
7Yvette Conry nous avait donc réunis, divers par nos horizons et nos établissements d’origine, comme elle savait et aimait le faire. Et les participants, après son décès survenu le 4 août 1992, ont voulu dédier ce recueil à sa mémoire, et en faire un volume d’hommages. Ce n’est pas le lieu de faire une “laudatio funebris” en forme. Je crois qu’elle n’aurait pas aimé, dans sa simplicité de caractère si éloignée de la rhétorique. Je me bornerai à rappeler quelques points à l’intention de ceux qui ne l’ont pas connue : l’essentiel de sa carrière universitaire s’est déroulée à l’Université de Nancy II (1972-1989), puis à Amiens (UPJV). Ses travaux ont porté essentiellement sur l’histoire des sciences ; on note chez elle une préoccupation dès 1969 nettement marquée pour le domaine du médical et du biologique : Darwin et le darwinisme, la paléobotanique, Mendel, Lamarck ; elle préparait il y a peu des ouvrages sur les concepts de la génétique dans son histoire de Mendel à nos jours, et sur Diderot ou l’idéologie scientifique de la continuité.
8En 1991, elle avait présenté avec succès un dossier dit de “Jeune Équipe” à la DRED, intitulé “Philosophie de la Connaissance et Histoire des Sciences biologiques et médicales”, avec des chercheurs amiénois, italiens, belges, portugais, anglais. Sa – notre – volonté était de rééquilibrer en direction de l’étude du vivant les intérêts et les recherches qui se portent actuellement surtout vers le domaine des sciences mathématiques et physiques. L’édition de plusieurs textes est en cours ; un colloque sur l’histoire de la génétique se prépare sous la direction de François Delaporte, successeur d’Yvette Conry à l’UPJV. Ce modeste volume veut être un témoignage de l’amitié que nous portions à Yvette Conry et un hommage à son activité de philosophe. J’espère qu’il sera suivi de beaucoup d’autres : c’est sans doute le meilleur moyen de manifester la présence et la vie des idées lancées par Yvette Conry.
Auteur
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Michel Perrin
Professeur à l’Université de Picardie Jules Verne.
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