III – L’Afrique et le monde punique, du IIIe s. av. J.-C. à la fin de la République (n° 263-291)
Texte intégral
1Ce chapitre est traditionnellement, comme le précédent, l’un des plus réduits de la BAAA Il convient toutefois de le compléter avec les titres référencés dans les Généralités ainsi qu’au chapitre précédent.
A. Guerres puniques
Sources
2L’éventail des sources est cette année très limité. Quelques études concernent les sources littéraires. (263) Moralejo J.L., Las razones de la compasión: una nota sobre Liv. 25.24, Plb. 38.21-22, y App. 8 (Pun.) 132, dans Estudios Clasicos, 154, 2018, p. 41-50, étudie le topos de l’urbs capta à partir des exemples de M. Claudius Marcellus (212 av. J.-C.) pendant la deuxième guerre punique et de Scipion Émilien (146 av. J.-C.) pendant la troisième guerre punique. (264) Horvais Ch.-A., L’expédition d’Atilius Regulus en Afrique (256‑255 av. J.-C.) : une remise en contexte, dans Kentron, XXXIV, 2018, p. 161-192, fait remonter la création de l’épisode de la lutte de Regulus contre un serpent monstrueux au IIIe siècle av. J.-C., à des fins d’héroïsation. Soulignant la rivalité entre les Atilii et les Scipions, il remet en cause le témoignage de Polybe au profit de sources généralement moins considérées (Appien, Orose). (265) De Franchis M., Hannibal quitte l’Italie : une mise en scène épique de l’histoire ? (Tite-Live 30.20), dans Lectures latines. 45 textes de la littérature latine interprétés par des professeurs en hommage à Sylvie Franchet d’Esperey, édit. Flamerie de Lachapelle G. et Rohman J., Bordeaux, 2018, p. 147-155. Ce passage fameux met en scène Hannibal à un moment clef de son histoire et de celle de Carthage : son départ d’Italie après une occupation de quinze années, associé au massacre de nombreux soldats italiens qui refusaient de le suivre en Afrique. L’auteur analyse ce texte pour éclairer sa valeur d’exemplum et révéler le dialogue avec ses prédécesseurs (Naevius, Fabius Pictor, Ennius, etc). (266) Girotti B., La figura di Annibale nelle fonti tardoantiche: continuando la lettura di Giovanni Brizzi sulla Leggenda di Annibale, dans Domi forisque, p. 103-112. Hannibal revient dans des écrits tardifs, en particulier ceux d’Augustin (à propos, évidemment, du sac de Rome en 410), mais aussi d’Orose et de Zosime ; il est employé chez eux dans une perspective religieuse et historiographique. Il est également présent dans les écrits de Florus, de Jordannès, de Zonaras et d’Ammien Marcellin, dans les Panégyriques, ainsi que dans l’Histoire Auguste. (267) Bartolomé J., El combate de los trillizos y la imagen de la guerra civil en las Púnicas de Silio Itálico, dans Emerita, LXXXVI, 1, 2018, p. 109-132. Silius se livre à un exercice intertextuel (Tite-Live, Virgile) pour rappeler à ses contemporains la guerre civile et nier sa fatalité. (268) Komorowska J., “Farewell, fair spouse!”. The Imilce episode of Silius’ Punica and its literary models, dans Rivista di Filologia e di Istruzione classica, 146, 1, 2018, p. 151‑171, passe en revue les intertextes de la scène de séparation d’Hannibal et de son épouse Imilcé à Gadès : la séparation d’Hector et Andromaque au chant VI de l’Iliade d’Homère, celle de Didon et Énée au chant IV de l’Énéide de Virgile et, moins évidente, celle de Pompée et Cornelia au chant V du Bellum ciuile de Lucain. Par une analyse subtile des figures d’épouses et de fils, elle montre comment ces allusions placent le personnage d’Hannibal au centre d’un réseau de sens qui montre dès ce moment la fragilité de son projet.
Bibliographie
3Ce paragraphe, comme le précédent, est particulièrement réduit cette année. (269) Gómez de Caso Zuriaga J., La actitud líbica ante la invasión romana de M. Atilio Régulo (256-255 a.C.), dans Polis, XXX, 2018, p. 7-25. Très peu de données concernent l’attitude de la population libyque soumise à Carthage lors de la campagne de Regulus en 256-255. Cette lacune est sans doute due à la nature des sources (principalement Polybe, Diodore et Dion Cassius-Zonaras), centrées sur l’affrontement entre Rome et Carthage et – plus précisément – sur le mérite et les exploits de Regulus et de Xantippe. Certains passages, notamment de Dion Cassius-Zonaras, témoignent que les Libyens étaient favorables aux Romains. Cette implication libyque a des conséquences importantes dans la dernière phase de la guerre et annonce les problèmes auxquels Carthage est confrontée en Afrique à la suite de la mutinerie des mercenaires en 241-240. (270) Elliott A.M., The Role of the Roman Navy in the Second Punic War, dans Studia historica. Historia antigua, XXXVI, 2018, p. 5-29. Malgré la grande quantité de recherches modernes concernant la deuxième guerre punique, le rôle joué par la marine romaine a été largement ignoré. Presque toutes les études se concentrent sur les engagements d’infanterie. Cet article met en évidence le rôle de la flotte romaine dans la victoire à long terme sur Carthage, en dépit du faible nombre de ports amis qui empêchait les Romains d’opérer le long des côtes africaines. (271) Bailey C., Rome, Carthage, and Numidia: diplomatic favouritism before the Third Punic War, dans Antichthon, LII, 2018, p. 43-71, réexamine le dossier des relations diplomatiques entre Rome, Carthage et la Numidie entre la deuxième et la troisième guerres puniques. D’après lui, l’idée fréquemment véhiculée dans l’historiographie selon laquelle Rome aurait continuellement cherché au cours de cette période à désavantager Carthage et à encourager Massinissa à s’attaquer au territoire carthaginois est à revoir. L’examen des arbitrages rendus par Rome entre Carthage et la Numidie suggère en effet que Rome n’a pas mené une politique continuellement hostile à Carthage. Ses dirigeants ont plutôt cherché à maintenir en l’état la division territoriale imposée à la fin de la deuxième guerre punique, quitte à prendre pour cela plusieurs décisions en faveur de Carthage. (272) Barlow J., Scipio Aemilianus and Greek Ethics, dans The Classical Quarterly, LXVIII, 1, 2018, p. 112‑127. Les influences philosophiques ont modelé la personnalité et la vie publique de P. Cornelius Scipio Aemilianus : aussi bien le modèle de vertus défini par Platon que la morale du pouvoir caractérisée par le stoïcien Panetius. Ces traits ont certainement été accentués après sa mort pour faire de lui une figure centrale dans l’histoire intellectuelle de Rome.
B. Monde punique
4Comme le précédent, ce chapitre, très limité, doit être complété avec les chapitres précédents.
Sources
5Les sources littéraires se signalent par trois titres consacrés à Plaute et Polybe. (273) Philippides K., Women Chattering about a Ritual: Plautus’ Poenulus in the light of Theocritus (Id. XV), Herondas (Mim. IV) and Aristophanes (Thesm.), dans Latomus, LXXVII, 4, 2018, p. 1033-1052, s’intéresse à deux scènes de la pièce, qui concernent les préparatifs d’Adelphasium et d’Anterastilis, les deux filles d’Hannon, pour la visite d’un temple, le voyage jusqu’à celui-ci et le récit de leurs impressions. (274) Barrios-Lech P., The place, the pimp, the profit: puns on the procurer’s name in Plautus’ Poenulus, dans The Classical World, 111, 4, 2017-2018, p. 485-501, présente huit jeux de mots concernant le nom du proxénète Lucus dans le Poenulus de Plaute, qui n’avaient pas encore été mis en évidence. Trois de ces jeux de mots sont repris de la comédie grecque d’Alexis le Comique qui a inspiré la pièce de Plaute. Les cinq autres sont des créations originales de Plaute. (275) Burgeon C., Le Sénat et le Conseil carthaginois dans les comptes rendus de Polybe et de Tite-Live des guerres puniques : une entité bicéphale aux compétences floues ?, dans Folia Electronica Classica, XXXVI, 2018, non paginé. L’auteur s’attelle à une question très difficile, celle des institutions carthaginoises, ce qui est louable, mais la démonstration manque de rigueur et ne recourt jamais à la bibliographie spécialisée. Un titre est à signaler pour l’épigraphie. (276) Van Heems G., De Carthage à Gouraya : onomastique étrusque d’Afrique, dans Onomastica africana (L'-), p. 159-169. Le corpus des inscriptions étrusques en Afrique est limité à dix documents répartis sur cinq objets, et comprend trois textes différents. Il s’agit de deux tessères d’hospitalité, celle de Carthage, la plus longue, n’étant pas encore entièrement élucidée, et de cippes de bornage découverts dans la vallée de l’oued Miliane. Ces derniers indiquent, au Ier s. av. J.-C., les limites de propriété d’un Étrusque largement latinisé.
6Les travaux d’archéologie, particulièrement peu nombreux cette année, se réduisent à trois titres dédiés à la céramique et aux amphores. (277) Fantar M., Les collections puniques du musée de Kerkouane et leur vocation méditerranéenne, dans Patrimoine et musées de l’Afrique du Nord, p. 9-26, 16 ill., a évoqué les riches collections puniques du musée de cette cité détruite vers 255 av. J.-C. Inauguré en 1987, il montre que les habitants utilisaient à la fois des céramiques de facture locale et des productions venant d’autres régions, telle la céramique attique. Les artisans possédaient un savoir-faire hérité des traditions phéniciennes. Dans la maison, la salle-de-bain est sans doute l’élément distinctif de l’architecture domestique. Les sanctuaires accueillaient de multiples cultes, et des figurines représentant Déméter témoignent de contacts culturels avec le monde grec. M.F. annonce aussi quelques projets de recherche. (278) Santos Velasco J.A., Entre Cartago y Roma: ejemplos de la cerámica ibérica pintada figurada, dans Estudios sobre el África romana, p. 339-351, ill., étudie les influences puniques sur la céramique ibérique. (279) Sáez Romero A.M. et García Vargas E., La producción y comercio de ánforas y conservas de pescado en la Bahía de Cádiz en época fenicio púnica. Nuevos datos, métodos y enfoques para viejos debates, dans Fretum Hispanicum, p. 23-71, publient une très utile synthèse sur le sujet (commerce des amphores et des salaisons).
Bibliographie
7Tout aussi bref est ce chapitre, nourri surtout par l’histoire politique. (280) Martínez Hahnmüller V., Entre la ambición y el patriotismo. La supremacía bárquida y su relación con Cartago, dans Latomus, LXXVII, 2, 2018, p. 395-415. Ce texte propose une étude globale de la politique intérieure carthaginoise à la fin du IIIe siècle av. J.-C., à travers les relations entretenues entre ses principaux protagonistes, les Barcides et les institutions carthaginoises. Il retrace alors le parcours de la famille d’Hannibal, depuis Carthage jusqu’en péninsule Ibérique. (281) Díaz Fernández A., Afri in Hispania, in Africa Hispani: la circulación de tropas a través del estrecho durante la conquista romana de Hispania, dans Fretum Hispanicum, p. 73-120, expose comment, lors de la conquête romaine de la péninsule Ibérique, différents mouvements de troupes eurent lieu entre les deux rivages du détroit : des auxiliaires africains qui rejoignirent les troupes romaines, et des indigènes hispaniques, notamment les Lusitaniens, qui pillèrent les villes d’Afrique du Nord. L’auteur conclut que les frontières provinciales ne sont pas un obstacle à ces mouvements de troupes et que le détroit est un pont, facile à traverser. (282) Novillo López M.Á., Cayo Julio César, Hispania y el Fretum Herculeum, ibid., p. 121-137, décrit diverses opérations militaires menées par César dans la zone du détroit lors de sa préture et de sa propréture en Hispanie. Un aspect social et religieux particulier avec (283) D’Andrea B., Le chien dans la religion et dans la vie quotidienne des communautés phéniciennes et puniques de la Méditerranée occidentale, dans Mélanges de l’École française de Rome. Antiquité, 130, 1, 2018, p. 185-217, 7 fig., s’intéresse au chien dans la pluralité de ses fonctions et des valeurs symboliques qui lui sont associées dans la religion phénicienne et punique, essentiellement d’Occident entre le IXe et le IIe s. av. J.-C., à travers l’analyse des sources archéologiques, archéozoologiques, épigraphiques, iconographiques et littéraires. La consommation de sa viande (cynophagie) se révèle relativement rare dans les banquets rituels ; le chien était aussi utilisé pour la garde des troupeaux, la chasse et la guerre. L’utilisation comme gardien des espaces publics (sanctuaires) et privés (maisons) est seulement suggérée par la fonction symbolique tutélaire qui est accordée à l’animal. Les caractères du chien auxquels les Phéniciens semblent donner une grande valeur symbolique sont la fidélité et l’asservissement volontaire, qui constituent un modèle de comportement entre les hommes et aussi envers les divinités. Il semble avoir eu un rapport privilégié avec Melqart, peut-être en raison du caractère tutélaire du dieu et probablement de son expérience « chtonienne » de mort/disparition. La dimension chtonienne du chien est implicitement confirmée par sa présence en contexte funéraire et par son association avec Anubis et Hermès, attestée aussi dans le monde phénico-punique. Son utilisation dans des sacrifices apotropaïques est suggérée par les trouvailles archéologiques (fonction expiatoire et de purification).
C. Royaumes africains
8La sobriété est également de mise avec ce chapitre.
Sources
9L’épigraphie, la numismatique et l’archéologie sont représentées chacune par une étude. (284) Hamdoune C., L’épitaphe versifiée d’un esclave de la familia de Juba II, dans Esclaves et maîtres dans le monde romain. Expressions épigraphiques de leurs relations, édit. Dondin-Payre M. et Tran N., 2018, p. 83-96, 3 fig., propose une nouvelle lecture de cette épitaphe gravée sur une petite stèle caractéristique du Ier s. La qualité de la pierre laisse penser que le défunt occupait une fonction importante dans la maison royale. Cette inscription s’insère dans une série de carmina funéraires concernant la familia de Juba II et Ptolémée, bien connue par des inscriptions trouvées dans des tombeaux dits des affranchis dans une nécropole de Cherchell. Les rois de Maurétanie imitaient ainsi les grandes familles romaines. (285) Martínez Chico D. et Callegarin L., La emisión númida de Siga (ss. II-I a.C.) con jinete lanceando, dans Saguntum, L, 2018, p. 265-268, fig., publient cette monnaie issue d’une trouvaille fortuite dans la province de Jaén (Andalousie, Espagne) : elle permet de connaître une nouvelle émission due à l’atelier de Siga. (286) Hanoune R., Le capitole de Tipasa (Maurétanie Césarienne, communication du 15 mai 2017), dans Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, XXXVIII, 2018, p. 235-236 (résumé de la communication), présente les recherches menées par lui-même et Sabah Ferdi (CNRA, Alger) sur ce site majeur et trop peu étudié. Il avance prudemment l’hypothèse de la présence d’une première construction maurétanienne, antérieure au capitole, correspondant à une date préromaine ou impériale précoce.
Bibliographie
10Seulement deux titres dans cette rubrique. (287) Aït Amara O., Les guerriers de Jugurtha dans le Bellum Iugurthinum, dans Vita Latina, 197-198, 2018, p. 25-50, étudie minutieusement les informations données par Salluste sur les armées de Jugurtha. Elle examine les différentes composantes de cette armée – recrutement régulier, transfuges et déserteurs –, évoque les Gétules et les Maures avec la participation de Bocchus Ier. Sont ensuite envisagés les entraînements, les activités, la tactique avec la guerre de harcèlement, le rôle de la cavalerie, renommée pour ses qualités, les armes utilisées. (288) Casella M., Augusto e la politica limitanea in Africa: Cosso Cornelio Lentulo e il bellum Gaetulicum, dans Bollettino di Studi Latini, XLVIII, 2, 2018, p. 578-591, rés. angl. et ital. L’auteur revient sur le climat conflictuel impliquant les tribus situées au sud de la province d’Afrique et du royaume de Maurétanie, échappant à l’autorité romaine. Il s’intéresse plus particulièrement à l’hostilité des Gétules contre le pouvoir romain conquérant sous le principat d’Auguste, et qui a entraîné l’intervention du proconsul d’Afrique Cossus Cornelius Lentulus.
D. La province d’Afrique
11La part des études relatives à la province africaine est singulièrement encore plus basse que pour les années précédentes, limitée à deux études relatives aux sources.
Sources
12L’épigraphie et la numismatique bénéficient chacune d’une seule étude, mais d’abord nous devons réparer un oubli. (289) Díaz Ariño B., Miliarios romanos de época republicana, Rome (Opuscula epigraphica, XVI), 2015, 172 p., 5 index, 49 ill. Cette synthèse sur les milliaires de l’empire à l’époque républicaine, un sujet peu souvent représenté, s’organise en quatre chapitres : le premier présente ce type de materiel dans ses aspects pratiques et symboliques (propagande officielle et familiale) ; le deuxième les intègre dans leur zone géographique ; le troisième est consacré aux milliaires des uiae publicae ; le 4e est le catalogue des 49 documents connus. Un seul (n° 48, p. 119) est attesté en Afrique (AE 1963, 97) : il appartient à la voie Sicca-Carthago et fut trouvé en 1934 aux environs de Lares (Lorbeus, Tunisie) transféré dans la section République. (290) Chaouali M., P. Popillivs P. L. Neo, argentarivs, dans Epigraphica, LXXX, 2018, p. 247-264, photo, publie un nouveau document récupéré après une saisie effectuée par la Garde nationale tunisienne. Il s’agit d’un bloc de calcaire qui provient très certainement du cimetière des officiales de Carthage. Il rappelle la mémoire d’un affranchi, P. Popillius Neo, qui était un manieur d’argent (argentarius) probablement à l’époque césarienne ou peu après d’après les critères paléographiques, le formulaire et la typologie du monument. (291) Amela Valverde L., La serie RRC 458 de César, dans Revista Numismática Hécate, V, 2018, p. 10-16, ill., étudie l’une des séries militaires les plus connues de César, frappée en Orient (peut-être dans la province d’Asie) au cours de l’année 47, et non en Afrique, comme on le considère habituellement.
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Bibliographie analytique de l’Afrique antique XLVIII (2014)
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