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    Plan détaillé Texte intégral Anticiper la transmission Créer des héritiers par sa mort Les stratèges de la transmission Notes de bas de page

    Léguer sans fils, hériter sans père

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre 4

    Les stratégies de transmission des biens et des pouvoirs au sein des dynasties cardinalices

    p. 303-388

    Texte intégral Anticiper la transmission Le choix du bon candidat Le détournement dynastique des bénéfices Léguer son palais Créer des héritiers par sa mort La licentia testandi, une clef de transmission ? Des testaments favorables aux parents laïcs Les stratèges de la transmission Le rôle central du pape À la recherche du paterfamilias Des femmes stratèges Notes de bas de page

    Texte intégral

    Le fait est que l’exercice du pouvoir comporte en lui-même une infinité de tracas, mais surtout qu’il convient beaucoup moins à des prêtres qu’à des laïcs. [Les prêtres], parvenant au pouvoir plus tard et généralement déjà fort âgés, gèrent leur empire pour eux-mêmes et non pour un héritier, et ils sont plus portés à le mettre en coupe réglée qu’à le rendre prospère, comme si c’était une proie qui leur était offerte, et non une province à administrer.

    Érasme, Les Silènes d’Alcibiade (1515)1.

    1En présentant le clergé comme rapace et cupide, Érasme reprend un des lieux communs de la littérature de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle. Les réformateurs protestants recourent largement à ce poncif dans les décennies qui suivent, en particulier à l’égard des curiaux. S’il est impossible de ne pas souscrire à la première partie du jugement de l’humaniste – les ecclésiastiques arrivent au pouvoir généralement âgés –, la seconde doit être nuancée. Le philosophe de Rotterdam considère peut-être un peu rapidement que les prêtres ne gèrent pas leur empire pour un héritier. Au cours du Quattrocento, les cardinaux tentent bien souvent de se créer des successeurs susceptibles de recevoir leurs biens et leurs pouvoirs. Il a été montré précédemment que cette transmission, à rebours des principes éthiques de nos sociétés occidentales contemporaines, ne faisait pas vraiment scandale, et que la grille de lecture morale du népotisme, qui a concentré les recherches pendant de longues décennies, doit sans doute être abandonnée.

    2Les règles de continence qui touchent le clergé contraignent les cardinaux à rechercher des héritiers dans les branches collatérales de leur parenté. Si le principe héréditaire est bien en vigueur chez les sénateurs de l’Église au Quattrocento, il se différencie du reste de la société en n’étant pas patrilinéaire. Les héritiers peuvent être multiples, mais les cardinaux tentent en général de favoriser un de leurs parents pour qu’il leur succède à la pourpre.

    3Dans ce chapitre sont analysés les mécanismes par lesquels les cardinaux tentaient de transmettre leurs pouvoirs et leurs biens. Il porte donc particulièrement sur les dynasties cardinalices issues, dans la majorité des cas, des strates élevées de la société ou de la famille d’un pape. Ces cardinaux disposent de moyens politiques et financiers d’ampleur ; ils parviennent à accumuler un patrimoine important qu’ils souhaitent ensuite pouvoir léguer. À l’inverse, c’est aussi parce que les cardinaux ont la possibilité de redistribuer leurs richesses à leurs proches et à leurs parents qu’ils cherchent à les accumuler au cours de leur carrière.

    4Ce lien entre accumulation et transmission semble dans bien des cas impliquer une préméditation. Je considère en effet que la transmission familiale des biens et des pouvoirs cardinalices a fait parfois l’objet de véritables stratégies de la part des détenteurs de la pourpre et de leur famille, c’est-à-dire de véritables séries d’actions prévues, conscientes et coordonnées pour permettre à leurs parents de leur succéder dans leur position sociopolitique et, si possible, de l’accroître. Plusieurs études ont déjà éclairé l’usage de la notion de stratégie familiale dans les nominations ecclésiastiques au Moyen Âge2. L’emploi de ce concept ne va cependant pas de soi.

    5Dans les années 1970-1980, l’anthropologie culturelle et la sociologie ont commencé à populariser auprès des historiens le concept de stratégie, en particulier dans le domaine de la parenté3. Pierre Bourdieu a notamment contribué à ce mouvement en mettant l’idée de stratégie familiale au centre de ses travaux sur la reproduction et sur la transmission du pouvoir et de la domination sociale4. Il s’agissait pour le sociologue français et ses épigones de remettre en cause un structuralisme trop prégnant5. Dans cette lignée, les sociologues Phyllis Moen et Elaine Wethington définissent les stratégies familiales comme « la métaphore intuitivement attrayante de la réponse de la famille aux obstacles structurels et aux événements stressants6 ». En cela, le concept de stratégie entretient une parenté étroite avec celui d’agency7.

    6Sous cette influence, les historiens ont largement repris cette idée de stratégie familiale durant les dernières décennies, en particulier les représentants de la microhistoire, l’appliquant aussi bien aux familles aristocratiques qu’à celles issues de milieux sociaux plus modestes8. Un des domaines sur lesquels ce concept a été appliqué avec le plus de succès est sans aucun doute celui du mariage ; l’expression « stratégie matrimoniale » est devenue un topos, tant elle a été utilisée par les chercheurs jusqu’à aujourd’hui9. Les stratégies familiales ont également pu être mises en exergue dans les travaux sur les héritages – les auteurs parlent alors de « stratégies successorales10 ». L’histoire de l’Église et des cardinaux à la fin du Moyen Âge elle-même n’y a pas échappé : voir un calcul stratégique dans les vocations suscitées au sein d’une famille est devenu un lieu commun de la recherche11.

    7Si elles continuent d’être plébiscitées par une bonne part de la communauté des historiens, ces approches ont parfois été remises en cause, au moins de manière partielle12. Certaines objections doivent être retenues et peuvent servir à nuancer le propos. Il est certain que la stratégie ne peut former une explication holistique à un phénomène social ; pour reprendre le titre d’un livre écrit par Nicolas Schapira et Dinah Ribard, tout n’est pas réductible à des stratégies13. Dans bien des situations, le pouvoir social des structures reste fondamental14. Les décisions d’un individu doivent être lues non seulement à l’aune des « stratégies familiales », mais aussi des configurations politiques, sociales, économiques et culturelles dans lesquelles elles s’inscrivaient. Par ailleurs, la part du sentiment – ou pour mieux le dire chez les ecclésiastiques, de la vocation – est parfois prépondérante : des projets familiaux pour susciter la carrière d’un prélat au sein d’une parenté échouent parfois en raison de l’incompatibilité du caractère du candidat avec les attentes cléricales, comme la pauvreté ou le célibat15. Néanmoins, cette situation reste rare au XVe siècle et les dispositions personnelles semblent souvent passer au second plan, derrière les injonctions sociales et familiales. Enfin, il faut bien préciser que les stratégies sociales sont évolutives et adaptatives et qu’elles ne sont pas toujours couronnées de succès16. Les stratégies familiales qui se sont révélées perdantes au sein du Sacré Collège sont d’ailleurs peut-être plus riches en enseignements que celles qui se sont soldées par des réussites.

    8Finalement, la critique la plus importante adressée à ce concept porte sur le degré de conscience qu’avaient les acteurs des supposées stratégies qu’ils auraient mises en place. En effet, si l’observation d’un caractère rationnel récurrent dans les choix et le comportement des individus peut constituer une bonne preuve de l’existence d’une stratégie, elle ne semble pas suffisante. Un « schéma agrégé de comportements » peut aussi bien être le fruit d’une contrainte structurelle, ne répondant ainsi pas nécessairement à un choix conscient17. Pour pouvoir qualifier un comportement familial de stratégie, il faut ajouter à l’observation d’une action coordonnée la preuve de sa conscience. C’est pourquoi l’oxymore « stratégie inconsciente » de Pierre Bourdieu a été très vivement critiqué18.

    9Il est souvent difficile d’apporter la preuve que des acteurs adoptent consciemment un comportement stratégique. Les « didascalies », pour reprendre l’expression utilisée par Gian Maria Varanini à propos justement des stratégies familiales pour les carrières ecclésiastiques, sont rares dans les sources19. Les individus explicitent peu, à l’écrit, les raisons stratégiques pour lesquelles ils adoptent tel ou tel comportement social, dans l’Église comme dans la société en général. Dans le cas de la transmission familiale de biens et de pouvoirs à l’intérieur du Sacré Collège, il peut arriver toutefois que des acteurs laissent apparaître ces raisons au hasard de la documentation, en particulier lorsque les événements prennent une tournure qui n’était pas prévue. Ces mentions concernent surtout les élites ecclésiales ; plus rares sont les didascalies qui explicitent les stratégies sociales au sein des rangs moins élevés de la société italienne du Quattrocento, pour lesquels les sources sont de toute façon généralement moins nombreuses20.

    10Il a donc fallu identifier les sources dans lesquelles sont explicitées les raisons qui ont motivé le choix d’un candidat plutôt que d’un autre, à l’intérieur d’une parenté, pour reprendre le flambeau ecclésiastique. La manière dont les biens et les pouvoirs d’un cardinal ont été transmis a ensuite été analysée. Les stratégies successorales peuvent être schématiquement divisées en deux temps : celles qui interviennent du vivant du cardinal et celles qui adviennent à sa mort. Selon ces deux temporalités, elles ne visent pas les mêmes cibles au sein de la famille. Il a enfin fallu s’interroger sur les acteurs à l’origine de ces stratégies successorales, qui ne se résumaient pas aux porporati. Les interventions des papes et des parents laïcs des cardinaux viennent ainsi compliquer l’étude des processus de transmission, qui s’inscrivaient parfois dans le temps long, mobilisant toute une chaîne d’acteurs complexe.

    Anticiper la transmission

    Le choix du bon candidat

    11À la fin du Moyen Âge, de nombreuses familles ont pris l’habitude de susciter une carrière ecclésiastique chez un de leurs membres afin de diversifier leurs sources de revenus et surtout leur influence. Au début du Cinquecento, le Florentin Giovanni Cambi affirme par exemple que « chaque grande maison a son prêtre ». Ce phénomène social ne se cantonne d’ailleurs pas aux milieux aristocratiques. Si les sources manquent pour affirmer son ampleur dans les catégories sociales les plus modestes, il concernait de manière certaine les cercles de la bourgeoisie urbaine italienne. Giovanni Villani affirme déjà dans ses chroniques du Trecento que les Florentins font faire « quelques études […] à leurs fils pour qu’ils deviennent clercs21 ». Un siècle plus tard, Francesco Sassetti (1421-1490) affirme, dans un memento rédigé pour ses fils, qu’« avec la tonsure on peut sauver le patrimoine de la famille22 ». Joignant le geste à la parole, le banquier florentin dédie un de ses fils à l’état ecclésiastique. Il fait prendre l’habit, de manière significative, à un cadet, le quatrième de la fratrie. Le poète du XIIIe siècle Bindo Bonichi se lamentait déjà sur l’habitude prise par les puissants de réserver les carrières ecclésiastiques à leurs bâtards ou à leurs enfants les moins valeureux23. Cette situation perdure parfois au XVe siècle, mais, désormais, ce sont plutôt les cadets qui doivent se dévouer aux choses sacrées.

    12Établir la position de chaque cardinal à l’intérieur de sa fratrie s’avère parfois compliqué au Quattrocento : lorsque sa date de naissance exacte est conservée dans les sources – ce qui n’est pas toujours le cas –, celles de ses frères viennent souvent à manquer. À cela s’ajoute la difficulté de retracer avec certitude la vie desdits frères pour s’assurer qu’ils sont arrivés à l’âge adulte, ce qui ferait des cadets les nouveaux aînés de leur famille24. Sur les trente et un cas où la place des cardinaux dans leur fratrie a pu être établie à l’aide des sources et de la bibliographie, six aînés ont été recensés. Sur ces six cas, trois ont eu une femme et des enfants et sont devenus cardinaux une fois veufs (Giuliano Cesarini l’Ancien, Amédée de Savoie et Lorenzo Campeggi). Le quatrième, Enea Silvio Piccolomini, possédait des qualités réflexives et littéraires qui semblent l’avoir destiné à une carrière ecclésiastique dans laquelle il ne s’est engagé d’ailleurs que tardivement. Niccolò Forteguerri est élevé à la pourpre par le précédent. Il appartient à une famille noble désargentée de Sienne et sa carrière est étroitement liée à celle de Pie II25. Le dernier cardinal identifié comme aîné de sa fratrie est Alfonso Borgia ; il est de plus fils unique. Son père, Domingo, est cependant d’origine assez modeste : il exerce le métier de teinturier et ne possède donc aucun titre nobiliaire ou fortune à transmettre à son fils26.

    13Les familles ne favorisent donc presque jamais, a fortiori dans les milieux aristocratiques, une carrière qui mènerait leurs aînés à l’état ecclésiastique et éventuellement au cardinalat27. Ce que les historiens modernistes ont noté depuis longtemps en évoquant les « cadets d’Église » correspond dans une large mesure à la situation du XVe siècle pour les strates les plus privilégiées de la société28. La hiérarchie ecclésiale tout entière, qui s’aristocratise dans les cités italiennes du Quattrocento, semble occupée par des cadets29. Alors que, à l’époque féodale, ces derniers embrassent souvent une carrière militaire, ils se détournent à la fin du Moyen Âge, pour une partie d’entre eux, de l’épée pour saisir la crosse.

    14Ascanio Maria Sforza est sans aucun doute un des cadets les plus connus parmi les cardinaux de cette époque. C’est le sixième des huit enfants légitimes de Francesco Sforza, duc de Milan, et surtout son quatrième fils. Deux des frères aînés du cardinal prennent successivement la tête du duché : Galeazzzo Maria (1446-1476) et Ludovic le More (1480-1499)30. Pour sécuriser au maximum l’avenir de la dynastie, Ascanio Maria Sforza, comme beaucoup de cardinaux issus des familles des souverains européens, n’est nommé que cardinal-diacre. Le rang diaconal apparaît en effet plus facile à abandonner si, à la suite d’aléas dynastiques toujours envisageables, le cadet doit quitter sa dignité ecclésiale pour régner à son tour et perpétuer la lignée31. Les dynasties européennes mesurent le danger de « stériliser une de leurs branches pour avoir un représentant au Sacré Collège », et « ce risque n’est pas nul en ces temps de grande fragilité démographique »32. Si le cas ne se pose pas au XVe siècle, l’obligation de « décardinaliser » des princes apparaît dans la seconde moitié du XVIe siècle33. D’ailleurs, ces laïcisations ne touchent pas que la fonction cardinalice, mais potentiellement tous les niveaux de cléricature34.

    15Les nominations cardinalices chez les cadets des élites italiennes et européennes expliquent certainement en partie le rajeunissement du Sacré Collège (graphique 1). Ces familles ont l’habitude de décider assez tôt du futur de leurs enfants. Dans la plupart des cas, les stratégies se matérialisent par des fiançailles conçues comme un investissement social ; dans le cas d’une carrière ecclésiastique, ces élites attendent des garanties rapides de la part de l’Église. Les cardinales pueri, même s’ils sont peu nombreux, entrent au Sacré Collège au XVe siècle et font sensiblement baisser sa moyenne d’âge35.

    16En se gardant de tout fonctionnalisme, le choix délibéré de privilégier des cadets laisse deviner une véritable stratégie au sein de certaines familles. Les dispositions religieuses et la vocation semblent reléguées au second plan. Cette tendance peut toutefois être nuancée par l’étude de trajectoires individuelles.

    17En 1532, Giovanni Salviati est cardinal depuis quinze ans et il occupe une position dominante dans sa famille. Il décide, d’un commun accord avec sa sœur, Catarina, et son beau-frère Filippo de Nerli, d’accueillir Leone, un de leurs fils, âgé d’une douzaine d’année, dans sa famille cardinalice pour le préparer à une carrière dans l’Église36. Néanmoins, trois ans plus tard, Leone est renvoyé et remplacé par son frère Benedetto. À cette occasion, Giovanni Salviati échange plusieurs lettres avec son beau-frère. Celle du 9 octobre 1535, envoyée depuis Rome, constitue une extraordinaire « didascalie » de la stratégie de transmission envisagée par le cardinal florentin :

    Magnifique beau-frère,

    J’ai reçu votre lettre du 2 de ce mois avec beaucoup de plaisir, voyant de cette manière que vous avez pris connaissance du renvoi de Leone auquel je devais me contraindre, de l’amour que je vous porte et du désir que je nourris de soutenir à la fois vos fils et vous-même. Vous le savez comme moi, si le choix de Leone n’a pas été le bon, nous devons rendre grâce à Dieu qui nous a fait prendre conscience à temps que l’on pourra, grâce à Benedetto, tout arranger. De mon côté, je l’ai toujours espéré bon ; désormais, je l’espère d’autant plus que vous me dites connaître les dispositions de votre [fils], son envie d’apprendre, son bon état d’esprit et le fait qu’il ne manque pas de diligence pour devenir un homme de bien. Et il aura la chance, plus rapidement que l’autre, de marcher la barrette en main37.

    18Vingt ans avant sa mort, le cardinal Salviati prépare déjà sa succession en tant que cardinal. Non seulement il intègre un de ses neveux à sa famille pour l’instruire et l’élever progressivement dans la hiérarchie ecclésiale, mais il planifie déjà pour lui l’accession à la pourpre alors qu’il n’est qu’adolescent. Le succès de cette stratégie est d’ailleurs mitigé : Benedetto devient bien évêque de Volterra en 1545 et s’initie au gouvernement des bénéfices sous la tutelle de son oncle, mais il n’obtient jamais la barrette.

    19Les familles n’hésitent donc pas à adapter leurs stratégies au fil du temps. La « vocation » prévue au départ pour Leone échoit finalement à son frère. Le sort de Leone est évoqué avec une certaine empathie par le cardinal florentin, même s’il se montre ferme dans son jugement :

    Il est possible que Leone ait montré du mécontentement en raison de son retour avec vous, même si, raisonnablement, il ne devrait pas s’en affliger toute sa vie. Mais, de cela, il n’en a jamais donné signe ici. Au contraire, il a paru mieux à partir de [son renvoi], comme s’il avait pris conscience qu’il devait se corriger et comme s’il avait pu prendre un peu de confiance en lui pour ce faire ; je ne l’aurais pas renvoyé à ce moment-là. Mais, comme je l’ai dit, j’en éprouve toujours une très grande joie, car il sera bien dans la vie séculière, et, au contraire, il n’aurait jamais été bien dans la vie ecclésiastique, pour autant que je puisse le comprendre38.

    20Les vocations sont donc certes suscitées, mais, dans cet exemple, le caractère, les aptitudes et les dispositions religieuses font partie des facteurs pris en compte par les cardinaux pour tenter de promouvoir un héritier. Barbara McClung Hallman s’interroge sur la capacité des cardinaux à déceler chez des enfants très jeunes les qualités qui en feraient de bons prélats39. Les bulles de nomination insistent toujours sur la précocité des dispositions de ces jeunes ecclésiastiques. La chercheuse américaine note que, pour la noblesse de sang, qui concerne l’essentiel des candidats, les traits de caractère sont pensés comme étant héréditaires. Comme le note Baldassare Castiglione dans Le livre du courtisan :

    Aussi bien dans les armes que dans les autres actions vertueuses, les hommes les plus signalés sont presque toujours nobles parce que la nature en toute chose a placé cette semence cachée qui donne une certaine force et propriété de son prince à tout ce qui descend d’elle, et le rend semblable à elle. C’est ce que nous voyons non seulement dans les races de chevaux et d’autres animaux, mais aussi dans les arbres, dont les rameaux ressemblent presque toujours au tronc, et si quelquefois ils dégénèrent, c’est la faute du mauvais agriculteur. Ainsi en va-t-il des hommes, qui, quand ils sont cultivés par une bonne éducation, sont presque toujours semblables à ceux dont ils sont descendus, et souvent même meilleurs40.

    21L’explication biologique se double donc d’un raisonnement éducatif chez Castiglione : la noblesse est capable d’assurer à ses descendants la meilleure formation possible. Il semble que la compétence ecclésiale a pu, elle aussi, être considérée comme héréditaire au Quattrocento. Cependant, cette idée ne se vérifie pas toujours dans la réalité. Francesco Gonzague est, par exemple, dédié très jeune à une carrière ecclésiastique : Nicolas V lui confère le titre de protonotaire apostolique juste avant son dixième anniversaire, et il obtient la pourpre à dix-sept ans41. Pourtant, il ne brille pas par ses qualités intellectuelles pendant sa jeunesse, si bien que ses parents sont inquiets pour son avenir dans l’Église et l’incitent à étudier davantage42.

    22Certaines carrières montrent que, en d’autres occasions, les hasards démographiques et la volonté des stratèges font loi et s’imposent sur les prédispositions, les sentiments et les caractères des candidats. Dans les premières années du XVIe siècle, le cardinal Giovanni Colonna, né dans les années 1450 et élevé à la pourpre en 1480, commence à vieillir sans qu’aucun héritier ne semble s’imposer parmi ses parents puisque la plupart d’entre eux se sont mariés (arbre 8)43.

    Arbre 8. La dynastie cardinalice des Colonna (les fratries ne sont pas exhaustives et ne respectent pas nécessairement l’ordre des naissances, parfois inconnu).

    23Les événements qui ont conduit un de ses neveux, Pompeo, au Collège sont racontés dans la vie consacrée à Giovanni par Paul Jove. Le récit trouve sa place dans le passage où l’auteur décrit le retour en grâce des Colonna à Rome sous le pontificat de Jules II (1503-1513), après la mort de leur ennemi Alexandre VI (1492-1503)44. Jules II commence par donner la main d’une de ses nièces, Lucrezia, à Marcantonio Colonna, neveu du cardinal Giovanni45. La question de la succession au cardinalat de Giovanni intervient juste après l’évocation de ce mariage. Paul Jove insiste sur le rapprochement qui s’opère entre Jules II et la famille baronniale de Rome, mais il place aussi sur le même plan, de manière caractéristique, un mariage et une vocation religieuse. Et les deux événements sont présentés sous un tour résolument stratégique pour la famille Colonna. Prospero Colonna, le frère du cardinal Giovanni, en tant que chef de famille, est à la manœuvre et tente de convaincre Pompeo, un de ses neveux, d’embrasser une carrière ecclésiastique pour succéder à son oncle. Mais selon Paul Jove, il éprouve beaucoup de difficultés à l’en persuader :

    À cause de cela [les fiançailles de Lucrezia et de Marcantonio], Prospero jugea d’autant plus important que Pompeo devînt un homme d’Église. En effet, quand Alexandre VI fut mort, son frère le cardinal Giovanni revint de Sicile, étant donné que cet oncle paternel, qui avait des bénéfices aux très grands revenus, semblait âgé et que Pompeo par sa jeunesse devait contribuer à restaurer la dignité et le pouvoir disparus de la famille. Mais il avait une âme de soldat, et il était plus désireux des honneurs de la guerre que de la dignité sacrée, aussi prêtait-il à peine l’oreille au conseil de son oncle. Il espérait, après avoir posé avec bonheur les premiers fondements de sa carrière militaire, succéder avec un mérite égal à ses aînés, lesquels réussirent par les armes et en combattant à accroître la puissance de la famille ; ayant dirigé la guerre et gagné des honneurs, ils avaient acquis une gloire perpétuelle pour le nom des Colonna. Aussi, plus il contestait énergiquement, plus Prospero le morigénait avec sévérité ; parce que Marcello et Giulio, ses frères aînés, avaient déjà pris femme, et de la même manière Ottaviano, s’étant marié également, cherchant ce qui était opportun pour l’intérêt de la faction, œuvrait à donner des enfants46.

    24Le stratège, Prospero, qui représente les intérêts de la famille Colonna, est clairement désigné ; celui à qui s’applique la stratégie, Pompeo, l’est tout autant. L’objectif est lui aussi identifié avec beaucoup de franchise : transmettre les bénéfices et les biens ecclésiastiques de Giovanni Colonna à un de ses neveux. Les moyens mis en œuvre pour y parvenir sont limpides : il s’agit de convaincre Pompeo de rentrer dans les ordres, puisque c’est le seul de sa fratrie à ne pas être encore marié et donc à pouvoir embrasser une carrière ecclésiastique. Prendre la chasuble apparaît comme un devoir social et moral de Pompeo vis-à-vis de sa famille ; tout comme celui de ses frères est de sceller des alliances avec d’autres familles et de fournir de futurs héritiers à la parenté. La longue présence des Colonna dans le Sacré Collège, qui remonte au XIIe siècle, doit perdurer47. Cette présence avait été couronnée par l’élection d’Oddone sur le trône pontifical sous le nom de Martin V, lors du concile de Constance en 1417. À partir de cette date débute une dynastie cardinalice presque ininterrompue d’oncles en neveux : Oddone Colonna (1405-1431), Prospero Colonna (1426-1463), puis Giovanni Colonna (1480-1508) (arbre 8). Il faut donc perpétuer la dynastie.

    25Paul Jove, qui fréquente étroitement des membres de la famille Colonna à partir des années 1520, semble très au courant de la situation. La seule raison pour laquelle est conservée cette « didascalie » est en réalité le refus obstiné de Pompeo de se soumettre aux desseins familiaux en raison de son inclination pour la chose militaire48. Alors qu’il n’a que dix-huit ans, le jeune Colonna participe déjà à la bataille de Palombra remportée par sa famille sur celle des Orsini le 12 avril 1498. Il s’illustre par la suite à plusieurs reprises sur les champs de bataille49.

    26Selon Jove, Pompeo aurait finalement renoncé aux armes, la mort dans l’âme, pour embrasser la carrière ecclésiastique en raison d’une intervention de nature surnaturelle venue étayer l’insistance de Prospero :

    Et alors qu’il refusait avec une âme obstinée les honneurs sacerdotaux, lui apparut pendant qu’il dormait, avec un visage menaçant et sévère, Girolamo, son père, qui, avec de dures paroles, le réprimandait grandement ; il avait un fouet en main, comme s’il voulait le battre, alors qu’il était nu, s’il ne faisait pas tout de suite la volonté de ses parents, et s’il ne se faisait pas homme d’Église. C’est pourquoi Pompeo, après les nombreux bouillonnements qui avaient agité son âme, à la suite de l’apparition de son père et des ordres de son oncle, se montra obéissant. Profondément abattu, résistant à son inclination profonde, il fut créé protonotaire ; et, revêtant l’habit ecclésiastique, il fut établi comme maître de la famille de son oncle, le cardinal Giovanni50.

    27La métaphore du fouet symbolise bien les instances qui peuvent s’exercer de la part des familles aristocratiques envers certains de leurs membres pour qu’ils rentrent dans les ordres. À la suite de ce passage, Paul Jove assure son lecteur que Pompeo s’est tourné vers l’étude des belles-lettres et a recherché la compagnie des humanistes de son temps « comme il convient à la profession d’homme sacré ». Néanmoins, l’auteur précise aussi qu’il n’a jamais abandonné l’esprit militaire qui l’avait jusqu’alors animé et accumule un bon nombre d’anecdotes pour illustrer sa vigueur guerrière51. La stratégie fonctionne cependant, puisque Pompeo reçoit les principaux bénéfices de Giovanni à sa mort en 1508. Certains d’entre eux restent longtemps dans la famille Colonna en étant transmis à divers membres de la parenté : le monastère de Subiaco est dirigé par un Colonna jusqu’en 157152. Pompeo finit même par obtenir la pourpre en 1517, ainsi que Prospero l’a planifié.

    28Outre la fonction de protonotaire qui apparaît souvent comme une étape clef dans l’obtention de la pourpre, il est intéressant de noter que Pompeo Colonna devient le maître de la famille du cardinal, et dirige donc la maison de son oncle. Un cardinal fait très souvent intégrer à sa familia le parent qu’il souhaite voir hériter de ses titres, de ses biens et de son pouvoir. Il peut ainsi former son héritier. Cette instruction est souvent intellectuelle. Marino Grimani, entré dans la famille de son oncle – le cardinal Domenico Grimani – alors qu’il n’a que seize ans, y parfait sa formation sous la tutelle de Scipione Forteguerri, un ami d’Alde Manuce. Domenico tente même de débaucher Érasme pour instruire son neveu53.

    29Cependant, l’héritier potentiel doit surtout être formé aux tâches quotidiennes d’un cardinal, à l’entretien de la famille cardinalice, aux arcanes de la Curie, aux subtilités de la diplomatie et aux jeux d’influence dans le Sacré Collège. Les familles cardinalices et pontificales forment donc un vivier pour les recrutements cardinalices. Le rôle de la maison de Léon X montre que trois de ses familiers deviennent cardinaux : Raffaelo Petrucci, nommé par le pape florentin lui-même, Pietro Bembo et Jacopo Sadoleto, élevés à la pourpre sous Paul III54. Les parents tiennent une place de choix au sein de la famille d’un cardinal, et celui qui est envisagé comme son héritier y est souvent particulièrement privilégié. Les maîtres de la maison, comme dans le cas de Pompeo Colonna, sont particulièrement concernés, mais aussi les familiers les plus proches du porporato qui n’exercent pas nécessairement les fonctions les plus importantes à la cour du cardinal.

    30Les conclaves constituent, en particulier, des moments très formateurs pour un potentiel cardinal55. Jean Burchard note, avec son souci caractéristique du détail, les noms des deux familiers autorisés à accompagner chacun des cardinaux dans le palais apostolique lors des trois conclaves auxquels il a participé (élections d’Innocent VIII en 1484, de Pie III et de Jules II en 1503). Il est frappant de constater que plusieurs conclavistes sont devenus cardinaux par la suite. C’est particulièrement vrai pour ceux qui se sont joints aux futurs papes. Ainsi, au conclave de 1484, les deux familiers qui escortent Rodrigo Borgia – le protonotaire Jaime Casanova et l’abréviateur Juan Lopez – deviennent tous deux cardinaux lorsque leur maître accède au trône de saint Pierre en 149256. De même, Giuliano Della Rovere est accompagné de Fazio Giovanni Santori, qui devient lui aussi cardinal lorsqu’il est élu pape sous le nom de Jules II en 1503. Cependant, il ne s’agit pas dans ces exemples de parents, mais de familiers des cardinaux qui ne leur sont pas apparentés, contrairement à Lorenzo Cybo de Mari qui seconde Giovanni Battista Cybo, lors du conclave de 1484. Il est nommé cardinal cinq ans plus tard par son grand-cousin, élu sous le nom d’Innocent VIII.

    31La récurrence de ce phénomène ne se vérifie pas uniquement pour les cardinaux qui sont élus papes. Lors des deux conclaves de la fin de l’année 1503, qui voient successivement monter sur le trône pontifical Pie III et Jules II, Georges d’Amboise est accompagné par François-Guillaume de Castelnau de Clermont-Lodève, élevé à la pourpre deux mois après l’élection de Jules II. Le cardinal Marco Corner est, lui, secondé par Francesco Corner, son frère, qui reçoit à son tour la pourpre en 152757.

    32Ce qui frappe davantage en 1503, c’est le grand nombre de parents qui se sont joints aux cardinaux en conclave. Il est possible d’y voir le potentiel héritier désigné, car une part du patrimoine du cardinal leur a déjà été transmis. L’exemple de Bernardino Carafa, qui a accompagné son oncle, le cardinal Oliviero Carafa, aux deux conclaves de 1503, est significatif58. Oliviero souhaite clairement voir Bernardino lui succéder, mais celui-ci meurt finalement le premier en 150559.

    33Les stratégies cardinalices se soldent donc souvent par des échecs. L’exemple de Leone Salviati a déjà montré la désillusion causée par une inadéquation du caractère du candidat avec la carrière ecclésiastique ; ce sont ici les hasards démographiques qui ont fait que Bernardino Carafa n’a pas pu pleinement succéder à son oncle. Il est difficile d’évaluer avec précision la part des échecs dans les tentatives des cardinaux pour implanter un de leurs parents au sein du Sacré Collège, néanmoins, elle est certainement majoritaire : la pourpre attire bien des convoitises, mais le nombre d’élus reste limité, malgré sa croissance à la fin du XVe siècle.

    34Oliviero Carafa a pourtant méticuleusement préparé la transmission de la pourpre à son neveu. Il lui a notamment transmis plusieurs de ses bénéfices. Il semble qu’il ait pu en disposer comme de son patrimoine personnel. Les bénéfices apparaissent de plus en plus, au Quattrocento, comme des biens particulièrement liquides, passant de main en main sans que cela ne pose de difficultés majeures. Ces transmissions répondent en réalité à des stratégies complexes que les cardinaux mettent en place de leur vivant.

    Le détournement dynastique des bénéfices

    35Comment les cardinaux transmettent-ils à leurs parents leurs bénéfices, qui représentent l’essentiel de leur patrimoine, alors même qu’ils ne constituent en aucun cas leurs biens propres ? Le concile de Latran III ordonne déjà en 1179 « qu’aucun ministère ou bénéfice ecclésiastique, qu’aucune église ne soient attribués ou promis à quelqu’un avant qu’ils ne soient vacants, de peur que ne semble désirer la mort de son prochain quiconque croirait qu’il va lui succéder dans sa place et dans son bénéfice60 ». Pourtant, comme le note Adriano Prosperi, un bénéfice lors de sa collation « entrait dans le budget non d’un individu mais d’un système de parenté », selon une « conception privée des revenus ecclésiastiques »61. Au XVe siècle, il existe deux techniques administratives qui permettent aux porporati d’assurer l’héritage de ce type de biens.

    36La première est la coadjutorerie, relativement peu usitée à cette époque62. Il s’agit, à côté de la provision classique et de l’administration, du troisième moyen de détenir un bénéfice consistorial63. Cette pratique consiste à adjoindre, avec la permission du pape, un évêque auxiliaire, dit coadjuteur, à un autre évêque pour le seconder dans le gouvernement de son diocèse. La coadjutorerie doit être temporaire, prenant fin par décision ou par la mort d’un des deux coadjuteurs. Toutefois, elle induit dans la réalité un droit de succession détourné : à la mort de l’évêque en titre, c’est son coadjuteur qui lui succède de manière automatique64. Par exemple, Baldassare Grassi, fils illégitime du cardinal Achille Grassi, lui-même frère du cérémoniaire Paride Grassi, obtient d’être coadjuteur de Paride sur le diocèse de Pesaro à partir de 1519. Ce n’est pas une transmission d’un cardinal à un parent, mais du parent d’un cardinal à un autre parent. Pour autant, le cardinal Achille Grassi n’est pas en reste vis-à-vis de son propre fils, puisqu’avant même d’obtenir sa coadjutorerie, il résigne en sa faveur le diocèse de Città di Castello en 151565.

    37La resignatio in favorem tertii constitue en effet le moyen privilégié au XVe siècle pour transmettre un diocèse à l’intérieur d’une famille. Cette pratique consiste pour le résignant à renoncer à ses droits sur son bénéfice sous réserve qu’il soit transmis à la personne de son choix, le résignataire. Depuis les premiers siècles du christianisme, ceux qui résignent leurs bénéfices demandent parfois à leur hiérarchie que leur ancien bénéfice laissé vacant soit conféré préférablement à une personne particulière, souvent un parent. Ce phénomène s’accélère à partir du Moyen Âge central, même s’il reste en théorie proscrit – les Décrétales de Grégoire IX réaffirment cette interdiction avec force. La resignatio est alors associée à de la simonie – le bénéfice est assimilé de facto à un simple office temporel – et elle heurte le principe canonique fondamental selon lequel aucun clerc ne peut désigner lui-même son propre successeur. Surtout, la renonciation en faveur d’un tiers porte en elle le ferment d’un renversement chronologique : la collation d’un bénéfice ne peut être décidée qu’après sa vacance66. Innocent IV décrète encore au XIIIe siècle que tous les prélats anglais qui ont résigné en faveur de leurs fils, neveux ou proches doivent être privés de tous leurs bénéfices67.

    38C’est seulement à partir du XIVe siècle que la resignatio in favorem a progressivement été acceptée sur le plan canonique. Clément V l’autorise d’abord dans certains cas particuliers. Sous le pontificat de Jean XXII, la resignatio in favorem est officiellement reconnue sur le plan juridique et plusieurs conditions qui peuvent lui être ajoutées sont petit à petit admises. Outre la désignation d’un successeur, elle s’accompagne de clauses permettant au résignant de garder, au moins temporairement, une série de droits sur son ancien diocèse68. Le résignant peut ainsi demander à conserver le titre du diocèse, ou même se réserver le droit de collation des bénéfices mineurs attachés au bénéfice transmis. Surtout, il peut exiger de la part du résignataire une pension fixe ou proportionnelle à tous les revenus du diocèse – généralement la moitié –, ou même l’intégralité de ses revenus69. C’est la clause qui choque le plus les contemporains, et certains papes tentent de timides régulations en la matière. Alexandre VI parvient même, pour un temps, à faire interdire la reservatio omnium fructuum en faveur des évêques et des offices curiaux inférieurs, mais les cardinaux ne sont pas concernés par la mesure70. Enfin, le résignant peut se réserver un regrès, c’est-à-dire le droit de retrouver automatiquement le bénéfice cédé si le résignataire y renonce ou décède avant lui71. Dans les cas les plus extrêmes, la résignation peut se faire cum reservatione accessus, c’est-à-dire avant même que le bénéfice soit concédé : le résignant garde alors le droit de l’obtenir plus tard pour lui-même selon certaines circonstances72. Ainsi, l’évêque qui résigne peut conserver potentiellement le titre, les revenus et la majorité des droits afférents au bénéfice qu’il abandonne au profit d’un tiers. Il n’est certes plus en théorie l’évêque du diocèse, mais il l’est toujours dans la réalité jusqu’à sa mort ou à la résignation effective des droits qu’il s’est réservés dans un premier temps. Cette pratique facilite donc le cumul des bénéfices de manière déguisée, puisqu’elle permet de recevoir tous les fruits d’une charge épiscopale sans en avoir les contraintes, et surtout sans être l’évêque officiel d’un diocèse.

    39Il apparaît dès lors évident que l’ajout de ces clauses a fait de la resignatio in favorem le stratagème idéal pour léguer un bénéfice à un parent en contournant les interdits du droit canonique. L’évêque peut désormais continuer à exercer ses droits épiscopaux et à toucher les revenus de ses diocèses tout en en sécurisant l’hérédité. Dans certains cas, le diocèse est transmis à un parent qui n’a pas encore l’âge requis pour devenir évêque, auquel cas le bénéfice est confié en administration et le résignataire devient évêque en titre lorsqu’il atteint les vingt-sept ans canoniques. La résignation en faveur d’un tiers se répand très largement au cours du Quattrocento, si bien que, à partir du pontificat de Jules II, se mettent en place des libri resignationum afin d’enregistrer toutes les renonciations faites à la Curie73. Elles atteignent des sommets sous le pontificat de Léon X, notamment pour ce qui concerne les diocèses74. Le pape doit nécessairement donner sa bénédiction à de telles entreprises, puisque c’est lui qui fulmine les lettres de nomination. Par exemple, lorsque Latino Orsini renonce à sa province métropolitaine de Trani, Nicolas V confie le bénéfice à son frère, Giovanni Orsini, l’abbé de Farfa, par une bulle, datée du 23 décembre 145075. Cette habitude est parfaitement ancrée dans les mœurs, à tel point que son absence peut être perçue comme une injustice. Lorsque Niccolò Fieschi meurt le 14 juin 1524, Clément VII donne quatre monastères et un prieuré que détenait le cardinal à son neveu, Jacopo, âgé de six ans. Les brefs précisent que le cardinal devait résigner ces bénéfices avec l’accord d’Adrien VI, mais que le pontife et le cardinal étaient morts avant d’avoir mené le processus à son terme76.

    40Les contemporains ne sont pas dupes vis-à-vis de telles pratiques. Le Consilium de emendanda ecclesia de 1537 les met en accusation en expliquant qu’elles servent en réalité à créer des héritiers dans l’Église :

    Bien que cela soit interdit selon la loi – les bénéfices ne peuvent être légués par testament, car ils n’appartiennent pas au testateur mais à l’Église, et aussi pour que ces propriétés ecclésiastiques puissent être conservées en commun au bénéfice de tous et ne deviennent pas une possession privée –, l’imagination humaine, mais pas la diligence chrétienne, a découvert un grand nombre de moyens pour se jouer de cette loi. D’abord, les renonciations aux évêchés et à d’autres bénéfices sont pratiquées avec un regrès ; les réserves des revenus y sont ajoutées, les réserves des collations des bénéfices y sont ajoutées, et en plus elles sont cumulées avec les réserves de l’administration. Par tous ces arrangements, ils créent un évêque qui n’a pas les droits d’un évêque, tandis que tous les droits épiscopaux seront attribués à celui qui n’est pas fait évêque. Que votre Sainteté voie à quoi l’abandon à cette doctrine a abouti, où cela a conduit en détail, quel effet cela a eu au bout du compte. Des bénéfices héréditaires se sont constitués. Il va de soi que, lorsque les coadjutoreries sont données à ceux qui sont réclamés par les évêques, des hommes moins convenables qu’eux-mêmes deviennent [évêques]. Si bien que, à moins de vouloir fermer les yeux, on voit clairement des héritiers institués par ce moyen77.

    41Les réformateurs ciblent très bien, dans les années 1530, les deux moyens par lesquels les prélats, et en particulier les cardinaux, transmettent leurs bénéfices à des parents depuis plusieurs décennies. Pour la première fois, ce sont bien les relations de parenté à l’intérieur de la Curie, et plus particulièrement du Sacré Collège, qui sont explicitement visées. La confiscation des biens de l’Église au profit d’héritiers est ainsi dénoncée face à des dérives toujours plus importantes à la fin du Moyen Âge.

    42Avec ces pratiques, les bénéfices peuvent être théoriquement transmis à n’importe qui. Les enfants et les petits-enfants des cardinaux, lorsqu’ils sont légitimes, peuvent donc hériter, par la voie d’une résignation, des bénéfices de leur père. Franciotto Orsini devient cardinal en 1517 après avoir été marié et avoir eu cinq enfants. Il résigne le diocèse de Fréjus en faveur de son petit-fils de douze ans, Leone Orsini, fils d’Ottavio, en décembre 1524, seulement six mois après l’avoir obtenu pour lui-même78.

    43La résignation peut même permettre d’obtenir un bénéfice pour un proche, par exemple un parent, en nourrissant le projet de le transmettre avant même de l’obtenir. C’est une pratique courante au XVe siècle79. Il est plus facile pour un personnage bien en place à la Curie, comme un cardinal, d’obtenir un bénéfice pour lui-même que pour son neveu. Un bon exemple en est donné par une lettre que Leonardo Bruni a adressée le 15 octobre 1407 aux fils de Coluccio Salutati, sur lesquels il avait promis de veiller à la mort de leur père. Il souhaite en particulier obtenir un bénéfice pour Salutato et leur explique la raison pour laquelle il a d’abord subi plusieurs revers dans son entreprise :

    Jusqu’à aujourd’hui, je me suis trouvé dans la suite de deux pontifes, Innocent et Grégoire. J’ai abordé ce sujet avec l’un et l’autre aussi souvent et aussi instamment que possible ; mais la Curie est si pleine de gens à l’affût, ou plutôt non, pas à l’affût mais prenant les devants, que, à chaque fois qu’il s’est trouvé une place vacante, ils étaient mille à se jeter dessus.

    En vérité, ce qui diminua notre faveur, c’était de faire la requête non pas pour nous mais pour un autre : le fils d’un homme très illustre, certes, qui le nie ? Mais absent et étranger à l’entourage du pontife. C’est pourquoi ceux qui étaient présents, soit au service du pontife en personne, soit au service de l’un des pères, sont jusqu’à aujourd’hui toujours passés avant ma requête et voilà certes la raison qui s’est opposée à ce que nous obtenions gain de cause jusqu’à aujourd’hui80.

    44C’est parce que les personnes pour lesquelles Leonardo Bruni a réclamé des bénéfices ne sont pas suffisamment introduites à la Curie qu’il ne peut les obtenir. Il souligne d’ailleurs que ceux qui sont « au service du pontife » ou « au service de l’un des pères », c’est-à-dire des cardinaux, accèdent plus facilement aux bénéfices vacants. L’humaniste explique le procédé qui lui est venu à l’esprit pour franchir cette barrière :

    Mais après en avoir fait suffisamment l’expérience, j’ai changé de stratégie et décidé de mettre en avant ma propre personne ; et en effet je ne voyais aucune autre issue possible à notre projet. Donc, il y a quelque temps, le vénérable Antonio da Siena postulait pour l’épiscopat de Pesaro. De ce fait, on espérait que ses bénéfices – le canonicat de l’église de Florence et la prêtrise de celle de Fiesole – seraient vacants. J’estimais pour ma part que ceux-ci seraient parfaitement adaptés à Salutato au point que, s’ils nous échappaient, je pensais ne jamais retrouver ailleurs pareille opportunité.

    Comprenant donc ce qui m’avait entravé jusqu’alors, je déclarais ouvertement que ce n’était plus pour un autre mais pour moi-même que je faisais la requête. Le pontife, quant à lui, même s’il s’étonnait de mon changement d’attitude – car il savait que j’avais refusé l’épiscopat que m’avait offert Innocent –, donna cependant son accord, et toutefois il n’est pas sans soupçonner quelque chose, comme j’ai pu m’en rendre compte – soupçons que nous dissiperons en donnant le change et en laissant passer un certain temps. Mais pour ma part, j’ai décidé de vous faire part de cela pour que vous sachiez que j’ai réclamé ces bénéfices pour notre cher Salutato, même s’il faut observer un certain délai, afin que le pontife n’en vienne pas à s’indigner d’avoir été circonvenu par cette manœuvre81.

    45La lettre laisse percevoir les fortes tensions qui s’exerçaient sur les bénéfices dès le début du Quattrocento et qui se sont poursuivies dans les décennies suivantes. Leonardo Bruni évoque une Curie « pleine de gens prenant les devants ». Lui-même ne procède pas différemment. Pour obtenir les deux bénéfices pour Salutato, il commence à manœuvrer alors même qu’Antonio Casini, futur cardinal, n’a pas encore obtenu le diocèse de Pesaro, ce qui signerait éventuellement un abandon des deux bénéfices que l’humaniste arétin espère obtenir.

    46Dans les cas d’enfants illégitimes, majoritaires chez les cardinaux du Quattrocento, la résignation est moins évidente. Le contournement de l’interdit portant sur la transmission des bénéfices ecclésiastiques doit être doublé d’un contournement portant sur l’incontinence des clercs. En théorie, il est donc très difficile pour un bâtard d’hériter d’un bénéfice de son père. Néanmoins, le jugement de Philippe de Commynes selon lequel « ilz ne font point grant differance en Italie d’ung bastard à ung legitime82 » vaut, en de rares occasions, pour les enfants illégitimes des cardinaux. Si Rodrigo Borgia ne résigne pas l’archidiocèse de Valence en faveur de son fils, Cesare, il le nomme tout simplement sur ce siège lorsqu’il monte sur le trône pontifical en août 149283. Cesare, lorsqu’il est décardinalisé, résigne d’ailleurs la province métropolitaine en faveur de son parent, Juan Borgia le Jeune. À la mort de Juan, c’est un quatrième parent, Pedro Luis Borgia, qui est nommé84. Il s’agit là d’une configuration exceptionnelle, mais qui se retrouve aussi à un niveau moins élevé.

    47Pietro Bembo devient successivement le familier des deux pontifes Médicis, Léon X et Clément VII. Ce dernier légitime le fils aîné de Pietro, Lucilio, et l’autorise même à entreprendre une carrière ecclésiastique. Le pape précise dans son bref qu’il lève son illégitimité car il est impressionné par la promesse de ses qualités et par son désir de servir l’Église85. Il peut désormais rentrer dans les ordres et hériter des biens de son père qui a obtenu une licence testamentaire de Léon X86. Lucilio a alors sept ans, âge auquel il est possible de recevoir sa première tonsure. Un post scriptum du bref indique que les mêmes dispositions doivent être prises à l’occasion des sept ans de Torquato Bembo, son petit frère. Bembo écrit en effet deux ans plus tard au pape pour lui rappeler sa promesse87.

    48Lucilio et Torquato peuvent donc débuter une carrière ecclésiastique, sans qu’il soit évident pour autant que leur père puisse leur transmettre ses bénéfices, ce que d’aucuns pourraient trouver scandaleux. Pietro Bembo use pourtant, en faveur de son fils aîné, d’un stratagème qu’il est parfois possible d’observer à la Curie, sans pouvoir en mesurer l’ampleur avec certitude. Le familier des Médicis se sert en réalité d’un homme de paille pour transmettre son bénéfice le plus rémunérateur à Lucilio. Il résigne en janvier 1530 la commanderie hospitalière de Bologne avec regrès à un prélat complaisant, Niccolò Schomberg, archevêque de Capoue, qui la résigne à son tour en faveur de Lucilio Bembo88. Cette opération est certainement facilitée par l’amitié que Pietro Bembo entretient avec Carlo Gualteruzzi, un écrivain de la Daterie apostolique, même si Bembo – qui devient cardinal sous Paul III en 1538 – a des difficultés à s’acquitter des droits nécessaires à l’émission des bulles pontificales89. Il est même obligé d’emprunter de l’argent pour tenter de réaliser la même opération au profit de son second fils, Torquato90.

    49Cette pratique semble pourtant connue des souverains pontifes. Clément VII, lui-même enfant illégitime, adopte la bulle Contra bastardos le 3 juin 1530, qui interdit aux « fils de prêtres issus de la fornication » d’obtenir des bénéfices ou des pensions de leur père. Il précise dans cette bulle que ces transmissions s’effectuent régulièrement « par l’interposition d’une autre personne ». Le souverain pontife ajoute même que toute dispense à cette interdiction se ferait « à l’insu de son intention91 ».

    50Malgré cette bulle, Bembo tente de transmettre à Torquato, quelques années plus tard, la même commanderie (Lucilio est mort entre-temps) et deux autres bénéfices92. Un nouveau contournement est rendu possible grâce à Ranuccio Farnèse, petit-fils de Paul III. Celui-ci, souhaitant obtenir la commanderie de Bologne, propose au cardinal Bembo de l’échanger contre d’autres bénéfices qu’il donnerait directement à Torquato. L’échange a lieu en 1537 et Torquato obtient, avec l’aval du souverain pontife, le prieuré de San Michele de Coniolo, dans le diocèse de Brescia93. L’inventivité des prélats en matière bénéficiale s’avère sans limite.

    51La nécessité de l’approbation pontificale, dans le cas de la coadjutorerie comme dans celui de la résignation, doit cependant être soulignée. Le pape conserve toujours la main, quoiqu’il arrive, sur la transmission des bénéfices consistoriaux. Rien ne peut se faire, théoriquement, sans son aval. Les cardinaux, en tant que conseillers les plus proches du Saint-Père, entretiennent des contacts quasi quotidiens avec lui, et sont donc les plus à même de se voir accorder ce genre d’avantages et de facilités. Il peut arriver que le pape soit trompé par un prélat ou même qu’il ferme les yeux sur une transaction douteuse. Les cardinaux fréquentent aussi de manière très régulière les officiers de la Chancellerie, qui établissent les lettres pontificales et sont parfois leurs propres familiers. Ces relations peuvent s’avérer précieuses lorsqu’il s’agit de contourner le droit.

    52Sur les 35 dynasties épiscopales relevées par Claudio Centa en Italie entre 1417 et 1534, 23 comptent un membre cardinal94. Ce phénomène ne faiblit pas puisque le même auteur compte que 77 des 137 successions familiales dénombrées sur un siège épiscopal au XVIe siècle débutent par un cardinal95.

    53La résignation, déjà attestée à la Curie d’Avignon, connaît un essor considérable dans la seconde moitié du Quattrocento96. Les règlements de Chancellerie conservés pour le XVe siècle montrent la prise en compte progressive de cette pratique. Si la résignation est souvent évoquée au début du XVe siècle, la question de la résignation en faveur d’un tiers apparaît pour la première fois dans les règlements publiés sous Nicolas V97. Certains papes se penchent plus précisément sur la resignatio, en particulier Sixte IV, qui fulmine à son sujet la bulle Sicut bonus pastor en 148098. Toutefois, ce texte organise simplement les modalités des résignations lorsqu’elles sont pratiquées à l’extérieur de la Curie et ne constitue en aucun cas un frein à son expansion.

    54L’essor de la resignatio se poursuit au début du XVIe siècle, en particulier dans la décennie 1520-1529. Selon Barbara McClung Hallman, le résultat de la promotion cardinalice exceptionnelle de Léon X en 1517 explique pour une bonne part cette croissance99. Il faut certainement invoquer aussi l’influence croissante des pouvoirs séculiers, qui préféraient ménager des évêques fidèles, issus de leur propre parenté et des aristocraties locales, plutôt que de se voir imposer par le pape un candidat étranger. Ce campanilisme ne contribue pas au renouvellement des élites ecclésiales. Les seigneurs et les évêques des principats citadins du nord de l’Italie, comme Mantoue et Ferrare, appartiennent le plus souvent à la même famille100.

    55Les stratégies familiales pour utiliser au mieux la resignatio peuvent diverger. L’objectif ultime est de favoriser un de ses parents pour qu’il puisse accéder à son tour au Sacré Collège. Certains cardinaux, pour parer à toute éventualité, préfèrent multiplier les héritiers potentiels au sein de leur parenté lorsqu’ils en ont l’occasion, quitte à disperser leur patrimoine et leurs chances de succès. La mort du jeune Bernardino Carafa de la peste en 1505 a déjà été évoquée. C’est un échec pour son oncle, Oliviero Carafa, qui voyait certainement en lui un potentiel successeur101. Mais le cardinal napolitain apparaît sensible au cours de sa carrière aux jeux de la fortune, aussi n’a-t-il pas placé tous ses œufs dans le même panier. Il suscite dans sa famille plusieurs carrières ecclésiastiques et n’hésite pas à modifier sa stratégie au gré des aléas (fig. 22). Oliviero Carafa a ainsi cumulé de nombreux bénéfices, en particulier la province métropolitaine de Naples à partir de 1458, le diocèse de Rimini en 1495 et le diocèse de Chieti en 1500. Il résigne successivement ces trois diocèses en faveur de trois parents différents : l’archidiocèse de Naples est confié à son frère jumeau, Alessandro, en 1484, le diocèse de Rimini à son neveu, Vincenzo, en 1497, et le diocèse de Chieti à un autre neveu, Bernardino, en 1501102.

    Figure 22. Les résignations successives du cardinal Oliviero Carafa en faveur de ses parents.

    56Il détient depuis vingt-six ans la province métropolitaine de Naples lorsqu’il la cède. En revanche, dans les cas de Rimini et de Chieti, il est possible qu’il ait sollicité leur administration uniquement dans le but de les rétrocéder à ses neveux, puisqu’il les leur a transmis, dans les deux cas, seulement vingt-trois mois après les avoir obtenus. Le cardinal napolitain ne veut pas que la supercherie apparaisse évidente aux yeux du pontife. Il laisse donc passer une période suffisante qui permet au pape d’oublier, ou de prétendre avoir oublié, les conditions dans lesquelles les deux diocèses ont été cédés.

    57La suite des événements témoigne du haut degré de planification et en même temps d’adaptabilité dont fait preuve le cardinal dans la préparation de sa succession. La mort de son frère Alessandro, en 1503, met à mal la stratégie adoptée, et la province de Naples revient à Oliviero, puisqu’il l’avait résignée cum regressu à son frère et la résigne à nouveau, deux ans plus tard, selon la même modalité, à Bernardino. Ce dernier apparaît donc clairement en tête de l’ordre de succession privilégié par Oliviero : il cumule désormais le bénéfice le plus prestigieux du cardinal – celui de Naples – en plus de son diocèse de Chieti, et il l’accompagne même entre-temps aux deux conclaves de 1503103. Cependant, Bernardino meurt à son tour en 1505, moins de deux mois après avoir reçu l’archidiocèse de Naples. Celui-ci est alors confié à Vincenzo, tandis que le diocèse de Chieti est résigné en faveur d’un troisième neveu, Gian Pietro Carafa104.

    58Cette fois-ci, l’héritier désigné sur le siège de Naples, Vincenzo, survit à son oncle et embrasse la carrière espérée pour lui. Néanmoins, Oliviero ne voit pas ses souhaits se réaliser de son vivant : si Jules II veut élever Vincenzo au cardinalat, il doit y renoncer en raison de l’opposition de Ferdinand d’Aragon105. Il faut attendre 1528 pour voir Vincenzo obtenir la pourpre des mains de Clément VII, tandis qu’Oliviero est décédé en 1511. Quelques années plus tard, en 1536, son autre neveu auquel il a confié Chieti, Gian Pietro Carafa, devient cardinal à son tour sous le pontificat de Paul III. Il est élu pape en 1555 sous le nom de Paul IV, destin qu’Oliviero n’a peut-être pas prévu lui-même pour un de ses neveux.

    59À côté des logiques de résignation, Oliviero Carafa parvient également à obtenir des papes que certains membres de sa famille reçoivent des bénéfices très importants en consistoire. Jean Burchard nous apprend la mort de Malitia de Gesualdo, évêque de Rapolla, en septembre 1488. Le cérémoniaire précise qu’il s’agissait non seulement du maître de maison d’Oliviero, mais aussi de son neveu106. En réalité, Malitia de Gesualdo devait être le cousin du cardinal napolitain, puisqu’il était le fils de Catarina Carafa – probablement la tante d’Oliviero – et de Giovanni Gesualdo, issu d’une famille importante du royaume de Naples107. Il semble très probable qu’Oliviero Carafa, bien introduit à la cour d’Innocent VIII, ait pesé de tout son poids pour que Malitia fût nommé en 1482 à la tête de ce diocèse méridional. Burchard nous apprend surtout qu’il a été remplacé à sa mort par Troilo Carafa, son petit-cousin, devenu également par la suite évêque de Gerace108. D’autres exemples plus éloignés pourraient encore être mobilisés, comme Alfonso Carafa qui devint évêque de Sant’Agata dei Goti, un diocèse à une trentaine de kilomètres au nord-est de Naples109.

    60Il est possible de juger téléologiquement qu’Oliviero Carafa a bien fait de favoriser plusieurs successeurs potentiels, puisque deux d’entre eux sont morts avant lui. C’est le choix que font la plupart des cardinaux, même si, généralement, la transmission du diocèse le plus important du patrimoine, souvent une province métropolitaine, indique celui qui est considéré comme le premier héritier dans l’ordre de succession110. D’un autre côté, la division entre plusieurs héritiers potentiels implique une dilution de la richesse et du prestige de la famille. Le patrimoine doit être suffisamment important pour être divisé, ce qui n’est pas toujours le cas. Francesco Corner (1527-1543) résigne par exemple le seul diocèse qu’il possède en titre, Brescia, en faveur de son neveu Andrea Corner, le 13 mars 1532111. Celui-ci devient d’ailleurs cardinal sous Paul III.

    61Il faut certainement voir dans ces pratiques de la résignation et du regrès des similitudes avec ce qu’il est possible d’observer dans la sphère laïque à la même époque. Si Adrien Clergeac n’hésite pas à comparer ces phénomènes à des apanages destinés aux cadets ou aux fils illégitimes, la resignatio en tant que telle est aussi apparue à la fin du Moyen Âge dans les administrations des royaumes d’Occident112. La comparaison avec le royaume de France est édifiante, en particulier du point de vue de la chronologie. Bernard Guenée note que c’est dans la seconde moitié du XVe siècle, sous Charles VII, que la survivance, qui pourrait être comparée au regrès ecclésiastique, est venue compléter la pratique déjà ancienne de la résignation chez les officiers du royaume. Il note également que l’hérédité des offices a fait suite à leur vénalité : « par une pente naturelle, l’officier qui a payé son office et le considère comme son bien doit tendre à le transmettre à ses héritiers113 ». Il semble possible de corréler également la croissance de la vénalité de la pourpre cardinalice, à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, avec le développement de la resignatio in favorem et du regrès dans le Sacré Collège114. Le resserrement familial de plus en plus important, constaté à la fois dans la noblesse en Occident et à l’intérieur du Sacré Collège à la fin du Moyen Âge, s’appuyant sur une consolidation du principe héréditaire dans les deux mondes, s’accompagnerait ainsi de la création des mêmes outils.

    62La vénalité n’est certainement pas la seule cause de la croissance de ces pratiques de transmission. Plus simplement, la volonté d’une solidarité familiale intergénérationnelle et, surtout, la très forte culture de l’hérédité – et plus largement de la parenté – au sein du Sacré Collège expliquent très largement l’expansion des resignationes. Comme le note Claudio Centa, « on aurait tort de considérer la recherche d’un avantage économique comme la seule explication globale du phénomène. Dans la société d’Ancien Régime, le bénéfice ecclésiastique n’est pas une réalité exclusivement économique, il porte en lui une valeur fortement symbolique, les charges ecclésiastiques marquent et consacrent l’affirmation social d’un groupe familial autant que celle de son titulaire115 ».

    63La transmission des biens les plus importants des cardinaux, leurs bénéfices, s’opère donc généralement de leur vivant. À côté de ces legs qui assurent des revenus réguliers à leurs détenteurs, les cardinaux peuvent également tenter de transmettre, selon la même temporalité, les biens majeurs de leur patrimoine personnel, en particulier leurs palais. La stratégie est d’ailleurs parfois calquée sur celle de la resignatio in favorem et du regrès.

    Léguer son palais116

    64Les palais constituent un des éléments principaux des patrimoines cardinalices, tant par le capital économique qu’ils représentent que par le poids symbolique dont ils sont investis. Ils forment le paysage familier dans lequel s’inscrit l’histoire de la parenté117.

    65Il a été noté auparavant que la plupart des palais des cardinaux au XVe siècle sont attachés à leur titre cardinalice118. Il ne peuvent donc en disposer comme de biens personnels. La bulle Etsi universis, fulminée par Sixte IV en 1474, réaffirme la coutume : les palais construits ou restaurés par les cardinaux à proximité immédiate d’un complexe titulaire ou d’une abbaye à Rome ne peuvent être transmis par voie testamentaire ; bien au contraire, de tels palais doivent retourner systématiquement à l’Église à la mort de leur détenteur119.

    66Il arrive que des cardinaux rebâtissent intégralement des palais à proximité de leur titre, entraînant ainsi des situations juridiques complexes. C’est notamment le cas du double édifice construit successivement par Pietro Riario et Giuliano Della Rovere, de part et d’autre de la basilique des Santi XII Apostoli120. Sixte IV réaffirme la sanctuarisation des complexes titulaires cardinalices, le pontife Della Rovere veut pouvoir les réattribuer librement aux nouveaux détenteurs de la pourpre sans qu’ils soient amputés des palais qui leur sont attachés. Le legs de ces palais dépend donc entièrement d’une éventuelle transmission du titre cardinalice, qui n’est réalisable qu’avec l’appui du Saint-Père.

    67Cet état de fait pousse de plus en plus de cardinaux, en particulier au début du XVIe siècle, à investir dans des palais à l’extérieur de ces complexes titulaires. Le principal objectif de la bulle de 1474 est d’ailleurs de renforcer cette tendance. Sixte IV y affirme que, hors des espaces des complexes titulaires, les papes ne peuvent désormais en aucun cas confisquer les palais construits par des ecclésiastiques de la Curie, en particulier des cardinaux, à Rome et dans ses environs. Les sénateurs de l’Église peuvent dorénavant disposer librement des résidences qu’ils construisent, même dans le cas où ces propriétés immobilières auraient été acquises à l’aide de revenus ecclésiastiques. Sixte IV justifie sa décision au tout début de la bulle, de manière classique pour l’époque, en soulignant que la ville est tombée dans un état lamentable de ruine à la fin du Moyen Âge et qu’il souhaite désormais la restaurer121. Le message est clair : le souverain pontife incite tous les curiaux à participer à l’embellissement de Rome et leur assure en contrepartie la libre disposition, notamment testamentaire, de leur investissement.

    68Plusieurs cas de palais autonomes sont cependant construits par des cardinaux avant cette bulle de 1474. Les porporati ont alors recours à différentes stratégies pour pouvoir les transmettre à leurs parents. Domenico Capranica fait ainsi construire sur la place de Santa Maria in Aquiro un palais, destiné à être sa résidence à Rome, mais également celle de sa famille122. Or, la menace d’une spoliation pontificale pèse toujours sur de telles constructions123. Afin de s’y soustraire, le cardinal a recours à une stratégie spirituelle, qui correspond peut-être aussi à ses aspirations personnelles. Il fonde un collège pour les jeunes Romains d’humble naissance désirant entreprendre une carrière ecclésiastique, auquel il lègue la plus grande partie de son palais. Parallèlement, il réserve une autre partie de l’édifice à sa famille et, en particulier, à son frère Angelo Capranica124. Le legs charitable et salutaire en faveur des étudiants rend plus difficile la contestation globale du testament par le pape. Angelo Capranica dirige le collège fondé par son frère à sa mort125. Il devient à son tour cardinal en 1460 et négocie habilement avec Sixte IV, quelques années plus tard, après l’adoption de la bulle Etsi universis, un remaniement du complexe. Le pape lui permet de flanquer l’édifice d’une nouvelle partie à l’est qui doit héberger le collège et, en contrepartie, le cardinal se voit concéder la pleine propriété et la pleine jouissance du palais originel pour sa famille dans une bulle datée du 16 juin 1478126. Le sénateur cède le palais de manière indivise à ses héritiers à sa mort, le mois suivant, le 13 juillet 1478127.

    69La stratégie adoptée par les Capranica a peut-être inspiré le cardinal milanais Stefano Nardini. Ce dernier se lance dans la construction d’un palais à l’occasion de son élévation à la pourpre en 1473, ou peut-être un peu avant128. Le palais n’est donc pas concerné par les mesures de la bulle Etsi universis, publiée après le début du chantier. L’emplacement choisi, au cœur du rione Parione, est éloigné de son titre de Sant’Adriano del Foro. Le cardinal consacre 30 000 ducats à l’achat de plusieurs maisons sur cet espace129. La destination lignagère du palais fait peu de doute dans un premier temps : la plupart des membres de la famille Nardini émigrent à Rome dans la seconde moitié du Quattrocento, certains avant même l’accession à la pourpre de Stefano. Mais les représentants du lignage qui auraient été susceptibles de bénéficier du palais meurent tous au cours des années qui suivent sa construction, si bien que le cardinal milanais y fonde un collège et prévoit finalement de céder le bâtiment à la confraternité de l’hôpital Sanctissimo Salvatore du Latran130. Alors que Domenico Capranica se servait, quelques décennies plus tôt, d’un don pieux pour mieux transmettre son patrimoine résidentiel, Stefano Nardini supplée la disparition de sa famille par un legs dévot.

    70Le cas du palais de Francesco Todeschini Piccolomini est également remarquable. Nommé cardinal par son oncle Pie II en 1460, il jouit d’une position privilégiée dans la mesure où il occupe des chambres au Vatican131. Mais il se prépare à la mort du pontife, signifiant la perte de ces faveurs, en achetant, dès son élévation à la pourpre, l’ancienne propriété du cardinal Giovanni Castiglione, mort la même année, qui se situe à l’ouest du Largo Argentina. Le palais est assez proche de son titre de Sant’Eustachio, mais il en est suffisamment éloigné pour ne pas être considéré comme rattaché au complexe titulaire. Pour transmettre ce bien immobilier, il adopte une pratique assez proche de celle de la résignation. Il donne dès 1476, soit vingt-sept ans avant sa mort, le palais à ses deux frères, Andrea et Giacomo, tout en en conservant la jouissance jusqu’à sa mort132. Il souhaite éviter ainsi que le bâtiment soit confisqué par un pape après son décès, ayant été édifié avant la bulle de 1474.

    71Cette mesure est rappelée dans le testament que le cardinal rédige en 1493, avec une clause supplémentaire cependant : ses deux frères doivent désormais payer en contrepartie 1 000 florins d’or pour doter la chapelle qu’il a fait ériger en souvenir de son oncle dans son église titulaire de Sant’Eustachio, ainsi que la chapelle Saint-André de la basilique Saint-Pierre où est enterré Pie II133. Andrea et Giacomo ne peuvent qu’accepter de participer à l’entretien mémoriel de la figure tutélaire du lignage. La stratégie de Francesco est un succès, puisque la demeure reste dans la famille Piccolomini jusqu’en 1582, lorsque la duchesse d’Amalfi, Constanza Piccolomini, fait don du bâtiment à l’ordre des Théatins134. Par ailleurs, le cardinal siennois a sécurisé ses legs en obtenant des licences testamentaires auprès de plusieurs papes différents. Il reçoit la première de son oncle Pie II dès 1459, alors qu’il n’est que notaire apostolique, et fait confirmer ensuite cette disposition par au moins deux autres pontifes135. Lorsqu’il devient pape pour quelques mois en 1503, sous le nom de Pie III, il se trouve en position de force pour disposer de ses biens et en particulier de son palais136.

    72La bulle Etsi universis de 1474 accélère le mouvement de construction de palais autonomes. Un parent de Sixte IV, Domenico Della Rovere, profite immédiatement de cette mesure. Il entreprend en effet, en 1475, dans le voisinage immédiat du complexe pétrinien, la construction d’un nouveau palais. Connu aujourd’hui sous le nom du palais de la Pénitencerie, il borde l’actuelle via della Conciliazione. Domenico n’est encore que cubiculaire pontifical lorsqu’il lance ce chantier très important, avant de devenir cardinal trois ans plus tard. Mais il anticipe déjà une brillante carrière ecclésiastique sous la protection de son oncle, et la bulle s’applique de toute façon à tous les membres de la Curie. Il peut donc envisager sereinement d’investir son argent dans une résidence sur laquelle il a la main. La plupart de ses biens passent d’ailleurs dans sa famille piémontaise à sa mort137.

    73Néanmoins, à la fin de sa vie, la famille Della Rovere de Vinovo ne compte plus aucun membre en poste à la Curie. Le cardinal décide dès lors de léguer son palais à des institutions religieuses très proches de sa parenté : le chapitre de Saint-Pierre, alors sous la tutelle de Jules II, parent de Domenico ; l’église augustinienne de Santa Maria del Popolo, qui devient un des lieux importants du mécénat des Della Rovere et où plusieurs d’entre eux prévoient de se faire enterrer, dont Domenico lui-même ; et l’hôpital Santo Spirito in Sassia, que Sixte IV a fait restaurer et dans lequel un large cycle pictural rappelle les principales étapes de la vie du pape savonais138.

    74Mais Domenico précise bien dans son testament que trois salles du palais doivent toujours être mises à disposition des membres de la famille Della Rovere de Vinovo de passage à la Curie, auxquels les institutions religieuses doivent également le gîte et le couvert139. Surtout, il ajoute que, si un autre prélat de sa parenté voulait, pour un temps, tenir tout le palais, il le pourrait en s’acquittant d’un impôt « à l’église et aux frères augustiniens de Santa Maria del Popolo, à l’hôpital de Santo Spirito et au chapitre de Saint-Pierre140 ». Cette mesure permet à Domenico d’assurer un futur pied-à-terre pour les Della Rovere du Piémont, dans le palais qu’il a fait construire.

    75Cependant, il faut attendre le début du XVIe siècle pour relever chez les cardinaux de nombreuses constructions palatiales à vocation familiale dans l’Urbs. Les cardinaux ont alors tendance à installer leur résidence en dehors de leur complexe titulaire. Ils se font construire leur palais ou trouvent un logement dans l’anse du Tibre ou dans le Borgo. Sur les vingt-six cardinaux recensés par la Descriptio Urbis de 1526-1527, vingt-trois habitent dans ces zones qui ne comptent pourtant presque aucun complexe titulaire (carte 1) (dix sont recensés dans le Borgo, six dans le Parione, quatre à Sant’Angelo, deux dans le Ponte et un dans Regola)141. Le même mouvement s’observe d’ailleurs pour l’ensemble de l’aristocratie romaine, souvent installée dans la même zone142.

    76L’un de ces palais autonomes construits par les cardinaux au début du XVIe siècle est aujourd’hui bien connu, et le succès de sa transmission a été largement facilité par l’élection pontificale de son propriétaire sous le nom de Paul III. Alessandro Farnèse devient cardinal en 1493. Deux ans plus tard, il achète aux augustins de Santa Maria del Popolo une maison héritée du cardinal Pedro Ferriz entre le Campo de’ Fiori et la via Giulia. Il rachète la plupart des terrains attenants au cours des années suivantes et entreprend, à partir de 1514, la construction d’un large palais à cet emplacement. Les travaux se poursuivent pendant une bonne partie du XVIe siècle sous le contrôle des prélats Farnèse qui se succèdent à la Curie143.

    77Les cardinaux, n’ayant pas la main sur leur titre cardinalice, se rabattent dans leur politique de transmission sur les derniers leviers dont ils disposent. Transmettre leurs bénéfices principaux et, éventuellement, leurs palais de leur vivant leur permet non seulement d’assurer le confort économique de leurs successeurs potentiels, mais aussi de leur léguer leurs biens les plus prestigieux et les symboles de leur pouvoir. Dans une certaine mesure, les porporati tentent d’associer de leur vivant leurs descendants à leur aura et donc à leur autorité cardinalice par ces legs. Cette association d’image avec un membre de leur parenté doit faire apparaître naturelle aux yeux de tous leur succession.

    Créer des héritiers par sa mort

    78Au Quattrocento, les dernières volontés des cardinaux sont régulièrement bafouées après leur mort. Malgré tout, les sénateurs prennent en amont des dispositions pour tenter de les sécuriser au maximum, et, de ce point de vue, la licentia testandi joue un rôle majeur.

    La licentia testandi, une clef de transmission ?

    79Comme le rappelle le concile de Latran III (1179), les biens des clercs acquis dans le cadre de leur carrière ecclésiastique, per ecclesiam, doivent théoriquement revenir à l’Église après leur mort, puisque, selon le droit canonique, ces biens lui appartiennent144. Au contraire, les clercs sont libres de disposer comme ils le souhaitent des biens acquis intuitu personae145. Les cardinaux doivent également composer avec le ius spolii, que le pape est en droit d’exercer sur leur patrimoine146. Au XIIIe siècle, ce droit de dépouille ne concernait que les cardinaux décédés intestats apud Sedem Apostolicam, mais cette disposition est élargie à tous les membres du Sacré Collège par Jean XXII (1316-1334)147.

    80Néanmoins, depuis la fin du XIIe siècle, les papes ont pris l’habitude d’accorder aux cardinaux des licences testamentaires qui doivent leur permettre de léguer au moins une partie de leurs biens aux personnes de leur choix148. Il s’agit de facto d’une renonciation des souverains pontifes de leur droit de dépouille149. À la question de savoir si « un cardinal peut tester sans licence du pape », Martino Garati da Lodi, en se fondant sur l’usage et sur les autorités canoniques, répond explicitement par la négative dans son Tractatus de cardinalibus, composé à la fin de 1448150. Il se fonde en cela sur la tradition canonique médiévale, en particulier sur l’Ostiense qui l’affirmait déjà au XIIIe siècle151.

    81Dans la pratique, il arrive que les cardinaux testent sans licence ou même meurent sans tester, et le sort de leurs biens dépend alors de la bonne volonté du souverain pontife. Lorsqu’un cardinal décède intestat, le pape honore dans certains cas les réclamations et les droits des héritiers potentiels, clercs comme laïcs. Quand, par exemple, le cardinal Silvio Passerini meurt sans avoir fait de testament, le 20 avril 1529, son frère Cosmo et ses neveux, Leo et Niccolò, tous trois laïcs, demandent au pape de toucher une part de l’héritage de leur parent. Clément VII y répond favorablement un mois plus tard152. Mais, dans d’autres cas, les successeurs de Pierre peuvent tout aussi bien considérer que le capital du cardinal leur revient. Ainsi, Innocent VIII (1484-1492) n’hésite pas à faire usage de son droit de dépouille à la mort du cardinal Jean Balue le 5 octobre 1491 :

    Le cardinal mourut sans faire de testament, et c’est pourquoi tous ses biens, de quelque nature qu’ils soient, furent présentés à notre Très Saint Seigneur [le pape]. Ils s’élevaient, comme il fut grossièrement évalué, à 100 000 ducats, dont 36 000 ou 40 000 en argent liquide, le reste en argenterie, livres, pierres précieuses, vêtements de laine peu raffinés et d’autres choses153.

    82Burchard sous-entend dans son récit, par la précision sur le montant du patrimoine du cardinal français, qu’Innocent VIII a confisqué cet héritage pour des raisons essentiellement économiques. Il s’inscrit donc dans la tradition du pontife qui l’a précédé sur le siège de saint Pierre, puisque Sixte IV (1471-1484) a lui aussi confisqué plusieurs héritages de cardinaux. Le pape Della Rovere finance ainsi sa politique édilitaire, en particulier la construction du Ponte Sisto et la rénovation de l’hôpital Santo Spirito in Sassia. Les cardinaux Juan de Torquemada, Niccolò Forteguerri, Jacopo Antonio Venier et Giacomo Ammannati Piccolomini en font les frais154. Les exemples du même type sont légion sous d’autres pontificats et sont motivés avant tout par des considérations financières155.

    83Il est probable qu’Alexandre VI ait même fait empoisonner le cardinal vénitien Giovanni Michiel afin de récupérer son héritage. C’est ce que laissent entendre plusieurs sources, dont une dépêche d’Antonio Giustinian, datée du 11 avril 1503 :

    Ce matin, de bonne heure, alors que le jour s’était à peine levé, don Anzolo Michiel, le neveu du révérendissime cardinal Sant’Angelo vint en pleurant pour me faire savoir que cette nuit, vers les trois heures, le révérendissime cardinal son oncle avait rendu l’âme à notre Seigneur Dieu inopinément […]. Il m’a raconté que, depuis deux, jours il était pris de crampes d’estomac avec de grands vomissements, et aussi un peu de toux. Le soupçon qu’il a été empoisonné est grand, et les conjectures évidentes ne manquent pas. Dès que le pontife entendit cela, il envoya le gouverneur à la maison, qui fut entièrement dévalisée avant qu’il fasse jour. La mort de ce cardinal lui procura plus de 150 000 ducats, entre l’argent, l’argenterie et les autres tapisseries de la maison [suit un inventaire sommaire des principales richesses du cardinal]156.

    84Quelques jours plus tard, le pape aragonais convoque Antonio Giustinian pour réclamer l’argent que le cardinal Michiel aurait conservé de son vivant à Venise. L’ambassadeur vénitien assure au pape que cet argent n’existe pas157. Ce n’est pas la première passe d’armes entre la Sérénissime et le souverain pontife à propos de l’héritage d’un cardinal. Une controverse plus vive encore a déjà eu lieu au printemps 1501, après la mort du cardinal Giovanni Battista Zeno, qui possédait de nombreuses richesses en Vénétie au moment de sa mort158.

    85Pour éviter la spoliation pontificale, certains cardinaux élaborent des stratégies. Un ambassadeur florentin rapporte à Machiavel et au Conseil des Dix la façon dont s’y est pris le cardinal Jorge da Costa, juste après la mort du cardinal Juan López, au mois d’août 1501 :

    Puisque vous désirez savoir si l’héritage du cardinal de Capoue est échu au pape, ou s’il a institué d’autres héritiers, je vous répondrai […] : le pape ne permet à aucun cardinal de désigner un héritier, bien plus, il entend éplucher par le détail leur testament, ce dont témoigne le cas du cardinal de Lisbonne ; ce dernier, il y a quelques jours, voyant sa santé s’aggraver et ne pouvant laisser l’argent qu’il se trouvait avoir, quatorze mille, à qui il aurait désiré, a préféré s’en dépouiller de son vivant que de savoir que le pape, lui mort, en put profiter. Et ayant convoqué sa maisonnée entière à son lit de mort autour duquel ils firent tous la corbeille, il distribua sous ses yeux tout son argent ; et pareillement, il renonça en vérité à tous ses bénéfices, si bien qu’il se trouve ne rien posséder en ce bas monde, hormis la grande gratitude non seulement de sa maisonnée mais de Rome tout entière. Et là-dessus, le voilà guéri, tout vieux qu’il est : hier même il a parlé, moi présent, avec l’ambassadeur, durant une heure ou davantage, toujours en latin et sans jamais perdre le fil de son discours159.

    86Le cardinal catalan met ainsi tout en place pour éviter que ses richesses ne soient saisies par Alexandre VI. Au contraire, certains cardinaux peuvent faire délibérément le choix, entre 1417 et 1534, de ne pas faire de testament, considérant que leurs biens doivent revenir à l’Église. Pie II rapporte par exemple les derniers moments de la vie du cardinal Alessandro Oliva :

    Quand on lui demanda de faire un testament, il répondit : « Je laisse mon âme à Dieu, et mon corps au pape Pie ainsi que ce qui est considéré comme des biens de ce monde. Je lui confie aussi le soin de ma famille et de ma sépulture. » […] Pie célébra pour son ami les obsèques qui convenaient à un cardinal et assuma la charge de sa famille160.

    87De tels exemples sont néanmoins très rares au Quattrocento161. La plupart des cardinaux sécurisent au contraire leur héritage en adressant une requête formelle au pape pour obtenir leur licentia testandi. En effet, la formule de la licence précise que le pape accorde ce droit à la « supplique » du cardinal. Contrairement au XIIIe siècle où les cardinaux ne semblent pas avoir laissé de traces de leur demande de licentiae testandi, il semble que les porporati du Quattrocento présentent, au moins dans certains cas, une supplique en bonne et due forme au souverain pontife162. La licence elle-même peut prendre au XVe siècle la forme d’une bulle ou d’un bref pontifical163. En plus de l’exemplaire octroyé au cardinal, l’administration pontificale en garde elle aussi une trace dans ses archives164. Le formulaire utilisé pour les cardinaux au XIVe siècle s’est perpétué au XVe siècle, mais semble avoir connu des évolutions au début du XVIe siècle165.

    88Ce document permet aux détenteurs de la pourpre de transmettre une part plus ou moins importante de leur fortune. La licence est souvent mentionnée à l’intérieur du testament, à l’instar de celui de Nicolas de Cues166. Elle peut même y être reproduite in extenso. C’est notamment le cas pour le cardinal Pierre de Foix l’Ancien, qui rédige son testament le 8 août 1464, soit quatre mois avant sa mort. Il y reproduit à l’intérieur la licentia testandi octroyée par Nicolas V en 1450167.

    89Dans certains cas, les licences donnent la possibilité aux cardinaux de disposer librement de la totalité de leurs biens168. Celle accordée, par exemple, à Pierre de Foix affirme qu’« il est libre de disposer de tous ses biens selon sa convenance, quelles que soient leur quantité et leur valeur, même s’ils proviennent de ses responsabilités ecclésiastiques ou ecclésiales169 ». De même, le pape précise dans celle adressée à Pietro Foscari qu’il pourra disposer librement de tous ses biens : ceux de son patrimoine, ceux acquis grâce à ses charges ecclésiastiques et ceux acquis grâce à ses activités170. En théorie, la licence ne devrait concerner que les biens acquis grâce aux revenus ecclésiastiques, puisque les autres biens peuvent être testés librement. Mais il s’agit également de se prémunir du droit pontifical de spoliation. Les formules utilisées sont généralement floues. Dans la pratique, il est de toute façon très difficile de distinguer ce qui a été acquis per ecclesiam de ce qui l’a été intuitu personae171. Les spoliations pontificales ne se privent d’ailleurs pas de jouer sur cette ambiguïté. Lorsque la licence ne précise rien en la matière, elle s’applique à tous les types de biens172. Le cardinal peut donc disposer de son patrimoine acquis grâce aux revenus de l’Église, même si la licence n’autorise en aucun cas à disposer des biens de l’Église eux-mêmes.

    90Dans d’autres cas, la licence est accordée sans aucune contrepartie, comme celle accordée par Clément VII à Innocenzo Cybo en 1527, mais elle peut aussi être conditionnée à certaines clauses173. Ainsi, Nicolas V permet à Pierre de Foix de tester tous ses biens, mais seulement s’il participe à la restauration des églises dont il a la charge pendant son cardinalat ; en cas de négligence dans ce domaine, le souverain pontife est en droit de se dédire de sa concession174. Dans d’autres cas, les licences accordées spécifient une valeur minimale d’argent qui ne peut être retirée à l’Église175. Ainsi, la licence accordée au cardinal Sigismondo Gonzague, le 14 avril 1513, par Léon X l’autorise à disposer de tous ses biens propres, mais également des quatre dixièmes de ceux d’origine ecclésiale176.

    91La plupart du temps, le pape accorde les licences testamentaires qui lui sont demandées, mais ce n’est pas systématique177. Jean Burchard rapporte par exemple dans son journal un refus en 1500 : « Le jeudi 9 juillet, [Jorge da Costa, cardinal de Lisbonne], infirme et se sentant très affaibli, supplia Sa Sainteté Notre Seigneur [Alexandre VI] de lui octroyer une licence testamentaire, ce que Sa Sainteté refusa ; malgré ce refus, Lisbonne fit son testament ce jour-là178. » Le cérémoniaire nous apprend que le cardinal portugais était libéré de sa fièvre quatre jours plus tard. C’est certainement ce qui l’a poussé à distribuer ses biens en 1501, alors qu’il se sentait à nouveau proche de la mort179. Cette précaution s’avère fondée : quand Jorge da Costa décède finalement le 18 septembre 1508, son testament de 1500 n’est pas considéré comme valide180. Paride Grassi prétend que le cardinal n’a pas fait d’autre testament, car le « pape [Jules II] a toujours montré de l’affection pour lui dans la vie comme dans la mort181 ». Pourtant, le pape Della Rovere n’hésite pas à se montrer retors en d’autres circonstances.

    92Lorsque Ascanio Maria Sforza dicte son testament le 27 mai 1505, la veille de sa mort, il fait parvenir parallèlement une demande de licentia testandi à Jules II. Le pape la refuse. C’est un geste très fort, et plutôt mal perçu, mais le pontife veut se réserver la part la plus importante des immenses richesses du cardinal milanais pour soutenir ses coûteuses campagnes militaires et les ambitions de son lignage182. Il prend soin pourtant, après la mort d’Ascanio, de respecter quelques-unes de ses dernières volontés183.

    93Pour prévenir ces refus, certains cardinaux n’attendent pas d’être à l’article de la mort avant de demander une licence testamentaire. Ils profitent au contraire de l’élection d’un pape qui leur est favorable pour obtenir le précieux document. Innocenzo Cybo, qui meurt en 1550, l’a obtenu dès le 20 septembre 1527 de Clément VII, son grand-cousin. Pourtant, ses jours ne sont pas en danger à ce moment-là : il est en sécurité à Parme tandis que Rome doit faire face aux violences qui suivent sa mise à sac par les lansquenets184. La situation du pape Médicis apparaît au contraire beaucoup plus instable dans la Ville. Il s’agit donc certainement pour le cardinal Cybo de sécuriser l’avenir de son patrimoine au cas où un nouveau pape, qui lui serait moins favorable, remplacerait le pontife Médicis. Clément VII lui accorde une licence sur tous ses biens et y prévoit même la possibilité d’ajouter des codicilles. Il rappelle explicitement au début de sa lettre les liens de parenté qui l’unissent au cardinal : « Conscient que toi, qui es selon la chaire notre neveu très cher, tu désires pouvoir disposer librement de tes biens, tant les biens [d’origines] ecclésiastiques que profanes, nous voulons consentir avec bienveillance à ton désir honnête et pieux185. »

    94Certains cardinaux obtiennent même plusieurs licences testamentaires au cours de leur carrière ecclésiastique. Agostino Paravicini Bagliani précise que, au XIIIe siècle, elles étaient indispensables à chaque fois qu’un cardinal souhaitait modifier son testament186. Cette règle semble encore prévaloir au Quattrocento. Francesco Todeschini Piccolomini obtient trois licences pontificales à l’occasion des trois versions de son testament : une sous Pie II, son oncle, alors qu’il n’est que protonotaire apostolique, une deuxième sous Sixte IV et une troisième sous Alexandre VI ; il faut peut-être même en ajouter une dernière, aujourd’hui perdue, sous Paul II187. D’ailleurs, malgré ces licences successives et l’élection au trône pontifical de Francesco l’année de sa mort, en 1503, ses dernières volontés ne sont pas pleinement respectées188.

    95L’obtention d’une licentia testandi ne paraît pas avoir toujours été une garantie suffisante pour rassurer les cardinaux sur les volontés pontificales189. Cette crainte est fondée : Paul II a beau avoir accordé une licence à Ludovico Trevisan, il n’hésite pourtant pas à confisquer une bonne partie de l’héritage, très important, que laisse derrière lui le richissime cardinal à sa mort, le 22 mars 1465190. Le problème se pose avec plus d’acuité si la licence a été octroyée par un pape déjà décédé au moment où le cardinal se trouve in articulo mortis. Dans certains cas, le nouveau pape peut refuser d’honorer une licence attribuée par un de ses prédécesseurs. Celle concédée au riche cardinal Giovanni Battista Zeno par Sixte IV est ainsi explicitement révoquée par Alexandre VI, quelques années plus tard, après que le cardinal a quitté Rome et s’est soustrait aux ordres du pape191.

    96Si bien que certains cardinaux semblent avoir pris l’habitude au Quattrocento, contrairement au Duecento et au Trecento, de demander systématiquement une licence à chaque nouveau pape192. Le testament de Pedro González de Mendoza va dans le sens de cette hypothèse. Le cardinal précise : « Voulant procéder à l’établissement de notre testament et de nos ultimes volontés et à la distribution de nos biens, nous utilisons pour cela, par la présente, les facultés [facultades] apostoliques qui nous ont été concédées193. » Le texte donne ensuite la liste des licences obtenues : une bulle de Calixte III du 8 mars 1457, une bulle de Sixte IV du 12 juillet 1476, deux bulles d’Innocent VIII du 4 décembre 1486 et du 9 janvier 1488 et un bref du même pape le 20 octobre 1486. Le cardinal González de Mendoza prépare avec un soin minutieux ses futurs legs et obtient même d’autres bulles en la matière. En 1486, Innocent VIII légitime ses trois fils et, en 1478, Sixte IV l’autorise à tester en leur faveur194.

    97L’existence de deux bulles et d’un bref sous le même pontificat d’Innocent VIII répond sûrement à l’exigence de modifier un testament déjà existant. D’ailleurs, le cardinal précise bien à la fin de son dernier testament, daté du 23 juin 1494, soit six mois avant sa mort, qu’il annule et remplace tous les autres195. Mais, d’un autre côté, le cardinal se réclame de l’autorité de ces cinq documents pour établir la dernière version de son testament : « Par la vertu de ces quatre bulles de licence et de ce bref et par le fait que chacun d’eux soit dans la meilleure forme et manière, nous pouvons, devons, ordonnons et demandons de droit que […]196. »

    98Quoi qu’il en soit, les cardinaux du Quattrocento ne sont pas satisfaits du système des licentiae, qu’ils jugent trop contraignant, et souhaitent le réformer. La licence, son acceptation et, surtout, son respect par le pape, font peser sur leur patrimoine une incertitude qu’ils aimeraient voir disparaître. Par conséquent, à l’occasion des capitulations d’interrègne, les sénateurs de l’Église proposent d’établir une liberté testamentaire totale197. Ces revendications sont portées dès le conclave qui s’ouvre à la mort de Martin V, en 1431, et répétées de manière systématique tout au long du XVe siècle198. Lors des capitulations adoptées après la mort de Sixte IV, en 1484, les cardinaux sont très clairs dans leurs demandes, et le texte est quasiment calqué sur celui qui a déjà été écrit en 1431 :

    De même, quand des cardinaux – même s’ils sont religieux – des prélats ou autres curiaux mourront en cour romaine, en aucune façon et sous aucun prétexte, il [le pape élu] ne saisira ou fera saisir leurs biens. Mais il permettra, conformément au droit et à la coutume, de respecter la volonté des morts, de les laisser disposer de ce qui leur appartient selon leur bon plaisir. Chacun aura le droit, sans demander de licence, de faire un testament librement et explicitement, nonobstant une bulle promulguée à ce sujet en faveur de la croisade. [Il est ensuite précisé que ces droits ne s’appliquent pas aux autres ecclésiastiques qui ne sont pas cardinaux.] Il décidera donc que les cardinaux, même les religieux, pourront disposer par testament de leur fortune et de leurs droits comme ils le voudront. Et s’il leur arrive de mourir intestats, il laissera leur fortune et leurs droits passer aux héritiers autorisés par le droit et la coutume à recueillir leur succession, nonobstant les controverses et les abus qui ont surgi à ce sujet199.

    99Les cardinaux prennent bien garde de maintenir le flou sur ce qu’ils considèrent être « leurs biens ». Ces possessions ont pourtant été souvent acquises à l’aide de revenus ecclésiastiques et, dans ce cas, « le droit et la coutume » sont clairs. Ils prennent donc soin de préciser que cette décision ne doit s’appliquer qu’à eux, de peur que le patrimoine de l’Église ne soit mis en danger.

    100La mention de la bulle promulguée en faveur de la croisade fait quant à elle certainement référence à un accord datant du pontificat de Paul II. Le 10 novembre 1463, le pape Pie II ordonne en effet que toutes les propriétés des prélats romains mourant à la Curie soient saisies et utilisées dans la guerre contre les Turcs, une mesure inégalement appliquée200. Son successeur, Paul II, révoque cette constitution le 8 novembre 1464. Il décrète que les cardinaux et autres prélats peuvent désormais disposer des biens acquis sur leurs fonds propres. Cependant, sans licences, ils ne peuvent faire de même avec les biens obtenus grâce aux revenus de l’Église : la moitié doit être dévolue aux bénéfices dont ils sont tirés, l’autre au trésor pontifical pour soutenir une future croisade201. Paul II recourt à cet argument à plusieurs reprises pour saisir des héritages, par exemple celui de Ludovico Trevisan en 1465202. Après ce pontificat, les formules des licentiae testandi indiquent parfois explicitement que les décisions de Paul II ne doivent pas s’appliquer203. Alexandre VI revient sur cette mesure en essayant d’imposer qu’un tiers du patrimoine immobilier cardinalice soit reversé au pape ou à l’Église pour des œuvres pieuses – la croisade ou des travaux à la basilique Saint-Pierre –, mais il est possible d’être exempté de cette obligation204.

    101La mention des cardinaux « religieux » dans les capitulations de 1484, s’explique par le fait que les biens des membres du Sacré Collège appartiennent au clergé régulier. Ils ont fait vœu de pauvreté et ne possèdent en théorie aucun bien propre. Cependant, dans la pratique, des licences testamentaires leur sont également accordées.

    102La mention finale des « controverses et des abus » que les cardinaux signalent, sans accorder, visiblement, une trop grande importance à ce sujet, n’est pas anodine. En effet, la faculté de tester concédée aux cardinaux est parfois dénoncée, à l’opposé des revendications des capitulations, comme une outrance, car elle leur permet de transmettre à leurs parents et à des laïcs des biens acquis avec les deniers de l’Église. Ainsi le Consilium de emendanda ecclesia, déjà évoqué, propose en 1537 qu’« aucune licence ne soit donnée aux clercs pour léguer une propriété ecclésiastique, excepté pour une raison urgente, de peur que les possessions du pauvre ne soient dédiées aux plaisirs privés et à l’enrichissement des maisons205 ». Les voix qui s’élèvent contre les licences testamentaires ne trouvent cependant pas plus d’écho au XVIe qu’au XVe siècle, au cours desquels les cardinaux testent très largement à la fin de leur vie.

    Des testaments favorables aux parents laïcs

    103Sur les 309 cardinaux qui composent le Sacré Collège entre 1417 et 1534, seuls six sénateurs intestats ont été repérés dans les sources et la bibliographie. Les mentions d’un ou de plusieurs testaments, et éventuellement de codicilles, ont en revanche été retrouvées pour 78 d’entre eux, avec, dans 45 cas, une trace documentaire de ces actes, partielle ou totale (tabl. 4 en annexe).

    104Généralement, ces actes de la pratique sont rédigés en latin par des notaires. Quelques exceptions cependant : le testament d’Antonio Casini († 1439) est rédigé en toscan, celui de Pedro González de Mendoza († 1495) en castillan et celui de Georges d’Amboise († 1510) en moyen français. Les cardinaux, plus à l’aise dans leur langue maternelle, préfèrent parfois prononcer ou écrire une première version en langue vulgaire qu’ils font traduire dans un second temps en latin par le notaire qui préside à l’acte, certainement pour lui donner un caractère plus officiel et plus solennel206. Les cardinaux testent généralement dès l’obtention de la licentia testandi, plusieurs années avant leur mort, quitte à modifier l’acte par la suite207.

    105Les travaux d’Agostino Paravicini Bagliani sur les aspects formels de la rédaction des testaments cardinalices s’avèrent ici incontournables208. Les deux grands types de testament qu’il distingue chez les cardinaux du XIIIe siècle – nuncupatifs et solennels – se retrouvent en effet, au moins partiellement, au XVe siècle. Le testament du cardinal Bessarion peut être considéré comme nuncupatif, dans la mesure où celui-ci l’a dicté le 17 février 1464 au notaire impérial Johannes de Heesboem, et ne l’a ni signé ni scellé209. Au contraire, le testament de Francesco Lando peut être considéré comme un testament solennel : le cardinal l’a lui aussi dicté le 13 septembre 1426, en vulgaire, précise-t-il, à un notaire vénitien, Lorenzo Boncio, qui l’a traduit en latin. Il déclare explicitement l’avoir signé et scellé pour « plus de sécurité et de force210 ». Cependant, il ne fait pas appel aux sept témoins canoniques requis au XIIIe siècle, seuls deux d’entre eux apparaissant à la fin de l’acte. La tendance observée par Agostino Paravicini Bagliani pour le Duecento semble plutôt s’être inversée au Quattrocento : les testaments solennels y ont été plus nombreux que les testaments nuncupatifs, même s’il est difficile d’être définitif sur ce point, eu égard à l’étendue de l’échantillon conservé.

    106Néanmoins, les différentes formes pouvant être adoptées n’influent qu’à la marge sur la composition des testaments, qui est presque toujours la même, malgré leur longueur extrêmement variable211. La composition des testaments des cardinaux ne se démarque d’ailleurs presque pas de celle des testaments des aristocrates laïcs de l’époque. Le texte s’ouvre toujours par une invocation à Dieu et par la présentation du cardinal à travers son nom, ses titres et ses bénéfices majeurs. Son état de santé est le plus souvent précisé, souvent pour expliquer la nécessité pour le cardinal de tester, même s’il est toujours dit sain d’esprit pour éviter les éventuelles contestations posthumes. Des éléments de datation et de localisation de l’acte peuvent apparaître au début du testament, parfois uniquement à la fin, dans d’autres cas aux deux emplacements. Cette première partie s’accompagne occasionnellement de formules littéraires sur la précarité de la vie humaine, après quoi le cardinal recommande son âme à Dieu et aux saints en renouvelant son acte de foi. Des formules juridiques plus ou moins développées figurent aussi parfois à cet endroit, insistant sur la légalité de l’acte, et la licence testamentaire pontificale peut alors être citée, voire reproduite.

    107La partie suivante correspond aux dernières volontés, qui concernent principalement les funérailles, la sépulture et l’organisation éventuelle de cérémonies commémoratives. Des sources de financement sont toujours prévues. Le testament distingue parfois les éventualités pour le cardinal de mourir soit à Rome ou dans ses environs, soit dans un lieu éloigné de la Ville ; deux arrangements différents sont alors envisagés pour les cérémonies et le monument funéraire212. Les cardinaux désignent également les personnes qui doivent veiller à la bonne tenue de ces cérémonies post mortem et à l’érection du tombeau. Il s’agit des personnes les plus proches des sénateurs de l’Église, qui se confondent généralement avec les exécuteurs testamentaires.

    108Le choix des exécuteurs testamentaires répond à deux logiques, qui se recoupent parfois. Dans certains cas, ce sont des personnes de confiance, le plus souvent des parents. Quand Giovanni Colonna décède en 1508, c’est son frère Prospero Colonna, comte de Fondi, qui est son exécuteur testamentaire213. Cette première logique peut aussi amener un cardinal à choisir des familiers. Francesco Gonzague nomme ainsi deux de ses familiers parmi ses exécuteurs testamentaires : Alvise Capra et Giovanni Pietro Arrivabene214. Mais, dans d’autres cas, les cardinaux désignent des personnes suffisamment puissantes pour imposer leurs dernières volontés en écartant toute contestation, sans nécessairement entretenir de liens étroits avec elles215. Les exécuteurs de Giovanni Battista Zeno sont ainsi le doge de Venise, trois membres du Conseil des Dix et trois procurateurs de Saint-Marc216. Cependant, la stratégie la plus courante consiste à nommer à la fois une ou plusieurs personnes de confiance et un ou plusieurs personnages puissants. Ces derniers sont souvent choisis à l’intérieur du Sacré Collège217. Le vice-chancelier est fréquemment désigné, son pouvoir administratif devant apparaître comme un gage de la bonne application des volontés du testateur. Ascanio Maria Sforza, après avoir obtenu cette charge, apparaît très souvent dans cette position d’exécuteur testamentaire dans le journal de Jean Burchard, par exemple à l’occasion du décès de Gabriele Rangoni, le 27 décembre 1486218. Le cérémoniaire relève systématiquement les exécuteurs testamentaires désignés pour chaque décès de cardinal. Leur rôle ne se résume pas à la l’organisation des cérémonies posthumes et à la direction de la mise en place du tombeau ; comme dans le reste de la société de la fin du Moyen Âge, ils doivent veiller à la bonne distribution des biens selon les volontés du testateur. Le partage du patrimoine entre les différents héritiers intervient après la désignation des exécuteurs ; il en constitue souvent la partie la plus développée, même si ce n’est pas systématique.

    109La répartition débute toujours par les legs charitables, généralement à l’intention des églises, des monastères et des hôpitaux auxquels les cardinaux ont été étroitement liés au cours de leur vie, notamment leur église titulaire à Rome et les églises de leurs bénéfices dans la chrétienté219. Certains sénateurs choisissent de concentrer des dons importants dans un petit nombre de legs, tandis que d’autres ventilent au contraire leurs biens avec de nombreuses aumônes plus modestes. Quelques cardinaux se démarquent en consacrant l’essentiel de leur fortune à des réalisations pieuses. Le cas de Domenico Capranica, utilisant son patrimoine pour créer un collège formant de jeunes Romains d’origine modeste au sacerdoce, a déjà été évoqué. La structure est abritée au sein du palais qu’il a fait construire sur la place de Santa Maria in Aquiro220. Stefano Nardini procède pareillement, ainsi que Pierre de Foix l’Ancien, qui fonde un collège de jeunes gens issus de milieux modestes à l’université de Toulouse en 1457, avant d’en faire son légataire universel dans son testament de 1464221.

    110Outre les collèges, les cardinaux peuvent également consacrer leur patrimoine à la construction d’un hôpital, comme Pedro González de Mendoza, qui prévoit dans son testament la construction d’un tel établissement à Tolède :

    Après s’être acquitté des charges dont nous sommes investis et après avoir payé les commandes et les legs contenus dans ce testament, notre intention et notre volonté ont été et sont de servir notre Seigneur avec tous nos biens restants et de les distribuer aux pauvres malades, aux enfants exposés et aux personnes nécessiteuses. Et pour cela nous avons pensé édifier un hôpital dans la cité de Tolède, dans les maisons du doyen de notre sainte église qui est un lieu commode pour ledit hôpital222.

    111Le cardinal castillan dédie cet hôpital à la Sainte Croix et en fait son « héritier unique et universel ». Avant lui, Nicolas de Cues désigne aussi comme principal héritier l’hôpital qu’il a fait édifier dans sa ville natale. Il fonde également par voie testamentaire un collège pour les élèves de l’école de Deventer223.

    112Il s’agit cependant de cas assez exceptionnels. En général, l’héritier universel désigné est plutôt un parent du cardinal. En effet, après les premiers legs pieux, les biens numéraires restants ainsi que le capital mobilier et immobilier, qui forment la plupart du temps l’essentiel du patrimoine du sénateur, sont distribués à des proches. Les testaments comportent systématiquement une clause de dons pour les familiers de la maison cardinalice. Le cardinal Giovanni Battista Ferrari, « qui ne voulut ni faire un testament […], ni léguer ou donner quoique ce soit à ses serviteurs224 », s’attire les foudres de ces derniers qui tentent de le dépouiller de ses bijoux et de ses parements durant ses obsèques. Quelques familiers sont parfois nommés et font l’objet d’attentions particulières.

    113Après ces légataires secondaires, un ou plusieurs parents sont généralement désignés comme les héritiers universels. Il est en général difficile de déterminer exactement le patrimoine qui leur est transmis. Ils ne touchent pas nécessairement la part la plus importante de l’héritage, car la formule précise souvent que doit leur échoir tout ce qui n’a pas encore été distribué, sans que le détail en soit spécifié. Le cardinal dominicain Tommaso De Vio laisse ainsi toutes ses possessions aux pauvres à sa mort, le 10 août 1534, après avoir, quatre ans auparavant, donné l’essentiel de ses biens matériels à son neveu, Sebastiano De Vio225.

    114Enfin, le testament se clôt par les formules juridiques habituelles. L’emplacement exact où le cardinal a testé, les noms des témoins – qui peuvent être nombreux –, ceux du ou des notaires qui ont rédigé l’acte et qui attestent de sa véracité sont précisés. Là encore, il s’agit d’éviter toute remise en cause par la suite. La signature du cardinal et celles des principaux témoins sont parfois apposées et le testament, s’il est solennel, est traditionnellement cacheté avec le sceau du porporato.

    115Tous ces testaments ne nous renseignent pas sur les pratiques de transmission au sein du Sacré Collège. Seuls vingt-trois des testaments consultés concernent des cardinaux appartenant à une dynastie cardinalice sur cent dix-sept cardinaux identifiés comme lignagers (tabl. 3 en annexe), soit un testament sur cinq. Cet échantillon est plus ou moins représentatif : il compte vingt Italiens, deux Français et un Espagnol ; certains cardinaux appartiennent à des dynasties fortes de nombreux membres, comme Raffaele Sansoni Riario, quand d’autres appartiennent à des dynasties qui ne comptent que deux personnes, comme Domenico Capranica. La répartition chronologique est un peu moins satisfaisante, avec sept testaments pour le XVe siècle et seize pour le début du XVIe siècle. Néanmoins, sur ces seize derniers testaments, les sept qui se rapportent à des cardinaux créés avant 1534 mais morts longtemps après la période étudiée, entre 1543 et 1563, ont volontairement été laissés de côté. Il s’agit de toute façon des derniers membres des dynasties cardinalices considérées, même s’ils peuvent avoir eu à leur tour des successeurs immédiats, par exemple Francesco Corner qui compte trois neveux cardinaux au XVIe siècle.

    116Sur la quarantaine de testaments consultés, l’analyse des phénomènes de transmission au sein des dynasties cardinalices se concentre donc sur une quinzaine de textes226. Un de leurs principaux points communs réside dans la mention systématique (à une exception près) du successeur du cardinal testateur au sein du Sacré Collège, que ledit successeur soit devenu cardinal à la mort de son parent ou plusieurs décennies plus tard.

    117Seul Prospero Colonna ne mentionne pas dans son testament, daté du 23 mars 1463, la veille de sa mort, son neveu Giovanni, devenu cardinal en 1480227. La date de naissance de Giovanni Colonna n’est pas connue, mais elle est comprise entre 1450 et 1460, aussi le futur cardinal était-il encore un très jeune enfant à la mort de son oncle, ce qui explique certainement en partie qu’il ne soit pas cité dans le testament228. Prospero aurait pu nommer dans son testament le seul fils adulte de ses frères à ne pas être marié, et donc sur lequel les ambitions ecclésiastiques de la famille pouvaient se reporter : Lorenzo Oddone Colonna (arbre 8). Ce dernier a d’ailleurs une carrière ecclésiastique, puisqu’il est nommé protonotaire deux mois après la mort de Prospero, ce qui constitue habituellement l’antichambre du Collège229. Mais rien ne paraît pourtant l’y avoir destiné. Il a un enfant naturel, Muzio Colonna, quelques mois avant la mort de Prospero, et se fâche avec le pape régnant, Pie II230. Néanmoins, le pape siennois raconte que, touché par la mort de son ancien ami, Prospero, il nomme son neveu protonotaire : « Il aimait toujours l’homme, et pour cette raison continua à distribuer des faveurs particulières à ses frères et à ses neveux et à toute la famille Colonna231. »

    118En dehors de la mention quasi systématique du cardinal successeur, les testaments nomment souvent d’autres héritiers au profil clérical et laissent percevoir un désir de succession à leur endroit, qui doit se concrétiser dans une carrière ecclésiastique la plus aboutie possible. Quand Georges d’Amboise meurt, il a déjà trois membres de sa famille qui lui survivent dans le Collège : Louis d’Amboise, un fils de son frère Charles, François-Guillaume de Castelnau de Clermont-Lodève, le fils de sa sœur Catherine, et son cousin René de Prie (arbre 9)232. Les deux premiers sont d’ailleurs ses exécuteurs testamentaires. Son testament de 1509 prévoit que les biens meubles et immeubles concernant la province métropolitaine de Rouen, notamment la maison de l’archevêque et les livres en latin, doivent être transmis à son successeur sur le siège normand233. C’est la seule partie de ses biens qui semble échapper, hors des legs pieux, aux parents du cardinal. Toutefois, un an plus tard, en 1510, à l’heure de sa mort, le sénateur français obtient de Louis XII que son neveu homonyme, le fils de son frère Jean et seigneur de Bussy, obtienne l’archevêché de Rouen234. C’est donc l’occasion pour le cardinal Georges d’Amboise de créer et de doter un quatrième prélat à l’intérieur de la famille, stratégie gagnante puisque celui-ci est aussi nommé cardinal par Paul III en 1545, trente-cinq ans plus tard.

    Arbre 9. La dynastie cardinalice des Amboise (les fratries ne sont pas exhaustives et ne respectent pas nécessairement l’ordre des naissances, parfois inconnu).

    119Le bilan des stratégies cardinalices peut parfois être plus mitigé, tous les cardinaux n’obtenant pas les mêmes succès que Georges d’Amboise. Lorsque Domenico Capranica teste quatre jours avant sa mort, le 14 octobre 1458, il institue comme héritier universel son frère, Angelo, évêque de Rieti. C’est là une réussite puisque ce dernier devient cardinal deux ans plus tard. Néanmoins, un autre héritier, plus jeune, apparaît aussi dans le testament : Niccolò Capranica, le neveu de Domenico, auquel il permet de continuer d’habiter son palais de la place Santa Maria in Aquiro à Rome avec Angelo, malgré le collège qu’il y crée235. Niccolò est alors protonotaire depuis deux ans et une carrière ecclésiastique brillante s’ouvre à lui. Tout semble se dérouler à son avantage puisqu’il obtient dès le 30 octobre 1458, de Calixte III, le diocèse de Fermo, vacant depuis la mort de son oncle. Il apparaît donc avec son oncle comme un des successeurs directs de Domenico236. Mais Niccolò meurt en 1473 sans avoir eu l’occasion de recevoir la pourpre. Il s’agissait aussi peut-être pour Domenico Capranica de multiplier les chances d’accession au Collège en favorisant deux carrières ecclésiastiques au sein de sa parenté.

    120D’autres cardinaux échouent à susciter un héritier dans leur parenté. Dans son testament du 3 juillet 1521, Raffaele Sansoni Riario rappelle que son cousin, Cesare, a toujours administré ses biens avec beaucoup de soin. Il en fait par conséquent son co-exécuteur testamentaire237. Il a d’ailleurs résigné en sa faveur l’archevêché de Pise dès le 3 juin 1499, peu après l’avoir accueilli dans sa maison à Rome238. Le nouvel archevêque cumule sa charge, à partir de 1506, avec le titre de patriarche d’Alexandrie par lequel il est désigné dans le testament. Mais Raffaele Sansoni Riario est tombé en profonde disgrâce sous le pontificat de Léon X, à la suite de la conjuration Petrucci239. Après le court intermède d’Adrien VI, Cesare ne peut donc pas espérer les faveurs de Clément VII (1523-1534), le cousin de Léon X, que Raffaele a pourtant habilement nommé lui aussi comme son exécuteur testamentaire, alors qu’il n’était que cardinal. Giulio de Médicis était alors vice-chancelier, un personnage suffisamment puissant pour imposer à tous les décisions prises par le cardinal Riario. Néanmoins, les dernières volontés de Raffaele, notamment en ce qui concerne sa sépulture, ne sont pas respectées, et Cesare meurt en 1541 sans avoir eu la chance d’intégrer le Collège. Nombreux sont les parents des cardinaux auxquels la pourpre semble promise mais qui ne l’obtiennent jamais240.

    121De manière paradoxale, ces héritiers ecclésiastiques ne sont que rarement les plus favorisés sur le plan patrimonial. L’essentiel des ressources numéraires et des biens des sénateurs, à l’exception des legs pieux, échoit au contraire, presque toujours, à de proches parents laïcs. Par ailleurs, il peut arriver que les enfants illégitimes des cardinaux profitent des largesses de leur père, mais ce ne sont en aucun cas les légataires principaux241. Ces derniers, qui reçoivent la plupart des biens matériels, sont presque toujours les frères et les neveux séculiers des cardinaux. Quand un ou plusieurs héritiers universels sont nommés, à de très rares exceptions près, ce ne sont pas des ecclésiastiques mais les parents laïcs qui ont déjà des enfants ou qui sont encore en situation de procréer242.

    122Le patrimoine est généralement réparti sur plusieurs têtes laïques de la parenté. Dans certains cas, ce sont les chefs de famille, les aînés, qui sont visés et qui peuvent hériter de la totalité des biens des cardinaux. Par exemple, Prospero Colonna institue en tant qu’héritiers universels ses deux frères aînés, les deux principaux représentants du lignage – Odoardo, duc de Marsi, et Antonio, prince de Salerne – et sa sœur Vittoria (arbre 8)243. Ce testament s’inscrit alors clairement dans le fidéicommis institué par Martin V dans la famille Colonna244. Toutefois, dans les autres cas, ce sont plutôt les frères cadets ou leurs fils qui reçoivent l’essentiel des biens du cardinal. Il s’agit certainement de ventiler les privilèges qui se concentrent déjà habituellement sur les aînés des familles. La part du sentiment ne doit pas être mésestimée non plus : les legs peuvent ainsi se justifier, plus simplement, par les relations interpersonnelles qu’entretiennent les cardinaux à l’intérieur de leur famille. Les legs d’objets spécifiques qu’opère le cardinal Francesco Gonzague en faveur de plusieurs de ses parents ne semblent pas répondre à d’autres logiques que celle du cœur. Outre les bénéficiaires principaux, notamment un de ses frères, Gianfrancesco, qui est désigné comme héritier universel, son frère aîné, le marquis Federico, reçoit plusieurs objets, le frère suivant rien du tout, tandis que le fils illégitime de ce dernier reçoit de l’argenterie245. Aucune règle juridique ou socio-économique n’éclaire ces choix, probablement fondés sur de simples affinités personnelles. Dans de rares cas, le testateur explique pourquoi il a exclu un membre de la parenté de son héritage. Francesco Gonzague prive ainsi de legs son frère Rodolfo, malgré l’affection toute particulière qui le lie à lui, car celui-ci a rallié les Vénitiens, qui sont opposés à la famille ducale de Mantoue dans la guerre de Ferrare246.

    123Toutes les configurations sont possibles. Les cardinaux favorisent même parfois un seul de leurs parents. Par exemple, le cardinal Ippolito d’Este laisse toute sa fortune à son frère, le duc de Ferrare Alfonso Ier, à sa mort en 1520247. Le cardinal Georges d’Amboise lègue l’essentiel de son patrimoine à un petit-neveu homonyme, fils de Charles de Chaumont (arbre 9). Ce n’est pas le chef de la maison d’Amboise, mais Charles de Chaumont jouit de la confiance de son oncle, qui est aussi son parrain. Le cardinal lui confie d’ailleurs, avec Louis XII, le gouvernement du Milanais. C’est donc la branche de Charles que veut favoriser le cardinal en testant en faveur de son fils. D’ailleurs, si ce dernier hérite de l’essentiel des biens meubles et immeubles de la succession du cardinal, dont sa vaisselle d’or et mille marcs d’argent, Charles, son père, en conserve la jouissance toute sa vie248.

    124Giordano Orsini, dans son testament daté du 26 juillet 1434, soit quatre ans avant sa mort, fait le choix de délaisser son frère aîné, le préfet de Rome, Francesco, qui possède déjà de nombreux fiefs, dont le comté de Gravina érigé en duché à partir de 1436249. Au contraire, il institue à parité en tant qu’héritiers universels son frère Orsino Orsini, condottiere et seigneur de Nepi, et les enfants de Carlo Orsini qui devient seigneur de Bracciano. Ce choix, étrange à première vue, de favoriser d’une part un de ses frères et d’autre part les enfants d’un autre frère est certainement dicté par le fait qu’Orsino, bien que marié à Jacopa Conti – la sœur du cardinal Lucido Conti – n’a pas encore d’enfant légitime au moment du testament. Le plus intéressant est que le cardinal précise explicitement que, s’ils veulent hériter, les enfants de Carlo ne doivent pas être au moment de la mort de Giordano des « prélats, c’est-à-dire, des évêques, archevêques, abbés ou cardinaux250 ». Cette disposition exclut de fait deux de ses neveux : Latino Orsini, consacré évêque de Conza en 1437, et Giovanni Orsini, qui devient abbé du monastère de Farfa la même année251. Seuls Napoleone, capitaine général de l’Église et comte de Tagliacozzo, et Roberto peuvent hériter des biens matériels du cardinal252.

    125Le cardinal a conscience dès 1434, lorsqu’il teste, que Latino et Giovanni sont voués à une carrière ecclésiastique. Il est précisé dans son testament que la plupart des parements liturgiques dont il fait don à la basilique Saint-Pierre sont entreposés chez Latino qui doit en avoir alors l’usage253. Latino et Giovanni sont par ailleurs associés dans deux autres legs. Le cardinal Giordano leur cède d’abord tous les biens qui sont déjà déposés dans la maison de leur mère254. Peut-être s’agit-il de biens meubles à caractère ecclésiastique, étant donné le second legs qui leur est dédié. Une autre clause propose en effet de faire don aux deux frères de tous les livres que Giordano ne lègue pas à la basilique vaticane (dont la liste est contenue dans le testament), à condition qu’ils s’engagent dans une carrière ecclésiastique après sa mort255.

    126Ces dons de livres forment le legs type que les cardinaux font à leurs héritiers ecclésiastiques. Tous ne possèdent pas l’imposante bibliothèque de Giordano Orsini, mais les clauses testamentaires proposent presque toujours de donner à l’héritier destiné à l’état ecclésiastique des volumes qui leur sont utiles : un exemplaire des Décrétales de Grégoire IX, un missel ou une bible. À sa mort en 1483, Francesco Gonzague lègue par exemple une copie des Décrétales à son neveu, le protonotaire Sigismondo Gonzague, qui devient cardinal plus de 20 ans après sa mort256. Dans son deuxième testament, daté du 16 août 1523, dix jours avant sa mort, Domenico Grimani laisse à son neveu Marino son « beau bréviaire » à condition qu’il ne l’aliène pas et qu’il s’en serve personnellement. À sa mort, le livre doit être légué à la Sérénissime257. Ce sont des dons symboliques, mais utiles cependant, car ces livres doivent servir à l’héritier désigné au cours de ses études et de son futur cursus de prélat. Les héritiers ecclésiastiques doivent donc, la plupart du temps, se contenter de ces quelques legs. Même les parements liturgiques et les objets sacrés, qui pourraient en toute logique leur revenir, sont le plus souvent offerts à des lieux de culte en tant que legs dévots.

    127Si l’essentiel de la valeur du patrimoine est dédié dans les testaments des cardinaux à leurs parents laïcs, c’est parce qu’en réalité leur mort offre une occasion unique de monétiser, en quelque sorte, leurs fonctions ecclésiastiques. Lorsque les porporati possèdent une licentia testandi, leur mort et leur testament constituent le moment par excellence au cours duquel ils peuvent extraire de l’Église des biens qu’ils ont acquis grâce à leurs revenus et les léguer à leur parenté séculière. Les confier aux futurs ecclésiastiques de la famille, comme capital de départ pour leur carrière, reviendrait à les réintroduire dans l’économie de l’Église, au risque de les voir confisqués plus tard. Les cardinaux tentent plutôt de céder aux futurs ecclésiastiques de leur parenté les biens inalinéables de l’Église, en particulier les bénéfices, qu’ils ne possèdent pas en propre mais qui procurent à leurs successeurs des revenus substantiels, susceptibles d’être réinvestis et transmis, à leur tour, aux laïcs de la famille.

    128Ces opérations de transmissions doivent être planifiées bien en amont de leur décès par les cardinaux, notamment par le biais de la résignation. Tout au plus les cardinaux profitent-ils dans certains cas de leur testament pour manifester le vœu pieux qu’un de leurs parents leur succède dans tel ou tel bénéfice. Le cardinal Francesco Gonzague exprime par exemple dans son testament le désir que le pape permette au protonotaire Ludovico Gonzague, son frère, de lui succéder dans l’administration du diocèse de Mantoue pour au moins six ans. Il demande instamment à ce que les deux témoins qui assistent à la dictée du testament, dont le principal intéressé, aillent en porter la supplique au Saint-Père258. Mais il ne peut s’agir que d’une prière que le cardinal adresse au pape ou à un souverain, dépourvue de tout caractère performatif. Seuls ces derniers peuvent décider de répondre favorablement ou non à ces demandes.

    129Plus généralement, après la mort d’un cardinal, les dispositions testamentaires qu’il a prises passent entre les mains du pontife et de leur parenté, qui ne les respectent pas toujours259. C’est à ces acteurs et à leur rôle dans les stratégies de transmission du pouvoir et des biens cardinalices qu’il faut désormais s’intéresser.

    Les stratèges de la transmission

    130L’anthropologue Piero Paolo Viazzo et l’historienne Katherine A. Lynch, en réfléchissant ensemble au concept de stratégie et à son application dans l’histoire de la famille, suggèrent de « distinguer avec beaucoup de précautions ceux qui font la stratégie et ceux qui sont affectés par elle260 ». Cette assertion qui peut, à première vue, faire figure de lapalissade soulève en réalité un point crucial : il n’est pas toujours évident de distinguer avec précision quel rôle a tenu chacun des acteurs dans les stratégies mises en place sur la scène sociale que constituait le Sacré Collège au Quattrocento. Ce chapitre s’est intéressé jusqu’à maintenant à ceux qui faisaient l’objet des stratégies de transmission, mais les stratèges doivent aussi être pris en considération. Si les cardinaux se montrent parfois maîtres de leur destin ou au moins partie prenante dans les stratégies mises en œuvre, l’exemple de Pompeo Colonna, qui finit par obéir à son oncle et à son père qui lui est apparu en songe, révèle qu’ils pouvaient être soumis à des forces et à des influences qui les dépassaient et auxquelles ils devaient se plier. Il est difficile de toujours bien spécifier la part que tenait chacun des membres à l’intérieur de la parenté ; le rôle des femmes, notamment, ne doit pas être dédaigné. À l’extérieur de celle-ci, le pape apparaît toujours comme un acteur majeur dans les arrangements des dynasties cardinalices.

    Le rôle central du pape

    131Seul le pape, par l’autorité et le pouvoir que lui confère le siège pétrinien, tient tous les fils des destinées des dynasties cardinalices. Rien ne semble pouvoir se faire sans son aval. Le rôle fondamental qu’il tenait dans la transmission des bénéfices et même des palais des cardinaux, deux des principaux éléments de leur patrimoine, a déjà été soulevé. Il règne également en maître sur le troisième bien le plus important des porporati, les titres cardinalices, dont il peut disposer de manière quasiment arbitraire. Ces pouvoirs étendus sont d’ailleurs présentés dans le Consilium de emendanda ecclesia de 1537 comme à la source de la plupart des abus qui touchent l’Église de la fin du Moyen Âge261.

    132Il faut cependant distinguer un double rôle du pape : le souverain pontife intervient certes dans les stratégies de toutes les dynasties cardinalices, mais son influence est décisive, par-dessus tout, dans sa propre parenté. Lorsqu’un cardinal est élu en conclave au Quattrocento, il se retrouve dans une position clef au sein de sa propre famille, et peut en favoriser les membres à une tout autre échelle que ne peut le faire un autre cardinal. Ce n’est pas un hasard si tous les papes entre 1418 et 1534, à l’exception d’Adrien VI, appartiennent à une dynastie cardinalice et si cinq des six dynasties les plus importantes de cette époque comptent deux papes (Borgia, Condulmer-Barbo, Médicis, Piccolomini, Della Rovere) (tabl. 3 en annexe)262.

    133Le souverain pontife dirige les consistoires secrets, d’où il peut aisément distribuer des bénéfices majeurs de la chrétienté ainsi que des titres cardinalices à ses parents. Le Sacré Collège pouvait éventuellement devenir une force de résistance face au pape, mais il a été montré qu’il s’y opposait rarement en matière de favoritisme familial. Ce pouvoir discrétionnaire du Saint-Père explique, par exemple, la transmission sans interruption de cinq Della Rovere sur le titre de San Pietro in Vincoli entre 1467 et 1520 : Francesco Della Rovere (1467-1471) et Giuliano Della Rovere (1471-1503), qui deviennent papes par la suite, puis Galeotto Franciotti Della Rovere (1503-1507), Sisto Gara Della Rovere (1507-1517) et Leonardo Grosso Della Rovere (1517-1520)263. Toutes ces nominations, à l’exception de la dernière, sont l’œuvre des deux pontifes Della Rovere, à savoir Sixte IV et Jules II. C’est une pratique presque systématique au XVe siècle : un pape, lorsqu’il reçoit la tiare, cède son ancien titre cardinalice à un membre de sa famille. Ce phénomène devient commun à l’époque moderne : de Martin V (1417-1431) à Clément IX (1667-1669), vingt et un papes sur vingt-neuf procèdent ainsi. Les huit exceptions s’expliquent le plus souvent par des problèmes de compatibilité entre rangs cardinalices : lorsque le pape est élu parmi les cardinaux-évêques, il ne peut transmettre son titre à un cardinal nouvellement élevé dans sa parenté264. De même, les pontifes cèdent souvent au même parent leur bénéfice principal, un diocèse ou un archevêché. Dans d’autres cas, ils élèvent leur ville de naissance en évêché pour le leur transmettre, ou bien ils la promeuvent au rang de province métropolitaine s’il s’agit déjà d’un diocèse. Le cas du village de naissance de Pie II, Corsignano, érigé en diocèse et renommé Pienza à cette occasion, est bien connu, mais ce n’est pas le seul exemple265.

    134Cette logique de transmission atteint son paroxysme lorsqu’un cardinal nommé parmi ses parents par un pape toujours au pouvoir décède. Les souverains pontifes décident alors régulièrement de « refaire » le cardinal à l’intérieur de leur parenté, lui attribuant le même titre et les mêmes bénéfices que le défunt266. Le décès de Galeotto Franciotti Della Rovere en fournit l’exemple le plus frappant. Jules II nomma ce neveu à la pourpre lors de sa première promotion cardinalice, le 29 novembre 1503, lui concédant le titre cardinalice que lui-même avait porté jusqu’à son accession sur le trône de saint Pierre, San Pietro in Vincoli. Le 30 juin 1505, Jules II l’élève au titre de vice-chancelier, un mois après la mort de l’ancien titulaire de la fonction, Ascanio Maria Sforza. Le cardinal Galeotto Franciotti Della Rovere tient donc un rôle important dans la dynastie cardinalice des Della Rovere et il apparaît comme l’un des neveux favoris du pape267. Lorsque le cardinal meurt, le 11 septembre 1508, Jules II décide tout simplement de refaire ce cardinal en la personne du demi-frère cadet du défunt, comme le rapporte le journal de Paride Grassi :

    Ce jour-là, c’est-à-dire le 11 septembre, le seigneur Galeotto – cardinal de San Pietro in Vincoli et vice-chancelier – étant mort ce même matin et les cardinaux étant convoqués en consistoire pour la quinzième heure, notre très saint seigneur [le pape] créa cardinal et vice-chancelier le seigneur Sisto, frère du cardinal défunt, qui reposait mort encore dans son lit. En même temps que le seigneur Sisto fut fait révérendissime cardinal, tout ce que son défunt frère avait jusqu’alors lui fut donné, c’est-à-dire sa dignité cardinalice, ses diocèses, les pensions et les revenus de ses bénéfices, la vice-chancellerie, tous ses revenus, sa maison, et son titre de San Pietro in Vincoli268.

    135Sisto Gara Della Rovere hérite donc d’un très riche patrimoine. La vice-chancellerie est la fonction curiale la plus lucrative. En outre, il devient administrateur des diocèses de Vicence, de Lucques, ainsi que de la province métropolitaine de Bénévent269. Le cardinal est aussi doté d’un patrimoine immobilier majeur : la « maison » transmise, désormais traditionnellement confiée au vice-chancelier en titre, n’est autre que le palais Borgia, construit par le futur Alexandre VI dans les années 1450270. Il hérite également du complexe de San Pietro in Vincoli afférent à son nouveau titre et de nombreux bâtiments liés aux bénéfices que possédait Galeotto en Italie et en Europe271.

    136La coutume est renversée : ce n’est plus lorsque le pape nomme un cardinal qu’il cherche à lui trouver un titre et un lieu d’habitation, mais c’est parce qu’un titre, une fonction et un palais sont vacants qu’est créé un nouveau cardinal. Les règles des élévations cardinalices sont ici bafouées pour servir les intérêts de la famille : les promotions s’effectuent traditionnellement pendant les semaines des Quatres-Temps ; en théorie, le souverain pontife doit demander l’avis du Sacré Collège ; la procédure doit s’étaler sur plusieurs jours et le titre n’est attribué qu’après l’élévation272. Mais ici, Jules II rompt avec toutes ces coutumes en usant de son pouvoir discrétionnaire pour nommer un nouveau cardinal Della Rovere : Galeotto est mort, vive Sisto ! Paride Grassi, lui-même frappé par la célérité de cette décision, souligne que Sisto est nommé alors que Galeotto est encore sur son lit de mort. Jules II sait bien que, s’il meurt lui-même dans les jours, les semaines ou les mois suivants, le titre de San Pietro in Vincoli, la charge de vice-chancelier et le palais de la Chancellerie pourraient échapper à sa famille. Il a parfaitement conscience du caractère transitoire du pouvoir ecclésiastique et de l’instabilité de la position de son lignage : sic transit gloria mundi.

    137C’est pourquoi, outre le transfert matériel des titres, bénéfices et biens patrimoniaux vers les membres de leur famille, les pontifes œuvrent tout autant pour une transmission immatérielle, celle de l’aura et de l’autorité que leur confère la tiare. Ce sont d’ailleurs les deux faces d’une même médaille : la transmission par le pape d’un ancien titre cardinalice ou d’un ancien bénéfice assure à son parent des revenus économiques en même temps qu’une part de l’autorité de son prédécesseur. Il s’agit pour les papes d’installer les membres de leur lignage dans une position de pouvoir qui en fasse autant d’héritiers légitimes si ce n’est au trône pontifical, du moins à la pourpre. Cette transmission immatérielle peut également se manifester dans de nombreux domaines tels que l’architecture, l’héraldique ou les récits narratifs. Elle se ressent particulièrement dans les représentations plastiques que les souverains commandent au Quattrocento et par lesquelles ils entendent associer le plus possible l’image de leurs parents qu’ils ont nommés à la pourpre à leur propre image.

    138La fresque de Melozzo da Forlì représentant la nomination de Platina comme conservateur de la Bibliothèque apostolique a déjà été évoquée (fig. 20). Elle a notamment montré que Sixte IV entendait associer Pietro Riario et Giuliano Della Rovere, les deux parents qu’il a nommés cardinaux, dès décembre 1471, à sa propre image en représentant le premier à sa droite et le deuxième lui faisant face. C’est un classique de la peinture sixtine. La fresque du peintre de Forlì trouve son écho dans une autre, représentant le même sujet, à l’intérieur de la corsia sistina de l’hôpital Santo Spirito rénové par Sixte IV (fig. 23)273. L’auteur du cycle consacré à la vie du pontife de Savone est incertain, mais il faut peut-être y voir la participation d’Antoniazzo Romano274. La peinture de la nomination de l’humaniste montre là encore les deux cardinaux encadrant le Saint-Père. Celui-ci est représenté au centre, au milieu des rangées de tables-pupitres sur lesquelles sont disposés les précieux volumes de la Bibliothèque vaticane. Giuliano Della Rovere est peint devant lui et Pietro Riario derrière. Cette disposition correspond certainement à la volonté du Saint-Père, qui a joué un rôle décisif dans les choix décoratifs de l’hôpital, en particulier ceux de la corsia275. Dans le cas présent, la représentation de Giuliano Della Rovere s’explique dans la mesure où Sixte IV l’a nommé cardinal protecteur de l’hôpital. Toutefois, rien n’obligeait le pontife et l’artiste à représenter Pietro Riario. Eunice Howe, historienne de l’art, dont la thèse porte sur ce cycle de peinture, avance que les nombreuses représentations des neveux de Sixte IV sur ces fresques, en particulier des cardinaux, n’ont certainement pas manqué de susciter des accusations de favoritisme276. Il me semble que ce jugement est anachronique et que les cardinaux du lignage ont été peints, au contraire, pour les associer encore plus étroitement à Sixte IV et justifier leur position.

    Figure 23. Antoniazzo Romano (?), Sixte IV nommant Platina comme conservateur de la Bibliothèque apostolique, c. 1476-1484. Rome, hôpital Santo Spirito in Sassia, corsia sistina.

    139Les mêmes observations pourraient être formulées à propos d’autres dynasties cardinalices qui comptent un ou plusieurs papes277. Des chercheurs ont fait depuis longtemps l’hypothèse que plusieurs membres de la famille Borgia seraient figurés sous les atours de personnages bibliques et mythologiques dans l’appartement qu’a fait décorer Alexandre VI au Vatican278. Le triple portrait commandé en 1518 par Léon X à Raphaël, qui le représente entouré de deux de ses cousins qu’il a nommés cardinaux – Giulio de Médicis et Luigi de’ Rossi –, est aussi très célèbre279.

    140La question de la réception de ces œuvres se pose, et la réponse n’est pas univoque. Les deux dernières peintures évoquées sont destinées à orner les appartements du pape. Cependant, ces appartements ne sont pas des espaces totalement privés, car le Saint-Père y reçoit des visiteurs. Ces derniers sont introduits dans l’intimité de la famille pontificale par ces représentations, qui l’avertissent de la confiance qu’accorde le pape à ses parents qui sont ses plus proches conseillers.

    141À l’extérieur de sa parenté, le pape joue aussi un rôle essentiel dans les logiques de transmission qui prennent place dans les autres dynasties cardinalices. Aucun titre, bénéfice ou patrimoine substantiel ne peut être transmis sans sa complicité, son accord préalable ou, au moins, sa neutralité. L’influence du pape est la plus forte dans la distribution des titres après l’élévation à la pourpre d’un nouveau cardinal. L’exemple de San Pietro in Vincoli a montré que les papes favorisaient volontiers des successions sur un titre parmi leur parenté, mais le même phénomène se vérifie pour toutes les nominations. Une tradition persistante est en effet observable dans ce domaine : les papes ont tendance à attribuer le même titre au sein d’une même famille lorsque cela est possible et que rien ne s’y oppose. De ce point de vue, les titres des cardinaux Gonzague de la fin du XVe siècle au début du XVIe siècle illustrent cette tradition. Le premier d’entre eux, Francesco Gonzague, reçoit le titre de Santa Maria Nuova lorsqu’il prend la pourpre en 1461 ; quelques années plus tard, il y ajoute la commende de Sant’Agata dei Goti avant de devenir cardinal-prêtre de San Lorenzo in Damaso en 1477280. Sigismondo Gonzague obtient lui aussi comme premier et seul titre de sa carrière Santa Maria Nuova. Il est pourtant nommé vingt-deux ans après la mort de son oncle et quatre cardinaux se sont succédé sur ce titre entre les deux Gonzague281. Sigismondo meurt en 1525. Deux ans plus tard, deux Gonzague entrent au sein du Sacré Collège à six mois d’intervalle : Ercole et Pirro Gonzague. Le premier obtient à son tour Santa Maria Nuova, aussi la diaconie n’est-elle plus disponible pour le second qui reçoit Sant’Agata dei Goti, c’est-à-dire le deuxième titre que son ancêtre, Francesco, avait détenu en commende. Lorsque Ercole Gonzague est promu cardinal-prêtre en 1556, son titre de Santa Maria Nuova est maintenu pro illa vice. Le titre est donc totalement assimilé à la famille des Gonzague pendant presque un siècle, et c’est encore un autre membre de la famille, Federico Gonzague, qui en hérite en 1563, à la mort d’Ercole. Dans certains cas, la transmission familiale est d’ailleurs explicitée par le pape. Dans un bref fulminé le 7 juin 1465, qui promeut Latino Orsini cardinal-évêque d’Albano, Paul II mentionne le fait que le titre avait déjà été tenu par son oncle, Giordano Orsini282.

    142La logique peut également consister pour le pape à refaire un cardinal en dehors de sa propre parenté, notamment lorsque le pontife est lié à la famille dans laquelle il intervient. À Florence, la famille Pucci est traditionnellement alliée à celle des Médicis, depuis au moins Cosme l’Ancien. Il n’est donc pas étonnant que Lorenzo Pucci soit élevé à la pourpre lors de la première promotion cardinalice à laquelle procède Léon X, le 23 septembre 1513, neuf mois après son élection sur le trône de saint Pierre283. Lorsque Lorenzo meurt le 16 septembre 1531, Clément VII, le second pape Médicis, nomme six jours plus tard le neveu du défunt, Antonio. Il s’agit alors clairement de refaire un cardinal à l’identique dans la même famille alliée depuis toujours aux Médicis. Antonio hérite du même titre que son oncle, Santi Quattro Coronati, mais aussi des mêmes bénéfices, Lorenzo ayant résigné auparavant les diocèses de Pistoia et de Vannes en faveur de son neveu284.

    143Cette même logique a déjà été observée pour Pompeo Colonna, dont la carrière ecclésiastique a été suscitée pour qu’il puisse succéder à son oncle Giovanni. Ces transmissions ne pouvaient aboutir sans l’aval du pape, néanmoins, dans ce dernier cas, il a été montré que la parenté laïque de Pompeo a certainement joué le rôle le plus décisif.

    À la recherche du paterfamilias

    144Il n’est pas toujours aisé de désigner clairement le ou les stratèges au niveau d’un lignage cardinalice. Il serait partiellement faux de considérer que les familles Orsini, Fieschi ou Carvajal ont collectivement mis en place des stratégies au Quattrocento, puisque, comme le rappelle Giovanni Levi :

    La famille isolée nous donne des informations trompeuses, ne serait-ce que parce qu’elle nous permet de supposer une égalité de conditions entre pairs, que l’on ne parvient pas à confirmer dès que l’on se place dans un cadre plus complexe. La famille en effet, comme un ensemble de parents et d’alliés qui coopèrent, ne se structure pas comme un groupe uniforme d’individus ayant des devoirs et des droits égaux, mais comme un ensemble différencié et hiérarchisé quoique fortement cohérent : sous l’égide de l’autorité reconnue d’un chef de famille choisi pour son âge ou en fonction d’autres critères, agissent des groupes familiaux qui se consacrent à des activités différenciées mais complémentaires […] dans un cadre qui mêle des aspects d’égalité […] et d’inégalité285.

    145Qui donc fait office de « chef de famille » au sein des parentés comprenant un cardinal ? La stratégie de la famille est-elle réglée par un seul de ses membres ? Selon quelle hiérarchie et par quels processus familiaux les décisions stratégiques sont-elles prises à l’intérieur des lignages ?

    146Plusieurs situations se distinguent nettement. Lorsqu’un cardinal est élu sur le trône pontifical au Quattrocento, il devient presque automatiquement le chef de famille et il règle alors la stratégie à l’échelle de la parenté. Enea Silvio, issu de la noble famille siennoise des Piccolomini, est élu pape sous le nom de Pie II en 1458. Il dirige à ce titre les affaires politiques et financières de sa famille, en imposant son autorité sur ses parents, notamment laïcs286. Cela se manifeste par exemple à travers la politique architecturale qu’il entreprend dans la cité toscane287.

    147Cependant, dans le cas de l’élection pontificale d’un cardinal issu d’une famille princière, la question de savoir qui du pape ou du seigneur temporel dirige la famille peut se poser légitimement. Seuls les deux papes Médicis connaissent cette situation entre 1418 et 1534. Lorsque Giovanni de Médicis devient pape sous le nom de Léon X, en 1513, la situation de la famille Médicis est précaire : l’exil florentin a suivi le gouvernement médiocre de Pierre II (1492-1494)288. Léon X (1513-1521) puis Clément VII (1523-1534) dirigent non seulement leur famille, mais également Florence et une bonne partie de la Toscane, avec des résultats d’ailleurs mitigés. Les papes exercent cette domination de fait, même lorsque la direction séculière de la cité est confiée à un membre laïc de la famille, en particulier au seigneur Giuliano de Médicis (1513-1516) et au duc Alessandro de Médicis (1531-1537)289.

    148Cette situation tient peut-être ici davantage à l’absence de représentants laïcs de poids dans la famille, plutôt qu’à l’élection en son sein de deux papes successifs. En cela, la donation par Léon X du patrimoine Médicis à son cousin, le cardinal Giulio, le 8 janvier 1521, soit presque un an avant la mort du pontife, est très significative :

    Comme notre frère Giuliano, duc de Nemours, puis ensuite Lorenzo, duc d’Urbino, notre neveu selon la chaire par Pietro – notre défunt frère –, avaient autrefois trouvé la mort, notre fille chérie Caterina se retrouvait orpheline en bas âge. Les magnifiques demeures édifiées à l’intérieur et à l’extérieur de la ville de Florence par notre ancêtre Cosme, notre grand-père Pietro et notre père selon la chaire, Laurent de Médicis, ainsi que les biens qu’ils avaient acquis dans la région florentine nous étaient parvenus de bon droit par héritage. À un certain moment, Alfonsina Orsini, la mère du même Lorenzo [le duc d’Urbino] et notre sœur selon la chaire, à qui nous avions confié la libre administration de nos biens patrimoniaux et qui avait assumé la tutelle de sa petite-fille, Caterina, mourra à cause de sa faible constitution en nous ayant institué héritier universel. Désirant que nous soyons, avec ladite Caterina, de bons héritiers, pour conduire et administrer fidèlement et consciencieusement, pendant la tutelle de Caterina, les biens qui nous étaient parvenus de toute part […], nous avons établi la libre gestion [de tous ces biens] à notre cher fils Giulio, cardinal-prêtre de San Lorenzo in Damaso, vice-chancelier de la Sainte Église, notre légat apostolique dans le domaine de Florence et dans toute la Tuscie et notre cousin germain selon la chaire, dont nous avons employé le soin fidèle et le conseil, aussi bien lorsque nous remplissions l’honneur cardinalice, qu’après avoir été élevé au plus haut apostolat par la douce faveur et un dur labeur290.

    149En effet, les deux frères de Léon X, Pierre II de Médicis et Giuliano de Médicis, meurent tous les deux bien avant 1521 (arbre 10). Le second n’a qu’un fils illégitime, Ippolito, qui devient cardinal en 1529291. Des trois fils de Pierre II de Médicis, un seul arrive à l’âge adulte : Lorenzo, duc d’Urbino. Il se marie en 1518 à Madeleine de La Tour d’Auvergne. Leur fille, Caterina, naît le 13 avril 1519, mais sa mère et son père décèdent respectivement quinze et vingt et un jours après sa naissance. Le patrimoine familial est désormais géré par la femme de Pierre II de Médicis, Alfonsina Orsini. La famille ne compte alors plus que trois héritiers potentiels : un fils illégitime, Ippolito, une fillette qui n’a pas un an, Caterina, et le pape de l’Église chrétienne d’Occident, Léon X. Alfonsina a donc, avant de mourir à son tour le 7 février 1520, confié le patrimoine familial au dernier qui ne peut qu’être le chef de famille, en faisant de lui son héritier universel292. Voulant lui aussi prévenir sa mort prochaine, Léon X ne saurait pourtant transmettre l’une des plus grandes fortunes de l’Italie du début du Cinquecento à un enfant, qui plus est une fille, dont l’avenir est mal assuré. Rien ne laisse encore deviner le grand destin qui l’attend à la cour de France. Il décide donc de transmettre tous les biens familiaux à son cousin dont il est très proche, le fils posthume et légitimé de Julien de Médicis, frère de Laurent le Magnifique, qui a été assassiné pendant la conjuration des Pazzi (1478).

    Arbre 10. À la recherche d’héritiers dans la famille Médicis (les fratries ne sont pas exhaustives et ne respectent pas nécessairement l’ordre des naissances, parfois inconnu).

    150Cette liste de décès par laquelle commence le motu proprio et qui acte la donation laisse donc percevoir que Giulio de Médicis est un choix par défaut, la stratégie adoptée étant presque dictée par les aléas démographiques qui ont touché la famille. Les papes ne faisant traditionnellement pas de testament, Léon X choisit de sécuriser par ce décret le patrimoine de sa famille séculière293.

    151L’autorité dont a pu bénéficier le cardinal Giovanni de Médicis avant d’être élu pape est plus difficile à établir dans sa parenté. S’il semble avoir toujours observé une obéissance filiale vis-à-vis de son père, Laurent le Magnifique, ses relations avec Pierre II, son frère aîné qui succède à leur père à la tête de la cité florentine, se dégradent après la mort de ce dernier, le 8 avril 1492. En effet, le cardinal envoie aussitôt une lettre à son frère pour lui donner quelques conseils visant à conserver le pouvoir dans la cité et se place ainsi comme son égal294. Quelques mois plus tard, à l’occasion du conclave qui voit l’élection d’Alexandre VI, le 11 août 1492, le jeune cardinal de dix-sept ans seulement s’écarte de la stratégie établie par son frère. Plutôt que de maintenir une alliance stratégique avec les Della Rovere et le parti napolitain, Giovanni louvoie dans un premier temps et se rallie finalement, lorsque la partie semble entendue, aux Borgia et à Ascanio Maria Sforza. Ces revirements provoquent la colère de son frère qui le lui fait savoir dans plusieurs lettres295. Cette colère suscite une réaction plutôt sèche du cardinal ; il écrit à Pietro, le 21 août 1492, une lettre dans laquelle il entend préciser les relations qui doivent l’unir à son frère :

    Je ne sais pas s’il y a un homme plus mécontent que moi sur la terre […]. Je veux te dire quelques petites choses, d’abord que je croyais que tu saurais me laisser mener mes affaires, étant donné que d’une part je suis ton frère et que d’autre part je suis aussi cardinal, et que tu aurais suffisamment de respect pour moi pour ne pas me donner d’ordre, au moins en vertu de ma dignité, et parce que le conseil suffirait […] ; ensuite je voudrais que tu me laisses les affaires bénéficiales, puisqu’il semble si convenable, à moi comme à toi, de te laisser les affaires temporelles ; je te les laisse bien volontiers estimant que nous avons toujours été de bons frères et pas autre chose296.

    152La précision est limpide et le cardinal Médicis n’entend pas se montrer aussi obéissant envers son frère qu’envers son père ; il acte donc une nouvelle séparation des tâches dans la parenté. Si Giovanni de Médicis n’apparaît pas comme le chef de famille, il arrive à établir un rapport de force en son sein après avoir obtenu la pourpre.

    153D’autres cas existent dans lesquels les cardinaux assument un rôle de chef dans leur famille sans aucune contestation. S’ils sont issus d’un milieu social d’origine modeste, la question ne se pose généralement pas : étant les seuls personnages d’envergure de leur parenté sur le plan sociopolitique, ils en prennent la direction, même s’ils continuent d’agir envers leur père avec la piété filiale attendue. Filippo Calandrini, qui n’est pourtant que le demi-frère de Nicolas V (Tommaso Parentucelli), prend par exemple la direction de la famille Parentucelli après la mort du Saint-Père297.

    154La tombe de Raffaele Della Rovere, conservée aujourd’hui dans la confession de la basilique des Santi XII Apostoli (fig. 24), est très révélatrice de ce phénomène298. La seule identité à laquelle se réfère son épitaphe réside dans les liens de parenté qui l’unissent aux grands ecclésiastiques de la famille : « Giuliano, cardinal de San Pietro in Vincoli, grand pénitencier de la Sainte Église romaine, a érigé avec piété [ce tombeau] pour son père, Raffaele Della Rovere, frère du souverain pontife Sixte IV, le premier jour des calendes de mai de l’année du Salut chrétien 1477299. » Raffaele est donc défini uniquement par rapport à son fils et à son frère. D’autant que Giuliano Della Rovere fait lui-même déplacer la dépouille de son père, qui avait été enterré en Corse, pour lui faire ériger ce monument placé, à l’origine, en haut du mur de l’abside aux Santi XII Apostoli.

    Figure 24. Andrea Bregno, monument funéraire de Raffaele Della Rovere, c. 1475-1477. Rome, Santi XII Apostoli, à l’origine dans l’abside, aujourd’hui dans la confession (© FEC).

    155Parfois, l’épitaphe est plus discrète. Celle que le cardinal Oliviero Carafa fait inscrire sur la tombe de son père (fig. 25) le mentionne juste comme le commanditaire du tombeau : « Oliviero, cardinal de Naples, édifia [ce monument] pour son excellent père, Francesco Carafa, insigne chevalier napolitain, respectueux de la religion chrétienne, ayant passé chaque année de sa vie avec bienveillance et respect envers tous les mortels, mort à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, sans aucune plainte300. » Néanmoins, dans ce cas précis, la représentation sculpturale de la tombe marque aussi une inversion de l’autorité filiale. Oliviero se fait sculpter sur le bas-relief de la lunette en train de présenter son père agenouillé à une Vierge à l’Enfant, tandis que le saint qui tient traditionnellement ce rôle dans les scènes de ce type – ici saint Dominique, reconnaissable au livre qu’il tient et aux lys posés sur l’accoudoir du trône marial – est relégué derrière la Vierge et fait pendant au cardinal301.

    Figure 25. Tommaso Malvito, monument funéraire de Francesco Carafa, années 1490. Naples, San Domenico Maggiore.

    156Les Carafa descendent pourtant d’une noble famille napolitaine. Cette situation, où un cardinal prend l’ascendant sur ses parents laïcs, notamment ses frères aînés, se rencontre parmi les familles les plus prestigieuses de la péninsule. À cet égard, le cas de la famille Colonna apparaît comme paradigmatique302. L’usage consistant à planifier la carrière ecclésiastique d’un membre de chaque fratrie, à chaque génération, et de lui confier la direction de la famille semble ancien dans la famille baronniale romaine. Agapito place déjà son fils ecclésiastique, Oddone Colonna, dans une position privilégiée en le nommant dans son testament (1390) comme l’unique successeur de son domaine. Oddone Colonna abandonne finalement ses droits héréditaires exclusifs, qui se concilient mal avec ses fonctions ecclésiastiques, mais il ne renonce pas pour autant à jouer un rôle primordial dans les destinées politiques et économiques de sa parenté. Il s’appuie d’ailleurs largement sur la Curie pour favoriser ses frères et ses neveux laïcs303. Le concept de paterfamilias est alors mobilisé dans les sources pour décrire l’action de Martin V, reprenant en cela le topos qui s’attache au Moyen Âge à la puissance pontificale304. Alors même que le pontife Colonna est le seul personnage de sa génération, paradoxalement, à ne pouvoir, en théorie, remplir biologiquement ce rôle.

    157L’élection pontificale d’Oddone modifie complètement les équilibres internes à l’intérieur de la stirpe Colonna : le rameau de Palestrina qui dominait la famille est supplanté par celui de Genazzano dont est issu le Saint-Père305. Les Colonna et en particulier cette branche connaissent un accroissement patrimonial très important sous son pontificat306. En 1427, ce nouveau patrimoine trouve une organisation institutionnelle avec l’instauration d’un fidéicommis par la bulle Etsi prudens307. Cet acte définit les aires d’influence entre les différents membres du lignage et établit des règles précises de transmission en son sein. Le pape Colonna perpétue la stratégie mise en place par son père en faisant de son seul descendant ecclésiastique le père de famille symbolique des Colonna. Prospero Colonna, le neveu que Martin V nomme cardinal en 1426, obtient la prééminence formelle sur les Colonna de Genazzano, et en particulier sur ses deux frères, le prince de Salerne, Antonio, et le duc de Marsi, Odoardo (arbre 8). C’est Prospero qui contrôle notamment le noyau de possession à conserver dans la famille, selon le texte du fidéicommis, « en perpétuelle communauté et indivis », ce qui ne l’empêche pas de recevoir par ailleurs plusieurs terres du patrimoine Colonna à titre personnel308.

    158Pour autant, si Prospero a la prééminence, les trois frères travaillent en concertation. Tous les actes qui engagent les biens indivis de la famille sont passés en leur nom à tous les trois309. Par exemple, lorsque Antonio Colonna échange avec Raimondo Orsini la cité de Sarno et le château de Palama avec les châteaux de Nettuno et d’Astura, le contrat indique que le prince de Salerne « a agi en concertation avec ses frères, les illustres seigneurs Prospero et Odoardo Colonna, le comte de Celano » et précise à plusieurs reprises par diverses formules qu’Antonio agit « pour lui-même et au nom de ses dits frères » ; il en va de même pour tous les autres documents qui portent sur les mêmes propriétés310.

    159Cependant, Prospero étant mort le premier, en 1463, la direction du lignage revient alors à l’aîné, Antonio, prince de Salerne. Celui-ci fait en sorte que le schéma qu’il a connu se répète à nouveau à la génération suivante. Un de ses fils, Giovanni, est ainsi dédié à la carrière ecclésiastique. Lorsque son père teste en mars 1470, il est déjà protonotaire apostolique, et il devient cardinal dix ans plus tard. Antonio lègue à ses trois fils des parts égales de son patrimoine, à condition qu’ils ne le divisent pas et qu’ils obéissent, dans un premier temps, à leur mère, Imperiale, puis, à la mort de celle-ci, à leur frère ecclésiastique, Giovanni (arbre 8). Comme à la génération précédente, les trois frères semblent avoir participé à la gestion du patrimoine familial et à l’élaboration des stratégies du lignage en bonne entente ; mais, là encore, le cardinal avait la prééminence théorique sur ses frères et a joué un rôle décisif de médiation au sein de la parenté311.

    160L’exemple des Colonna montre donc clairement que les cardinaux pouvaient être considérés comme des chefs de famille, y compris dans des lignages illustres. Le même phénomène peut être observé pour des strates moins élevées de la hiérarchie ecclésiastique. Le chroniqueur Girolamo Priuli note en 1509 que, « dans la cité vénitienne, lorsqu’un noble avait plusieurs fils, il en faisait un prêtre et tous vivaient dans son ombre312 ». Si ce constat peut être élargi à d’autres territoires que celui de la Sérénissime, il faut néanmoins le nuancer dans beaucoup de cas. Il n’existe pas de règle absolue, et, dans d’autres familles, les pères mais aussi d’autres parents laïcs des cardinaux peuvent prendre la direction de la parenté.

    161Si Francesco Gonzague peut infléchir les décisions de son père, Ludovico, en matière bénéficiale, c’est bien le marquis de Mantoue qui prend les décisions stratégiques jusqu’à sa mort, en 1478, pour sa famille. Le fils doit une obéissance filiale à son père, qui n’hésite pas à le rappeler à qui veut l’entendre. Il note ainsi dans une lettre adressée à sa femme en 1470 : « Nous avons pris soin de notre barrette [sous-entendu son chapeau de marquis] comme le cardinal [son fils] de son chapeau, car c’est notre barrette qui lui a donné son chapeau, mais ce n’est pas son chapeau qui nous a donné notre barrette313. »

    162De ce point de vue, le palais ducal de Mantoue renferme encore, en son cœur, comme une didascalie, témoignage lumineux de la stratégie des Gonzague. Les fresques de la chambre des époux témoignent du rôle prépondérant et décisif de Ludovico III Gonzague dans la stratégie familiale sur le temps long. Ces fresques commandées par le marquis à Andrea Mantegna sont réalisées de 1465 à 1474314. L’artiste travaille donc après le concile réuni par Pie II à Mantoue (1459) et la nomination de Francesco Gonzague comme cardinal en 1461. Les historiens de l’art s’interrogent depuis de nombreuses années sur la très célèbre scène du mur ouest de la chambre des époux (fig. 26). Certains considèrent qu’il s’agit d’un événement particulier de la vie du cardinal, peut-être sa rencontre avec son père, Ludovico, à Bozzolo le 1er janvier 1462, ce qui contraint à considérer que certains personnages ont été peints volontairement de manière anachronique315. Aucun doute n’est possible pour l’identification des trois adultes du premier plan : le marquis de Mantoue est représenté à gauche la main droite levée, en signe de bénédiction et de domination, son fils cadet le cardinal Francesco Gonzague est figuré au centre, en habit liturgique et tenant un papier de la main droite, tandis que son fils aîné, Federico, dont la bosse est dissimulée sous son manteau, est représenté de profil à droite. Il semble également acquis que l’adolescent qui tient la main gauche de Francesco est un autre fils du marquis, Ludovico, nommé protonotaire apostolique en 1471 à onze ans. Enfin, les spécialistes reconnaissent généralement les deux enfants comme étant les deux fils de Federico : à gauche Francesco et à droite Sigismondo316.

    Figure 26. Andrea Mantegna, fresque de la chambre des époux, 1465-1474. Palais ducal de Mantoue, mur ouest (© Ministero della Cultura – Palazzo Ducale di Mantova).

    163L’avenir semble clairement exposé. J’ai tendance à considérer cette fresque comme l’explicitation d’une stratégie pensée de longue date par le marquis. Les trois dirigeants séculiers successifs de Mantoue à la fin du XVe siècle encadrent la scène : Ludovico (1444-1478) se fait représenter lui-même, Federico Ier (1478-1484) obtient le marquisat après lui, puis c’est au tour de Francesco II (1484-1519) qui apparaît à la gauche de son grand-père. Les règles tacites de primogéniture écrivent par avance cette stratégie qu’aucun accident démographique ne vient perturber. En revanche, dans les années 1460-1470, rien ne permet de prévoir la seconde dynastie, cléricale elle, qui apparaît au centre et qui est encadrée par les trois marquis de la famille : le cardinal Francesco tient la main du protonotaire Ludovico, qui tient la main du futur cardinal Sigsmondo. Il est donc permis de penser que cette succession, représentée de manière très verticale, est planifiée sur plusieurs générations dès les années 1460. Les marquis de Mantoue n’ont aucune garantie sur l’accession à la pourpre des trois personnages ; aucun lignage de la chrétienté, aussi prestigieux soit-il, ne peut en avoir. La vocation ecclésiastique des trois membres de la parenté paraît cependant actée par la famille et leur destinée commune est manifestée à tous.

    164Le marquis de Mantoue obtient lui-même la pourpre pour son fils en 1461. Ce destin clérical a été minutieusement préparé pour Francesco depuis son plus jeune âge. Ludovico, dans une lettre adressée à l’évêque de Mantoue en 1450, le désigne déjà comme « notre prêtre », alors que l’enfant n’a que six ans. Le marquis réclame pour son fils la charge de protonotaire alors qu’il n’a que huit ans, ce qu’il obtient de Nicolas V deux ans plus tard. Ludovico ment d’ailleurs à plusieurs reprises sur l’âge de son fils pour accélérer son cursus ecclésiastique, notamment par la voix de son ambassadeur à Rome317.

    165La carrière de Ludovico, le petit frère de Francesco, est tout aussi minutieusement préparée par ses parents. Il devient lui aussi protonotaire alors qu’il n’est qu’enfant et part lui aussi étudier le droit à Bologne, où son frère a été nommé légat pontifical. Il suit le même parcours que Francesco et semble promis au même destin. Lorsque le cardinal mantouan meurt le 21 octobre 1483, Ludovico récupère aussitôt son diocèse. Dès le début de l’année suivante, le nouveau marquis de Mantoue, Federico Ier, écrit au pape et au Collège cardinalice pour obtenir la pourpre pour son frère318. Mais après la mort de Federico Ier, le 14 juillet 1484, les rapports se dégradent entre Ludovico et le nouveau marquis, son neveu Francesco II, en raison de nombreux désaccords. Ludovico tente de rétablir l’entente, conscient de la nécessité du soutien de son neveu pour l’obtention du galero. Cependant, dès 1487, Francesco II passe outre cette deuxième étape stratégique manifestée dans la chambre des époux, qui avait été mise en place par son grand-père, pour se reporter sur la troisième : il abandonne la campagne menée en faveur de Ludovico pour reporter les espoirs de la famille sur Sigismondo, son propre frère. Ce sont donc très clairement les marquis successifs qui règlent la stratégie familiale et qui ont le pouvoir de nouer et de dénouer les destins des membres de la famille Gonzague. L’absence de soutien de Francesco II à Ludovico et sa promotion active en faveur de son frère sont décisives. Ludovico se réfugie alors à la campagne et dans l’otium. Il ne meurt qu’en 1511, six ans après que son neveu a obtenu la pourpre cardinalice des mains de Jules II319. Quelques années plus tard, Federico II de Mantoue, le fils de Francesco II, œuvre grandement à l’élévation au cardinalat d’Ercole Gonzague, son frère cadet, en 1527, sur lequel il jouit lui aussi d’une autorité sans conteste320.

    166Si la tradition d’un chef de famille cardinal, ecclésiastique à tout le moins, chez les Colonna est pérenne au Quattrocento, celle d’un chef de famille laïc l’est tout autant chez les Gonzague. Quoi qu’en dise le jeune Giovanni de Médicis à son frère, il ne semble pas y avoir de séparation nette dans les familles aristocratiques entre les acteurs chargés des affaires séculières et ceux chargés des affaires ecclésiales. De la même manière que les cardinaux interviennent parfois dans les intrigues politiques des territoires que dirigent leurs parents laïcs, ces mêmes parents laïcs n’hésitent pas à intervenir auprès des cardinaux dans les questions bénéficiales. Le duc de Ferrare, Alfonso d’Este, demande par exemple à son frère, le cardinal Ippolito, de résigner en mai 1519 son archevêché de Milan en faveur de son fils, le neveu homonyme du cardinal321. L’homonymie semble indiquer elle-même qu’Alfonso nourrit une carrière ecclésiale pour son fils, qui devient en effet cardinal au début du pontificat de Paul III. De tels épisodes interviennent dans toutes les familles princières qui comptent un cardinal322.

    167Il n’est donc pas toujours aisé d’identifier les têtes pensantes des stratégies mises en place dans les familles aristocratiques qui comptent un cardinal. Elles se révèlent souvent être des œuvres collectives, mais tous les membres n’occupent pas le même rôle et, en outre, ils ne sont pas toujours au diapason. En 1521, Felice Della Rovere, la fille du pape Jules II, arrange un mariage pour sa propre fille, Giulia, avec le prince de Bisignano, Antonio Sanseverino. Elle joue à cette occasion de toute son influence auprès de Léon X pour obtenir le galero pour l’oncle homonyme de son futur gendre. Le pape Médicis consent à créer in petto Antonio Sanseverino. Cette action décisive de Felice provoque l’ire de son beau-fils, Napoleone Orsini, fils du premier lit du mari de Felice, Gian Giordano Orsini. Protonotaire apostolique depuis ses huit ou neuf ans, abbé de Farfa et de San Salvatore depuis 1512, Napoleone semblait promis au cardinalat et considère que la promotion d’Antonio Sanseverino annihile toute ses chances d’obtenir la barrette, Antonio Sanseverino occupant la place d’un cardinal Orsini dans le Sacré Collège. Baldassare Castiglione rapporte que Napolone renonce alors à l’état ecclésiastique et se retire au château familial de Bracciano d’où il manifeste un terrible mécontentement323. Les stratégies peuvent donc être contradictoires au sein d’un même lignage et les stratèges multiples. Par ailleurs, ce dernier exemple laisse entrevoir le rôle que peut tenir la fille d’un pape bien introduit dans le milieu curial.

    Des femmes stratèges

    168L’organisation de la stratégie au niveau du lignage fait en effet intervenir un dernier type d’acteurs, ou plutôt d’actrices : les femmes, dont le rôle actif dans les dynasties cardinalices a déjà été souligné à plusieurs reprises. Elles peuvent d’abord influencer leur mari. Laurent le Magnifique assure en février 1487 à Giovanni Lanfredini, son ambassadeur à Rome, qu’il est obligé de soutenir la candidature à la pourpre de son beau-frère, Rinaldo Orsini, car dans le cas contraire, il « aurait à supporter les instances continuelles et les reproches324 » de sa femme, Clarice Orsini.

    169Dans bien d’autres cas, les femmes jouent un rôle plus important encore. L’exemple d’Alfonsina Orsini, qui gère les affaires de la famille Médicis pendant presque un an, entre 1519 et 1520, avant de les transmettre à Léon X, vient d’être évoqué. Les sources laissent percevoir que les femmes des lignages auxquels appartiennent les cardinaux au Quattrocento jouent en certaines occasions, au gré des aléas politiques et démographiques, un rôle central dans les stratégies adoptées. Barbara de Brandebourg, la mère de Francesco Gonzague, influence la carrière de son fils de bien des manières : elle tente d’influencer Pie II pour qu’il obtienne la pourpre, en mobilisant notamment ses réseaux auprès de la cour impériale à cette intention ; après l’élévation de Francesco, elle envoie chaque année des éperviers en cadeau au vice-chancelier Rodrigo Borgia pour attirer ses bonnes grâces à l’égard de son fils ; elle s’inquiète aussi des conditions de vie de Francesco à Rome, le morigène lorsqu’il adopte un train de vie trop fastueux325. Ces exemples montrent la difficulté à distinguer ce qui relève du domaine privé de ce qui relève de la politique et l’un ne va pas sans l’autre.

    170Comme à l’égard de leur père, les cardinaux sont contraints d’observer une certaine piété filiale vis-à-vis de leur mère, qui peuvent agir en véritables chefs de famille. Lorsque Lucrezia Salviati rend visite à son fils, elle prend la tête de sa familia et dirige son palais. Des serviteurs de Lucrezia restent d’ailleurs de manière perpétuelle chez le cardinal et certains partagent leur service entre la mère et le fils : Honorato Bianchi fait à la fois office de chapelain pour Giovanni et de confesseur pour Lucrezia326. La mère assiste aussi le fils dans ses acquisitions immobilières, aussi achètent-ils en commun dès 1524 une vigna dans le Trastevere et en 1533 le palais de la Pénitencerie ; Lucrezia finit par s’installer définitivement chez le cardinal dans les années 1540327. Pierre Hurtubise, le meilleur spécialiste des Salviati, note que même si le cardinal Giovanni Salviati a une autorité et un prestige peu communs à l’intérieur de sa famille, il doit en partager la direction avec sa mère328.

    171Sphère privée et sphère publique sont encore une fois étroitement mêlées dans la vie des cardinaux du Quattrocento, et le rôle de Lucrezia ne se cantonne pas à la domesticité et à la maison. Pendant l’absence de son fils, c’est elle qui gère ses intérêts, notamment en matière de bénéfices. Elle s’occupe par exemple de l’affermage de l’évêché de Ferrare avant le départ de Giovanni pour l’Espagne en 1525329. Elle apparaît, par la correspondance qu’elle entretient avec son fils, comme l’un de ses principaux conseillers330. Ses lettres alternent entre les avertissements politiques et les conseils maternels. Le 20 octobre 1524, elle met en garde son fils contre sa trop grande familiarité avec son cousin Clément VII : « rappelle-toi de te montrer prudent dans tes écrits car tu montres tout à Sa Sainteté331 ». Le surlendemain, elle reprend la plume uniquement pour lui demander de se garder de l’humidité pendant la saison froide332.

    172Lucrezia Salviati joue un rôle d’autant plus important dans la famille qu’en plus d’être la mère du cardinal Giovanni, elle est la fille de Laurent le Magnifique, et donc la sœur de Léon X et la cousine de Clément VII. C’est elle qui arrange et impose le mariage en 1517 de sa troisième fille, Maria, avec Giovanni de Médicis, dit Jean des Bandes Noires333. Elle assure ainsi le futur de la famille, sans en avoir nécessairement conscience, puisque le fils de Maria et de Giovanni, Cosimo, devient duc de Florence et premier grand-duc de Toscane. Comme souvent, la pourpre cardinalice est adossée au mariage, et Giovanni Salviati obtient le galero le 1er juillet de la même année334. En contact direct avec les souverains pontifes Médicis, Lucrezia se passe volontiers de la médiation de son fils dans les affaires familiales. Le 27 juillet 1534, Clément VII promulgue un motu proprio qui attribue les biens confisqués à un marchand dénommé Bernardo à « sa très chère fille Lucrezia de Médicis, ma consanguine335 », sans qu’il soit question de son fils le cardinal.

    173Lucrezia veille avec soin au futur des deux familles : les Médicis comme les Salviati. Elle demande par exemple à Giovanni, dans son premier testament rédigé en 1538, d’acheter un office de secrétaire apostolique pour le bâtard d’Ippolito de Médicis, Asdrubale336. Pour autant, l’intérêt de ses propres enfants passe toujours en premier. Elle sert de trait d’union en donnant très régulièrement des nouvelles des uns aux autres. Elle instruit par exemple Giovanni des derniers événements qui ont touché ses deux sœurs, Elena et Luisa, dans une lettre du 10 octobre 1524337. Elle les exhorte aussi à la solidarité entre eux. Dans une missive du 13 mars 1525, elle recommande à Giovanni de prendre soin de son frère Bernardo qui vient d’arriver à Rome338. Elle fait d’ailleurs de ses fils ses principaux héritiers ; pas un n’est oublié : Giovanni et Bernardo, les ecclésiastiques, ainsi que Lorenzo et Alamano, les laïcs339.

    174Les sœurs des cardinaux peuvent également jouer un rôle important dans les stratégies de transmission adoptées par leur famille. Elisabetta Barbo, la sœur du cardinal Pietro Barbo, prend les rênes en 1462 d’une bonne partie du patrimoine familial à la mort de son frère aîné, Paolo, qui l’avait nommée exécutrice testamentaire. Deux ans plus tard, Pietro est élu pape sous le nom de Paul II et confie à son tour l’essentiel de ses biens personnels à sa sœur. C’est notamment grâce au soutien d’Elisabetta et à son action continuelle auprès du nouveau pontife que Giovanni Battista Zeno, son fils, et Giovanni Michiel, son neveu, accèdent à la pourpre le 21 novembre 1468340.

    175À la mort de Paul II, les Barbo doivent faire face à une violente attaque de la part du Conseil des Dix à Venise. La Sérénissime leur reproche d’avoir organisé un réseau d’espionnage sur la lagune et d’avoir divulgué ses secrets d’État auprès de la papauté. Giovanni Battista Zeno est le plus durement touché par l’accusation, Venise lui déniant la possession de son diocèse de Vicence et confisquant tous ses revenus ecclésiastiques sur la Terre Ferme. Sa mère, Elisabetta Barbo, apparaît alors dans les sources comme le « véritable moteur de la conjuration341 ». Le procès tenu à Venise conduit à l’exil en 1472 de tous les Zeno, les Barbo et de leurs parents les Trevisan et les Contarini. Contrairement à son fils qui finit par être gracié, Elisabetta est assignée à résidence pour le reste de sa vie, d’abord à Capodistria puis à Vicence en raison de l’avancée turque.

    176Le rôle des filles des cardinaux est moins évident. Pourtant, vingt et un cardinaux ont eu au moins une fille de manière certaine. Cette descendance, tout à fait légitime pour sept d’entre eux – elles sont le fruit d’unions antérieures à leur entrée dans l’Église –, est illégitime pour les quatorze autres, au sujet desquelles les sources restent en général assez silencieuses342. Les renseignements sur les filles des cardinaux qui deviennent papes sont plus nombreux. Les influences très différentes qu’elles ont pu avoir sur leur père sont certainement représentatives de la diversité des situations qui devait exister pour l’ensemble des cardinaux.

    177Certaines d’entre elles ne semblent pas jouer de rôle décisif dans les stratégies de transmission lignagère, ou alors elles occupent une place purement passive. Jules II prend plutôt garde à minorer l’influence de sa fille, Felice, dans la politique de sa parenté, même s’il peut s’appuyer sur celle-ci, en certaines occasions, dans son gouvernement343. Le pontife Della Rovere souhaite ainsi se démarquer de son prédécesseur, Alexandre VI, dont la fille, Lucrezia, joue au contraire un grand rôle au sein de la famille Borgia.

    178Les sources insistent régulièrement, parfois avec des intentions malveillantes et suggestives, sur les liens profonds qui unissent Alexandre VI à sa fille et sur l’influence que celle-ci peut exercer sur celui-là344. C’est en tout cas un amour paternel suffisamment fort pour que le souverain pontife associe son image à celle de sa fille dans les appartements Borgia du Vatican – comme il le fait pour ses fils et ses neveux cardinaux – en la faisant représenter sur les fresques qui en ornent les murs345.

    179Il est également intéressant de noter que certaines familles sollicitent Lucrezia, en raison de son influence auprès du Saint-Père, pour les aider dans leurs stratégies de transmission. Son rôle ne diffère pas de ce point de vue des hommes de la parenté346. Ainsi, Giovanni Sforza, le mari éphémère de la fille du pape, écrit le 24 mars 1495 à son allié, le marquis de Mantoue, qu’il pense envoyer sa femme après Pâques à Rome pour obtenir le galero pour Sigismondo Gonzague, « car personne d’autre qu’elle ne peut mieux arriver à cette fin347 ». L’entreprise échoue, mais Lucrezia ne s’avoue pas impuissante. Lorsque Sigismondo apparaît à nouveau en bonne position pour obtenir la pourpre en 1502, elle s’attribue un rôle dans cet état de fait auprès la marquise de Mantoue, Isabelle d’Este, sa nouvelle belle-sœur :

    J’ai appris […] la promotion à la dignité du cardinalat pour le révérendissime et illustrissime Seigneur protonotaire [Sigismondo] Gonzague, votre beau-frère. Moi-même, comme celle qui est désireuse d’obtenir des gratifications pour votre Illustrissime Seigneurie, et ce de tout mon cœur, j’ai écrit à un tel effet, de la manière la plus efficace, à la Sainteté de Notre Seigneur [Alexandre VI] et à l’illustrissime seigneur mon frère, duc de Romagne [Cesare Borgia] […]. S’il advient que je puisse faire autre chose agréable à Votre Seigneurie, qu’il lui plaise de me le faire savoir car elle me trouvera toujours des plus promptes à tous ses bons plaisirs348.

    180Il arrive donc que certaines femmes, comme Lucrezia Borgia, se retrouvent au centre de multiples relations de parenté avec des cardinaux et deviennent des interlocutrices de choix. Dans le même ordre d’idée, Giulia Farnèse, en tant que maîtresse d’Alexandre VI et sœur d’Alessandro Farnèse, jouit d’une influence au périmètre large349. Par exemple, elle n’hésite pas, le 14 août 1494, à écrire au Saint-Père pour obtenir des bénéfices pour son frère qui se trouve, selon elle, dans le besoin :

    M’ayant promis tant et plus que le cas se produisant d’un évêché [vacant] vous voudriez investir mon cher cardinal [Alessandro Farnèse], compte tenu de son état d’extrême nécessité car même moi je lui ai prêté plus que sa barrette, comme Votre Sainteté en est pleinement informée. Et ayant compris cela à présent il me semble par cette lettre [devoir] le rappeler à Votre Sainteté et la supplier qu’elle veuille faire selon ses promesses et ma ferme espérance en Votre Béatitude : que nous ayant déjà élevé de la terre voir jusqu’au sommet, qu’elle veuille nous persévérer en nous exaltant, lui certifiant que toutes nos ascensions seront celles des esclaves de Votre Béatitude, à laquelle je me recommande humblement350.

    181La requête de Giulia est explicite. Elle reconnaît que c’est par leurs relations avec Alexandre VI, notamment la sienne, que les Farnèse se sont élevés, avec elle, « de la terre voir jusqu’au sommet ». Il y a là un rapport de clientèle très fort puisque la famille du Latium est désormais l’obligée du Saint-Père.

    182Cependant, les femmes de la parenté des cardinaux et des papes ne se cantonnent pas à un simple rôle d’intercession. Elles peuvent également occuper le pouvoir. Ainsi, en août 1499, Alexandre VI n’hésite pas à confier le gouvernement de Spolète et de Foligno à sa fille Lucrezia351. Dans d’autres cas, les femmes prennent le pouvoir bien plus qu’on ne le leur donne. La correspondance foisonnante qu’entretenait Caterina Sforza permet de mieux percevoir sa place dans les intrigues politiques de sa famille. Elle occupe une position clef en tant que fille du duc de Milan, Galeazzo Maria Sforza, et femme de Girolamo Riario (1473), puis de Giovanni de Médicis (1497). Caterina est donc apparentée à de nombreux cardinaux : si l’on considère que Girolamo Riario est le neveu de Sixte IV, elle est sa nièce par alliance, mais aussi la nièce du cardinal Ascanio Maria Sforza, la cousine par alliance de Jules II, la belle-sœur de Pietro Riario, la tante de Raffaele Sansoni Riario et la lointaine cousine par alliance de Giovanni de Médicis, pour ne citer que les liens de parenté les plus évidents352. Son parcours individuel est bien connu et a suscité de nombreux travaux au cours des dernières décennies353. Si elle doit composer avec les rameaux Della Rovere dans les équilibres de sa famille, elle participe activement aux destinées des Riario, en particulier entre la mort de son premier mari, Girolamo, comte d’Imola, en 1488, et sa propre capture par Cesare Borgia en 1499.

    183La comtesse d’Imola jouit en effet d’un caractère très affirmé qui se manifeste bien avant la disparition de son époux. À la mort de Sixte IV, oncle de Girolamo, le 12 août 1484, elle tient pendant plusieurs jours le château Saint-Ange alors qu’elle en est à son septième mois de grossesse. Elle acquiert par ce fait d’armes la réputation d’une femme forte, au comportement viril, dont elle joue d’ailleurs elle-même puisqu’elle se serait écriée en prenant le château Saint-Ange, selon une lettre de Guidantonio Vespucci à Laurent le Magnifique : « j’ai la cervelle du duc Galeazzo [son père] et je suis formidable [fantastica] comme lui354 ». L’éloge qu’en fait Guichardin à l’occasion de la prise de Forlì par Cesare Borgia en 1499 est lui aussi édifiant :

    Mais comme elle était la seule à faire preuve d’une âme virile au milieu de tant de défenseurs pourvus d’une âme féminine, le Valentinois, à cause de la lâcheté des capitaines qui se trouvaient là, l’emporta bien vite. Considérant davantage la valeur de cette dame que son sexe, il l’envoya prisonnière à Rome355.

    184Cette image est largement reprise dans l’historiographie contemporaine, à tel point qu’Ernst Breisach intitule la biographie qu’il lui consacre en 1967 A Renaissance virago356. Le pouvoir traditionnellement masculin dont elle s’investit elle-même lui permet de s’insérer dans les stratégies du lignage, notamment en matière de bénéfices. Malgré le refroidissement dans les relations qui l’unissent à Raffaele Riario après l’assassinat de son deuxième mari, Giacomo Feo, elle veille en 1495 à ce que le cardinal, qui est alors sérieusement malade, lègue deux abbayes à Cesare Riario, son fils ; elle passe alors par son oncle, le duc Ludovic le More, pour faire pression sur son neveu357.

    185Les femmes apparentées à des cardinaux jouissent donc souvent d’une grande autorité dans leur famille et sont parties prenantes dans les stratégies qui y sont établies. Néanmoins, ces femmes doivent partager le pouvoir décisionnaire avec les hommes du lignage, qu’il s’agisse de leur fils, de leur neveu, de leur frère, de leur père, de leur oncle, de leur mari ou de leur amant.

    * * *

    186Aucune règle absolue dans l’identité des stratèges qui régissaient les processus de transmission des biens et des pouvoirs des cardinaux ne semble se dégager. Le rôle des sénateurs de l’Église eux-mêmes apparaît évidemment comme primordial, mais plusieurs membres de leur famille ont pu jouer un rôle plus ou moins grand dans les stratégies mises en place, sans compter l’interventionnisme du souverain pontife. De même, les cibles de ces stratégies peuvent être évolutives, les acteurs n’hésitant pas à rabattre leurs espoirs sur tel ou tel membre de leur famille au gré des aléas démographiques et sociopolitiques. Si le terme de stratégie semble convenir, il ne signifie en aucun cas que les acteurs avaient une conscience toujours parfaite du contexte dans lequel ils inscrivaient leurs actions. La perpétuation d’une dynastie cardinalice tient peut-être autant à la capacité d’adaptation des familles aux situations mouvantes et aux équilibres instables de la péninsule italienne et de la Rome pontificale du Quattrocento qu’à leur opiniâtreté stratégique. Il est donc nécessaire pour étudier ces phénomènes de procéder, là encore, au cas par cas, chaque situation se présentant dans les sources sous des aspects très différents.

    187Ce chapitre a cependant permis de dégager quelques invariants qui comptent, comme toujours dans l’étude des phénomènes sociaux, quelques exceptions. 1o Les cardinaux ont tendance à transmettre leurs biens et leurs pouvoirs ecclésiastiques à un potentiel successeur de leur vivant. Lorsque la mort arrive, il semble déjà trop tard pour qu’un porporato puisse sereinement envisager le legs de ses bénéfices, de ses titres et des biens qui y sont afférents. 2o La mort du cardinal, préparée de manière minutieuse pour se prémunir du pouvoir pontifical, constitue au contraire le moment idoine pour exfiltrer des biens matériels de la structure ecclésiale. Ils ne sont pas alors destinés à un successeur ecclésiastique mais à la famille du porporato dans le siècle. Ces règles doivent être lues à la lumière du caractère profondément éphémère du pouvoir ecclésiastique : lorsque le cardinal meurt, rien ne subsiste de son autorité et de son pouvoir puisqu’il n’a en théorie aucun héritier358.

    188La théorie et la pratique sont cependant deux choses bien distinctes dans la Curie du Quattrocento, et il a été montré que les héritiers peuvent être dans la réalité nombreux. Ces derniers n’apparaissent pas uniquement comme des individus passifs lors de ces transitions, mais peuvent au contraire jouer un rôle majeur. Les dynasties cardinalices doivent donc être étudiées non seulement comme le résultat de transmissions, mais également comme une succession. La revendication d’un lien familial par un héritier peut en effet être aussi forte que la transmission organisée par un testateur.

    Notes de bas de page

    1Érasme, Adages, III, p. 125.

    2Varanini 2017 dresse un bon état de la question.

    3Viazzo – Lynch 2002.

    4Bourdieu 1972 ; Bourdieu 1994, dans un numéro intitulé Stratégie de reproduction et transmission des pouvoirs.

    5Bourdelais – Gourdon 2000, p. 29 ; Lett 2013, p. 350-351. Pourtant, Claude Levi-Strauss ne considère pas les deux approches comme contradictoires : Lévi-Strauss 1983, p. 1230.

    6Moen – Wethington 1992, p. 233. Cité dans Engelen 2002, p. 453, qui discute ensuite de cette idée.

    7Viazzo – Lynch 2002, p. 450.

    8Par exemple, Fontaine 1992 ; Les réseaux de parenté 1995, part. Fontaine 1995 et Duhamelle 1995 ; Aurell 2013. Sur l’usage de ce concept par la microhistoire : Rosental 2000 ; Levi 1989, chap. 2 et 3.

    9Par exemple, Aurell 2013.

    10Par exemple, Visceglia 1988, part. chap. 1.

    11Bresc 1980, part. p. 52-55 ; Varanini 2017.

    12Levillain 1988, part. p. 375 ; Chaline 1996, part. p. 113 ; Minvielle 2010, part. p. 29-30. L’International Review of Social History a publié en 2002 un dossier thématique de débats qui reprend de manière stimulante la plupart des accusations portées contre le concept de stratégies familiales : Family strategies 2002. Par exemple, Engelen 2002 ne nie pas l’apport du concept dans les dernières décennies, mais il propose de l’abandonner car il poserait désormais plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. Au contraire, Kok 2002 s’oppose aux théories d’Engelen et incite plutôt à en faire usage avec certaines précautions.

    13Schapira – Ribard 2013.

    14Engelen 2002, p. 456.

    15Ce chapitre en donne plusieurs exemples infra.

    16Sur le concept de « stratégies familiales adaptatives » : Moen – Wethington 1992.

    17Viazzo – Lynch 2002, p. 450-451.

    18Si la paternité de cette expression lui est attribuée, celle-ci n’a pas été retrouvée dans son œuvre. Néanmoins, l’idée présente derrière cette expression est bien explicitée dans ses travaux et illustre son concept d’habitus : Bourdieu 1980, p. 119.

    19Varanini 2017, p. 367.

    20Ibid., p. 378.

    21Ces deux exemples sont tirés de Bizzocchi 1984, p. 271.

    22Varanini 2017, p. 385.

    23Carocci – De Vincentiis 2017, p. 22.

    24Nassiet 2000, p. 45.

    25Viet 1964, p. 18 ; A. Esposito, Forteguerri, Niccolò, dans DBI 49.

    26Voir supra, chap. 3, n. 30.

    27Reinhard 2000, p. 272.

    28Hollingsworth – Richardson 2010, p. 4. Il faut certes se garder de tout fonctionnalisme. Certains historiens modernistes remettent d’ailleurs en cause ce déterminisme : Bourquin 2010 ; Roger 2013. Pour une synthèse sur cette question : Ruggiu 2010, p. 245.

    29Goldthwaite 1993, p. 126. L’auteur y compare l’Église à une « proie » pour les familles aristocratiques italiennes. Il souligne que la présence d’un membre de la famille dans les hautes sphères de l’Église au XVIIe siècle est devenue un marqueur de noblesse ; il me semble que ce phénomène trouve son origine dès le XVe siècle. Voir aussi Chittolini 1986a ; Varanini 2017, p. 383. L’exemple vénitien est particulièrement bien étudié par Del Torre 2010, p. 63-128.

    30Pellegrini 2002a, I, p. 1-12.

    31Hollingsworth – Richardson 2010, p. 8 ; Varanini 2017, p. 366.

    32Tallon 2009a.

    33Il faut citer par exemple Ferdinando Ier de Médicis, le bâtisseur de la Villa Médicis à Rome, promu cardinal-diacre en 1563. Quatrième fils de Cosimo Ier, il n’a donc a priori aucun rôle majeur à jouer dans la lignée : l’aîné, Francesco Ier, est devenu grand-duc de Toscane en 1574, à la mort de son père, et le second, Giovanni, est cardinal. Ce dernier meurt en 1562 ; Ferdinando le remplace alors comme cardinal. Mais, en 1587, c’est au tour de Francesco Ier de disparaître, le troisième fils étant mort avant d’avoir atteint l’âge adulte ; Ferdinando doit alors succéder à son frère aîné comme grand-duc de Toscane. Il n’abandonne d’ailleurs son titre de cardinal que deux ans plus tard, en 1589, quand il se marie à Christine de Lorraine pour assurer la descendance de la lignée. E. Fasano Fuarini, Ferdinando I de’ Medici, granduca di Toscana, dans DBI 46.

    34Carocci 1999, p. 105-106.

    35Pellegrini 2017, p. 218.

    36Hurtubise 1985, p. 345.

    37ASF, Strozzi, I, 37, no 19 : « Magnifico Cognato, Con molto mio piacere ho la vostra di .ii. di questo, vedendo che havete pigliato il rimandare di leone per quel modo et verso che si doveva, l’amor ch’io vi porto e desiderio ch’io tengo di beneficiare vostri figlioli et voi insieme. Lo sapete come me, et se ben non si è fatta bona electione in leone, habbiamo a rengratiare dio che ce ne ha fatto acorgiere si in tempo che con benedetto si potra benissimo rimediare a tutto, et per me ne ho sempre sperato bene, et più ne spero hora che vos mi dite haver inclinatione ale vostre, et voglia de imparare, state pur di bona voglia che non se li mancara d’ogni diligentia, per farlo huomo da bene, et sara di sorte et presto che quellaltro li sara ad andare con la beretta in mano. »

    38Ibid. : « Che Leone habbia mostrato malcontentezza del suo ritorno con voi [?], puo essere, et ragionevolmente ne doveria star malcontento tutto il tempo di sua vita, ma di qua non ne mostro mai segno, anzi li parve milliori a partir di qua, che se havesse conosciuto in lui qualche reconoscimento et che havesse possuto pigliare un poco di speranza di lui che se havesse ad emendare, certo non lo rimandavo per questa volta, ma come dico ne mostro sempre grandissima allegria faccia pur bene costi et in vita seculare, che alla ecclesiastica, non è sara mai buono, per quanto io posse comprendere. »

    39McClung Hallman 1985, p. 111.

    40Baldassare Castiglione, Il libro del cortegiano, p. 39. Traduction française dans Baldassare Castiglione, Le livre du courtisan, p. 37-38.

    41Chambers 1992, p. 4. Sur les motivations de Pie II pour le nommer cardinal à un âge si précoce, voir supra, chap. 3, n. 243.

    42Signorini 1985, p. 34-36 ; Chambers 1992, p. 50.

    43McClung Hallman 1985, p. 111.

    44Sur les relations entre les Colonna et les Borgia : Rehberg 2001.

    45F. Petrucci, Colonna, Marcantonio, dans DBI 27.

    46Paul Jove, De vita, p. 160 : Iam enim Ioannes frater cardinalis Alexandro morte sublato e Sicilia redierat, erantque illi sacerdotia perampli reditus quae omnia senescente patruo Pompeius iuvenis ad corroborandam redivivis opibus familiae dignitatem excepturus esse videretur. Verum ille ab ingenio plane militari, uti bellicae laudis quam sacrae dignitatis avidior, vix auribus patrui consilium admittebat, utpote qui speraret postquam militiae rudimenta initiaque secundissime provenissent, maioribus suis se pari cum laude successurum, qui familiae opes armis enitendo contendendoque amplificasse, et militaribus imperiis atque honoribus virtute partis insignem gloriam Columnio nomini quaesivisse videbantur. Sed eo acrius renuentem urgebat Prosper & severe admodum castigabat, quod Marcellus & Iulius natu maiores fratres iam uxores duxerant, & Octavianus pariter connubio ex usu factionis opportune quaesito, operam liberis esset daturus. Je me suis appuyé, pour ma traduction française, sur la traduction italienne qui a été faite de cette œuvre huit ans après sa première publication : Paul Jove, Le vite, p. 361-362.

    47Paschini 1955, p. 7-30.

    48T. C. Price Zimmermann, Giovo, Paolo, dans DBI 56.

    49F. Petrucci, Colonna, Pompeo, dans DBI 27 ; Consorti 1902, p. 14 sq.

    50Paul Jove, De vita, p. 160 : Per hunc modum obstinato animo sacerdotales honores repudianti per quietem apparuit et Hieronymus pater, minaci & severa fronte acribus itidem castigans verbis, & dextra quatiens flagellum, et scilicet nudum vehementissime percussurus, ni extemplo propinquorum iussis obtemperaret, atque ut in fatis esset sacris initiaretur. Itaque Pompeius post multos aestus fluctuantis animi, quum paterno ostento & patruorum imperiis parendum foret, valde maestus, & reluctante quidem genio protonotarius creatur ; superinductaque lintea striata stola apud Ioannem cardinalem patruum familiae magister est effectus.

    51Pompeo se démarque notamment pendant les épisodes qui entourent le sac de Rome de 1527, pendant lesquels il perd sa barrette pour quelques mois : Serio 2008, part. p. 302-318.

    52McClung Hallman 1985, p. 111.

    53G. Brunelli, Grimani, Marino, dans DBI 59.

    54Ferrajoli 1984, passim.

    55Hollingsworth 2020a.

    56Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 26-28.

    57Ibid., II, p. 377, 408.

    58Ibid., II, p. 373, 401.

    59Voir infra, fin de la section Le détournement dynastique des bénéfices.

    60Concile de Latran III, canon 8, dans Alberigo 1994a, p. 464-465.

    61Prosperi 1986, p. 237.

    62Centa 2004, I, p. 9.

    63Sur les deux premiers moyens, voir supra, chap. 1, section La diversité des sources de revenus.

    64Clergeac 1911, p. 48-49.

    65McClung Hallman 1985, p. 118 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 168 et 274.

    66Caron 1946, p. 181-182.

    67Ibid., p. 192.

    68Centa 2004, I, p. 13-18. L’essentiel du paragraphe qui suit est tiré de ce passage, qui constitue une bonne synthèse sur ce sujet.

    69McClung Hallman 1985, p. 48, montre que la part de ceux qui se réservaient l’intégralité ou une partie des revenus dans le cas des résignations cardinalices était très variable d’une année sur l’autre au début du XVIe siècle.

    70Caron 1946, p. 328-330.

    71McClung Hallman 1985, p. 33.

    72Ces différents types de regrès sont particulièrement répandus sous le pontificat de Léon X : Caron 1946, p. 340-341.

    73Caron 1946, p. 323-326.

    74Ibid., p. 334-335.

    75ASC, AO, II.A.16, parch. 22.

    76AAV, AA, arm. L, reg. 8, fol. 150r-154v.

    77Concilium Tridentinum 1930, p. 137 : Nam cum lege cautum sit, beneficia testamento legari non posse, cum non sint testatoris sed ecclesiae, et ut res haec ecclesiastica servaretur communis bonorum omnium, non autem fieret private cuiuspiam : invenit humana non tamen christiana industria plurimos modos, quibus huic legi illudatur. Nam fiunt renuntiationes episcopatuum aliorumque beneficiorum primo cum regressu; addunt reservationem fructuum, addunt reservationem collationis beneficiorum; insuper cumulant reservationem administrationis faciuntque hoc pacto episcopum, qui nullum ius habet episcopi ; alterum vero, cui iura omnia episcopi competant, non tamen episcopum. Videat Sanctitas Tua, quo processit assentatoria illa doctrina, qua tandem effectum est, ut id liceat, quod libeat. Quid, quaeso, est hoc nisi haeredem beneficii sibi constituere. Alius praeter hunc inventus est dolus, cum sc. coadiutores dantur episcopis petentibus minus idonei quam ipsi sint, ita ut, nisi quispiam claudere oculos voluerit, liquido videat haeredem ea ratione institui.

    78AAV, AA, arm. XL, reg. 7, fol. 209r. Relevé notamment dans McClung Hallman 1985, p. 73.

    79Revest 2021, p. 214-217.

    80Leonardo Bruni, Lettres familières, I, p. 228-231.

    81Ibid., I, p. 230-231.

    82Philippe de Commynes, Mémoires, II, p. 113.

    83AAV, AC, 1, fol. 27v et 47v.

    84Ibid., fol. 78r, 100r et 87v, 109v.

    85Ferrajoli 1984, p. 324-327.

    86Ibid., p. 327-329.

    87Kidwell 2004, p. 257.

    88Peut-être que ce Niccolò était un parent du cardinal Peter von Schaumberg (1439-1469), mais aucun élément ne permet de le confirmer avec certitude.

    89Kidwell 2004, p. 257 ; M. Cerroni, Gualteruzzi, Carlo, dans DBI 60.

    90Kidwell 2004, p. 258.

    91Bullarum privilegiorum 1741, p. 92-93.

    92Kidwell 2004, p. 258.

    93Ferrajoli 1984, p. 327-329.

    94Centa 2004, II, p. 1321-1345.

    95Ibid., I, p. 33.

    96Ibid., I, p. 10.

    97A. Meyer, Nikolaus V. Constitutiones sive regule Cancellarie sanctissimi domini nostri domini Nicolai pape quinti, 2016, p. 53-54, en ligne : www.uni-marburg.de/de/fb06/mag/institut/prof-dr-andreas-meyer/kanzleiregeln.

    98A. Meyer, Sixtus IV. Regule, ordinationes et constitutiones Cancellarie sanctissimi domini nostri domini Sixtii divina providentia pape IIII scripte et correcte in Cancellaria apostolica, 2016, p. 163-167, en ligne : www.uni-marburg.de/de/fb06/mag/institut/prof-dr-andreas-meyer/kanzleiregeln.

    99McClung Hallman 1985, p. 47.

    100Centa 2004, I, p. 38-45.

    101Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 473.

    102Eubel 1914, II, p. 95 et 249 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 311.

    103Norman 2010, p. 78 ; voir aussi supra, n. 58.

    104Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 476.

    105F. Petrucci, Carafa, Vincenzo, dans DBI 19.

    106Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 238.

    107Aldimari 1691, p. 69 ; Becker – Weber 1999-2002, II, p. 460, et III, p. 192.

    108Eubel 1914, II, p. 159 et 220 ; Becker – Weber 1999-2002, III, p. 192 et 199.

    109Aldimari 1691, index ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 97.

    110Voir notamment l’exemple des stratégies successorales mises en place par Lorenzo Campeggio dans McClung Hallman 1985, p. 114-117. Domenico Grimani compte également parmi les cardinaux qui résignent le plus en faveur des membres de leur famille : S. Miranda, The cardinals of the Holy Roman Church, en ligne : https://cardinals.fiu.edu/bios1493.htm#Grimani.

    111S. Miranda, The cardinals of the Holy Roman Church, en ligne : https://cardinals.fiu.edu/bios1527-iv.htm#Cornaro. Le cardinal Francesco Corner est par ailleurs cardinal-évêque dans plusieurs diocèses successifs.

    112Clergeac 1911, p. 50.

    113Guenée 1963, p. 175-177. Les réflexions sur le cumul, p. 179-181, ou sur l’affermage des offices, p. 183, paraissent également former d’excellents points de comparaison.

    114Sur la vénalité de la fonction cardinalice, voir supra, chap. 1, fin de la section Une aristocratisation du Sacré Collège ?

    115Centa 2004, I, p. 25.

    116La plupart des considérations exposées dans cette section ont été publiées dans Dufouleur 2022a.

    117Sur le poids symbolique de la maison dans l’identité d’un lignage : Klapisch-Zuber 1990, p. 26-27.

    118Voir supra, chap. 1, début de la section Une hiérarchie patrimoniale.

    119Bullarium romanum 1638, p. 309-310. Selon les éditions, la bulle est datée de 1474 ou 1475. Les éditions du Bullarum diplomatum 1860, p. 226-229, et de Müntz 1882, III, p. 180-181, affirment qu’elle date de 1475. Au contraire, l’édition du Bullarium romanum 1638, p. 309-310, ainsi que Frommel 1985, p. 81, et Aurigemma – Cavallaro 1999, p. 12, affirment qu’elle date de 1474. Simoncini 2004b, p. 264, tranche en faveur de 1474 en s’appuyant sur le Bullarium Romanum de 1638. En outre, il fait le point sur les différences entre le texte établi par le Bullarium romanum et celui édité par E. Müntz et donne une traduction italienne de la bulle, p. 264-267.

    120Liberale Gatti 1979 ; Liberale Gatti 2003, p. 87-90. Dans ce cas précis s’ajoute le problème de la propriété voisine des Colonna : Finocchi Ghersi 1992b.

    121Bullarium romanum 1638, p. 309-310.

    122Gigli 2015, p. 12.

    123Sur les spoliations pontificales, voir infra, n. 146-147.

    124BAV, Vat. Lat., 7971, fol. 31.

    125Ce n’est pas un cas isolé. Giovanni Castiglione réforme par exemple le collège Castiglione fondé à Pavie par son oncle Branda Castiglione : F. Petrucci, Castiglioni, Giovanni, dans DBI 22 ; Nowak 2011.

    126Eula 1988, p. 129-130 ; Gigli 2015, p. 13-14.

    127Les héritiers séparent le palais en plusieurs parties : Eula 1988, p. 120-121.

    128Sur les débats autour de la date de début du chantier : Benzi 1990, p. 139 ; Bentivoglio – Valtieri 2019, p. 12.

    129Russo 1978, p. 385 ; Palazzo Venezia 1980, p. 180-181 ; Benzi 1990, p. 139-144 ; Bentivoglio – Valtieri 2019, p. 30.

    130Marcora 1956, p. 325-326 ; Russo 1978, p. 387, et surtout Bentivoglio – Valtieri 2019, en particulier l’acte de donation, p. 91-92.

    131Richardson 2003, p. 609.

    132Richardson 1998, p. 207.

    133Ibid. : Et quoniam cum germanis meis dominis Jacobo et Andrea Piccolomineis ob donationem domus meae in urbe, de qua inferius dicetur conveni ut aureos mille pro mea voluntate exponant volo ut cum primum domus ipsa in eorum potestatem devenerit de fructibus dictae domus florenos auri qui quingentos persolvant in emendis bonis immobilibus pro dote unius cappellae erigendae Romae in ecclesia mea S. Eustachii ex quorum fructibus deputetur unus cappellanus perpetuus qui ter in hebdomada celebret Missas in dicta ecclesia pro anima D. Pii et mea et intersit omnibus horis divinis in choro ut alii Canonici in diebus Dominicis et festivis tantum. Sur la chapelle de Sant’Eustachio : Richardson 2010. Sur la sépulture de Pie II dans la chapelle Saint-André de la basilique Saint-Pierre : Montini 1957, p. 285-289 ; Requiem Projekt, en ligne : http://requiem-projekt.de/db/suche.php?function=b_ausgabe&grabmalID=367.

    134Hibbard 1961, p. 290.

    135Richardson 1998, p. 195 ; Richardson 2009, p. 429.

    136Encore que les dernières volontés des papes ne soient pas toujours respectées scrupuleusement lors des interrègnes et sous leurs successeurs, en particulier à la mort de Pie III : voir infra, n. 188.

    137Sur la vie et le testament de Domenico Della Rovere : Aurigemma – Cavallaro 1999, p. 1-14.

    138Sur les liens entre Santa Maria del Popolo et les Della Rovere, voir infra, chap. 5, seconde partie de la section La spatialisation des morts ou la perpétuation de la dynastie. Sur la restauration de Santo Spirito in Sassia et son cycle pictural : De Angelis 1962 ; Lee 1978, p. 138 sq. ; Cassiani 2000.

    139Tenivelli 1789, p. 178 : Item voluit, et ordinavit quia de dicta domo fecit tres partes, et eas diversis locis legavit, ut supra patet, quod in dicta domo super dictis tribus partibus sint tres camerae honestae cum una parte cellarii, sive cantinae semper praeparate et expeditae pro illis de domo sua de Ruvere si voluerint moram facere in curia Romana.

    140Ibid. : Et voluit idem testator, et ordinavit, quod si sit aliquis praelatus de dicta domo de Ruvere de dictis castris Vicinovi, Rivalbae, et Cinzani, qui pro tempore voluerint totam domum tenere, redendo censum ecclesiae, et fratribus sanctae Maria de populo, et hospitali sancti Spiritus et capitulo sancti Petri praefatis.

    141Il reste un cardinal logé dans le Campo Marzio, un dans Colonna et un à Pigna : Lee 1978, p. 357-358.

    142Troadec 2020, p. 358-370.

    143Uginet 1977, part. I, p. 85-103. Pour un autre exemple de transmission palatiale réussie au début du Cinquecento : Lowe 1991. Mais Francesco Soderini mène une politique immobilière active bien avant son élévation à la pourpre en 1503.

    144Alberigo 1994a, p. 472-473.

    145Paravicini Bagliani 1980, p. xlv ; Nicolai 2020, p. 294.

    146Richardson 2009, p. 429.

    147Paravicini Bagliani 1980, p. xlvi et lxi.

    148Sur la chronologie de l’apparition de la licentia testandi : Paravicini Bagliani 1980, p. xliii-lxv, part. p. xliii-xliv.

    149Nicolai 2020, p. 295.

    150Soldi Rondinini 1973, p. 75 : LVIII Questio – An dominus cardinalis possit testari sine licencia domini nostri pape. Respondeo non de consuetuedine.

    151Paravicini Bagliani 1980, p. xliii-xliv.

    152McClung Hallman 1985, p. 80, 86-87.

    153Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 320 : Defunctus est hic cardinalis absque eo quod testamentum condiderit ; propterea omnia bona sua, qualiacumque fuerunt, SS. D. N. presentata fuerunt ascendentia ad valorem, ut vulgo dicebatur, centum millium ducatorum, quorum xxxvi vel circiter xl millia fuerunt in pecunia numerata, residuum in argentis, libris et lapidibus preciosis, pannis de rascia et aliis.

    154De Angelis 1962, p. 351-357. Toutefois, Niccolò Forteguerri a déjà disposé de plusieurs de ses biens, quelques jours avant sa mort, envers ses parents et il était mort intestat : Beani 1891, p. 60.

    155Par exemple la confiscation de l’héritage de Pompeo Colonna : McClung Hallman 1985, p. 88.

    156Antonio Giustinian, Dispacci, I, p. 474 : « Questa mattina, a bon’ ora, che non era apena zorno, don Anzolo Michiel, nipote del reverendissimo cardinal Sant’ Anzolo [sic, erreur de l’éditeur], piangendo venne a farmi intender che questa notte, circa le 3 ore, el reverendissimo cardinal suo barba inopinatamente ha resa l’anima al Signor Dio […]. El ditto me ha riferito che da due zorni in qua li era zonto un destemperamento de stomego con gran vomito, et anche un poco di flusso: el sospetto è grande ch’el sia sta’ avvelenato, et non mancano evidente conietture. Subito in quel punto el Pontefice l’intese, mandò el governator a casa, et avanti che fosse zorno la casa fo tutta svalizata. La morte di questo cardinal li dà più di 150,000 ducati, tra denari, argenti et altre tapezzarie de casa. »

    157Ibid., I, p. 478-479.

    158Soranzo 1962, p. 269-273 ; McClung Hallman 1985, p. 80-81 ; Jestaz 1986, p. 14-15.

    159Correspondance des Borgia 2013, p. 142-143.

    160Pie II, I commentarii, II, p. 2376-2377 : Cum rogaretur testamentum facere : « Animam » inquit « meam Deo relinquo : Pio pontifici corpus et haec quae vocantur saeculi bona. Ipsi familiae curam et sepulturae meae committo ». […] Pius exequias cardinale dignas amico peregit et familiae curam suscepit.

    161Juan López fait de même vis-à-vis d’Alexandre VI lorsqu’il meurt le 5 août 1501 : Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 295. McClung Hallman 1985, p. 81, donne également l’exemple du cardinal Sigismondo Pappacoda, mort le 3 novembre 1536.

    162Je remercie André Moutinho Rodrigues d’avoir attiré mon attention sur ce point et sur la supplique présentée par le cardinal Antão Martins de Chaves au pape Eugène IV pour obtenir une licentia testandi le 16 août 1441 : AAV, Reg. Suppl., 375, fol. 152r. Voir Paravicini Bagliani 1980, p. l, pour le XIIIe siècle.

    163Pour un exemple de bulle : ASMan, AG, D. 333, no 3 ; pour un exemple de bref : ASMas, Arch. Innocenzo Cybo, 9, fasc. 9.

    164Par exemple, le bref qui enregistre la licence testamentaire de Jean Jouffroy accordée par Pie II, en 1460 (AAV, Reg. Vat., 490, fol. 116r), ou celui qui consigne la licence testamentaire octroyée à Giacomo Tebaldi par Paul II, en 1466 (AAV, Reg. Vat., 525, fol. 212v), ou encore celui qui acte la licence donnée par Sixte IV au cardinal Luis Juan de Milá (AAV, Reg. Vat., 599, fol. 118v-120r). Selon Paravicini Bagliani 1980, p. xlviii, cette pratique remonterait à Nicolas III.

    165Pour le formulaire utilisé aux XIVe et XVe siècles : Paravicini Bagliani, p. liv ; celui-ci remonterait à Nicolas III. Des évolutions importantes dans les licentiae testandi octroyées à Sigismondo Gonzague et à Innocenzo Cybo peuvent par exemple être relevées.

    166Marx 1906, p. 226. C’est déjà le cas dans les testaments du Duecento : Paravicini Bagliani 1980, p. xci.

    167Le testament, et donc la licence testamentaire, sont édités dans Denfile – Ehrle 1900, p. 496-512. La licence testamentaire est reproduite précisément p. 497.

    168McClung Hallman 1985, p. 82, affirme que cette licence est rare pour la période qu’elle étudie (1492-1563).

    169Denfile – Ehrle 1900, p. 497 : Disponendi libere de omnibus bonis ad te pertinentibus cuiuscumque quantitatis seu valoris fuerint, etiam si illa ex proventibus ecclesiasticis seu ecclesis tibi commissis.

    170Girgensohn 2020, p. 594-595 : Errogandi et disponendi libere et prout tibi videbitur de omnibus bonis tuis, tam patrimonialibus quam ecclesiasticis et per tuam industriam vel alias aquisitis quocunque iure.

    171Voir supra, chap. 1, n. 353.

    172Paravicini Bagliani 1980, p. lvi-lviii.

    173La licence d’Innocenzo Cybo est conservée à l’ASMas, Arch. Innocenzo Cybo, 9, fasc. 9.

    174Denfile – Ehrle 1900, p. 497.

    175McClung Hallman 1985, p. 83.

    176ASMan, AG, D. 333, no 3.

    177Nicolai 2020, p. 295.

    178Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 237 : Die jovis, nona presentis mensis, infirmum et valde debilem se sentiens, supplicari fecit SS. D. N. pro licentia testandi, quam SS. D. N. sibi negavit : quo non obstante, idem Ulisbonensis testatus est eadem die.

    179Voir supra, n. 159.

    180Chambers 1998, p. 101.

    181BAV, Urb. Lat., 1016, fol. 218r : Papa autem ut illum in vita sic et in morte dilexisse se demonstravit. David S. Chambers cite également ce passage en se fondant sur un autre manuscrit dont la transcription est un peu différente : Chambers 1998, p. 102.

    182Sur la spoliation du vice-chancelier milanais : Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 485.

    183Pellegrini 2002a, I, p. 403. p. 847-851.

    184F. Petrucci, Cybo, Innocenzo, dans DBI 25.

    185ASMas, Arch. Innocenzo Cybo, 9, fasc. 9 : Cum tu qui secundum carnem nepos noster charissimus de bonis tuis ecclesiasticis et prophanis libere disponere posse desideres, nos tuo honesto et pio desiderio huiusmodi benigne annuere.

    186Paravicini Bagliani 1980, p. xlix-l.

    187Richardson 2009, p. 429.

    188Richardson 1998, p. 195.

    189Cela semble déjà être le cas au XIIIe siècle : Paravicini Bagliani 1980, p. lx.

    190Richardson 2009, p. 431-433.

    191Soranzo 1962, p. 269.

    192Paravicini Bagliani 1980, p. xlix-l, indique en effet que ce n’était pas nécessaire au XIIIe siècle, et Kistner 2019, p. 225, que cela ne semble pas l’avoir été davantage au XIVe siècle.

    193Pedro González de Mendoza, Testamento, p. 5 : « E queriendo proceder á disposicion de testamento e ultima voluntad e adistribución de nuestros bienes e para ello usar como por la presente usamos de la facultades apostolicas a nos concedidas ».

    194D. Gonzalez Nieto, Pedro González de Mendoza, dans Real Academia de la Historia, Diccionario biográfico electrónico, en ligne : http://dbe.rah.es/biografias/11043/pedro-gonzalez-de-mendoza.

    195Pedro González de Mendoza, Testamento, p. 25.

    196Ibid., p. 5-6 : « Por virtud de la quales facultades bullas e breve e de cada una de ellas e en la mejor forma e manera que podemos e de derecho devemos ordenamos e mandamos que […]. »

    197Partner 2000, p. 210.

    198Soldi Rondinini 1973, p. 26.

    199Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 41 : Item, quod bona cardinalium et religiosorum aliorumque prelatorum nec non omnium curialium seu cortesanorum in romana curia decedentium nullo modo occupabit vel occupari faciet quacumque ratione vel causa, sed permittet, juxta juris dispositionem vel consuetudinem et concessam facultatem et privilegia ac voluntatem decedentium, ut iidem decedentes de bonis ad ipsos quoque modo pertinentibus, prout eis placuerit, disponant, liceatque eis, absque alia licentia obtenta, condere testamentum libere et expedite, non obstante bulla alias super hoc in favorem cruciate edita ; […] imo volet ut sit liberum eisdem cardinalibus etiam religiosis de iisdem proventibus et juribus testari et disponere ac facere prout eis videbitur ; et si eos intestatos decedere contingat, permittet quod jura et proventus hujusmodi eisdem decedentibus debita transeant ad heredes eorumdem, ad quos de jure vel consuetudine spectant, sublatis contrariis abusibus quibuscumque. Je me suis largement inspiré pour ma traduction de Jean Burchard, Journal, p. 74.

    200Weber 2013, p. 308-309.

    201De Roo 1924, V, p. 176 ; Soranzo 1962, p. 269.

    202Richardson 2009, p. 431.

    203C’est le cas dans la licence obtenue par Innocenzo Cybo auprès de Clément VII le 20 septembre 1527 : ASMas, Arch. Innocenzo Cybo, 9, fasc. 9.

    204Richardson 2009, p. 305-306.

    205Concilium Tridentinum 1930, p. 143 : Licentia etiam testandi clericis de bonis ecclesiae non esset danda nisi pro causa urgente, ne bona pauperum converterentur in privatas delicias et amplificationes domorum.

    206Richardson 2009, p. 427.

    207Richardson 1998, p. 196 ; Richardson 2009, p. 426.

    208Paravicini Bagliani 1980, p. lxxix-xcvi.

    209Müntz 1879, II, p. 298-304.

    210Girgensohn 2000, p. 253 : Reverendissimus in Christo pater et dominus Franciscus Lando permissione divina episcopus Sabinensis sacrosancte Romane ecclesie cardinalis Veneciarum vulgariter nuncupatus, rogavit me Laurentium Boncium notarium Venetiarum, ut hoc suum testamentum manu aliena scriptum, sed manu sua propria abscriptum, ut mihi dixit, ad maiorem securitatem et robur ipsius testamenti ac bullatum sigillo suo solito post eius obitum scribere.

    211Paravicini Bagliani 1980, p. xc, fait déjà le même constat pour le Duecento. Fausto Nicolai décrit les testaments des cardinaux de l’époque moderne, qui accusent cependant plusieurs différences avec les testaments étudiés au Quattrocento : Nicolai 2020, p. 296-300.

    212C’est par exemple le cas de Raffaele Sansoni Riario : Schiavo 1960, p. 424.

    213BAV, Urb. Lat., 1016, fol. 219v.

    214Les deux familiers s’appuient beaucoup, après la mort du cardinal Francesco, sur l’aide de Ludovico Gonzague, le plus jeune frère du défunt, qui est protonotaire apostolique : Chambers 1984, p. 398 ; Chambers 1992, p. 97-98. Giovanni Pietro Arrivabene est aussi l’ambassadeur du duc de Mantoue à Rome.

    215McClung Hallman 1985, p. 88.

    216Soranzo 1962, p. 273.

    217La bulle de Pie II Pastor aeternus, non publiée, tente de réguler un tant soit peu le choix des exécuteurs testamentaires : Haubst 1953, p. 234-235. Sur la bulle, voir supra, chap. 3, n. 171-172.

    218Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 161.

    219Cette situation semble propre au Quattrocento et tranche avec le contexte post-tridentin : Nicolai 2020, p. 302-305.

    220BAV, Vat. Lat., 7971, fol. 31r-32r ; Gigli 2015.

    221Sur Stefano Nardini, voir supra, n. 130. Sur Pierre de Foix, voir Denfile – Ehrle 1900, p. 494 et 509. Voir aussi l’exemple du cardinal Niccolò Forteguerri, qui fonde un collège à Pistoia, sans toutefois en faire son légataire universel : Beani 1891, p. 51-60.

    222Pedro González de Mendoza, Testamento, p. 20-21 : « Otro si por que nuestra intenzion e voluntad ha seydo e es de servir a nuestro señor con todos los nuestros bienes remanentes despues de averse cumplido los cargos en que somos e las mandas e legatos en este nuestro testamento contenidas e lo distribuya a los pobres enfermos e niños expositos e personas menesterosas. E para esto tenemos pensado de edificar un hospital en la Cibdad de Toledo en las casas del Dean de la dicha nuestra santa iglesia que es logar comodo para el dicho hospital. »

    223Marx 1906, p. 169-179 sur l’hôpital, p. 180-192 pour son acte de fondation, p. 210-220 sur la Bursa Cusana de Deventer et p. 226-231 pour le testament ; Gestrich 2006, p. 73-85.

    224Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 332 : Noluit testari […] vel servitoribus suis aliquid de bonis legare aut donare.

    225McClung Hallman 1985, p. 84.

    226Les dernières volontés de Giacomo Ammannati Piccolomini, qui ne mentionnent aucun legs, ont été mises de côté.

    227Archivio Colonna, III, b. LIV, no 77.

    228F. Petrucci, Colonna, Giovanni, dans DBI 27.

    229Cherubini 1986, p. 366.

    230F. Petrucci, Colonna, Muzio, dans DBI 27.

    231Pie II, I commentarii, II, p. 2190-2191 : Hominem semper dilexit atque iccirco fratres eius et nepotes et universam Columnensium gentem singularibus favoribus prosecutus est.

    232Le cardinal Louis d’Amboise n’était pas le frère de Georges d’Amboise, comme l’affirme Venard 1993, p. 21. Georges d’Amboise a bien un frère qui s’appelle Louis et qui est également évêque d’Albi, mais il n’est pas cardinal : S. Miranda, The cardinals of the Holy Roman Church, en ligne : https://cardinals.fiu.edu/bios1506.htm#Amboise.

    233Venard 1993, p. 27.

    234Pommeraye 1667, p. 594-595.

    235BAV, Vat. Lat., 7971, fol. 31r-33r.

    236Eubel 1914, II, p. 154.

    237Schiavo 1960, p. 425.

    238Eubel 1914, II, p. 216. Sur la vie de Cesare Riario, voir Tabanelli 1973, p. 152-161.

    239Voir supra, chap. 2, section Les Petrucci : une parenté opposée.

    240Martim Costa, le neveu du cardinal Jorge Costa, n’est jamais promu cardinal alors qu’il reçoit tous les bénéfices de son oncle : Marino Sanudo, Diarii, VI, col. 249-250 ; Chambers 1998, p. 100. L’exemple de Costantino Eroli aurait aussi pu être relevé. Son oncle, le cardinal Berardo, résigne le diocèse de Spolète en sa faveur, lorsqu’il est nommé cardinal-évêque de Sabine. Mais il n’obtient jamais lui-même le galero. A. Esposito, Eroli, Berardo et Eroli, Costantino, dans DBI 43.

    241Le cas du fils homonyme du cardinal Francesco Gonzague, nommé cardinalino par son père, a été, par exemple, bien étudié : Chambers 1992 ; Chambers 1997b.

    242L’exception de Domenico Capranica nommant son frère Angelo comme héritier universel a déjà été notée : BAV, Vat. Lat., 7971, fol. 33r.

    243Archivio Colonna, III, b. LIV, no 77.

    244Serio 2008, part. p. 14-25 et 102.

    245Chambers 1992, p. 100, 135.

    246Ibid., p. 22, 135.

    247McClung Hallman 1985, p. 89.

    248Venard 1993, p. 27.

    249Becker – Weber 1999-2002, VI, p. 700.

    250Celenza 1996, p. 283 : In omnibus autem aliis bonis meis immobilibus, instituo meos heredes universales Ursinum meum germanum pro mediatate et filios masculos Karoli de Ursinis pro alia medietate, illos, videlicet, qui tempore mortis mee non fuerint prelati, idest, episcopi, archepiscopi, abbates vel cardinales.

    251À la suite de Konrad Eubel, la plupart des historiens datent en 1438 la prise de possession du diocèse de Conza par Latino Orsini. Or, deux bulles d’Eugène IV datées de 1437 rappellent qu’il était déjà évêque, l’une lui concédant une dispense d’âge, l’autre l’autorisant à cumuler son évêché avec la commende du monastère Saint-Pierre d’Assise : ASC, AO, Pergamene, II.A.15, 9 et 15.

    252Becker – Weber 1999-2002, VI, p. 701.

    253Celenza 1996, p. 282 : Et ista omnia paramenta nunc sunt penes Gentilem domini Latini de Ursinis.

    254Ibid., p. 283 : Item, specialiter relinquo Dominis Latino et Iohanni meis nepotibus vel illi ex eis qui supervisserit tempore mortis mee omnia suppellectilia mea que sunt penes dominam Jeroniam eorum matrem prout continentur in inventario quod est apud eam. Christopher Celenza s’interroge sur le nom propre de « Jeronia », dans la mesure où la mère des deux cardinaux s’appelle théoriquement Paola : Becker – Weber 1999-2002, VI, p. 701. Il fait l’hypothèse avec Katherine Gill (Celenza 1996, p. 269), qu’il s’agirait peut-être d’une maîtresse du cardinal, et que Latino et Giovanni seraient donc ses fils. J’y vois pour ma part plutôt un latinisme pour « la fille de Giordano », car le père de Paola se dénomme lui aussi Giordano.

    255Celenza 1996, p. 284 : Item relinquo dominis Latino et Iohanni de Ursinis, meis nepotibus, omnes libros meos qui reperientur tempore mei obitus, salvo legato prescripto facto Basilice Sancti Petri, si servarint eis conditionem appositam, aliter si servatam non fuerit eis. Relinquo etiam illos libros si [propinqui] vitam clericalem elegerint et servaverint, aliter non. Christopher Celenza propose de déveloper l’abréviation ppi en prosequi ; il me semble préférable d’y lire propinqui.

    256Chambers 1992, p. 135.

    257Grimani, Domenico – Testamento II, dans Università degli studi di Udine et Università degli studi di Cassino e del Lazio meridionale, I cardinali della Serenissima (1523-1605), en ligne : http://cardinaliserenissima.uniud.it : Relinquo breviarium meum pulcherimum […] reverendo domino patriarche Aquilegiensis nepoti meo ex fratre, cum hac conditionem quod illud quoquomodo aut ex quacumque causa allienare non possit, sed utatur eo in vita sua et post eius mortem volo quod perveniat ad illustrissimum dominium Venetorum. Dans ce cas précis, le cardinal laisse malgré tout également quelques autres livres, quelques œuvres d’art et l’usufruit d’une maison qu’il possède à Padoue à un autre de ses neveux, l’évêque de Ceneda : Eubel – Van Gulik 1923, p. 162.

    258Chambers 1992, p. 138 : Volo, iubeo et mando quod per reverendum Lodovicum de Agnellis prothonotarium apostolicum dilectissimum meum et dominum Franciscum de Maffeis de presenti existentes in curia romana petatur suppliciter a Sanctissimo domino nostro papa et Sacro Reverendissimorum Dominorum cardinalium collegio […] dignetur succedente obitu meo prefato Reverendo ac Illustrissimo domino prothonotario fratri meo de cathedrali ecclesia mantuana providere et imponere super ipsa ecclesia mantuana pro sex annos incohandis post diem obitus mei. Ainsi Georges d’Amboise, qui prie le roi de France afin que son neveu homonyme le remplace sur le siège rouennais : voir supra n. 234.

    259Chambers 1992, part. p. 110-131, développe l’exemple de la difficile application du testament de Francesco Gonzague.

    260Viazzo – Lynch 2002, p. 451.

    261Prosperi 1984, p. 51.

    262Seuls les Orsini (arbre 9) viennent se glisser dans ce palmarès avec cinq cardinaux, tandis que d’autres lignages sans pape égalent les quatre cardinaux que comptent au cours de la période les Piccolomini.

    263Eubel 1914, II, p. 64 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 68.

    264Reinhard 1998c, p. 62-63.

    265Ibid., p. 59.

    266L’expression « refaire un cardinal » est calquée sur celle de Christiane Klapish-Zuber, qui parle de « refaire le nom » pour évoquer les logiques onomastiques de la Toscane à la même époque : Klapisch-Zuber 1990, p. 83-107.

    267P. Cherubini, Franciotti Della Rovere, Galeotto, dans DBI 50.

    268BAV, Urb. Lat., 1016, fol. 213v-214r : Hac eadem die videlicet XI septembris sanctissimus dominus Noster mortuo domino Galeotto Cardinale sancti Petri ad Vincula, et Vice Cancelario statim eodem mane convocatis cardinalibus ad consistorium pro hora XV creavit cardinalem et Vicecancellarium dominum Sixtum fratrem germanum cardinalis defuncti, qui adhuc in lecto erat mortuus, et eidem domino sixto Reverendissimo Cardinali noviter facto, omnia dedit, que germanus nuper defunctus habebat id est dignitatem Cardinalarem Ecclesias cathedrales benefitia pensiones redditus, et introitus omnes ac etiam Vicecancellarium, et domum, et titulum sancti Petri ad Vincula. Le cardinal meurt en 1508 et non en 1507, comme l’affirme, par exemple, Konrad Eubel.

    269M. Sanfilippo, Gara Della Rovere, Sisto, dans DBI 52 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 132, 228, 333.

    270Aurigemma 2004, p. 125.

    271Ippoliti 1999, part. p. 15-17.

    272Henderson 2009 ; DeSilva 2020.

    273Sur les liens entre les deux fresques et la question de leur datation respective : Miglio 2016d, p. 208-214.

    274Howe 2005, p. 12.

    275Howe 1978, p. 273.

    276Howe 2005, p. 94.

    277Feuillet 2013 ; Zapperi 2014.

    278Fermanin 1934 ; Saxl 1965, p. 85-104 ; Company 2002, p. 363-407 ; Cavicchi 2008 ; La Malfa 2017.

    279Del Serra et al. 1996.

    280Les sources diffèrent sur la date à laquelle Francesco Gonzague a obtenu la commende de Sant’Agata dei Goti.

    281Eubel 1914, II, p. 67 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 74.

    282ASC, AO, II.A.17, parch. 85. Cela n’empêche pas le même pape d’y transférer le cardinal Bessarion trois ans plus tard, le 12 octobre 1468, tandis que Latino est nommé sur le siège de Frascati : ASC, AO, II.A.18, parch. 22. Il s’agit là du jeu de chaises musicales classique au sein du rang épiscopal du cardinalat : lorsqu’un cardinal-évêque décède, ses confrères montent en hiérarchie en respectant un ordre bien établi.

    283V. Arrighi, Pucci, Lorenzo, dans DBI 85.

    284V. Arrighi, Pucci, Antonio, dans DBI 85 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 329.

    285Levi 1989, p. 77-78.

    286Reinhard 1998c, p. 43-45 ; Polverini Fosi 1987 ; De Blasi 2014, part. p. 104-105 et 108-110.

    287Jenkens 2001 ; Nevola 2004.

    288Boriaud 2019, p. 255-277.

    289Brion 1982, p. 191-254 ; Rebecchini 2010.

    290Casanova 1899, p. 567-568 : Cum quondam Iulianus dux de Nemors, frater germanus, primo et deinde Laurentius dux Urbini secundum carnem nepos ex Petro etiam fratre germano predefuncto, relicta dilecta in Christo filia Catherina in infantili etate, fuissent functi, ac magnifìcae domus, quas quondam Cosmus proavus et Petrus avus ac Laurentius de Medicis etiam secundum carnem genitor noster tam intra quam extra civitatem Florentinam edificaverant et possessiones quas ipsi in dominio Florentino aquisiverant ad nos iure hereditario pervenissent et quondam Alphonsina de Ursinis ipsius Laurentii genitrix et nostra secundum carnem sororia, cui bonorum nostrorum patrimonialium huiusmodi liberam administrationem commiseramus, et que eiusdem Catherine neptis tutelam susceperat, in infirmitate constituta, ex qua decessit, nos universalem heredem instituisset, desiderantes tam nostram quam dicte Catherinae bona hereditaria fideliter et diligenter gubernari et administrari ipsius Catherinae tutelam ac illius et bonorum nostrorum huiusmodi tam in dicto dominio Florentino quam alibi que per luliani et Laurentii obitum et ex testamento dicte Alfonsine ad nos pervenerant ubique locorum consistentium liberam administrationem dilecto filio Iulio tituli Sancti Laurentii in Damaso presbitero cardinali, Sancte Romane Ecclesie vicecancellario, in dominio Florentino et tota Tuscia nostro et Apostolice Sedis legato et secundum carnem fratri patruelli, cuius fideli opera et consilio tam in nostris, etiam dum cardinalatus honore fungeremur, quam Apostolice Sedis postquam ad summi apostolatus apicem divina favente clementi assumpti fuimus arduis negociis usi sumus commisimus.

    291Rebecchini 2010.

    292BAV, Arch. Salviati, 58, 1re série, fasc. 3 : « Et fol o moi herede universale dico papam Leone decimo ». Il est intéressant de relever qu’Alfonsina se nomme elle-même dans son testament « Alfonsina Ursina de Medicis ».

    293Les papes en revanche peuvent exprimer des dernières volontés et laisser derrière eux un testament politique ; l’exemple le plus connu est celui de Nicolas V dans Giannozzo Manetti, De vita ac gestis Nicolai.

    294Picotti 1927, p. 368.

    295Picotti 1921, p. 61-63.

    296Ibid., p. 81 : « Non so se e el peggio contento huomo sia sopra la terre […].Ti voglio dire queste poche cose l’una che io crederrei qua sapere fare qualche faccenda de le nostre quanto unaltro l’altra che io ti sono fratello et sono pure cardinale che tu habbia qualche rispecto nel farmi comandare le cose almanco ala dignita perche bastera el ricodare […] laltra che le cose beneficiali vorrei le lasciassi a me che pare si convenghino a me come a te le temporale le quali ti ho lasciate et lascio molto volentieri stimando che sempre noi habbiamo ad essere buoni frategli et non altro. »

    297De Blasi 2014, p. 75-76.

    298Sur ce monument qui a été déplacé et largement remanié : Kühlenthal 2008 ; Pöpper 2010, p. 218-233.

    299raphaeli de ruvere sixti iiii pont[ificis] max[imi] germano iul[ius] card[inalis] s[ancti] petri ad vincula s[anctae] ro[manae] e[cclesiae] major penitent[iarius] parenti pientissimo posuit anno salutis christianae m ccc lxxvii pri[mo] die kalend[arum] maii. Une autre épitaphe gravée sur le sarcophage antique réemployé nous apprend que le monument a également été érigé pour la mère de Giuliano, Theodora, encore vivante au moment du décès de son mari : Kühlenthal 2008, p. 211.

    300Tufano 2016, p. 9-10 : francisco carrapha equiti neapolitano insigni christianae religionis observantissimo qui omnium mortalium summa benivolentia ac veneratione aetatis annum agens lxxxiiii obiit senii nunquam questus oliverius cardinalis neapolitanus parenti optimo posuit.

    301Un thème iconographique similaire peut être observé sur la tombe des parents de Sixte IV : Pöpper 2010, p. 204.

    302L’exemple des Salviati aurait également pu être développé. L’autorité de Giovanni, qui devient cardinal en 1517, sur sa famille n’est contrebalancée que par le poids de sa mère, Lucrezia : Hurtubise 1985 ; Hurtubise 1988a, p. 589-610. Sur le rôle de la mère de Giovanni Salviati, voir infra, section Des femmes stratèges.

    303Partner 1958 ; Rehberg 1992, p. 232-239.

    304Rehberg 1992, p. 270-274.

    305Ibid., p. 241-244 ; Serio 2008, p. 13-14.

    306La Bibliothèque apostolique conserve une copie de la liste édifiante de la quarantaine de bulles adoptées par Martin V en faveur des Colonna : BAV, Barb. Lat., 4779, fol. 31r-34v. Wolfgang Reinhard note que le recueil original serait conservé dans le ms. 1426 de la Biblioteca Angelica : Reinhard 1998d, p. 80. Si le codex comprend bien une bulle en faveur de ses deux neveux, Giordano et Lorenzo, fol. 150r-151v, il ne s’agit pas d’un recueil de toutes les bulles.

    307Cette bulle est éditée en appendice de Rehberg 1992.

    308Serio 2008, p. 13-16.

    309La même pratique peut être observée chez les Orsini, où les décisions économiques les plus importantes sont prises à l’échelle de la fratrie : ASC, AO, II.A.17, parch. 27. Ils ne sont pourtant pas organisés formellement en fidéicommis.

    310Cité dans Lanciani 1897, p. 411-413 : Communicavit cum illustrissimis dominis Prospero et Adoardo de Columna comite Celani germanis fratribus suis et pro se et dictis suis fratribus.

    311Rehberg 1992, p. 271-274 ; Serio 2008, p. 105-109.

    312Girolamo Priuli, I diarii, p. 38 : « Et ahora in la citade veneta, quando uno nobille havea molti fiolii, ne faceva uno prete et tutti vivevanno soto l’ombra sua. » Cité dans Del Torre 1993, p. 3-4.

    313ASMan, AG, b. 2891, dos. 65, fol. 73v : « Havemo cussì cara la beretta nostra com’el cardinale el suo capello perché la beretta nostra ha dato il capello a lui, ma non il suo capello ha dato la beretta a nui’. » Cité dans Chambers 1992, p. 22.

    314Sur la question du début des travaux : Signorini 1985, p. 115-119.

    315Ibid., p. 127 ; Chambers 1992, p. 93-94.

    316Sur l’identification des personnages de la scène : De Nicolò Salmazo 1996, p. 96.

    317Signorini 1985, p. 34-35. Le même procédé est évoqué dans le cadre de la candidature de Giovanni de Médicis, pour lequel l’ambassadeur de Florence à Rome propose de trouver un artifice afin de le faire paraître plus âgé aux yeux du pape : Palmarocchi 1953, p. 48.

    318Canova 1996, p. 215-217.

    319Chambers 1992, p. 112-131 ; Canova 1996, p. 215-222.

    320Pastor 1888-1961, IX, p. 292.

    321Hollingsworth 2004, p. 16.

    322L’histoire des Sforza en témoigne elle aussi : Orefice 1983 ; Chittolini 1989.

    323Baldassare Castiglione, Lettere, p. 753 : « Hora non vol esser più prete, et è andato a Brazzano, e brava terribilmente. » Voir aussi Shaw 2007, p. 90.

    324Cité dans Picotti 1927, p. 166 : « havere ad sopportare una perpetua briga et inquietudine ».

    325Signorini 1985, p. 35-36 ; Chambers 1992, passim.

    326Hurtubise 1981, p. 345.

    327Hurtubise 1985, p. 270 ; Hurtubise 1988a, p. 590-593.

    328Hurtubise 1985, p. 241-247.

    329Ibid., p. 342.

    330Notamment ASF, Strozzi, I, 150-158 ; Hurtubise 1985, p. 168.

    331ASF, Strozzi, I, 152, fol. 413r : « Ma ben gli ricordo a esser cauta nello scriver perché lui mostra tutto alla Santita di Nostro Signore » ; Hurtubise 1985, p. 169.

    332ASF, Strozzi, I, 152, fol. 435r.

    333Hurtubise 1985, p. 151.

    334M. Arfaioli, Medici, Giovanni de’, dans DBI 73.

    335BAV, Arch. Salviati, 58, fol. 61r-61v.

    336BAV, Arch. Salviati, 58, fol. 135v. Hurtubise 1985, p. 342.

    337ASF, Strozzi, I, 152, fol. 20r.

    338ASF, Strozzi, I, 155, fol. 123r.

    339BAV, Arch. Salviati, 58, fol. 139r, qui récapitule les principaux legs effectués par Lucrezia Salviati dans son testament.

    340De Blasi 2014, p. 130.

    341Del Torre 2010, p. 140-144.

    342Guillaume Briçonnet, Lorenzo Campeggi, Girolamo Doria, Achille Grassi, Giacomo Isolani, Franciotto Orsini et Girolamo Grimaldi sont devenus cardinaux une fois veufs et ont eu des filles lorsqu’ils étaient mariés. Amanieu d’Albret, Mercurino Arborio di Gattinara, Francesco Conti, Giovanni Battista Cybo, Giuliano Della Rovere, Ippolito d’Este, Guillaume d’Estouteville, Alessandro Farnèse, Adrien Gouffier de Boisy, Diego Hurtado de Mendoza y Quinones, Alfonso Manrique de Lara, Jean Rolin, Agostino Trivulzio et Thomas Wolsey ont des filles illégitimes, même si certaines ont pu être légitimées après leur naissance, comme celle d’Adrien Gouffier de Boisy. Certains cas font débat et n’ont pas été mentionnés, ainsi des rumeurs persistantes rapportées dans les sources sur le lien de filiation qui pourrait unir le cardinal Luigi d’Aragon avec la poétesse Tullia d’Aragon : J. Hairston, Tullia d’Aragona, dans DBI 97.

    343Murphy 2005.

    344Par exemple, Gregorovius 1872, VII, p. 473-474 ; Ilari 2001, p. 294-296.

    345Cornini – De Strobel 1992, p. 90.

    346Voir par exemple la manière dont Juan Borgia, le duc de Gandie, intercède auprès de son père dans une lettre du 9 novembre 1493 en faveur de l’évêque de Pérouse, Juan López : AAV, AA, arm. I-XVIII 5024, fol. 8v.

    347Lucrèce Borgia, Lettres, p. 65.

    348Ibid., p. 189.

    349Chiomenti Vassalli 1979 donne plusieurs exemples, notamment à partir de la p. 294, de l’influence de Giulia sur la famille Farnèse et ses stratégies de transmission.

    350Correspondance des Borgia 2013, p. 103.

    351Zarri 2006, p. 20-27.

    352Sur les liens de familles entre les Riario et les Della Rovere, voir supra, chap. 2, n. 99.

    353Outre l’ouvrage fondateur en trois volumes de Pier Desiderio Pasolini, Pasolini 1893, complété par Pasolini 1897 et deux ouvrages qui se concentrent particulièrement sur les questions soulevées dans ce chapitre, Breisach 1967 et Tabanelli 1973, il faut citer plusieurs biographies et monographies, notamment Caterina Sforza 2000 ; De Vries 2010. Pour une bibliographie récente et complète : G. Brunelli, Sforza, Caterina, dans DBI 92.

    354« Costui vuole giocare meco a ricatto di cervello; egli non sa bene che io ho il cervello del duca Galeazzo e son fantastica come lui », cité dans Tabanelli 1973, p. 51, 178.

    355Guichardin, Opere, p. 475. Traduction française dans Guichardin, Histoire d’Italie, I, p. 334.

    356Breisach 1967. Pour une étude genrée de Caterina Sforza : De Vries 2010. Voir aussi Tabanelli 1973, p. 175-183.

    357Breisach 1967, p. 170-171.

    358Ce phénomène s’illustre parfaitement dans les pillages rituels des palais qui ne sont pas rares lorsqu’un prélat de l’Église décède : Soranzo 1962, p. 270.

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    1Érasme, Adages, III, p. 125.

    2Varanini 2017 dresse un bon état de la question.

    3Viazzo – Lynch 2002.

    4Bourdieu 1972 ; Bourdieu 1994, dans un numéro intitulé Stratégie de reproduction et transmission des pouvoirs.

    5Bourdelais – Gourdon 2000, p. 29 ; Lett 2013, p. 350-351. Pourtant, Claude Levi-Strauss ne considère pas les deux approches comme contradictoires : Lévi-Strauss 1983, p. 1230.

    6Moen – Wethington 1992, p. 233. Cité dans Engelen 2002, p. 453, qui discute ensuite de cette idée.

    7Viazzo – Lynch 2002, p. 450.

    8Par exemple, Fontaine 1992 ; Les réseaux de parenté 1995, part. Fontaine 1995 et Duhamelle 1995 ; Aurell 2013. Sur l’usage de ce concept par la microhistoire : Rosental 2000 ; Levi 1989, chap. 2 et 3.

    9Par exemple, Aurell 2013.

    10Par exemple, Visceglia 1988, part. chap. 1.

    11Bresc 1980, part. p. 52-55 ; Varanini 2017.

    12Levillain 1988, part. p. 375 ; Chaline 1996, part. p. 113 ; Minvielle 2010, part. p. 29-30. L’International Review of Social History a publié en 2002 un dossier thématique de débats qui reprend de manière stimulante la plupart des accusations portées contre le concept de stratégies familiales : Family strategies 2002. Par exemple, Engelen 2002 ne nie pas l’apport du concept dans les dernières décennies, mais il propose de l’abandonner car il poserait désormais plus de problèmes qu’il n’en résoudrait. Au contraire, Kok 2002 s’oppose aux théories d’Engelen et incite plutôt à en faire usage avec certaines précautions.

    13Schapira – Ribard 2013.

    14Engelen 2002, p. 456.

    15Ce chapitre en donne plusieurs exemples infra.

    16Sur le concept de « stratégies familiales adaptatives » : Moen – Wethington 1992.

    17Viazzo – Lynch 2002, p. 450-451.

    18Si la paternité de cette expression lui est attribuée, celle-ci n’a pas été retrouvée dans son œuvre. Néanmoins, l’idée présente derrière cette expression est bien explicitée dans ses travaux et illustre son concept d’habitus : Bourdieu 1980, p. 119.

    19Varanini 2017, p. 367.

    20Ibid., p. 378.

    21Ces deux exemples sont tirés de Bizzocchi 1984, p. 271.

    22Varanini 2017, p. 385.

    23Carocci – De Vincentiis 2017, p. 22.

    24Nassiet 2000, p. 45.

    25Viet 1964, p. 18 ; A. Esposito, Forteguerri, Niccolò, dans DBI 49.

    26Voir supra, chap. 3, n. 30.

    27Reinhard 2000, p. 272.

    28Hollingsworth – Richardson 2010, p. 4. Il faut certes se garder de tout fonctionnalisme. Certains historiens modernistes remettent d’ailleurs en cause ce déterminisme : Bourquin 2010 ; Roger 2013. Pour une synthèse sur cette question : Ruggiu 2010, p. 245.

    29Goldthwaite 1993, p. 126. L’auteur y compare l’Église à une « proie » pour les familles aristocratiques italiennes. Il souligne que la présence d’un membre de la famille dans les hautes sphères de l’Église au XVIIe siècle est devenue un marqueur de noblesse ; il me semble que ce phénomène trouve son origine dès le XVe siècle. Voir aussi Chittolini 1986a ; Varanini 2017, p. 383. L’exemple vénitien est particulièrement bien étudié par Del Torre 2010, p. 63-128.

    30Pellegrini 2002a, I, p. 1-12.

    31Hollingsworth – Richardson 2010, p. 8 ; Varanini 2017, p. 366.

    32Tallon 2009a.

    33Il faut citer par exemple Ferdinando Ier de Médicis, le bâtisseur de la Villa Médicis à Rome, promu cardinal-diacre en 1563. Quatrième fils de Cosimo Ier, il n’a donc a priori aucun rôle majeur à jouer dans la lignée : l’aîné, Francesco Ier, est devenu grand-duc de Toscane en 1574, à la mort de son père, et le second, Giovanni, est cardinal. Ce dernier meurt en 1562 ; Ferdinando le remplace alors comme cardinal. Mais, en 1587, c’est au tour de Francesco Ier de disparaître, le troisième fils étant mort avant d’avoir atteint l’âge adulte ; Ferdinando doit alors succéder à son frère aîné comme grand-duc de Toscane. Il n’abandonne d’ailleurs son titre de cardinal que deux ans plus tard, en 1589, quand il se marie à Christine de Lorraine pour assurer la descendance de la lignée. E. Fasano Fuarini, Ferdinando I de’ Medici, granduca di Toscana, dans DBI 46.

    34Carocci 1999, p. 105-106.

    35Pellegrini 2017, p. 218.

    36Hurtubise 1985, p. 345.

    37ASF, Strozzi, I, 37, no 19 : « Magnifico Cognato, Con molto mio piacere ho la vostra di .ii. di questo, vedendo che havete pigliato il rimandare di leone per quel modo et verso che si doveva, l’amor ch’io vi porto e desiderio ch’io tengo di beneficiare vostri figlioli et voi insieme. Lo sapete come me, et se ben non si è fatta bona electione in leone, habbiamo a rengratiare dio che ce ne ha fatto acorgiere si in tempo che con benedetto si potra benissimo rimediare a tutto, et per me ne ho sempre sperato bene, et più ne spero hora che vos mi dite haver inclinatione ale vostre, et voglia de imparare, state pur di bona voglia che non se li mancara d’ogni diligentia, per farlo huomo da bene, et sara di sorte et presto che quellaltro li sara ad andare con la beretta in mano. »

    38Ibid. : « Che Leone habbia mostrato malcontentezza del suo ritorno con voi [?], puo essere, et ragionevolmente ne doveria star malcontento tutto il tempo di sua vita, ma di qua non ne mostro mai segno, anzi li parve milliori a partir di qua, che se havesse conosciuto in lui qualche reconoscimento et che havesse possuto pigliare un poco di speranza di lui che se havesse ad emendare, certo non lo rimandavo per questa volta, ma come dico ne mostro sempre grandissima allegria faccia pur bene costi et in vita seculare, che alla ecclesiastica, non è sara mai buono, per quanto io posse comprendere. »

    39McClung Hallman 1985, p. 111.

    40Baldassare Castiglione, Il libro del cortegiano, p. 39. Traduction française dans Baldassare Castiglione, Le livre du courtisan, p. 37-38.

    41Chambers 1992, p. 4. Sur les motivations de Pie II pour le nommer cardinal à un âge si précoce, voir supra, chap. 3, n. 243.

    42Signorini 1985, p. 34-36 ; Chambers 1992, p. 50.

    43McClung Hallman 1985, p. 111.

    44Sur les relations entre les Colonna et les Borgia : Rehberg 2001.

    45F. Petrucci, Colonna, Marcantonio, dans DBI 27.

    46Paul Jove, De vita, p. 160 : Iam enim Ioannes frater cardinalis Alexandro morte sublato e Sicilia redierat, erantque illi sacerdotia perampli reditus quae omnia senescente patruo Pompeius iuvenis ad corroborandam redivivis opibus familiae dignitatem excepturus esse videretur. Verum ille ab ingenio plane militari, uti bellicae laudis quam sacrae dignitatis avidior, vix auribus patrui consilium admittebat, utpote qui speraret postquam militiae rudimenta initiaque secundissime provenissent, maioribus suis se pari cum laude successurum, qui familiae opes armis enitendo contendendoque amplificasse, et militaribus imperiis atque honoribus virtute partis insignem gloriam Columnio nomini quaesivisse videbantur. Sed eo acrius renuentem urgebat Prosper & severe admodum castigabat, quod Marcellus & Iulius natu maiores fratres iam uxores duxerant, & Octavianus pariter connubio ex usu factionis opportune quaesito, operam liberis esset daturus. Je me suis appuyé, pour ma traduction française, sur la traduction italienne qui a été faite de cette œuvre huit ans après sa première publication : Paul Jove, Le vite, p. 361-362.

    47Paschini 1955, p. 7-30.

    48T. C. Price Zimmermann, Giovo, Paolo, dans DBI 56.

    49F. Petrucci, Colonna, Pompeo, dans DBI 27 ; Consorti 1902, p. 14 sq.

    50Paul Jove, De vita, p. 160 : Per hunc modum obstinato animo sacerdotales honores repudianti per quietem apparuit et Hieronymus pater, minaci & severa fronte acribus itidem castigans verbis, & dextra quatiens flagellum, et scilicet nudum vehementissime percussurus, ni extemplo propinquorum iussis obtemperaret, atque ut in fatis esset sacris initiaretur. Itaque Pompeius post multos aestus fluctuantis animi, quum paterno ostento & patruorum imperiis parendum foret, valde maestus, & reluctante quidem genio protonotarius creatur ; superinductaque lintea striata stola apud Ioannem cardinalem patruum familiae magister est effectus.

    51Pompeo se démarque notamment pendant les épisodes qui entourent le sac de Rome de 1527, pendant lesquels il perd sa barrette pour quelques mois : Serio 2008, part. p. 302-318.

    52McClung Hallman 1985, p. 111.

    53G. Brunelli, Grimani, Marino, dans DBI 59.

    54Ferrajoli 1984, passim.

    55Hollingsworth 2020a.

    56Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 26-28.

    57Ibid., II, p. 377, 408.

    58Ibid., II, p. 373, 401.

    59Voir infra, fin de la section Le détournement dynastique des bénéfices.

    60Concile de Latran III, canon 8, dans Alberigo 1994a, p. 464-465.

    61Prosperi 1986, p. 237.

    62Centa 2004, I, p. 9.

    63Sur les deux premiers moyens, voir supra, chap. 1, section La diversité des sources de revenus.

    64Clergeac 1911, p. 48-49.

    65McClung Hallman 1985, p. 118 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 168 et 274.

    66Caron 1946, p. 181-182.

    67Ibid., p. 192.

    68Centa 2004, I, p. 13-18. L’essentiel du paragraphe qui suit est tiré de ce passage, qui constitue une bonne synthèse sur ce sujet.

    69McClung Hallman 1985, p. 48, montre que la part de ceux qui se réservaient l’intégralité ou une partie des revenus dans le cas des résignations cardinalices était très variable d’une année sur l’autre au début du XVIe siècle.

    70Caron 1946, p. 328-330.

    71McClung Hallman 1985, p. 33.

    72Ces différents types de regrès sont particulièrement répandus sous le pontificat de Léon X : Caron 1946, p. 340-341.

    73Caron 1946, p. 323-326.

    74Ibid., p. 334-335.

    75ASC, AO, II.A.16, parch. 22.

    76AAV, AA, arm. L, reg. 8, fol. 150r-154v.

    77Concilium Tridentinum 1930, p. 137 : Nam cum lege cautum sit, beneficia testamento legari non posse, cum non sint testatoris sed ecclesiae, et ut res haec ecclesiastica servaretur communis bonorum omnium, non autem fieret private cuiuspiam : invenit humana non tamen christiana industria plurimos modos, quibus huic legi illudatur. Nam fiunt renuntiationes episcopatuum aliorumque beneficiorum primo cum regressu; addunt reservationem fructuum, addunt reservationem collationis beneficiorum; insuper cumulant reservationem administrationis faciuntque hoc pacto episcopum, qui nullum ius habet episcopi ; alterum vero, cui iura omnia episcopi competant, non tamen episcopum. Videat Sanctitas Tua, quo processit assentatoria illa doctrina, qua tandem effectum est, ut id liceat, quod libeat. Quid, quaeso, est hoc nisi haeredem beneficii sibi constituere. Alius praeter hunc inventus est dolus, cum sc. coadiutores dantur episcopis petentibus minus idonei quam ipsi sint, ita ut, nisi quispiam claudere oculos voluerit, liquido videat haeredem ea ratione institui.

    78AAV, AA, arm. XL, reg. 7, fol. 209r. Relevé notamment dans McClung Hallman 1985, p. 73.

    79Revest 2021, p. 214-217.

    80Leonardo Bruni, Lettres familières, I, p. 228-231.

    81Ibid., I, p. 230-231.

    82Philippe de Commynes, Mémoires, II, p. 113.

    83AAV, AC, 1, fol. 27v et 47v.

    84Ibid., fol. 78r, 100r et 87v, 109v.

    85Ferrajoli 1984, p. 324-327.

    86Ibid., p. 327-329.

    87Kidwell 2004, p. 257.

    88Peut-être que ce Niccolò était un parent du cardinal Peter von Schaumberg (1439-1469), mais aucun élément ne permet de le confirmer avec certitude.

    89Kidwell 2004, p. 257 ; M. Cerroni, Gualteruzzi, Carlo, dans DBI 60.

    90Kidwell 2004, p. 258.

    91Bullarum privilegiorum 1741, p. 92-93.

    92Kidwell 2004, p. 258.

    93Ferrajoli 1984, p. 327-329.

    94Centa 2004, II, p. 1321-1345.

    95Ibid., I, p. 33.

    96Ibid., I, p. 10.

    97A. Meyer, Nikolaus V. Constitutiones sive regule Cancellarie sanctissimi domini nostri domini Nicolai pape quinti, 2016, p. 53-54, en ligne : www.uni-marburg.de/de/fb06/mag/institut/prof-dr-andreas-meyer/kanzleiregeln.

    98A. Meyer, Sixtus IV. Regule, ordinationes et constitutiones Cancellarie sanctissimi domini nostri domini Sixtii divina providentia pape IIII scripte et correcte in Cancellaria apostolica, 2016, p. 163-167, en ligne : www.uni-marburg.de/de/fb06/mag/institut/prof-dr-andreas-meyer/kanzleiregeln.

    99McClung Hallman 1985, p. 47.

    100Centa 2004, I, p. 38-45.

    101Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 473.

    102Eubel 1914, II, p. 95 et 249 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 311.

    103Norman 2010, p. 78 ; voir aussi supra, n. 58.

    104Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 476.

    105F. Petrucci, Carafa, Vincenzo, dans DBI 19.

    106Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 238.

    107Aldimari 1691, p. 69 ; Becker – Weber 1999-2002, II, p. 460, et III, p. 192.

    108Eubel 1914, II, p. 159 et 220 ; Becker – Weber 1999-2002, III, p. 192 et 199.

    109Aldimari 1691, index ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 97.

    110Voir notamment l’exemple des stratégies successorales mises en place par Lorenzo Campeggio dans McClung Hallman 1985, p. 114-117. Domenico Grimani compte également parmi les cardinaux qui résignent le plus en faveur des membres de leur famille : S. Miranda, The cardinals of the Holy Roman Church, en ligne : https://cardinals.fiu.edu/bios1493.htm#Grimani.

    111S. Miranda, The cardinals of the Holy Roman Church, en ligne : https://cardinals.fiu.edu/bios1527-iv.htm#Cornaro. Le cardinal Francesco Corner est par ailleurs cardinal-évêque dans plusieurs diocèses successifs.

    112Clergeac 1911, p. 50.

    113Guenée 1963, p. 175-177. Les réflexions sur le cumul, p. 179-181, ou sur l’affermage des offices, p. 183, paraissent également former d’excellents points de comparaison.

    114Sur la vénalité de la fonction cardinalice, voir supra, chap. 1, fin de la section Une aristocratisation du Sacré Collège ?

    115Centa 2004, I, p. 25.

    116La plupart des considérations exposées dans cette section ont été publiées dans Dufouleur 2022a.

    117Sur le poids symbolique de la maison dans l’identité d’un lignage : Klapisch-Zuber 1990, p. 26-27.

    118Voir supra, chap. 1, début de la section Une hiérarchie patrimoniale.

    119Bullarium romanum 1638, p. 309-310. Selon les éditions, la bulle est datée de 1474 ou 1475. Les éditions du Bullarum diplomatum 1860, p. 226-229, et de Müntz 1882, III, p. 180-181, affirment qu’elle date de 1475. Au contraire, l’édition du Bullarium romanum 1638, p. 309-310, ainsi que Frommel 1985, p. 81, et Aurigemma – Cavallaro 1999, p. 12, affirment qu’elle date de 1474. Simoncini 2004b, p. 264, tranche en faveur de 1474 en s’appuyant sur le Bullarium Romanum de 1638. En outre, il fait le point sur les différences entre le texte établi par le Bullarium romanum et celui édité par E. Müntz et donne une traduction italienne de la bulle, p. 264-267.

    120Liberale Gatti 1979 ; Liberale Gatti 2003, p. 87-90. Dans ce cas précis s’ajoute le problème de la propriété voisine des Colonna : Finocchi Ghersi 1992b.

    121Bullarium romanum 1638, p. 309-310.

    122Gigli 2015, p. 12.

    123Sur les spoliations pontificales, voir infra, n. 146-147.

    124BAV, Vat. Lat., 7971, fol. 31.

    125Ce n’est pas un cas isolé. Giovanni Castiglione réforme par exemple le collège Castiglione fondé à Pavie par son oncle Branda Castiglione : F. Petrucci, Castiglioni, Giovanni, dans DBI 22 ; Nowak 2011.

    126Eula 1988, p. 129-130 ; Gigli 2015, p. 13-14.

    127Les héritiers séparent le palais en plusieurs parties : Eula 1988, p. 120-121.

    128Sur les débats autour de la date de début du chantier : Benzi 1990, p. 139 ; Bentivoglio – Valtieri 2019, p. 12.

    129Russo 1978, p. 385 ; Palazzo Venezia 1980, p. 180-181 ; Benzi 1990, p. 139-144 ; Bentivoglio – Valtieri 2019, p. 30.

    130Marcora 1956, p. 325-326 ; Russo 1978, p. 387, et surtout Bentivoglio – Valtieri 2019, en particulier l’acte de donation, p. 91-92.

    131Richardson 2003, p. 609.

    132Richardson 1998, p. 207.

    133Ibid. : Et quoniam cum germanis meis dominis Jacobo et Andrea Piccolomineis ob donationem domus meae in urbe, de qua inferius dicetur conveni ut aureos mille pro mea voluntate exponant volo ut cum primum domus ipsa in eorum potestatem devenerit de fructibus dictae domus florenos auri qui quingentos persolvant in emendis bonis immobilibus pro dote unius cappellae erigendae Romae in ecclesia mea S. Eustachii ex quorum fructibus deputetur unus cappellanus perpetuus qui ter in hebdomada celebret Missas in dicta ecclesia pro anima D. Pii et mea et intersit omnibus horis divinis in choro ut alii Canonici in diebus Dominicis et festivis tantum. Sur la chapelle de Sant’Eustachio : Richardson 2010. Sur la sépulture de Pie II dans la chapelle Saint-André de la basilique Saint-Pierre : Montini 1957, p. 285-289 ; Requiem Projekt, en ligne : http://requiem-projekt.de/db/suche.php?function=b_ausgabe&grabmalID=367.

    134Hibbard 1961, p. 290.

    135Richardson 1998, p. 195 ; Richardson 2009, p. 429.

    136Encore que les dernières volontés des papes ne soient pas toujours respectées scrupuleusement lors des interrègnes et sous leurs successeurs, en particulier à la mort de Pie III : voir infra, n. 188.

    137Sur la vie et le testament de Domenico Della Rovere : Aurigemma – Cavallaro 1999, p. 1-14.

    138Sur les liens entre Santa Maria del Popolo et les Della Rovere, voir infra, chap. 5, seconde partie de la section La spatialisation des morts ou la perpétuation de la dynastie. Sur la restauration de Santo Spirito in Sassia et son cycle pictural : De Angelis 1962 ; Lee 1978, p. 138 sq. ; Cassiani 2000.

    139Tenivelli 1789, p. 178 : Item voluit, et ordinavit quia de dicta domo fecit tres partes, et eas diversis locis legavit, ut supra patet, quod in dicta domo super dictis tribus partibus sint tres camerae honestae cum una parte cellarii, sive cantinae semper praeparate et expeditae pro illis de domo sua de Ruvere si voluerint moram facere in curia Romana.

    140Ibid. : Et voluit idem testator, et ordinavit, quod si sit aliquis praelatus de dicta domo de Ruvere de dictis castris Vicinovi, Rivalbae, et Cinzani, qui pro tempore voluerint totam domum tenere, redendo censum ecclesiae, et fratribus sanctae Maria de populo, et hospitali sancti Spiritus et capitulo sancti Petri praefatis.

    141Il reste un cardinal logé dans le Campo Marzio, un dans Colonna et un à Pigna : Lee 1978, p. 357-358.

    142Troadec 2020, p. 358-370.

    143Uginet 1977, part. I, p. 85-103. Pour un autre exemple de transmission palatiale réussie au début du Cinquecento : Lowe 1991. Mais Francesco Soderini mène une politique immobilière active bien avant son élévation à la pourpre en 1503.

    144Alberigo 1994a, p. 472-473.

    145Paravicini Bagliani 1980, p. xlv ; Nicolai 2020, p. 294.

    146Richardson 2009, p. 429.

    147Paravicini Bagliani 1980, p. xlvi et lxi.

    148Sur la chronologie de l’apparition de la licentia testandi : Paravicini Bagliani 1980, p. xliii-lxv, part. p. xliii-xliv.

    149Nicolai 2020, p. 295.

    150Soldi Rondinini 1973, p. 75 : LVIII Questio – An dominus cardinalis possit testari sine licencia domini nostri pape. Respondeo non de consuetuedine.

    151Paravicini Bagliani 1980, p. xliii-xliv.

    152McClung Hallman 1985, p. 80, 86-87.

    153Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 320 : Defunctus est hic cardinalis absque eo quod testamentum condiderit ; propterea omnia bona sua, qualiacumque fuerunt, SS. D. N. presentata fuerunt ascendentia ad valorem, ut vulgo dicebatur, centum millium ducatorum, quorum xxxvi vel circiter xl millia fuerunt in pecunia numerata, residuum in argentis, libris et lapidibus preciosis, pannis de rascia et aliis.

    154De Angelis 1962, p. 351-357. Toutefois, Niccolò Forteguerri a déjà disposé de plusieurs de ses biens, quelques jours avant sa mort, envers ses parents et il était mort intestat : Beani 1891, p. 60.

    155Par exemple la confiscation de l’héritage de Pompeo Colonna : McClung Hallman 1985, p. 88.

    156Antonio Giustinian, Dispacci, I, p. 474 : « Questa mattina, a bon’ ora, che non era apena zorno, don Anzolo Michiel, nipote del reverendissimo cardinal Sant’ Anzolo [sic, erreur de l’éditeur], piangendo venne a farmi intender che questa notte, circa le 3 ore, el reverendissimo cardinal suo barba inopinatamente ha resa l’anima al Signor Dio […]. El ditto me ha riferito che da due zorni in qua li era zonto un destemperamento de stomego con gran vomito, et anche un poco di flusso: el sospetto è grande ch’el sia sta’ avvelenato, et non mancano evidente conietture. Subito in quel punto el Pontefice l’intese, mandò el governator a casa, et avanti che fosse zorno la casa fo tutta svalizata. La morte di questo cardinal li dà più di 150,000 ducati, tra denari, argenti et altre tapezzarie de casa. »

    157Ibid., I, p. 478-479.

    158Soranzo 1962, p. 269-273 ; McClung Hallman 1985, p. 80-81 ; Jestaz 1986, p. 14-15.

    159Correspondance des Borgia 2013, p. 142-143.

    160Pie II, I commentarii, II, p. 2376-2377 : Cum rogaretur testamentum facere : « Animam » inquit « meam Deo relinquo : Pio pontifici corpus et haec quae vocantur saeculi bona. Ipsi familiae curam et sepulturae meae committo ». […] Pius exequias cardinale dignas amico peregit et familiae curam suscepit.

    161Juan López fait de même vis-à-vis d’Alexandre VI lorsqu’il meurt le 5 août 1501 : Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 295. McClung Hallman 1985, p. 81, donne également l’exemple du cardinal Sigismondo Pappacoda, mort le 3 novembre 1536.

    162Je remercie André Moutinho Rodrigues d’avoir attiré mon attention sur ce point et sur la supplique présentée par le cardinal Antão Martins de Chaves au pape Eugène IV pour obtenir une licentia testandi le 16 août 1441 : AAV, Reg. Suppl., 375, fol. 152r. Voir Paravicini Bagliani 1980, p. l, pour le XIIIe siècle.

    163Pour un exemple de bulle : ASMan, AG, D. 333, no 3 ; pour un exemple de bref : ASMas, Arch. Innocenzo Cybo, 9, fasc. 9.

    164Par exemple, le bref qui enregistre la licence testamentaire de Jean Jouffroy accordée par Pie II, en 1460 (AAV, Reg. Vat., 490, fol. 116r), ou celui qui consigne la licence testamentaire octroyée à Giacomo Tebaldi par Paul II, en 1466 (AAV, Reg. Vat., 525, fol. 212v), ou encore celui qui acte la licence donnée par Sixte IV au cardinal Luis Juan de Milá (AAV, Reg. Vat., 599, fol. 118v-120r). Selon Paravicini Bagliani 1980, p. xlviii, cette pratique remonterait à Nicolas III.

    165Pour le formulaire utilisé aux XIVe et XVe siècles : Paravicini Bagliani, p. liv ; celui-ci remonterait à Nicolas III. Des évolutions importantes dans les licentiae testandi octroyées à Sigismondo Gonzague et à Innocenzo Cybo peuvent par exemple être relevées.

    166Marx 1906, p. 226. C’est déjà le cas dans les testaments du Duecento : Paravicini Bagliani 1980, p. xci.

    167Le testament, et donc la licence testamentaire, sont édités dans Denfile – Ehrle 1900, p. 496-512. La licence testamentaire est reproduite précisément p. 497.

    168McClung Hallman 1985, p. 82, affirme que cette licence est rare pour la période qu’elle étudie (1492-1563).

    169Denfile – Ehrle 1900, p. 497 : Disponendi libere de omnibus bonis ad te pertinentibus cuiuscumque quantitatis seu valoris fuerint, etiam si illa ex proventibus ecclesiasticis seu ecclesis tibi commissis.

    170Girgensohn 2020, p. 594-595 : Errogandi et disponendi libere et prout tibi videbitur de omnibus bonis tuis, tam patrimonialibus quam ecclesiasticis et per tuam industriam vel alias aquisitis quocunque iure.

    171Voir supra, chap. 1, n. 353.

    172Paravicini Bagliani 1980, p. lvi-lviii.

    173La licence d’Innocenzo Cybo est conservée à l’ASMas, Arch. Innocenzo Cybo, 9, fasc. 9.

    174Denfile – Ehrle 1900, p. 497.

    175McClung Hallman 1985, p. 83.

    176ASMan, AG, D. 333, no 3.

    177Nicolai 2020, p. 295.

    178Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 237 : Die jovis, nona presentis mensis, infirmum et valde debilem se sentiens, supplicari fecit SS. D. N. pro licentia testandi, quam SS. D. N. sibi negavit : quo non obstante, idem Ulisbonensis testatus est eadem die.

    179Voir supra, n. 159.

    180Chambers 1998, p. 101.

    181BAV, Urb. Lat., 1016, fol. 218r : Papa autem ut illum in vita sic et in morte dilexisse se demonstravit. David S. Chambers cite également ce passage en se fondant sur un autre manuscrit dont la transcription est un peu différente : Chambers 1998, p. 102.

    182Sur la spoliation du vice-chancelier milanais : Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 485.

    183Pellegrini 2002a, I, p. 403. p. 847-851.

    184F. Petrucci, Cybo, Innocenzo, dans DBI 25.

    185ASMas, Arch. Innocenzo Cybo, 9, fasc. 9 : Cum tu qui secundum carnem nepos noster charissimus de bonis tuis ecclesiasticis et prophanis libere disponere posse desideres, nos tuo honesto et pio desiderio huiusmodi benigne annuere.

    186Paravicini Bagliani 1980, p. xlix-l.

    187Richardson 2009, p. 429.

    188Richardson 1998, p. 195.

    189Cela semble déjà être le cas au XIIIe siècle : Paravicini Bagliani 1980, p. lx.

    190Richardson 2009, p. 431-433.

    191Soranzo 1962, p. 269.

    192Paravicini Bagliani 1980, p. xlix-l, indique en effet que ce n’était pas nécessaire au XIIIe siècle, et Kistner 2019, p. 225, que cela ne semble pas l’avoir été davantage au XIVe siècle.

    193Pedro González de Mendoza, Testamento, p. 5 : « E queriendo proceder á disposicion de testamento e ultima voluntad e adistribución de nuestros bienes e para ello usar como por la presente usamos de la facultades apostolicas a nos concedidas ».

    194D. Gonzalez Nieto, Pedro González de Mendoza, dans Real Academia de la Historia, Diccionario biográfico electrónico, en ligne : http://dbe.rah.es/biografias/11043/pedro-gonzalez-de-mendoza.

    195Pedro González de Mendoza, Testamento, p. 25.

    196Ibid., p. 5-6 : « Por virtud de la quales facultades bullas e breve e de cada una de ellas e en la mejor forma e manera que podemos e de derecho devemos ordenamos e mandamos que […]. »

    197Partner 2000, p. 210.

    198Soldi Rondinini 1973, p. 26.

    199Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 41 : Item, quod bona cardinalium et religiosorum aliorumque prelatorum nec non omnium curialium seu cortesanorum in romana curia decedentium nullo modo occupabit vel occupari faciet quacumque ratione vel causa, sed permittet, juxta juris dispositionem vel consuetudinem et concessam facultatem et privilegia ac voluntatem decedentium, ut iidem decedentes de bonis ad ipsos quoque modo pertinentibus, prout eis placuerit, disponant, liceatque eis, absque alia licentia obtenta, condere testamentum libere et expedite, non obstante bulla alias super hoc in favorem cruciate edita ; […] imo volet ut sit liberum eisdem cardinalibus etiam religiosis de iisdem proventibus et juribus testari et disponere ac facere prout eis videbitur ; et si eos intestatos decedere contingat, permittet quod jura et proventus hujusmodi eisdem decedentibus debita transeant ad heredes eorumdem, ad quos de jure vel consuetudine spectant, sublatis contrariis abusibus quibuscumque. Je me suis largement inspiré pour ma traduction de Jean Burchard, Journal, p. 74.

    200Weber 2013, p. 308-309.

    201De Roo 1924, V, p. 176 ; Soranzo 1962, p. 269.

    202Richardson 2009, p. 431.

    203C’est le cas dans la licence obtenue par Innocenzo Cybo auprès de Clément VII le 20 septembre 1527 : ASMas, Arch. Innocenzo Cybo, 9, fasc. 9.

    204Richardson 2009, p. 305-306.

    205Concilium Tridentinum 1930, p. 143 : Licentia etiam testandi clericis de bonis ecclesiae non esset danda nisi pro causa urgente, ne bona pauperum converterentur in privatas delicias et amplificationes domorum.

    206Richardson 2009, p. 427.

    207Richardson 1998, p. 196 ; Richardson 2009, p. 426.

    208Paravicini Bagliani 1980, p. lxxix-xcvi.

    209Müntz 1879, II, p. 298-304.

    210Girgensohn 2000, p. 253 : Reverendissimus in Christo pater et dominus Franciscus Lando permissione divina episcopus Sabinensis sacrosancte Romane ecclesie cardinalis Veneciarum vulgariter nuncupatus, rogavit me Laurentium Boncium notarium Venetiarum, ut hoc suum testamentum manu aliena scriptum, sed manu sua propria abscriptum, ut mihi dixit, ad maiorem securitatem et robur ipsius testamenti ac bullatum sigillo suo solito post eius obitum scribere.

    211Paravicini Bagliani 1980, p. xc, fait déjà le même constat pour le Duecento. Fausto Nicolai décrit les testaments des cardinaux de l’époque moderne, qui accusent cependant plusieurs différences avec les testaments étudiés au Quattrocento : Nicolai 2020, p. 296-300.

    212C’est par exemple le cas de Raffaele Sansoni Riario : Schiavo 1960, p. 424.

    213BAV, Urb. Lat., 1016, fol. 219v.

    214Les deux familiers s’appuient beaucoup, après la mort du cardinal Francesco, sur l’aide de Ludovico Gonzague, le plus jeune frère du défunt, qui est protonotaire apostolique : Chambers 1984, p. 398 ; Chambers 1992, p. 97-98. Giovanni Pietro Arrivabene est aussi l’ambassadeur du duc de Mantoue à Rome.

    215McClung Hallman 1985, p. 88.

    216Soranzo 1962, p. 273.

    217La bulle de Pie II Pastor aeternus, non publiée, tente de réguler un tant soit peu le choix des exécuteurs testamentaires : Haubst 1953, p. 234-235. Sur la bulle, voir supra, chap. 3, n. 171-172.

    218Jean Burchard, Liber notarum, I, p. 161.

    219Cette situation semble propre au Quattrocento et tranche avec le contexte post-tridentin : Nicolai 2020, p. 302-305.

    220BAV, Vat. Lat., 7971, fol. 31r-32r ; Gigli 2015.

    221Sur Stefano Nardini, voir supra, n. 130. Sur Pierre de Foix, voir Denfile – Ehrle 1900, p. 494 et 509. Voir aussi l’exemple du cardinal Niccolò Forteguerri, qui fonde un collège à Pistoia, sans toutefois en faire son légataire universel : Beani 1891, p. 51-60.

    222Pedro González de Mendoza, Testamento, p. 20-21 : « Otro si por que nuestra intenzion e voluntad ha seydo e es de servir a nuestro señor con todos los nuestros bienes remanentes despues de averse cumplido los cargos en que somos e las mandas e legatos en este nuestro testamento contenidas e lo distribuya a los pobres enfermos e niños expositos e personas menesterosas. E para esto tenemos pensado de edificar un hospital en la Cibdad de Toledo en las casas del Dean de la dicha nuestra santa iglesia que es logar comodo para el dicho hospital. »

    223Marx 1906, p. 169-179 sur l’hôpital, p. 180-192 pour son acte de fondation, p. 210-220 sur la Bursa Cusana de Deventer et p. 226-231 pour le testament ; Gestrich 2006, p. 73-85.

    224Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 332 : Noluit testari […] vel servitoribus suis aliquid de bonis legare aut donare.

    225McClung Hallman 1985, p. 84.

    226Les dernières volontés de Giacomo Ammannati Piccolomini, qui ne mentionnent aucun legs, ont été mises de côté.

    227Archivio Colonna, III, b. LIV, no 77.

    228F. Petrucci, Colonna, Giovanni, dans DBI 27.

    229Cherubini 1986, p. 366.

    230F. Petrucci, Colonna, Muzio, dans DBI 27.

    231Pie II, I commentarii, II, p. 2190-2191 : Hominem semper dilexit atque iccirco fratres eius et nepotes et universam Columnensium gentem singularibus favoribus prosecutus est.

    232Le cardinal Louis d’Amboise n’était pas le frère de Georges d’Amboise, comme l’affirme Venard 1993, p. 21. Georges d’Amboise a bien un frère qui s’appelle Louis et qui est également évêque d’Albi, mais il n’est pas cardinal : S. Miranda, The cardinals of the Holy Roman Church, en ligne : https://cardinals.fiu.edu/bios1506.htm#Amboise.

    233Venard 1993, p. 27.

    234Pommeraye 1667, p. 594-595.

    235BAV, Vat. Lat., 7971, fol. 31r-33r.

    236Eubel 1914, II, p. 154.

    237Schiavo 1960, p. 425.

    238Eubel 1914, II, p. 216. Sur la vie de Cesare Riario, voir Tabanelli 1973, p. 152-161.

    239Voir supra, chap. 2, section Les Petrucci : une parenté opposée.

    240Martim Costa, le neveu du cardinal Jorge Costa, n’est jamais promu cardinal alors qu’il reçoit tous les bénéfices de son oncle : Marino Sanudo, Diarii, VI, col. 249-250 ; Chambers 1998, p. 100. L’exemple de Costantino Eroli aurait aussi pu être relevé. Son oncle, le cardinal Berardo, résigne le diocèse de Spolète en sa faveur, lorsqu’il est nommé cardinal-évêque de Sabine. Mais il n’obtient jamais lui-même le galero. A. Esposito, Eroli, Berardo et Eroli, Costantino, dans DBI 43.

    241Le cas du fils homonyme du cardinal Francesco Gonzague, nommé cardinalino par son père, a été, par exemple, bien étudié : Chambers 1992 ; Chambers 1997b.

    242L’exception de Domenico Capranica nommant son frère Angelo comme héritier universel a déjà été notée : BAV, Vat. Lat., 7971, fol. 33r.

    243Archivio Colonna, III, b. LIV, no 77.

    244Serio 2008, part. p. 14-25 et 102.

    245Chambers 1992, p. 100, 135.

    246Ibid., p. 22, 135.

    247McClung Hallman 1985, p. 89.

    248Venard 1993, p. 27.

    249Becker – Weber 1999-2002, VI, p. 700.

    250Celenza 1996, p. 283 : In omnibus autem aliis bonis meis immobilibus, instituo meos heredes universales Ursinum meum germanum pro mediatate et filios masculos Karoli de Ursinis pro alia medietate, illos, videlicet, qui tempore mortis mee non fuerint prelati, idest, episcopi, archepiscopi, abbates vel cardinales.

    251À la suite de Konrad Eubel, la plupart des historiens datent en 1438 la prise de possession du diocèse de Conza par Latino Orsini. Or, deux bulles d’Eugène IV datées de 1437 rappellent qu’il était déjà évêque, l’une lui concédant une dispense d’âge, l’autre l’autorisant à cumuler son évêché avec la commende du monastère Saint-Pierre d’Assise : ASC, AO, Pergamene, II.A.15, 9 et 15.

    252Becker – Weber 1999-2002, VI, p. 701.

    253Celenza 1996, p. 282 : Et ista omnia paramenta nunc sunt penes Gentilem domini Latini de Ursinis.

    254Ibid., p. 283 : Item, specialiter relinquo Dominis Latino et Iohanni meis nepotibus vel illi ex eis qui supervisserit tempore mortis mee omnia suppellectilia mea que sunt penes dominam Jeroniam eorum matrem prout continentur in inventario quod est apud eam. Christopher Celenza s’interroge sur le nom propre de « Jeronia », dans la mesure où la mère des deux cardinaux s’appelle théoriquement Paola : Becker – Weber 1999-2002, VI, p. 701. Il fait l’hypothèse avec Katherine Gill (Celenza 1996, p. 269), qu’il s’agirait peut-être d’une maîtresse du cardinal, et que Latino et Giovanni seraient donc ses fils. J’y vois pour ma part plutôt un latinisme pour « la fille de Giordano », car le père de Paola se dénomme lui aussi Giordano.

    255Celenza 1996, p. 284 : Item relinquo dominis Latino et Iohanni de Ursinis, meis nepotibus, omnes libros meos qui reperientur tempore mei obitus, salvo legato prescripto facto Basilice Sancti Petri, si servarint eis conditionem appositam, aliter si servatam non fuerit eis. Relinquo etiam illos libros si [propinqui] vitam clericalem elegerint et servaverint, aliter non. Christopher Celenza propose de déveloper l’abréviation ppi en prosequi ; il me semble préférable d’y lire propinqui.

    256Chambers 1992, p. 135.

    257Grimani, Domenico – Testamento II, dans Università degli studi di Udine et Università degli studi di Cassino e del Lazio meridionale, I cardinali della Serenissima (1523-1605), en ligne : http://cardinaliserenissima.uniud.it : Relinquo breviarium meum pulcherimum […] reverendo domino patriarche Aquilegiensis nepoti meo ex fratre, cum hac conditionem quod illud quoquomodo aut ex quacumque causa allienare non possit, sed utatur eo in vita sua et post eius mortem volo quod perveniat ad illustrissimum dominium Venetorum. Dans ce cas précis, le cardinal laisse malgré tout également quelques autres livres, quelques œuvres d’art et l’usufruit d’une maison qu’il possède à Padoue à un autre de ses neveux, l’évêque de Ceneda : Eubel – Van Gulik 1923, p. 162.

    258Chambers 1992, p. 138 : Volo, iubeo et mando quod per reverendum Lodovicum de Agnellis prothonotarium apostolicum dilectissimum meum et dominum Franciscum de Maffeis de presenti existentes in curia romana petatur suppliciter a Sanctissimo domino nostro papa et Sacro Reverendissimorum Dominorum cardinalium collegio […] dignetur succedente obitu meo prefato Reverendo ac Illustrissimo domino prothonotario fratri meo de cathedrali ecclesia mantuana providere et imponere super ipsa ecclesia mantuana pro sex annos incohandis post diem obitus mei. Ainsi Georges d’Amboise, qui prie le roi de France afin que son neveu homonyme le remplace sur le siège rouennais : voir supra n. 234.

    259Chambers 1992, part. p. 110-131, développe l’exemple de la difficile application du testament de Francesco Gonzague.

    260Viazzo – Lynch 2002, p. 451.

    261Prosperi 1984, p. 51.

    262Seuls les Orsini (arbre 9) viennent se glisser dans ce palmarès avec cinq cardinaux, tandis que d’autres lignages sans pape égalent les quatre cardinaux que comptent au cours de la période les Piccolomini.

    263Eubel 1914, II, p. 64 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 68.

    264Reinhard 1998c, p. 62-63.

    265Ibid., p. 59.

    266L’expression « refaire un cardinal » est calquée sur celle de Christiane Klapish-Zuber, qui parle de « refaire le nom » pour évoquer les logiques onomastiques de la Toscane à la même époque : Klapisch-Zuber 1990, p. 83-107.

    267P. Cherubini, Franciotti Della Rovere, Galeotto, dans DBI 50.

    268BAV, Urb. Lat., 1016, fol. 213v-214r : Hac eadem die videlicet XI septembris sanctissimus dominus Noster mortuo domino Galeotto Cardinale sancti Petri ad Vincula, et Vice Cancelario statim eodem mane convocatis cardinalibus ad consistorium pro hora XV creavit cardinalem et Vicecancellarium dominum Sixtum fratrem germanum cardinalis defuncti, qui adhuc in lecto erat mortuus, et eidem domino sixto Reverendissimo Cardinali noviter facto, omnia dedit, que germanus nuper defunctus habebat id est dignitatem Cardinalarem Ecclesias cathedrales benefitia pensiones redditus, et introitus omnes ac etiam Vicecancellarium, et domum, et titulum sancti Petri ad Vincula. Le cardinal meurt en 1508 et non en 1507, comme l’affirme, par exemple, Konrad Eubel.

    269M. Sanfilippo, Gara Della Rovere, Sisto, dans DBI 52 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 132, 228, 333.

    270Aurigemma 2004, p. 125.

    271Ippoliti 1999, part. p. 15-17.

    272Henderson 2009 ; DeSilva 2020.

    273Sur les liens entre les deux fresques et la question de leur datation respective : Miglio 2016d, p. 208-214.

    274Howe 2005, p. 12.

    275Howe 1978, p. 273.

    276Howe 2005, p. 94.

    277Feuillet 2013 ; Zapperi 2014.

    278Fermanin 1934 ; Saxl 1965, p. 85-104 ; Company 2002, p. 363-407 ; Cavicchi 2008 ; La Malfa 2017.

    279Del Serra et al. 1996.

    280Les sources diffèrent sur la date à laquelle Francesco Gonzague a obtenu la commende de Sant’Agata dei Goti.

    281Eubel 1914, II, p. 67 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 74.

    282ASC, AO, II.A.17, parch. 85. Cela n’empêche pas le même pape d’y transférer le cardinal Bessarion trois ans plus tard, le 12 octobre 1468, tandis que Latino est nommé sur le siège de Frascati : ASC, AO, II.A.18, parch. 22. Il s’agit là du jeu de chaises musicales classique au sein du rang épiscopal du cardinalat : lorsqu’un cardinal-évêque décède, ses confrères montent en hiérarchie en respectant un ordre bien établi.

    283V. Arrighi, Pucci, Lorenzo, dans DBI 85.

    284V. Arrighi, Pucci, Antonio, dans DBI 85 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 329.

    285Levi 1989, p. 77-78.

    286Reinhard 1998c, p. 43-45 ; Polverini Fosi 1987 ; De Blasi 2014, part. p. 104-105 et 108-110.

    287Jenkens 2001 ; Nevola 2004.

    288Boriaud 2019, p. 255-277.

    289Brion 1982, p. 191-254 ; Rebecchini 2010.

    290Casanova 1899, p. 567-568 : Cum quondam Iulianus dux de Nemors, frater germanus, primo et deinde Laurentius dux Urbini secundum carnem nepos ex Petro etiam fratre germano predefuncto, relicta dilecta in Christo filia Catherina in infantili etate, fuissent functi, ac magnifìcae domus, quas quondam Cosmus proavus et Petrus avus ac Laurentius de Medicis etiam secundum carnem genitor noster tam intra quam extra civitatem Florentinam edificaverant et possessiones quas ipsi in dominio Florentino aquisiverant ad nos iure hereditario pervenissent et quondam Alphonsina de Ursinis ipsius Laurentii genitrix et nostra secundum carnem sororia, cui bonorum nostrorum patrimonialium huiusmodi liberam administrationem commiseramus, et que eiusdem Catherine neptis tutelam susceperat, in infirmitate constituta, ex qua decessit, nos universalem heredem instituisset, desiderantes tam nostram quam dicte Catherinae bona hereditaria fideliter et diligenter gubernari et administrari ipsius Catherinae tutelam ac illius et bonorum nostrorum huiusmodi tam in dicto dominio Florentino quam alibi que per luliani et Laurentii obitum et ex testamento dicte Alfonsine ad nos pervenerant ubique locorum consistentium liberam administrationem dilecto filio Iulio tituli Sancti Laurentii in Damaso presbitero cardinali, Sancte Romane Ecclesie vicecancellario, in dominio Florentino et tota Tuscia nostro et Apostolice Sedis legato et secundum carnem fratri patruelli, cuius fideli opera et consilio tam in nostris, etiam dum cardinalatus honore fungeremur, quam Apostolice Sedis postquam ad summi apostolatus apicem divina favente clementi assumpti fuimus arduis negociis usi sumus commisimus.

    291Rebecchini 2010.

    292BAV, Arch. Salviati, 58, 1re série, fasc. 3 : « Et fol o moi herede universale dico papam Leone decimo ». Il est intéressant de relever qu’Alfonsina se nomme elle-même dans son testament « Alfonsina Ursina de Medicis ».

    293Les papes en revanche peuvent exprimer des dernières volontés et laisser derrière eux un testament politique ; l’exemple le plus connu est celui de Nicolas V dans Giannozzo Manetti, De vita ac gestis Nicolai.

    294Picotti 1927, p. 368.

    295Picotti 1921, p. 61-63.

    296Ibid., p. 81 : « Non so se e el peggio contento huomo sia sopra la terre […].Ti voglio dire queste poche cose l’una che io crederrei qua sapere fare qualche faccenda de le nostre quanto unaltro l’altra che io ti sono fratello et sono pure cardinale che tu habbia qualche rispecto nel farmi comandare le cose almanco ala dignita perche bastera el ricodare […] laltra che le cose beneficiali vorrei le lasciassi a me che pare si convenghino a me come a te le temporale le quali ti ho lasciate et lascio molto volentieri stimando che sempre noi habbiamo ad essere buoni frategli et non altro. »

    297De Blasi 2014, p. 75-76.

    298Sur ce monument qui a été déplacé et largement remanié : Kühlenthal 2008 ; Pöpper 2010, p. 218-233.

    299raphaeli de ruvere sixti iiii pont[ificis] max[imi] germano iul[ius] card[inalis] s[ancti] petri ad vincula s[anctae] ro[manae] e[cclesiae] major penitent[iarius] parenti pientissimo posuit anno salutis christianae m ccc lxxvii pri[mo] die kalend[arum] maii. Une autre épitaphe gravée sur le sarcophage antique réemployé nous apprend que le monument a également été érigé pour la mère de Giuliano, Theodora, encore vivante au moment du décès de son mari : Kühlenthal 2008, p. 211.

    300Tufano 2016, p. 9-10 : francisco carrapha equiti neapolitano insigni christianae religionis observantissimo qui omnium mortalium summa benivolentia ac veneratione aetatis annum agens lxxxiiii obiit senii nunquam questus oliverius cardinalis neapolitanus parenti optimo posuit.

    301Un thème iconographique similaire peut être observé sur la tombe des parents de Sixte IV : Pöpper 2010, p. 204.

    302L’exemple des Salviati aurait également pu être développé. L’autorité de Giovanni, qui devient cardinal en 1517, sur sa famille n’est contrebalancée que par le poids de sa mère, Lucrezia : Hurtubise 1985 ; Hurtubise 1988a, p. 589-610. Sur le rôle de la mère de Giovanni Salviati, voir infra, section Des femmes stratèges.

    303Partner 1958 ; Rehberg 1992, p. 232-239.

    304Rehberg 1992, p. 270-274.

    305Ibid., p. 241-244 ; Serio 2008, p. 13-14.

    306La Bibliothèque apostolique conserve une copie de la liste édifiante de la quarantaine de bulles adoptées par Martin V en faveur des Colonna : BAV, Barb. Lat., 4779, fol. 31r-34v. Wolfgang Reinhard note que le recueil original serait conservé dans le ms. 1426 de la Biblioteca Angelica : Reinhard 1998d, p. 80. Si le codex comprend bien une bulle en faveur de ses deux neveux, Giordano et Lorenzo, fol. 150r-151v, il ne s’agit pas d’un recueil de toutes les bulles.

    307Cette bulle est éditée en appendice de Rehberg 1992.

    308Serio 2008, p. 13-16.

    309La même pratique peut être observée chez les Orsini, où les décisions économiques les plus importantes sont prises à l’échelle de la fratrie : ASC, AO, II.A.17, parch. 27. Ils ne sont pourtant pas organisés formellement en fidéicommis.

    310Cité dans Lanciani 1897, p. 411-413 : Communicavit cum illustrissimis dominis Prospero et Adoardo de Columna comite Celani germanis fratribus suis et pro se et dictis suis fratribus.

    311Rehberg 1992, p. 271-274 ; Serio 2008, p. 105-109.

    312Girolamo Priuli, I diarii, p. 38 : « Et ahora in la citade veneta, quando uno nobille havea molti fiolii, ne faceva uno prete et tutti vivevanno soto l’ombra sua. » Cité dans Del Torre 1993, p. 3-4.

    313ASMan, AG, b. 2891, dos. 65, fol. 73v : « Havemo cussì cara la beretta nostra com’el cardinale el suo capello perché la beretta nostra ha dato il capello a lui, ma non il suo capello ha dato la beretta a nui’. » Cité dans Chambers 1992, p. 22.

    314Sur la question du début des travaux : Signorini 1985, p. 115-119.

    315Ibid., p. 127 ; Chambers 1992, p. 93-94.

    316Sur l’identification des personnages de la scène : De Nicolò Salmazo 1996, p. 96.

    317Signorini 1985, p. 34-35. Le même procédé est évoqué dans le cadre de la candidature de Giovanni de Médicis, pour lequel l’ambassadeur de Florence à Rome propose de trouver un artifice afin de le faire paraître plus âgé aux yeux du pape : Palmarocchi 1953, p. 48.

    318Canova 1996, p. 215-217.

    319Chambers 1992, p. 112-131 ; Canova 1996, p. 215-222.

    320Pastor 1888-1961, IX, p. 292.

    321Hollingsworth 2004, p. 16.

    322L’histoire des Sforza en témoigne elle aussi : Orefice 1983 ; Chittolini 1989.

    323Baldassare Castiglione, Lettere, p. 753 : « Hora non vol esser più prete, et è andato a Brazzano, e brava terribilmente. » Voir aussi Shaw 2007, p. 90.

    324Cité dans Picotti 1927, p. 166 : « havere ad sopportare una perpetua briga et inquietudine ».

    325Signorini 1985, p. 35-36 ; Chambers 1992, passim.

    326Hurtubise 1981, p. 345.

    327Hurtubise 1985, p. 270 ; Hurtubise 1988a, p. 590-593.

    328Hurtubise 1985, p. 241-247.

    329Ibid., p. 342.

    330Notamment ASF, Strozzi, I, 150-158 ; Hurtubise 1985, p. 168.

    331ASF, Strozzi, I, 152, fol. 413r : « Ma ben gli ricordo a esser cauta nello scriver perché lui mostra tutto alla Santita di Nostro Signore » ; Hurtubise 1985, p. 169.

    332ASF, Strozzi, I, 152, fol. 435r.

    333Hurtubise 1985, p. 151.

    334M. Arfaioli, Medici, Giovanni de’, dans DBI 73.

    335BAV, Arch. Salviati, 58, fol. 61r-61v.

    336BAV, Arch. Salviati, 58, fol. 135v. Hurtubise 1985, p. 342.

    337ASF, Strozzi, I, 152, fol. 20r.

    338ASF, Strozzi, I, 155, fol. 123r.

    339BAV, Arch. Salviati, 58, fol. 139r, qui récapitule les principaux legs effectués par Lucrezia Salviati dans son testament.

    340De Blasi 2014, p. 130.

    341Del Torre 2010, p. 140-144.

    342Guillaume Briçonnet, Lorenzo Campeggi, Girolamo Doria, Achille Grassi, Giacomo Isolani, Franciotto Orsini et Girolamo Grimaldi sont devenus cardinaux une fois veufs et ont eu des filles lorsqu’ils étaient mariés. Amanieu d’Albret, Mercurino Arborio di Gattinara, Francesco Conti, Giovanni Battista Cybo, Giuliano Della Rovere, Ippolito d’Este, Guillaume d’Estouteville, Alessandro Farnèse, Adrien Gouffier de Boisy, Diego Hurtado de Mendoza y Quinones, Alfonso Manrique de Lara, Jean Rolin, Agostino Trivulzio et Thomas Wolsey ont des filles illégitimes, même si certaines ont pu être légitimées après leur naissance, comme celle d’Adrien Gouffier de Boisy. Certains cas font débat et n’ont pas été mentionnés, ainsi des rumeurs persistantes rapportées dans les sources sur le lien de filiation qui pourrait unir le cardinal Luigi d’Aragon avec la poétesse Tullia d’Aragon : J. Hairston, Tullia d’Aragona, dans DBI 97.

    343Murphy 2005.

    344Par exemple, Gregorovius 1872, VII, p. 473-474 ; Ilari 2001, p. 294-296.

    345Cornini – De Strobel 1992, p. 90.

    346Voir par exemple la manière dont Juan Borgia, le duc de Gandie, intercède auprès de son père dans une lettre du 9 novembre 1493 en faveur de l’évêque de Pérouse, Juan López : AAV, AA, arm. I-XVIII 5024, fol. 8v.

    347Lucrèce Borgia, Lettres, p. 65.

    348Ibid., p. 189.

    349Chiomenti Vassalli 1979 donne plusieurs exemples, notamment à partir de la p. 294, de l’influence de Giulia sur la famille Farnèse et ses stratégies de transmission.

    350Correspondance des Borgia 2013, p. 103.

    351Zarri 2006, p. 20-27.

    352Sur les liens de familles entre les Riario et les Della Rovere, voir supra, chap. 2, n. 99.

    353Outre l’ouvrage fondateur en trois volumes de Pier Desiderio Pasolini, Pasolini 1893, complété par Pasolini 1897 et deux ouvrages qui se concentrent particulièrement sur les questions soulevées dans ce chapitre, Breisach 1967 et Tabanelli 1973, il faut citer plusieurs biographies et monographies, notamment Caterina Sforza 2000 ; De Vries 2010. Pour une bibliographie récente et complète : G. Brunelli, Sforza, Caterina, dans DBI 92.

    354« Costui vuole giocare meco a ricatto di cervello; egli non sa bene che io ho il cervello del duca Galeazzo e son fantastica come lui », cité dans Tabanelli 1973, p. 51, 178.

    355Guichardin, Opere, p. 475. Traduction française dans Guichardin, Histoire d’Italie, I, p. 334.

    356Breisach 1967. Pour une étude genrée de Caterina Sforza : De Vries 2010. Voir aussi Tabanelli 1973, p. 175-183.

    357Breisach 1967, p. 170-171.

    358Ce phénomène s’illustre parfaitement dans les pillages rituels des palais qui ne sont pas rares lorsqu’un prélat de l’Église décède : Soranzo 1962, p. 270.

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