Les Héros de la chanson
Air d’Asmodée ou de La Fête des martyrs
p. 7-8
Texte intégral
1En France, dit la foule grossissante,
2La chanson meurt avec ses droits canons ;
3J’ose répondre : Elle est encor puissante :
4De ses héros je peux citer les noms :
5Vérité sainte, en vain tu dissimules !
6À leurs succès j’érige un monument :
7Bardes, chantez, en vous le résumant,
8De Béranger vous êtes les émules.
9Le peuple est fier et crie à l’unisson :
10Salut, salut, héros de la chanson.
11Du plébéïen la cause est menacée,
12À son appel un Dieu clément répond :
13Pour la défendre, au moins par la pensée,
14Voyez soudain grandir Pierre Dupont.
15Hardi penseur, sa verve s’émancipe
16Jusqu’à pousser un cri de liberté ;
17Par leur rudesse et leur sublimité,
18Ses chants l’ont fait l’avocat d’un principe.
19Le peuple, etc
20Dans les grands mots où l’écrivain s’engage,
21Le travailleur est mis en désarroi,
22Il faut savoir emprunter son langage :
23Qui le sait mieux ?… c’est Gustave Leroy.
24À contrôler, sa lyre toujours prête,
25Proclame haut un abus de pouvoir :
26Réunissant la science au devoir,
27De l’ouvrier sa plume est l’interprète.
28Le peuple, etc.
29Un chansonnier doit être un Évangile,
30Un compte ouvert à tout beau sentiment ;
31De nos grands faits l’apôtre Charles Gille
32A commencé le Nouveau-Testament ;
33Malgré sa morgue un peu trop satyrique,
34Dont il se sert pour flageller les sots,
35Ses fiers élans, poétiques pinceaux,
36Font de son livre un musée historique.
37Le peuple, etc.
38Si l’auditeur, par entrain s’émerveille
39Aux chants d’Utzel ou du Vieux-Ramponneau,
40De l’âme en paix la fibre se réveille
41Aux doux accents de Victor Rabineau :
42Sa voix s’exhale en perles d’harmonie,
43Simple de cœur, noble par le talent,
44Son luth sacré, près du riche insolent,
45Venge le pauvre à force de génie.
46Le peuple, etc.
47Un autre nom vient terminer ma liste,
48C’est un auteur qui, marchant droit au but,
49Des parias se fit l’évangéliste,
50Et devint presque un maître à son début.
51Bien jeune encore, à part quelques folies,
52Les temps l’ont vu profond et solennel :
53La mort fatale, en atteignant Loynel,
54A déchiré bien des pages jolies.
55Le peuple, etc.
5620 février 1851.
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