Chapitre 3. Une recherche empirique
p. 75-96
Texte intégral
Problématique
1Cette recherche a pour objectif d’étudier l’enseignement et l’apprentissage de la catégorisation dans une classe de 2P. Ceci, à travers d’une part, la mise en œuvre d’un instrument conçu pour favoriser le développement catégoriel des élèves et d’autre part, l’évaluation de l’impact de cet entraînement sur la capacité catégorielle de ces élèves.
2Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, la catégorisation est une conduite adaptative fondamentale qui permet de structurer le réel. Les activités de catégorisation sont en lien avec l’acquisition du langage (dénomination de groupe, explicitation de critères) et favorisent le développement de l’autorégulation cognitive. Ces divers éléments sont en faveur d’un entrainement à la flexibilité catégorielle dans les premiers degrés de la scolarité. Les recherches de Bonthoux et al. (2004) ont permis d’établir que dès 5 ans, dans certaines conditions, les enfants manifestent déjà une flexibilité pluri-catégorielle, alors que la flexibilité relationnelle dépendrait en partie « du degré d’explicitation des représentations de relations catégorielles en jeu » (p. 174). C’est ce que valorisent les activités proposées par Paour et al. dans Catégoriser des catégories puisqu’elles visent à susciter l’explicitation à travers la verbalisation des actions mentales de l’élève.
3Dans la perspective de développer la catégorisation chez des élèves de 2P, l’approche à travers l’instrument Catégoriser des catégories est totalement adéquate au niveau pédagogique. Il reste encore à déterminer si la démarche proposée est réalisable dans une classe ordinaire de 2P et quelles sont les adaptations éventuelles à apporter pour que les enseignants puissent s’approprier cet outil. Ce sont ces interrogations qui m’ont conduite à formuler la question suivante : Enseigner la catégorisation comment et à quelles conditions ?
4L’hypothèse est qu’à l’aide d’un outil adapté la catégorisation dans les premiers degrés de la scolarité peut être enseignée.
5Une fois la catégorisation enseignée et l’entraînement suivi par les élèves, il importe de connaître l’impact d’un tel travail sur leurs capacités catégorielles. Ce qui impose une nouvelle question : Apprendre à catégoriser en 2P favorise-t-il le développement catégoriel ?
6Je me propose de mesurer les effets de l’entraînement à la catégorisation à travers des épreuves de flexibilité catégorielle. Le dispositif de recherche repose sur la passation de deux épreuves identiques à deux moments distincts : en amont et en aval de l’entraînement. Ces mêmes épreuves seront proposées à une classe témoin dans la même temporalité. Cette approche devrait permettre de mesurer le maintien de la règle catégorielle dans une situation donnée.
7L’hypothèse étant que les élèves ayant suivi l’entraînement à la catégorisation présenteront une progression plus marquée de leur capacité catégorielle que les résultats obtenus par la classe témoin.
8L’entraînement des élèves à la catégorisation a été mis en œuvre selon les activités et la chronologie proposées par les auteurs de l’outil Catégoriser des catégories. Les performances des élèves ont été évaluées sur la base d’un processus d’expérience qui a consisté à mesurer dans un premier temps les capacités catégorielles des élèves avant la période d’entraînement à la catégorisation mise en place à l’aide de l’outil et dans un deuxième temps après cette période d’entraînement. Ensuite, les résultats obtenus par la classe 2P ont été comparés avec une autre classe 2P n’ayant pas été entrainée avec l’outil.
Participants
9La classe expérimentale est une classe de 2P qui comprend 12 élèves et représente la classe qui a bénéficié de l’entrainement à la catégorisation avec l’outil Catégoriser des catégories. La classe témoin comprend 11 élèves et représente la classe qui n’a pas suivi l’entraînement à la catégorisation.
10Ces deux classes présentent un total de 23 élèves de 2P, tous âgés entre 5 ans et demi et 6 ans et demi. Les deux classes ont été sélectionnées dans le canton de Vaud, elles font partie du même établissement scolaire et sont situées dans des villages contigus. La population des deux classes, tant par la composition que par le profil socio-économique des élèves, est très semblable. Tous ces élèves ont déjà suivi une première année scolaire sans entraînement spécifique à la catégorisation.
L’analyse a priori
11Avant de débuter la mise en œuvre des leçons et des tâches parallèles proposées dans Catégoriser des catégories, j’ai procédé à une analyse a priori de cet outil. Mon expérience et ma pratique d’enseignante ont favorisé ce travail d’analyse. J’ai procédé à une première analyse a priori quelques mois avant la mise œuvre, ce qui m’a permis de me familiariser avec l’outil, ses objectifs et la démarche proposée par les auteurs. J’ai réalisé une lecture attentive des activités proposées tout en me projetant dans une réalité de classe. J’ai mis en perspective la réalisation des séances dans une classe de 2P Harmos avec 12 élèves. Pratiquement, j’ai annoté chaque leçon et chaque tâche parallèle en fonction de mes observations. Ce travail est essentiel pour prendre connaissance de l’outil et pour obtenir une vue d’ensemble du déroulement des séances. Cela permet de comprendre la construction des séances et l’objectif à atteindre.
La mise en œuvre
12Différentes contraintes, liées aux conditions et au contexte de travail m’ont astreintes à planifier des séquences de travail rapprochées. Dans le canton de Vaud, les deux premières années de la scolarité sont mixtes (1P et 2P) et dans l’établissement dont sont issues les deux groupes d’élèves, seuls les élèves de 2P sont scolarisés les après-midis. Pour exploiter l’outil Catégoriser des catégories, il est conseillé de travailler avec des groupes de 4 à 5 élèves. Pour répondre à ce critère, j’ai constitué deux groupes avec les élèves de 2P qui allaient participer à l’entraînement et j’ai concentré ces séances de travail sur les après-midi. En effet, il me paraissait peu souhaitable de devoir travailler en matinée avec deux groupes de 2P en parallèle tout en m’occupant des 11 élèves de 1P. Ces périodes de travail se sont imposées pour des raisons d’organisation évidentes mais également pour favoriser les conditions d’apprentissage des élèves de 2P. En outre, j’interviens hebdomadairement qu’un jour et demi dans la classe. J’ai dès lors choisi de travailler avec l’instrument Catégoriser des catégories les jeudis et vendredis après-midi qui sont devenus « les après-midi Catégo ».
13Le travail de catégorisation s’est déroulé sur trois mois, de début mars à fin mai à raison d’une leçon par semaine, voire de deux leçons par semaine. Les séances se sont enchainées de manière régulière, les interruptions étant dues uniquement aux congés scolaires.
Organisation du travail
14Les après-midi Catégo se sont déroulés selon deux modalités différentes : une leçon sur deux après-midi ou une leçon sur un seul après-midi. Dans le cas des deux après-midi, un premier groupe a travaillé avec l’enseignante alors que le deuxième groupe réalisait les tâches parallèles de la leçon précédente. Le lendemain, le deuxième groupe travaillait avec l’enseignante pendant que le premier groupe réalisait les tâches parallèles de la leçon du jour précédent. Pour le déroulement sur un seul après-midi, je présentais deux fois de suite la leçon en inversant les groupes et en préparant deux ou quatre tâches parallèles en autonomie. Dans de telles conditions, l’organisation et le système de contrôle se doivent donc d’être performants ! Ces deux modes de fonctionnement se sont imposés principalement pour deux raisons : le temps à disposition (période de trois mois entre le pré-test et le post-test) et la vie de la classe (certains après-midis étaient dédiés à d’autres activités obligatoires). Chaque leçon a fait l’objet d’un enregistrement audio, ce qui n’a pas été le cas des tâches parallèles puisque les élèves travaillaient en autonomie. Suite à chaque séance, j’ai noté quelques remarques directement sur le document des leçons et des tâches parallèles.
Planification des leçons et des tâches parallèles
15Les leçons proposées dans Catégoriser des catégories sont très denses et riches en indications pédagogiques. L’appropriation du déroulement et des visées pédagogiques demande un investissement certain de l’enseignant. Il importe de mettre en exergue les gestes professionnels, le vocabulaire et les articulations essentielles. Une planification minutieuse et la préparation du matériel requièrent beaucoup de temps. Les interventions ont été planifiées en tenant compte de l’analyse a priori et des réalités de la classe.
16Les leçons et les tâches parallèles ont été construites dans une perspective de progression des apprentissages, c’est pourquoi j’ai suivi la chronologie des leçons comme elle a été proposée par les auteurs. Chaque leçon a fait l’objet d’une analyse et d’une planification adaptée au contexte de la classe et à l’évolution des compétences des élèves. De même, chaque tâche parallèle proposée (tâche que les élèves réalisaient en autonomie) a été analysée et adaptée en fonction du groupe classe. Chaque planification de séance a fait l’objet d’une réécriture sur papier. Elle reprenait les éléments importants de l’activité, le matériel à préparer, ainsi que les tâches parallèles et le matériel à prévoir pour la séquence (voir annexe A).
Matériel
17Le matériel utilisé était celui proposé par les auteurs soit : quatre planches figurant une chambre d’enfant, des images de diverses catégories (bébés, chats, véhicules, vêtements, voitures…), l’imagier Catégo, ainsi que des photos, des dessins et des images récoltés par mes soins. J’ai procédé à certaines adaptations du matériel : les planches de la première leçon ont été agrandies en format A3 pour faciliter un travail collectif (12 élèves) et plusieurs images ont été agrandies pour permettre une meilleure identification. Toutes les cartes ont été plastifiées pour résister aux multiples manipulations. Six boîtes identiques et des pinces à linges (pour fixer les étiquettes) ont également fait partie du matériel de base.
Déroulement des tests
Le processus d’expérience
18Afin d’évaluer les effets de l’enseignement à la catégorisation, j’ai mis en place un processus d’expérience destiné à mesurer l’effet de l’entrainement avec l’outil sur l’apprentissage des élèves et sur leurs capacités de catégorisation.
19Pour cela, deux séries de tests visant à mesurer les performances des élèves en termes de capacité catégorielle ont été pratiqués au sein de deux classes : une classe expérimentale dans laquelle avait été mis en pratique l’outil Catégoriser des catégories, et la classe contrôle dans laquelle aucun entrainement spécifique à la catégorisation n’avait été mis en place.
20Afin de mesurer les effets de l’enseignement, les tests devaient se dérouler en deux temps. Un premier temps appelé pré-test consistait à effectuer les tests de catégorisation dans les deux classes sélectionnées sans que l’instrument Catégoriser des catégories n’ait été mis en pratique. Un deuxième temps appelé post-test consistait à réitérer les mêmes tests de catégorisation auprès des élèves après que l’outil ait été mis en œuvre dans la classe expérimentale. L’objectif consistait ainsi à évaluer les capacités catégorielles des élèves dans deux classes distinctes et les éventuels effets suite à l’entrainement aux processus de catégorisation mise en œuvre dans l’une des deux classes. Le tableau 1 présente succinctement le déroulé des tests.
Tableau 1. Déroulement des tests
Février 2012 | Mars à mai 2012 | Juin 2012 | |
Classe expérimentale | Pré‑test | Entraînement avec l’outil | Post-test |
Classe contrôle | Pré‑test | Pas d’entraînement spécifique | Post-test |
Procédure des tests (et hypothèses)
21Dans chacun des tests effectués, qui vont être plus précisément décrits dans les phases de pré-test et de post-test, le but était d’évaluer dans quelle mesure l’élève était capable de maintenir une relation catégorielle donnée. Ainsi deux types de relations catégorielles ont été testées et chaque fois selon trois épreuves spécifiques.
22Les deux relations catégorielles étaient :
la relation catégorielle de type schématique, en fonction de thèmes. Ce sont les éléments associés dans une même scène ou même événement de la vie quotidienne (ferme, cuisine, école, plage, piscine) ou encore des actions (planter un clou, peindre, prendre le goûter). Les objets sont hétérogènes, mais ils sont liés par des proximités spatiales, temporelles ou causales ;
la relation catégorielle de type taxonomique comporte des objets de même sorte, qui se ressemblent et qui partagent des propriétés communes de différents types (animaux, aliments, végétaux, outils, vêtements…).
23Pour chaque relation catégorielle, le test, qui consistait systématiquement à présenter une série de trois images à l’élève (triplet), mesurait la capacité de l’enfant à identifier la relation catégorielle donnée/demandée en retenant deux images correspondant à cette relation et selon trois épreuves :
maintien de la relation catégorielle sans interférence : le triplet d’images présentées contient un intrus qui ne remet pas en question le type de relation catégorielle demandée :
schématique : « esquimau », « igloo » avec « artichaut » comme intrus ;
taxonomique : « cheval » et « gorille » avec « perceuse » comme intrus.
maintien de la relation catégorielle avec interférence : le triplet d’images présentées permet les deux types de relations catégorielles entre toutes les images mais il est demandé à l’enfant de maintenir un seul type de relation catégorielle au détriment de l’autre. Dans le triplet « lion », « clown » et « bûcheron », il s’agit de garder « lion » et « clown » pour une relation schématique alors qu’il s’agirait de garder « clown » et « bûcheron » dans une relation taxonomique (schématique contre taxonomique ou inversement) ;
renversement de la relation catégorielle : le triplet d’images présentées permet les deux types de relations catégorielles entre toutes les images et il est demandé à l’enfant de changer de règle de catégorisation en cours de jeu soit de passer explicitement de l’établissement d’une relation catégorielle à une autre (de schématique à taxonomique ou inversement).
24Les tests et les résultats obtenus pour chaque élève au terme de ces épreuves menées pour les deux types de relations catégorielles visaient à évaluer :
dans quelle mesure les élèves étaient capables de maintenir une relation catégorielle initiale donnée, soit d’identifier l’intrus à cette relation ;
les capacités de la flexibilité catégorielle soit la possibilité de maintenir une relation catégorielle initiale en situation d’interférence mais également les capacités de bascule d’une première relation catégorielle initiale toujours présente (et comprise) vers l’utilisation d’une nouvelle/deuxième relation catégorielle.
Matériel du test
25Pour identifier les relations catégorielles données ou demandées, les tâches à effectuer par les élèves lors des tests ont été présentées sous forme de jeu de cartes. Les élèves devaient ainsi réaliser des associations à partir des images qui leur étaient proposées.
26Les propositions d’images se présentaient sous la forme d’une série de fiches (feuilles A4 blanches) contenant chacune trois images de 5 x 5 cm imprimées (triplet d’images). Les différentes images en couleur proposées sur ces fiches représentaient des objets, des personnes ou des animaux faisant partie de la vie quotidienne. Au total, les tests ont nécessité la préparation de 70 fiches proposant à chaque fois un triplet d’images différentes (certaines images pouvaient être reprises dans différents triplets mais la combinaison des images du triplet était à chaque fois différente).
27Les différentes combinaisons ou associations d’images des triplets ont été élaborées afin de présenter des relations de type schématique (p. ex. la ferme, le cirque, l’hôpital, la mer, etc.) ou des relations de type taxonomique (p. ex. la nourriture, les animaux, les véhicules, les vêtements, etc.). Comme mentionné plus haut, les images pouvaient être associées pour aller dans le sens d’une relation catégorielle de type schématique ou de type taxonomique mais une des images pouvait également jouer le rôle d’« intrus » par rapport à la relation catégorielle demandée. À titre d’exemple, les figures 5 et 6 présentent deux triplets d’images utilisés pour la première épreuve soit le test consistant à devoir éliminer l’image « intrus » en fonction de la relation catégorielle souhaitée (schématique ou taxonomique).
Figure 5. Triplet d’images pour une relation avec intrus : relation schématique

Figure 6. Triplet d’images pour une relation avec intrus : relation taxonomique

28Les différentes fiches de triplets ont été utilisées dans les tests selon un ordre et une procédure donnés qui sont décrits sous « Déroulement du test ». À cette fin, chaque fiche était numérotée et des combinaisons différentes des fiches ont été élaborées en fonction de l’objectif et du déroulement des tests (par exemple sélection aléatoire d’une combinaison de fiches ou de triplets par ordinateur).
Déroulement du test
29Pour réaliser les tests, j’évaluais chaque enfant pris individuellement dans une salle en dehors de la classe où il passait les trois épreuves à la suite.
30Le déroulement du test consistait à présenter à l’enfant différents triplets d’images et à donner des consignes au début de la première épreuve afin qu’il puisse résoudre ou effectuer la tâche de catégorisation. La consigne n’était pas répétée pour les autres épreuves.
31Pour mettre en évidence l’association correspondant à la règle de catégorisation en vigueur, l’enfant dispose d’un carton rouge qu’il utilise pour sélectionner l’image qu’il souhaite éliminer du triplet présenté.
32Ainsi, la consigne qui présente la tâche à effectuer lors de la première épreuve est la suivante :
Je vais te montrer des feuilles sur lesquelles il y a trois images. À chaque fois, il y a deux images qui vont bien ensemble. Il faudra que tu caches, avec le carton rouge, l’image qui ne va pas bien avec les autres pour qu’il ne reste que les deux images qui vont bien ensemble. Parfois, il y a plusieurs façons pour que les images aillent bien ensemble. Tu dois trouver celle que je veux. Je t’aiderai en te disant à chaque fois si c’est bien comme ça que les images vont ensemble.
33Une consigne simple est répétée lors de la présentation des deux premiers triplets : « Deux de ces images vont bien ensemble, recouvre avec ce carton celle qui ne va pas avec les autres ». Une fois l’image cachée par l’enfant, je donne le feed-back en fonction de la réponse de l’élève et de la relation catégorielle qui doit être établie : « Oui, c’est bien comme ça que les images doivent aller ensemble » ou « Non ce n’est pas comme ça que les images doivent aller ensemble ». Pour chaque association établie par l’enfant, celle-ci a été notée, sur la base de la relation catégorielle souhaitée comme juste (J) ou fausse (F) et reportée sur une fiche de saisie et de contrôle des différentes épreuves (figure 7).
Figure 7. Fiche de saisie et de contrôle pour un élève

34Les différents triplets ont été constitués et présentés à l’enfant en fonction de trois épreuves visant à tester l’élaboration de types de catégorisation et la possible flexibilité de l’enfant vis-à-vis des relations catégorielles. Les chapitres suivants décrivent les trois épreuves du test auxquelles a été soumis chaque enfant.
Épreuve 1 : maintien de la relation catégorielle initiale avec intrus
35La première épreuve consistait à évaluer le maintien d’une relation catégorielle avec un intrus. Cette première épreuve a pour but de s’assurer que l’élève identifie le type d’association ou de relation catégorielle proposée dans un contexte facilitateur, c’est-à-dire sans qu’il y ait interférence possible d’un autre type de relation catégorielle.
36Pour cette épreuve, une même série de triplets ont été proposés selon un ordre de succession identique à tous les participants. La série comprenait douze triplets avec à chaque fois deux images permettant une association ou une relation de catégorisation de type schématique ou taxonomique et une image représentant un vrai intrus par rapport à la relation catégorielle donnée/souhaitée. Les triplets utilisés dans cette première épreuve n’étaient plus utilisés dans les autres épreuves du test.
37Les figures 8 et 9 illustrent cette première épreuve. Pour le test concernant la relation schématique, les images « femme » et « collier » établissent une association ou relation de type schématique et l’image « fourmi » représente l’intrus alors que pour le test concernant la relation taxonomique c’est l’image « palmes » qui fait office d’« intrus ».
Figure 8. Triplet d’images pour le maintien d’une relation avec intrus : relation schématique

Figure 9. Triplet d’images pour le maintien d’une relation avec intrus : relation taxonomique

38Dans cette première épreuve, la tâche de l’enfant était de devoir sélectionner les deux images du triplet qui correspondaient selon lui aux consignes qui lui avaient été données lors de la présentation du test soit « Deux de ces images vont bien ensemble, recouvre avec ce carton celle qui ne va pas avec les autres ». Chaque réponse donnée par l’enfant était notée juste (J) ou faux (F).
39La fin de la première épreuve, et donc le passage à la deuxième épreuve, était possible lorsque l’élève avait donné 6 réponses correctes successives (établissement de la relation catégorielle souhaitée entre les deux images la représentant) ou au terme de la série des 12 triplets composant l’épreuve sans que l’enfant soit parvenu à donner six réponses correctes à la suite. Il était tout d’abord convenu de retenir cinq réponses successives correctes, mais lors de l’expérimentation avec le premier élève, je me suis rendue compte que les quatre premières réponses acceptées consistaient chaque fois à éliminer la première image du triplet. J’ai donc choisi d’augmenter le nombre de tentatives devant être réussies à la suite pour éviter cet effet de placement.
Épreuve 2 : maintien de la relation catégorielle initiale avec interférence
40La deuxième épreuve consistait à évaluer le maintien de la relation catégorielle initiale avec interférence (relation donnée ou souhaitée comme établie dans l’épreuve 1). Cette deuxième épreuve a pour but de s’assurer que le type d’association initiale établie par l’élève peut être maintenu en dépit d’un autre type d’association ou de relation catégorielle possible.
41Pour cette épreuve, une nouvelle série de triplets était proposée dans un ordre aléatoire à chaque enfant (les différentes séquences de triplets avaient été préparées à l’avance après un tri de fiches réalisé aléatoirement par ordinateur). La série comprenait vingt triplets avec à chaque fois deux images permettant une association ou une relation de catégorisation de type schématique et une troisième image qui permettait de créer une association ou relation de type taxonomique avec l’une des autres images. La première étape compte 12 triplets car elle a pour but de s’assurer que le participant identifie l’association proposée dans un contexte facilitateur (sans interférence). La seconde épreuve comporte 20 triplets car elle demande que le type d’association initial soit maintenu en dépit d’autres associations possibles.
42La figure 10 illustre cette deuxième épreuve avec les images de « main » et de « stylo » établissant une association ou relation de type schématique, et l’image « genou » qui crée une interférence puisqu’elle pourrait conduire à l’établissement d’une relation taxonomique : « main » et « genou ».
Figure 10. Triplet d’images pour maintien de la relation schématique avec interférence

43Les triplets utilisés dans cette deuxième épreuve n’étaient plus utilisés dans les autres épreuves du test.
44Dans cette deuxième épreuve, la tâche de l’enfant était de devoir sélectionner les deux images du triplet qui correspondaient aux consignes qui lui avaient été données au début de la présentation de cette épreuve soit « Deux de ces images vont bien ensemble, recouvre avec ce carton celle qui ne va pas avec les autres ». Chaque réponse donnée par l’enfant était notée juste (J) ou faux (F).
45La fin de la deuxième épreuve, et donc le passage à la troisième et dernière épreuve, était possible lorsque l’élève avait donné cinq réponses correctes successives (maintien de la relation catégorielle de type souhaitée entre les deux images la représentant) ou au terme de la série des 20 triplets composant l’épreuve et présentés à l’enfant sans que celui-ci soit parvenu à donner cinq réponses correctes successives. Dans cette deuxième épreuve, cinq réponses correctes ont été demandées, puisque la relation attendue ne risquait plus d’être liée à la position induite par le matériel comme lors de l’épreuve 1.
Épreuve 3 : renversement de la relation catégorielle initiale avec interférence
46La troisième et dernière épreuve consistait à évaluer la capacité de renversement de la relation catégorielle initiale avec interférence. Cette troisième épreuve a pour but d’évaluer dans quelle mesure le type d’association initiale établie par l’élève peut être changé en faveur d’un autre type de relation catégorielle possible. Ainsi, si la relation catégorielle donnée/souhaitée est de type schématique lors des deux premières épreuves, le feed-back donné à l’élève lors la troisième épreuve consiste à invalider systématiquement l’association de type schématique ou valider l’association de type taxonomique afin que l’élève comprenne que le nouveau type d’association souhaité est l’établissement d’une relation catégorielle de type taxonomique entre les deux images retenues.
47Pour cette épreuve, une nouvelle série de fiches ou de triplets était également proposée dans un ordre aléatoire à chaque enfant. La série comprenait vingt triplets avec à chaque fois, lorsque les tests portaient sur la relation schématique, deux images permettant une relation catégorielle de type schématique et une troisième image qui permettait de créer aussi bien une association de type taxonomique que de type schématique avec chacune des deux autres images. Cependant dans cette épreuve, il s’agissait d’amener l’enfant à sélectionner les deux images établissant une relation de type taxonomique puisque l’objectif était de « renverser » la relation schématique qui avait été jusque-là privilégiée dans les épreuves précédentes.
48La figure 11 illustre cette troisième épreuve puisque les images présentées permettent de construire les deux types de relations catégorielles. Ainsi dans le cas des tests ou les deux premières épreuves avaient porté sur la relation schématique, le feed-back donné à l’élève, lors de cette troisième épreuve, validait la relation de type taxonomique : l’élève devait retenir les images « chien » et « cerf » (relation catégorielle taxonomique) alors qu’un feed-back négatif lui était donné si les images retenues étaient « chien » et « niche » (relation catégorielle schématique). Chaque réponse donnée par l’enfant était notée juste (J) ou faux (F).
Figure 11. Triplet d’images pour renversement de la relation schématique avec interférence

49Les triplets utilisés dans cette troisième épreuve n’étaient plus utilisés dans les autres épreuves du test.
50La fin de cette troisième épreuve, et donc la fin du test, était possible lorsque l’élève avait donné cinq réponses correctes successives (renversement de la relation catégorielle antérieure dans le triplet proposé) ou au terme de la série des 20 triplets composant l’épreuve et présentés à l’enfant sans que celui-ci soit parvenu à donner cinq réponses correctes successives.
Réalisation des pré‑tests et des post‑tests
51Avant de procéder à l’entrainement des processus de catégorisation dans la classe expérimentale 2P, un pré-test a été mené dans les deux classes. Pour disposer d’une vision plus globale des capacités catégorielles des élèves, j’ai effectivement procédé à deux passations des trois épreuves dans les mêmes conditions et avec le même dispositif. Dans un premier temps, ce sont les relations avec une association de base schématique qui ont été évaluées (relation schématique avec intrus, relation schématique avec interférence puis renversement avec relation taxonomique) puis deux semaines après ces premières épreuves, ce sont les relations avec une association de base taxonomique qui ont été évaluées (relation taxonomique avec intrus, relation taxonomique avec interférence puis renversement avec relation schématique)6. Les épreuves concernant la relation de base schématique ont été présentées en premier, car comme je l’ai mentionné dans le chapitre 2, c’est une relation plus souvent choisie spontanément par les enfants.
52Après la période d’entrainement des processus de catégorisation qui a été effectuée dans la classe expérimentale 2P et qui est décrite en détail ci-dessus, un post-test a été mené afin d’évaluer à nouveau les capacités catégorielles des élèves dans les deux classes sélectionnées pour l’étude.
53La mise en œuvre du post-test s’est déroulée de la même manière que celle du pré-test. Les tests et les épreuves ont également porté successivement sur les relations avec une association de base schématique puis sur les relations avec une association de base taxonomique. Les conditions du post-test ont été identiques à celles du pré-test (classes, délais de deux semaines entre les deux tests, etc.) et les mêmes procédures ont été appliquées. Les fiches d’images (triplets) utilisées étaient les même mais lors des épreuves 2 et 3 (maintien de la relation avec interférence ou inversion de la relation), les fiches n’ont pas été présentées dans le même ordre que lors du pré-test. Un nouvel ordre aléatoire de succession de la présentation des fiches a été établi par informatique et appliqué lors des épreuves.
54Les épreuves qui ont concerné la relation catégorielle schématique se sont déroulées en janvier 2012 et celles concernant la relation catégorielle taxonomique ont eu lieu en février 2012. Durant la période de mars à mai s’est déroulé l’entraînement à la catégorisation dans la classe expérimentale. Les épreuves ont été répétées en juin 2012 lors de la réalisation des post-tests. Parallèlement se sont déroulés les différents tests qui ont concerné la classe contrôle. Les trois épreuves se sont déroulées de manière identique dans les deux classes sélectionnées de manière à pouvoir effectuer une comparaison des résultats qui soient basées sur des procédures similaires. Ainsi tant les triplets composant les différentes épreuves que leur ordre de succession (donc de présentation dans les épreuves) étaient identiques dans les deux classes. Le tableau 2 résume le déroulement global de l’ensemble de ces tests.
Tableau 2. Réalisation des tests
Tests | Classe expérimentale | Classe contrôle |
Pré-test : 3 épreuves sur la relation schématique | 14 février 2012 | 6 mars 2012 |
Pré-test : 3 épreuves sur la relation taxonomique | 21 février 2012 | 13 mars 2012 |
Entraînement à la catégorisation | Mars–mai 2012 | |
Post-test : 3 épreuves sur la relation schématique | 4 juin 2012 | 12 juin 2012 |
Post-test : 3 épreuves sur la relation taxonomique | 21 juin 2012 | 18 juin 2012 |
Pré‑test et post‑test : objectifs et hypothèses
55L’objectif du pré-test était de pouvoir disposer de résultats concernant le niveau initial de capacité catégorielle des élèves dans les deux classes afin de comparer :
l’équivalence du niveau initial entre les deux classes, voire entre les élèves ;
les capacités catégorielles des élèves en fonction des deux types de relations catégorielles testées ;
les résultats du pré-test à ceux obtenus lors du post-test de manière à mesurer les effets de l’entrainement avec l’outil.
56En termes d’hypothèses concernant les résultats de ce pré-test, je m’attendais à ce que les mesures effectuées en termes de capacités catégorielles, soit le score moyen du nombre de tentatives nécessaire pour établir la relation catégorielle souhaitée, soient similaires entre les deux classes tant au niveau des trois épreuves que vis-à-vis des deux relations catégorielles testées. Je basais cette hypothèse sur le fait que le niveau des deux classes en termes de capacité catégorielle devait être identique étant donné que ces deux classes 2P suivaient le même programme et donc qu’aucune d’entre elles n’avait bénéficié d’apprentissages spécifiques centrés sur la catégorisation.
57Concernant les deux relations catégorielles évaluées, je pouvais m’attendre, sur la base des divers aspects relevés dans le cadrage théorique, à ce que dans les deux classes la relation schématique soit plus aisée à maintenir et à renverser que la relation taxonomique.
58L’objectif du post-test visait à mesurer à nouveau les capacités catégorielles des élèves en permettant de comparer celles de la classe expérimentale qui avait bénéficié d’un entrainement à la catégorisation grâce à l’outil Catégoriser des catégories et celles des élèves de la classe contrôle n’ayant pas suivi cet entrainement. Dans cette deuxième phase, mon hypothèse était que les capacités catégorielles de la classe expérimentale devaient être plus performantes étant donné qu’elle avait bénéficié de l’entrainement à la catégorisation. Je m’attendais donc à ce que le score moyen de la classe expérimentale, mesuré en nombre de tentatives nécessaire pour établir la relation catégorielle souhaitée, soit non seulement inférieur à celui mesuré pour cette classe lors du pré-test (amélioration des performances de la classe expérimentale entre les deux phases de test), mais également inférieur à celui observé pour la classe contrôle dans le post-test (amélioration des capacités catégorielles de la classe expérimentale par rapport à la classe contrôle).
59Par ailleurs je faisais l’hypothèse que l’entraînement allait améliorer les performances de la classe expérimentale tant du point de vue de la relation schématique que de celui de la relation taxonomique et ceci pour toutes les épreuves (maintien et renversement).
Notes de bas de page
6 Pour une plus grande facilité de lecture, les relations avec une association de base schématique seront nommées relations schématiques et les relations avec une association de base taxonomique seront nommées relations taxonomiques.

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2017
Du genre déviantes
Politiques de placement et prise en charge éducative sexuées de la jeunesse “irrégulière”
Olivia Vernay
2020
Regards croisés sur la réforme du secondaire I à Neuchâtel
Points de vue pédagogiques, points de vue politiques
Kilian Winz-Wirth
2021
Comment susciter la motivation des élèves pour la grammaire ?
Réflexions autour d’une séquence didactique
Sarah Gremion
2021
Rencontrer les parents
Malentendus, tensions et ambivalences entre l’école et les familles
Stefanie Rienzo
2022