II – L’Afrique et le monde punique, de la protohistoire au début du IIIe s. av. J.-C. (nos 230-248)
Texte intégral
1Ce chapitre est peu fourni, ce qui est habituel, mais cette année trois ouvrages collectifs (nos 173, 177bis, 211) améliorent la situation. Il convient de le compléter avec les titres généraux mentionnés supra.
A. Sources
2La littérature et la numismatique n’ont fourni chacune qu’un seul titre. (230) Intrieri M., Atene e il mondo fenicio-punico fra V e IV sec. A.C., dans Vie (La-), la mort et la religion dans l’univers phénicien et punique. Vol. II, p. 1195-1206, répertorie et étudie les allusions à Carthage qui se trouvent dans la littérature grecque depuis Eschyle jusqu’à Plutarque, en citant notamment Aristophane, pour qui Carthage était le pôle occidental de l’activité des commerçants athéniens. Le point central de l’exposé porte sur la question de la guerre menée par Athènes en Sicile. L’a. montre que la cité grecque avait une assez bonne connaissance de Carthage, évoque la question du terme byrsa, la légende de Cadmos et la fonction idéologique de la bataille d’Himère. (231) Artru J., Carthage et l’or africain : une hypothèse réexaminée à la lumière des analyses élémentaires, dans Bulletin de la Société française de Numismatique, LXXIV, 4, 2019, p. 91-97, 2 fig., s’intéresse à la question de la provenance de l’or utilisé par Carthage pour frapper ses monnaies, en particulier pour la période allant des années 350 à 290 avant J.-C., durant laquelle les émissions de monnaies d’or semblent avoir été particulièrement importantes. Il remet en cause l’hypothèse, jadis avancée par Jérôme Carcopino, selon laquelle cet or proviendrait d’Afrique subsaharienne et aurait été acheminé soit par voie maritime, soit par voie terrestre à travers le Sahara. Les analyses archéométriques suggèrent que les ors utilisés par Carthage comme par les cités grecques de Sicile résultaient de stocks métalliques communs et caractéristiques de la Méditerranée occidentale. Leur provenance reste inconnue, l’hypothèse de l’Espagne doit être confirmée. L’archéologie est plus riche, à commencer par celle des Phéniciens. (232) Boussadia B., Diloli Fons J., Bea Castaño D. et Sardà Seuma S., La présence phénicienne sur la côte occidentale algérienne : état et approche de la question, dans Vie (La-), la mort et la religion dans l’univers phénicien et punique, Vol. I, p. 273-284, 6 fig. Une équipe pluridisciplinaire de chercheurs de l’Institut d’Archéologie de l’Université d’Alger et de l’Université de Tarragone a effectué des prospections sur la côte occidentale algérienne, surtout dans la basse vallée du Chlef. Plusieurs sites ont été découverts avec la présence de céramiques phéniciennes. Celles-ci permettent de préciser les relations qui ont existé entre la côte nord-africaine et la Péninsule Ibérique. (233) Gubel É., Art and Iconography, dans Oxford (The-) Handbook of the Phoenician and Punic Mediterranean, p. 349-370. Dans le domaine de la sculpture, on relève la présence d’éléments égyptiens (essentiellement les signes nefer et ankh) sur les stèles funéraires dans le monde punique aux Ve-IVe siècles, époques qui voient le développement des cippi troni, c'est-à-dire des monuments funéraires en forme de trônes flanqués de braseros, parfois avec des bétyles sur leurs sièges. Vers les IVe-IIIe siècles, on trouve dans les temples de Carthage des terracottas importées du Levant représentant des Deae Gravidae, soit des figurines creuses de déesses enceintes (ou accouchant), debout ou assises, avec des enfants ou des étuis de miroir en forme de palmette dans leurs mains. L’a. évoque rapidement les ateliers carthaginois travaillant l’ivoire, portant également des motifs égyptiens tels que des sphinx, des scarabées ailés, des divinités en tenue égyptienne, des cartouches avec des pseudo-hiéroglyphes et des yeux oudjat. (234) Behrendt S. et Mielke D.P., Archaeometric Investigation of Phoenician Pottery from the Iberian Peninsula and Morocco using Neutron Activation Analysis, ibidem, Vol. II, p. 755-764. Les analyses qui ont porté sur des céramiques trouvées dans le sud de la Péninsule Ibérique montrent surtout des liens entre différents sites de cette région et, de façon plus ténue, avec Mogador. (325) Bartoloni P., Anatre o quaglie ?, dans Cartagine. Studi e ricerche, IV, 2019, 12 p., 7 fig., rés. it. et angl., publication électronique, réfute la proposition d’E. Acquaro (BAAA, L1 [2017], 2022, n° 372) d’identifier à une caille l’oiseau représenté par un rasoir zoomorphe de Carthage (VIIIe s. av. J.-C.) : il s’agit, selon lui, d’un canard, comme c’est le cas de tous les oiseaux représentés par les rasoirs grecs et puniques du premier millénaire av. J.-C. (236) Orsingher A., Stelae, Graves and Eastern Mediterranean Connections at Carthage: A Fresh Look at Tomb 324 of P. Gauckler’s Excavations, dans Karthago, XXXI, 2018-2019, p. 1-25, 11 fig. Ce travail réétudie la tombe 324, datée du VIe siècle av. J.-C. et renfermant notamment une stèle à trois bétyles, découverte par P. Gauckler dans les nécropoles de Carthage. Le mobilier funéraire qui lui est associé atteste le statut social privilégié du défunt, ainsi que la reprise des contacts avec la Méditerranée orientale à cette période, au moment où la métropole carthaginoise commence à émerger comme puissance militaire et capitale importante au sein du bassin méditerranéen. Alors que le Levant faisait face à des difficultés militaires graves au cours du règne de Nabuchodonosor II, Carthage pouvait apparaître comme une terre d’opportunité. (237) Sghaïer Y., Une tombe punique à Mellita (Îles Kerkennah -Tunisie), dans Antiquités Africaines, LV, 2019, p. 53-69, 11 fig., rés. fr., angl. arabe. Cet hypogée, qui témoigne de la présence punique dans les îles Kerkennah, a livré deux auges-sarcophages taillées le long des parois latérales ; l’une d’elles comporte un oreiller. Trois adultes ont été inhumés le long de la paroi gauche, deux à droite. Le mobilier funéraire, qui comprend vingt-quatre pièces décrites p. 58-67, suggère une provenance italienne et sicilienne par l’intermédiaire de Carthage. La datation s’établit entre la fin du IVe s. et la première moitié du IIe s. av. J.-C., période pendant laquelle l’économie était florissante. (238) Ben Moussa M., La production de céramique punique dans le territoire de Neapolis (Tunisie), dans Vie (La-), la mort et la religion dans l’univers phénicien et punique., Vol. II, p. 731-742, 4 fig. Sur les collines argileuses à proximité de la ville, deux sites ont été identifiés : Sidi Aoun, qui est bien documenté depuis plusieurs années, et Choggafia, inédit, où l’on a observé un matériel punique, daté du IVe s. au milieu du IIe s. Quatre types d’amphores ont été trouvés dans ces sites. Le dépotoir de Sidi Aoun est aussi constitué par des matériels en céramique punique à vernis noir et en céramique de cuisine.
B. Bibliographie
3L’empire de Carthage et ses relations avec d’autres peuples que les Romains ont intéressé cette année, outre les traités punico-romains. Mais tout d’abord un premier titre sur la colonisation phénicienne. (239) Gozalbes Cravioto E., Nuevos datos sobre la colonización fenicia y púnica en el África occidental (Norte de Marruecos), dans Vie (La-), la mort et la religion dans l’univers phénicien et punique. Vol. I, p. 301-312. Le point de départ de la contribution est un rappel des insuffisances de la documentation littéraire concernant la région, malgré l’existence de quelques documents tels que le Périple d’Hannon ou les ouvrages de Strabon et de Pline l’Ancien. Puis l’a. évoque la colonisation phénicienne selon M. Tarradell avant de s’intéresser à la fondation de Lixus. Ensuite, il mentionne les principaux acquis des découvertes sur les sites, en particulier l’importance désormais bien attestée de la présence indigène aux VIIIe-VIIe s. av. J.-C. dans de nombreux sites côtiers qui sont entrés en relation avec des apports phéniciens. (240) Gómez Bellard C., Agriculture, dans Oxford (The-) Handbook of the Phoenician and Punic Mediterranean, p. 453-463. Le principal changement concernant l'agriculture à l'époque punique a consisté, à partir du Ve siècle, en une colonisation systématique et méthodique des espaces ruraux, choisissant les meilleures terres et construisant des fermes et des villages en fonction de stratégies de production qui privilégient les cultures commerciales, comme le vin et l'huile. Les céréales sont toujours largement représentées (65 % des écofacts retrouvés à Carthage et 90 % à Lixus (Maroc), avec essentiellement du blé (Triticum aestivum). Après avoir passé en revue de manière générale toutes les nouveautés en matière d’agriculture et d’élevage introduites par les Phéniciens, l’a. s’attarde sur les domaines ruraux, comme le site côtier de Kerkouane, chargés de redistribuer les produits dans une zone spécifique. L’a. termine en évoquant l’absence de preuve pour certifier l’existence d’une agriculture esclavagiste. (241) Pilkington N., The Carthaginian Empire, 550-202 BCE, New York-Londres, 2019, 226 p., 5 ill. n/b. Contrairement aux études traditionnelles sur l'empire carthaginois qui privilégient les sources gréco-romaines, l’a. se fonde sur les archives archéologiques et épigraphiques de Carthage, de ses colonies et de ses dépendances. Il démontre que l'empire carthaginois entre le VIe et le IVe siècles av. J.-C. ne ressemble guère aux reconstructions historiques actuellement acceptées : il se serait développé plus tardivement et aurait été moins étendu que ne le suggèrent les reconstructions fondées sur la tradition des sources gréco-romaines. L’a. montre en outre que Carthage a développé une infrastructure de pouvoir impérial similaire à celle de Rome et d'Athènes, utilisant la colonisation, l'établissement d'institutions politiques métropolitaines dans les colonies dépendantes et la réorganisation du commerce en un système métropolitain en étoile pour développer le contrôle impérial sur les territoires subordonnés. (242) Hoyos D., Carthage’s other wars: Carthaginian warfare outside the Punic Wars against Rome, Barnsley, 2019, XVIII-235 p. Carthage eut une longue tradition de guerres, autant en Afrique qu’en Sicile et ailleurs en Méditerranée avant d’en découdre avec les Romains. Dans ce livre s’occupant de 350 ans d’histoire des guerres menées par les Puniques, l’a. analyse minutieusement les techniques carthaginoises de guerre. Pourtant, les périodes de paix et de coexistence ont été nombreuses dans le laps de temps étudié. Ces césures ont pu avoir pour conséquence un entraînement à la guerre moins important pour les généraux puniques que pour leurs homologues romains. (243) Id., Classical-Hellenistic Carthage before the Punic Wars (479-265 BCE), dans Oxford (The-) Handbook of the Phoenician and Punic Mediterranean, p. 155-168, propose une synthèse extrêmement documentée et très complète de l’histoire de Carthage entre la bataille d’Himère et les guerres puniques. Après avoir exposé les sources à disposition, il reconstitue la physionomie et l’évolution de la ville et de ses ports, ainsi que son fonctionnement économique et social. Puis il développe les relations commerciales, militaires et diplomatiques de la cité punique avec les populations libyques, puis avec les Grecs et le reste du monde. (244) Gran-Aymerich J., Les relations entre l’Étrurie et Carthage et la diffusion d’objets étrusques jusqu’à l’Atlantique, dans Vie (La-), la mort et la religion dans l’univers phénicien et punique, Vol. II, p. 1137-1148, présente un bilan synthétique pour le cadre géopolitique qui englobe l’Extrême Occident. Les Étrusques n’y ont pas établi de colonies, mais la présence de nombreux objets atteste l’existence de liens commerciaux entre eux et de nombreuses cités, notamment Carthage. Dans celle-ci, de nombreuses céramiques, de la vaisselle métallique avec plusieurs séries d’œnochoés de bronze, des bullae d’argile et une statuette ont été signalées. Tous ces éléments permettent d’envisager une présence régulière d’Étrusques dans la ville. (245) De Sensi Setito G., Cartagine e la Magna Grecia da Agatocle a Pirro, ibidem, p. 1207-1220, examine les relations complexes qu’Agathocle entretenait avec les cités du sud de l’Italie et par voie de conséquence avec les Carthaginois qui avaient noué des relations commerciales avec cette région et qui sont parfois intervenus militairement. Les Carthaginois, présents dans les îles Éoliennes et en Sicile, s’opposèrent aux ambitions de Pyrrhus dans cette dernière et livrèrent une bataille navale dans le détroit de Messine. (246) Vacanti C., Trattati/ritratti. Prospettiva romana e prassi internazionale nei primi due trattati tra Roma e Cartagine, dans Incidenza dell’Antico, XVII, 2019, p. 169-197, rés. angl. Ce travail considère les deux premiers traités entre Rome et Carthage sous l’angle de la propagande. Il convient de préciser que la perspective carthaginoise n’est pas développée car elle est l’objet d’un autre des travaux en cours de l’auteur. Rome, à travers ses traités, a d’abord cherché à renforcer sa puissance en Italie sur ses sujets et alliés, alors que pour Carthage il s’agissait de défendre ses intérêts commerciaux. (247) Espada Rodríguez J., Aspectos económicos en el primer tratado púnico-romano (Pol. III 22-26), dans Polis, XXXI, 2019, p. 35-50, propose que le premier traité punico-romain (509/508) ait réellement existé et qu'il ait été fondé sur une reconnaissance mutuelle par l'achat de céréales aux Carthaginois et l'exportation de sel et de bois depuis Rome. (248) Zelanti A., Carthage et le contrôle des littoraux africains : les deux premiers traités romano-carthaginois, dans Revue Historique, 690, 2019, p. 227-249, rés. fr. et angl., 3 cartes. L’auteur revient, sans grande nouveauté, sur l’historiographie relative aux deux premiers traités entre Rome et Carthage, datés de 509 et 348 av. J.-C. Il s’intéresse à l’identification du « Beau Promontoire » évoqué par les textes, dans lequel on a reconnu le Cap Bon, ainsi qu’à l’évolution des espaces protégés entre les deux traités : il la replace dans le contexte plus large des relations tissées par les marchands puniques avec le monde étrusque dans le cas du premier traité, de la montée de la puissance marchande de Rome dans le cas du second.
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