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La catégorie de pauvre honteux en débat

p. 135-158

Résumés

À la fin du XVIIIe siècle, la catégorie de « pauvre honteux » ne va plus de soi. Pour éclairer les tensions qui sont à l’œuvre autour du déclassement des groupes privilégiés, l’article étudie les mémoires écrits à la suite d’un concours lancé par l’académie de Châlons-sur-Marne en 1777 qui appelle à réfléchir « sur les moyens de détruire la mendicité en rendant les mendiants utiles à l’État sans les rendre malheureux. » Des quelques 125 mémoires envoyés, les académiciens ont tiré des extraits à partir desquels l’abbé Malvaux a publié un livre censé reproduire les vues de tous les auteurs. L’article analyse ces essais en partant des définitions qu’ils donnent des pauvres honteux. Il les confronte également avec les commentaires des académiciens et le livre tiré du concours. Ainsi, à côté des textes majoritaires, qui conservent à la catégorie sa référence exclusive aux groupes privilégiés, certains l’étendent à d’autres figures sociales et d’autres la refusent carrément. Ces définitions, qui sous-tendent des projets différents de traitement des pauvres issus des classes privilégiées, portent, avec les définitions élargies, des enjeux de transformation de la société d’ordre.

At the end of the 18th century, the category of "shameful poor" was no longer self-evident. To shed light on the tensions that are at work around the downgrading of privileged groups, the article examines the memoirs written following a contest launched by the Châlons-sur-Marne academy in 1777, which calls for reflection "on ways to destroy begging by making beggars useful to the State without making them unhappy". Of the some 125 memoirs sent, the academicians drew extracts from which Abbé Malvaux published a book intended to reproduce the views of all the authors. The article analyses these essays starting with their definitions of the shameful poor. It also confronts them with the comments of the academicians and the book from the contest. Thus, alongside the majority texts, which retain in the category its exclusive reference to privileged groups, some extend it to other social figures and others reject it outright. These definitions, which imply different projects for the treatment of the poor from the privileged classes, carry, with the extended definitions, challenges of transformation of the society of order.

Entrées d’index

Mots-clés : pauvres honteux, Académie de Châlons-sur-Marne 

Keywords : Shameful poor, Academy of Châlons-sur-Marne


Texte intégral

Le concours de Chalons sur Marne de 1777

1La société d’ancien régime est traversée par deux frontières sociales majeures : la première isole les privilégiés des pauvres entendus alors comme « ceux qui n’ont que leur travail pour vivre »1 et la seconde sépare les pauvres des mendiants et vagabonds. Franchir la première ne signifie pas seulement connaître un appauvrissement économique, elle est considérée et vécue comme une atteinte à l’honneur. Pour préserver les privilégiés du sort commun, une catégorie spécifique a été créée : celle de pauvre honteux. Elle recouvre les membres des premiers ordres de la société, le clergé et la noblesse, mais également ceux qui ont été éduqués et ont connu la richesse grâce au commerce ou à leurs talents. Ainsi, aux hiérarchies fondées sur la naissance et la richesse, s’ajoute progressivement une autre frontière qui oppose le travail manuel au travail intellectuel.

2Pour se prémunir contre les temps difficiles, chacun travaille à s’entourer de réseaux de solidarité verticaux et horizontaux. Parmi eux, la charité tient une place à part : introduite pendant le haut Moyen Âge, elle structure l’ordre social féodal qui se met en place et pour imposer la charité aux riches, l’Église a fait pression sur les souverains pour les rendre sensibles à la pauvreté et a institué la pénitence tarifée, obligeant au terme de la confession les laïcs à assister concrètement les pauvres2. La charité est ainsi au cœur du pouvoir terrestre : elle permet le salut du riche et légitime, avec la reconnaissance du pauvre qui reçoit, le pouvoir de celui qui donne, mais comme l’humiliation de faire montre de son malheur est impossible à faire subir à des membres des groupes privilégiés, les pauvres honteux reçoivent des secours anonymement ou sous un faux nom ; ce soin d’assistance est laissé aux curés des paroisses qui connaissent bien cette misère cachée et peuvent s’en occuper avec discrétion.3

3Au XVIIIe siècle, les fondements de la domination des ordres privilégiés sont de plus en plus remis en cause dans un temps ou, malgré l’enrichissement général de la population, les crises frumentaires n’ont pas disparu comme celle, nommée « guerre des farines », qui a éclaté en 1775 et qui s’est soldée par des émeutes et des pillages. C’est dans ce contexte qu’en 1777, l’académie de Châlons-sur-Marne, nouvellement créée,4 lance pour son premier concours un sujet brûlant d’actualité puisqu’elle appelle à réfléchir « sur les moyens de détruire la mendicité en rendant les mendiants utiles à l’État sans les rendre malheureux ». Ce projet, initié par Gaspard Louis Rouillé d’Orfeuil, l’intendant de Champagne, reflète la transformation progressive depuis le deuxième quart du XVIIIe siècle du concours académique en espace d’échanges critiques et parfois en vivier propre à alimenter en idées les contrôleurs généraux et les intendants qui, faute d’un nombre suffisant d’experts dans l’appareil d’État, font appel à la société civile à travers les académies pour nourrir leur action. D’ailleurs, l’abbé Leclerc de Montlinot, arrivé deuxième au concours de Chalons, et premier en 1779 au concours sur la mendicité de la société d’agriculture de Soissons, fut engagé par l’intendant de Soissons pour réformer le dépôt local avant d’être nommé au comité de mendicité de l’Assemblée nationale.5

4Le concours a un énorme succès puisque quelques 125 mémoires sont envoyés6 ; les concours suivants n’attirant au mieux que quelques dizaines de réponses. L’abbé Pierre Claude Malvaux, éminent ecclésiastique, en est le maître d’œuvre. Attestant de l’écho du concours, les académiciens décident de publier un ouvrage « qui réunira les vues, les moyens et les avis de tous les auteurs qui ont concouru au prix ». Le livre est publié en 1779 et republié dès l’année suivante.7

5Les mémoires recueillis sont toutefois très inégaux et très divers : certains ne font qu’une page et d’autres plus de 400 ; certains ne s’occupent que d’un aspect ou d’une cause qui leur tient à cœur et, à l’opposé, certains mémoires, qui peuvent également être plus ou moins brefs, proposent une refonte totale de la société affirmant haut et fort que seul un bouleversement complet pourra venir à bout de la mendicité, mais la plupart de ces voix sont étouffées par les commissaires qui sont chargés d’en faire un résumé et d’en extraire des bonnes feuilles en vue de la future publication car ils ne font aucun extrait de ces brûlots inscrivant d’ailleurs au haut de la première page : « rien, absolument rien ». Pour d’autres, qui alternent idées subversives et projets pratiques, les commissaires n’extrairont que les aspects pratiques. Ces partis-pris expliquent pourquoi le livre publié par l’abbé Malvaux ne présente finalement que le point de vue que l’académie voulait défendre. Retourner aux originaux permet d’appréhender la complexité et la diversité des analyses sur le social qui agitaient alors des aristocrates, des religieux, de nombreux membres des professions juridiques, des médecins, des intellectuels, des marchands ainsi qu’un certain nombre d’auteurs qui ont préféré garder l’anonymat. Au total, Le clergé et la noblesse sont bien représentés mais le Tiers État compte pour 60% des auteurs et sur les 85 participants identifiés, une vingtaine sont Parisiens, 19 sont Champenois, 16 viennent du Midi au sud d’un axe Bordeaux–Marseille et 12 de la France Nord et du Centre. Des textes sont également parvenus de Bruges, Anvers, Bruxelles, Courtrai et la Haye ainsi que de Madrid, Trieste et Saint-Pétersbourg.

6L’analyse de ces mémoires, et de ce qu’ils disent sur la catégorie de pauvre honteux révèle les tensions qui sont à l’œuvre autour des valeurs qui fondent la société d’ordre. On partira des définitions pour montrer que les tensions se cristallisent autour de la frontière construite par le travail manuel et qu’elles informent la manière dont les auteurs définissent la catégorie de pauvre honteux. Ainsi, à côté des textes majoritaires, qui conservent à la catégorie sa référence exclusive aux groupes privilégiés ou qui laissent de côté cette catégorie de pauvres comme n’entrant évidemment pas dans le sujet du concours, certains l’étendent à d’autres figures sociales et d’autres la refusent carrément. Ces trois attitudes portent des projets différents de traitement de ces pauvres issus des classes privilégiées et, avec eux, des propositions qui poussent à reconfigurer la société d’ordre.

Protéger la société d’ordre

7Un oratorien de l’Académie de Rouen définit la catégorie dans la plus pure tradition de la société d’ordre :

 Quoiqu’il ne soit pas aisé de spécifier quelles sont les personnes qui sont précisément dans ce cas, on désigne vulgairement sous cette dénomination tous ceux qui sont dans la détresse par le malheur des circonstances, sans avoir la ressource des travaux manuels, pour ce que le préjugé de la naissance, de l’éducation, de la profession, disons même l’empire de la coutume leur interdit cette ressource. L’épée, la Robbe, la plume ont chacune leurs pauvres honteux : le tiers état ne laisse pas que d’en fournir, non pas dans ses classes inférieures adonnées aux arts purement mécaniques, mais parmi celles qui ont embrassé les arts libéraux ou d’autres professions dont l’exercice demande plus le travail d’esprit que celui des mains. 
Ce gentilhomme qui s’est ruiné en versant son sang pour la patrie, ce magistrat qui a consumé avec sa santé sa fortune en rendant gratuitement la justice, ce jurisconsulte désintéressé qui en faisant bien les affaires des autres a mal fait les siennes, cet auteur qui meurt de faim en attendant qu’il vive dans la postérité, ce négociant qui en concourant à faire fleurir le commerce de l’État a vu ruiner le sien, cette veuve honnête chargée d’enfants et de besoins, cet orphelin à qui ses parents ont laissé plus d’honneur que de biens, cette jeune beauté dont la misère expose l’innocence aux pièges de la séduction […] Voilà les personnes dont il faut soulager la pauvreté en ménageant la délicatesse, voilà à qui l’on doit faire passer des secours en cachant la main qui donne8.

8Leur plus grande souffrance est légitime car « l’éducation augmente encore les malheurs, peuvent-ils jamais sans désespoir partager le pain des pauvres et se trouver confondus avec les dernières classes du peuple ? »9. Cette idée brise le cœur de la plupart des auteurs qui louent la force morale de ces êtres prêts à mourir de faim pour ne pas avouer leur déshonneur10 et se trouver mêlés à une « classe de citoyens avilis et dangereux »11. En outre, leur déchéance sociale n’est pas due, comme pour les mendiants ordinaires, à une quelconque faute morale : « ils sont pour l’ordinaire les victimes d’un concours bizarre de circonstances ourdies par le malheur ». Cette « élévation de l’âme » et la « vertu » qui les caractérise ne sont pour eux qu’une source d’accroissement de misère car on ne les voit pas « aller fatiguer sans cesse le regard de l’opulence, ni troubler ses plaisirs par le tableau contrastant de leurs besoins ». L’homme qui écrit ces lignes préfère s’en prendre à leurs pairs, aux « voluptueux insatiables » qui négligent leurs : « semblables, qui gémissent dans le secret [...] Il faut les deviner, il faut les aller chercher dans leurs tristes galetas, il faut enfin les forcer à avouer leur détresse »12. Il faut, insiste un prêtre, « leur épargner la honte de se découvrir eux-mêmes, [et] se servir de certains tours ingénieux pour connaître leurs besoins sans blesser leur amour-propre et émouvoir la sensibilité de leur cœur ? »13

9Certains attirent toutefois l’attention sur la nécessité de les aider avec mesure, de ne pas les « soutenir dans la splendeur […] ni de leur accorder toute l’opulence que l’ambition ou la cupidité fait désirer » ; l’assistance doit autant qu’il est possible « éviter de les laisser tomber dans un complet avilissement » et « dans le mépris »14. Quant aux pauvres honteux dévoyés, « il ne faut pourvoir qu’aux besoins de la nature mais pas à ceux « de l’état qu’ils ont déshonoré »15. D’autres stigmatisent le « vernis de dévotion qui malheureusement plait toujours à la troupe hypocrite toujours disposée au fanatisme » qui leur permet de jouir « de bien des commodités que ceux qui vivent dans une aisance honnête ignorent le plus souvent »16. Et un Chevalier qui décrit la noblesse pauvre avec émotion, dénonce ceux qui « perdent toute délicatesse et errent de châteaux en châteaux, montrant de vieux titres et scandalisent par leur intempérance17.

10Pour protéger l’honneur de ces hommes appauvris qui sont le plus souvent de pauvres gentilshommes et d’anciens militaires, et qui « sont mille fois plus à plaindre que les autres indigents », il faut leur épargner l’humiliation de la charité publique « par l’exposé de leur situation déplorable » c’est-à-dire la mise en discours public de leurs malheurs. Certes, ajoute l’ancien capitaine de cavalerie, certains exagèrent portant « jusqu’à l’excès la sorte de délicatesse que le souvenir de leur naissance leur a inspiré : ils dissimulent les besoins physiques les plus pressants. » mais ne pas s’en occuper ne peut que les conduire à mener « une vie de dissipation et d’intrigue »18. De fait, certains aristocrates sont pris à mendier l’épée au côté19.

11L’abbé Malvaux ne reprend aucune de ces mises en garde.20 Il ne cite pas Sabatthier mais le curé de Minecourt dans le Jura qui utilise la même phrase sur la nécessité de débusquer les pauvres honteux jusques dans leurs tristes galetas sauf que le respect de l’abbé Malvaux à l’égard des privilégiés l’empêche d’employer ce mot de galetas et qu’il le remplace par celui de réduits. Il annonce au début des pages qui concernent les pauvres honteux qu’il va utiliser six mémoires (ceux de l’abbé Montlinot, de l’oratorien Romans de Coppier, du conseiller en la cour des aides à Paris Poitevin de Maissemy, du chevalier de Moisseville, du curé de Minecourt et du musicien et sergent de la Chapelle du Roy à Versailles M. Rabigot de la Croix21). Toutefois, l’analyse des emprunts montre qu’il utilise vraiment l’abbé Montlinot et l’oratorien Romans de Coppier et, dans une moindre mesure, Rabigot de la Croix et que les trois autres ne le sont que pour des propos largement partagés, et parfois même de manière fautive ; laissant penser que ces citations ne sont là que pour honorer ces hommes.

Le secret

12Le premier remède pour ceux qui partagent émotionnellement la douleur de ces pauvres est de les aider dans le secret ce à quoi tiennent tout particulièrement les prêtres. L’oratorien de Rouen y insiste : « donner en secret c’est donner deux fois : on soulage la misère, on soulage la honte »22. Le chanoine de Lille également : il laisse aux curés le soin des pauvres honteux : « eux seuls auront le droit de tirer de la caisse générale les sommes dont ils auront besoin pour aider le petit nombre d’hommes qu’on appelle pauvres honteux, sur leur simple billet, le receveur paiera la somme demandée, sans aucune autre information ; il est bien naturel qu’un pasteur auquel une honnête famille aura confié ses besoins en rougissant, puisse l’aider dans le secret »23. Un anonyme propose également de continuer à protéger « ces familles gémissantes en secret » par des aumônes directes mais il souhaite voir créé pour les autres mendiants la catégorie de « forçats de l’État », dont les administrations recevront « le billion manuel et journalier » de l’aumône24.

13Même le curé de Vauban en Mâconnais, qui fait le tri entre les pauvres honteux qui le sont du fait d’un grand nombre d’enfants ou de « cas fortuits » et ceux qui s’appauvrissent « par le luxe, le jeu, la débauche, l’oisiveté &tc. », n’entend pas lever le secret des seconds : « il faut leur faire des réprimandes », et leur donner l’aumône « que très prudemment, leur donnant moins qu’à ceux où il n’y a pas de leur faute ; afin qu’ils sentent un peu la misère et qu’ils se corrigent », mais dans tous les cas, « il faudra donner à ces pauvres en secret [de] crainte de nuire à leur réputation ou crédit ». Il recommande la louable méthode d’un curé de ville de ce pays qui connaissant bien ses pauvres honteux, « donne aux uns de l’argent, à d’autres des cartes pour prendre tant de pain ou de viande chez un tel boulanger ou boucher et les quêtes qu’il fait lui suffisent pour tous les pauvres ». En revanche, aider les pauvres honteux à la campagne est plus facile: « Chacun les connaît, on voit leur travail, on sait leurs revenus, on compte leurs dépenses et on les soulagera à proportion de leurs besoins »25.

14Un auteur alerte toutefois sur quelques cas particuliers dont le bureau des pauvres devrait tenir compte et protéger l’anonymat. Il mentionne « un homme malheureux, tel qu’un marchand, ou un artisan, dont le crédit pourrait en souffrir, aurait ou imaginerait avoir intérêt à n’être absolument connu que du curé », mais pour que cette générosité ne mette pas en péril l’ordre social : « il serait bon de lui [au curé] allouer tous les ans une somme fixe dont il ne rendrait aucun compte ; mais la prudence demanderait qu’elle fut médiocre, pour ne donner aucune prise à la satyre »26.

15Malvaux ne reprend que des auteurs qui défendent le secret et loue la « main libérale qui s’ouvre en leur faveur » et dont ils ignorent le nom du curé de Minecourt27.

16Le modèle flamand s’invite également dans les discussions car il règle la question de la honte que subissent les pauvres tenus à exposer leur déchéance puisque, explique un avocat fiscal de Bruges, la chambre de charité fait examiner chaque pauvre et lui distribue du secours dans sa maison, ce qui protège les pauvres honteux d’avoir à se déclarer « sans plus souffrir les incommodités et peines attachés à la mendicité par les vrais pauvres honteux »28.

La solidarité du groupe

17A côté du devoir de charité qui sous-tend la domination des riches et des privilégiés sur les classes populaires, chaque groupe d’appartenance (la famille, la parenté, les amis, les corporations etc.) doit, quand il le peut, s’occuper de ses pauvres membres29. Le juge et gouverneur de la vicomté de Besançon, auquel l’académie a d’ailleurs décerné des éloges, rappelle l’ancienneté de ces solidarités, mettant en note les références aux lois et aux arrêts et indiquant ses sources dans les marges. Il part des lois romaines qui accordaient aux pauvres honteux le droit de poursuivre en jugement pour aliments respectivement les ascendants et descendants des maris et des femmes, des frères et sœurs, et des patrons et affranchis. Les autorités aidaient également ces pauvres citoyens de familles honnêtes en leur réservant certaines charges municipales et le trésor public pouvait être mis à contribution. Le sénat romain portait une attention particulière sur ces pauvres et l’empereur Constantin a étendu la catégorie aux familles nombreuses dont les pères de famille étaient hors d’état de les nourrir. Revenant à la France, il conclut que

si vous ajoutez à ce qui précède que les pays d’État ont coutume de faire distribuer quelques sommes à la noblesse pauvre ; qu’en sa faveur ont été fondé les chapitres nobles pour lui servir d’asile ; que dans la même vue ont été formés les établissements des dames de St Cyr et des écoles royales militaires ; qu’autrefois on envoyait des oblats dans les monastères : enfin que dans la plupart des villes, il y a une portion d’hommes, sous le nom de pénitents ou confrères de la croix destinés à administrer des revenus consacrés aux pauvres honteux, vous aurez à peu près une idée de tout ce qui a été mis en usage pour leur soulagement30.

18De fait, les membres les plus fragiles de la noblesse, en particulier les militaires, leur veuve et de leurs enfants préoccupent les militaires nobles qui répondent au concours car ils sont les plus susceptibles de tomber dans la misère. Ce même gouverneur insiste pour que chaque classe avise des diverses manières d’occuper les veuves et propose de lever des cotisations forcées si les contributions volontaires n’étaient pas suffisantes pour s’occuper des invalides, des orphelins et des veuves31. L’ancien capitaine de cavalerie voudrait créer dans chaque province « un hôtel de la noblesse indigente ou simplement des vieux gentilshommes dans une campagne agréable [où ils seraient], nourris et vêtus de manière simple, occupés à un petit travail d’agriculture, autant à titre d’exercice utile à la santé que pour accomplir la tâche que Dieu impose aux hommes ». Il assimile à ces pauvres les indigents chevaliers de St-Louis dont lui-même fait partie. Il demande 200 livres par tête, une somme modeste car d’autres mémoires évaluent le coût d’un pauvre à l’hôpital à 120 livres par an32. Il propose également que l’Église rétablisse des places de chevaliers pour les militaires indigents. Ils pourraient être rattachés aux cathédrales et aux grandes abbayes du royaume. Il étend sa proposition aux pauvres veuves et aux vieilles filles de gentilshommes33. De ce programme, Malvaux ne parle pas comme de tous ceux qui évoquent la possibilité, si la charité ne suffisait pas, de procéder à des cotisations forcées ; une perspective impensable.

19L’insistance est mise sur la nécessité pour chaque état de financer ses pauvres et sur la famille en particulier qui serait contactée par le curé, en accord avec le pauvre membre, « pour arracher des bras de la misère une personne qui a l’honneur de leur appartenir »34. L’oratorien propose également toute une série de solidarités qui seraient imposées aux corps auxquels les différentes classes de pauvres appartiennent et ce, d’autant plus qu’il s’insurge contre le coût de toutes les institutions collectives où les bâtiments, les employés, l’administration et tous les accessoires absorbent beaucoup plus que le principal. Puisque les Invalides, l’École militaire et les demoiselles de St-Cyr sont les trois fondations de charité « qui ont su le mieux ménager la délicatesse des pauvres honteux, et le plus mal économiser le patrimoine des pauvres », l’argent serait, à ses yeux, mieux utilisé à éduquer un plus grand nombre de jeunes gentilshommes35.

20L’abbé Malvaux partage ces analyses qu’il introduit avec un appel aux riches afin qu’ils donnent un peu de leur superflu ; appel que l’on retrouve chez Rabigot comme chez le curé de Minecourt36, mais le thème est récurrent dans tous les mémoires. Il le fait suivre par une référence tirée de Montlinot, qui loue les Protestants et les distributions qu’ils font à cette classe de pauvres37, suggérant que les catholiques devraient les imiter et il ajoute une phrase de Rabigot qu’il a toutefois altérée en remplaçant le mot « ouvriers » par celui de « pauvres honteux » : « Quelques sommes données à propos à des Pauvres honteux, réduits à la dernière misère, non seulement les arracheraient à ce triste état, mais les mettraient à portée d’élever & même d’établir leurs familles, & les retireraient de la mendicité où elles auraient été réduites sans ces secours, qu’elles n’osaient demander, & dont elles n’auraient point à rougir »38. Il développe ensuite les suggestions de Romans de Coppier sur la nécessité d’octroyer des bourses aux enfants et des pensions aux pères, sur le placement des garçons dans des pensionnat et des jeunes demoiselles dans des collèges de filles « sur le modèle de Saint Cyr, au faste près » avant qu’elles ne choisissent de rester dans la communauté ou de se retirer avec une petite pension39. Il n’ajoute pas, comme le propose l’oratorien, de créer un comité de gentilshommes dans chaque province qui discuterait à haute voix et expliciterait ses choix, « seul moyen d’éviter que la faveur accorde à l’aisance ce qui est institué pour la misère ». Il défend la société d’ordre où chacun doit rester à sa place : « en général, il n’est point avantageux à la monarchie de retirer les enfants de l’état de leurs pères. Il serait donc à propos de ne jamais accorder de bourses qu’aux enfants de famille, jamais ou presque jamais au fils du paysan ou du simple artisan. Elles doivent être exclusivement réservées aux pauvres honteux »40. Un anonyme demande également qu’une pension soit donnée aux soldats41 et le chanoine de Lille met en avant l’exemple des Anglais qui, bien qu’ils aient à tort multiplié les hôpitaux, « sont les seuls en Europe qui aient accordés une retraite honnête aux familles aisées que des malheurs imprévus, publics ou particuliers plongent dans la disette la plus affreuse »42. Malvaux cite ce long passage ainsi que l’exemple de « la Société Prévoyante » des négociants de Londres et le souhait que l’Anglomanie des Français ne se borne pas à la liberté de penser et se porte également sur leur façon d’agir ; une phrase qu’il tempère en ajoutant : « Français, soyez Anglais pour la bienfaisance, ou plutôt pour la manière d’exercer cette vertu innée dans vos cœurs »43.

Le financement

21L’Eglise est la grande accusée de nombreux mémoires de tous bords car elle a failli à sa mission en oubliant que partie de ses revenus sont ceux des pauvres. Avec plus de délicatesse que les autres, un aristocrate du Gers renvoie le haut clergé à ses responsabilités. Au nom du sang noble de la plupart des riches ecclésiastiques qui les pousse à la générosité, il propose que les ecclésiastiques financent une retraite pour les militaires pauvres. Ils pourraient « faire le beau sacrifice d’abandonner une portion de leur excédent […] pour faciliter l’honnête et nécessaire retraite de tous les militaires qui pour servir la patrie ont usé leurs forces, épanché leur sang et volontiers dévoré la fortune des leurs »44. Un officier de Maréchaussée, qui propose d’établir des hospices de charité dans des abbayes que trop peu de moines habitent, demande que le roi en réserve trente ou quarante des plus riches pour établir des écoles d’éducation militaire pour les enfants des officiers qui n’ont pas le droit à l’école royale militaire, et nonobstant la hiérarchie militaire, il étend ce droit aux enfants des simples soldats45. L’abbé Malvaux ne reprend aucune des critiques contre l’Église, son faste et son superflu.

22Devant l’échec de l’Église et le manque de solidarités, certains demandent un engagement plus fort de l’État et envisagent des solutions nationales. Un ancien contrôleur de la maison de feu Madame la Dauphine rêve ainsi d’un traitement national de la pauvreté qui suivrait la proposition d’impôt progressif de Vauban mais il sait que ses contemporains n’en voudront jamais et il préfère alors s’en tenir au modèle traditionnel de la charité libre avec un tronc pour les pauvres dans toutes les églises et une quête tous les dimanches et jours de fêtes ; les quêtes revenant au bureau de charité ainsi que la moitié de celles faites dans les églises paroissiales, l’autre moitié étant réservée au curé pour distribuer aux pauvres honteux de leurs paroisses selon la tradition.46

23L’oratorien de l’Académie de Rouen hiérarchise également l’accès aux secours plaçant « la classe des pauvres honteux » immédiatement après les pauvres invalides, lui donnant « un droit spécial sur le patrimoine de l’indigence et surtout sur le superflu des riches : ‘l’honnête pauvreté, dit Helvétius, n’a d’autre patrimoine que les trésors de la vertueuse opulence’ »47. Il compte sur les dames de charité pour débusquer les pauvres honteux et « sur la charité discrète des curés » pour qu’ils puissent « soulager cette portion languissante de leur troupeau », et demande pour ce faire d’augmenter la portion congrue jusqu’à douze à quinze cent livres en leur adjoignant les prieurés simples.

24Un anonyme, également très attentif à respecter les hiérarchies sociales dans l’administration des secours, articule les bureaux de charité locaux jusqu’au ministre d’État en passant par des assemblées réunies au niveau des subdélégations et des provinces ; ces différentes assemblées discuteraient des causes de la pauvreté et des moyens d’y remédier et feraient des péréquations entre les plus riches et les plus pauvres. Si le projet s’intéresse aux pauvres honteux, à respecter leur anonymat en ne les inscrivant pas sur les différents états de pauvres et leur liberté en leur octroyant une pension mensuelle plutôt que du pain et des aides choisies comme pour les autres pauvres, il n’en est pas moins attentif à ce que ce poste de dépense reste limité et que les pensions soient « modiques » pour ne pas détruire « le nécessaire des pauvres de la province »48.

25Les maîtres d’école au titre qu’ils font un travail de l’esprit devraient appartenir à la catégorie mais sans doute parce qu’ils sont tous pauvres, personne ne les évoque à l’exception d’un anonyme qui voudrait augmenter leur salaire afin qu’ils aient « de quoi vivre et établir leur famille, tandis qu’à présent ils meurent pour ainsi dire de faim et que leurs enfants deviennent des pauvres honteux »49.

Brouiller les frontières de la catégorie

26Certains commencent toutefois à brouiller les cadres de la société d’ordre en plaçant le travail –et non plus la charité- comme valeur suprême de la société. Le gouverneur de la vicomté de Besançon est très clair : tous les pauvres doivent travailler et il faut les occuper à des travaux proportionnés à leur âge et sexe, à leur genre de vie et éducation, à leur naissance « avec le moins de contrainte, de dureté, d’embarras, de dépenses et d’inconvénients possibles »50. D’autres cessent de respecter les groupes privilégiés en refusant de reconnaître les fonctions traditionnelles qui leur sont attribuées, le service de la guerre, et en ne s’attachant qu’à la réalité de leurs occupations, distinguant les militaires des nobles qui ne servent pas. En passant des devoirs de l’ordre à l’exercice réel d’une profession, ils élargissent la catégorie.

27Quelques uns refusent le partage moral entre les pauvres honteux frappés par l’infortune et les mendiants des classes populaires qui choisissent, par paresse et vice, l’aumône et le vagabondage. Pour ces derniers, la morale n’est pas l’apanage des seuls privilégiés. Un auteur anonyme dessine alors trois classes de pauvres en fonction de leur capacité à travailler et de leur moralité. Il met dans la première les invalides des deux sexes, dans la seconde tous « les mendiants valides qui ne sont devenus mendiants que par quelque infortune et les pauvres honteux qui méritent attention » c’est-à-dire tous ceux que des malheurs imprévus ont frappé quel que soit leur appartenance sociale et dans la troisième il mêle les mendiants qui le sont devenus « de leur faute par leur inconduite », avec les enfants abandonnés, « tous ceux qu’une naissance obscure ou méprisable entraîne nécessairement dans la misère »51.

28Un Récollet de Chalons sur Marne élargit également la catégorie à tous les pauvres, opposant aux mendiants, ces « sujets inutiles à la société », les vieillards et ceux qui « soit par honte, soit par délicatesse de sentiment mènent une vie dure et languissante, souvent n’ayant pas le pain à manger et aiment mieux concentrer leur misère dans leur cœur que d’aller mendier leur pain ». Parmi ces « pauvres honteux, » beaucoup « ont servi leur roi avec fidélité, ont été bons ouvriers et que l’infortune, les accidents, malheurs, infirmités, maladies, défaut d’ouvrage même et par la trop grande charge d’une nombreuse famille sont réduits à la dure nécessité de mendier »52. Le premier prix, un médecin ordinaire du roi à Verdun, fait une place à part aux « pauvres honteux que l’infortune a plongé dans la misère » et sa définition inclut le laboureur après une grêle ou un incendie, le marchand qui fait banqueroute et en entraîne d’autres dans la misère. « Un vol, un procès, une maladie &tc causent la ruine de mille malheureux » 53.

29Le remède est le travail pour tous. L’anonyme lorrain respecte toutefois les différents états de la société et son plan, qui repose sur des migrations intérieures pour mettre en valeur les terres incultes, réserve les corvées aux gens « de basse extraction » et suggère pour les enfants de famille, de démultiplier les tâches administratives. On indemniserait « ceux qui pourraient partager leur état et condition sans leur faire aucun tort » comme les conservateurs des hypothèques dont ceux qui les gèrent aujourd’hui ont assez d’occupations ailleurs. Il propose aussi que des pauvres honteux ou des mendiants valides s’occupent de la petite manufacture qu’il entend créer au sein de l’hôpital pour donner du travail aux infirmes54.

30En revanche, un major veut mettre tous les pauvres à l’hôpital y compris les pauvres honteux, à l’exemple de celui de Lille, et « payer grassement les ouvrages de ceux qui ont quelque industrie » ; l’essentiel de l’effort reposant sur les mendiants valides chargés d’entretenir ceux qui ne le sont pas et permettre de traiter avec douceur les pauvres honteux d’autant, ajoute-t-il, que dix à quinze ouvriers, de l’enfant à l’adulte peuvent en communauté et avec une bonne administration entretenir trente à quarante personnes plus ou moins55. Le récollet de Chalons sur Marne propose également de mettre tous les pauvres méritant, pauvres honteux inclus, dans des maisons établies pour leur retraite où ils reprendraient avec goût le travail et donneraient de l’émulation aux autres. Il ne doute pas que les pauvres de cette espèce s’y rendraient avec plaisir56.

31Enfin, le médecin ordinaire du roi met également les pauvres honteux au travail. Le bureau de charité centralisera les aumônes et dressera les registres des pauvres. Deux administrateurs, accompagnés du curé de la paroisse, des maires de quartier et du maître d’école qui copiera sur un cahier les observations qui lui seront dictées visiteront maison par maison les quartiers de la ville et des environs et inscriront sur un rôle, en suivant l’ordre des visites, le nom des personnes avec le numéro des maisons qui recevront les aumônes avec, en face, le montant alloué pour toute l’année. Sur un second registre, organisé de même, chaque ménage fera un article à part où l’on indiquera sa composition et le métier de chacun et au cas qu’ils n’en aient point quel est celui qu’ils veulent embrasser et quelles ressources ils ont pour l’apprendre. S’ils ne s’adonnent à aucun travail, l’on inscrira avec précision les raisons qui les en empêchent. S’ils sont étrangers, on notera les circonstances qui les ont déterminés à s’établir et s’ils en ont demandé et obtenu la permission suivant la forme usitée. « Si dans le cours de cette visite, il se rencontre quelque pauvre honteux que trop de retenue empêche de s’expliquer sur ses besoins, on laissera son article en blanc et Messieurs les administrateurs lui indiqueront et le jour et l’heure auxquelles ils pourront conférer avec lui sur son état et en feront note sur ledit registre ». On laissera après chaque article un blanc suffisant pour de nouvelles observations. Le médecin des pauvres examinera avec le chirurgien tous ceux qui se disent incapables de travailler. Ils feront un rôle pour ceux qui ont besoin de secours toute l’année et un autre pour ceux qui n’en ont besoin que pour un temps limité. Ils indiqueront dans une première colonne ceux à qui on doit accorder la subsistance en entier, dans la seconde ceux qui n’en ont besoin que de la moitié et dans la troisième ceux à qui un quart suffit. « Si un pareil travail est jugé nécessaire pour les pauvres honteux, ils y procèderont de la même manière »57. L’abbé Malvaux ne reprend aucun des propos du médecin ni sa définition large de la catégorie, ni les solutions qu’il propose58.

Refuser la catégorie

32À la valeur travail, s’ajoute chez quelques auteurs le refus de l’inégalité de statut entre les hommes et le discours qui louait la vertu du pauvre honteux contre l’ignominie du mendiant s’inverse alors au point qu’un anonyme écrit au sujet « des pauvres qui gémissent de l’être et qui rougissent de le paraître » que tout ça conduit au crime et à l’échafaud59. Un marchand anonyme de Vitry le François les rabaisse au niveau des mendiants car, à ses yeux, qu’ils soient pauvres honteux ou mendiants, tous abusent de la compassion et ne pensent qu’à leur plaisir ou à se pousser du col : les « pauvres abandonnés à eux-mêmes présentement veulent tous employer ce qu’ils reçoivent à boire, à faire bonne chère, d’autres pauvres honteux à jouer et à s’habiller au-dessus de leur état »60.

33Le curé de Minecourt dans le Jura précise qu’il met tous les mendiants sur le même pied « (je parle toujours des mendiants valides et tels par défaut d’état, paresse, libertinage, défaut d’ouvrage) » et ajoute que « nous devons plutôt les regarder [les mendiants] comme hommes et comme citoyens que comme esclaves et criminels », ce que lui reprochera d’ailleurs le commissaire dans son rapport. Et s’il distingue les pauvres honteux, les infirmes et ceux qui deviennent les jouets de la fortune, il rappelle que « l’inertie est la compagne inséparable du chagrin »61. Un anonyme est très clair : il refuse le traitement spécial donné aux pauvres honteux et la catégorie même de pauvre honteux. Alors qu’il admet l’inégalité dans la société, il place au premier rang la valeur travail et c’est elle qui brouille les états sociaux car chacun doit subvenir à ses besoins par le travail.62 Comme lui, Mme Eglain de Paris, la seule femme dont on ait un mémoire, et qui ne se réfugie pas dans l’anonymat, affiche un égalitarisme sans concession ; sa devise étant « le partage des biens et des travaux » 63.

34La logique du refus de la société d’ordre impose de refuser également la charité qui est au cœur du pacte social comme le rappellent plusieurs mémoires. C’est ce que défend l’anonyme qui refuse la catégorie de pauvre honteux : il propose de ne jamais donner d’argent aux hommes valides, uniquement du travail et il ajoute « que les aumônes secrètes […] sont de toutes les aumônes les plus abusives ; en ce que celui qui reçoit et qui est ignoré recevoir peut mésuser et mésuse toujours de la distribution qu’on lui fait et de la confiance publique par son extérieur dans le bien-être. […] On en fait un oisif perpétuel qui emprunte sans jamais rendre : « je pourrais citer cinq cent exemples de ces pauvres soi-disant honteux ; mais ce détail de leurs fourberies quoique convaincant deviendrait fastidieux »64.

35Un avocat de Remiremont cherche à concilier la société comme elle est avec ses différents états tout en bannissant la pauvreté, ce qui est à ses yeux d’autant plus difficile car comme il n’y a « dans l’état qu’une certaine masse d’argent à partager et inégalement entre les deux tiers des sujets, l’autre est nécessairement dans l’indigence. » Sa solution consiste à multiplier les emplois dans toutes les conditions, à ajouter deux à trois degrés dans les juridictions mais sans multiplier ces dernières, à établir deux nouveaux corps dans l’état militaire, à multiplier les états dans la finance et à fixer les bénéfices de chaque catégorie, ce qui permettra de réduire « la fortune des opulents ». Il entend également multiplier les manufactures, créer des magasins pour recevoir des matières premières que les pauvres pourraient travailler dans les villes, les bourgs et les villages, installer des maîtres et des maîtresses dans chaque paroisse ainsi que « des espèces de banquier » dont la rétribution serait fixée. Il ne s’étend pas sur les pauvres honteux sauf pour dire qu’il faut les occuper comme les mendiants valides. La catégorie ne l’intéresse plus tant et son projet fragilise d’ailleurs l’état ecclésiastique, la robe et l’état militaire avec la volonté qu’il affiche d’en moraliser les recrutements et l’exercice en ne les donnant qu’au mérite et après une période d’essai de six ans. En revanche, en établissant une manufacture royale dans chaque subdélégation, « vous procurerez à une infinité d’enfants de famille des établissements et à des pauvres honteux les moyens de faire cesser la mendicité par ces manufactures ». Pour les financer, il compte sur les loteries, l’établissement de droits sur les marchandises venant de l’étranger de même espèce que celles qui se fabriquent dans le royaume et sur la création d’offices (deux notaires, deux géomètres et deux commissaires de justice par subdélégation). Il s’attache plus spécifiquement aux enfants et héritiers des hommes qui ont dilapidés leur fortune. Il prend deux cas : celui des enfants « d’un père qui s’épuise par un excès de compassion pour les misérables » et il demande qu’il ne soit pas privé de l’administration de ses biens, mais plutôt que « tous les engagements et cautionnements indiscrets qui dissipent sa fortune » soient déclarés nuls. Le deuxième cas concerne à l’inverse les « enfants et héritiers d’un prodigue qui dissipe par le jeux et les dépenses superflues son patrimoine » ; à celui-ci aussi, il refuse l’interdiction d’administrer ses biens mais propose de le punir « par des amendes au profit des pauvres honteux et d’honnêtes familles sans biens et sans état » afin que ces dernières puisse retrouver des biens et un état « s’ils peuvent être utiles par une industrie quelconque et mettre à profit le talent d’un chacun »65.

36Le marchand anonyme de Vitry le François a, lui, créé un établissement pour faire travailler les enfants et il voudrait étendre ces ouvroirs à tous les mendiants. Il pense que des pauvres honteux seraient venus « si les personnes qui les assistent comme pauvres honteux était entrées dans mes vues » et avaient délaissé la fausse compassion. D’ailleurs, il refuse le privilège de liberté dont jouissent les pauvres des classes privilégiées et affirme qu’il faut contrôler tous les pauvres car « l’effet de cet examen de surveillance sera de les rendre plus laborieux, plus réglés, plus exacts à veiller sur leurs enfants et à leur procurer une éducation chrétienne et conforme à leur état ; à être plus économes et plus propres dans leur ménage »66.

37Mme Eglain, fidèle à sa devise, développe un projet de redressement moral des mendiants par le travail sur les grands chemins, ce qui permettrait en outre de supprimer les corvées si nuisibles aux paysans. « Outre les mendiants, on pourrait y recevoir les pauvres honteux, les ouvriers qui n’ont pas d’ouvrage et gens sans aveu sans emploi et même les jeunes gens dont les pères et mères auraient lieu de se plaindre ». Son projet est une double humiliation puisqu’elle oblige au travail les pauvres des classes privilégiés et pas à n’importe quel travail, au plus humiliant, au travail sur les routes, celui qui est réservé usuellement aux forçats et aux mendiants que l’on veut punir et auquel seuls les paysans trop pauvres pour s’y soustraire étaient tenus avec la corvée67.

Réformer la société

38Dépassant les mesures ponctuelles, certains développent d’ambitieux projets en espérant régler la question de l’appauvrissement. Voici trois exemples qui témoignent du débat d’idée de l’époque. Dans le cadre de la société d’ordre, l’oratorien de Rouen, qui place ses réflexions sous l’autorité de « M. de Condorcet », propose de rendre les pauvres honteux moins nombreux en refusant d’abord la honte qui s’attache aux travaux manuels. Il évoque les exemples anglais et vénitiens et ajoute :

Nous ne prétendons pas heurter de front le préjugé national contre les travaux manuels : il exerce sur les esprits un empire trop despotique. On serait simplement curieux d’apprendre de la bouche de ce gentilhomme ruiné les raisons décisives et triomphantes qui l’on convaincu, qui l’ont persuadé qu’il est plus noble de croupir dans la fange et la misère que de ramer pour s’en tirer.

39Il s’attaque ensuite au droit d’aînesse en demandant : « un droit est-il bien équitable qui appauvrit plusieurs pour enrichir un seul ? » Or, cette odieuse inégalité « née de l’usurpation de l’autorité dans l’anarchie de la féodalité » est une « étrange coutume […] qui prétend relever l’éclat des familles en plongeant tous les cadets dans l’obscurité, compagne de l’indigence ! » D’ailleurs, elle est inconnue à Venise. Il peut accepter que « l’aîné se réserve le fief principal et la terre dans leur intégrité à la charge d’indemniser ses cadets », même si les grandes terres sont contraires au progrès de l’agriculture et les droits féodaux pleins d’inconvénients.

40Il a également un projet de réorganisation de l’armée pour éviter que les privilégiés, qui ont épousé la carrière des armes, ne viennent grossir le nombre des pauvres honteux et les soldats celui des mendiants. Il part de la question : « Pourquoi en temps de guerre la fatigue moissonne-t-elle plus de soldats que le fer ennemi ? » et répond : « C’est que pendant la paix l’oisiveté énerve nos troupes » ; c’est aussi elle qui après ses huit ans de service a fait perdre au soldat français, avec l’aptitude, le goût du travail. Il rappelle qu’à Rome, le soldat posait les armes pour reprendre le labour et que les chemins sont l’ouvrage des légions romaines. Il compte les journées perdues : les cent cinquante à deux cent mille soldats gardés en temps de paix signifient quarante-cinq millions de journées perdues pour les arts et l’agriculture et il propose de n’en conserver que le tiers nécessaire pour garder les places et les frontières et d’employer les deux autres aux arts et manufactures ainsi qu’à la confection des chemins et à la mise en culture les friches et des marais communaux. Il propose également d’ériger en bénéfice militaire les terres vagues et les landes du domaine royal que les troupes cultiveraient. Ces terrains seraient alors affranchis de tous droits seigneuriaux et de dîmes et même de droits fiscaux pendant les premières années. Ils seraient partagés en petits domaines de trois à douze arpents et annexées aux régiments qui les auraient travaillées. Au dessus de six arpents, ils seraient affectés aux officiers après leur service rempli avec distinction et tiendrait lieu à plusieurs de pensions et, au dessous, ils iraient aux simples soldats, à la conduite irréprochable militairement et moralement.

41Il propose également un bureau de restauration des fortunes de la noblesse pour « prévenir leur décadence et arrêter leur chute ! » car « quelquefois l’on est surpris de voir la fortune la mieux établie s’écrouler tout à coup ». Des administrateurs « pourraient se subroger à la place du gentilhomme obéré et dans la détresse. On lui ferait résigner sous une pension honnête ses biens pour les améliorer et ses dettes pour les liquider. Lorsque les créanciers auraient été satisfaits, que les terres auraient été remises en valeur et les édifices en bon état de réparation, que le bureau se serait à peu près rempli de ses avances, le gentilhomme rentrerait dans la possession paisible de ses fonds dégagés et améliorés ». Ce bureau « diminuerait considérablement le nombre des gentilshommes ruinés, à qui le préjugé national interdit d’ailleurs les ressources les plus propres à les relever : le travail et l’industrie »68.

42Il a d’ailleurs un projet plus vaste pour lutter contre l’appauvrissement des différents états qui repose sur les liens de solidarités et sur l’entraide entre membres de chaque état ainsi que sur l’Église : les familles devraient assumer leurs proches au besoin par la contrainte judiciaire et les amis s’entraider car « le cœur et la bourse doivent toujours être ouverts entre amis ». Les différents métiers, corporés ou pas, devraient établir des caisses de secours et les métiers qui dépendent de la faveur publique, comme avocat ou médecin, être exercés par des personnes assez riches pour en assumer les risques. Enfin un triple mont-de-piété serait établi pour répondre aux besoins des pauvres, des artisans et des commerçants.

43Un anonyme, sans doute un médecin, pose, lui, les bases de la solidarité nationale en défendant le concept d’hospitalité. Il propose de suivre dans cette voie les pays étrangers qui lèvent une taxe générale, comme en Angleterre et en Hollande, pour entretenir les malades et les pauvres chargés de famille qui manquent d’ouvrage, ou comme en Russie et en Suède où la même taxe sert pour la subsistance des pauvres veuves, ou dans les pays protestants d’Allemagne où les dîmes ne servent pas aux prêtres mais aux pauvres qui d’ailleurs ne mendient pas comme ailleurs. Il pose alors le « premier fondement d’un tribut général et invariable d’hospitalité » qui est, à ses yeux, un droit qui relève, comme la sécurité, de l’État et, à ce titre, il est légitime que chacun le finance : l’homme a « droit à la compassion de ses semblables […] Or, l’hospitalité, soit qu’il s’agisse de secours moraux ou politiques, est autant de droit naturel que la dîme l’est de droit divin pour le culte du Seigneur. » On perçoit des taxes pour repousser le danger extérieur ; « cependant avant d’être tranquille au dehors il faudrait l’être suffisamment au dedans ». Ce tribut serait payé volontiers car il serait modeste et chacun aurait la perspective d’être secouru dans tous les cas malheureux ». On peut penser que dans un État dont la population serait de 18 à 20 millions d’habitants, en les divisant en 15 ou 16 classes taxées proportionnellement à leurs facultés, depuis 36 livres jusqu’à 13 sous par an, rapporterait un capital de 40 à 50 millions. Il introduit alors le concept d’hospitalité publique et propose que les impôts versés à ce titre puissent servir à d’autres besoins publics comme entretenir et construire les chemins publics, payer les pensions des troupes invalides et, si l’on voulait, payer l’éducation nationale de la pauvre noblesse69.

44Un dernier projet, plus radical, est celui d’un anonyme qui écrit en français mais aussi en allemand. Il imagine une société où l’inégalité sociale passerait du statut au salaire. Il part du « principe fondamental […] que chaque citoyen d’un État est obligé par toutes les lois divines et humaines de travailler d’après ses forces et ses talents pour gagner sa vie. » Ainsi, « ceux qui négligent ce premier devoir méritent punition et ne doivent s’en prendre qu’à eux même s’ils se trouvent dans la misère ».

45À partir de là, son projet se fonde sur la multiplication des manufactures et accessoirement sur les travaux publics. Il décrit le cercle vertueux que créera le travail en manufacture. Il propose de constituer des magasins avec toutes sortes de matériaux susceptibles d’être travaillés pour procurer à chacun du travail selon ses forces ou ses talents. Les hommes professant les arts libéraux seront chargés de les enseigner à la jeunesse pauvre ou officieront comme surveillant et garde magasin. Les matériaux ouvragés seront vendus au plus offrant au magasin général. Il ne néglige pas la question de la concurrence faite aux artisans locaux mais il met en avant son aspect positif : sauver la population « de l’avidité de l’artisan et du commerçant accoutumé à surfaire » et prédit surtout qu’il s’ouvrira « un débouché tout nouveau qui sera celui des pauvres eux-mêmes, qui par notre établissement seront bientôt en état de manger, de boire, de s’habiller et se meubler comme tout autre de leur condition ». En outre, la grande quantité d’ouvriers permettra de produire à plus bas prix et de nous « emparer du débit chez l’étranger ». Il conclut que « même s’il devait y avoir de la perte sur le magasin, ce sera toujours beaucoup gagné de nourrir, d’occuper utilement et de remettre dans le chemin de la vertu cet essaim de mendiants, vraie pépinière de voleurs et d’assassins ».

46Bien sûr, pour obliger les nécessiteux à travailler il faudra abolir toutes les aumônes, toutes les loteries et jeux de fortune ainsi que d’engager leurs hardes et ne donner aux pauvres que des salaires d’ouvrage et « tout homme ayant un bureau de recette qui accepterait la moindre mise d’un pauvre » serait passible d’une amende considérable.

47Pour calculer au plus précis les besoins de chaque famille, il propose de ranger en cinq classes les particuliers d’après leur force corporelle ou leur âge et d’enregistrer les transformations tous les six mois. Ce registre permettra de donner à toute personne incapable de travailler la même somme que celle de sa classe en bonne santé et travaillant sans interruption. Des charges d’inspecteur seraient créées avec des honoraires proportionnels aux peines et aux talents et chaque inspecteur se chargerait d’une trentaine de familles qu’il visiterait « au moins deux fois par semaine […] pour éclairer leur conduite et leurs occupations, pour veiller à l’éducation des enfants, aux soins des malades, à la propreté des ménages, des vêtements, des meubles et à la manière dont ils se nourriraient ; enfin à tout pour prévenir tout germe de désordre ou inconduite dans sa naissance, soit par des exhortations, menaces ou punitions selon l’exigence des cas ». Les maîtres et maîtresses d’école leur rendront compte des enfants qui manqueraient les leçons.

48Il finance son plan avec la charité mais comme les besoins des pauvres et des manufactures seront évalués et imprimés chaque année, on pourra exhorter le public à augmenter leurs aumônes selon les besoins. Toutes ses aumônes iront à la caisse générale et les préposés de chaque quartier feraient une quête par semaine. Les revenus des hôpitaux et des maisons d’orphelins s’y ajouteront car « il sera infiniment plus avantageux » de renvoyer dans leurs familles les personnes qui y seraient entretenues ou « à défaut dans celles qui seraient choisies […] pour y être élevées, nourries et soignées à notre manière ». Enfin, l’universalité du plan permettrait d’équilibrer les régions car « la direction générale qui verrait tous les décomptes de l’État assignerait le surplus de l’un aux besoins de l’autre ».

49Il loue son projet qui met les mendiants « en état de pourvoir eux-mêmes à tous leurs besoins, tous frais extraordinaires en médecine, droits d’église et d’école ainsi que ceux de nourriture, vêtements et chauffage » à l’exception des temps de calamités. Et il conclut sur l’équivalence de cette nouvelle organisation de la société avec les ordres anciens : comme « chaque pauvre aurait un entretien relatif et proportionné à l’aisance de son état précédent », tel ouvrier habile, tel homme de lettres propre aux emplois de la direction, telle femme instruite dans les ouvrages les plus fins ou en état de les enseigner à d’autres, gagnerait plus qu’un manœuvre ou une fileuse ordinaire. Ainsi, « bien de ces gens connus sous le nom de pauvres honteux y trouveraient leur compte sans la moindre humiliation et sans être à charge à l’État ou à leur famille ». Le commissaire Get n’a pas du tout goûté ce mémoire « écrit dans un style lâche et sans exactitude. Il m’a paru, ajoute-t-il, contenir peu de choses dignes de remarques »70.

50De ce débat d’idées, l’abbé Malvaux ne parle pas et quand il détaille, à la fin de l’ouvrage, la loi que le roi devrait rendre « pour parvenir à l’exécution de ce qui a été proposé », il règle en deux phrases le sort des pauvres honteux en reprenant les propositions de l’abbé Montlinot qui défend les pratiques traditionnelles : le secret des noms, le paiement en argent sans contrôle et le rôle du curé comme seul interlocuteur des familles ; seul changement : l’allocation des sommes transiterait par le bureau de charité avant d’être données au curé puisque qu’il doit à l’avenir centraliser toutes les aumônes71. Si l’analyse des mémoires originaux traduit le foisonnement des idées et la hardiesse de certaines pensées, elle signale également combien les organisateurs de ces concours, bien qu’ouverts à tous, dépensent d’énergie pour censurer toutes les possibles remises en cause de l’ordre existant.

Bibliographie

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Archives

Archives départementales de la Marne, IJ 38 à 41, liste des mémoires utilisés :

3 Anonyme

5 Louis Gidoin d’Estampes dans le Gers

15 M. Depons major de Montmédy, dans la Meuse

18 Anonyme

22 M. de Louvemont curé de Minecourt par Vitry-le-François

27 Mme Eglain de Paris 

29 Rabigot de la Croix, musicien, sergent de la Chapelle du Roy à Versailles

37 Anonyme

38 Van Berghem prêtre et principal du collège de Courtrai à côté de Lille mémoire en latin, a reçu des éloges

43 M. De Vareilles, ancien contrôleur de la maison de feu Madame la Dauphine à Bordeaux

49 Beaucourt de Noortvelve, avocat fiscal du Grand Bureau et Droits de S.M. JR à Bruges

57 Le Tonnelier, prêtre, curé de la paroisse d’Autrèche en Picardie, diocèse de Soissons

60 Anonyme

66 Abbé Montlinot, chanoine honoraire de Lille, 1er accessit

67 M. Danxison, juge et gouverneur de la vicomté de Besançon, ancien magistrat de la même ville. L’académie lui décerne des éloges

67 bis M. Poitevin de Maissemy, conseiller en la cour des aides à Paris, a reçu des éloges

70 M. Sabbathier

73 M. de Burbure, officier de Maréchaussée, associé libre de l’académie de Chalons, fait à Sillé le Guillaume dans le Maine

91 M. le chevalier de Moisseville, ancien capitaine de cavalerie, chevalier de St Louis à Paris. L’académie lui décerne des éloges

99 Révérend père Dorothé, Récollet définiteur de Châlons-sur-Marne

109 Anonyme qui écrit en français mais aussi en allemand

111 Anonyme incomplet de Vitry-le-François. Rapport (l’ensemble donne une vision assez complète) supplément au n° 122 du même auteur

113 Romans de Coppier, oratorien de l’Académie de Rouen, 4e accessit

114 Clouet de Verdun, écuyer, conseiller, médecin ordinaire du roi, médecin à l’hôpital militaire et des hôpitaux de charité de Verdun sur Meuse, 1er prix

121 Anonyme

123 Anonyme, sans doute un médecin

Ouvrages à caractère de source

Condorcet 1788 = Condorcet, Essai sur la Constitution et les fonctions des Assemblées provinciales, s.l., 1788.

Furetière 1690 = A. Furetière, Dictionnaire universel, La Haye-Rotterdam, chez Arnout & Reinier Leers,1690.

Résumé des Mémoires 1779 = Résumé des Mémoires qui ont concouru pour le prix accordé en l'année 1777, par l'Académie des Sciences, Arts & Belles Lettres de Chaalons-sur-Marne. Et dont le sujet étoit, les Moyens de détruire la mendicité en France, en rendant les mendians utiles à l'État, sans les rendre malheureux, Chaalons-sur-Marne, chez Seneuze, imprimeur du Roi & de l'Académie, 1779.

Vauban 1707 = Vauban, Projet d'une dixme royale, s.l., 1707.

Études secondaires

Caradonna 2009 = J.-L. Caradonna, Prendre part au siècle des Lumières Le concours académique et la culture intellectuelle au XVIIIe siècle, dans Annales HSS, 3, 2009, p. 633-662.

Devroey 2006 = J.-P. Devroey, Puissants et misérables : système social et monde paysan dans l’Europe des Francs, VIe-IXe siècles, Bruxelles, 2006.

Fontaine 2008 = L. Fontaine, L’économie morale. Pauvreté, crédit et confiance dans l’Europe préindustrielle, Paris, 2008.

Gutton 1971 = J-P. Gutton, La société et les pauvres. L’exemple de la Généralité de Lyon (1534-1789), Paris, 1971.

Le Jan 1968 = R. Le Jan, ‘Pauperes’ et ‘potentes’ dans l’Occident carolingien aux IXe et Xe siècles, dans Revue du Nord, 50, 1968, p. 169-187.

Mollat 1978 = M. Mollat, Les pauvres au Moyen Âge, Paris, 1978, p. 311-312

Roche 1964 = D. Roche, La diffusion des Lumières. Un exemple : l’académie de Châlons-sur-Marne, dans Annales ESC, 5, 1964, p. 887-922.

10.3406/ahess.1964.421231 :

Roche 1988 = D. Roche, Le siècle des lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, 1989 [1978] ; sur le rôle des concours, p. 324-355.

Touzery 1994 = M. Touzery, L’invention de l’impôt sur le revenu. La taille tarifée 1715-1789, Paris, 1994.

10.4000/books.igpde.2061 :

Notes de bas de page

1 Mollat 1978, p. 311-312 ; Furetière 1690 ; Vauban 1707 ; Condorcet 1788, p. 453.

2 Devroey 2006, p. 317-351 ; Le Jan, 1968.

3 Gutton 1971, p. 24-25.

4 Roche 1964.

5 Roche 1989 ; Caradonna 2009, p. 639-44.

6 Archives départementales de la Marne, IJ 38 à 41. On citera les mémoires par leur seul numéro sachant qu’ils renvoient tous à ce même fonds d’archives. Voir à la fin de l’article la liste des auteurs.

7 Résumé des Mémoires 1779.

8 n° 113.

9 n° 66.

10 n° 38.

11 n° 37, 38, 70, 57, 91.

12 n° 70.

13 n° 57, voir aussi 67.

14 n° 57.

15 n° 57.

16 n° 29, 22.

17 n° 91.

18 n° 91.

19 Archives de la Bastille, dossier 10902 – 1925, 14 mars 1725, de Varange, né gentilhomme, capitaine réformé à la suite de Besançon, conduit à Bicêtre pour mendicité une épée à ses côtés, ff 125-135.

20 Résumé des Mémoires 1779, p. 207-8.

21 Le mémoire de M. Poitevin de Maissemy (67 bis) manque. Il n’y a toutefois pas de longs développements dont on ne retrouve pas l’inspiration chez les autres auteurs cités par Malvaux.

22 n° 113.

23 n° 66.

24 n° 37.

25 n° 81.

26 n° 70.

27 Résumé des Mémoires 1779, p. 208.

28 n° 49 ; Voir aussi 38.

29 Fontaine 2008, chapitre 1.

30 n° 67.

31 n° 67.

32 n° 70.

33 n° 91.

34 n° 113. Voir aussi 57.

35 n° 113.

36 Résumé des Mémoires 1779, p. 209-210.

37 Ibid., p. 210-211.

38 Ibid., p. 211.

39 Ibid., p. 211-212.

40 n° 113.

41 n° 3.

42 n° 66.

43 Résumé des Mémoires 1779, p. 213-16.

44 n° 5.

45 n° 73.

46 n° 43.

47 Il s’agit de Helvétius, de l’Esprit, discours II, p. 92.

48 n° 60.

49 n° 3.

50 n° 67.

51 n° 3.

52 n° 99.

53 n° 114.

54 n° 3.

55 n° 15.

56 n° 99.

57 n° 114.

58 Résumé des Mémoires 1779, p. 11.

59 n° 121.

60 n° 111.

61 n° 22.

62 n° 18.

63 n° 27.

64 n° 18.

65 n° 76.

66 n° 111.

67 n° 27. Sur l’impôt voir Touzery 1994, avec la préface éclairante de Michel Antoine, p. V-VIII.

68 n° 113.

69 n° 123.

70 n° 109.

71 Résumé des Mémoires 1779, p. 431.

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