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    Plan détaillé Texte intégral Un Sacré Collège de plus en plus dynastique ? Un faible écho dans la société Normes juridiques et perceptions morales de la parenté dans le Sacré Collège Une culture de la parenté Notes de bas de page

    Léguer sans fils, hériter sans père

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    Table des matières

    Chapitre 3

    Les évolutions des pratiques et des normes de la parenté dans le Sacré Collège

    p. 233-302

    Texte intégral Un Sacré Collège de plus en plus dynastique ? L’évolution de la densité familiale au sein du Sacré Collège Les raisons d’un resserrement familial Un faible écho dans la société Normes juridiques et perceptions morales de la parenté dans le Sacré Collège Les décrets conciliaires Les capitulations électorales Les projets de réforme Une culture de la parenté Le pontificat de Pie II (1458-1464) : symbole d’un basculement La perception des liens familiaux à l’intérieur du Sacré Collège Notes de bas de page

    Texte intégral

    S’il t’importe tant de savoir qui je suis

    Que tu as pour cela descendu la pente,

    Sache que je fus vêtu du grand manteau,

    Et que je fus vraiment le fils de l’ourse,

    Si cupide à pousser mes oursons que là-haut

    Je mis l’or, ici moi-même en sac.

    Le pape Nicolas III Orsini, dans L’Enfer de Dante Alighieri, chant XIX1.

    1Depuis 1960, plusieurs chercheurs ont remis en cause le concept de népotisme pour décrire les phénomènes de parenté qui touchaient les dynasties cardinalices du XVe siècle, a minima dans le sens qu’a pris ce mot dans le langage courant contemporain. Le Littré définit le népotisme en 1863 comme une « autorité excessive que les neveux ou les autres parents des papes ont eue autrefois dans l’administration des affaires de Rome. Par extension, désir chez un homme en place d’avancer ses parents2 », et son sens n’a guère évolué depuis.

    2La notion semble indissociablement liée à la papauté de la Renaissance dans l’historiographie traditionnelle. Les noms de Borgia, Della Rovere ou Médicis font écho, dans l’imaginaire collectif, à ces « autorités excessives » accordées aux parents. Les historiens n’hésitent d’ailleurs pas à parler de « grand népotisme3 » pour décrire une situation qui leur paraît, à juste titre, spécifique de la seconde moitié du Quattrocento et des premières décennies du Cinquecento. Marco Pellegrini parle lui d’un projet de « népotisme sans limites4 » pour caractériser le programme des pontificats de Sixte IV (1471-1484) et d’Innocent VIII (1484-1492). Ces auteurs insistent souvent sur l’usage des papes de placer un ou plusieurs de leurs neveux à la tête d’États territoriaux qui devaient leur survivre5. Ils notent également les nombreuses élévations cardinalices des neveux des papes à la même période.

    3Pourtant, lorsque le terme de népotisme apparaît en italien sous le vocable de nepotismo au début du XVIIe siècle, il désigne avant tout une pratique institutionnelle6. Les papes ont alors pris l’habitude de nommer cardinal un seul de leurs neveux ; il occupe dans ce cas une charge de gouvernement et porte le titre officiel de « cardinal-neveu »7. Selon Wolfgang Reinhard, cette institution naît précisément en 1538 avec l’accession à cette dignité du cardinal Alessandro Farnèse, neveu de Paul III. Sous couvert d’assister le pape dans le gouvernement de l’Église, il s’agit en fait de favoriser un membre de la famille du souverain pontife8. Cette charge, à la sphère d’action purement séculière, devient assez rapidement honorifique. Elle n’a donc qu’un rapport plutôt éloigné avec les nombreuses nominations par les papes du XVe siècle de membres de leur famille au sein du Sacré Collège.

    4Dans un premier temps, la nomination d’un cardinal-neveu constitue une norme curiale acceptée par tous au Cinquecento, qui n’est remise en cause que très progressivement au cours du Seicento9. Ce sont alors les abus qu’elle engendre qui sont dénoncés. Les critiques portent avant tout sur l’aspect financier de ces nominations, car le cardinal-neveu perçoit des émoluments considérables. Cette dignité est finalement supprimée en 1692, à la suite d’une longue période de dysfonctionnements et, surtout, en réponse à la crise financière qui touche la papauté au XVIIe siècle10.

    5Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, de manière concomitante à l’émergence des démocraties européennes, que le mot népotisme revêt une connotation négative sur le plan moral, qu’il conserve aujourd’hui. Cette condamnation morale a peut-être à voir avec les développements progressifs de la Réforme à l’époque moderne et avec la notion de méritocratie qui prend corps au siècle des Lumières et se développe au XIXe siècle11.

    6La Rome du Quattrocento constitue une cible particulièrement adéquate pour ces nouvelles critiques, relayées au XIXe siècle par les grands historiens allemands de la papauté12. Ferdinand Gregorovius n’hésite pas à affirmer : « Si Calixte III avait prévu que, dans l’histoire ecclésiastique, son affection aveugle pour ses neveux ferait de son honorable patronyme un symbole de réprobation, il aurait sûrement enfermé les fils de ses quatre sœurs dans les plus obscures prisons d’Espagne. » L’auteur ajoute sentencieusement que « le népotisme dans le sacerdoce, c’est-à-dire dans l’Église, fut une corruption obscène »13. Il s’agit alors de condamner plutôt que d’expliquer ; pour reprendre les mots de Wolfgang Reinhard :

    Une telle conception est bien trop marquée par des normes sociales du temps présent pour qu’elle puisse rendre raison des phénomènes d’autres époques. […] Notre société étant fondée sur des idéaux tels que la performance et l’égalité des chances et notre époque étant caractérisée par son individualisme, on a peine à comprendre que, dans d’autres cultures, la famille représente une valeur plus importante que l’individu14.

    7Des historiens s’émancipent toutefois avec succès de cette approche au cours de la seconde moitié du XXe siècle15. Dès 1961, Daniel Waley souligne le rôle institutionnel que tenait le népotisme dans la papauté du XIIIe siècle16. Cette approche institutionnelle rompt pour la première fois avec l’idée d’une décadence morale portée notamment par Ferdinand Gregorovius. Plusieurs travaux fondateurs de Wolfgang Reinhard marquent cependant le véritable tournant épistémologique dans les années 197017. Ce moderniste effectue une distinction, devenue depuis classique, entre les deux fonctions principales du népotisme. La « fonction de domination » (Herrschaftsfunktion) doit permettre au pape de consolider son pouvoir en s’appuyant dans son gouvernement sur un réseau solide de parents qu’il a nommés au sein de la Curie. La « fonction d’assistance » (Versorgungsfunktion), au contraire, consiste pour le pape à enrichir ses parents et à permettre leur ascension sociale en les nommant à des postes clefs.

    8Plus récemment, une synthèse de Sandro Carocci souligne, dès les premiers mots de son introduction, le « jugement un peu hâtif » dont le népotisme fait souvent l’objet. Il explique que celui-ci ne peut se prêter à des « sentences sommaires », qu’il trouve certes ses racines dans l’amour de son propre sang, mais qu’il ne peut se réduire à une origine biologique. Le népotisme selon lui est aussi un phénomène moral, social et politique18. Il s’intéresse en particulier aux champs d’application du népotisme, qu’il divise en quatre aires différentes : la Curie, la ville de Rome, l’appareil administratif et le personnel politique19.

    9Dans un autre de ses articles, davantage tourné vers la fin du Moyen Âge, il note la difficulté théorique à distinguer ce qui est qualifié traditionnellement de « népotisme », les nominations de neveux, de ce qui relève de l’utilisation des ressources ecclésiastiques pour la famille en général. Il attire finalement l’attention sur le fait que les auteurs ont tendance à recouvrir beaucoup de réalités avec cette notion, ce qui entraîne des ambiguïtés dans sa définition. Il y voit un double risque d’anachronisme : d’une part, une conception moralisante du népotisme et, d’autre part, une distinction excessive entre les sphères séculière et religieuse. Il note enfin que le népotisme était loin d’être l’apanage du pape, et qu’il existait, dès le XIIIe siècle, un népotisme cardinalice avant même le népotisme pontifical20.

    10Étienne Anheim, dans son article déjà évoqué, paru en 2013, reprend le constat de ses prédécesseurs : le concept de népotisme semble mal adapté pour décrire les relations de parenté à l’intérieur du Sacré Collège. Il propose donc de mobiliser le concept de dynastie cardinalice pour l’époque avignonnaise21.

    11À la suite de ces historiens du dernier tiers du XXe siècle et du début du XXIe siècle, le concept de népotisme ne me paraît pas pleinement satisfaisant pour étudier les nominations cardinalices à la Renaissance22. Il charrie avec lui une somme de présupposés et de jugements de valeur qui ne reposent pas sur les sources et brouillent l’analyse.

    12La tradition historiographique, en s’étant concentrée uniquement sur la notion de népotisme pendant plusieurs siècles, a également conduit les historiens à appréhender ces pratiques de manière univoque : les phénomènes de parenté dans le Sacré Collège se seraient limités aux nominations de ses neveux par le pape. Ce faisant, les chercheurs ont laissé dans l’ombre des pans entiers de l’histoire familiale des papes et des cardinaux du XVe siècle, car les liens de parenté dans le Sénat cardinalice étaient loin de ne concerner que les neveux des papes. La notion de dynastie cardinalice, adoptée dans le chapitre précédent, paraît plus à même d’embrasser la parenté dans toutes ses dimensions.

    13Par ailleurs, considérer uniquement, et de manière systématique, que les papes élargissaient l’assise de leur famille en nommant ses membres au cardinalat conduit à négliger totalement les dynamiques inverses. Des cardinaux se servent au contraire de l’image de leurs parents, papes ou prélats, vivants ou défunts, pour accéder à des charges importantes. Ils légitiment ainsi leur ascension. Loin des usages contemporains du monde séculier, où les bénéficiaires de préférences familiales tâchent de faire oublier qu’ils sont les « fils de » ou les « filles de », les cardinaux revendiquaient au contraire ces liens familiaux, dans un monde où les dynasties étaient la règle et les règles de transmission du pouvoir ecclésial l’exception.

    14Ces revendications et, plus largement, les phénomènes de parenté au sein du Sacré Collège ne sont néanmoins pas linéaires. Les pratiques familiales de nomination à la pourpre existaient depuis le Moyen Âge central, mais elles semblent avoir augmenté au cours de la seconde moitié du Quattrocento23. Elles rencontrent un écho assez faible dans la société et sont plutôt valorisées par la Curie. C’est un phénomène ancien, et certains auteurs louaient déjà les relations de parenté dans le Collège à l’époque féodale24. Le Sacré Collège entretient donc une véritable culture de la parenté en son sein, qui tend à se renforcer au cours de la seconde moitié du XVe siècle.

    Un Sacré Collège de plus en plus dynastique ?

    15Christoph Weber affirme dans sa thèse que, entre 1500 et 1800, 68,7 % des cardinaux étaient apparentés à un pape25. Ce chiffre impressionnant cache la nature fortement évolutive des liens familiaux au sein du Sacré Collège (graphique 10).

    Graphique 10. Créations cardinalices et créations dynastiques par pontificat.

    Le pontificat de Pie III (1503) n’a pas été pris en compte car il n’a donné lieu à aucune création. Sont considérées comme familiales les créations au sein de la famille du pape jusqu’au quatrième degré de consanguinité (fils, frères, neveux, cousins). Sont aussi cités les cardinaux auxquels les papes ont donné le droit de porter le nom et les armes de leur famille : Giacomo Ammannati Piccolomini et Francesco Armellini de Médicis. Trois cas de parenté par alliance ont également été pris en compte : Giovanni de Médicis et Armanieu d’Albret sont beaux-frères des fils des papes Innocent VIII et Alexandre VI et Giuliano Cesarini le Jeune d’une fille du pape Alexandre VI. Le lien de parenté exact entre Pie II et Niccolò Forteguerri est inconnu, mais la mère de Pie II était issue de la famille Forteguerri. Le port du même nom doublé d’une revendication d’un lien familial a été pris en compte, en particulier pour les Della Rovere de Vinovo.

    Martin V (1417-1431) : Prospero Colonna ; Eugène IV (1431-1447) : Francesco Condulmer, Pietro Barbo ; Nicolas V (1447-1455) : Filippo Calandrini ; Calixte III (1455-1458) : Rodrigo Borgia, Luis Juan de Milá ; Pie II (1458-1464) : Francesco Todeschini Piccolomini, Niccolò Forteguerri, Giacomo Ammannati Piccolomini ; Paul II (1464-1471) : Marco Barbo, Giovanni Battista Zeno, Giovanni Michiel ; Sixte IV (1471-1484) : Giuliano Della Rovere, Pietro Riario, Girolamo Basso Della Rovere, Cristoforo Della Rovere, Raffaele Sansoni Riario, Domenico Della Rovere ; Innocent VIII (1484-1492) : Lorenzo Cybo de Mari, Giovanni de Médicis ; Alexandre VI (1492-1503) : Juan Borgia l’Ancien, Cesare Borgia, Giuliano Cesarini le Jeune, Juan Borgia le Jeune, Pedro Luis Borgia, Amanieu d’Albret, Francisco Borgia, Francisco Lloris Borgia, Juan Castellar Borgia, Jaime Serra i Cau ; Jules II (1503-1513) : Galeotto Franciotti Della Rovere, Clemente Grosso Della Rovere, Marco Vigerio, Leonardo Grosso Della Rovere, Sisto Gara Della Rovere ; Léon X (1513-1521) : Giulio de Médicis, Innocenzo Cybo, Niccolò Ridolfi, Giovanni Salviati, Francesco Armellini de Médicis, Luigi de’ Rossi ; Clément VII (1523-1534) : Ippolito de Médicis.

    16Restreindre la focale sur les créations cardinalices par pontificat, en particulier celles qui peuvent être considérées comme familiales, fait ressortir un premier mouvement d’ensemble. Celui-ci se voit confirmé lorsque ces deux données sont mises en regard l’une de l’autre : la proportion de cardinaux apparentés au pape qui les nomme a connu de fortes évolutions au cours du XVe siècle (graphique 11).

    Graphique 11. Évolution de la proportion de créations cardinalices dynastiques par pontificat (en %).

    17Le graphique 11 gomme le biais du nombre total de nominations, même si les pourcentages n’ont pas un sens très aigu quand ils portent sur des échantillons aussi restreints. Les deux graphiques dessinent une même évolution : les créations familiales augmentent de manière assez importante à partir des années 1450 ; leur croissance se poursuit ensuite et atteint un pic en pourcentage dans les années 1460 et en valeur absolue dans les années 1490 ; ces nominations se maintiennent jusque sous le pontificat de Léon X pour décroître, finalement, à la fin de la période sous Adrien VI et Clément VII.

    L’évolution de la densité familiale au sein du Sacré Collège

    18Mais le constat de cette évolution dans les pratiques de création ne suffit pas à caractériser le phénomène. Les relations de parenté au sein du Sacré Collège sont loin de se limiter à celles qui unissent chaque pape avec les cardinaux qu’il nomme. Il faudrait donc pouvoir englober dans une même analyse les liens de parenté qui unissaient les cardinaux à tous les papes, pas uniquement ceux qui les ont promus, et, plus encore, les liens qui unissaient les cardinaux entre eux. Encore une fois, l’analyse de réseaux semble offrir une solution intéressante.

    19Comme cela a été souligné auparavant, les liens de parenté pris en compte par l’analyse des réseaux menée pour le Sacré Collège de 1417 à 1534 n’étaient pas toujours matérialisés par des relations interpersonnelles entre des cardinaux, qui ont parfois vécu à des époques différentes à l’intérieur de cet arc chronologique26. Cependant, en paramétrant un intervalle chronologique pour chaque cardinalat, il est possible d’avoir une vision diachronique des liens familiaux qui se sont noués et dénoués au sein du Sacré Collège sur cette période. L’évolution du Sacré Collège ainsi que les liens familiaux qui le parcouraient peuvent donc être observés au fil du temps (graphe 7).

    Graphe 7. Évolution du Sacré Collège et de ses liens familiaux.

    Pour des raisons de lisibilité, le graphe 7 ne fait pas apparaître les labels des cardinaux, c’est-à-dire leur nom.

    Le logiciel utilisé, Gephi, ne propose pas de paramètre chronologique au jour près, ou au mois près, mais seulement à l’année près. Ces images donnent donc une photographie exacte de la situation du Sacré Collège, du point de vue des nœuds, au 1er janvier de chaque année. Dans les mois qui suivent, un ou plusieurs cardinaux apparaissant sur le graphe ont pu mourir, avoir quitté le Sacré Collège ou avoir été démis de leur dignité. En revanche, aucun cardinal n’a été nommé, le graphe portant uniquement, à dessein, sur des années sans consistoire.

    Ces graphes montrent, dans quelques rares cas, des liens de parenté parfois postérieurs à la date indiquée. Si, par exemple, deux cardinaux étaient liés familialement car le neveu de l’un s’est marié à la nièce de l’autre, il est possible que ce mariage soit advenu après leur création et donc après la date à laquelle le graphe fait apparaître un lien. Dater les liens de manière systématique aurait malheureusement été impossible : les dates des unions matrimoniales n’ont pas toujours été conservées dans les sources. Par ailleurs, il aurait fallu déterminer à partir de quand le lien fut effectif : les fiançailles, l’établissement du contrat, la cérémonie, la consommation du mariage ? C’est une question insoluble. Néanmoins, ce léger biais joue de manière très marginale.

    Par économie, ces douze graphes permettent un balayage rapide de la période envisagée, 1417-1534, en ne retenant qu’une date par décennie. Il est possible d’avoir un aperçu annuel beaucoup plus détaillé avec un graphe évolutif qui affiche les labels. La vidéo s’avère dans ce cas le média le plus pertinent, car elle permet la mise en série de 117 images successives. En ligne : https://doi.org/10.34847/nkl.e3dbz3dk.

    20Malgré toutes les précautions prises pour interprêter les résultats présentés, il ressort de l’évolution des liens de parenté une tendance claire. Le nombre de liens familiaux croît de manière assez importante dans la seconde moitié du XVe siècle, le nombre de cardinaux sans liens diminue et le nombre de liens entre les cardinaux augmente. À la fin de la période, au début du XVIe siècle, le noyau de cardinaux apparentés les uns aux autres demeure important, mais le nombre de cardinaux « électrons libres » augmente sensiblement.

    21L’impression visuelle peut être confirmée par une analyse quantitative plus précise grâce à la mesure, année par année, de la densité du réseau (graphique 12). La densité d’un réseau correspond au nombre de liens existant en son sein divisé par le nombre total de liens potentiels. L’évolution de cette densité connaît clairement un pic statistique des années 1470 aux années 1510. Les cardinaux sont ainsi beaucoup plus apparentés entre eux sur cette période d’une quarantaine d’années.

    Graphique 12. Évolution de la densité des réseaux de parenté dans le Sacré Collège (mesure annuelle).

    22Une partie de l’explication est purement statistique. La mesure de la densité d’un graphe dépend des variations du nombre de sommets (c’est-à-dire des nœuds, soit ici du nombre des cardinaux) : si le nombre de sommets augmente, le nombre d’arêtes potentielles croît de manière exponentielle, et la densité diminue. Donc, mathématiquement, l’augmentation du nombre de cardinaux devrait faire diminuer la densité et vice versa. Toutefois, en superposant la courbe de densité et celle de l’évolution du nombre de cardinaux, aucun rapport clair et global n’apparaît entre les deux données (graphique 13). En revanche, des corrélations assez fortes apparaissent ponctuellement. Les grandes promotions d’Eugène IV en 1439 (17 cardinaux) et de Léon X en 1517 (31 cardinaux) font en effet baisser mécaniquement la densité des réseaux de parenté dans le Sacré Collège.

    Graphique 13. Comparaison de l’évolution de la densité des réseaux de parenté dans le Sacré Collège avec l’évolution du nombre de cardinaux (mesure annuelle).

    23De manière générale, la densité augmente ou diminue pour deux raisons principales : soit parce que le nombre de liens réels augmente ou diminue, soit parce que le nombre de liens potentiels augmente ou diminue. La première variable repose donc sur la création ou la mort de cardinaux insérés dans les réseaux cardinalices familiaux du Sacré Collège. Par exemple, la mort du cardinal Luigi d’Aragon, qui comptait huit liens de parenté dans le Sacré Collège à la fin de sa vie, en 1519, contribue à la diminution de la densité de 9 % observée entre 1519 et 1520. La seconde variable réside, à l’inverse, dans la création ou la disparition de cardinaux qui n’avaient aucun lien avec les autres sénateurs de l’Église. Ils influent alors sur le nombre de liens potentiels dans le réseau. Si leur nombre augmente, le nombre de liens potentiels augmente de manière exponentielle et la densité diminue. Quand le Sacré Collège des cardinaux est à son apex en 1518, avec 64 cardinaux, le nombre de liens potentiels est supérieur à 1 800 ; quand il est à son étiage le plus bas, en 1439, avec 16 cardinaux, le nombre de liens potentiels s’élève seulement à 136.

    24Cette dernière raison explique les baisses brutales de la densité, par exemple celles observées entre 1438 et 1439. Le nombre de liens diminue très peu entre ces deux années, passant de six à cinq, mais le nombre de nœuds augmente pour sa part sensiblement, puisque le pape Eugène IV promeut 17 cardinaux alors que deux seulement meurent. Si bien que la baisse de plus de 20 % de la densité est davantage liée à la hausse du nombre de liens potentiels entre des cardinaux, qui ne sont pas apparentés entre eux dans la réalité, plutôt qu’à la baisse du nombre des liens de parenté réels.

    25Cet ensemble de facteurs statistiques explique les évolutions les plus brutales. Pour autant, ils ne sont d’aucun secours dans l’analyse de l’évolution globale, qui paraît largement déconnectée de celle du nombre de cardinaux.

    26L’évolution constatée des nominations familiales par les papes successifs est donc affinée, mais aussi confirmée par les variations de la densité des liens familiaux à l’intérieur du Sacré Collège. Cette densité commence à augmenter légèrement à partir du pontificat de Calixte III (1455-1458). La tendance se poursuit sous les pontificats de Pie II (1458-1464) et de Paul II (1464-1471), puis prend de l’ampleur sous les pontificats de Sixte IV (1471-1484) et d’Innocent VIII (1484-1492) pour atteindre son sommet sous Alexandre VI (1492-1503). Elle décroît ensuite sous les pontificats de Pie III (1503) et de Jules II (1503-1513), tout en restant assez élevée, pour finalement diminuer et se stabiliser à la fin du pontificat de Léon X (1513-1521). Cette tendance à la stabilisation se poursuit sous Adrien VI (1522-1523) et Clément VII (1523-1534). Comment, dès lors, expliquer cette brève et intense densification des réseaux de parenté à la fin du Quattrocento ?

    Les raisons d’un resserrement familial

    27La baisse de la densité familiale dans le Sacré Collège à la fin de la période semble intimement liée aux nominations très nombreuses de cardinaux du début du XVIe siècle, dont beaucoup n’étaient pas connectés par des liens familiaux aux autres cardinaux. Ce sont souvent des cardinaux d’État qui ne résident pas à Rome27. Un noyau assez stable de cardinaux connexes subsiste malgré tout.

    28La hausse constatée au début de la seconde moitié du XVe siècle est peut-être plus difficile à appréhender que la baisse du début du XVIe siècle. Plusieurs pistes se dégagent pour expliquer cette augmentation de la densité familiale. Il faut d’abord souligner les pratiques des papes de la période, si prompts à élever leurs parents au sein du Sacré Collège (graphiques 10-11). L’historiographie traditionnelle du népotisme avance généralement cet argument, qui tient davantage aux dispositions psychologiques de chacun des souverains pontifes. Les fluctuations de leurs sentiments vis-à-vis de leurs parents échappent à l’historien. Des logiques sociales, plus perceptibles, viennent pourtant éclairer ces phénomènes.

    29Les pontificats doubles, qui se sont multipliés au cours de la période identifiée, forment peut-être la première partie de l’explication. Par exemple, Sixte IV et Jules II appartiennent à la même famille et nomment au sein du Collège de nombreux parents. Jules II récupère un Sénat cardinalice où un réseau familial Della Rovere a déjà été construit par son oncle Sixte IV ; au moment de son élection pontificale le 1er novembre 1503, le Sacré Collège compte déjà Giuliano Della Rovere lui-même, mais aussi Raffaele Sansoni Riario, Girolamo Basso Della Rovere et Domenico Della Rovere. Il ajoute à cette liste cinq cardinaux de sa famille. Ces deux pontificats ont un effet cumulatif qui favorise la multiplication des liens de parenté dans le Collège. Le même processus peut être observé chez les Borgia. Alexandre VI, le neveu de Calixte III, récupère, lui aussi, les réseaux créés par son oncle, qu’il entretient pendant plus de trente ans en tant que vice-chancelier28. Il est élu sur le trône de saint Pierre le 11 août 1492 et établit un record pour le XVe siècle en nommant dix cardinaux de sa famille à la pourpre (graphique 10). Cependant, cet iter ne vaut pas pour les Piccolomini – Pie III n’a pas nommé de cardinaux – et la chronologie des doubles pontificats des Condulmer-Barbo et des Médicis ne correspond pas à la période où la densité des réseaux de parenté au sein du Sacré Collège était la plus forte.

    30Un autre motif de cette densification réside peut-être dans la configuration sociale d’une partie des papes qui se sont succédé sur le trône de saint Pierre à cette époque. Les Della Rovere ont des origines modestes29. Les Borgia ont une trajectoire sociale assez similaire30. L’accession à la papauté d’un des représentants de ces deux lignages, puis d’un second, constitue pour eux un tremplin social exceptionnel qu’il faut mettre à profit. Il s’agit d’implanter durablement sa famille sur la scène politique romaine et péninsulaire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les papes Della Rovere et Borgia sont parmi les plus prompts à tailler pour leur famille des seigneuries séculières en Italie, tentatives plus ou moins abouties31.

    31À l’inverse, d’autres lignages qui comptent au moins un pape au XVe siècle – les Condulmer, les Barbo, les Cybo et, a fortiori, les Colonna et les Médicis – sont des familles bien établies, patriciennes ou aristocratiques. Elles ont déjà une surface sociale importante avant l’accession à la papauté d’un des leurs, et elles continuent d’exister sur la scène italienne après sa mort32. Le sort de leur famille dépend moins de la tiare que celui des Della Rovere et des Borgia, qui voient dans cette élection un moyen de s’élever socialement. D’autres papes de l’époque ont également des origines humbles : Nicolas V et Adrien VI. Mais Tommaso Parentucelli est fils unique, ce qui restreint ses possibilités, et Adriaan Floriszoon Boeyens ne reste à la tête de l’Église que vingt et un mois. Les Della Rovere et les Borgia forment donc deux cas particuliers sur cette période, du point de vue de la double papauté et de l’origine sociale, qui expliquent en partie la hausse de densité familiale à l’intérieur du Sacré Collège du Quattrocento. Mais cette première réponse se concentre uniquement sur ce que les historiens ont appelé le « népotisme pontifical », or les réseaux de parenté au sein du Sacré Collège étaient loin de s’y limiter.

    32Dans un article qui porte sur ces phénomènes du XIIIe au XVe siècle, Sandro Carocci renverse la proposition et invite à lire la première moitié du XVe siècle comme une période de baisse de la densité des relations familiales à l’intérieur du Sacré Collège, entre la période avignonnaise d’une part et le second XVe siècle d’autre part33. Il lie la diversification du recrutement géographique des cardinaux qui se serait opérée au début XVe siècle à la diminution des relations de parenté au sein du Sacré Collège. Carocci oppose notamment ce phénomène à la période avignonnaise, qui serait marquée par un recrutement cardinalice très restreint sur le plan géographique, favorisant les liens de parenté à l’intérieur du Sacré Collège34. Il faudrait selon lui attendre la fin du XVe et le début du XVIe siècle pour que les relations de parenté soient à nouveau nombreuses. Il ne relève que la « stirpe vénitienne pontificale35 » pour le corps du XVe siècle. D’autres groupes familiaux qui se sont formés progressivement au XVe siècle ont néanmoins été identifiés grâce à l’analyse de réseaux. Cette dernière vient donc confirmer, mais aussi préciser, la chronologie proposée par Sandro Carocci, qui repose sur l’observation empirique et qualitative des sources. Les liens familiaux à l’intérieur du Sacré Collège sont ainsi peu nombreux dans la première moitié du XVe siècle, mais leur nombre augmente dès les premières décennies de la seconde moitié de ce siècle.

    33Le chercheur italien avance plusieurs facteurs pour expliquer la hausse des relations familiales internes au Sacré Collège à la fin du XVe siècle. L’augmentation du nombre de cardinaux est une des raisons invoquées, mais la corrélation entre ces deux données ne paraît pas évidente. L’italianisation est également invoquée. Ce phénomène doit être cependant largement nuancé : la proportion élevée d’Italiens dans le Sacré Collège, dans les décennies 1420 et 1430 (graphique 7), n’empêche pas la densité des liens familiaux de rester assez mesurée36. Sandro Carocci avance une dernière raison : le choix des grandes familles patriciennes italiennes d’investir dans l’Église leurs finances et leurs forces vives en suscitant et en favorisant des carrières ecclésiastiques chez leurs propres membres. Ces familles forment un « bloc social », un « front de familles patriciennes italiennes apparentées entre elles » par une politique matrimoniale active. Elles ont développé assure-t-il, un « quasi-monopole » de la classe cardinalice qui est apparu dès lors comme « one big family »37. Cette expression peut paraître, à la lumière de l’analyse produite, légèrement exagérée, mais elle ne peut être totalement rejetée.

    34Les cardinaux sont non seulement majoritairement italiens, mais aussi de plus en plus issus de familles patriciennes et de la haute aristocratie, en particulier des familles dirigeantes de la péninsule38. Aux barons romains, dont la présence reste constante au Quattrocento, comme elle l’a été depuis plusieurs siècles, s’ajoutent désormais les Gonzague, Médicis, Este, Sforza, Cybo ou Fieschi. Si bien que tous les jeux d’alliances matrimoniales qui agitent ces grandes familles de la péninsule italienne au XVe siècle se retrouvent en miroir au sein du Sacré Collège. Par exemple, le lien créé par le mariage en 1469 de Laurent le Magnifique avec Clarice Orsini, alliance politique avant tout séculière, se reflète dans la relation entre les cardinaux Médicis et Orsini (arbre 1), et il perdure pendant des décennies.

    35Ces familles dirigeantes italiennes, aristocratiques ou patriciennes, ont de plus en plus tendance à s’allier avec les grandes familles princières européennes. Or, quand les papes de cette période nomment à la pourpre des ultramontains, ils font souvent appel à des représentants de la très haute noblesse occidentale. Ils répondent en cela aux aspirations des souverains et à l’émergence de la figure du cardinal protecteur. Par exemple, les Aubusson, les Bourbons, les Albret, les Foix, les Amboise, les Orléans appartiennent tous au cercle restreint des grandes familles nobles du royaume de France, liées entre elles et unies au reste de l’aristocratie européenne par le sang et le mariage. La densité familiale au sein du Sacré Collège en est considérablement renforcée.

    36Il y a donc une évolution très nette et d’une nouvelle ampleur qui se fait jour à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle : un resserrement familial dans le recrutement cardinalice. Est-il possible de corréler cette dynamique à un mouvement de resserrement social plus large de l’Église et de la société des élites de la fin du Moyen Âge ? Sandro Carocci et Amadeo De Vincentiis notent que l’Église, qui était un instrument d’ascension sociale à la fin du Moyen Âge, en particulier dans la seconde moitié du Quattrocento, s’est transformée progressivement en un facteur de reproduction de l’ordre social et des structures familiales39. Wolfgang Reinhard s’oppose à cette idée en soulignant la hausse de la mobilité sociale dans l’Europe moderne qui aurait débuté dès le XIVe siècle. Il qualifie cette mobilité sociale d’ascension de la « ploutocratie bourgeoise » vers la noblesse, et transpose ce phénomène dans l’Église en notant que, après Martin V, les membres de la haute noblesse baronniale n’accédaient presque plus jamais à la papauté40. De ce point de vue, il semble également vrai que la noblesse baronniale, souvent romaine, était concurrencée, aussi bien pour la papauté que pour le cardinalat, par les familles des élites citadines italiennes, souvent patriciennes, ou par des familles déjà nobles, mais de faible envergure.

    37Les deux interprétations ne se contredisent pas totalement, car, en réalité, elles ne se situent pas à la même échelle, aussi bien temporelle que sociale. L’analyse de Wolfgang Reinhard se place dans le temps long, à une échelle séculaire, quand l’analyse de Sandro Carocci et d’Amadeo De Vincentiis se situe dans un temps beaucoup plus resserré, à une échelle décennale. Par ailleurs, les individus issus des élites citadines plus récentes ou d’un milieu nobiliaire de faible envergure ont potentiellement connu une ascension sociale en plaçant un de leurs membres dans le Collège. Au contraire, en considérant comme un ensemble l’ancienne noblesse baronniale et la nouvelle aristocratie, souvent fondée sur la fortune, un mouvement de resserrement social du Sacré Collège apparaît assez clairement. Ce verrouillage se manifeste par un recrutement cardinalice dans un milieu de plus en plus endogame41.

    38Il ne s’agit pas cependant, à proprement parler, d’une fermeture. Sur le plan canonique, le cardinalat reste ouvert à tous les clercs : plusieurs exemples de cardinaux issus des milieux les plus modestes en témoignent. Les institutions qui permettent de telles trajectoires sont très rares à la fin du Moyen Âge. L’exemple de la famille Della Rovere, parmi d’autres, illustre bien ce phénomène. Ce sont paradoxalement ces familles, pour lesquelles la papauté et le cardinalat constituent un moyen d’ascension sociale fort, qui œuvrent le plus à verrouiller le Sénat cardinalice. C’est justement parce que ces nouveaux lignages avaient un fort besoin de mobilité sociale qu’elles ont développé ce que Reinhard appelle la « fonction d’assistance » du népotisme, c’est-à-dire la nomination de leurs parents à des charges clefs dans le but de permettre l’ascension sociale la plus large possible de leur parentèle42.

    39Le resserrement des liens familiaux répond aussi à une volonté de renforcer la légitimité du pouvoir cardinalice, et c’est probablement la principale cause de l’évolution observée. Les liens de parenté au sein du Sacré Collège, affirmés et revendiqués, constituent un élément clef de la légitimation d’un pouvoir qui manque parfois d’autorité43. L’endogamie du Sénat cardinalice ne fait donc pas l’objet d’une condamnation, et semble au contraire susciter peu de réactions dans la société.

    Un faible écho dans la société

    40Le favoritisme familial au sein de la Curie et plus particulièrement du Sacré Collège ne semble pas avoir fait l’objet de critiques particulièrement virulentes tout au long du Moyen Âge44. Dans cette optique, Guido De Blasi, qui analyse dans sa thèse, soutenue en 2014, une série de chroniques, journaux et sources littéraires concernant la papauté pour les années 1450 et 1460, conclut qu’« il est impossible de trouver dans ces documents une acceptation ou un rejet total du népotisme. En fait, il semble presque que le phénomène en lui-même ne préoccupe pas particulièrement celui qui écrit, cela n’est pas perçu comme problématique45 ». Il souligne néanmoins qu’ici et là peuvent apparaître des critiques contre les récipiendaires de ces pratiques de favoritisme et ajoute que, dans les décennies suivantes, les sources, en particulier les sources narratives, les chroniques et les annales, seraient davantage portées à la critique contre le favoritisme familial46.

    41Il est difficile d’appréhender la perception en dehors de la Curie des nominations familiales pour plusieurs raisons. D’abord, l’écrasante majorité des sources conservées sur ces sujets sont de nature ecclésiale ; à l’inverse, d’autres sources, émanant par exemple de membres du popolo romain ou d’aristocrates, sont peu susceptibles d’éclairer la question. Ensuite, aucun document produit dans un cadre séculier ne paraît, a priori, en mesure de fournir de tels renseignements. Enfin, les témoignages qui s’opposent à une institution dominante comme l’Église sont, logiquement, peu conservés.

    42Si la dimension spécifiquement familiale des promotions cardinalices a parfois pu être mise en accusation, il faut cependant relever l’absence de cette critique dans trois sources. Il est toujours délicat de démontrer un fait historique par une absence de preuve – ce n’est d’ailleurs pas l’objectif –, mais elle dénote, malgré tout, une tendance.

    43La littérature satirique, encore que la question de sa représentativité puisse se poser, aurait certainement pu fournir d’éventuelles critiques, si un sentiment de rejet vis-à-vis des promotions familiales avait existé chez les contemporains. Les Facéties du Pogge, publiées entre 1438 et 1452, constituent l’un des ouvrages les plus connus de ce style particulier47. Plusieurs de ces facéties touchent d’ailleurs directement les cardinaux48. Or, si elles dénoncent volontiers l’ignorance, la cupidité, les mauvaises mœurs, la grossièreté, le goût pour le luxe des sénateurs de l’Église, elles ne s’attaquent jamais à leur appartenance à une famille commune. Poggio Bracciolini avait déjà formulé, lors du concile de Constance, une violente invective contre le monde ecclésiastique dans son Oratio ad Patres Reverendissimos49. L’humaniste, alors secrétaire apostolique de Jean XXIII, y dénonçait avec beaucoup d’ardeur les défauts des hommes d’Église : leur avarice, leur hypocrisie et leur incontinence ; mais, déjà, les liens familiaux au sein de la cléricature n’y étaient pas même évoqués.

    44Une autre source est intéressante dans la mesure où elle est généralement présentée comme le reflet d’un point de vue plus populaire dans la Rome du XVe siècle : le journal de Stefano Infessura50. Celui-ci naît à Rome aux alentours de 1440 dans une famille d’artisans assez modestes du rione de Trevi. Il devient en 1473, grâce à sa formation universitaire, lecteur en droit civil dans le studium de Rome, où il est chargé de rédiger les comptes rendus des conseils généraux de la commune comme scriba senatus. Ce docteur en droit est donc issu d’un milieu d’artisans bien implantés dans la population romaine et attachés aux valeurs républicaines et communales. Anna Modigliani assure que Stefano était « sans doute le chroniqueur romain du Quattrocento le plus nettement municipal et anti-papal51 ». Il ne se prive d’ailleurs pas de critiquer vertement le luxe et les vices des curiaux52. Or, dans son journal, les mentions récurrentes de liens familiaux entre pape et membres du Sacré Collège ne s’accompagnent jamais d’aucune critique, à la différence d’autres crimes, jugés bien plus graves53. Il cible parfois des parents du pape quand ils sont nommés à des fonctions importantes. Par exemple, Stefano rapporte que Sixte IV a désigné Leonardo Della Rovere préfet de Rome alors qu’il est aussi petit en taille qu’en esprit, mais toujours sans remettre en cause spécifiquement le lien familial qui unit les deux hommes : c’est l’incompétence de Leonardo qui est visée54. Tout au plus l’ironie pointe-t-elle peut-être dans le passage consacré à la promotion cardinalice du 20 septembre 1493, qui concerne notamment Cesare Borgia, Giuliano Cesarini le Jeune et Alessandro Farnèse, tous trois unis au pape Alexandre VI par des liens de nature différente55.

    45Enfin, les sermons de Girolamo Savonarole sont régulièrement cités dans l’historiographie à l’appui de la dénonciation des mœurs de l’Église et de la papauté du XVe siècle56. S’il s’agit bien d’une source ecclésiastique, ce prêcheur dominicain peut être considéré comme extérieur à la Curie et à ses pratiques, qu’il n’avait de cesse de dénoncer avec virulence. Si les invectives contre la simonie, la débauche et le luxe excessif qui auraient régné à la cour pontificale reviennent très régulièrement dans ses sermons, il est plus difficile de trouver une critique des relations de parenté en cours dans le Sacré Collège. Dans son Sermon sur la rénovation de l’Église, prononcé dans le duomo florentin le 13 janvier 1495, le prédicateur liste les différentes raisons qui rendent nécessaire la réforme de l’Église. Son premier point porte justement sur la « corruption des prélats » ; il y évoque notamment l’ambition et la luxure dont ils font preuve57. Mais il ne s’y trouve aucune condamnation d’éventuels liens de parenté avec le pape ou d’autres cardinaux. Un passage d’un autre sermon est parfois cité dans ce sens. Il s’agit d’un prêche prononcé par Savonarole le 4 mars 1497, dans une série d’homélies sur le livre d’Ézéchiel initiée lors de l’Avent 1496 et poursuivie au Carême 1497. Le dominicain y adresse une longue diatribe contre l’Église de son temps :

    Je te parle à toi, ô Église […]. Les vases sacrés tu les as voués à la superbe, les sacrements à la simonie ; puis tu es devenue une prostituée défigurée par la luxure : tu commets les péchés que tout le monde sait. […] Tu es devenue un diable, tu es devenue pire qu’une bête, tu es un monstre abominable. […] Écoute ce que dit le Seigneur : Et aedificasti tibi lupanar [Éz XVI, 24]. Tu as édifié une maison publique. […] Ainsi toi, Église prostituée, tu rougissais autrefois de ton orgueil, de ta luxure ; aujourd’hui tu ne rougis plus. Autrefois, les prêtres demandaient qu’on appelle leurs fils des neveux ; désormais, il n’y a plus de neveux, mais des fils, des fils tout court58.

    46La violence de ce discours ne joue certainement pas en faveur du frère prêcheur quand il est excommunié un mois plus tard, le 23 mai 1497. Mais les nominations familiales ne semblent pas faire partie de la liste des péchés attribués à l’Église. Seul le nicolaïsme est ici dénoncé, dans une référence à peine voilée à Alexandre VI.

    47Certains chroniqueurs peuvent être très virulents envers les papes qui favorisent leurs parents. Francesco Mugnoni, qui tient une chronique de 1416 à 1503 à Trevi, est très critique, par exemple, envers Girolamo Riario, dont il sous-entend qu’il serait le fils de Sixte IV, ou envers Franceschetto Cybo, fils d’Innocent VIII59. Discréditer un parent du pape désigné au cardinalat, en général un de ses neveux, en affirmant qu’il est son fils est une pratique courante au XVe siècle, qui montre bien qu’être neveu du pape ne constitue pas en soi une faute60.

    48Il arrive même que des auteurs visent spécifiquement des cardinaux-neveux sans les accuser d’être des fils de pape, à l’instar de Francesco Mugnoni à l’encontre de Giuliano Della Rovere61. Ce n’est jamais le lien familial qui est remis en cause en tant que tel, sauf peut-être quand l’affection que porte le pape envers ses parents atteint son paroxysme avec Alexandre VI62. Le pape catalan s’affranchit de toutes les règles en matière de continence ecclésiastique et de politique bénéficiale en nommant son fils, Cesare Borgia, à la pourpre. Mais ce pontife, sa famille et les Catalans cristallisent alors dans les sources tous les vices de la Curie ; ils sont tenus pour responsables de tous les maux dont Rome est affligée. En règle générale, c’est avant tout l’incompétence ou la cupidité des papes et de leurs familles, bien plus que leurs pratiques de favoritisme familial, qui sont pointées du doigt. D’ailleurs, le même chroniqueur n’hésite pas à louer les qualités de Francesco Todeschini Piccolomini, dont il rappelle pourtant qu’il est le neveu de Pie II, ou de reconnaître que la légation du cardinal Juan Borgia le Jeune à Pérouse, en juillet 1498, est un succès63.

    49En dehors des chroniques et des annales, plusieurs auteurs notent que les humanistes du Quattrocento sont souvent plus prompts à louer les vertus de piété familiale des pontifes et la qualité des membres de leurs familles qu’ils élèvent au cardinalat qu’à blâmer un favoritisme outrancier. Il est vrai que ces éloges s’inscrivent dans le cadre de liens de patronage ou de dédicaces d’ouvrage64. Toutefois, c’est certainement chez les humanistes que les accusations les plus virulentes et les plus systémiques sur ce thème peuvent être repérées, même si elles restent assez rares. Elles se concentrent alors, en général, sur un ou deux individus bien identifiés et interviennent souvent dans un contexte particulier. Après la conjuration des Pazzi, Laurent le Magnifique, engagé dans une lutte armée et idéologique dans la péninsule contre le pape Sixte IV, fait produire une série de pamphlets contre les Della Rovere et les Riario. Parmi ceux-ci, le Florentina Synodus, écrit en 1478 par Gentile Becchi, évêque d’Arezzo et ancien précepteur humaniste de Laurent, se montre très critique envers Girolamo Riario, mais aussi envers son frère Pietro. Il y est plus généralement reproché à Sixte IV de « nourrir les porcs avec des glands d’or » achetés grâce aux produits de sa simonie, ce qui constitue une allusion au favoritisme familial, le « gland » faisant référence à l’emblème héraldique des Della Rovere, mais aussi à leur cupidité, puisque ledit gland est « d’or »65. Les critiques se concentrent essentiellement sur la politique séculière mise en place par le pontife de Savone, ainsi que sur la simonie et le nicolaïsme dont il aurait fait preuve.

    50Le Commentariorum rerum urbanorum, œuvre majeure de l’humaniste Raffaele Maffei en trente-huit livres, prend lui aussi Pietro Riario pour cible principale66. Une partie de l’ouvrage est dédiée à des biographies très courtes en lien avec l’histoire des papes67. Alors qu’il dédicace son ouvrage à Jules II en 1506, l’auteur n’hésite pas à critiquer durement son oncle Sixte IV :

    Il fut enclin à l’affection et à l’indulgence d’abord pour les siens, poussant en avant un grand nombre d’entre eux et leur octroyant, par son autorité, des faveurs sans interruption, Pietro [Riario] avant tous les autres de son lignage et de sa patrie. Il l’avait éduqué alors qu’il était enfant et l’éleva jusqu’au cardinalat, sans quoi cet homme se serait perdu dans l’argent. De fait, en l’espace de seulement deux ans, il engloutit 200 000 pièces d’or pour sa seule débauche. Il dépensa aussi 60 000 pièces d’argent ainsi que 300 livres. Il mourut, infecté par le plaisir, à l’âge de vingt-huit ans68.

    51La première phrase exprime bien une tendance généralisatrice, mais ses critiques se concentrent ensuite sur un seul des parents de Sixte IV. Après avoir évoqué d’autres nominations familiales du Saint-Père de manière assez neutre, il le loue même pour avoir élevé à la pourpre celui qui est devenu le second pape de la famille, Giuliano Della Rovere, dédicataire de l’ouvrage. En réalité, il semble difficile d’imaginer que Raffaele Maffei critiquât ouvertement Sixte IV dans un ouvrage dédié à son neveu. L’attaque porte bien en premier lieu sur Pietro Riario, pas sur le pape. Peut-être que l’auteur cherche avant tout à plaire à Jules II, dont la lignée au sein des Della Rovere a toujours été mise en concurrence avec celle des Riario. D’ailleurs, dans sa Brevis sub Iulio Leoneque historia, Maffei dresse un programme de réforme pour l’Église dans lequel il ne liste pas le favoritisme familial des pontifes comme un problème particulier à résoudre69.

    52Une critique encore plus générale du favoritisme familial nous est fournie par Platina, lorsqu’il décrit le pontificat de Pie II. Il critique une première fois le favoritisme familial et régional de ce pontife dans sa Vita Pii II pontificis maximi, qui doit pourtant prendre la défense du pape siennois après sa mort (1464)70. L’auteur, connu pour son intransigeance intellectuelle, n’hésite pas à y affirmer à propos du Saint-Père :

    Il fut épris de sa patrie et de ses concitoyens au plus haut point, leur confiant presque toutes les dignités, honneurs, charges publiques, la défense des forteresses et les faveurs publiques. Il se montrait très aimant envers ses parents, ses affins, ses neveux, plus qu’il ne convenait à un pontife71.

    53Néanmoins, il se concentre aussitôt dans les trois exemples qu’il cite ensuite sur les neveux laïcs du Saint-Père, en particulier Antonio Piccolomini, devenu duc d’Amalfi. Cette vie du pape siennois devient un des socles sur lesquels il bâtit, quelques années plus tard, son Liber de vita Christi ac omnium pontificum, une collection de biographies des souverains pontifes depuis saint Pierre jusqu’à Sixte IV. Ce livre devient une de ses œuvres majeures et connaît un grand succès. Il en dédie le manuscrit au premier pape Della Rovere lui-même72. Dans le codex luxueux produit pour le jubilé de 1475, Platina insère un passage dans la vie de Pie II, qui développe en un paragraphe la remarque sur le favoritisme qu’il avait formulée après la mort du pontife :

    Il préférait ses parents, ses proches, ses neveux, et, enfin, tous ses concitoyens de Sienne, au point de leur confier presque toutes les dignités, honneurs, charges publiques, la défense des forteresses et les faveurs publiques ; ce qui ne semblait convenir en aucune mesure à la figure du pontife, qui doit veiller à l’intérêt public. Il ne doit pas non plus être plus enclin envers l’un, en raison de sa parenté, qu’envers l’autre, en raison de sa vertu. Que l’on fasse des concessions à sa patrie, à ses proches et à ses neveux, le patrimoine de tous les chrétiens ne doit pas pour autant être abandonné en totalité à une seule patrie et à une seule parenté. Les vertus et les honneurs des hommes doivent être examinés, et nous ne devons pas nous tourner vers ce que nos désirs réclament. En effet, ceux à qui Pie avait confié des charges et des faveurs publiques s’étaient comportés avec une telle avarice et une telle malice, qu’après sa mort, la plupart d’entre eux furent tués, capturés, ou frappés de tous les outrages et de toutes les insultes. Cela ne serait pas arrivé s’il avait confié les charges à ceux dont la vertu et la droiture étaient éprouvées, en accordant davantage à la vertu qu’à la patrie73.

    54Néanmoins, un trait vertical apparaît dans la marge le long de ce paragraphe, accompagné des lettres va. Giacinto Gaida a proposé le premier d’y lire l’abréviation de vacat. De fait, ce paragraphe disparaît totalement, quatre ans plus tard, dans l’édition princeps des Vitae et dans toutes les impressions postérieures74. Il est difficile d’élucider les raisons qui ont poussé Platina à écrire ces lignes. Stefan Bauer propose d’y lire une volonté de sa part de se démarquer des protégés de Pie II qui ont été chassés du pouvoir et malmenés après la prise de pouvoir du pape Paul II75. Mais la chronologie s’accorde mal avec cette proposition. Platina écrit la Vita Pii II pontificis maximi pour prendre la défense du pape Piccolomini juste après sa mort, en lien avec les héritiers du pontife, alors qu’il est en captivité à l’initiative de Paul II. L’humaniste est emprisonné pour s’être insurgé du renvoi par le pape vénitien de la plupart des abréviateurs nommés par Pie II76. Il serait donc très étonnant que Platina ait attendu la mort de Paul II pour finalement se désolidariser des disciples de Pie II, alors qu’il n’avait plus aucun intérêt à tirer d’une telle démarche. Il semble plus probable qu’il ait tempéré son jugement par rapport à la première Vita de Pie II qu’il a écrite, car il était alors étroitement lié au parti des Piccolomini. Libéré partiellement de ses engagements une décennie plus tard, il donne libre cours à sa pensée.

    55Quant à savoir pourquoi il a finalement renoncé à ce paragraphe pour l’édition des biographies pontificales, la question reste entière. Stefan Bauer formule deux hypothèses. Il est d’abord, selon lui, possible que le parti Piccolomini, en particulier les cardinaux Giacomo Ammannati Piccolomini et Francesco Todeschini Piccolomini, ayant pris connaissance de ce paragraphe, ait dissuadé Platina de se montrer aussi critique envers le défunt pontife. L’autre hypothèse, tout à fait vraisemblable, est qu’il soit apparu dangereux aux yeux de l’humaniste, qui ne manqua pourtant pas de courage tout au long de sa carrière, de critiquer aussi ouvertement le favoritisme familial d’un pape défunt au moment où ce phénomène était en plein essor sous le pontificat de Sixte IV. Bartolomeo Sacchi est d’ailleurs représenté lui-même, au milieu des neveux du pape Della Rovere, sur une des œuvres paradigmatiques de ce mouvement, réalisée par Melozzo da Forlì (fig. 20)77.

    56Le favoritisme familial excessif dont aurait fait preuve Pie II est donc condamné sans équivoque et de manière globale, bien que le texte ne précise pas si les flèches décochées par l’humaniste visent autant les offices ecclésiastiques que laïcs. Une fois de plus, Platina condamne le favoritisme, qu’il soit tourné vers la parenté ou vers la concitoyenneté. Cependant, et c’est sans doute, paradoxalement, l’élément majeur à retenir, Platina ne condamne pas en général les faveurs accordées aux parents, mais uniquement leur caractère systémique et outrancier. Il reprend en cela une opinion qu’il a développée dans son De principe de 1470, traité dans lequel il réfléchit notamment au juste soin à accorder à ses parents et à l’État. Il y souligne l’importance de la pietas et insiste sur la nécessité de favoriser son État et ses parents. Il se fonde néanmoins sur Cicéron pour soutenir que les faveurs réservées à l’État, assimilé au bien commun, doivent toujours être supérieures à celles octroyées à la famille78. C’est peut-être ce qui explique en dernier ressort l’évolution de son jugement sur le pontificat de Pie II entre sa Vita Pii II pontificis maximi et son Liber de vita Christi ac omnium pontificum : la réflexion de l’humaniste a mûri. Il ne faut donc pas, selon lui, hésiter à accorder des faveurs à sa famille, pourvu que celles-ci ne mettent pas en péril le bien commun, c’est-à-dire, en l’occurrence, l’intérêt de l’Église.

    57Quelques décennies plus tard, dans la première moitié du Cinquecento, les réformateurs protestants ne semblent guère se soucier de ces questions. Wolfgang Reinhard l’affirme : « les polémistes protestants, et Luther à leur tête, n’ont, à ma connaissance, jamais développé d’attaques fondamentales, soutenues par des valeurs “proto-bourgeoises”, contre cet aspect de la papauté [le “népotisme”] ». Ils retiennent bien davantage l’angle d’attaque de Savonarole, à savoir la dénonciation d’une Église qui prétend que les bâtards des papes sont leurs neveux79.

    58Les cardinaux issus de familles pontificales font donc l’objet de critiques, et régulièrement sous des plumes séculières. Cupidité, bâtardise, luxure, incompétence, jeunesse excessive et beaucoup d’autres vices leur valent des reproches récurrents, mais c’est rarement le lien familial qui les unit au Saint-Père, et encore moins à d’autres cardinaux, qui est mis en accusation. Les rares critiques pointent le favoritisme familial lorsqu’il est excessif et favorise l’incompétence.

    Normes juridiques et perceptions morales de la parenté dans le Sacré Collège

    59Au XVe siècle, les textes à caractère normatif développent un discours évolutif vis-à-vis des phénomènes de parenté qui animent le Sacré Collège, notamment en ce qui concerne les nominations cardinalices des papes. Les actes conciliaires, les capitulations électorales et les projets de réforme qui ont ponctué le XVe siècle sont les sources les plus susceptibles d’éclairer l’évolution des normes et de la perception morales qui entouraient les questions familiales au sein du Sacré Collège. Elles présentent davantage un intérêt pour approcher les représentations des acteurs du temps que pour saisir les pratiques, car ces textes, quand ils étaient publiés, n’étaient que rarement respectés.

    Les décrets conciliaires

    60La période donne lieu à plusieurs conciles importants80. Le concile de Constance (1414-1418) aborde le sujet de la parenté au sein du Sacré Collège à l’intérieur des commissions formées pour la réforme de l’Église81. La volonté que manifeste ce concile de réglementer les conditions d’élévation des cardinaux fait directement suite à la rébellion d’une partie des porporati contre Grégoire XII en 1408-1409. Ce dernier, contrairement à son engagement, décide de créer quatre nouveaux cardinaux le 9 mai 1408, dont deux de ses neveux, Antonio Correr et Gabriele Condulmer82, suscitant un grand ressentiment de la part du Sacré Collège, dont une partie se détache de l’obédience romaine au concile de Pise (1409) et élit un troisième pape83. Trois versions du paragraphe relatif aux promotions cardinalices sur lequel a travaillé le concile de Constance sont connues84. La première et la deuxième version correspondent au travail de la première commission de réforme85.

    61La première proposition, De numero et modo assumpcionis cardinalium et qualitate assumendorum, indique qu’« aucun parent consanguin de quelques cardinaux vivants que ce soit, jusqu’au quatrième degré [de consanguinité] inclus, ni de la même descendance, famille, maison ou parenté86 » ne peut être élevé au cardinalat. Il est difficile de savoir si les parents des papes auraient été concernés par cette mesure. Un pape est aussi cardinal : en témoigne la rhétorique conciliariste, qui le désigne primus inter pares à l’intérieur du Sacré Collège. La question reste en suspens, ce flou étant souvent de mise au XVe siècle, qu’il fût le résultat d’une exploitation consciente ou d’un vide théorique inconscient.

    62La deuxième mouture est équivalente, à l’exception du terme de départ, consanguinei, remplacé par l’expression affines seu attinentes : ce sont à la fois les parents par alliance et les parents consanguins qui sont touchés par l’interdiction87. Cette version est retenue dans la deuxième commission de réforme du concile de Constance sous le titre De numero cardinalium et qualitate eorum88.

    63La troisième version, De numero qualitate et natione dominorum cardinalium, resserre au contraire le champ d’action. Elle est intéressante car elle correspond au projet de réforme préparé par Martin V lui-même après son élection89. Devant l’échec du concile à parvenir à un accord, le pape présente sa proposition à l’assemblée le 20 janvier 141890. L’interdiction ne touche plus que « les frères ou neveux issus des frères ou des sœurs de quelques cardinaux vivants que ce soit91 ». Les parents par alliance ne sont donc plus intégrés et l’interdiction ne porte plus que sur trois degrés de consanguinité.

    64Les décrets finalement apportés par le concile constituent une quatrième étape. Le paragraphe entier concernant l’élévation au cardinalat est supprimé de la session XLIII, qui promulgue le 21 mars 1418 « quelques décisions concernant la réforme de l’Église92 ». C’est d’autant plus étonnant que, quelques mois auparavant, dans le décret de la session XL, publié le 30 octobre 1417, l’item « nombre, qualité et appartenance nationale des cardinaux » était placé en première position parmi les sujets « qu’avant que le concile ne soit dissous, le futur souverain pontife romain, qui doit être prochainement choisi par la grâce de Dieu, devra réformer […] en collaboration avec ce saint concile ou avec ceux qui seront désignés par chacune des nations93 ».

    65De manière encore plus étonnante, la session XLIII, qui traite de sept questions sur la réforme de la Curie, se conclut par ces mots : « Il a été et il est donné satisfaction à ce saint concile au sujet des articles contenus dans le décret sur la réforme, promulgué samedi, le 30 du dernier mois d’octobre94. » Or les sept points semblent bien légers par rapport au programme initial. C’est peut-être Léonce Celier qui a le mieux expliqué cet échec :

    Les Pères, en se réunissant à Constance, s’étaient donné la double mission de mettre fin au Schisme et de réformer l’Église. La première partie de ce programme fut longue et difficile à exécuter. Quand on eut enfin un pape incontesté, les sessions duraient depuis longtemps, la fatigue était venue, et il aurait fallu que Martin V y mît beaucoup d’énergie pour que l’on discutât sérieusement sur la nomination aux bénéfices ou la réorganisation des ordres religieux. Or, Martin V, au contraire, avait de bonnes raisons de n’y pas tenir. L’attitude indépendante du Concile avait pu être utile pour faire disparaître les rivalités d’obédiences, elle donnait au pape peu de garanties que la réforme s’opérerait selon ses vues95.

    66En réalité, le point qui concerne le nombre et la qualité des cardinaux a été transféré dans des documents bien différents. Martin V souhaite dialoguer lui-même, de manière séparée, avec chacune des nations représentées au concile. Ces discussions débouchent sur la rédaction de plusieurs concordats particuliers96. Les concordats signés avec les nations germanique, hispanique et française reprennent la formulation du projet de Martin V : ne peuvent être élevés au cardinalat « les frères ou neveux par les frères ou les sœurs de quelques cardinaux vivants que ce soit97 ».

    67Cette interdiction est assez sévère. La suite du texte précise que les bâtards, les infirmes, les criminels ou ceux qui sont touchés par l’infamie ne peuvent pas non plus devenir cardinaux ; il est aussi indiqué qu’il est impossible de créer plusieurs cardinaux appartenant au même ordre religieux98. Il faut peut-être voir dans cette dernière interdiction, comme dans celle des créations familiales, le résultat de politiques d’influence en œuvre à la Curie. Il s’agit également de barrer la route à l’apparition potentielle de factions, en partie responsables des désastres du Grand Schisme. Néanmoins, ces concordats n’ont qu’une valeur juridique assez faible : ils ne sont adoptés, à l’exception du concordat anglais, que pour cinq ans. Le décret Frequens prévoyait de toute façon que le concile général se réunirait à nouveau cinq années plus tard.

    68Les variations notées entre les différentes versions des décrets reflètent les débats qui ont animé les discussions des pères conciliaires99. Leurs nombreux désaccords signent l’échec du concile de Constance à réformer en profondeur la Curie100. Seuls les sujets les plus consensuels sont d’ailleurs concernés par les décrets conciliaires, tandis que les questions les plus délicates, sur lesquelles il est plus difficile d’obtenir un accord, sont renvoyées aux négociations concordataires101. Mais ce sont vraisemblablement les conditions globales des élévations à la pourpre qui faisaient débat, les faveurs familiales n’étant l’objet que d’une demi-phrase au sein d’un long paragraphe.

    69Après l’échec du concile de Pavie qui tente de se réunir cinq ans plus tard, comme le stipulait le décret Frequens, le concile de Bâle s’ouvre le 23 juillet 1431. La vingt-troisième session, le 26 mars 1436, insiste à plusieurs reprises sur le favoritisme familial dans les nominations curiales102. Chaque année, à la messe du jour anniversaire de l’élection ou du couronnement du pape, il est prévu qu’un cardinal rappelle le pape à ses devoirs en lisant un long avertissement, où il est notamment précisé : « dans la distribution des dignités et des bénéfices, aie devant les yeux non point la chair, ni les présents ni rien de temporel, mais seulement Dieu et les vertus et services des hommes103 ».

    70Un peu plus loin, ce sont les charges et titres temporels qui font l’objet de prescriptions particulières quant aux liens de parenté :

    Pour éviter que le souverain pontife ne paraisse entraîné par le sentiment des liens charnels plus que par le jugement de la raison et pour obvier aux scandales qui, l’expérience en témoigne, en ont souvent résulté, qu’il ne nomme ou n’admette aucun de ses parents par le sang ou par alliance jusqu’au troisième degré inclusivement aux titres de duc, marquis, comte, feudataire, emphytéote, vicaire, gouverneur, official, châtelain de quelque province, ville, place forte, bourg, forteresse ou lieu de l’Église romaine, qu’aucun n’ait juridiction ou pouvoir sur ceux-ci, ne soit capitaine ou chef de gens d’armes104.

    71Cela témoigne d’un état d’esprit particulier envers les liens de parenté au sein du concile de Bâle. La mention « l’expérience en témoigne » fait peut-être référence à Martin V avec les Colonna, ou bien à des temps plus éloignés105.

    72Les créations de cardinaux au sein de familles qui en comptent déjà font l’objet d’un paragraphe spécifique, intitulé De numero et qualitate cardinalium, qui stipule qu’« on ne fasse pas cardinaux les neveux, nés d’un frère ou d’une sœur du pontife romain, ou d’un cardinal vivant, ni des enfants illégitimes, ni des hommes ayant une malformation physique ou souillés par la flétrissure d’un crime ou d’une infamie106 ».

    73Un glissement léger mais significatif s’est opéré : ce ne sont désormais plus les seuls frères et neveux des « cardinaux » qui sont visés, mais également ceux du souverain pontife. Il faut certainement y voir la volonté d’être plus en phase avec la réalité des nominations, qui de fait concernent des frères et des neveux du pape tout autant que ceux des cardinaux. Le souverain pontife, de nouveau à la tête d’un État, doit s’appuyer sur un personnel composé pour partie de parents fidèles. Le concile s’élève contre le risque de formation de factions cardinalices trop puissantes, à même de favoriser une dynastie pontificale. Les pères conciliaires tentent dès lors d’affaiblir, par tous les moyens, une papauté renaissante et légitimée qui n’existait pas encore à Constance107. C’est certainement aussi une manière d’attaquer plus spécifiquement le pape d’alors. Eugène IV avait dissous le concile de Bâle dès le 12 novembre 1431, par la bulle Quoniam alto, pour le transférer à Bologne108. Malgré un revirement en 1433, les relations entre le concile et le pape se dégradent irrémédiablement entre 1435 et 1437109.

    74En tout cas, il est nécessaire de nuancer un peu le jugement de Wolgang Reinhard, pour qui « la critique médiévale de l’Église et de la Curie ne s’attaque qu’en passant (ou pas du tout) au népotisme pontifical, comme [il a pu s’en] convaincre par l’examen des textes relatifs à ce sujet110 ». Des voix se sont élevées, dans la première moitié du XVe siècle, contre la nomination de parents du pape au cardinalat111. Toutefois, ces interdictions ne portent pas tant sur l’aspect familial des nominations que sur le danger qu’elles pourraient susciter en matière de factionnalisme. Elles font suite aux désastres du Grand Schisme et sont adoptées dans le contexte particulier et éphémère d’un conciliarisme triomphant, qui s’éteint largement après un concile de Bâle de moins en moins représentatif des structures ecclésiales. C’est pourquoi Eugène IV réunit le concile de Ferrare-Florence (1438-1445) qui doit marginaliser celui de Bâle112. La question de la préférence familiale n’y est pas prioritaire.

    75Près de quatre-vingts ans plus tard, le concile de Latran V (1512-1517) témoigne d’une réelle inflexion sur le sujet113. La section De cardinalibus dans la bulle de réforme de la Curie, Supernae dispositionis arbitrio, qui fait suite à la neuvième session du 5 mai 1514, est plus modérée114. Elle ne statue pas précisément sur les nominations de cardinaux au sein du Sacré Collège, mais traite plus largement des biens, et donc des bénéfices de l’Église :

    Il n’est pas décent de négliger les parents par affinité ou par le sang, surtout ceux qui le méritent et qui ont besoin de secours ; au contraire, il est juste et louable de les nantir. Pour autant, cependant, nous n’estimons pas convenable de les combler à ce point d’une multitude de bénéfices ou de revenus ecclésiastiques que d’autres souffrent de cette largesse immodérée et que, de là, naisse le scandale. Nous statuons donc que les cardinaux ne doivent pas distribuer avec témérité les biens des églises, mais les affecter à des œuvres saintes et pieuses : c’est de cette façon que les saints pères ont décidé et ordonné de disposer des revenus considérables et les meilleurs115.

    76Ce n’est pas le favoritisme familial en lui-même qui est dénoncé ici, mais ses dérives et ses effets pervers, notamment en matière de cumul des bénéfices, contre lesquels les pères conciliaires souhaitent lutter. L’idée d’une piété familiale légitime, souhaitable et raisonnable remonte au christianisme antique et se voit souvent réaffirmée au Moyen Âge116. C’est alors le besoin des parents qui doit motiver l’octroi de faveurs. Le concile de Latran V initie donc une inflexion, mais la porte reste ouverte car le décret peut faire l’objet de nombreuses interprétations, aucun seuil de richesse précis n’étant fixé. Le train de vie d’un cardinal de la Renaissance et de sa famille est considérable. La notion de pauvreté est somme toute assez relative pour un prince de l’Église et ses proches117.

    77Ce n’est que sous Paul III qu’il est possible d’observer de véritables changements. Dès novembre 1536, le pape Farnèse charge une commission de huit personnes, dirigée par le cardinal Contarini, pour réfléchir à des propositions de réformes en vue de l’ouverture d’un futur concile. Le rapport est présenté formellement au pontife au début du mois de mars 1537 sous le nom de Consilium delectorum cardinalium et aliorum prelatorum de emendanda ecclesia118. De nombreuses copies circulent parmi les cardinaux et il est imprimé dès l’année suivante à Rome, Cesena et Cologne119.

    78Le Consilium constitue une critique virulente du système curial à bien des égards, notamment en ce qui concerne l’attribution des bénéfices. Dans les faits, il dénonce de manière explicite les transmissions d’un évêché ou d’un autre bénéfice dans le giron familial d’un clerc :

    Aucune permission ne devrait être donnée aux clercs de léguer une propriété ecclésiastique, exceptée pour une raison urgente, de peur que les possessions du pauvre soient converties en plaisir privé et dédiées à l’élargissement des biens d’une personne120.

    79La commission liste tous les subterfuges juridiques pour parvenir à cette fin, et note que les cardinaux « ont une grande licence à transgresser la loi121 » en la matière. Néanmoins, aucune proposition n’est clairement formulée pour lutter contre le favoritisme familial dans les nominations à la pourpre. Elles n’apparaissent que pendant le concile de Trente122. Dans une assez large mesure, ces évolutions canoniques tridentines suivent, avec un léger retard, l’évolution des pratiques : les liens de parenté diminuent dans les décennies 1510-1520, et le concile sanctionne a posteriori cette diminution123.

    Les capitulations électorales

    80Les décrets conciliaires reflètent la composition des assemblées, variable d’un concile à l’autre, qui proposent, modifient et adoptent ces décisions. Les capitulations électorales traduisent au contraire de manière plus précise les aspirations des cardinaux, même si leur caractère normatif est sujet à caution et si elles ne sont presque jamais respectées124.

    81Les capitulations d’Eugène IV prescrivent en 1431 de s’en remettre aux décrets du concile de Constance pour la création des cardinaux125. Or ce concile ne dit rien sur ce sujet. Il est également difficile d’y voir une référence aux mesures concordataires déjà évoquées, car elles étaient devenues caduques, à l’exception des décrets du concordat anglais, cinq ans après leur adoption, en 1423. D’ailleurs, les contemporains ont bien conscience de ce vide juridique, comme le prouve un débat consistorial rapporté par Pie II à l’occasion de la promotion cardinalice de décembre 1461. Comme à leur habitude, les cardinaux se montrent très opposés à toute nouvelle création. Le cardinal Nicolas de Cues y prend la parole avec gravité, évoquant les liens d’amitié très forts qui l’unissent au souverain pontife, mais se disant contraint de s’opposer à lui par crainte du châtiment divin. Il se voit dans l’obligation de rappeler le pape à ce qu’il croit être ses devoirs :

    Selon ton plaisir, tu te prépares à créer de nouveaux cardinaux sans qu’il n’y ait pourtant aucune urgence, et ainsi tu violes le serment que tu as prêté durant le conclave et avant ton ascension et ensuite devant le Sacré Collège, à savoir que tu ne créerais jamais de cardinaux sans l’approbation de la majorité du Collège et en conformité aux décrets du concile de Constance. Aujourd’hui, tu ne fais aucun cas des prescriptions conciliaires et tu ne cherches pas à obtenir le consensus du Collège126.

    82Le cardinal rappelle donc explicitement au pape les capitulations que Pie II a promis de respecter lui aussi au moment de son élection, en 1458, et qui sont en tout point similaires à celles de 1431. Celles-ci précisent que le souverain pontife doit s’en remettre aux prescriptions du concile de Constance pour ce qui concerne les nominations cardinalices. Pie II a pourtant beau jeu de se mettre en scène, répondant au cardinal Nicolas de Cues sur le point du concile plutôt que sur les capitulations :

    Tu nous opposes la prescription du concile de Constance auquel, selon toi, nous serions lié par serment. Nous avons feuilleté le volume des décrets. Jamais dans les sessions du concile de Constance ne fut promulgué un décret sur l’élection des cardinaux. Il y eut quelques discussions et quelques points furent mis par écrits pour servir la mémoire, mais ils ne prirent jamais la forme de décrets, même si ensuite Martin V promulgua, en accord avec quatre nations, la Germanie, la France, l’Espagne et l’Angleterre, quelques ordonnances – parmi d’autres – qui concernaient la nomination des cardinaux, lesquelles furent appelées « concordats », qu’il décida de limiter à cinq ans. Quant à l’Italie, qu’il aurait dû honorer plus que les autres nations et à laquelle il n’aurait dû porter préjudice de quelque manière que ce soit, avec elle il ne stipula aucun accord. Tu ne peux donc exiger que nous nous conformions au nombre et à la qualité des cardinaux définis par un décret du concile qui ne se rencontre nulle part127.

    83Il est possible que Pie II ait réécrit ce passage a posteriori, et qu’après l’opposition du cardinal Nicolas de Cues il se soit renseigné plus précisément sur les décrets du concile de Constance. Dans tous les cas, il a certainement produit cet argument à un moment ou à un autre devant le Sacré Collège.

    84C’est peut-être cet épisode qui explique que ce point particulier des capitulations ait été réécrit en 1464, à l’occasion du serment que prêtèrent les cardinaux et le pape Paul II nouvellement élu. Le texte marque une première inflexion. Le pape ne doit plus désigner de cardinaux qui n’aient « un doctorat en droit canon, en droit civil ou en théologie, sauf un, et celui-ci peut être élu dans sa parenté de sang128 ». L’exception en matière de cursus universitaire peut donc être cumulée à une exception en matière de consanguinité129. Cette inflexion s’explique peut-être par l’augmentation des nominations familiales sous le pontificat de Pie II, considéré comme un « pape népotique », en particulier pour la promotion de parents à la tête de seigneuries séculières130. Mais il ne faut pas oublier que Pie II a également élevé trois cardinaux avec lesquels il avait des liens plus ou moins étroits de parenté (graphique 10). Même Calixte III (1455-1458), le premier pape Borgia, n’en avait pas fait autant, n’ayant désigné que deux de ses neveux cardinaux131.

    85Les capitulations électorales de Sixte IV confirment et accentuent ce tournant en 1471. Parmi les restrictions et les conditions d’accès à la pourpre, les conclavistes demandent à ce « que [le pape] ne crée pas plusieurs [cardinaux] de sa parenté par alliance, et de sa consanguinité, mais un seul s’il est qualifié ». La qualification requise est précisée juste avant : « qu’il soit docteur, soit en théologie, soit dans le droit majeur, soit dans le droit mineur »132. La perspective est renversée : l’exception ne porte plus d’abord sur le manque de compétence universitaire, comme en 1464, mais sur les liens du sang. Au contraire du conclave précédent, le nouvel élu ne doit plus faire exception en ce qui concerne sa formation universitaire et doit présenter toutes les qualités requises à une telle fonction.

    86Le tournant apparaît complet trente-cinq ans après le concile de Bâle : désormais, les papes ont explicitement le droit de créer un cardinal parmi leurs parents. Le conclave de 1471 marque la fin du règne de Paul II qui a, lui aussi, créé trois de ses neveux cardinaux : Marco Barbo (1467), et les fils de ses deux sœurs, Nicolosia et Isabella, Giovanni Michiel et Giovanni Battista Zeno (1468). Aucun de ces trois nouveaux parents ne semble avoir suivi le cursus universitaire requis dans le serment de 1464133. Cette absence a peut-être motivé, en réaction, le changement de règle relevé entre le conclave de 1464 et celui de 1471.

    87Le texte qui marque l’élection d’Innocent VIII en 1484 reprend exactement les mêmes recommandations134. Il fait suite au pontificat de Sixte IV (1471-1484), qui n’a pu que pousser les cardinaux à reprendre les mêmes dispositions. Cette capitulation de 1484 est jurée après sa lecture par les cardinaux aux conclaves de 1492 et 1503135.

    88Au contraire, des modifications significatives apparaissent dans les capitulations de 1513. D’un seul depuis 1471, les papes peuvent désormais nommer jusqu’à deux cardinaux dans leur famille, si les candidats respectent les conditions habituelles de l’élection136. La limite des vingt-quatre cardinaux est ensuite réaffirmée et de nouvelles règles beaucoup plus sévères édictées pour la faire respecter. Mais ces dernières comportent cependant une exception : les deux cardinaux issus de la famille du pape sont les seuls autorisés à être surnuméraires137. Non seulement les papes peuvent désormais créer deux cardinaux issus de leur famille, contre un seul auparavant, mais en plus ces élévations ne sont pas tenues de répondre aux prescriptions qui s’appliquent à toutes les autres. Une véritable exception juridique est donc formulée pour les nominations de parents au sein du Collège des cardinaux.

    89Les mêmes recommandations sont faites dans les capitulations publiques de 1522, mais elles disparaissent dans les capitulations privées qui sont les seules approuvées et jurées par le pape et le Sacré Collège138. Les capitulations adoptées l’année suivante, lors du conclave qui élit Clément VII, semblent avoir oublié totalement ces sujets, y compris dans les capitulations publiques, alors même que ces dernières reprennent une bonne partie des exhortations précédentes en matière de promotions cardinalices139.

    90Une chronologie semble se dessiner. Chez les cardinaux du début du XVe siècle, les nominations par le pape dans sa famille proche, ou dans les familles des autres cardinaux, ne semblent pas avoir été une préoccupation. L’interdiction n’apparaît jamais explicitement dans les capitulations de cette période. L’aspect familial des promotions ne devient en réalité un objet de réflexions qu’à partir du dernier tiers du Quattrocento. Une modération des contraintes bâloises advient à partir de 1464 et elle s’assouplit encore davantage en 1513. Cette évolution fait suite à des élévations familiales répétées par des papes comme Pie II, Paul II ou Sixte IV dans un premier temps et Alexandre VI ou Jules II dans un second temps.

    Les projets de réforme

    91Cette chronologie coïncide partiellement avec les projets de réforme qui fleurissent au Quattrocento. Conscients des dérives séculières de la Curie, plusieurs papes tentent d’y mettre fin140. Outre les conciles déjà évoqués, les souverains pontifes chargent à plusieurs reprises des prélats, des évêques et des cardinaux de dresser des programmes de réformes141. Les contemporains ne souhaitent pas faire évoluer l’Église pour la rendre plus en phase avec la réalité, mais revenir à une forme originale supposée parfaite : « réformer au Moyen Âge, c’est former une chose déjà existante, mais déformée ; c’est ramener à une forme primitive, supposée excellente et vigoureuse, une institution affaiblie par le temps, minée et corrompue par les abus142 ». Dans la pratique, ces programmes étaient rarement appliqués, voire jamais au XVe siècle, mais leur étude n’en demeure pas moins intéressante car les projets pointent des dérives ou des abus. Ils ont souvent été jugés par l’historiographie comme des occasions manquées dans la perspective de la Réforme protestante et de la Contre-Réforme143.

    92Une très grande majorité de ces programmes de réformes ne tiennent pas compte de la question de la famille dans les créations cardinalices144. Il est impossible d’embrasser ici tous les projets145. Comme l’affirme Léonce Celier : « Au XVe siècle […], l’histoire ecclésiastique n’est plus remplie que de propositions et d’essais de réformes146. » Trois moments marquent cependant les principales tentatives au Quattrocento. Ils correspondent justement à la période de basculement définie au préalable : les pontificats de Pie II (1458-1464), de Sixte IV (1471-1484) et d’Alexandre VI (1492-1503).

    93Pie II lance une commission de réformes entre septembre et octobre 1458, c’est-à-dire juste après son élection au pontificat. Après s’être pourtant repenti de ses « erreurs bâloises » auprès d’Eugène IV, le pape siennois manifeste pendant toute sa carrière une fibre réformatrice développée. Les sources sur cette commission sont rares et l’histoire ne se souvient pas de tous ses membres. Seuls quatre d’entre eux ont été retenus : Antonin de Florence (1389-1459), canonisé sous Adrien VI, le cardinal Juan de Torquemada (1388-1468), connu pour être un des plus fervents défenseurs de la papauté, et surtout le cardinal Nicolas de Cues (1401-1464) et l’évêque Domenico de’ Domenichi (1416-1478)147. Seules les propositions de ces deux derniers réformateurs sont aujourd’hui conservées.

    94Le projet de Nicolas de Cues, la Reformatio generalis, se démarque à la fois par sa hauteur de vue et par son aspect très organique. Ce cardinal, envoyé en tant que légat apostolique dans le Saint-Empire dans les années 1440, est rappelé à Rome par son ami Enea Silvio Piccolomini dès son élection pontificale. Les deux ecclésiastiques se sont rencontrés au concile de Bâle et sont restés très proches l’un de l’autre148. Ce traité de Cues a pour ambition d’établir une réforme générale de l’Église149. La deuxième partie du projet, qui se décline en quatorze règles générales, se concentre plus spécifiquement sur la Curie, en partant du pape pour s’occuper ensuite des cardinaux, du personnel curial et du clergé de Rome. Il insiste en particulier sur la collation des bénéfices, la suppression de leur cumul, la simonie et la chasse aux prébendes150. Son programme est très inspiré par le conciliarisme de la première moitié du XVe siècle. Il délaisse néanmoins le sujet de la préférence familiale en général et ne traite pas du tout du cas des nominations des cardinaux au sein de la famille du pape.

    95C’est au contraire un sujet abordé par le projet de réforme soumis à Pie II par Domenico de’ Domenichi. Ce dernier est nommé évêque de Torcello par Nicolas V en 1448. Il s’implique de plus en plus à la Curie sous le pontificat de Calixte III et devient le protégé d’Enea Silvio Piccolomini qui lui octroie de nombreuses charges et plusieurs bénéfices151. Remarqué pour son zèle réformateur, Domenico est chargé, le 16 août 1458, de prêcher le sermon qui est traditionnellement donné pendant la messe de l’Esprit Saint qui ouvre le conclave. Il y exhorte les cardinaux à élire un pape conscient de la nécessité de la réforme. C’est donc très logiquement que Pie II le nomme juste après son élection dans la commission chargée de lui présenter des projets. Son Tractatus de reformationibus romanae curiae est présenté au pape dès octobre 1458152. Il puise son inspiration dans les sources scripturaires, dans la patristique, dans la scolastique médiévale et dans le conciliarisme du Quattrocento. Il recommande d’ailleurs de faire appliquer les décrets des conciles de Constance et de Bâle. Il appelle à une transformation morale, disciplinaire et structurelle de la Curie romaine, qui doit déboucher sur une réforme plus générale de l’Église. Selon l’ancien adage, l’Église devrait être réformée in capite et in membris, et, chez Domenico de’ Domenichi, de la tête vers les membres153. Cet évêque se distingue par un programme très concret, nourri par sa propre expérience de la Curie. Le traité se développe à travers un préambule et vingt-deux chapitres154. Le chapitre 10 traite en particulier de la question de la famille dans les nominations ecclésiastiques. Le titre en lui-même est très explicite : Des nombreux arguments qui montrent à quel point sont graves le péché et la ruine qui en résultent pour l’Église quand les dignités ecclésiastiques sont promises aux parents et quand les hommes bons et doctes en sont exclus155. Le début du chapitre est de la même teneur :

    La neuvième considération concerne les promotions. Quand elles deviennent nécessaires, des hommes excellents dans les vertus et les sciences, qui sont utiles à l’Église pour leur vie exemplaire, pour leur érudition, pour leur doctrine et pour leur défense de l’Église [doivent être promus] plutôt que des frères, des parents consanguins, des neveux et d’autres personnes proches ; si ce sont les parents qui sont promus, qu’ils soient pleins de science et de vertu, et qu’ils soient dignes d’éloges, surtout pour les plus grandes dignités.

    Il arrive parfois dans la réalité que les pontifes promeuvent d’abord seulement leurs proches, laissant de côté les hommes les plus illustres dans les vertus et dans la science, et de ce fait ils scandalisent les princes, les prélats, le peuple chrétien et leur Curie et perdent tout crédit et toute autorité auprès de ceux-ci, ce qui nuit grandement à l’Église de Dieu156.

    96Domenico de’ Domenichi n’est pas fondamentalement opposé à ce que des parents des papes soient nommés aux plus hautes dignités de l’Église. Il ne souhaite pas, en revanche, que cela se fasse au détriment d’hommes vertueux, érudits, qualifiés et louables. Cette idée revient à plusieurs reprises dans ce dixième chapitre, et l’auteur évoque un peu plus loin :

    Le préjudice […] de la promotion aux prélatures des enfants et des ignorants, parce que rien ne nuit plus à l’Église que d’avoir à son gouvernement ceux qui ne savent pas se diriger eux-mêmes, et qui deviennent maîtres avant d’avoir été disciples157.

    97Le même principe est présent sous la plume de Pie II lui-même dans ses Commentarii, quand il commente la promotion cardinalice de Calixte III du 17 septembre 1456. Jaime de Portugal et, surtout, Rodrigo Borgia et Luis Juan de Milá, tous deux parents du pape catalan, y sont élus. Le futur cardinal de Sienne se lance alors dans une diatribe contre cette promotion où pointe l’amertume de n’avoir pas été lui-même choisi :

    Le consistoire, après avoir longuement débattu, créa trois cardinaux : deux d’entre eux étaient des neveux du pape, Luis, cardinal-prêtre des Santi Quattro Coronati, et Rodrigo, cardinal-diacre de Saint-Nicolas ; le troisième était Jaime, cardinal-diacre de Saint-Eustache, de la maison de Portugal. Malgré l’excellence de leur naissance, ils étaient tous si jeunes que, non sans raison, certains dirent en plaisantant qu’à eux trois, ils réunissaient à peine, par le nombre des années, l’âge d’un seul cardinal. […] Calixte n’échappa pas au déshonneur, car son affection pour la chair passa avant l’intérêt de l’Église158.

    98Il ne s’agit pas, encore une fois, de remettre en cause le lien de parenté qui unit les cardinaux au souverain pontife. D’ailleurs, le pape met dans le même panier les deux neveux de Calixte III et le prince de la maison royale de Portugal. Ce n’est donc pas le lien du sang qui choque le pape siennois – ils sont d’ailleurs « d’excellente naissance », nous dit-il –, mais bien l’âge des candidats. La critique est à peine exagérée : Rodrigo Borgia a 24 ans, Luis Juan de Milá 25 ans et Jaime de Portugal 23 ans, alors que l’âge moyen du Sacré Collège, en septembre 1456, est d’environ 65 ans. Aucun des trois cardinaux créés n’atteint la limite canonique de 30 ans en dessous de laquelle il est interdit, en théorie, d’être élevé. C’est donc l’inexpérience et l’incapacité des nouveaux promus à assurer leurs charges qui sont ici dénoncées. Ce n’est pas l’« affection pour la chair » de Calixte III qui est proprement condamnée, mais bien que cette « affection » passe avant « l’intérêt de l’Église ». D’ailleurs, Domenico de’ Domenichi précise bien que, si des parents sont qualifiés pour exercer de telles charges, rien ne s’y oppose : « Mais au cas où les proches et les parents sont capables de cela, ils peuvent être promus licitement, si de ceci ne naît pas un scandale159. »

    99Se fondant sur les appels apostoliques du Christ, ainsi que sur le dénuement et le martyre des premiers chrétiens, le réformateur remet également en cause la cupidité qui motive ces nominations : « certains n’œuvrent à rien de plus qu’à rendre riches leurs parents160 ». Entre-temps, fidèle à sa conception ecclésiale in capite et in membris, l’évêque dénonce une diffusion similaire pour cette pratique condamnable :

    Ainsi, les autres prélats ont reçu de là l’exemple d’éloigner les hommes vertueux, doctes et excellents, et de promouvoir leurs neveux, leurs parents, leurs enfants et les personnes indignes, au point que toute la lune, c’est-à-dire l’Église, semble transformée en sang. Et eux-mêmes semblent ainsi vouloir posséder en hérédité le sanctuaire de Dieu, afin qu’il y ait toujours dans l’Église quelque grand prélat de leur extraction [genere], qui leur succède dans les bénéfices et les dignités161.

    100L’image de la lune qui se transforme en sang se retrouve à plusieurs occurrences dans la Bible, tant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau (Jl II, 31, Ac II, 20, Ap VI, 12) ; elle évoque cependant plutôt une image eschatologique, que Domenichi détourne habilement ici en une signification familiale. Il signale que le but implicite du favoritisme dans les élévations ecclésiales est bien de favoriser le lignage et sa perpétuation. Son argumentation devient encore plus intéressante par la suite :

    Au cas où ceux-ci seraient promus [c’est-à-dire des prélats parmi les parents du pape qui sont indignes de cette charge], alors en même temps qu’eux doivent être promus des hommes valides, car, si une ou deux colonnes de l’Église sont faibles, les autres doivent être fortes ; et de telles colonnes fortes doivent être érigées162.

    101L’image est héritée de la métaphore biblique des « pierres vivantes » : l’Église est ici comparée à un temple dont les cardinaux formeraient les colonnes. Cette comparaison est ancienne, et apparaît notamment dans les lettres que Catherine de Sienne a adressée aux cardinaux dans les années 1370163. Une certaine résignation perce ici, pour la première fois, vis-à-vis de la nomination de parents à des charges pour lesquelles ils ne seraient pas qualifiés. Le « scandale » qui en résulterait pour l’Église serait ainsi tolérable si, dans les mêmes promotions, étaient élevés des hommes capables et vertueux. Encore une fois, la même idée se retrouve chez Pie II, à l’occasion de la création cardinalice de Calixte III déjà évoquée :

    Ce ne fut pas sans déshonneur pour le Sacré Collège : alors que le pontife voulait prendre, en même temps que ses neveux, des hommes d’âge mûr à qui l’Église romaine devait beaucoup, celui-ci donna son accord pour ceux qui étaient visiblement les moins compétents et rejeta ceux que l’on en savait les plus dignes164.

    102Selon Pie II, la mauvaise promotion est davantage la conséquence du refus de l’élévation d’hommes vertueux par les cardinaux que de la piété du pape envers ses parents. L’évêque de Torcello va encore plus loin en donnant des exemples historiques de promotions familiales qu’il considère comme des succès : « En ce qui concerne ces choses, il y a les exemples de ce qu’avait fait Clément IV à ses filles et de Célestin V qui fut canonisé sous le nom de San Pietro del Morrone confesseur165. » Clément IV est élu pape le 5 février 1265 alors qu’il est veuf et qu’il a deux filles. Mabilie entre dans les ordres et Cécile prend aussi le voile après s’être mariée. Cependant, l’exemple n’apparaît pas comme le plus pertinent. La lettre que le pape adresse quelques jours après son couronnement à son neveu, Pierre de Saint-Gilles, qui fonde pourtant des ambitions sur la haute protection de son oncle, est très claire sur ce sujet :

    Aussi vous interdisons-nous, de même qu’à votre frère et à tous nos parents, de venir nous trouver, à moins d’une permission spéciale ; vous y seriez pour la confusion de revenir. Ne recherchez pas, à cause de nous, une alliance au-dessus de la condition de votre sœur, nous ne vous approuverions pas et ne vous prêterions aucun concours. […] Nous prétendons d’ailleurs qu’aucun de nos parents ne s’élève, en exploitant notre promotion, et nous ne voulons pas que Mabilie et Cecile aient d’autres maris que ceux qu’elles auraient trouvés, si nous étions demeuré simple clerc166.

    103L’exemple de Célestin V laisse davantage de place aux interprétations. Domenico de’ Domenichi veut peut-être rappeler que ce pape, connu pour avoir renoncé à ses fonctions en faveur de Boniface VIII, avait nommé cardinaux deux membres de sa congrégation : Tommaso di Ocre et Francesco Ronci di Altri167. Ou, plus vraisemblablement encore, Domenichi veut souligner la tendance de ce saint pape à s’entourer de proches et à les favoriser ; par exemple lorsqu’il désigne parmi les écrivains pontificaux un Niccolò di Limosano, qui était peut-être son neveu168. Il tire également un exemple de la période avignonnaise :

    Et ainsi Clément VI est connu dans l’histoire autant pour le zèle que pour la diligence qu’il a eus dans l’instruction de son propre neveu, lequel fut un peu plus tard son successeur, appelé Grégoire XI, bien qu’il l’eût promu contre l’usage adolescent, aussi parce que l’adolescence est pleine de vertu et parce qu’on ne doit pas être déprécié à cause de son âge, selon ce que dit l’apôtre à Timothée : « personne ne doit mépriser la jeunesse »169.

    104En effet, Clément VI (1342-1352) a nommé à la pourpre son neveu éponyme, Pierre Roger, alors que ce dernier avait environ dix-huit ans, ce qui va à l’encontre de la limite inférieure de trente ans. Pierre Roger de Beaufort devint lui-même pape en 1370, un schéma qui se présente à nouveau au XVe siècle, avant que Domenico écrive ces lignes, avec Grégoire XII (1406-1415) et Eugène IV (1431-1447) et qui se reproduit plusieurs fois par la suite.

    105Il est difficile de savoir si ces arguments en faveur de promotions familiales sont couramment partagés ou repris par les prélats et les penseurs du Quattrocento, cette question étant peu abordée dans les ouvrages théoriques. Néanmoins, Giacomo Ferraù note que Domenichi a certainement influencé, entre autres, Paolo Cortesi dans son écriture du De cardinalatu. La piété familiale y est toujours présentée comme une vertu. L’idée selon laquelle il est acceptable pour un pape de nommer un de ses parents, à condition qu’il ait prouvé par le passé sa qualité, se retrouve chez le penseur du début du Cinquecento, parmi d’autres conceptions proches de celles de l’évêque de Torcello170. Dans tous les cas, Domenico de’ Domenichi était un personnage influent du milieu curial des années 1450-1460, et sa pensée reflète donc vraisemblablement, la plupart du temps, les idées communes de son époque.

    106Les traités de réforme de Cues et de Domenichi servent à Pie II pour rédiger une bulle intitulée Pastor aeternus171. Celle-ci reste finalement à l’état d’ébauche et n’est jamais fulminée. Elle est, selon toute vraisemblance, écrite entre mai et août 1464, soit la période durant laquelle le pape est en voyage pour Ancône et se prépare à la croisade172. C’est donc certainement la mort de Pie II, le 14 août 1464, qui interrompt le processus de publication. La première partie du brouillon de cette bulle est consacrée au pape, la deuxième aux cardinaux, la troisième aux offices de la Curie, tandis que la quatrième entend traiter des divers problèmes, notamment en matière de discipline curiale. C’est logiquement dans la deuxième partie que Pie II entend statuer en matière d’élévations cardinalices au sein de la parenté : « que deux frères ne se rejoignent pas [dans le Sacré Collège], ni des neveux avec leurs oncles paternels ou leurs oncles maternels173 ». De manière assez habile, Pie II revient aux prescriptions adoptées par Martin V après Constance, qui entretiennent le flou quant à leur incidence sur les frères et les neveux du pape. Cette ambiguïté lui évite de se mettre dans une position délicate vis-à-vis de son propre neveu, Francesco Todeschini Piccolomini. Les autres règles érigées par Constance en matière de promotions cardinalices sont d’ailleurs reprises. Il y a donc un appauvrissement par rapport au traité de Domenico de’ Domenichi, même si la nature normative d’une bulle ne permet pas toujours de développer les mêmes nuances. De toute façon, la bulle n’est jamais publiée. Elle montre malgré tout que des recommandations vieilles d’un demi-siècle ont été reprises de manière un peu mécanique en 1464, alors qu’elles apparaissent plutôt en décalage avec la réalité de la Curie de ces années.

    107Ce n’est pas un hasard si la tentative de Sixte IV de publier une autre bulle sur des sujets connexes, à la fin des années 1470, se solde aussi par un échec174. Le projet, intitulé Quoniam regnantium cura, reprend par beaucoup d’aspects les statuts conciliaires de Bâle175. Le pontife Della Rovere se heurte certainement aux résistances fortes de la Curie, en particulier de la part des cardinaux. Son abandon témoigne également de la faiblesse des velléités réformatrices chez les souverains pontifes. Cependant, aucune mention n’y est faite sur les créations familiales : la bulle se concentre davantage sur les abus des cardinaux en matière de maison et de train de vie176. Les recommandations concernant les nominations familiales disparaissent donc entre Pastor aeternus et Quoniam regnantium, soit entre la fin des années 1460 et les années 1470.

    108La tentative de réforme d’Alexandre VI confirme le peu d’importance accordée à ce sujet177. En effet, quand il apprend la nouvelle de l’assassinat de son fils, Juan Borgia, duc de Gandie, en juin 1497, le pontife tombe dans la plus grande des prostrations : « il ne mangea ni ne but, depuis le soir du mercredi 14 jusqu’au samedi suivant ; et depuis le jeudi matin jusqu’au dimanche suivant, il ne se reposa pas même une heure178 ». Alexandre VI réunit le consistoire dans les jours qui suivent et le pape y manifeste la résolution de se réformer lui-même et de réformer l’Église. Cet épisode est relaté notamment dans les Histoires florentines de Guichardin :

    La mort du duc de Gandie affligea démesurément le pape, brûlant d’un amour qu’un père n’avait jamais ressenti pour ses enfants et peu habitué à éprouver les coups de la fortune, car depuis son enfance jusqu’alors il était clair qu’il n’avait connu, en toute chose, que de très heureux succès ; il fut tellement ému qu’au consistoire après s’être amèrement lamenté sur son malheur, sans retenir son émotion et ses larmes, et avoir condamné beaucoup de ses propres actions et la façon dont il avait vécu jusqu’à ce jour, il affirma avec grande conviction qu’il entendait, à l’avenir, se gouverner suivant d’autres pensées et d’autres mœurs ; et il chargea certains cardinaux de réformer avec lui les mœurs et les règles de la Curie179.

    109Le souverain pontife réunit alors une commission de six cardinaux pour travailler à un programme de réforme : deux cardinaux-évêques (Oliviero Carafa, Jorge da Costa), deux cardinaux-prêtres (Giovanni Battista Pallavicino et Giovanni Antonio Sangiorgio), ainsi que deux cardinaux-diacres (Francesco Todeschini Piccolomini et Raffaele Sansoni Riario). Ces nominations témoignent d’une réelle volonté réformatrice, car certains membres de cette commission, à l’instar de Carafa ou de Piccolomini, sont plutôt considérés comme des opposants d’Alexandre VI. Ils dénoncent les vices de la Curie et militent ardemment pour la réforme. Une grande partie de leurs travaux est conservée dans deux codex de la Bibliothèque apostolique180. De manière très intéressante, la commission de réforme réunit des propositions antérieures. Le manuscrit Vat. Lat., 3883, compile le projet de Nicolas de Cues, la Reformatio generalis, la bulle de Sixte IV, Quoniam regnantium, et même les capitulations de 1484181. Une véritable filiation est donc perceptible dès la Renaissance entre tous ces projets de réforme.

    110Léonce Celier identifie plusieurs propositions de réforme au sein du groupe formé par Alexandre VI182. La première a été composée par Oliviero Carafa ; elle est conservée par une copie du début du XVIe siècle183. Le cardinal napolitain demande notamment que les capitulations électorales soient appliquées. Il reproduit un passage du pacte d’Innocent VIII qui exhorte le pape à ne nommer qu’un seul cardinal de sa parenté, s’il est qualifié184.

    111La deuxième proposition est moins structurée. Quelques courtes notes de Francesco Todeschini Piccolomini sont conservées sous le titre A cardinale Senensi185. Le cardinal de Sienne se contente de demander que soient respectés les décrets conciliaires de Constance et de Bâle dans l’élévation des nouveaux cardinaux186. Les recommandations des deux projets sont donc contradictoires dans la mesure où le premier invite à respecter les capitulations de 1484 et le deuxième les décrets de Constance et de Bâle qui sont eux-mêmes assez différents en matière de créations familiales. Un flou persiste, qui dénote encore une fois le peu d’importance accordée à cette question. Une courte mention autographe de Jorge da Costa, ainsi que d’autres textes anonymes, complètent ces propositions, mais aucun ne traite spécifiquement des créations familiales187.

    112Un premier texte de travail rassemblant et synthétisant toutes ces propositions éparses et éclatées est finalement rédigé par la commission sous le titre Reformatio Romane Curie que est speculum universalis Ecclesie188. Son caractère de document de travail, voire de brouillon, saute aux yeux, tant il est couvert de ratures et de notes marginales. Le premier chapitre, intitulé Cardinales, est fortement inspiré de la bulle Quoniam regnantium non promulguée par Sixte IV. Parmi les dix propositions listées, aucune ne semble s’intéresser aux nominations cardinalices.

    113Plusieurs textes successifs sont conservés par la suite. Ils mettent ces propositions au clair et les rédigent dans un style plus conforme à la Chancellerie pontificale189. La rubrique Cardinales apparaît et disparaît au gré des différentes versions. Il est même envisagé dans un des projets d’y consacrer une bulle entière190. Les différentes versions comme les conclusions du rapport ne font pas mention des conditions de la promotion des cardinaux, et se concentrent plutôt sur leurs bénéfices, leurs légations, leurs revenus, leurs divertissements, la gestion de leur maison et de leur écurie et même leurs obsèques191.

    114Quoi qu’il en soit, le projet est appelé à subir le même sort que les bulles Pastor aeternus de Pie II et Quoniam regnantium de Sixte IV. La volonté de réforme diminue chez Alexandre VI au fur et à mesure que le chagrin causé par la perte de son fils s’estompe ; la commission est ajournée, elle ne débouche sur rien et tombe dans l’oubli192.

    115Si des cardinaux comme Carafa ou Piccolomini font encore mention de manière incidente et parfois contradictoire aux élévations familiales en 1497, le sujet est largement délaissé193. En prenant en considération tout le XVe siècle, seul le traité de Domenico de’ Domenichi y consacre plusieurs paragraphes. Ces dernières propositions marquent elles-mêmes déjà une inflexion par rapport aux décrets conciliaires de Constance et de Bâle, puisqu’il prend en compte la réalité des pratiques et adopte vis-à-vis d’elles un ton plutôt conciliant. L’irrésolution manifestée par les conciles de la première moitié du XVe siècle pour condamner les promotions de cardinaux à l’intérieur de la parenté du pape disparaît totalement dans les projets de réforme de la seconde moitié du siècle ; les réformateurs se tournent alors franchement vers d’autres sujets plus importants à leurs yeux : le nombre de familiers que peut avoir un cardinal dans sa maison, les revenus qu’il peut ou qu’il doit toucher, le nombre de chevaux que ses écuries peuvent renfermer et d’autres questions de pompe, de luxe et de dignité194.

    116La création d’un cardinal par un pape au sein de sa parenté ne suscite ainsi pas d’oppositions particulières. De manière plus générale, les liens de parenté au sein du Sacré Collège ne sont pas considérés comme problématiques et, a fortiori, ne constituent pas des priorités de la réforme ecclésiale au Quattrocento. Les mentions de ces phénomènes dans les textes conciliaires, les capitulations et les traités sont allusives quand elles ne sont pas inexistantes.

    117Pour autant, en s’intéressant à ces rares mentions, on constate que les recommandations formulées dans les trois types de sources étudiés sont de natures assez différentes. Les décrets conciliaires sont les seuls documents, en théorie et de manière consensuelle, réellement contraignants. Ratifiés par l’assemblée du concile, ils ne doivent souffrir d’aucune contestation juridique possible. Les pères de Constance délaissent ce sujet et renvoient à des concordats dont la durée d’application est limitée. Bâle, seul concile qui édicte une interdiction, est également le seul à souffrir d’une accusation en légitimité. Les décrets de Latran V sont beaucoup plus évasifs sur le sujet et permettent des interprétations variées. Les capitulations électorales, qui reflètent les souhaits du Sacré Collège, sont davantage enclines aux accommodements et aux exceptions qui fleurissent au cours de la période. Mais leur légitimité est sans cesse remise en question et elles ne constituent pas véritablement des normes contraignantes. Les projets de réforme, qui correspondent souvent à des logiques qui pourraient être qualifiées de pénitentielles chez les papes, s’avèrent souvent éphémères. Les traités préparatoires n’abordent presque jamais la question. Le seul à le faire de manière substantielle, Domenico de’ Domenichi, ne prend parti ni pour interdire les promotions familiales dans le Sacré Collège ni pour les accepter sans aucune restriction. La nature même du traité qui doit préparer à une réforme impose à son rédacteur la mesure, et il s’agit davantage de formuler différentes propositions plutôt que des injonctions. Les bulles, censées donner à ces propositions la force du droit, n’intègrent jamais ces sujets dans leurs ébauches qui restent de toute façon lettre morte.

    118Chronologiquement, les sources ne prennent véritablement en considération les promotions familiales qu’à partir du dernier tiers du XVe siècle. Loin d’être interdites, elles sont désormais reconnues et acceptées, et parfois même valorisées. L’évolution des pratiques, initiée sous Calixte III, semble donc précéder légèrement les évolutions théoriques, qui débutent plutôt dans les années 1460-1470. Il faudrait alors interpréter ces changements juridiques dans le sens d’une prise en compte d’une réalité devenue trop prégnante pour être ignorée par les textes normatifs. En tout cas, les phénomènes furent contemporains et une corrélation apparaît vraisemblable.

    119L’analyse a donc permis de dégager un moment particulier à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle où s’est mis en place ce que j’appellerais une véritable culture de la parenté au sein du Sacré Collège.

    Une culture de la parenté

    120Cette culture de la parenté caractérise non seulement l’évolution globale des pratiques et des normes de parenté, mais elle se perçoit également à une échelle temporelle plus petite. Certains moments marquent une évolution importante au Quattrocento de ce point de vue, notamment le pontificat de Pie II.

    Le pontificat de Pie II (1458-1464) : symbole d’un basculement

    121Même s’il ne constitue pas une rupture dans la pratique et la théorie du favoritisme familial à la Curie, le pontificat de Pie II symbolise le basculement qui a eu lieu au XVe siècle autour de ces questions. Les promotions de parents, habitude déjà ancrée, prennent alors une nouvelle ampleur. Giacomo Ammannati Piccolomini le rappelle en prenant la défense du souverain pontife après sa mort. À propos de la nomination de parents, de Siennois et de proches du Saint-Père dans l’administration de l’Ombrie, il affirme dans une lettre adressée à la fin de l’année 1464 :

    Si fautes il y eut, il ne faut pas les évaluer selon la norme évangélique, mais plutôt selon les règles de la vie commune. La coutume excuse une grande partie de ce qu’une sévérité inhabituelle pourrait condamner. Pourquoi ce qui était toléré dans les précédentes administrations ne devrait-il pas l’être dans l’actuelle ? Et pourquoi les nôtres devraient-ils être coupables d’avoir fait ce que d’autres firent sans réprobation195 ?

    122L’argumentation d’Ammannati est claire : puisque tout le monde est coupable, personne ne l’est. Pie II ne fait que répéter un schéma bien ancré dans la tradition pontificale du Quattrocento. L’argument qui vaut pour l’administration d’une partie des États de l’Église vaut pour le Sacré Collège ; le favoritisme familial paraît, dans les sources, bien accepté. Durant le règne de Pie II, cette tendance se manifeste sur le plan juridique, l’œuvre de Domenico de’ Domenichi en témoigne, mais également sur le plan symbolique.

    123Ce pontificat, contrairement aux précédents, correspond à un moment de valorisation tout à fait inédit de la vertu de pietas. Au-delà des interprétations traditionnelles, qui lient le nom de règne du pape siennois à Énée et à Pie Ier, Wolfgang Reinhard avance que ce choix serait une référence à la vertu de piété196. Il fonde sa théorie sur la définition de ce concept par le théologien Theodore Klauser :

    À l’origine, la pietas désigne chez les Romains cette vertu qui dispose l’homme à accomplir ses devoirs envers ses parents et ses enfants et, plus généralement, envers les membres de la famille, de la parenté et de la lignée. Mais parce que la lignée ne compte pas seulement des membres vivants, mais aussi des morts, les di parentes, des créatures divines donc, la pietas prend nécessairement deux directions. D’une part, c’est une relation forte avec les membres vivants de la parenté, se manifestant dans l’amour, le respect, la sollicitude, etc. ; d’autre part, c’est un lien fort avec les êtres divinisés issus de la lignée, s’extériorisant dans des actes de vénération cultuelle. L’État romain, la patrie, pouvant être perçus comme un groupe de parenté élargi, il devint possible de nommer également pietas cette relation forte à la communauté, à l’État. En outre, comme on pouvait considérer tous les dieux de la religion d’État romaine comme les di parentes de la patrie, la relation aux dieux pouvait aussi être vue comme une manifestation de la pietas. Si l’on considérait finalement le détenteur du pouvoir comme pater patriae, comme père de la patrie, alors on pouvait également désigner la relation forte que les citoyens et les soldats entretenaient avec lui comme une forme de pietas. Inversement, le détenteur du pouvoir avait alors le devoir d’exercer sa pietas en faveur des membres de la patrie, en faveur des citoyens et des soldats, méritant ainsi la réputation et le titre de pius197.

    124C’est d’ailleurs ce sens originel qui est conservé aujourd’hui dans le mot italien pìetas, défini comme un « sentiment, une attitude de respect et de dévouement, spécialement envers la famille, la patrie et la religion198 ». Beaucoup des sources du XVe siècle qui traitent de ces questions évoquent les obligations envers les parents comme autant de devoirs sacrés. C’est notamment cette pìetas qui permettrait, selon Wolfgang Reinhard, d’expliquer les dysfonctionnements du népotisme, qui n’aurait plus été tourné, à partir de la fin du XVe siècle, vers le service de l’Église mais vers l’intérêt de la famille de son récipiendaire199. Pour ma part, je ne parlerais pas d’un « népotisme dysfonctionnel », expression qui tient du jugement de valeur. Du point de vue des papes et des cardinaux du Quattrocento, ce système leur permettant de favoriser des membres de leur famille était fonctionnel, d’autant qu’il s’accordait parfaitement, comme l’explique Reinhard lui-même, « au code normatif dominant, en particulier au devoir de pietas ». En effet, cette vertu, magnifiée sous le pontificat de Pie II, correspond au sentiment mais aussi à la valeur normative qui soude les membres des dynasties cardinalices entre eux. Le Saint-Père ne consacre jamais une réflexion propre et approfondie à cette vertu, mais il la mobilise à de nombreuses reprises dans ses œuvres et la met en pratique dans ses actes200.

    125Enea Silvio Piccolomini est confronté à la question des liens familiaux dans l’Église alors qu’il n’est pas encore élu pape. Dans son De gestis concilii basiliensis commentariorum, qu’il écrit entre la fin de l’année 1439 et l’été 1440, en tant que membre actif du concile de Bâle, il narre notamment les débats entourant l’élection de l’antipape Félix V (1439), dont le mariage et la paternité constituent des pierres d’achoppement :

    Certains disaient qu’ils ne devraient pas se précipiter pour mettre [la papauté] dans les mains d’un laïc, parce qu’il semblerait monstrueux à tous qu’un prince séculier puisse être appelé au pontificat romain. […] D’autres pensaient qu’un homme qui avait été marié et qui avait des enfants était impropre au sacerdoce201.

    126Mais ces attaques ne laissent pas sans réaction les défenseurs de la candidature d’Amédée VIII. Dans un premier temps, ils tentent d’expliquer que ces attaques sont infondées sur le plan juridique, le fait d’être veuf et père de famille ne constituant pas un empêchement à l’élection pontificale :

    Un autre dit : […] « Pour ce qui a été dit à propos de sa femme, je tiens cela sans importance, puisque non seulement un veuf, mais aussi un homme avec une femme vivante, peut être choisi [au pontificat]. C’est pourquoi les docteurs assurent que quand un homme marié est élu à la papauté, il est délié de son devoir conjugal, sinon pourquoi un homme avec une épouse pourrait être admis ? Comme vous le savez, il y a eu plusieurs pontifes mariés, et Pierre, la tête des apôtres, n’était pas sans femme »202.

    127Il est vrai que, sur le plan canonique, n’importe quel chrétien peut être élu pape, y compris un laïc marié. L’argument selon lequel l’apôtre Pierre aurait lui-même été marié s’appuie certainement sur l’épisode célèbre de la visite de Jésus de Nazareth à la « belle-mère de Simon » (Mc I, 30)203. L’intervenant en profite même pour faire un aparté où il remet en cause le célibat des prêtres :

    Peut-être que cela ne serait pas plus mal pour plusieurs prêtres d’avoir une femme, puisque beaucoup seraient sauvés dans un sacerdoce vécu dans le mariage, alors qu’ils sont damnés dans une prêtrise vécue dans le célibat. Nous pourrions en reparler une autre fois204.

    128Au-delà de la question du mariage, c’est surtout le cas des enfants qui peut être perçu comme problématique. La place réservée à la filiation dans les Écritures est alors rappelée. Mais les promoteurs d’Amédée VIII vont encore plus loin, et retournent l’argumentaire en montrant de quelle manière ce statut parental peut devenir une force :

    De plus, l’objection faite à propos de ses fils me semble tellement ridicule que je ne crois pas devoir y répondre. En effet, pour quels motifs des fils, surtout lorsqu’ils sont adultes, seraient-ils un obstacle à un père pour devenir pape ? L’Écriture n’affirme-t-elle pas « Malheur à celui qui est seul, car s’il tombe, il n’a personne pour le relever » [Ecc IV, 10] ? Une telle sentence ne peut être imputée au prince [Amédée VIII de Savoie], car il a deux fils [Louis († 1465) et Philippe († 1444)] d’allure et d’intelligence exceptionnelles. Un des deux est prince du Piémont, l’autre comte de Genève. Ils gouverneront leur patrie savoyarde durant l’absence de leur père, et quand il aura besoin d’aide ils la lui procureront. Pour cela ils ont déjà appris à gouverner et à être en charge des peuples. Quel mal y a-t-il à ce que l’évêque de Rome ait de puissants fils, étant capables d’aider leur père contre des tyrans205 ?

    129L’argumentation est claire : non seulement être veuf, et surtout avoir des enfants, n’est pas un handicap pour le futur élu, mais c’est au contraire un avantage : ses « puissants fils » peuvent lui fournir de l’aide dans le gouvernement de l’Église. Cela correspond très précisément à la Herrschaftsfunktion du népotisme, c’est-à-dire la « fonction de domination » mise en avant par Wolfgang Reinhard : le pape doit pouvoir s’appuyer dans ses fonctions sur un réseau de parents qui lui sont fidèles. Le texte d’Enea Silvio Piccolomini se poursuit par une exhortation à faire élire Amédée, ce qui advient par la suite. Si le futur pape siennois se contente a priori de retranscrire les discussions, il retravaille certainement ses notes et ses souvenirs des débats pour écrire un texte littéraire à la hauteur de sa réputation d’humaniste, déjà importante à cette époque. Il choisit de finir par les arguments exposés en faveur d’Amédée. Il se rend de toute façon à Bâle en tant que secrétaire de Frédéric III, lui-même plutôt favorable à cette élection.

    130Cet épisode, s’il ne témoigne pas des relations familiales qui existaient directement au sein du Sacré Collège, donne malgré tout de précieuses indications sur la disposition d’esprit tout à fait particulière du futur Pie II concernant les liens familiaux au sein de l’Église. Il exprime ce type d’idées très librement dès le début des années 1440. Si Enea Silvio Piccolomini abjure son soutien au concile de Bâle une fois élu pape – notamment dans la Bulla retractationis de 1463 –, il ne renonce pas pour autant à sa position sur ce sujet. Il la réaffirme même avec vigueur après son élection, en particulier dans les Commentarii.

    L’église de Sienne fut alors élevée au rang d’église métropolitaine et les églises de Grosseto, Massa, Soana et Chiusi devinrent ses diocèses suffragants. Le pape s’efforçait autant qu’il le pouvait d’honorer sa patrie. Le premier archevêque fut Antonio, issu de la famille Piccolomini, que Pie II avait désigné pour lui succéder aussitôt qu’il était monté sur le trône de saint Pierre206.

    131Pie II insiste donc sur l’empressement qu’il met à nommer un parent sur le siège de Sienne qu’il abandonne à son élection et s’en félicite ouvertement. Cet épisode est intéressant car il lie les deux formes de pìetas héritées de l’époque romaine, qui sont toujours mises en parallèle chez le pape Piccolomini : les devoirs dus à ses parents et à sa patrie. Pie II glose d’ailleurs sur le même thème dans la bulle de canonisation de sa compatriote, Catherine de Sienne : « En réalité, qui ne répand pas avec plaisir l’éloge de sa ville, les louanges de sa patrie ou les mérites de sa famille207 ? » La piété se traduit donc en acte chez le pape Piccolomini : elle lui permet autant de favoriser ses parents que d’élever une compatriote au rang de sainte. Mais elle est également justifiée sur le plan théorique.

    132La mobilisation de la figure de saint Pierre pour justifier les liens familiaux au sein de l’Église, dans le De gestis concilii basiliensis commentariorum, est intéressante dans la mesure où c’est justement la famille du successeur des Apôtres qui donne à Enea Silvio Piccolomini, une fois devenu pape sous le nom de Pie II, une nouvelle occasion de revenir sur les liens familiaux à l’intérieur de l’Église.

    133La piété familiale du Saint-Père est en effet mise en scène de manière tout à fait spectaculaire pendant la réception du chef de l’apôtre André qui, dans la tradition scripturaire chrétienne, est le frère de saint Pierre. Quand les Turcs envahissent le Péloponnèse en mai 1460, Thomas Paléologue, le despote de Morée, recueille la relique de la tête de saint André, vénérée à Patras, et la ramène dans sa famille à Corfou. Pie II, apprenant cela, lui demande de l’apporter à Rome pour qu’elle repose avec les reliques de saint Pierre. Thomas Paléologue se rend en Italie et arrive à Rome le 7 mars 1461208. Des restaurations sont entreprises sur la place Saint-Pierre pour accueillir dignement les restes de l’apôtre lors d’une cérémonie qui doit durer plusieurs jours et qui débute le dimanche des Rameaux de l’année suivante, le 12 avril 1462209.

    134La cérémonie commence par la réception du crâne sur une grande tribune de bois érigée dans la prairie du pont Milvius, à l’emplacement de l’actuelle piazzale Cardinale Consalvi, aux portes de Rome. Un premier discours de bienvenue et une prière sont prononcés par le Saint-Père. Pie II déclare notamment : « Tes neveux [le peuple romain] à travers ton frère de Rome [saint Pierre, dont le pontife vient de parler], tous te vénèrent, t’adorent, t’honorent comme oncle et comme père et ne doutent pas de pouvoir compter sur ta protection en présence de Dieu210. » Le lien adelphique d’André et de Pierre est souligné dès le départ. Saint Pierre étant assimilé à une figure paternelle pour les habitants de la caput mundi, André devient de facto leur oncle.

    135Quelques jours après, Pie II fait ériger sur cette prairie un autel monumental pour commémorer l’événement211. Les travaux, confiés à Francesco del Borgo, commencent dès la fin du mois d’avril et sont terminés l’année suivante. Une inscription dédicatoire, apposée au mois d’août, rappelle l’indulgence accordée à tous les pèlerins qui viennent visiter le site à leur arrivée à Rome212. Le socle du monument commémoratif porte les armes pontificales des Piccolomini, qui surmontent l’inscription.

    136Le lendemain de la réception au pont Milvius, la tête est portée depuis Santa Maria del Popolo jusqu’à Saint-Pierre. Toute la procession est décrite minutieusement par le souverain pontife dans ses Commentarii, l’arrivée à la basilique formant l’apex de la réception :

    [Pie II] ayant pénétré [avec la relique] dans l’atrium [le quadriportique devant Saint-Pierre], il s’arrêta pour regarder la statue de saint Pierre qui se dresse devant l’entrée de l’église, et il lui sembla voir la statue pleurer de joie pour l’arrivée de son frère. Il eut lui-même les larmes aux yeux en pensant à la rencontre et à l’embrassade des deux frères, qui ne s’étaient pas vus depuis si longtemps213.

    137La statue de saint Pierre a été spécialement commandée pour l’occasion au sculpteur Paolo Romano avec une statue de saint Paul ; les deux apôtres doivent accueillir les reliques au pied des escaliers de la basilique qui ont été rénovés pour préparer la réception214. La rencontre symbolique entre les deux frères, Pierre et André, a donc été organisée de longue date par le souverain pontife. Encore une fois, les socles de chacune des statues portent les armes pontificales des Piccolomini.

    138La cérémonie se poursuit par des sermons de Pie II et du cardinal Bessarion215. Le choix de ce dernier n’est pas anodin : la réunion entre les reliques de saint Pierre et de saint André symbolise la réunion des Églises d’Occident et d’Orient qui peine à se concrétiser depuis le concile de Ferrare-Florence (1437-1441). Le cardinal de Nicée a joué un rôle majeur dans cette assemblée, alors qu’il n’était encore qu’ambassadeur de l’Empire byzantin. Les discours des deux prélats insistent beaucoup sur les liens de parenté entre les deux apôtres. Pie II va jusqu’à imaginer les mots que saint André aurait pu prononcer en ce jour et qui débutent par « me voici, ô Pierre, je suis ton frère André216 ». La cérémonie se clôture finalement par une indulgence plénière prononcée par « le cardinal de Sienne », Francesco Todeschini Piccolomini, dont Pie II croit nécessaire de rappeler dans ses Commentarii qu’il est son « neveu charnel217 ».

    139Comme au Ponte Milvio, Pie II fait inscrire dans la pierre la cérémonie qui se déroule à Saint-Pierre. Il fait édifier la même année un ciborium à deux étages dans la nef gauche de la basilique, à l’extrémité est, vers la porte d’entrée. Le premier étage consistait en un autel dédié à saint André et le second en un emplacement pour accueillir son crâne enchâssé dans un reliquaire précieux. L’espace prend alors le nom de chapelle Saint-André. Le Saint-Père confie certainement le chantier à Francesco del Borgo218.

    140C’est dans cette même chapelle que son neveu, Francesco Todeschini Piccolomini, fait ériger la tombe du Saint-Père après sa mort conformément à son vœu (fig. 21). Andrea Bregno en a peut-être sculpté les bas-reliefs, mais l’identité de l’auteur du monument fait débat219. L’épitaphe du pontife se conclut par ces mots, comme le couronnement de toute son œuvre pontificale : « [il] a été inhumé là où la tête de l’apôtre André, qui lui avait été rapportée du Péloponnèse, avait été placée, comme il l’avait ordonné220 ». Le deuxième niveau illustre justement l’épitaphe en représentant la réception du chef de saint André à Rome.

    Figure 21. Paolo Taccone et al., monument funéraire de Pie II, 1470-1475. Rome, Sant’Andrea della Valle, entre deux pilliers de la nef, avant le transept gauche (autrefois dans la chapelle Saint-André de la basilique Saint-Pierre).

    141Pie II organise peut-être avant tout la cérémonie de la réception de la relique de saint André dans le cadre d’une entreprise qui vise à persuader les princes de la chrétienté du bien-fondé de la croisade221. Cela n’empêche pas d’y voir également une mise en scène argumentative habile en faveur des liens familiaux dans l’Église, qui rappelle de manière éclatante à tous que le Christ lui-même a choisi des fratries pour le suivre222. À tout le moins, cette mise en scène est significative d’un état d’esprit particulier qui a cours sous le règne de Pie II en ce qui concerne les sentiments familiaux à la Curie223.

    142Cet état d’esprit se concrétise justement une semaine après la réception de la tête de l’apôtre, pour la fête de Pâques. Pie II propose en consistoire d’élever son village de naissance, Corsignano, en cité épiscopale et de changer son nom en Pienza. La chronologie ne semble pas anodine. Le souverain pontife nourrit certainement ce projet depuis longtemps, puisque, dès 1459, il entame un programme architectural dans la cité224. L’évêché est finalement fondé par une bulle datée du 13 août 1462, qui fait d’une église bâtie auparavant sous l’égide du pape siennois un siège épiscopal225.

    143Le droit de patronage séculier sur cette église élevée en siège diocésain a au préalable été confié à la famille Piccolomini par Pie II lui-même ; c’est donc un montage juridique unique en Italie, puisqu’une cathédrale se retrouve sous le droit de patronage d’une famille et de ses membres séculiers. À la manière d’un fidéicommis, la bulle fixe avec une grande précision la façon dont doit se transmettre ce ius patronatus de génération en génération dans le même lignage. Les héritiers Piccolomini ont ainsi la main sur la nomination des chanoines de la cathédrale et des principaux exécutants de la fabrique de la cathédrale, ainsi qu’un droit de regard sur tout échange ou vente des biens immobiliers du diocèse et du chapitre, puisque ces biens, acquis à titre personnel par Pie II, sont transférés par un acte privé au chapitre226. Si les Piccolomini ne sont théoriquement pas censés intervenir dans la nomination de l’évêque, celui-ci doit leur demander la permission de prendre possession de la cathédrale et leur céder le cheval qu’il monte à cette occasion227.

    144Le blason de Pie II, qui reprend les armes des Piccolomini, est d’ailleurs sculpté de manière très ostentatoire sur le fronton de la cathédrale. Le palais épiscopal adjacent, chef-d’œuvre de l’art renaissant et connu aujourd’hui sous le nom de palais Piccolomini, exhibe, lui aussi les armes des Piccolomini, parfois sans timbre, tant sur sa façade que dans la cour intérieure. Pie II ne cache pas l’ambition familiale de ce programme et n’hésite pas à reprendre in extenso les vers de Giovanni Antonio Campano, qui s’exprime à l’occasion de l’érection épiscopale et du changement de nom de Corsignano : « Il ordonna que la maison de sa famille, proche des murs, devienne un palais de marbre élevé jusqu’aux étoiles228. » Il s’agit peut-être pour l’humaniste d’évoquer à travers les étoiles la lune, qui est l’emblème héraldique de la famille Piccolomini. En septembre 1462, le Siennois Giovanni Cinughi, proche de Pie II, reçoit la charge épiscopale ; par la suite, à partir de 1470 et jusqu’à 1599, ce sont uniquement des Piccolomini qui se succèdent sur le siège de Pienza229.

    145D’autres éléments du pontificat de Pie II démontrent à quel point il régnait un état d’esprit tout à fait particulier du point de vue de la parenté et de la proximité sociale à l’intérieur du Sacré Collège et de la Curie. Parmi ceux-ci, Richard B. Hillary calcule, à partir de trois codex de l’Archivio Apostolico Vaticano qui listent la plupart des nominations curiales et séculières de Pie II, qu’au moins 15 % du personnel employé par le pape toscan étaient des Siennois ou des proches du pape230. Le pontificat de Pie II symbolise donc, dans une certaine mesure, le changement d’état esprit qui s’est opéré à la Curie entre les années 1450 et 1460, durant lesquelles les liens familiaux ont pris de plus en plus de place pour la papauté et au sein du Sacré Collège.

    La perception des liens familiaux à l’intérieur du Sacré Collège

    146À partir des années 1450-1460, les sources révèlent, en plusieurs occasions particulières, que les créations familiales de cardinaux étaient tolérées et parfois même encouragées. Cinq moments, identifiés à travers cinq sources différentes, se distinguent de ce point de vue : les périodes de préparation des consistoires du 20 décembre 1448, du 5 mars 1460, du 9 mars 1489, du 16 décembre 1492 et la période qui entoure la mort de Pie III, le 18 octobre 1503. Avant de se pencher sur ces cinq épisodes, il est nécessaire de rappeler que les cardinaux étaient presque toujours opposés à de nouvelles créations cardinalices, le refus étant quasiment ritualisé231. Pourtant, certaines nominations, en particulier lorsqu’elles concernaient des parents du pape, semblent avoir échappé à la vindicte des sénateurs de l’Église.

    147Le premier épisode susceptible d’éclairer l’évolution des pratiques familiales d’élévation à la pourpre est précurseur. Il intervient à l’occasion de la première promotion cardinalice de Nicolas V, le 20 décembre 1448. Le récit en est donné par l’humaniste florentin Vespasiano da Bisticci dans la biographie qu’il a consacrée au pontife. Après avoir retracé la carrière ecclésiastique de Tommaso Parentucelli, son élection sur le trône de saint Pierre et les premiers temps de son pontificat, il en vient à sa première création de cardinaux en consistoire, et s’arrête en particulier sur l’élévation de Filippo Calandrini, demi-frère de Nicolas V :

    Il [Nicolas V] créa huit cardinaux, tous hommes remarquables, à l’exception de son demi-frère utérin, qui s’appelait Filippo [Calandrini], et qui fut désigné par la suite comme cardinal de Bologne. Ayant choisi sept cardinaux, hommes si remarquables, il ne lui semblait pas venu à l’esprit d’élever son frère. Voyant cela, le collège des cardinaux l’en pria avec tant d’insistance, qu’il consentit, avec difficulté, à le faire cardinal. Après la publication des cardinaux, il adressa à chacun d’eux des mots coutumiers de louanges. Mais à messer Filippo, il dit « sollicité et conforté par plusieurs de nos frères cardinaux, nous avons élu Filippo au cardinalat », sans aucune louange ou aucun autre mot232.

    148L’interprétation traditionnelle considère que Vespasiano da Bisticci souhaite montrer le refus de toute tendance « népotique » de la part de Nicolas V, à l’inverse de ses prédécesseurs et successeurs233. Aussi séduisante que soit cette interprétation à des yeux contemporains, elle apparaît fautive et anachronique. Au contraire, il est tout à fait vraisemblable que les cardinaux aient réellement poussé le souverain pontife à élever à la pourpre son demi-frère. Les quatre épisodes à venir renforcent cette hypothèse.

    149Pie II donne un récit détaillé, dans ses Commentarii, des débats qui ont précédé sa première promotion cardinalice lors du consistoire du 5 mars 1460. Il annonce d’abord son intention de créer de nouveaux cardinaux et les raisons qui motivent un tel acte :

    « La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. » [Mt IX, 37] […] Vous avez été nommés pour travailler à cette tâche [le cardinalat], mais vous êtes peu nombreux, et l’âge et la maladie vous ont rendus impropres à cette tâche. Et donc nous devons étoffer vos rangs, en ajoutant d’autres [cardinaux] pour en augmenter la force dont vous êtes désormais dépourvus234.

    150S’ensuit un discours sur les qualités attendues des cardinaux, doublé d’une critique acerbe de la condition dans laquelle est tombé le cardinalat à l’époque de Pie II. Un dialogue s’instaure entre certains membres du Sacré Collège et le souverain pontife. Le premier contradicteur du pape est le cardinal Ludovico Trevisan, qui déclare que le Sacré Collège compte un nombre déjà excessif de membres. D’un point de vue canonique, il a tort : le Sénat cardinalice était alors composé de vingt-trois cardinaux, sans compter le pape, soit un nombre juste en dessous de la limite autorisée de vingt-quatre cardinaux. C’est ensuite, de manière significative, le demi-frère du défunt pape Nicolas V qui prend la parole :

    Filippo [Calandrini], cardinal de Bologne, dit alors : « Votre Sainteté, vous avez mentionné de nombreux hommes mais vous n’avez pas nommé votre neveu ; pourquoi ne pensez-vous pas qu’il devrait être élevé au cardinalat également ? »

    Pie répliqua : « Notre neveu est trop jeune et n’a pas les autres qualités que la dignité cardinalice requiert. » Avec ces mots, il demanda aux cardinaux de s’entretenir entre eux pendant qu’il alla dans une autre pièce et prit un petit rafraîchissement, car la journée était déjà bien entamée et la discussion avait été longue235.

    151Les négociations sur les nominations durent encore longtemps. Les cardinaux envoient à deux reprises trois représentants au pape. Ils refusent à chaque fois de nouvelles créations à l’exception du neveu de Pie II : « ils étaient préparés à y consentir, pourvu que celui-ci soit le seul236 ». Pie II repousse cette proposition dans un premier temps pour les raisons qu’il a déjà invoquées.

    152Toutefois, à force de persévérance, le souverain pontife parvient à convaincre les cardinaux : « Le pape retourna alors dans le collège et, après que furent menées de nombreuses interventions de part et d’autre, les cardinaux consentirent que cinq nouveaux cardinaux seraient élus, avec la restriction qu’un d’entre eux serait le neveu du pape237. » Pie II réussit même, en dernier recours, à en ajouter un sixième ; il donne ensuite la liste des élus, et notamment :

    Francesco, neveu du pape, qui se consacrait alors à l’étude du droit pontifical à l’université de Pérouse et qui avait déjà reçu les insignes du doctorat. Comme il était encore trop jeune, il ne reçut que la dignité de cardinal-diacre. Tous les autres eurent l’honneur d’obtenir celle de cardinal-prêtre238.

    153Pie II oublie au passage de mentionner que le troisième qu’il cite, Niccolò Forteguerri, est son parent, la mère de Pie II étant Vittoria Forteguerri239. Une interprétation classique de cette scène voudrait encore une fois que Pie II ait travesti la réalité pour ne pas apparaître comme un « pape népotique » aux yeux de la postérité. Ces considérations ne semblent pourtant pas le préoccuper particulièrement en d’autres circonstances. Certes, la triple injonction des cardinaux envers le Saint-Père n’est pas sans rappeler une structure évangélique très pétrinienne et indique une composition littéraire, mais, là encore, une interprétation plus littérale paraît plus adéquate240. Je pense que le Sacré Collège tentait réellement de convaincre Pie II d’élever son neveu au cardinalat, de la même manière qu’il avait milité auprès de Nicolas V en faveur de son demi-frère. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard si c’est justement ce demi-frère, Filippo Calandrini, qui le premier poussa le souverain pontife dans cette voie. Les trois prédécesseurs directs de Pie II – Nicolas V, mais également Eugène IV et Calixte III – nomment chacun au moins un de leurs parents l’année de leur élection ou l’année suivante et, de surcroît, lors de la première élévation à laquelle ils procèdent241. Cette pratique peut apparaître comme légitimée par la coutume aux yeux des cardinaux, or Pie II est pape depuis deux ans en 1460 et n’a encore procédé à aucune élévation.

    154D’ailleurs, si le pape Piccolomini semble refuser d’élever son neveu, ce n’est pas en raison du lien familial qui l’unit à lui – il ne l’évoque jamais – mais, dit-il explicitement, en raison de sa jeunesse. Son pontificat fait suite à celui de Calixte III, or le pontife siennois a vertement critiqué dans les Commentarii le pape espagnol, non pas pour avoir nommé deux de ses neveux, mais pour avoir nommé, en 1456, trois cardinaux trop jeunes242. Cette question de l’âge est d’ailleurs un leitmotiv chez Pie II. Le Saint-Père, outre son neveu, ne nomme qu’un seul cardinal sous le seuil canonique des trente ans. Francesco Gonzague en a dix-sept lorsqu’il obtient la pourpre en 1461, mais Pie II insiste sur le fait qu’« il paraissait beaucoup plus vieux que son âge et avait presque l’austérité et la sagesse d’un vieillard243 ». C’est une manière pour lui de se justifier puisqu’il fait précisément ce qu’il a reproché à Calixte III. Il n’y a donc aucune volonté chez Pie II de refuser une nomination cardinalice parce qu’elle serait dirigée vers un de ses parents, et les cardinaux, eux, poussent sans doute réellement le Saint-Père à élever son neveu. Le même schéma se répète quelques années plus tard.

    155Sixte IV nomme le 16 décembre 1471, quatre mois seulement après son élection, deux de ses parents, Pietro Riario et Giuliano Della Rovere, à l’occasion de sa première création de cardinaux. Le pape de Savone nourrit cependant le projet de procéder à une promotion plus importante. Nicodemo Tranchedini, un ambassadeur du duc de Milan, Galeazzo Maria Sforza, s’en fait l’écho dans une dépêche envoyée à son maître : « Quelques-uns [des cardinaux] consentirent, et de mauvaise grâce, à [la nomination] des neveux, mais […] ils ont dit clairement qu’ils ne consentiraient jamais, pour le moment, à [la nomination] d’autres [cardinaux], pour ne pas outrepasser le nombre voté et juré244. » Le « nombre voté et juré » fait référence aux capitulations qui reprennent la limite canonique de vingt-quatrecardinaux. Là encore, tout semble se passer comme si le Sénat cardinalice ne pouvait pas refuser au pape ces deux nominations familiales, et, d’ailleurs, ce sont les deux seuls promus. Cependant, contrairement aux deux cas précédents, les cardinaux n’incitent pas Sixte IV à agir ainsi – il est vrai que le premier pape Della Rovere n’a pas besoin d’être encouragé dans la voie du favoritisme familial – mais s’y résignent « de mauvaise grâce », car la pratique est bien ancrée dans la Curie245.

    156C’est encore l’ambassadeur d’une grande puissance italienne qui nous renseigne sur une promotion du pontificat suivant, celui d’Innocent VIII, en tout point similaire à la précédente. Laurent le Magnifique milite en 1488 pour que son fils, Giovanni, reçoive la pourpre246. Dans la deuxième partie de l’année, l’affaire semble pourtant mal engagée. L’ambassadeur florentin, Giovanni Lanfredini, indique alors dans ses dépêches que les cardinaux ne sont pas disposés à accueillir de nouveaux confrères au Sacré Collège, exceptés un ou deux parents et, peut-être, deux autres Français247. Là encore transparaît une tolérance vis-à-vis des créations cardinalices concernant les parents du pape.

    157Le dernier cas relevé intervient au moment de la mort de Pie III, moins d’un mois après son élection en octobre 1503. Cet épisode est relaté par Marino Sanudo dans ses Diarii à travers la restitution de dépêches de l’ambassadeur de Venise à Rome. La première qu’il cite est arrivée dans la cité des doges le 14 octobre 1503. Le pape est alors terrassé par la fièvre et à l’agonie, ce qui provoque une vive réaction dans sa parenté :

    Les frères [du pape] se rendirent chez le cardinal de Naples [Oliviero Carafa] pour lui demander son vote en faveur du fils du seigneur Andrea, frère du pape, qui est archevêque de Sienne, pour le faire cardinal, lui disant qu’il méritait au moins cela de la petite papauté de son frère ; et Naples lui a répondu favorablement248.

    158Pour les frères de Pie III, obtenir une charge cardinalice dans leur famille semble être le minimum qu’ils puissent attendre d’un pontificat, si bref soit-il. Le fils d’Andrea, et donc neveu de Pie III, Giovanni Piccolomini, est devenu archevêque de Sienne à la suite de son oncle, lorsque celui-ci a été élu pape, un mois avant cet épisode. Il apparaît donc comme son successeur symbolique désigné, et il semble dans l’ordre des choses qu’il devienne cardinal. Trois jours plus tard, les cardinaux sont appelés au palais, selon le même ambassadeur dont Sanudo rapporte, encore une fois, la dépêche :

    Comme ce jour, les cardinaux étaient appelés au palais, parce que le pape voulait faire cardinaux monseigneur de Narbonne [François-Guillaume de Castelnau de Clermont-Lodève], le neveu de Rouen [Georges d’Amboise], et un Espagnol. Les cardinaux ne consentirent pas à cela, et tentèrent de persuader Sa Sainteté d’élever son neveu l’archevêque de Sienne ; mais il ne voulait pas, disant qu’il ne souhaitait pas rompre la promesse qu’il avait donnée249.

    159Barbara McClung Hallman interprète cet épisode en déclarant que le pape avait prêté le serment de ne pas nommer cardinal un de ses neveux250. En réalité, la capitulation électorale de 1503 autorise le pape à le faire251. D’autres historiens ont avancé qu’il s’agissait peut-être de l’engagement pris par le pontife dans les capitulations de ne pas nommer de nouveaux cardinaux avant que le Sacré Collège ne fût retombé à vingt-quatre membres252. Mais il semblerait alors étrange que Pie III proposât malgré tout d’élever trois autres cardinaux.

    160Plus vraisemblablement, Pie III réinterprète la scène de sa propre promotion jouée quarante-trois ans plus tôt par son oncle, et la raison de son refus est la même : la jeunesse de son neveu. Giovanni Piccolomini a tout juste vingt-huit ans au moment de la mort de son oncle, or l’âge canonique pour obtenir la pourpre, fixé à trente ans, est rappelé dans le pacte électoral qu’a juré le pontife au moment de son élection253. Il est tout à fait probable que les cardinaux qui ont refusé à Pie III l’élévation de trois cardinaux sur son lit de mort aient réellement insisté pour que le pape désignât Giovanni. Tout manquement à l’habitude, si ancrée, qu’ont les papes de promouvoir cardinal un de leurs neveux apparaît comme une anomalie. C’est sûrement aussi une façon pour les cardinaux d’empêcher les nominations de cardinaux français et espagnol254.

    161L’histoire ne s’arrête pas là, puisqu’une troisième dépêche, envoyée par l’ambassadeur le lendemain, raconte qu’en consistoire, après la mort du pape, « Les frères du pontife défunt [Pie III] furent introduits devant eux [les cardinaux] avec une bulle faite par ledit pape, par laquelle il avait fait cardinal son neveu archevêque de Sienne, en priant les cardinaux de bien vouloir accepter, etc.255. » Les cardinaux refusent courtoisement, rappelant qu’un pape doit être vivant pour nommer un cardinal et que, de toute façon, il ne le souhaitait pas de son vivant. Le document est peut-être un faux, ce qui ferait de la démarche des Piccolomini une tentative pour obtenir par la force une succession cardinalice dans leur famille. Selon d’autres auteurs, le pontife aurait finalement donné son accord du bout des lèvres avant de mourir, mais n’aurait pas eu la force de signer la bulle en faveur de son neveu256. Dans tous les cas, l’accueil bienveillant réservé par les cardinaux à la famille et leur soutien à l’élévation de Giovanni du vivant du pape sont remarquables. Pie III apparaît nettement en décalage avec son temps et les coutumes qui avaient alors cours dans le Sacré Collège. L’incompréhension vis-à-vis du pontife s’étend même au-delà du cercle des cardinaux : Sigismondo Tizio (1458-1528) condamne les hésitations de Pie III dans son Historiae senenses comme contraires aux intérêts de sa famille257. De manière ironique, Giovanni Piccolomini est finalement créé cardinal quatorze ans plus tard par Léon X.

    162Ces cinq exemples font donc apparaître de manière très claire que l’habitude prise par le pape de nommer des cardinaux à l’intérieur de sa parenté était entrée dans les mœurs de la Curie. Duane Henderson remarque que ces créations ne respectaient souvent ni la temporalité habituelle des consistoires (elles sont effectuées en dehors de la semaine des Quatre-Temps), ni les conditions d’âge et de formation généralement imposées aux candidats258. Ce sont finalement des sortes de créations d’exception acceptées par le plus grand nombre. Dans certains cas, cette habitude est tolérée, les cardinaux semblant résignés à ne pouvoir s’y opposer, notamment lors des nominations de Sixte IV et d’Innocent VIII ; mais dans les trois autres cas, elle est même encouragée par plusieurs porporati. Le recrutement cardinalice de parents du pape apparaît alors tellement usuel qu’il en devient une injonction coutumière. Tous les exemples relevés correspondent néanmoins à la seconde moitié du Quattrocento ; les mêmes usages ne sont pas attestés pour la première moitié du XVe siècle, ce qui confirme la chronologie établie précédemment.

    * * *

    163Ce chapitre a permis d’identifier clairement un moment particulier qui court de la fin des années 1450 à la fin des années 1510, où les liens de parenté sont devenus beaucoup plus denses à l’intérieur du Sacré Collège. De manière concomitante, les normes qui régissent ces liens de parenté dans l’Église et, plus spécifiquement, au sein du Sacré Collège, évoluent dans le sens d’un relâchement. Les contemporains semblent prendre conscience de l’évolution des pratiques et tentent de combler l’écart qui les sépare des normes juridiques et des perceptions morales qui les régissaient jusqu’alors. Cette évolution des pratiques semble surtout être intériorisée par les acteurs, et une véritable culture de la parenté se développe dans l’Église. Les problèmes moraux qui entourent ces phénomènes forment de moins en moins un sujet de préoccupation ; bien au contraire, les liens de parenté, la pietas familiale, l’assistance qui doit être procurée aux parents se voient de plus en plus valorisés.

    164Même si l’Église en général et le Sacré Collège en particulier ont constitué un moyen d’ascension sociale pendant tout le Quattrocento, cette période 1450-1510 que l’analyse a dégagée semble marquée par un resserrement familial partiel du Sénat cardinalice. Ce phénomène peut sans doute être rapproché de la fermeture de la noblesse européenne dans la seconde moitié du XVIe siècle, que l’historiographie a souvent relevée. Michel Nassiet avance qu’elle ferait suite à une prise de conscience lignagère progressive durant les derniers siècles du Moyen Âge :

    La richesse et l’omniprésence des modes de représentations des lignées (patronymes, armoiries, récits fabuleux) montrent que dès les deux derniers siècles du Moyen Âge, les nobles, imités d’ailleurs par les membres des patriciats urbains, eurent conscience que leur différence sociale existait par la filiation259.

    165La noblesse et le patriciat urbain récent et aisé forment justement les deux réservoirs sociaux principaux du recrutement cardinalice. La tendance observée pour les cardinaux dans la seconde moitié du XVe siècle concorde tout à fait, même si elle la précède, avec celle de l’aristocratie séculière, et elles procèdent, d’une certaine manière, du même mouvement. L’insistance sur cette « filiation » qui fonde la différence sociale des élites se retrouve aussi, paradoxalement, au sein du Sacré Collège. Il s’agit cependant d’une filiation dans un monde sans fils, et par conséquent destinée à d’autres parents, notamment à des neveux. De manière très significative, cette tendance au resserrement dans le recrutement du Collège passe par des outils de transmission héréditaire mis en place dans l’Église. C’est à ces logiques de transmission, pensées à l’échelle globale des lignages cardinalices, et aux moyens qui l’accompagnent qu’il faut désormais s’attacher.

    Notes de bas de page

    1Dante Alighieri, La Divine Comédie, I, L’Enfer, p. 177.

    2É. Littré, Népotisme, dans Dictionnaire de la langue française, Paris, 1863, II/1, p. 713, col. 2.

    3Carocci 1999, p. 198 ; Carocci 2017, p. 105-112. Wolfgang Reinhard identifie trois moments importants dans l’histoire du népotisme pontifical : le début de l’époque avignonnaise, la période qui court de 1417 à 1521 et celle qui s’étend de 1559 à 1676 : Reinhard 1998c, p. 66.

    4Dendorfer – Lützelschwab 2011, p. 416-419.

    5Par exemple, Staffetti 1894, p. 3, ou, plus récemment, Carocci 1999, p. 199 ; Bernasconi 2003, p. 15 ; Somaini 2003, I, p. 388.

    6Ce qui n’empêche pas de l’utiliser pour la période antérieure s’il décrit une réalité sociale existante : Cerutti 1990, p. 11.

    7Carocci 1999, p. 10.

    8Reinhard 1998d, p. 89-92. L’auteur lie l’émergence de cette fonction à la « bureaucratisation » du Sacré Collège. Il remarque également que la création d’une faction cardinalice familiale au sein du Sacré Collège serait de toute façon devenue vaine compte tenu de la croissance du nombre des cardinaux : Reinhard 2000, p. 284. Voir aussi Emich 2020.

    9Menniti Ippolito 1999 ; Bernasconi 2003.

    10Reinhard 1998d, p. 92 et 94.

    11Andrews 2016.

    12Voir supra, introduction du volume, n. 42-43.

    13Gregorovius 1872, VII, p. 175-176.

    14Reinhard 1998c, p. 64.

    15Certains historiens continuent cependant à porter l’analyse du népotisme sur le terrain de la morale. Giovanni Ricci a par exemple évoqué le « “familialisme amoral” le plus effréné » qui régnait dans l’Église de la fin du XVe siècle et qui se serait opposé, après le concile de Trente, à de « sincères préoccupations de renouvellement moral » : Ricci 2017, p. 228.

    16Waley 1961. Sur la postérité des idées de Daniel Waley, voir Carocci 1993, p. 48-51.

    17Reinhard 1979 ; Reinhard 1998c ; Reinhard 1998d.

    18Carocci 1999, p. 9. L’essentiel de cet ouvrage porte sur le Moyen Âge central.

    19À la suite de Sandro Carocci, en 2003, Marzio Bernasconi invite à se défaire des structures mentales contemporaines qui poussent à assimiler le népotisme à une simple corruption : Bernasconi 2003, p. 18.

    20Carocci 2017, p. 93-123, part. p. 94-95 et 102-104. De manière plus anecdotique, certains auteurs mettent en garde contre l’étymologie du mot népotisme, nepos, qui conduit à ne porter la focale que sur les parents bénéficiaires des faveurs du pape en oubliant ses familiers, ses proches et ses concitoyens : Fragnito 1988, p. 575 ; De Blasi 2014, p. 5.

    21Anheim 2013.

    22Dufouleur 2020.

    23Carocci 1999, passim.

    24Voir par exemple les discours de Lambert de Huy cités dans Carocci 1999, p. 10. En revanche, il faut être plus prudent en ce qui concerne les discours et la chronologie sur les autres formes de préférence familiale, en particulier le « népotisme séculier » : De Vincentiis 2002.

    25Weber 1996, p. 281, cité dans Reinhard 2000, p. 263.

    26Voir supra, chap. 2, section L’analyse de réseaux au secours de la parenté.

    27Dufouleur 2024b.

    28G. B. Picotti, Alessandro VI, papa, dans DBI 2.

    29Voir supra, chap. 2, section Les Della Rovere de Savone et de Vinovo : une parenté inventée ?

    30Mallett 1970, p. 59-60 ; Cavallero 1983 ; Navarro Sorní 2006, p. 12-16.

    31Sur les tentatives d’Alexandre VI pour tailler un domaine séculier à son fils : Bonvini Mazzanti – Miretti 2005, passim. Sur les tentatives des Della Rovere pour s’établir à la tête de gouvernements séculiers, notamment dans les Marches et à Urbino : Becker 2015, p. 27-52.

    32Les Piccolomini forment un cas un peu à part, qu’il est difficile de placer dans l’une ou l’autre catégorie. Ce lignage occupait une place éminente à Sienne qu’il s’est agi de reconquérir dans la seconde moitié du XVIe siècle.

    33Carocci 2017.

    34Selon Armand Jamme, le népotisme, en particulier pontifical, est d’une intensité variable d’un pontificat à l’autre à Avignon : Jamme 2017, part. p. 154. De ce point de vue, le Sacré Collège de la période avignonnaise mériterait d’être étudié de manière quantitative, pour mesurer en son sein la densité des réseaux géographiques et familiaux et leurs éventuelles évolutions.

    35Carocci 2017, p. 120.

    36Voir supra, chap. 1, section Une italianisation du Sacré Collège ?

    37Carocci 2017, p. 118-119 (en anglais dans le texte).

    38Voir supra, chap. 1, section Une aristocratisation du Sacré Collège ?

    39Carocci – De Vincentiis 2017, p. 9-23. Sur l’Église et Rome comme moyen d’ascension social en général : Carbonetti Vendittelli – Vendittelli 2017.

    40Reinhard 1998d, p. 86-87.

    41Lemercier 2005, p. 11, note que l’analyse de réseaux forme un excellent outil pour mesurer l’endogamie d’un milieu social, ce qu’a confirmé l’analyse de la densité des liens familiaux du Sacré Collège.

    42Reinhard 1998d, p. 89.

    43Voir infra, chap. 5.

    44Carocci 1999.

    45De Blasi 2014, p. 154-155.

    46Ibid., part. p. 168-172. Il développe par la suite l’exemple du cardinal Pedro Luis Borgia qui concentre les mécontentements dans les sources.

    47Sur Poggio Braccilioni, dit Le Pogge : E. Bigi, Bracciolini, Poggio, dans DBI 13.

    48En particulier les facéties 23, 136, 219, 228, 234, dans Le Pogge, Facéties. Certaines d’entre elles sont citées infra dans l’introduction du chap. 5.

    49Ce texte est édité dans Fubini 1990, p. 315-338, avec une introduction critique p. 303-314. Fubini 1965 en donne une analyse.

    50Stefano Infessura, Diario. Sur la vie de Stefano Infessura, voir A. Esch, Infessura, Stefano, dans DBI 62.

    51Citée dans A. Esch, Infessura, Stefano, dans DBI 62. Avant Anna Modigliani, Gregorovius qualifiait déjà Stefano Infessura de « dernier républicain de la cité de Rome » : Gregorovius 1872, VII, p. 313.

    52Sur cette critique comme topos de l’époque : Modigliani 2020, part. p. 255-259.

    53Stefano Infessura, Diario, p. 62, 67, 75. Aux p. 155-156, il accuse le pape Sixte IV de s’adonner à la sodomie avec ses neveux, notamment ses cardinaux-neveux.

    54Ibid., p. 75-76.

    55Ibid., p. 293. Cesare Borgia est le fils d’Alexandre VI, Alessandro Farnèse le frère de sa maîtresse et Giuliano Cesarini le beau-frère de sa fille.

    56Parmi la très abondante bibliographie sur la vie de Savonarole, Ridolfi 1997 fait référence. Pour l’historiographie française, voir Antonetti 1991. Pour l’histoire de la confrontation entre Savonarole et la Curie à l’époque d’Alexandre VI, voir Miglio 2016c.

    57Olin 1992, p. 5.

    58Savonarole, Prediche, II, p. 57-61 : « Io parlo a te, Chiesa […]. Li vasi tu li hai dati alla superbia, li sacramenti alla simonia; poi nella lussuria tu se’ fatta meretrice sfacciata: tu fai li peccati che ognuno li sa. […] Tu se’ fatta diavolo, tu se’ fatta peggio che una bestia, tu se’ uno monstro abominabile. […] Udite quello che dice il Signore: Et aedificasti tibi lupanar. Tu hai edificato il luogo pubblico. […] Così tu, meretrice Chiesa, ti vergognavi prima della superbia, della libidine; ora non ti vergogni più. Vedi che prima li sacerdoti domandavano li figliuoli, nipoti; ora non più nipoti, ma figliuoli, figliuoli per tutto. »

    59Francesco Mugnoni, Annali, p. 76-77 et p. 113. Sur la rumeur concernant la paternité de Sixte IV, voir également Stefano Infessura, Diario, p. 81. Ces mentions sont relevées dans De Blasi 2014, p. 172, qui en conclut, au contraire, que les rédacteurs d’annales et de chroniques s’élèvent contre le népotisme à partir du règne de Sixte IV.

    60Dès 1408, deux libelles, la Littera cocorum et le Quarkemboldus, parus à la suite de la création de quatre cardinaux par Grégoire XII, dont deux de ses neveux, font apparaître Gabriele Condulmer comme le fils du pape. D’ailleurs, ce n’est pas le caractère familial qui est dénoncé dans cette nomination, et les deux autres cardinaux créés doivent également essuyer de virulentes critiques prononcées à leur encontre : Revest 2015-2017, p. 242-243.

    61Francesco Mugnoni, Annali, p. 45-47.

    62Ibid., p. 137-196, passim. L’effet d’accumulation des griefs prononcés à l’encontre des Borgia peut laisser entrevoir, dans ce cas précis, une lassitude envers les bénéficiaires ecclésiastiques des faveurs familiales octroyées par le pontife.

    63Ibid., p. 119, 174.

    64D’Amico 1980, part. p. 158-161 ; Farenga 1986, p. 197-198, qui donne l’exemple du Dialogus ad Petrum S. Sixti cardinalem du bénédictin Ilarione ; De Blasi 2014, p. 154-172. Ce dernier relève notamment des exemples de ce phénomène dans Michele Canensi, De vita et pontificatu Pauli secundi pontificis maximum, dans Le vite di Paolo II 1904, p. 77-80, 113-114.

    65Daniels 2013, p. 123 : Emptam in templo profanis vendidit et ex eius pretio porcos auratis glandibus enutrivit. Je m’écarte un peu de la traduction proposée dans Martines 2006, p. 297.

    66Dionisotti 2003 dresse une comparaison de cette œuvre avec le De cardinalatu de Paolo Cortesi.

    67Sur Raffaele Maffei et son Commentariorum : S. Benedetti, Maffei, Raffaele, dans DBI 67 ; D’Amico 1980, p. 163-165 ; D’Amico 1983, passim, part. p. 189-192.

    68Raffaele Maffei, Commentatorium, p. cccxvv : Suorum in primis amantissimus ac indulgentissimus fuit, quorum causa pleraque praeter fas iusque et agebat, et concedebat. Petrum [ante omnes] ejusdem ordinis ac patriae, quem a puero una cum Hieronyumo fratre sibi educaverat, ad Cardinalatum usque provexit, virum alioquin natum perdundae pecuniae. Nam biennio quo tantum postea vixit Ducenta aureorum millia in luxu victitando solum absumpsit. lx millia aeris alieni, argenteorumque, item ccc pondo dimisit. Decessit tabidus voluptate annorum xxviii.

    69D’Amico 1980 édite ce texte p. 191-210 et en discute part. p. 173-190.

    70Sur le rôle de Platina en tant que défenseur de la mémoire de Pie II, voir Dufouleur 2022b.

    71Le vite di Pio II 1964, p. 118 : Patriae ac civium suorum amantissimus fuit, quibus dignitates, honores, magistratus, presidia arcium, munera publica ferme omnia demandabat. Cognatos, affines, nepotes maxime, plus quam pontificem decebat diligere visus est.

    72Certains historiens pensent que Platina a dédié son œuvre au pape dès la fin de l’année 1474 : Tallon 2009b, p. 200. D’autres considèrent que le manuscrit ne fut pas terminé avant 1475, par exemple S. Bauer, Sacchi, Bartolomeo, detto il Platina, dans DBI 89.

    73Platina, Liber de vita Christi, p. 361 : Cognatos autem, affines, nepotes, cives suos senenses denique omnes ita dilexit ut eis dignitates, honores, magistratus, praesidia arcium, munera publica ferme omnia demandaret ; quod nequaquam convenire personae pontificiae videbatur, quae publica esse debet, nec in hunc propter cognationem magis quam in illum propter virtutem propensior esse debet. Concedatur aliquid patriae, concedatur affinibus et cognatis ; non tamen quod omnium christianorum patrimonium est uni patriae et cognationi totum tradi debet. Inspiciendae sunt virtutes hominum et merita, nec attendendum quid nostrae cupiditates exigant. Nam ii quibus Pius magistratus et munera publica commisera[n]t, ita avare maligneque sese habuerant ut, eo mortuo, ex his plerique vel interfecti sint vel capti ac omni contumelia et iniuria affecti ; quod non accidisset si magistratus his demandasset quorum virtus et fides spectata esset, plus virtuti quam patriae tribuens. Voir aussi Bauer 2007, p. 22 et 28.

    74Platina, Liber de vita Christi, p. 361.

    75Bauer 2007, p. 22-23.

    76De Vincentiis 2010, p. 454-455.

    77Bauer 2007, p. 23.

    78Ibid.

    79Reinhard 1998d, p. 93-94.

    80Helmrath 2017 offre un bon panorama des conciles de la période.

    81Sur le concile de Constance et la réforme de l’Église, voir Stump 1994. Ces commissions auraient été composées de députés des nations réunis à des cardinaux, Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 212.

    82Sur le lien de parenté peut-être fictif entre les Correr et les Condulmer, voir supra la n. 150 du chap. 2.

    83Revest 2015-2017, p. 207-262.

    84Sur ces trois versions, voir Hefele 1916, I, passim. Voir aussi Jedin 1972, p. 158 dans son chapitre « Proposte e progetti di riforma del collegio cardinalizio ». Pour les textes des deux premières versions, voir Acta Concilii Constanciensis 1923, p. 635-636 et Stump 1994, p. 328 et 395. La troisième version est publiée dans Hübler 1867, p. 128.

    85Stump 1994, p. 51-55.

    86Acta Concilii Constanciensis 1923, p. 635 : Non consanguinei alicuius cardinalis viventis usque ad quartum gradum inclusive nec de eadem stirpe, familia seu domo vel agnacione.

    87Acta Concilii Constanciensis 1923, p. 636 et Stump 1994, p. 328 : Non affines seu attinentes alicuius cardinalis viventis usque ad quartum gradum inclusive nec de eadem stirpe, familia, domo vel agnacione. J. Hollnsteiner et H. Finke voient dans cette variation deux phases successives du projet, Acta Concilii Constanciensis 1923, tandis que Phillip Stump y voit deux traditions manuscrites différentes.

    88Stump 1994, p. 394-395.

    89Hefele 1916, VII/1, p. 488.

    90Stump 1994, p. 45-46 ; Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 212-214. Le projet est reproduit dans Hübler 1867, p. 128-156.

    91Ibid., p. 128 : Non fratres aut nepotes ex fratre vel sorore alicujus cardinalis viventis. Gigliola Soldi Rondini présente cette version comme le décret adopté par le concile : Soldi Rondinini 1973, p. 23.

    92Alberigo 1994a, p. 920-921. Contrairement à ce qu’assure Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 214, seuls sept points sur les dix-huit articles qui composaient le projet de Martin V furent finalement adoptés. Voir également Miethke – Weinrich 1995-2002, I, p. 506-516.

    93Alberigo 1994a, p. 914-915.

    94Ibid., p. 926-927.

    95Célier 1909, p. 428.

    96Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 214 ; Stump 1994, p. 47-48 ; Miethke – Weinrich 1995-2002, I, p. 516-545.

    97Mercati 1954, I, p. 145, 151, 158 : Non fratres aut nepotes ex fratre vel sorore alicujus cardinalis viventis. Pour Hübler 1867, p. 46 sq., et Hefele 1916, VII/1, p. 549, les concordats hispanique et français étaient identiques. Selon ces mêmes auteurs, un concordat italien aurait également existé, lui aussi identique, néanmoins Pie II affirme dans ses Commentarii qu’aucun accord de ce type n’a été passé avec la nation italienne : voir infra, n. 127. Quant au concordat anglais, il oublie cette disposition : Mercati 1954, p. 165, et Hefele 1916, VII/1, p. 562.

    98En voici par exemple la première version : nec de uno ordine religionis ultra unum, non illegitime nati, non corpore viciati, non alicuius criminis aut infamie nota respersi. Dans les deuxième et troisième versions, ordine religionis est remplacé par ordine Mendicancium, ce qui précise le véritable public touché, et la troisième version supprime étonnamment la restriction touchant les illegitime nati.

    99Hefele 1916, VII/1, p. 443-476.

    100C’est notamment la raison invoquée dans Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 212 : « L’essentiel – cette réforme de l’Église elle-même, toujours demandée et toujours ajournée, qu’il aurait fallu une énergie surhumaine pour imposer – était abandonné. L’accord ne pouvait se faire que sur quelques problèmes généraux, mais sans véritable portée. »

    101Stump 1994, p. 47.

    102Miethke – Weinrich 1995-2002, II, p. 367-378.

    103Alberigo 1994a, p. 1020-1021.

    104Ibid., p. 1024-1025.

    105De Blasi 2014, p. 174-175. Cet auteur relève les deux citations précédentes ainsi que la suivante dans sa thèse.

    106Alberigo 1994a, p. 1028-1029.

    107Reinhard 1998d, p. 82.

    108Ourliac 1990, p. 121-128.

    109Hefele 1916, VII/2, p. 871-949.

    110Reinhard 1998d, p. 82.

    111Des critiques bien plus virulentes apparaissent dès le XIIIe siècle, par exemple celles de Salimbene de Adam ou de Giovanni Villani : Carocci 1993, p. 47, 52 ; Carocci 1996, p. 89.

    112Boschetto 2012, p. 143-237.

    113Sur ce concile en général, voir Jedin 1965a, p. 108-125 et Bowd 2002, p. 147-179.

    114Au concile de Latran V, les décrets les plus importants sont promulgués par des bulles après avoir été adoptés : Olin 1992, p. 54-55.

    115Alberigo 1994a, p. 1262-1263. Cité dans Fragnito 1988, p. 574.

    116Reinhard 1998c, p. 64 sq. ; Reinhard 1998d, p. 71 sq.

    117Déjà au XVIIe siècle, Gregorio Leti soutient que le népotisme ne serait devenu un problème qu’en raison de la richesse de l’Église : Leti 1667, p. 37 sq. Cité dans Reinhard 1998d, p. 72.

    118Ce rapport a fait l’objet de nombreuses éditions, par exemple Concilium Tridentinum 1930, p. 131-145 ; on en trouve une traduction anglaise dans Olin 1992, p. 186-197.

    119Ibid., p. 185.

    120Ibid., p. 143 : Licentia etiam testandi clericis de bonis ecclesiae non esset danda nisi pro causa urgente, ne bona pauperum converterentur in privatas delicias et amplificationes domorum.

    121Ibid., p. 138 : Eis magis licere transgredi legem.

    122Voir infra la conclusion du volume.

    123Jedin 1965a, p. 151-512, tente d’expliquer pourquoi le concile de Trente est intervenu « si tard ».

    124Sur la présentation de cette source, voir supra, introduction du volume, part. n. 60-66.

    125Annales ecclesiastici 1864-1883, XXVIII, p. 89, col. 1-2 : Item quod non creabit cardinales nisi juxta formam et ordinationem factam in Consilio Constantiensi.

    126 Pie II, I commentarii, II, p. 1432-1433 : Cardinales absque urgenti causa creare novos pro tua libidine paras, nec iuramentum pendis quod in conclavi, et ante assumptionem et postea, Sacro Collegio praestitisti, cardinales scilicet te minime creaturum nisi consentiente maiori parte Collegi et secundum Constantiensis decreta Concilii. Nunc nec ordinationem synodalem pensitas, nec consensum Collegii requiris.

    127Ibid., II, p. 1434-1437 : Nec tu nobis obieceris ordinationem Concilii in Constantia editam, quam reris a nobis esse iuratam. Evolvimus decretorum codicem. Nunquam in Constantiensi Concilio, dum sedit, ordinatio de creandis cardinalibus edita est. Collocutiones quaedam intervenerunt, et scripta fuerunt aliqua memoriae causa ; verum nunquam decreti formam accepere, quamvis postea Martinus quintus cum quattuor nationibus, Germanica, Gallica, Hispanica et Anglica, de creandis cardinalibus ordinationes nonnullas et quidem diversas statuerit, quae appellavit Concordata, et ad quinquennium dumtaxat durare voluit. Cum natione Italica, quae prae ceteris honoranda fuerat, et cui praeiudicari non debuit, nihil convenit Non est igitur quod vel numerum cardinalium vel qualitates ex decreto Concilii requiras, quod nusquam invenitur.

    128Annales ecclesiastici 1864-1883, XXIX, p. 409, col. 1 : Quique non professus esset vel Pontificium jus, vel civile, vel litteras sacras, nec nisi unum, eumque hujus generis hominem de cognatione sua eligere.

    129L’idée que le sang supplée aux connaissances académiques est aussi présente dans ces mêmes années pour les cardinaux d’origine aristocratique, en témoigne la bulle non publiée Pastor aeternus de Pie II, rédigée juste avant sa mort en 1464 : voir infra, n. 173.

    130Pastor 1888-1961, III, p. 261.

    131Rodrigo Borgia, futur Alexandre VI, et Luis Juan de Milá sont nommés lors du consistoire du 17 septembre 1456.

    132Mannucci 1915, p. 84* : Sitque doctor, uel in sacra pagina, uel in altero iurium, uel ad minus. […] De parentela uero, et consanguinitate sua non plures quam unum dumtaxat qualificatum.

    133G. Gualdo, Barbo, Marco, dans DBI 6 ; G. Benzoni, Michiel, Giovanni, dans DBI 74 ; Soranzo 1962, article par ailleurs fautif sur plusieurs aspects.

    134Un court passage est traduit en français dans Cloulas 1987, p. 78-79.

    135Krüger 2006, p. 303-309, cité dans De Blasi 2014, p. 184.

    136Marino Sanudo, Diarii, XVI, col. 104 : De parentela vero et sanguinitate sua creare possit cardinales duos, servata vero forma huius capituli quo ad omnia.

    137Ibid., XVI, col. 104 : Ita quod, praeter duos supradictos, non excedat uno […] [voir supra], et demum de parentela et sanguine suo creare duos possit reservata forma pura huius capituli ut supra. Le mot reservata peut ici être interprété dans un double sens : ou bien la règle de consultation des cardinaux doit être conservée dans le cadre d’une création familiale, ou bien elle doit, au contraire, être mise de côté. La version de 1522, qui utilise le mot servata, nous pousse plutôt vers la première hypothèse, sans qu’on puisse exclure totalement une évolution de la règle ou une erreur de transcription dans un sens ou dans l’autre.

    138Pour les capitulations publiques de 1522 : Höfler 1878, p. 72. Elles reprennent presque mot pour mot les capitulations de Léon X : De parentela et consanguinitate sua creare possit cardinales duos servata tamen forma hujus capituli quoad omnia ita quod praeter duos supradictos non excedatur ullo unquam tempore numerus xxiiii. et aliter vel alio modo creati post mortem pontificis etiam si interim exercuerint officium, sint inhabiles in electione pontificis activa et passiva nec in posterum habeantur pro cardinalibus nec creabit unquam aliquem nisi prius reducatur collegium ad numerum xxiiii et eum non excedet, ut dictum est ipsosque creandos subito publicabit nec eos tenebit secretos inque eorum creatione convocabit omnes cardinales qui commode venire poterunt in Italia existentes a Bononia vel Florentia citra quodque exquisitio votorum dd. cardinalium fiat consistorialiter et non auriculariter et (ut) suffragia dd. Cardinalium per modum secretum praestentur ut infra dicetur, et demum de parentela et affinitate sua duos ut supra cardinales creare possit servata forma hujus capituli ut supra.

    139AAV, Arch. Borgh., I, 256, part. fol. 16v-17r et 17v-18r.

    140Sur la réforme en général au XVe siècle : McClung Hallman 1985. La manière dont est traitée la question très spécifique qui m’intéresse ici ne rend pas honneur au reste de cet ouvrage. L’article Célier 1909 est plus daté, mais intéressant. Voir également Jedin 1972, p. 156 sq. ; D’Amico 1977, p. 357-401 ; O’Malley 1979 ; D’Amico 1983, part. p. 220-226 ; Fragnito 1988, p. 565-588 ; Firpo 1990 ; Richardson 2009 ; McCahill 2013 ; Chambers 2020, p. 453-455.

    141Les nombreux traités généraux qui fleurissent sur les cardinaux au XVe siècle et plus encore au XVIe siècle n’ont pas été pris en considération. La distinction est parfois ténue entre un projet de réforme et un traité : le premier a plutôt pour objectif de réformer et décrit éventuellement l’état des choses, le second a pour objectif de décrire l’état des choses et propose éventuellement des idées de réforme.

    142Célier 1909, p. 418.

    143Ullmann 1866 ; Jedin 1965a, p. 125 ; Olin 1992 ; Prodi – Johanek 1984 ; Reinhard 1998e, p. 99-100.

    144Par exemple, le projet du cardinal Domenico Capranica qu’il présente entre 1437 et 1449 sous le titre Quaedam avisamenta super reformatione Pape et Romane Curie : D’Amico 1977, p. 359, et, surtout, Saraco 2004. Pour la fin de la période, voir le De Lutheranorum haeresi reprimenda et ecclesia reformanda ad Clementem VII. L’évêque Gian Pietro Carafa, futur Paul IV (1555-1559), y met en garde le pape Clément VII contre l’hérésie protestante et lui propose un programme de réformes susceptible de répondre à la menace. Pour l’édition de ce traité : Concilium Tridentinum 1930, p. 67-77. Ce traité a certainement influencé le Consilium de emendanda ecclesia : ibid., p. 131-145.

    145Sur l’idée de réforme au XVe siècle et sur les différents projets : Jedin 1965a, p. 11-149.

    146Célier 1909, p. 422. John d’Amico a une phrase très similaire : « On peut dire que le XVe siècle tout entier est un long champ de bataille pour la réforme de la papauté et plus largement l’Église » (D’Amico 1977, p. 358). Voir également Hay 1984, part. p. 42-45.

    147Richardson 2009, p. 89 ; Watanabe 2001a.

    148Sur la vie de Nicolas de Cues, voir supra, chap. 1, n. 387.

    149Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 307 ; Pastor 1888-1961, III, p. 257-259. Le projet est publié dans Dür 1847, p. 451-456, et a été traduit plus récemment en anglais par Watanabe – Izbicki 2011, p. 201-216. Les références archivistiques sont données dans Watanabe 2001b, p. 175. Voir aussi Miethke – Weinrich 1995-2002, II, p. 71-81, 468-499.

    150Contrairement à ce qu’assure Watanabe 2001a, p. 176, aucune règle ne semble concerner à proprement parler les créations cardinalices au sein de la parenté.

    151H. Smolinsky, Dominici, Domenico, dans DBI 40. Jedin 1958 est l’ouvrage de référence sur ce personnage.

    152Di Pietro 2010, p. 12. Domenico de’ Domenichi a écrit deux autres traités postérieurs au sujet des cardinaux : le Consilium in materia creationis cardinalium (1461) et le De creatione cardinalium (1471) (BAV, Barb. Lat., 1487). Ces deux traités ne s’intéressent toutefois pas aussi spécifiquement à la question des nominations familiales que celui de 1458 : Jedin 1965a, p. 78-80.

    153Gaeta 1967, p. 93.

    154Le traité a d’abord été publié dans ibid., p. 89-123, puis dans Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 335-359. Pastor 1888-1961, III, p. 260-261, donne un résumé succinct des propositions.

    155Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 343 : Multis argumentis ostendit quam grave peccatum sit quantaque pernicies Ecclesiae oriatur, cum ad ecclesiasticas dignitates consanguinei promoventur, boni et docti viri reliquuntur. Une traduction italienne est proposée ibid., p. 359-390.

    156Ibid., p. 343 : Nona consideratio est circa promotionem excellentium virorum in virtutibus et scientiis qui sunt utiles Ecclesiae in exemplo vitae et eruditione doctrinae et defensione ipsius Ecclesiae quando oportet, potius quam fratrum, consanguineorum, nepotum ac aliorum attinentium ; qui attinentes si promoveantur, prius sint ornati scientia et virtutibus, ac benemeriti, maxime ad dignitates magnas. Quidam enim solos attinentes suos prius promovebant, omissis clarissimis viris in virtutibus et scientia, et sic scandalizabant principes et praelatos et populum christianum et Curiam suam et perdebant creditum et authoritatem apud praedictos, quod valde officit Ecclesiae Dei.

    157Ibid., p. 344 : Et ratione damni quod inde sequitur in Ecclesia ex promotione puerorum et indoctorum ad praelaturas, quo nihil magis nocet Ecclesiae, ut habeant regimen Ecclesiae qui se regere nesciunt, et fieri magistrum antequam quis sit discipulus. Pour les « enfants » cités, il faut penser par exemple à Rodrigo Borgia, nommé cardinal par son oncle Calixte III à l’âge de vingt-quatre ans, c’est-à-dire six ans avant l’âge canonique minimum. Le terme d’enfant semble ici un peu exagéré, mais il ne l’est pas pour les décennies suivantes en ce qui concerne le cardinalat et est déjà une réalité à l’époque de Domenichi pour des dignités inférieures au cardinalat.

    158Pie II, I commentarii, I, p. 162-164 : In consistorio vero, cum di ures agitata esset, tres cardinales creati sunt, quorum duo nepotes Papae fuerunt : Ludovicus Sanctorum Quatuor Coronatorum presbyter et Rodericus Sancti Nicolai diaconus et tertius, eiusdem ordinis, Iacobus Sancti Eustachii ex regia Portugallensium domo natus ; adeo iuvenes omnes, quamvis indolis optimae, ut non ab re ioco dixerint aliqui vix annos tres cardinales natos, qui uni sufficerent. […] Nec Callistus infamia caruit, qui carnis affectum Ecclesiae praetulit utilitati. Traduction dans Pie II, Mémoires, p. 95-96.

    159Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 344 : Sed si affines et consanguinei sint idonei, licite possunt per eos promoveri, nisi inde oriatur scandalum.

    160Ibid. : Aliqui etiam ad nihil magis intendebant quam suos divites in facere.

    161Ibid., p. 344 : Nec etiam praelati alii inde exemplum accipiant dimittendi virtuosos, doctos et excellentes viros, et promovendi nepotes, consanguineos suos, pueros et indignos, et sic tota luna, id est Ecclesia, conversa videatur in sanguinem et sic videantur velle haereditate possidere sanctuarium Dei, ut scilicet semper in Ecclesia sit aliquis magnus praelatus de genere eorum, qui eis succedat in beneficiis et dignitatibus.

    162Ibid. : Saltem si promoveantur, sint cum eis viri praestantes promoti, et, si una vel duae columnae Ecclesiae sint debiles, alias sint fortes ; tales enim erigendae sunt.

    163Catherine de Sienne, Lettres, p. 153-154, 157, 161-163.

    164Pie II, I commentarii, I, p. 164 : Non sine infamia Collegii, quod, volenti Pontifici viros aetate maturos ac de Romana Ecclesia optime meritos cum suis nepotibus assumere, in his consensit qui minus idonei videbantur, et eos reiecit quos constabat esse dignissimos.

    165Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 344 : De is exempla sunt Clementis quarti quid fecerit filiabus suis et Celestini quinti qui fuit canonizatus sub nomine Sancti Petri de Morono confessoris.

    166Cité dans Nicolas 1910, p. 139-141. L’auteur de ce livre affirme, p. 142, que la conduite de Clément IV « n’offre pas une trace de népotisme » pendant tout son pontificat, et il ajoute, p. 144, qu’« ayant en horreur le népotisme, il ne chercha jamais à enrichir ses parents ».

    167P. Herde, Célestin V, dans Levillain 1994, p. 319-322.

    168P. Herde, Celestino V, papa, dans DBI 23.

    169Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 344 : Item Clemens sextus notum est ex historiis quantum studium et diligentiam habuerit ad instruendum nepotem suum, qui fuit postea successor eius mediatus, vocatus Gregorius XI, licet eum adolescentem admodum promovisset, quia in adolescentia etiam erat plenus virtutibus, et ideo propter adolescentiam contemni non debebat, secundum illud Apostoli ad Timotheum : « Nemo adolescentiam tuam contemnat ». Saint Paul, dans les conseils qu’il adresse à Timothée pour être un bon « ministre de Jésus Christ », commence bien son exhortation par ces mots : « que personne ne méprise ta jeunesse » (I Tm, IV, 12).

    170Ferraù 1994, p. 534-536.

    171Éditée par Haubst 1953 et, plus récemment, par C. Di Pietro dans Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 459-481.

    172Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 325-329.

    173Haubst 1953, p. 212 : Duo simul fratres non assumantur neque nepotes cum patruis aut avunculis.

    174Sur la datation de la bulle non éditée Quoniam regnantium cura : Célier 1907, p. 93.

    175Fragnito 1988, p. 566. La Bibliothèque apostolique en conserve au moins deux copies : BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 14r-24v, et Vat. Lat., 3884, fol. 118rv-132v. Édition partielle dans Tangl 1894, p. 379 sq., où cependant toute la partie sur les cardinaux (BAV, Vat. Lat., 3884, fol. 121v-123r) est absente.

    176Pastor 1888-1961, IV, p. 378-385.

    177Pour un résumé de cette tentative de réforme en général : Dendorfer – Lützelschwab 2011, p. 409-411.

    178Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 44 : Non comedit nec bibit pontifex a sero die mercurii xiv hujus usque ad primum sabbatum sequentem, neque a mane jovis usque ad dominicam sequentem ad punctam quidem hore quievit. Traduction française dans id., Dans le secret des Borgia, p. 237. Voir aussi Lombardi 2003b.

    179Guichardin, Opere, II, p. 376-377. Traduction française dans Guichardin, Histoire d’Italie, I, p. 250.

    180BAV, Vat. Lat., 3883 et 3884. Plusieurs passages de ces deux codex concernant cette réforme ont été publiés dans Tangl 1894, p. 386-421, mais aucun n’a d’intérêt pour le sujet traité ici.

    181BAV, Vat. Lat., 3883, respectivement fol. 1r-11r, fol. 14r-24v, fol. 158r-162v. Léonce Célier fait l’hypothèse, grâce à une mention manuscrite sur le codex, que Francesco Piccolomini et Oliviero Carafa auraient eux-mêmes réuni ces documents en vue de leur propre travail. Le même auteur liste les différents documents présents dans ce codex : Célier 1907, p. 95-97.

    182Ibid., p. 97-113.

    183BAV, Vat. Lat., 3884, fol. 110r-114v. Célier 1907 l’interprète p. 97 sq.

    184BAV, Vat. Lat., 3884, fol. 112r : De parentela et consanguinitate sua, non plures quam unum dumtaxat qualificatum.

    185BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 169r sq. La foliotation n’est pas régulière ici. Éditées dans Célier 1907, p. 100-103.

    186Ibid., p. 101 : In adsumptionem novorum cardinalium decreta conciliorum Constanciensis et Basiliensis servabit.

    187Sur la participation de Jorge da Costa : Chambers 1998, p. 96-98.

    188BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 142r-155v ; voir également Célier 1907, p. 114-116.

    189Ibid., p. 116-119.

    190BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 104v.

    191Notamment BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 90r-103v (les folios mentionnés par Célier 1907, p. 118, ne sont pas les bons). Sur les cardinaux, voir en particulier les fol. 90v-93v. Le projet le plus abouti est conservé à travers une copie : BAV, Vat. Lat., 3884, fol. 73r-109v (les folios mentionnés par Célier 1907, p. 119, ne sont pas non plus les bons). Sur les cardinaux, voir en particulier les fol. 78r-81v. À noter toutefois que les projets condamnent le népotisme pour les fonctions séculières, notamment la pratique qui consistait à placer les forteresses et d’autres possessions des États pontificaux dans les mains des membres de la famille de la papauté, en particulier des cardinaux : Jedin 1972, p. 170.

    192Pastor 1888-1961, V, p. 496.

    193Matheus 2017, p. 325, affirme que l’« interdiction du népotisme » aurait été une des recommandations du réformateur Vincenzo Querini en 1513, mais rien dans la littérature ne vient confirmer cette assertion. Sur Vincenzo Querini et ses projets de réforme : Bowd 2002.

    194Par exemple, Fragnito 1988.

    195Giacomo Ammannati Piccolomini, Lettere, II, p. 585 : Hortor itaque atque oro, ut humanum calamitosis te praebas, benigne eos audias, iustificationes suas intelligas, non patiaris contumeliis accusantium confundi. Delicta, si qua sunt, non ad Evangelii normam, sed ad vitae communis regulam aestimes. Multa excusat consuetudo, quae damnare inconsueta severitas potest. Quod toleratum est in prioribus administrationibus, cur in praesentibus non Toleretur ? Et quod illis sine reprehensione egerunt, cur sine culpta nostri non egerunt ? Lettre adressée à Fabiano Benci depuis Rome, citée dans De Vincentiis 2002, p. 38.

    196Reinhard 1998c, p. 41-43.

    197Klauser 1959, p. 117 ; la traduction est extraite de Reinhard 1998c, p. 42.

    198Pìetas, dans Lo Zingarelli. Vocabolario della lingua italiana di Nicola Zingarelli, Bologne, 2004, p. 1336, col. 2.

    199Reinhard 1998d, p. 92.

    200Reinhard 1998c, p. 41-67.

    201Enea Silvio Piccolomini, De gestis concilii basiliensis, p. 242-245 : Et alii non esse homini laico cito imponendas manus dicebant, quod videretur omnibus monstri simile principem seculi ad Romanum pontificium accersiri […]. Alii hominem qui fuerit coniugatus, cuique proles esset, ineptum sacerdotio existimabant.

    202Ibid., p. 246-247 : Id autem quod de uxore dicitur nihilipendo, cum non solum qui uxorem habuit sed uxorem adhuc habens queat assumi. Cur enim disputant doctores an uxoratus electus in papam uoxori solvere debitum teneatur, nisi quoniam etiam conjugatus recipi possit ? Fueruntque (ut scitis) etiam in matrimonio pontifices, nec Petrus Apostolorum princeps uxore caruit.

    203Il existe un débat entre exégètes sur ce sujet : Hengel 2010, p. 103-134.

    204Enea Silvio Piccolomini, De gestis concilii basiliensis, p. 248-249 : Quid ista modo obiicimus ? Fortasse non esset peius sacerdotes quamplures uxorari, quoniam multi saluarentur in sacerdotio coniugato, qui sterili in presbyteratu damnantur. Sed de hoc alias.

    205Ibid. : Illud autem mihi risu magis quam responso dignum uidetur, quod de filiis est obiectum. Etenim cur filii praesertim natu grandes, pontifici patri sint impedimento ? Nunquid ait scriptura : « Vae soli, quoniam si ceciderit, non habet subleuantem se ? » Hoc imputari principi modo non poterit. Sunt enim illi filii duo, et forma et ingenio admodum praestantes. Quorum alter princeps Pedemontensium, alter comes est Gebennensium. Hi patriam Sabaudiae absente patre gubernabunt, indigentique sibi auxilia subministrabunt. Iam enim regere ac praesse populis didicerunt. En quid mali hoc est habere Romanum antistitem potentes filios, qui patrem contra tyrannos iuuare queant ?

    206Pie II, I commentarii, I, p. 330-331 : Ecclesia quoque Senensis tum primum ad metropolitici iuris honorem erecta est, Grossetana, Massana, Suanensi et Clusina ei suiecta. Tantopere suam decorare patriam Pontifex adnitebatur. Primus archiepiscopus Antonius fuit, ex familia Picolominea, quem sibi Pius, ut primum Petri cathedram ascendit, successorem in eadem ecclesia designaverat. Traduit partiellement dans Pie II, Mémoires, p. 139.

    207Fontes vitae S. Catharinæ 1942, p. 525 : Quis est enim qui suae Urbis preconia, suae patriae laudes, sui generis virtutes non libenter vulgari procuret, cum id possit et rite et honeste facere ?

    208Barsanti 2007, p. 319-320.

    209Olitsky Rubinstein 1967, p. 22-33 ; Setton 1978, p. 228-229.

    210Pie II, I commentarii, II, p. 1513-1514 : Nepotes tui ex fratre Romani omnes te veluti patruum patremque suum venerantur, colunt, observant, et tuo se uti patrocinio in conspectu magni Dei non dubitant.

    211Aujourd’hui, le monument, qui n’a pas été déplacé, se trouve dans le jardin clos d’un petit oratoire nommé de manière commémorative Sant’Andrea a Ponte Milvio.

    212Frommel 1983, p. 116.

    213Pie II, I commentarii, II, p. 1540-1543 : Ingressus vero atrium, contemplatus effigiem beati Petri quae sedet ante vestibulum templi, et tanquam statua illa germani adventu laetabunda fleret, collactrimatus est duorum fratrum, qui se iampridem non vidissent, concursum atque complexum mente revolvens.

    214Olitsky Rubinstein 1967, p. 23-29.

    215Pie II, I commentarii, II, p. 1545 sq.

    216Ibid., II, p. 1544-1546 : « En Ego » inquit « tuus Andreas, Petre frater ».

    217Ibid., II, p. 1556-1557 : Ac nepos eius secundum carnem Senensis cardinalis plenarias indulgentias annuntiavit. Sur l’emplacement de cette chapelle : Tiberio Alfarano, De basilicae vaticanae, table 1, nos 81-85.

    218Müntz 1878, I, p. 285-289 ; Frommel 1983, p. 116-118 et 141-144. La chapelle est détruite quelques décennies plus tard, lors de l’érection de la nouvelle basilique Saint-Pierre projetée par Jules II.

    219Requiem Projekt, en ligne : http://requiem-projekt.de/db/suche.php?function=b_ausgabe&grabmalID=367.

    220et hic conditus ubi caput / andreae apostoli ad se ex peloponneso advectum collocari iuserrat.

    221Olitsky Rubinstein 1967, p. 22-33 ; Dufouleur 2022b, p. 434-435.

    222Ce fait est relevé à plusieurs occasions par les penseurs du Moyen Âge : Carocci 1999, p. 10.

    223Reinhard 1998c, p. 47, relève d’ailleurs brièvement cet épisode dans son argumentation.

    224Mannucci 1956 ; Carli 1966.

    225La bulle est publiée dans Chironi 2000, p. 515-521.

    226Cet acte est publié dans ibid., p. 522-525.

    227Chironi 2003, p. 171-179.

    228Pie II, I commentarii, II, p. 1576-1577 : Tecta suae gentis primis in moenibus aedes / Tangere marmoreum sidera iussit opus. Sur Giovanni Antonio Campano, voir Di Bernardo 1975.

    229Eubel 1914, II, p. 216 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 212. Sur Giovanni Cinughi, voir Drimaco 2014.

    230Hillary 1978, p. 34.

    231Voir supra, chap. 1, fin de la section L’âge et le nombre des cardinaux.

    232Vespasiano da Bisticci, Le vite, I, p. 61 : « Creò otto cardinali, tutti uomini singulari, ecetto ch’el suo fratello di madre, non di padre, che si chiamò meser Filippo, che s’intitulò di poi cardinale di Bologna. Non gli pareva avendo fatti sette cardinali, sì singulari uomini, fare il fratello. Veduto questo il collegio di cardinali lo pregorono tanto che, con dificultà, fu contento di consentire di farlo cardinale. Di poi nella pubblicatione di cardinali, a tutti dette le lode convenienti. A meser Filippo disse: “sollicitato et confortato da alcuno di nostri frategli cardinali, elegiamo Filippo in cardinale”, senza dargli o lode o dire altro di lui. »

    233C’est par exemple l’interprétation développée par Manfredi 2007, p. 434. De Blasi 2014, p. 72-74, reprend cette interprétation, tout en montrant dans la suite de sa thèse à quel point cette image de Nicolas V ne correspond pas à la réalité. Il remet également en cause l’influence qu’aurait pu avoir le Sacré Collège dans la nomination de Filippo Calandrini.

    234Pie II, I commentarii, I, p. 668-669 : Messis quidem multa, operarii autem pauci. […] Vos ad haec operarii nobiscum estis constituti, sed pauci estis et nonnulli ex vobis aut senio aut aegritudine impediti sunt, ne ipsis uti possimus. Necesse igitur est ut numerum vestrum augeamus, et aliquos assumamus qui debilium vires suppleant.

    235Ibid.,I , p. 672-673 : Philippus autem Bononiensis : « Multos » inquit « nominasti, Pontifex ; nepotem autem tuum neglexisti. Et cur non hunc quoque assumendum reris ? » Ad quem Pius : « Noster nepos iunior est, neque adsunt cetera quae cardinalatus exposcit. » Atque his dictis iussit cardinales inter se colloqui. Ipse, in alterum locum egressus, paululum cibi assumpsit : iam enim dies multa effluxerat et res longam exigebat moram.

    236Ibid., I, p. 674-675 : Quod si nepotem assumere vellet, assensuri essent dum solus assumeretur.

    237Ibid., I, p. 674-675 : Reddiit ad Collegium Praesul et, cum multa hinc atque inde dicta essent, consensere cardinales quinque assummi novos, ea lege adiecta ut nepos unus esset.

    238Ibid., I, p. 676-677 : Sextus atque ultimus Franciscus Pontificis nepos, qui per id temporis in schola Perusina iuri pontificio operam dabat, et iam doctoratus insignia acceperat. Hic diaconatus dignitatem in ordine cardinalatus, cum esset adolescentior, obtinuit. Ceteri presbyteratus honorem assecuti sunt.

    239Voir supra, chap. 2, n. 167.

    240Je pense à la triple question du Christ à Pierre : « Pierre, m’aimes-tu ? » (Jn XXI, 15-17) ou au triple reniement du Prince des Apôtres pendant la Passion (Mt XXVI, 69-75).

    241Eugène IV crée Francesco Condulmer le 19 septembre 1431. Nicolas V crée Filippo Calandrini, son demi-frère, le 20 décembre 1448. Calixte III crée Rodrigo Borgia et Luis Juan de Milá le 17 septembre 1456.

    242Voir supra, part. n. 158.

    243Pie II, I commentarii, II, p. 1442-1443 : verum quod corpore longe maiorem prae se ferret aetatem, et gravitate ac prudentia prope senili. Traduction dans Pie II, Mémoires, p. 296.

    244Archivio di Stato de Milan, Fondo Sforzesco, carteggio 68, Nicodemo da Pontremoli a Galeazzo Maria, le 17 décembre 1471 à Rome : « Trovava che alcuni [cardinali] consentivano, et male volentiere, a li nepoti, ma […] dicevano expresse non consentiriano may, per mo’, ad altri, per non trasgredere el numero votato et iurato. » Cité dans Somaini 2003, I, p. 388-389, 511.

    245Christine Shaw, dans la biographie de Jules II, affirme également que ce sont les cardinaux qui ont suggéré au pape Sixte IV de nommer un de ses parents éloignés, Domenico Della Rovere, pour remplacer son frère, Cristoforo, mort le 1er février 1478, seulement deux mois après son élévation. C’est tout à fait probable, malheureusement elle ne précise pas les sources sur lesquelles elle fonde cette assertion : Shaw 1993, p. 39.

    246Voir supra, chap. 2, section Le mariage ou l’alliance des dynasties.

    247Picotti 1927, p. 174.

    248Marino Sanudo, Diarii, V, col. 180 : « Come la note il papa à ’uto grandissima febre durata fin al zorno, con angonie et render, adeo durando, per esser di debel natura, si dubitava di lui molto, qual à anni 68. Et che ozi le camere erano stà serate, et zà li fratelli erano stati dal cardinal di Napoli a rizercharlo dagli il voto al fiol di dom. Andrea fratello dil papa, ch’è arzivescovo di Siena, in farlo cardinal dicendoli habi questo almeno nel picol papato dil fratello; et Napoli li ha dato bone parole. »

    249Ibid., VI, col. 192 : « Come quel zorno erano stà chiamati li cardinali in palazo, perchè il papa voleva far cardinal monsignor di Narbona nepote di Roan et uno spagnol. Et par li cardinali non consentiseno, e fo persuaso sua santità a far suo nepote arzivescovo di Siena; ma non volse mai dicendo non voleva romper la fede date. »

    250McClung Hallman 1985, p. 96-97.

    251Voir supra, section Les capitulations électorales.

    252Piccolomini 1903c, p. 106 ; Ugurgieri della Berardenga 1973, p. 521.

    253Annales ecclesiastici 1864-1883, XXX, p. 68, col. 2. Ces capitulations de 1484 sont reprises telles quelles au conclave de septembre 1503 : voir supra, n. 135.

    254Les cardinaux italiens sont toujours prompts à refuser les nominations espagnoles ou françaises qui leur rappellent l’exil avignonnais et le Grand Schisme.

    255Marino Sanudo, Diarii, VI, col. 204 : « Et che li fradelli dil pontifice defunto sonno da loro con una bolla fata per il papa predito, per la qual haviat fato cardinal suo nepote arzivescovo di Siena, pregando li cardinali lo volesseno acceptar, etc. Quali li deteno bone parole, et che sariano insieme, ma pur li par non lo voglino far: li quali, vivente pontifice, tutti l’ariano fato, e il papa per far alcuni altri non lo volse far, etc. »

    256Piccolomini 1903c, p. 107 ; Ugurgieri della Berardenga 1973, p. 521 ; De Blasi 2014, p. 151.

    257Piccolomini 1903c, p. 107. Sur la vie de Sigismondo Tizio : M. Lodone, Tizio, Sigismondo, dans DBI 95 ; Piccolomini 1903d.

    258Henderson 2009, p. 41. Pour un bon exemple d’une telle nomination, voir infra, chap. 4, n. 268, l’exemple du cardinal Sisto Gara Della Rovere.

    259Nassiet 2000, p. 39-40.

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    1Dante Alighieri, La Divine Comédie, I, L’Enfer, p. 177.

    2É. Littré, Népotisme, dans Dictionnaire de la langue française, Paris, 1863, II/1, p. 713, col. 2.

    3Carocci 1999, p. 198 ; Carocci 2017, p. 105-112. Wolfgang Reinhard identifie trois moments importants dans l’histoire du népotisme pontifical : le début de l’époque avignonnaise, la période qui court de 1417 à 1521 et celle qui s’étend de 1559 à 1676 : Reinhard 1998c, p. 66.

    4Dendorfer – Lützelschwab 2011, p. 416-419.

    5Par exemple, Staffetti 1894, p. 3, ou, plus récemment, Carocci 1999, p. 199 ; Bernasconi 2003, p. 15 ; Somaini 2003, I, p. 388.

    6Ce qui n’empêche pas de l’utiliser pour la période antérieure s’il décrit une réalité sociale existante : Cerutti 1990, p. 11.

    7Carocci 1999, p. 10.

    8Reinhard 1998d, p. 89-92. L’auteur lie l’émergence de cette fonction à la « bureaucratisation » du Sacré Collège. Il remarque également que la création d’une faction cardinalice familiale au sein du Sacré Collège serait de toute façon devenue vaine compte tenu de la croissance du nombre des cardinaux : Reinhard 2000, p. 284. Voir aussi Emich 2020.

    9Menniti Ippolito 1999 ; Bernasconi 2003.

    10Reinhard 1998d, p. 92 et 94.

    11Andrews 2016.

    12Voir supra, introduction du volume, n. 42-43.

    13Gregorovius 1872, VII, p. 175-176.

    14Reinhard 1998c, p. 64.

    15Certains historiens continuent cependant à porter l’analyse du népotisme sur le terrain de la morale. Giovanni Ricci a par exemple évoqué le « “familialisme amoral” le plus effréné » qui régnait dans l’Église de la fin du XVe siècle et qui se serait opposé, après le concile de Trente, à de « sincères préoccupations de renouvellement moral » : Ricci 2017, p. 228.

    16Waley 1961. Sur la postérité des idées de Daniel Waley, voir Carocci 1993, p. 48-51.

    17Reinhard 1979 ; Reinhard 1998c ; Reinhard 1998d.

    18Carocci 1999, p. 9. L’essentiel de cet ouvrage porte sur le Moyen Âge central.

    19À la suite de Sandro Carocci, en 2003, Marzio Bernasconi invite à se défaire des structures mentales contemporaines qui poussent à assimiler le népotisme à une simple corruption : Bernasconi 2003, p. 18.

    20Carocci 2017, p. 93-123, part. p. 94-95 et 102-104. De manière plus anecdotique, certains auteurs mettent en garde contre l’étymologie du mot népotisme, nepos, qui conduit à ne porter la focale que sur les parents bénéficiaires des faveurs du pape en oubliant ses familiers, ses proches et ses concitoyens : Fragnito 1988, p. 575 ; De Blasi 2014, p. 5.

    21Anheim 2013.

    22Dufouleur 2020.

    23Carocci 1999, passim.

    24Voir par exemple les discours de Lambert de Huy cités dans Carocci 1999, p. 10. En revanche, il faut être plus prudent en ce qui concerne les discours et la chronologie sur les autres formes de préférence familiale, en particulier le « népotisme séculier » : De Vincentiis 2002.

    25Weber 1996, p. 281, cité dans Reinhard 2000, p. 263.

    26Voir supra, chap. 2, section L’analyse de réseaux au secours de la parenté.

    27Dufouleur 2024b.

    28G. B. Picotti, Alessandro VI, papa, dans DBI 2.

    29Voir supra, chap. 2, section Les Della Rovere de Savone et de Vinovo : une parenté inventée ?

    30Mallett 1970, p. 59-60 ; Cavallero 1983 ; Navarro Sorní 2006, p. 12-16.

    31Sur les tentatives d’Alexandre VI pour tailler un domaine séculier à son fils : Bonvini Mazzanti – Miretti 2005, passim. Sur les tentatives des Della Rovere pour s’établir à la tête de gouvernements séculiers, notamment dans les Marches et à Urbino : Becker 2015, p. 27-52.

    32Les Piccolomini forment un cas un peu à part, qu’il est difficile de placer dans l’une ou l’autre catégorie. Ce lignage occupait une place éminente à Sienne qu’il s’est agi de reconquérir dans la seconde moitié du XVIe siècle.

    33Carocci 2017.

    34Selon Armand Jamme, le népotisme, en particulier pontifical, est d’une intensité variable d’un pontificat à l’autre à Avignon : Jamme 2017, part. p. 154. De ce point de vue, le Sacré Collège de la période avignonnaise mériterait d’être étudié de manière quantitative, pour mesurer en son sein la densité des réseaux géographiques et familiaux et leurs éventuelles évolutions.

    35Carocci 2017, p. 120.

    36Voir supra, chap. 1, section Une italianisation du Sacré Collège ?

    37Carocci 2017, p. 118-119 (en anglais dans le texte).

    38Voir supra, chap. 1, section Une aristocratisation du Sacré Collège ?

    39Carocci – De Vincentiis 2017, p. 9-23. Sur l’Église et Rome comme moyen d’ascension social en général : Carbonetti Vendittelli – Vendittelli 2017.

    40Reinhard 1998d, p. 86-87.

    41Lemercier 2005, p. 11, note que l’analyse de réseaux forme un excellent outil pour mesurer l’endogamie d’un milieu social, ce qu’a confirmé l’analyse de la densité des liens familiaux du Sacré Collège.

    42Reinhard 1998d, p. 89.

    43Voir infra, chap. 5.

    44Carocci 1999.

    45De Blasi 2014, p. 154-155.

    46Ibid., part. p. 168-172. Il développe par la suite l’exemple du cardinal Pedro Luis Borgia qui concentre les mécontentements dans les sources.

    47Sur Poggio Braccilioni, dit Le Pogge : E. Bigi, Bracciolini, Poggio, dans DBI 13.

    48En particulier les facéties 23, 136, 219, 228, 234, dans Le Pogge, Facéties. Certaines d’entre elles sont citées infra dans l’introduction du chap. 5.

    49Ce texte est édité dans Fubini 1990, p. 315-338, avec une introduction critique p. 303-314. Fubini 1965 en donne une analyse.

    50Stefano Infessura, Diario. Sur la vie de Stefano Infessura, voir A. Esch, Infessura, Stefano, dans DBI 62.

    51Citée dans A. Esch, Infessura, Stefano, dans DBI 62. Avant Anna Modigliani, Gregorovius qualifiait déjà Stefano Infessura de « dernier républicain de la cité de Rome » : Gregorovius 1872, VII, p. 313.

    52Sur cette critique comme topos de l’époque : Modigliani 2020, part. p. 255-259.

    53Stefano Infessura, Diario, p. 62, 67, 75. Aux p. 155-156, il accuse le pape Sixte IV de s’adonner à la sodomie avec ses neveux, notamment ses cardinaux-neveux.

    54Ibid., p. 75-76.

    55Ibid., p. 293. Cesare Borgia est le fils d’Alexandre VI, Alessandro Farnèse le frère de sa maîtresse et Giuliano Cesarini le beau-frère de sa fille.

    56Parmi la très abondante bibliographie sur la vie de Savonarole, Ridolfi 1997 fait référence. Pour l’historiographie française, voir Antonetti 1991. Pour l’histoire de la confrontation entre Savonarole et la Curie à l’époque d’Alexandre VI, voir Miglio 2016c.

    57Olin 1992, p. 5.

    58Savonarole, Prediche, II, p. 57-61 : « Io parlo a te, Chiesa […]. Li vasi tu li hai dati alla superbia, li sacramenti alla simonia; poi nella lussuria tu se’ fatta meretrice sfacciata: tu fai li peccati che ognuno li sa. […] Tu se’ fatta diavolo, tu se’ fatta peggio che una bestia, tu se’ uno monstro abominabile. […] Udite quello che dice il Signore: Et aedificasti tibi lupanar. Tu hai edificato il luogo pubblico. […] Così tu, meretrice Chiesa, ti vergognavi prima della superbia, della libidine; ora non ti vergogni più. Vedi che prima li sacerdoti domandavano li figliuoli, nipoti; ora non più nipoti, ma figliuoli, figliuoli per tutto. »

    59Francesco Mugnoni, Annali, p. 76-77 et p. 113. Sur la rumeur concernant la paternité de Sixte IV, voir également Stefano Infessura, Diario, p. 81. Ces mentions sont relevées dans De Blasi 2014, p. 172, qui en conclut, au contraire, que les rédacteurs d’annales et de chroniques s’élèvent contre le népotisme à partir du règne de Sixte IV.

    60Dès 1408, deux libelles, la Littera cocorum et le Quarkemboldus, parus à la suite de la création de quatre cardinaux par Grégoire XII, dont deux de ses neveux, font apparaître Gabriele Condulmer comme le fils du pape. D’ailleurs, ce n’est pas le caractère familial qui est dénoncé dans cette nomination, et les deux autres cardinaux créés doivent également essuyer de virulentes critiques prononcées à leur encontre : Revest 2015-2017, p. 242-243.

    61Francesco Mugnoni, Annali, p. 45-47.

    62Ibid., p. 137-196, passim. L’effet d’accumulation des griefs prononcés à l’encontre des Borgia peut laisser entrevoir, dans ce cas précis, une lassitude envers les bénéficiaires ecclésiastiques des faveurs familiales octroyées par le pontife.

    63Ibid., p. 119, 174.

    64D’Amico 1980, part. p. 158-161 ; Farenga 1986, p. 197-198, qui donne l’exemple du Dialogus ad Petrum S. Sixti cardinalem du bénédictin Ilarione ; De Blasi 2014, p. 154-172. Ce dernier relève notamment des exemples de ce phénomène dans Michele Canensi, De vita et pontificatu Pauli secundi pontificis maximum, dans Le vite di Paolo II 1904, p. 77-80, 113-114.

    65Daniels 2013, p. 123 : Emptam in templo profanis vendidit et ex eius pretio porcos auratis glandibus enutrivit. Je m’écarte un peu de la traduction proposée dans Martines 2006, p. 297.

    66Dionisotti 2003 dresse une comparaison de cette œuvre avec le De cardinalatu de Paolo Cortesi.

    67Sur Raffaele Maffei et son Commentariorum : S. Benedetti, Maffei, Raffaele, dans DBI 67 ; D’Amico 1980, p. 163-165 ; D’Amico 1983, passim, part. p. 189-192.

    68Raffaele Maffei, Commentatorium, p. cccxvv : Suorum in primis amantissimus ac indulgentissimus fuit, quorum causa pleraque praeter fas iusque et agebat, et concedebat. Petrum [ante omnes] ejusdem ordinis ac patriae, quem a puero una cum Hieronyumo fratre sibi educaverat, ad Cardinalatum usque provexit, virum alioquin natum perdundae pecuniae. Nam biennio quo tantum postea vixit Ducenta aureorum millia in luxu victitando solum absumpsit. lx millia aeris alieni, argenteorumque, item ccc pondo dimisit. Decessit tabidus voluptate annorum xxviii.

    69D’Amico 1980 édite ce texte p. 191-210 et en discute part. p. 173-190.

    70Sur le rôle de Platina en tant que défenseur de la mémoire de Pie II, voir Dufouleur 2022b.

    71Le vite di Pio II 1964, p. 118 : Patriae ac civium suorum amantissimus fuit, quibus dignitates, honores, magistratus, presidia arcium, munera publica ferme omnia demandabat. Cognatos, affines, nepotes maxime, plus quam pontificem decebat diligere visus est.

    72Certains historiens pensent que Platina a dédié son œuvre au pape dès la fin de l’année 1474 : Tallon 2009b, p. 200. D’autres considèrent que le manuscrit ne fut pas terminé avant 1475, par exemple S. Bauer, Sacchi, Bartolomeo, detto il Platina, dans DBI 89.

    73Platina, Liber de vita Christi, p. 361 : Cognatos autem, affines, nepotes, cives suos senenses denique omnes ita dilexit ut eis dignitates, honores, magistratus, praesidia arcium, munera publica ferme omnia demandaret ; quod nequaquam convenire personae pontificiae videbatur, quae publica esse debet, nec in hunc propter cognationem magis quam in illum propter virtutem propensior esse debet. Concedatur aliquid patriae, concedatur affinibus et cognatis ; non tamen quod omnium christianorum patrimonium est uni patriae et cognationi totum tradi debet. Inspiciendae sunt virtutes hominum et merita, nec attendendum quid nostrae cupiditates exigant. Nam ii quibus Pius magistratus et munera publica commisera[n]t, ita avare maligneque sese habuerant ut, eo mortuo, ex his plerique vel interfecti sint vel capti ac omni contumelia et iniuria affecti ; quod non accidisset si magistratus his demandasset quorum virtus et fides spectata esset, plus virtuti quam patriae tribuens. Voir aussi Bauer 2007, p. 22 et 28.

    74Platina, Liber de vita Christi, p. 361.

    75Bauer 2007, p. 22-23.

    76De Vincentiis 2010, p. 454-455.

    77Bauer 2007, p. 23.

    78Ibid.

    79Reinhard 1998d, p. 93-94.

    80Helmrath 2017 offre un bon panorama des conciles de la période.

    81Sur le concile de Constance et la réforme de l’Église, voir Stump 1994. Ces commissions auraient été composées de députés des nations réunis à des cardinaux, Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 212.

    82Sur le lien de parenté peut-être fictif entre les Correr et les Condulmer, voir supra la n. 150 du chap. 2.

    83Revest 2015-2017, p. 207-262.

    84Sur ces trois versions, voir Hefele 1916, I, passim. Voir aussi Jedin 1972, p. 158 dans son chapitre « Proposte e progetti di riforma del collegio cardinalizio ». Pour les textes des deux premières versions, voir Acta Concilii Constanciensis 1923, p. 635-636 et Stump 1994, p. 328 et 395. La troisième version est publiée dans Hübler 1867, p. 128.

    85Stump 1994, p. 51-55.

    86Acta Concilii Constanciensis 1923, p. 635 : Non consanguinei alicuius cardinalis viventis usque ad quartum gradum inclusive nec de eadem stirpe, familia seu domo vel agnacione.

    87Acta Concilii Constanciensis 1923, p. 636 et Stump 1994, p. 328 : Non affines seu attinentes alicuius cardinalis viventis usque ad quartum gradum inclusive nec de eadem stirpe, familia, domo vel agnacione. J. Hollnsteiner et H. Finke voient dans cette variation deux phases successives du projet, Acta Concilii Constanciensis 1923, tandis que Phillip Stump y voit deux traditions manuscrites différentes.

    88Stump 1994, p. 394-395.

    89Hefele 1916, VII/1, p. 488.

    90Stump 1994, p. 45-46 ; Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 212-214. Le projet est reproduit dans Hübler 1867, p. 128-156.

    91Ibid., p. 128 : Non fratres aut nepotes ex fratre vel sorore alicujus cardinalis viventis. Gigliola Soldi Rondini présente cette version comme le décret adopté par le concile : Soldi Rondinini 1973, p. 23.

    92Alberigo 1994a, p. 920-921. Contrairement à ce qu’assure Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 214, seuls sept points sur les dix-huit articles qui composaient le projet de Martin V furent finalement adoptés. Voir également Miethke – Weinrich 1995-2002, I, p. 506-516.

    93Alberigo 1994a, p. 914-915.

    94Ibid., p. 926-927.

    95Célier 1909, p. 428.

    96Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 214 ; Stump 1994, p. 47-48 ; Miethke – Weinrich 1995-2002, I, p. 516-545.

    97Mercati 1954, I, p. 145, 151, 158 : Non fratres aut nepotes ex fratre vel sorore alicujus cardinalis viventis. Pour Hübler 1867, p. 46 sq., et Hefele 1916, VII/1, p. 549, les concordats hispanique et français étaient identiques. Selon ces mêmes auteurs, un concordat italien aurait également existé, lui aussi identique, néanmoins Pie II affirme dans ses Commentarii qu’aucun accord de ce type n’a été passé avec la nation italienne : voir infra, n. 127. Quant au concordat anglais, il oublie cette disposition : Mercati 1954, p. 165, et Hefele 1916, VII/1, p. 562.

    98En voici par exemple la première version : nec de uno ordine religionis ultra unum, non illegitime nati, non corpore viciati, non alicuius criminis aut infamie nota respersi. Dans les deuxième et troisième versions, ordine religionis est remplacé par ordine Mendicancium, ce qui précise le véritable public touché, et la troisième version supprime étonnamment la restriction touchant les illegitime nati.

    99Hefele 1916, VII/1, p. 443-476.

    100C’est notamment la raison invoquée dans Delaruelle – Labande – Ourliac 1962-1964, I, p. 212 : « L’essentiel – cette réforme de l’Église elle-même, toujours demandée et toujours ajournée, qu’il aurait fallu une énergie surhumaine pour imposer – était abandonné. L’accord ne pouvait se faire que sur quelques problèmes généraux, mais sans véritable portée. »

    101Stump 1994, p. 47.

    102Miethke – Weinrich 1995-2002, II, p. 367-378.

    103Alberigo 1994a, p. 1020-1021.

    104Ibid., p. 1024-1025.

    105De Blasi 2014, p. 174-175. Cet auteur relève les deux citations précédentes ainsi que la suivante dans sa thèse.

    106Alberigo 1994a, p. 1028-1029.

    107Reinhard 1998d, p. 82.

    108Ourliac 1990, p. 121-128.

    109Hefele 1916, VII/2, p. 871-949.

    110Reinhard 1998d, p. 82.

    111Des critiques bien plus virulentes apparaissent dès le XIIIe siècle, par exemple celles de Salimbene de Adam ou de Giovanni Villani : Carocci 1993, p. 47, 52 ; Carocci 1996, p. 89.

    112Boschetto 2012, p. 143-237.

    113Sur ce concile en général, voir Jedin 1965a, p. 108-125 et Bowd 2002, p. 147-179.

    114Au concile de Latran V, les décrets les plus importants sont promulgués par des bulles après avoir été adoptés : Olin 1992, p. 54-55.

    115Alberigo 1994a, p. 1262-1263. Cité dans Fragnito 1988, p. 574.

    116Reinhard 1998c, p. 64 sq. ; Reinhard 1998d, p. 71 sq.

    117Déjà au XVIIe siècle, Gregorio Leti soutient que le népotisme ne serait devenu un problème qu’en raison de la richesse de l’Église : Leti 1667, p. 37 sq. Cité dans Reinhard 1998d, p. 72.

    118Ce rapport a fait l’objet de nombreuses éditions, par exemple Concilium Tridentinum 1930, p. 131-145 ; on en trouve une traduction anglaise dans Olin 1992, p. 186-197.

    119Ibid., p. 185.

    120Ibid., p. 143 : Licentia etiam testandi clericis de bonis ecclesiae non esset danda nisi pro causa urgente, ne bona pauperum converterentur in privatas delicias et amplificationes domorum.

    121Ibid., p. 138 : Eis magis licere transgredi legem.

    122Voir infra la conclusion du volume.

    123Jedin 1965a, p. 151-512, tente d’expliquer pourquoi le concile de Trente est intervenu « si tard ».

    124Sur la présentation de cette source, voir supra, introduction du volume, part. n. 60-66.

    125Annales ecclesiastici 1864-1883, XXVIII, p. 89, col. 1-2 : Item quod non creabit cardinales nisi juxta formam et ordinationem factam in Consilio Constantiensi.

    126 Pie II, I commentarii, II, p. 1432-1433 : Cardinales absque urgenti causa creare novos pro tua libidine paras, nec iuramentum pendis quod in conclavi, et ante assumptionem et postea, Sacro Collegio praestitisti, cardinales scilicet te minime creaturum nisi consentiente maiori parte Collegi et secundum Constantiensis decreta Concilii. Nunc nec ordinationem synodalem pensitas, nec consensum Collegii requiris.

    127Ibid., II, p. 1434-1437 : Nec tu nobis obieceris ordinationem Concilii in Constantia editam, quam reris a nobis esse iuratam. Evolvimus decretorum codicem. Nunquam in Constantiensi Concilio, dum sedit, ordinatio de creandis cardinalibus edita est. Collocutiones quaedam intervenerunt, et scripta fuerunt aliqua memoriae causa ; verum nunquam decreti formam accepere, quamvis postea Martinus quintus cum quattuor nationibus, Germanica, Gallica, Hispanica et Anglica, de creandis cardinalibus ordinationes nonnullas et quidem diversas statuerit, quae appellavit Concordata, et ad quinquennium dumtaxat durare voluit. Cum natione Italica, quae prae ceteris honoranda fuerat, et cui praeiudicari non debuit, nihil convenit Non est igitur quod vel numerum cardinalium vel qualitates ex decreto Concilii requiras, quod nusquam invenitur.

    128Annales ecclesiastici 1864-1883, XXIX, p. 409, col. 1 : Quique non professus esset vel Pontificium jus, vel civile, vel litteras sacras, nec nisi unum, eumque hujus generis hominem de cognatione sua eligere.

    129L’idée que le sang supplée aux connaissances académiques est aussi présente dans ces mêmes années pour les cardinaux d’origine aristocratique, en témoigne la bulle non publiée Pastor aeternus de Pie II, rédigée juste avant sa mort en 1464 : voir infra, n. 173.

    130Pastor 1888-1961, III, p. 261.

    131Rodrigo Borgia, futur Alexandre VI, et Luis Juan de Milá sont nommés lors du consistoire du 17 septembre 1456.

    132Mannucci 1915, p. 84* : Sitque doctor, uel in sacra pagina, uel in altero iurium, uel ad minus. […] De parentela uero, et consanguinitate sua non plures quam unum dumtaxat qualificatum.

    133G. Gualdo, Barbo, Marco, dans DBI 6 ; G. Benzoni, Michiel, Giovanni, dans DBI 74 ; Soranzo 1962, article par ailleurs fautif sur plusieurs aspects.

    134Un court passage est traduit en français dans Cloulas 1987, p. 78-79.

    135Krüger 2006, p. 303-309, cité dans De Blasi 2014, p. 184.

    136Marino Sanudo, Diarii, XVI, col. 104 : De parentela vero et sanguinitate sua creare possit cardinales duos, servata vero forma huius capituli quo ad omnia.

    137Ibid., XVI, col. 104 : Ita quod, praeter duos supradictos, non excedat uno […] [voir supra], et demum de parentela et sanguine suo creare duos possit reservata forma pura huius capituli ut supra. Le mot reservata peut ici être interprété dans un double sens : ou bien la règle de consultation des cardinaux doit être conservée dans le cadre d’une création familiale, ou bien elle doit, au contraire, être mise de côté. La version de 1522, qui utilise le mot servata, nous pousse plutôt vers la première hypothèse, sans qu’on puisse exclure totalement une évolution de la règle ou une erreur de transcription dans un sens ou dans l’autre.

    138Pour les capitulations publiques de 1522 : Höfler 1878, p. 72. Elles reprennent presque mot pour mot les capitulations de Léon X : De parentela et consanguinitate sua creare possit cardinales duos servata tamen forma hujus capituli quoad omnia ita quod praeter duos supradictos non excedatur ullo unquam tempore numerus xxiiii. et aliter vel alio modo creati post mortem pontificis etiam si interim exercuerint officium, sint inhabiles in electione pontificis activa et passiva nec in posterum habeantur pro cardinalibus nec creabit unquam aliquem nisi prius reducatur collegium ad numerum xxiiii et eum non excedet, ut dictum est ipsosque creandos subito publicabit nec eos tenebit secretos inque eorum creatione convocabit omnes cardinales qui commode venire poterunt in Italia existentes a Bononia vel Florentia citra quodque exquisitio votorum dd. cardinalium fiat consistorialiter et non auriculariter et (ut) suffragia dd. Cardinalium per modum secretum praestentur ut infra dicetur, et demum de parentela et affinitate sua duos ut supra cardinales creare possit servata forma hujus capituli ut supra.

    139AAV, Arch. Borgh., I, 256, part. fol. 16v-17r et 17v-18r.

    140Sur la réforme en général au XVe siècle : McClung Hallman 1985. La manière dont est traitée la question très spécifique qui m’intéresse ici ne rend pas honneur au reste de cet ouvrage. L’article Célier 1909 est plus daté, mais intéressant. Voir également Jedin 1972, p. 156 sq. ; D’Amico 1977, p. 357-401 ; O’Malley 1979 ; D’Amico 1983, part. p. 220-226 ; Fragnito 1988, p. 565-588 ; Firpo 1990 ; Richardson 2009 ; McCahill 2013 ; Chambers 2020, p. 453-455.

    141Les nombreux traités généraux qui fleurissent sur les cardinaux au XVe siècle et plus encore au XVIe siècle n’ont pas été pris en considération. La distinction est parfois ténue entre un projet de réforme et un traité : le premier a plutôt pour objectif de réformer et décrit éventuellement l’état des choses, le second a pour objectif de décrire l’état des choses et propose éventuellement des idées de réforme.

    142Célier 1909, p. 418.

    143Ullmann 1866 ; Jedin 1965a, p. 125 ; Olin 1992 ; Prodi – Johanek 1984 ; Reinhard 1998e, p. 99-100.

    144Par exemple, le projet du cardinal Domenico Capranica qu’il présente entre 1437 et 1449 sous le titre Quaedam avisamenta super reformatione Pape et Romane Curie : D’Amico 1977, p. 359, et, surtout, Saraco 2004. Pour la fin de la période, voir le De Lutheranorum haeresi reprimenda et ecclesia reformanda ad Clementem VII. L’évêque Gian Pietro Carafa, futur Paul IV (1555-1559), y met en garde le pape Clément VII contre l’hérésie protestante et lui propose un programme de réformes susceptible de répondre à la menace. Pour l’édition de ce traité : Concilium Tridentinum 1930, p. 67-77. Ce traité a certainement influencé le Consilium de emendanda ecclesia : ibid., p. 131-145.

    145Sur l’idée de réforme au XVe siècle et sur les différents projets : Jedin 1965a, p. 11-149.

    146Célier 1909, p. 422. John d’Amico a une phrase très similaire : « On peut dire que le XVe siècle tout entier est un long champ de bataille pour la réforme de la papauté et plus largement l’Église » (D’Amico 1977, p. 358). Voir également Hay 1984, part. p. 42-45.

    147Richardson 2009, p. 89 ; Watanabe 2001a.

    148Sur la vie de Nicolas de Cues, voir supra, chap. 1, n. 387.

    149Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 307 ; Pastor 1888-1961, III, p. 257-259. Le projet est publié dans Dür 1847, p. 451-456, et a été traduit plus récemment en anglais par Watanabe – Izbicki 2011, p. 201-216. Les références archivistiques sont données dans Watanabe 2001b, p. 175. Voir aussi Miethke – Weinrich 1995-2002, II, p. 71-81, 468-499.

    150Contrairement à ce qu’assure Watanabe 2001a, p. 176, aucune règle ne semble concerner à proprement parler les créations cardinalices au sein de la parenté.

    151H. Smolinsky, Dominici, Domenico, dans DBI 40. Jedin 1958 est l’ouvrage de référence sur ce personnage.

    152Di Pietro 2010, p. 12. Domenico de’ Domenichi a écrit deux autres traités postérieurs au sujet des cardinaux : le Consilium in materia creationis cardinalium (1461) et le De creatione cardinalium (1471) (BAV, Barb. Lat., 1487). Ces deux traités ne s’intéressent toutefois pas aussi spécifiquement à la question des nominations familiales que celui de 1458 : Jedin 1965a, p. 78-80.

    153Gaeta 1967, p. 93.

    154Le traité a d’abord été publié dans ibid., p. 89-123, puis dans Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 335-359. Pastor 1888-1961, III, p. 260-261, donne un résumé succinct des propositions.

    155Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 343 : Multis argumentis ostendit quam grave peccatum sit quantaque pernicies Ecclesiae oriatur, cum ad ecclesiasticas dignitates consanguinei promoventur, boni et docti viri reliquuntur. Une traduction italienne est proposée ibid., p. 359-390.

    156Ibid., p. 343 : Nona consideratio est circa promotionem excellentium virorum in virtutibus et scientiis qui sunt utiles Ecclesiae in exemplo vitae et eruditione doctrinae et defensione ipsius Ecclesiae quando oportet, potius quam fratrum, consanguineorum, nepotum ac aliorum attinentium ; qui attinentes si promoveantur, prius sint ornati scientia et virtutibus, ac benemeriti, maxime ad dignitates magnas. Quidam enim solos attinentes suos prius promovebant, omissis clarissimis viris in virtutibus et scientia, et sic scandalizabant principes et praelatos et populum christianum et Curiam suam et perdebant creditum et authoritatem apud praedictos, quod valde officit Ecclesiae Dei.

    157Ibid., p. 344 : Et ratione damni quod inde sequitur in Ecclesia ex promotione puerorum et indoctorum ad praelaturas, quo nihil magis nocet Ecclesiae, ut habeant regimen Ecclesiae qui se regere nesciunt, et fieri magistrum antequam quis sit discipulus. Pour les « enfants » cités, il faut penser par exemple à Rodrigo Borgia, nommé cardinal par son oncle Calixte III à l’âge de vingt-quatre ans, c’est-à-dire six ans avant l’âge canonique minimum. Le terme d’enfant semble ici un peu exagéré, mais il ne l’est pas pour les décennies suivantes en ce qui concerne le cardinalat et est déjà une réalité à l’époque de Domenichi pour des dignités inférieures au cardinalat.

    158Pie II, I commentarii, I, p. 162-164 : In consistorio vero, cum di ures agitata esset, tres cardinales creati sunt, quorum duo nepotes Papae fuerunt : Ludovicus Sanctorum Quatuor Coronatorum presbyter et Rodericus Sancti Nicolai diaconus et tertius, eiusdem ordinis, Iacobus Sancti Eustachii ex regia Portugallensium domo natus ; adeo iuvenes omnes, quamvis indolis optimae, ut non ab re ioco dixerint aliqui vix annos tres cardinales natos, qui uni sufficerent. […] Nec Callistus infamia caruit, qui carnis affectum Ecclesiae praetulit utilitati. Traduction dans Pie II, Mémoires, p. 95-96.

    159Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 344 : Sed si affines et consanguinei sint idonei, licite possunt per eos promoveri, nisi inde oriatur scandalum.

    160Ibid. : Aliqui etiam ad nihil magis intendebant quam suos divites in facere.

    161Ibid., p. 344 : Nec etiam praelati alii inde exemplum accipiant dimittendi virtuosos, doctos et excellentes viros, et promovendi nepotes, consanguineos suos, pueros et indignos, et sic tota luna, id est Ecclesia, conversa videatur in sanguinem et sic videantur velle haereditate possidere sanctuarium Dei, ut scilicet semper in Ecclesia sit aliquis magnus praelatus de genere eorum, qui eis succedat in beneficiis et dignitatibus.

    162Ibid. : Saltem si promoveantur, sint cum eis viri praestantes promoti, et, si una vel duae columnae Ecclesiae sint debiles, alias sint fortes ; tales enim erigendae sunt.

    163Catherine de Sienne, Lettres, p. 153-154, 157, 161-163.

    164Pie II, I commentarii, I, p. 164 : Non sine infamia Collegii, quod, volenti Pontifici viros aetate maturos ac de Romana Ecclesia optime meritos cum suis nepotibus assumere, in his consensit qui minus idonei videbantur, et eos reiecit quos constabat esse dignissimos.

    165Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 344 : De is exempla sunt Clementis quarti quid fecerit filiabus suis et Celestini quinti qui fuit canonizatus sub nomine Sancti Petri de Morono confessoris.

    166Cité dans Nicolas 1910, p. 139-141. L’auteur de ce livre affirme, p. 142, que la conduite de Clément IV « n’offre pas une trace de népotisme » pendant tout son pontificat, et il ajoute, p. 144, qu’« ayant en horreur le népotisme, il ne chercha jamais à enrichir ses parents ».

    167P. Herde, Célestin V, dans Levillain 1994, p. 319-322.

    168P. Herde, Celestino V, papa, dans DBI 23.

    169Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 344 : Item Clemens sextus notum est ex historiis quantum studium et diligentiam habuerit ad instruendum nepotem suum, qui fuit postea successor eius mediatus, vocatus Gregorius XI, licet eum adolescentem admodum promovisset, quia in adolescentia etiam erat plenus virtutibus, et ideo propter adolescentiam contemni non debebat, secundum illud Apostoli ad Timotheum : « Nemo adolescentiam tuam contemnat ». Saint Paul, dans les conseils qu’il adresse à Timothée pour être un bon « ministre de Jésus Christ », commence bien son exhortation par ces mots : « que personne ne méprise ta jeunesse » (I Tm, IV, 12).

    170Ferraù 1994, p. 534-536.

    171Éditée par Haubst 1953 et, plus récemment, par C. Di Pietro dans Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 459-481.

    172Domenico de’ Domenichi, Tractatus, p. 325-329.

    173Haubst 1953, p. 212 : Duo simul fratres non assumantur neque nepotes cum patruis aut avunculis.

    174Sur la datation de la bulle non éditée Quoniam regnantium cura : Célier 1907, p. 93.

    175Fragnito 1988, p. 566. La Bibliothèque apostolique en conserve au moins deux copies : BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 14r-24v, et Vat. Lat., 3884, fol. 118rv-132v. Édition partielle dans Tangl 1894, p. 379 sq., où cependant toute la partie sur les cardinaux (BAV, Vat. Lat., 3884, fol. 121v-123r) est absente.

    176Pastor 1888-1961, IV, p. 378-385.

    177Pour un résumé de cette tentative de réforme en général : Dendorfer – Lützelschwab 2011, p. 409-411.

    178Jean Burchard, Liber notarum, II, p. 44 : Non comedit nec bibit pontifex a sero die mercurii xiv hujus usque ad primum sabbatum sequentem, neque a mane jovis usque ad dominicam sequentem ad punctam quidem hore quievit. Traduction française dans id., Dans le secret des Borgia, p. 237. Voir aussi Lombardi 2003b.

    179Guichardin, Opere, II, p. 376-377. Traduction française dans Guichardin, Histoire d’Italie, I, p. 250.

    180BAV, Vat. Lat., 3883 et 3884. Plusieurs passages de ces deux codex concernant cette réforme ont été publiés dans Tangl 1894, p. 386-421, mais aucun n’a d’intérêt pour le sujet traité ici.

    181BAV, Vat. Lat., 3883, respectivement fol. 1r-11r, fol. 14r-24v, fol. 158r-162v. Léonce Célier fait l’hypothèse, grâce à une mention manuscrite sur le codex, que Francesco Piccolomini et Oliviero Carafa auraient eux-mêmes réuni ces documents en vue de leur propre travail. Le même auteur liste les différents documents présents dans ce codex : Célier 1907, p. 95-97.

    182Ibid., p. 97-113.

    183BAV, Vat. Lat., 3884, fol. 110r-114v. Célier 1907 l’interprète p. 97 sq.

    184BAV, Vat. Lat., 3884, fol. 112r : De parentela et consanguinitate sua, non plures quam unum dumtaxat qualificatum.

    185BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 169r sq. La foliotation n’est pas régulière ici. Éditées dans Célier 1907, p. 100-103.

    186Ibid., p. 101 : In adsumptionem novorum cardinalium decreta conciliorum Constanciensis et Basiliensis servabit.

    187Sur la participation de Jorge da Costa : Chambers 1998, p. 96-98.

    188BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 142r-155v ; voir également Célier 1907, p. 114-116.

    189Ibid., p. 116-119.

    190BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 104v.

    191Notamment BAV, Vat. Lat., 3883, fol. 90r-103v (les folios mentionnés par Célier 1907, p. 118, ne sont pas les bons). Sur les cardinaux, voir en particulier les fol. 90v-93v. Le projet le plus abouti est conservé à travers une copie : BAV, Vat. Lat., 3884, fol. 73r-109v (les folios mentionnés par Célier 1907, p. 119, ne sont pas non plus les bons). Sur les cardinaux, voir en particulier les fol. 78r-81v. À noter toutefois que les projets condamnent le népotisme pour les fonctions séculières, notamment la pratique qui consistait à placer les forteresses et d’autres possessions des États pontificaux dans les mains des membres de la famille de la papauté, en particulier des cardinaux : Jedin 1972, p. 170.

    192Pastor 1888-1961, V, p. 496.

    193Matheus 2017, p. 325, affirme que l’« interdiction du népotisme » aurait été une des recommandations du réformateur Vincenzo Querini en 1513, mais rien dans la littérature ne vient confirmer cette assertion. Sur Vincenzo Querini et ses projets de réforme : Bowd 2002.

    194Par exemple, Fragnito 1988.

    195Giacomo Ammannati Piccolomini, Lettere, II, p. 585 : Hortor itaque atque oro, ut humanum calamitosis te praebas, benigne eos audias, iustificationes suas intelligas, non patiaris contumeliis accusantium confundi. Delicta, si qua sunt, non ad Evangelii normam, sed ad vitae communis regulam aestimes. Multa excusat consuetudo, quae damnare inconsueta severitas potest. Quod toleratum est in prioribus administrationibus, cur in praesentibus non Toleretur ? Et quod illis sine reprehensione egerunt, cur sine culpta nostri non egerunt ? Lettre adressée à Fabiano Benci depuis Rome, citée dans De Vincentiis 2002, p. 38.

    196Reinhard 1998c, p. 41-43.

    197Klauser 1959, p. 117 ; la traduction est extraite de Reinhard 1998c, p. 42.

    198Pìetas, dans Lo Zingarelli. Vocabolario della lingua italiana di Nicola Zingarelli, Bologne, 2004, p. 1336, col. 2.

    199Reinhard 1998d, p. 92.

    200Reinhard 1998c, p. 41-67.

    201Enea Silvio Piccolomini, De gestis concilii basiliensis, p. 242-245 : Et alii non esse homini laico cito imponendas manus dicebant, quod videretur omnibus monstri simile principem seculi ad Romanum pontificium accersiri […]. Alii hominem qui fuerit coniugatus, cuique proles esset, ineptum sacerdotio existimabant.

    202Ibid., p. 246-247 : Id autem quod de uxore dicitur nihilipendo, cum non solum qui uxorem habuit sed uxorem adhuc habens queat assumi. Cur enim disputant doctores an uxoratus electus in papam uoxori solvere debitum teneatur, nisi quoniam etiam conjugatus recipi possit ? Fueruntque (ut scitis) etiam in matrimonio pontifices, nec Petrus Apostolorum princeps uxore caruit.

    203Il existe un débat entre exégètes sur ce sujet : Hengel 2010, p. 103-134.

    204Enea Silvio Piccolomini, De gestis concilii basiliensis, p. 248-249 : Quid ista modo obiicimus ? Fortasse non esset peius sacerdotes quamplures uxorari, quoniam multi saluarentur in sacerdotio coniugato, qui sterili in presbyteratu damnantur. Sed de hoc alias.

    205Ibid. : Illud autem mihi risu magis quam responso dignum uidetur, quod de filiis est obiectum. Etenim cur filii praesertim natu grandes, pontifici patri sint impedimento ? Nunquid ait scriptura : « Vae soli, quoniam si ceciderit, non habet subleuantem se ? » Hoc imputari principi modo non poterit. Sunt enim illi filii duo, et forma et ingenio admodum praestantes. Quorum alter princeps Pedemontensium, alter comes est Gebennensium. Hi patriam Sabaudiae absente patre gubernabunt, indigentique sibi auxilia subministrabunt. Iam enim regere ac praesse populis didicerunt. En quid mali hoc est habere Romanum antistitem potentes filios, qui patrem contra tyrannos iuuare queant ?

    206Pie II, I commentarii, I, p. 330-331 : Ecclesia quoque Senensis tum primum ad metropolitici iuris honorem erecta est, Grossetana, Massana, Suanensi et Clusina ei suiecta. Tantopere suam decorare patriam Pontifex adnitebatur. Primus archiepiscopus Antonius fuit, ex familia Picolominea, quem sibi Pius, ut primum Petri cathedram ascendit, successorem in eadem ecclesia designaverat. Traduit partiellement dans Pie II, Mémoires, p. 139.

    207Fontes vitae S. Catharinæ 1942, p. 525 : Quis est enim qui suae Urbis preconia, suae patriae laudes, sui generis virtutes non libenter vulgari procuret, cum id possit et rite et honeste facere ?

    208Barsanti 2007, p. 319-320.

    209Olitsky Rubinstein 1967, p. 22-33 ; Setton 1978, p. 228-229.

    210Pie II, I commentarii, II, p. 1513-1514 : Nepotes tui ex fratre Romani omnes te veluti patruum patremque suum venerantur, colunt, observant, et tuo se uti patrocinio in conspectu magni Dei non dubitant.

    211Aujourd’hui, le monument, qui n’a pas été déplacé, se trouve dans le jardin clos d’un petit oratoire nommé de manière commémorative Sant’Andrea a Ponte Milvio.

    212Frommel 1983, p. 116.

    213Pie II, I commentarii, II, p. 1540-1543 : Ingressus vero atrium, contemplatus effigiem beati Petri quae sedet ante vestibulum templi, et tanquam statua illa germani adventu laetabunda fleret, collactrimatus est duorum fratrum, qui se iampridem non vidissent, concursum atque complexum mente revolvens.

    214Olitsky Rubinstein 1967, p. 23-29.

    215Pie II, I commentarii, II, p. 1545 sq.

    216Ibid., II, p. 1544-1546 : « En Ego » inquit « tuus Andreas, Petre frater ».

    217Ibid., II, p. 1556-1557 : Ac nepos eius secundum carnem Senensis cardinalis plenarias indulgentias annuntiavit. Sur l’emplacement de cette chapelle : Tiberio Alfarano, De basilicae vaticanae, table 1, nos 81-85.

    218Müntz 1878, I, p. 285-289 ; Frommel 1983, p. 116-118 et 141-144. La chapelle est détruite quelques décennies plus tard, lors de l’érection de la nouvelle basilique Saint-Pierre projetée par Jules II.

    219Requiem Projekt, en ligne : http://requiem-projekt.de/db/suche.php?function=b_ausgabe&grabmalID=367.

    220et hic conditus ubi caput / andreae apostoli ad se ex peloponneso advectum collocari iuserrat.

    221Olitsky Rubinstein 1967, p. 22-33 ; Dufouleur 2022b, p. 434-435.

    222Ce fait est relevé à plusieurs occasions par les penseurs du Moyen Âge : Carocci 1999, p. 10.

    223Reinhard 1998c, p. 47, relève d’ailleurs brièvement cet épisode dans son argumentation.

    224Mannucci 1956 ; Carli 1966.

    225La bulle est publiée dans Chironi 2000, p. 515-521.

    226Cet acte est publié dans ibid., p. 522-525.

    227Chironi 2003, p. 171-179.

    228Pie II, I commentarii, II, p. 1576-1577 : Tecta suae gentis primis in moenibus aedes / Tangere marmoreum sidera iussit opus. Sur Giovanni Antonio Campano, voir Di Bernardo 1975.

    229Eubel 1914, II, p. 216 ; Eubel – Van Gulik 1923, p. 212. Sur Giovanni Cinughi, voir Drimaco 2014.

    230Hillary 1978, p. 34.

    231Voir supra, chap. 1, fin de la section L’âge et le nombre des cardinaux.

    232Vespasiano da Bisticci, Le vite, I, p. 61 : « Creò otto cardinali, tutti uomini singulari, ecetto ch’el suo fratello di madre, non di padre, che si chiamò meser Filippo, che s’intitulò di poi cardinale di Bologna. Non gli pareva avendo fatti sette cardinali, sì singulari uomini, fare il fratello. Veduto questo il collegio di cardinali lo pregorono tanto che, con dificultà, fu contento di consentire di farlo cardinale. Di poi nella pubblicatione di cardinali, a tutti dette le lode convenienti. A meser Filippo disse: “sollicitato et confortato da alcuno di nostri frategli cardinali, elegiamo Filippo in cardinale”, senza dargli o lode o dire altro di lui. »

    233C’est par exemple l’interprétation développée par Manfredi 2007, p. 434. De Blasi 2014, p. 72-74, reprend cette interprétation, tout en montrant dans la suite de sa thèse à quel point cette image de Nicolas V ne correspond pas à la réalité. Il remet également en cause l’influence qu’aurait pu avoir le Sacré Collège dans la nomination de Filippo Calandrini.

    234Pie II, I commentarii, I, p. 668-669 : Messis quidem multa, operarii autem pauci. […] Vos ad haec operarii nobiscum estis constituti, sed pauci estis et nonnulli ex vobis aut senio aut aegritudine impediti sunt, ne ipsis uti possimus. Necesse igitur est ut numerum vestrum augeamus, et aliquos assumamus qui debilium vires suppleant.

    235Ibid.,I , p. 672-673 : Philippus autem Bononiensis : « Multos » inquit « nominasti, Pontifex ; nepotem autem tuum neglexisti. Et cur non hunc quoque assumendum reris ? » Ad quem Pius : « Noster nepos iunior est, neque adsunt cetera quae cardinalatus exposcit. » Atque his dictis iussit cardinales inter se colloqui. Ipse, in alterum locum egressus, paululum cibi assumpsit : iam enim dies multa effluxerat et res longam exigebat moram.

    236Ibid., I, p. 674-675 : Quod si nepotem assumere vellet, assensuri essent dum solus assumeretur.

    237Ibid., I, p. 674-675 : Reddiit ad Collegium Praesul et, cum multa hinc atque inde dicta essent, consensere cardinales quinque assummi novos, ea lege adiecta ut nepos unus esset.

    238Ibid., I, p. 676-677 : Sextus atque ultimus Franciscus Pontificis nepos, qui per id temporis in schola Perusina iuri pontificio operam dabat, et iam doctoratus insignia acceperat. Hic diaconatus dignitatem in ordine cardinalatus, cum esset adolescentior, obtinuit. Ceteri presbyteratus honorem assecuti sunt.

    239Voir supra, chap. 2, n. 167.

    240Je pense à la triple question du Christ à Pierre : « Pierre, m’aimes-tu ? » (Jn XXI, 15-17) ou au triple reniement du Prince des Apôtres pendant la Passion (Mt XXVI, 69-75).

    241Eugène IV crée Francesco Condulmer le 19 septembre 1431. Nicolas V crée Filippo Calandrini, son demi-frère, le 20 décembre 1448. Calixte III crée Rodrigo Borgia et Luis Juan de Milá le 17 septembre 1456.

    242Voir supra, part. n. 158.

    243Pie II, I commentarii, II, p. 1442-1443 : verum quod corpore longe maiorem prae se ferret aetatem, et gravitate ac prudentia prope senili. Traduction dans Pie II, Mémoires, p. 296.

    244Archivio di Stato de Milan, Fondo Sforzesco, carteggio 68, Nicodemo da Pontremoli a Galeazzo Maria, le 17 décembre 1471 à Rome : « Trovava che alcuni [cardinali] consentivano, et male volentiere, a li nepoti, ma […] dicevano expresse non consentiriano may, per mo’, ad altri, per non trasgredere el numero votato et iurato. » Cité dans Somaini 2003, I, p. 388-389, 511.

    245Christine Shaw, dans la biographie de Jules II, affirme également que ce sont les cardinaux qui ont suggéré au pape Sixte IV de nommer un de ses parents éloignés, Domenico Della Rovere, pour remplacer son frère, Cristoforo, mort le 1er février 1478, seulement deux mois après son élévation. C’est tout à fait probable, malheureusement elle ne précise pas les sources sur lesquelles elle fonde cette assertion : Shaw 1993, p. 39.

    246Voir supra, chap. 2, section Le mariage ou l’alliance des dynasties.

    247Picotti 1927, p. 174.

    248Marino Sanudo, Diarii, V, col. 180 : « Come la note il papa à ’uto grandissima febre durata fin al zorno, con angonie et render, adeo durando, per esser di debel natura, si dubitava di lui molto, qual à anni 68. Et che ozi le camere erano stà serate, et zà li fratelli erano stati dal cardinal di Napoli a rizercharlo dagli il voto al fiol di dom. Andrea fratello dil papa, ch’è arzivescovo di Siena, in farlo cardinal dicendoli habi questo almeno nel picol papato dil fratello; et Napoli li ha dato bone parole. »

    249Ibid., VI, col. 192 : « Come quel zorno erano stà chiamati li cardinali in palazo, perchè il papa voleva far cardinal monsignor di Narbona nepote di Roan et uno spagnol. Et par li cardinali non consentiseno, e fo persuaso sua santità a far suo nepote arzivescovo di Siena; ma non volse mai dicendo non voleva romper la fede date. »

    250McClung Hallman 1985, p. 96-97.

    251Voir supra, section Les capitulations électorales.

    252Piccolomini 1903c, p. 106 ; Ugurgieri della Berardenga 1973, p. 521.

    253Annales ecclesiastici 1864-1883, XXX, p. 68, col. 2. Ces capitulations de 1484 sont reprises telles quelles au conclave de septembre 1503 : voir supra, n. 135.

    254Les cardinaux italiens sont toujours prompts à refuser les nominations espagnoles ou françaises qui leur rappellent l’exil avignonnais et le Grand Schisme.

    255Marino Sanudo, Diarii, VI, col. 204 : « Et che li fradelli dil pontifice defunto sonno da loro con una bolla fata per il papa predito, per la qual haviat fato cardinal suo nepote arzivescovo di Siena, pregando li cardinali lo volesseno acceptar, etc. Quali li deteno bone parole, et che sariano insieme, ma pur li par non lo voglino far: li quali, vivente pontifice, tutti l’ariano fato, e il papa per far alcuni altri non lo volse far, etc. »

    256Piccolomini 1903c, p. 107 ; Ugurgieri della Berardenga 1973, p. 521 ; De Blasi 2014, p. 151.

    257Piccolomini 1903c, p. 107. Sur la vie de Sigismondo Tizio : M. Lodone, Tizio, Sigismondo, dans DBI 95 ; Piccolomini 1903d.

    258Henderson 2009, p. 41. Pour un bon exemple d’une telle nomination, voir infra, chap. 4, n. 268, l’exemple du cardinal Sisto Gara Della Rovere.

    259Nassiet 2000, p. 39-40.

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