URL originale : https://books.openedition.org/enseditions/12967

Épilogue
Une typologie des parcours domestiques de l’entre-deux-guerres
p. 207-220
Texte intégral
1Dans les années 1920 à 1940, l’État et le patronat essayent par différentes politiques de maintenir les effectifs de la domesticité à un niveau d’avant-guerre. Ces derniers continuent pourtant de se réduire. Les jeunes hommes, surtout, désertent de plus en plus la profession. Dans la Loire et dans le Rhône, comme ailleurs en France, les situations et choix personnels des domestiques continuent d’être marqués par une grande hétérogénéité. Une typologie, sans rendre compte parfaitement de la diversité des situations ou des conditions de travail, donne un aperçu de la variété des attitudes et des aspirations professionnelles des domestiques entre 1918 et 1940.
La domesticité de carrière : entre fidélité et certitudes
2La domesticité ne disparaît pas après la Première Guerre mondiale. Près de 800 000 personnes sont domestiques « à la personne » en 19261. La bourgeoisie lyonnaise et stéphanoise continue d’employer et de loger plusieurs milliers de personnes : pour la seule place Bellecour, on compte 210 domestiques en 19212. Pour les jeunes gens, la domesticité est encore l’occasion d’explorer un monde nouveau, comme le raconte Liza Allebosch :
Je me sentis tout de suite chez moi dans ce nouvel environnement. J’étais subitement éloignée du train-train de la maison paternelle, où tout me paraissait très sale par rapport au château. […] J’appris à peu près tout ce qu’on pouvait apprendre grâce à la femme du jardinier. Je devais apprendre la politesse et les belles manières, mais aussi comment je devais faire briller les robinets de cuivre de la salle de bains avec de la poudre rose. Toutes ces choses nouvelles faisaient forte impression : l’odeur de la poudre rose mais aussi celle de la soupe au cerfeuil frais…3
3Cet apprentissage concerne tout autant la familiarisation avec un espace inconnu, des pratiques sociales inédites (manger avec un couteau par exemple4) qu’avec le contenu de son poste de travail. Face à l’ampleur de la tâche, les collègues facilitent considérablement la prise de fonction des plus jeunes, en permettant une formation entre pair.es de classe et de genre et une certaine empathie. Les témoins rencontrées par El Amrani décrivent l’expérience de la domesticité de ville comme « enrichissante »5.
4Parmi ces employé.es, certain.es. demeurent très longtemps chez les mêmes patron.nes, entamant de véritables carrières au sein d’une entreprise unique, un foyer spécifique. À Lyon, dix-neuf domestiques présent.es en 1936 chez un.e employeur.e identifié.e étaient dans le même foyer en 1931. Cette main-d’œuvre stable représente environ 10 % des domestiques de nos échantillons des années 1930 (contre environ 5 % pour les recensements examinés en 1886-1891). Ces employé.es « fidèles » se révèlent bien d’une dizaine d’années plus âgé.es que la moyenne des domestiques, sont généralement originaires de la région et travaillent plus souvent pour des ménages très fortunés que les autres. Cette domesticité de carrière concerne donc des femmes et des hommes6 qui paraissent avoir trouvé des employeur.es supportables et des conditions de vie, de travail et de rémunération acceptables. Souvent, ils et elles ne sont pas les seul.es employé.es de leur ménage, ce qui contribue peut-être à leur présence durable. N’ayant peut-être pas l’envie de quitter leur lieu de vie ou de changer de voie professionnelle à l’approche de la quarantaine, ces hommes et ces femmes parviennent à gagner honorablement leur vie. Ils et elles trouvent des espaces de progression de carrière et d’épanouissement personnel. Depuis la fin du xixe siècle, la conquête d’une plus grande liberté personnelle d’ordre sexuel et familial et l’inclusion partielle dans la législation du travail rendent moins nécessaire un départ rapide de chaque poste. Par ailleurs, le patronat, confronté à un marché du travail où se raréfient les volontaires, se voit contraint de négocier avec ses domestiques déjà en place pour les garder (augmentation de salaires, temps de repos).
5En outre, le placement peut aussi être un pansement affectif. Dans les années 1930-1940 encore, la domesticité à demeure est ainsi un moyen, pour celles qui n’ont pas pu se marier et fonder une famille dans les cadres normatifs acceptables, de ne pas vivre seules et sans contact avec des enfants. Le stéréotype de la vieille fille dévouée à ses patron.nes parce qu’elle-même n’a pas d’attaches est certainement plus un fantasme bourgeois7 qu’une réalité fréquente. Le rapport spécifique des domestiques aux enfants du patronat est cependant ambigu et complexe. S’ils existent, les témoignages d’affection de domestiques envers la progéniture de leurs employeur.es. restent rares. En effet, dès leur plus jeune âge, les fils et filles de la bourgeoisie connaissent leurs positions de domination sociale et l’exercent avec une facilité déconcertante sur les domestiques, obligé.es d’obéir à des enfants8. Par rapport au milieu du xixe siècle, les distances de classe n’ont donc pas disparu, et si des relations affectives peuvent se nouer, elles restent rares et se font dans le cadre d’une amélioration des conditions de vie et d’une moindre intrusion dans la vie intime de la part du patronat. Les institutrices (de plus en plus rares) sont mieux traitées que le reste de la domesticité. En effet, elles ne réalisent pas un travail vu comme manuel et elles sont en partie servies par les autres domestiques9. Pour elles donc, embrasser la carrière de domestique est plus agréable et offre plus de reconnaissance que pour celles et ceux situé.es au bas de l’échelle sociale interne de la domesticité. Cette dernière reste structurellement un travail de célibataires ou de veuves. Dans l’entre-deux-guerres, les salaires féminins ouvriers restent faibles et ne suffisent pas toujours à payer aux femmes seules un logement individuel, des quantités suffisantes de nourriture et quelques moments de loisirs10. Reprendre seule un atelier, une exploitation agricole paraît impossible. Sans nécessairement faire une carrière longue dans la domesticité, les femmes seules des milieux populaires de l’entre-deux-guerres trouvent dans ce secteur d’activité des ressources économiques, sociales et parfois même affectives.
La domesticité contrainte : silencieuse réorientation, attente patiente et refus déterminé
6Pourtant, accepter d’être domestique n’est plus une évidence pour celles et ceux qui sont né.es avec le xxe siècle. Les jeunes du monde rural poursuivent plus assidûment leur scolarité dans l’entre-deux-guerres. Les premiers postes de bergers et bergères, la participation aux récoltes et progressivement à des opérations agricoles plus complexes ne sont pas toujours suivis par un engagement dans la domesticité, ou alors de manière plus courte que précédemment. Cette désaffection des jeunes explique le vieillissement des effectifs déjà évoqué. En effet, les possibilités d’embauche alternatives à la domesticité se multiplient. Pour Ronald Hubscher, la régularité des emplois offerts dans l’industrie et dans la fonction publique, combinée à « une législation sociale bien plus favorable aux ouvriers », explique ces changements professionnels : les « domestiques, filles de ferme » font partie de ces prolétaires des campagnes qui « supportent de moins en moins leurs conditions matérielles souvent déplorables », qui ont « conscience qu’un meilleur ou qu’un ailleurs est possible »11. Ces départs se font silencieusement dans l’écrasante majorité des cas : après un mariage, à la fin d’un contrat de travail, à la suite d’un revers de fortune d’un.e employeur.e… Quitter la domesticité pour une autre profession est une pratique qui ne laisse que peu de traces dans les archives. Même les étrangers et étrangères, à qui la loi interdit de changer d’activité pendant un an12, essayent de s’embaucher ailleurs comme le constate le préfet du Rhône en 1934 : « Très fréquemment, les femmes étrangères introduites dans l’agriculture passent subrepticement dans d’autres professions où elles nuisent à notre main-d’œuvre nationale. »13 Plusieurs jeunes femmes polonaises, toujours au début des années 1930, sollicitent le comité d’aide des femmes immigrantes ou l’Opieka Polska pour forcer la résiliation de leurs contrats.
7Enfin, une autre population paraît captive de la domesticité : les pupilles de l’Assistance publique, qui restent jusqu’à 21 ans soumis.es à une obligation de travail comme domestiques. Quand elles et eux décident de quitter la domesticité, l’administration s’applique à les maintenir dans leurs placements. Pour la majorité d’entre elles et eux, il faut donc attendre patiemment des jours meilleurs, l’entrée dans l’âge adulte ou l’engagement militaire. Cette patience n’est pas de la résignation. Ainsi Hubertine Klanger, née en septembre 1920 à Lyon, quitte brutalement son patron à l’été 1938 : vexée par une remarque désagréable, la jeune fille parvient, sans sortir du système de l’Assistance (qui détient toujours son argent), à fuir temporairement une situation devenue insupportable14. Cette manœuvre de fuite temporaire la soulage probablement, marque son mécontentement tout en restant suffisamment acceptable pour que l’Assistance publique ne prenne pas de sanctions disciplinaires à son encontre. En effet, l’année suivante, elle travaille pour un autre employeur, un homme qu’elle semble avoir choisi puisqu’il s’agit de son ancien patron, René Greusard, domicilié dans le centre-ville de Bourg-en-Bresse. Elle bénéficie même d’une augmentation considérable, le total de ses gages passant de 2580 à 3600 francs15. Hubertine Klanger maîtrise suffisamment les rouages de l’Assistance publique pour savoir quand, comment et dans quelle mesure l’exercice de son libre arbitre doit être mis en scène et lui permettre de continuer à récolter de l’argent. Son dossier nous permet de comprendre comment s’exerce la patience des jeunes filles, qui n’est pas sans limites.
8Pour les domestiques hommes, il est plus facile de s’établir. En 1935, Antoine Celle, agriculteur propriétaire, retrace par exemple son parcours devant les forces de l’ordre :
Je suis né à Marlhes le 1er mai 1878, mes parents étaient fermiers et avaient 7 enfants […]. Jusqu’à l’âge de 14 ans, j’ai fréquenté l’école […] puis je me suis mis au travail de la ferme. En 1899, je suis parti au régiment […]. À ma libération, je me suis engagé comme valet de ferme chez M. Fouvet, cultivateur […]. Je suis resté deux ans chez M. Fouvet, puis je suis entré au service de M. Blachoix, voiturier […]. Je suis ensuite entré comme valet de ferme chez M. Bouche Jean, cultivateur […]. En 1909, je m’étais marié […] et deux ans après ma femme et moi nous étions entrés comme fermiers […]. Nous avons tenu cette ferme pendant 12 ans c’est-à-dire jusqu’en 1922. […]. Deux ans après c’est-à-dire vers 1924, j’ai acheté pour mon compte une petite propriété de 5ha contiguë à celle de mes beaux-parents pour le prix de 6600F.16
9La précarité persiste pour Celle, qui de valet de ferme est désormais devenu employeur de domestique : la fièvre aphteuse décime son troupeau et met en danger son remboursement de crédit de même que le paiement de son domestique, Marius Besset. Mais pour lui, le temps d’infériorité sociale de la Domesticité est perçu comme acceptable, car il prend fin. La relative rareté des hommes sur le marché matrimonial permet également des destins plus favorables aux domestiques et un assouplissement des règles d’avant-guerre.
10Certain.es refusent cependant cette patiente attente et mettent en œuvre diverses stratégies pour sortir plus vite de la domesticité. Les pupilles masculins devancent parfois l’appel des drapeaux pour mettre fin à leur domesticité agricole : c’est le cas en 1937 du frère d’Hubertine, Émile Klanger17. L’engagement militaire reste impossible pour les jeunes filles, celles-ci se voient donc contraintes à encore plus de patience, ou à des comportements déviants pour échapper à la domesticité. De la même génération qu’Ernest, Alphonsine Mirégot refuse toute forme de domesticité, enchaînant en quelques semaines trois places différentes. Samuel Franc, l’un de ses patrons, écrit le 21 octobre 1939 qu’il ne pouvait « garder la pupille Alphonsine , elle ne peut pas faire du tout elle ne veut rien faire ou très peu selon son idée on ne peut la faire lever le matin avant 9h ou 9h et demie », reconnaissant même : « Hélà faut l’avouer je suis venu à l’âge de 73 ans sans en avoir vue une pareille […]. »18 Certaines pupilles s’évadent de leurs placements19. D’autres inventent des maladies : Jeanne Cersot, 18 ans, « prétendant qu’elle était malade de ses rhumatismes », bénéficie d’un mois de repos bien que le corps médical n’ait rien trouvé de concluant, avant de finalement partir20.
11Enfin, l’arrêt de travail – que la puissance publique n’appelle jamais « grève » en contexte de domesticité – et le départ des exploitations agricoles sont aussi des ressources utilisées par une autre forme de main-d’œuvre domestique captive : celle que constituent les étrangers et les étrangères. En 1931, à Saint-Bonnet-le-Courreau, une domestique de ferme polonaise cesse le travail à son retour d’une visite au siège de l’Opieka Polska. Cette grève paraît très efficace pour obtenir la fin du contrat : son patron, Antoine Derory, nourrit et loge une employée qui ne travaille plus. Il a alors tout intérêt à la laisser partir au plus vite plutôt que de continuer à pourvoir aux besoins d’une femme qui ne participe pas à la production21. Feindre la maladie, refuser totalement le travail et s’évader sont les principaux moyens utilisés par les filles, alors que les garçons chapardent, travaillent sans hâte ni application, contestent et s’engagent dans l’armée. Pour celles et ceux qui ne subissent pas les contraintes des pouvoirs publics, il existe enfin d’autres solutions pour, sans complètement abandonner le secteur des services à la personne, transformer sa « domesticité ».
Des domesticités de passerelles : vers la ville et vers la décohabitation
12Au-delà de la question du « choix » de carrière, les recensements mettent en lumière la brièveté des engagements chez les mêmes patron.nes. Dans le début des années 1930, 90 % des domestiques de nos échantillons quittent leurs employeur.es après moins de cinq ans de services. En effet, si l’étude de nos échantillons indique un turnover un peu moins systématique qu’à la fin du xixe siècle pour les années 1931-1936, il est toujours rapide en ville, comme à la campagne. Comme au cours du xixe siècle, changer de patron.ne, de localité, voire même de profession rapidement et fréquemment est un mode de vie répandu au sein des classes populaires. Cette facilité de mouvements demeure, comme au siècle précédent, un moyen primordial de lutter contre une exploitation patronale trop insupportable. Certes la stabilité professionnelle émerge progressivement, y compris au sein des classes populaires, comme un gage de stabilité personnelle, de bonne moralité, d’ardeur au travail ; mais l’enchaînement de postes rapides n’est pas non plus rédhibitoire dans la morale populaire. La capacité de déplacement et la connaissance des limites acceptables en matière de travail restent importantes et valorisées comme de la débrouillardise ou de l’amour-propre. Domestique, Marguerite Buvat a travaillé pour trois employeur.es différent.es entre novembre 1928 et mars 1930. Elle est à chaque fois partie de son plein gré22, en déclarant sans fard aux autorités « je ne gagnais pas assez »23.
13La domesticité offre toujours la perspective de nouveaux horizons. Dans les années 1920 à 1940, la campagne n’est ainsi plus l’unique perspective de ceux et celles qui y sont né.es. Les fils et filles de journaliers, journalières, petit.es propriétaires agricoles, vignerons ou métayers, refusent des revenus trop précaires, trop médiocres, pour un travail harassant24. Certains cantons, notamment dans la montagne beaujolaise, se vident à partir de la fin du xixe siècle25. Le nombre d’exploitations agricoles baisse, ainsi le nombre de domestiques. Lorsque leurs parents leur laissent le choix, les adolescent.es du monde rural, sachant lire et écrire pour leur écrasante majorité, savent qu’il existe un nombre croissant d’alternatives d’emplois dans les villes et les bourgs des environs. Après quelques mois « en service », ils et elles essayent déjà de rejoindre la ville. Sans quitter la domesticité, le placement en milieu urbain permet ainsi de sortir de la routine des travaux agricoles et de la vie de village. Battue et mal logée dans une ferme, une domestique polonaise du Forez obtient l’intervention de l’Opieka Polska pour travailler dans un café26. Pour de nombreuses jeunes filles, l’occasion d’élargir leur horizon est aussi une opportunité de formation vers les postes les plus rémunérateurs de la domesticité, chez des familles riches ou aristocratiques. D’après Frédérique El Amrani, l’uniforme net, impeccable et plus seyant que les grossières tenues de la campagne est apprécié par souci esthétique et manifeste une certaine qualification professionnelle27. Cependant, la ville n’apporte pas toujours le degré de raffinement espéré28. Tout comme les patron.nes de l’Anjou étudié par Frédérique El Amrani, les employeur.es du Roannais ou du Beaujolais de l’entre-deux-guerres ne paraissent pas proposer le vocabulaire, les pratiques et la sophistication personnelle attendus par des jeunes femmes et jeunes hommes avides de grimper vite les échelons du cursus honorum de la domesticité. Aucun témoignage direct ne met en avant cette aspiration spécifique à plus de raffinement chez les employeur.es, probablement trop personnelle et déconnectée des enjeux des assises pour apparaître très nettement. Le désir de changer de statut est peut-être néanmoins perceptible chez Marie Bourget. En 1934, la jeune femme de 23 ans, dépose dans une affaire de pots-de-vin et son témoignage la présente comme « domestique, employée chez Mme Siblac, coiffeuse, 18 rue Neyron, Saint-Étienne ». On ne sait si elle a insisté pour changer son statut ou si le fonctionnaire scrupuleux a rayé de lui-même « domestique » en sachant qu’elle ne s’occupe pas uniquement de tâches ménagères. Toujours est-il que la déposition de la jeune femme sur son emploi précédent met en évidence les ambiguïtés persistantes de son métier dans les années 1930 :
Je suis restée au service de M. Michalon, débitant 135 rue de Roanne, « Café Central », pendant tout le temps qu’il a tenu cet établissement, c’est-à-dire pendant trois ans de 1931 à 1934. j’étais déjà à son service auparavant à Montbrison. J’étais serveuse et je m’occupais également des autres travaux de ménage, j’étais, en somme, bonne à tout faire.29
14La domesticité de café est en effet nombreuse pendant l’entre-deux-guerres. Elle se conjugue souvent avec une domiciliation au café ou au restaurant. Si le métier est difficile physiquement et exige toujours un investissement émotionnel et verbal30, il permet de récolter des pourboires, de côtoyer ses pair.es de classe et leurs organisations collectives. Parfois, travailler dans un café ou un restaurant permet de glisser vers un travail de service non résident, aux horaires plus nettement définis.
15En mars 1936, Louise Berger, 25 ans, est témoin de la tentative de meurtre d’Arnaud Bouchet sur Mme Savonet, sa patronne, une tenancière de café lyonnaise. Ses dépositions nous informent qu’elle ne vit pas au café mais à son domicile propre, avec son enfant âgé de quelques mois. Elle travaille depuis presque deux ans pour cet établissement31 où elle est considérée par Mme Savonet comme sa « bonne »32. Malgré ses horaires étendus de 6 h 30 à 22 heures (puisqu’elle est présente à l’ouverture et à la fermeture du commerce)33, elle préfère avoir son propre domicile. Cette pratique de non-résidence se répand. À la campagne aussi, une partie de la production jadis faite par les domestiques est de plus en plus réalisée par des « journalières », qui interviennent de manière ponctuelle au sein de l’exploitation, tant pour des tâches ménagères qu’agricoles. Depuis le début des années 1930, Madeleine Grenier, une journalière de 48 ans de Saint-Georges-de-Reneins, se rend régulièrement chez les Mestat, des agriculteurs assez prospères de la même commune :
En 1931, je suis venue habiter au lieu dit « Crochet » et depuis cette époque jusqu’au mois de juin 1935 je suis allée comme journalière chez les Mestat pour faire des façons de vigne et quelques journées de lavage en 1933 et en 1934 […]. Depuis le mois de juin 1935, je ne suis allée chez les Mestat qu’une seule fois lors de la noce, fin décembre 1935 pour faire la vaisselle. Quant aux Lamoureux je les fréquentais peu, car ce sont des propriétaires. […]. J’allais chez les Mestat pour les travaux de la vigne, en moyenne et au maximum 15 jours en mars-avril. En juin, j’allais là 10 jours pour relever la vigne. Je n’y retournais que pour les vendanges. […] À cette époque, en juin 1934, je restais à travailler dans les vignes Mestat de 7h1/2 du matin jusqu’à 8h du soir. Je prenais le repas de midi avec les autres à la maison.34
16S’amorce en effet un mouvement de décohabitation du personnel de service, qui prend plusieurs aspects. Une partie croissante du travail domestique est fournie par un personnel qui ne réside plus chez les patron.nes et qui limite ainsi ses horaires de travail. La décohabitation est d’ailleurs principalement une affaire de femmes mariées ou de mères de famille : elle est donc probablement motivée par une vie affective extérieure au ménage employeur. Pour autant, elle n’est pas synonyme de dépersonnalisation radicale des relations de travail. Même sans dormir sur place, Madeleine Grenier et Louise Berger sont des témoins privilégiées des états affectifs et des relations intimes de leurs employeur.es : c’est en cette qualité qu’elles sont interrogées par les forces de l’ordre et qu’elles peuvent fournir des indications éclairantes. Madeleine Grenier précise ainsi : « Longtemps, le père Mestat ne voulait pas du mariage de sa fille avec Lamoureux car il ne le trouvait pas assez travailleur. »35 Louise Berger, de son côté, apparaît même comme la confidente de sa patronne, Mme Savonet, lorsqu’elle explique :
J’ai toujours connu les relations de ma patronne avec le sieur B. et je puis vous dire que ce dernier est un violent et un brutal, qui, souvent même en ma présence n’hésitait pas à frapper sauvagement sa maîtresse et à me menacer lorsque j’intervenais pour les séparer. Lasse de cette vie de martyre, Mme Savonet, peu après sa liaison m’a avoué en avoir assez de cet individu et depuis, ne cessait de le lui dire mais lui, n’a jamais rien voulu savoir et lorsque les scènes devenaient trop violentes il n’hésitait pas à lui dire que s’il était obligé de partir il ne partirait pas seul et qu’il lui ferait la peau. Il y a un mois environ, ma patronne rentrant en taxi avec B., m’a affirmé qu’en cours de route elle avait été menacée par son amant d’un revolver et depuis ce jour elle vivait dans des transes perpétuelles, le fait qui s’est produit était inévitable avec un individu comme B.36
17Cette décohabitation peut être permanente (pour Louise Berger) ou s’accompagner – surtout en milieu agricole – de périodes courtes de domiciliation chez le patronat (pour Madeleine Grenier). L’apport d’une main-d’œuvre ponctuelle lors de moments décisifs du calendrier agricole (les vendanges) n’est pas un phénomène nouveau. Néanmoins, la mention de la vaisselle réalisée un jour de mariage montre aussi que Madeleine Grenier peut être employée « à la journée » non comme travailleuse agricole mais bien comme « femme de ménage » ou « plongeuse ». Les exemples de cette pratique d’embauche à la journée pour du travail ménager dans les années 1920 et 1930 se multiplient dans les autobiographies37 comme dans les archives judiciaires38. Ce travail « de journée », où des femmes (principalement) se déplacent au domicile de l’employeur.e pour effectuer plusieurs heures de travail ménager ou de cuisine, existe en effet de longue date. Nous trouvons ainsi dans les échantillons de recensements dépouillés pour l’année 1851 une trentaine de « domestiques », « valets », et autres « cuisinières » qui ne vivent pas chez leurs patron.nes, en ville comme à la campagne39. Cette pratique de non-résidence croît cependant plus nettement après la Première Guerre mondiale, et encore plus après la Seconde, en France comme dans d’autres pays occidentaux40. La domesticité non résidente s’accompagne d’une revalorisation – partielle et limitée – du travail fourni et d’une meilleure appréciation des personnes travaillant dans ce secteur. Dans les recensements examinés, la part de personnes qui se déclarent domestiques, bonnes, cuisinières tout en vivant dans leur domicile propre augmente au début du xxe siècle : ils et elles constituent environ 5,9 % en 1911, 8,1 % en 1921 et 8,8 % en 1936 des échantillons examinés41. Les professionnel.les des services qui ne vivent pas avec le patronat sont généralement plus âgé.es que les autres domestiques, affichant une moyenne d’âge de 37,57 ans en 1911 (contre 30,34 ans pour l’ensemble des domestiques recensé.es pour la même zone géographique cette année-là). Les moyennes d’âge des domestiques non résident.es s’élèvent à 42,84 ans en 1921 et à 40,57 ans en 1936, contre respectivement 33,20 ans et 34,90 ans dans l’ensemble de nos échantillons. Ces domestiques sont également un peu plus souvent « français.es » que la moyenne en 1911, 1921 et 193642. Nos sources précisent trop sporadiquement les statuts maritaux pour permettre de savoir dans quelle mesure cette décohabitation est liée à des mariages. Cependant l’âge supérieur et l’usage plus répandu de qualifications précises pour définir auprès des censeurs son occupation professionnelle montrent que la non-résidence est un privilège principalement réservé aux plus expérimenté.es, aux plus qualifié.es et aux ressortissant.es. français.es. La question demeure pourtant de savoir si ces domestiques non résident.es se font payer au même tarif que leurs confrères et consœurs nourri.es et logé.es : trop peu d’éléments ont été trouvés aux archives sur cet aspect.
18Par ailleurs, la décohabitation s’explique par l’externalisation d’une partie de ce qui était produit au sein du foyer. La production « domestique » n’est plus entièrement fabriquée au domicile des bénéficiaires. À partir du début du xxe siècle, une partie croissante des biens et services sont acquis et consommés à l’extérieur du foyer. Cette externalisation est nécessaire à la bourgeoisie, qui trouve de moins en moins de volontaires pour faire réaliser à son domicile propre cette production. Le mouvement d’externalisation est par ailleurs accompagné par l’État, qui développe des services publics. Ainsi, l’État-providence émergent se dote d’une fonction publique hospitalière, alors que le soin médical est un service traditionnellement assuré par la domesticité au sein des familles bourgeoises43. Les multiples travaux sur la profession d’infirmière dans l’entre-deux-guerres mettent d’ailleurs en évidence sa proximité avec la domesticité sur plusieurs aspects : uniforme, délégation de tâches non définies, position subordonnée dans la hiérarchie hospitalière, nature du travail qui combine des compétences relationnelles et d’adaptabilité aux personnes et un travail physique au contact de la saleté. Les infirmières sont alors en charge du nettoyage des patient.es, des salles de soin, des chambres. Ce sont des femmes principalement. Si beaucoup étaient pendant la Grande Guerre issues des classes moyennes, elles sont par la suite nées dans des milieux ruraux et populaires et cherchent un travail rémunéré en ville44. L’externalisation et même, pour reprendre le concept d’Evelyn Nakano-Glenn, l’institutionnalisation du travail de care45 contribuent aux transformations importantes de la domesticité dans l’entre-deux-guerres, et notamment à l’essor du travail domestique non résident.
19Externalisée, la production de services bénéficie d’une reconnaissance publique plus forte, plus visible que dans l’intimité des foyers. La professionnalisation qui découle de la reconnaissance des qualifications nécessaires est inégale suivant les types de production réalisés : l’amélioration des connaissances scientifiques et des pratiques médicales accélère la professionnalisation et l’uniformisation de la formation des infirmières par exemple, pour la production du soin médical à la personne46. Le fait que des infirmières exercent publiquement des soins traditionnellement cachés contribue certainement à leur plus grande reconnaissance. En ce qui concerne d’autres types de production, cette visibilité plus grande du travail réalisé dans l’espace public, combinée à des succès entrepreneuriaux, revalorise certaines compétences, principalement culinaires. C’est le cas des cuisinières lyonnaises appelées « les mères », comme Eugénie Brazier (voir chapitre 1), des anciennes domestiques ayant ouvert des restaurants devenus prestigieux à Lyon47.
20Ces exemples sont amplement valorisés et romancés par la bourgeoisie lyonnaise, alors que le tourisme culinaire se développe. Pour le patronat domestique, mettre l’accent sur les exemples de mobilité sociale ascendante spectaculaire pour (re)valoriser la domesticité, et souligner son rôle bienveillant en la matière est une stratégie discursive très répandue. Cette forme de paternalisme ne doit pourtant pas nous faire croire que cette mobilité sociale forte est généralisée. Toutes les anciennes domestiques ne trouvent pas à valoriser financièrement et socialement leurs compétences, du moins pas à un tel degré. L’ouverture ou la reprise d’une épicerie-comptoir, l’équivalent urbain de « se monter » pour une « petite élite » dans le monde agricole48, ne réduit pas nécessairement le temps et la difficulté du travail fourni, et ne débouche pas toujours sur une affaire pérenne et reconnue. D’ailleurs cette prise d’autonomie par rapport au patronat masculin et bourgeois n’est que relative : l’ouverture d’un établissement se fait généralement avec un époux qui apporte une partie des fonds et dirige, au moins officiellement, les affaires. Aussi, au milieu des années 1930, sur 67 restaurants installés dans la Presqu’île de Lyon, seuls treize sont tenus par des femmes.
21Aujourd’hui, la sociologie du care et du travail s’intéresse à nouveau aux dynamiques spécifiques à la domesticité : les difficultés liées à la professionnalisation des « aides à domicile », à la reconnaissance à l’échelle mondiale de droits pour les travailleuses et travailleurs domestiques, la racialisation croissante de la main-d’œuvre et l’organisation des domestiques pour améliorer leurs conditions de travail en sont quelques exemples. Ces dynamiques prennent selon nous leur envol dans cet entre-deux-guerres où, le cas français le montre bien, s’opère une distinction croissante entre monde ouvrier et monde des « services ». Cette polarisation des classes populaires, sur des bases genrées, nationales et raciales, s’inscrit dans des rapports de pouvoir anciens. Le rôle du patronat domestique et de la puissance publique se révèle considérable dans la formation de ces catégories. Le caractère principalement masculin du patronat mérite que l’on s’y attarde. Longtemps, la littérature scientifique a mis en avant le fait que des femmes (blanches) embauchaient d’autres femmes (racisées) pour faire leur « sale boulot ». Le bénéficiaire en dernier ressort de cette division intra-genre du travail n’était pas forcément identifié. C’est pourtant bien la classe des hommes qui en régime hétérosexuel s’approprie l’essentiel des plus-values générées par le travail (des) domestique(s). Rappeler cette caractéristique permet de déplacer les lignes des luttes politiques à mener pour une véritable reconnaissance, y compris monétaire, de ce travail. Le rôle de la puissance publique, en ces temps où la mondialisation paraît affaiblir le contrôle des États, ne doit pas être négligé : en façonnant les catégories, notamment juridiques, les États ont encore bien du chemin à parcourir pour protéger les travailleurs et travailleuses domestiques de toutes origines. La question qui émerge est donc bien celle de la volonté politique.
Notes de bas de page
1 Pierre Guiral et Guy Thuillier, La vie quotidienne des domestiques, ouvr. cité, p. 245
2 Sur un total de 1315 habitants recensé.es : 6MP570 et 6MP572, ADR.
3 Diane de Keyser, Madame est servie, ouvr. cité, p. 74.
4 Ibid., p. 75.
5 Frédérique El Amrani, Les jeunes filles des milieux ruraux populaires en Anjou, ouvr. cité, p. 182.
6 Nous avons trouvé 7 hommes sur 51 domestiques « fidèles », soit une proportion d’hommes équivalente à celle de l’ensemble des domestiques dans nos échantillons de 1936.
7 C’est également un topos de la littérature française.
8 Yvonne Cretté-Breton, Mémoires d’une bonne, ouvr. cité, p. 75.
9 Éric Mension-Rigaud, L’enfance au château, ouvr. cité, p. 105-106.
10 Jean-Paul Burdy, Mathilde Dubesset, Michelle Zancarini-Fournel, « Rôles et travaux de femmes dans une ville industrielle : Saint-Étienne, 1900-1950 », Le mouvement social, no 140, 1987, p. 42-44.
11 Ronald Hubscher, L’immigration dans les campagnes : xixe-xxe siècle, Paris, Odile Jacob, 2005, p. 84-85.
12 Ibid., p. 118-119.
13 Lettre du préfet du Rhône au préfet de la Loire du 11 juin 1934, 7M152, ADL.
14 Lettre du directeur d’agence de Bourg-en-Bresse à l’inspecteur de l’Assistance publique du Rhône du 19 juillet 1938, 3X1500, ADR.
15 Contrat de travail d’Hubertine Klanger du 20 février 1939, Dossier Hubertine Klanger, ibid.
16 Interrogatoire d’A. C. du 25 novembre 1935, Affaire A. C., 4U525, ADL.
17 Lettre d’E. K. au directeur de l’agence de Bourg du 16 mars 1937, Dossier E. K., 3X1502, ADR.
18 Lettre de Samuel Franc au directeur d’agence d’Yssingeaux du 21 octobre 1939, Dossier A. M., 3X1609, ADR.
19 Lettre de la directrice de la Solitude à l’inspecteur départemental de Lyon du 16 juillet 1940, Dossier A. M., ibid.
20 Lettre du 24 décembre 1891 de l’inspecteur Jurnin à l’inspecteur département de l’Assistance publique du Rhône, Dossier J. M., 3X402, ADR. Voir l’annexe 4 de notre thèse.
21 Lettre de Félix Garcin au préfet de la Loire du 17 septembre 1931, 7M152, ADL.
22 Déposition d’Henri Bourgeois (hôtelier, ex-employeur) du 31 mars 1931, Affaire M. B., 2U853, ADR.
23 Interrogatoire de M. B. du 21 mars 1931, Affaire M. B., ibid.
24 Gilbert Garrier, Paysans du Beaujolais et du Lyonnais, ouvr. cité, vol. 1, p. 442.
25 Ibid., p. 464 et p. 619.
26 Lettre de Félix Garcin au préfet de la Loire du 17 septembre 1931, 7M152, ADL.
27 Frédérique El Amrani, Les jeunes filles des milieux ruraux populaires en Anjou, ouvr. cité, p. 199.
28 Ibid., p. 193.
29 Déposition de Marie Bouget du 18 décembre 1934, Affaire L. G., F. M., J. M., 4U528, ADL.
30 Les domestiques de café sont fortement surreprésentées dans les dépositions des affaires jugées aux assises en 1921, 1931 et 1936, dans la Loire et dans le Rhône.
31 Déposition de Louise Berger du 30 avril 1936, Affaire A. B., 2U889, ADR.
32 Déposition de Léonarde Savonet du 7 mai 1936, Affaire A. B., ibid.
33 Déposition de Louise Berger du 30 avril 1936, Affaire A. B., ibid.
34 Déposition de Madeleine Grenier née Lorin du 25 février 1936, Affaire M. M., M. L. et E. C., 2U881, ADR.
35 Déposition de Madeleine Grenier née Lorin du 25 février 1936, Affaire M. M., M. L. et E. C., ibid.
36 Déposition de Louise Berger du 17 mars 1936, Affaire A. B., 2U889, ADR.
37 P. C., APAx, p. 62, à propos de sa mère, ancienne domestique, au début des années 1920 : « Dans les quartiers populaires, où on ne fréquentait guère les restaurants, on trouvait des femme qui, sans être des professionnelles de la cuisine, avaient un réel talent culinaire et qui, surtout, ne reculaient pas devant une longue journée de travail. On les sollicitait occasionnellement pour un baptême, une communion, voire un mariage ou un enterrement. On les connaissait par le bouche à oreille. La rétribution par l’employeur était relativement modeste mais l’assiette qui circulait en fin de repas pour recueillir les pourboires des convives permettait souvent d’arriver à un total fort honnête. Notre mère elle-même était connue et appréciée pour ce genre d’activité […]. »
38 Nous pouvons par exemple citer la déposition de Marguerite Bohé du 12 juillet 1921, Affaire J.-C. M., 4U450, ADL.
39 Recensements : 1F4 AMSE ; 6MP99, 6MP101, 6MP111, 6MP112 (Lyon), 6MP96 (Lamure-sur-Azergues), ADR ; 6M381 (Roanne), 6M345 (La Pacaudière), ADL.
40 Evelyn Nakano-Glenn, « From servitude to service work », art. cité.
41 Voir notre thèse pour plus de précisions.
42 Sur 148 domestiques ne vivant pas chez leurs employeur.es en 1911, 1921 et 1936, seul.es huit n’ont pas la nationalité française.
43 Nancy Christie, « Strangers in the family », art. cité.
44 Véronique Leroux-Hugon, « L’infirmière au début du xxe siècle : nouveau métier, tâches traditionnelles », Le mouvement social, no 140, 1987, p. 55-68.
45 Evelyn Nakano-Glenn, « From servitude to service work », art. cité.
46 Christian Chevandier, « L’affirmation des qualifications dans les services de soin : les hospices civils de Lyon dans l’entre-deux-guerres », Bulletin du Centre Pierre Léon, vol. 2-3, 1995, p. 97-107, et Véronique Leroux-Hugon, « L’infirmière au début du xxe siècle », art. cité, p. 55-68.
47 Georges Blanc et Coco Jobard, La cuisine de nos mères, Paris, Hachette, 2005, p. 16.
48 Ronald Hubscher, L’immigration dans les campagnes, ouvr. cité, p. 23.
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Des champs aux cuisines
Ce livre est cité par
- Delpierre, Alizée. (2021) Des femmes si privilégiées ? La fatigue d’être servi·e par des domestiques. Travail, genre et sociétés, n° 46. DOI: 10.3917/tgs.046.0115
- Sussman, Sarah. (2020) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 43. DOI: 10.1215/00161071-8552531
- Paris, Myriam. (2020) Citoyenneté refusée : les employées domestiques face à la régulation du travail à La Réunion (1945-1960). Travail, genre et sociétés, n° 44. DOI: 10.3917/tgs.044.0049
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