1Ce chapitre est légèrement plus fourni que l’année précédente. Il convient également de le compléter avec les titres généraux mentionnés supra.

A. Sources

2Les sources littéraires ont donné lieu à deux études. (242) Hernández Prieto E., Hispania y los tratados romano-punicos, Bilbao, 2017, 216 p. Ce travail de qualité porte sur les traités de la période considérée et les problématiques chronologiques. L’auteur propose la chronologie suivante pour les cinq traités connus : 509/507, 348, 343, 306 et 226. Pour ce dernier traité, qui est le traité de l’Iber/Iberus, il considère que le fleuve est bien l’Èbre et non le Júcar (Carcopino) ou le Segura (Barceló) et qu’il n’existait aucune alliance de Saguntum avec Rome qui ait pu motiver l’entrée en guerre de Rome. (243) Mastino A. et Zucca R., Storia e archeologia delle battaglie di Atilius Regulus in Africa, dans Domi forisque, p. 189‑208. L’archéologie de cette bataille est très difficile à faire, car les fouilles n’ont rien révélé. Par les textes, notamment de Polybe, il est possible de retracer la route des Romains depuis la Sicile par l’Ἀκρα Ἑρμαία et par Ἀσπίς. Il est également possible de voir la prise d’Ἀσπίς et la destruction de Kerkouane (Mégalopolis), d’observer la conquête d’autres villes et d’arriver à la bataille de 255.

3L’épigraphie, absente l’année dernière, se distingue par trois études. (244) Zamora J.‑Á., The miqim elim. Epigraphic evidence for a specialist in the Phoenician-Punic cult, dans Rivista di Studi Fenici, XLV, 2017 [2018], p. 65-85. Cet article réexamine les sources relatives à une fonction particulière mentionnée dans les inscriptions phénico-puniques. Il s’appuie notamment sur le corpus d’inscriptions votives livré par le « tophet » de Carthage, gravées entre le VI^e et le II^e siècle av. J.-C. Des inscriptions funéraires découvertes dans la nécropole de Sainte-Monique à Carthage sont également invoquées, indiquant comme les précédentes la fonction de miqim elim. L’auteur revient aussi sur la fameuse inscription néopunique, datée de la fin II^e siècle av. J.-C. et découverte à proximité de Cherchell, dédiée au roi numide défunt Micipsa. La fonction de miqim elim, attestée également dans des établissements phéniciens en Orient, apparaît au plus tôt sur les inscriptions africaines au cours de la deuxième moitié du IV^e siècle av. J.-C. Elle semble être liée à des actes cultuels en l’honneur de certaines divinités, et avoir impliqué des individus bénéficiant d’une bonne situation financière dans leurs cités. (245) Amadasi Guzzo M.G. et Zara A., Un’iscrizione punica su un oscillum a pelta romano di Nora. Storia di un frammento epigrafico disperso, dans Antiquités Africaines, LIV, 2018, p. 41-51, 5 fig., rés. fr., angl., ital., arabe. Lors des fouilles du forum de Nora en 1952, un objet de marbre remanié à l’époque romaine pour fabriquer un oscillum en forme de pelte avait été découvert. L’objet, resté inédit, est perdu aujourd’hui. Il portait une inscription en punique difficile à déchiffrer et délicate à interpréter. Les lettres sont distribuées sur plusieurs lignes dans la partie centrale et leur traitement indique une probable datation au cours des IV^e- III^e siècles. (246) Crouzet S., Des étrangers dans la cité : l’onomastique révélatrice d’échanges et d’intégrations entre Grecs et Puniques ?, dans Onomastica africana (L’-), p. 39-46, s’est intéressée à des noms puniques en Sicile et aux Grecs et Italiques mentionnés dans les inscriptions de Carthage. En Sicile occidentale, seules trois occurrences de noms puniques dans deux textes sont attestées : une inscription de Sélinonte mentionne deux fois Magon, une autre provient de Lilybée. Sont relevés aussi des noms grecs dans les inscriptions puniques de Carthage. Au total, il y aurait huit noms grecs transcrits en punique et trois écrits en grec sur les milliers du tophet ; cette rareté interroge sur la présence des étrangers dans la cité punique.

4Cette année s’enrichit également d’une étude consacrée à la numismatique. (247) Visonà P., Rethinking early Carthaginian coinage, dans Journal of Roman Archaeology, XXXI, 1, 2018, p. 7-29, consacre un important développement (7 pages) à l’historiographie du sujet, puis revient sur les premiers témoignages de monnaies carthaginoises, d’abord en Sicile (V^e s. av. J.-C.) et un siècle plus tard dans la métropole. La combinaison des recherches anciennes et modernes permet de mieux préciser des éléments comme la chronologie, l’introduction d’un standard de poids, le système de dénomination, etc. L’étude se clôt par une liste des trouvailles de monnaies carthaginoises en Tunisie.

5L’archéologie demeure la source principale pour l’étude de cette période. Les titres qui s’y rapportent sont présentés selon la géographie des espaces considérés, d’est en ouest, mais tout d’abord avec une étude générale (248) Bechtold B., Rapporti commerciali fra la Tunisia e l’Italia centro tirrenica fra IV e III sec. a.C.: gli apporti della cultura materiale ceramica, dans Cartagine. Studi e ricerche, III, 2018, 28 p., rés. it. et angl. (éd. électr., doi : 10.13125/caster/3087, http://ojs.unica.it/index.php/caster/), 2 tabl., 10 fig. La reconstitution de la circulation des céramiques entre l’Italie centrale et Carthage, aux IV^e et III^e s., bénéficie de l’acquisition d’un groupe d’amphores en provenance de Carthage (Bir Messaouda), et de l’île de Jerba (à Ghizene). Cet apport permet de préciser une étude antérieure (2007). L’auteur observe deux phases : la première (années 430-300) correspond à l’importation d’amphores lucaniennes et étrusques et de céramiques à vernis noir de diverses provenances. La seconde commence à la fin du IV^e s. et s’intensifie après le traité de 306 ; elle se caractérise par l’arrivée d’amphores à vin et de céramiques produites dans le golfe de Naples et transitant par la Sicile. (249) Ben Younès H. et Sghaïer Y., Lepti Minus (Lemta) : une expression de la culture libyphénicienne. Les nécropoles puniques, la céramique, Tunis, 2018, 320 p., ill., 3 catalogues, dont celui du mobilier funéraire. L’intérêt du volume est d’être une étude systématique des nécropoles d’une cité sahélienne ; dans le cas de Lepti Minus, c’est aussi le seul espace documenté puisque la ville punique est recouverte par la ville romaine, une situation très fréquente pour les sites puniques à l’exclusion de Kerkouane et de quelques quartiers de Carthage. Les auteurs ont décrit avec grand soin l’architecture, les pratiques et le mobilier funéraires, surtout la céramique : ils distinguent poterie modelée et poterie hybride et ils proposent une étude des marques. (250) Docter R., Perugini A. et Ryckbosch K., Punic Painted Ware Pottery from Uzita (Tunisia), dans Rivista di Studi Fenici, XLV, 2017 [2018], p. 163-176, 5 fig. Cet article présente les terres cuites peintes puniques (assiettes, bols carénés, jarres, cruches, récipients fermés et grands récipients de stockage) découvertes lors des fouilles tuniso-allemandes menées sur le site d’Uzita entre 1970 et 1972, et datées entre la seconde moitié du V^e siècle et le IV^e siècle av. J.-C. Une partie de l’échantillon découvert est de facture carthaginoise, l’autre moitié semble provenir d’autres ateliers en Tunisie. (251) Flügel C., Dolenz H. et al., Carthage, rue Ibn Chabâat (« Quartier Didon ») : le développement urbanistique de la période punique ancienne à la période punique tardive. Rapport préliminaire des fouilles menées par le DAI Rome et l’INP Tunis 2009-2012, dans Antiquités Africaines, LIV, 2018, p. 27-39, 8 fig., rés. fr., all., angl., arabe. Les recherches effectuées par les deux instituts au sud de la rue Ibn Chabâat à Carthage ont permis d’identifier trois phases de la vie d’un quartier. La mise en évidence d’une couche anthropique de 40 cm située sous les sols les plus anciens témoigne d’une activité humaine antérieure au VIII^e s. av. J.-C. L’occupation de la période punique ancienne débute vers le milieu du VIII^e s. ; plusieurs modifications se sont produites par la suite et, au-dessus, à la fin de ce siècle, une nécropole s’est installée. Au milieu du V^e s., à la période punique moyenne, le paysage urbain a changé, des édifices publics ont remplacé les édifices privés et un parvis est aménagé. L’usage de cet espace s’est poursuivi jusqu’à l’époque punique tardive. (252) Khelifi L., Les ivoires à Carthage à l’époque phénico-punique, Tunis, 2017, 236 p., bibliogr., index. L’auteure présente 298 objets façonnés en ivoire ou en os, dont certains exceptionnels, appartenant aux collections puniques du Musée national de Carthage. L’ouvrage se compose de deux parties : la première, p. 13-120, consiste en un catalogue raisonné de ces pièces (objets de toilette, dont des épingles, cuillers, boîtes à fard et pyxides ; amulettes, éléments décoratifs, outils de tissage et des compléments pour d’autres objets : manches, éléments de charnières ou d’attaches), des ébauches et des déchets. La synthèse occupe la seconde partie, p. 121‑210, avec un chapitre sur l’approvisionnement en matière première. La circulation des défenses d’éléphant se faisait d’un bout à l’autre de la Méditerranée et la Maurétanie est le pays le plus riche en ivoire. L’os de bovidés est plus disponible mais moins précieux. Deux chapitres traitent des techniques de la tabletterie, de la fabrication des objets, de leurs modes de fixation. Puis l’auteure étudie le répertoire iconographique : représentations anthropomorphes, zoomorphes, hybrides, phytomorphes, symboles et motifs géométriques, décor architectural. Des réflexions sur cette production, les emprunts et la symbolique forment le dernier chapitre. (253) Bartoloni P., Viaggiando nel tempo 2: Viaggiando nel tempo 2: sulle tracce degli askoi di Pierre Cintas, dans Cartagine. Studi e ricerche, III, 2018, 17 p., 10 fig., rés. it. et angl. (éd. électr., doi : 10.13125/caster/3052, http://ojs.unica.it/index.php/caster/), présente des askoi zoomorphes d’époque phénicienne (VIII^e s.) trouvés par P. Cintas dans le tofet de Carthage (conservés au Bardo) et deux inédits (VI^e s.) de la nécropole phénicienne du monte Sirai (au musée « Villa Sulcis » de Carbonia). (254) Ben Jerbania I., La céramique sarde trouvée à Utique : quelle signification, dans Rivista di Studi Fenici, XLV, 2017 [2018], p. 177-198, 10 fig. Un nombre important de céramiques sardes a été retrouvé à Utique, dans des niveaux archéologiques datés entre la fin du IX^e s. et le VIII^e av. J.-C. Il confirme la diffusion étendue de la production sarde en Afrique et en Espagne. La céramique sarde découverte à Utique présente des formes variées (fragments de marmites, coupe, vases de différentes formes, cruches askoïdes, amphores phénico-sardes), destinées à des usages domestiques et commerciaux. (255) Idirene H., Les monuments funéraires de type « allées couvertes » à Aït Garet-Ibarissen (région de Béjaia), dans Nouvelles de l’Archéologie algérienne, I, 2018, p. 56-58, 3 fig., décrit ces monuments originaux et la concentration régionale qui pose la question de l’origine et de la diffusion de ces monuments. De la céramique à vernis noir qui peut être datée entre le IV^e s. et le II^e s. av. J.-C. y a été trouvée. (256) Aouraghe H. et Lemjidi A., La présence humaine ancienne dans la province de Figuig (Maroc oriental), dans Maurétanie (La -) et le monde méditerranéen, p. 155-171, 19 fig., s’intéressent à la présence humaine (industrie lithique et art rupestre) de la région de Figuig (nord-est du Maroc). (257) Ramos-Muñoz J. et al., Abrigo y Cueva de Marsa. Un nuevo depósito estratigráfico con arte rupestre prehistórico en el norte de Marruecos / Abri et grotte de Marsa. Un nouveau dépôt stratigraphique avec art rupestre préhistorique dans le nord du Maroc, ibid., p. 172-193 (en esp.), 10 fig. La campagne de sondages de 2012 a livré trois niveaux archéologiques, du Néolithique au Paléolithique Moyen. (258) Kbiri Alaoui M. et al., Un lieu de culte d’époque maurétanienne à Kouass ?, dans Architecture (L’-) religieuse, p. 67-78, 9 fig., s’interrogent sur la présence d’un possible ensemble de type phénico-punique à vocation religieuse en fonction au IV^e siècle av. J.-C.

B. Bibliographie

6Cette section reste, de façon habituelle, limitée. (259) López Castro J.L., The Social Structure and Political Institutions of the Western Phoenicians in the Western Extreme of the Mediterranean, dans Rivista di Studi Fenici, XLV, 2017 [2018], p.199-218, 1 fig., 1 tabl. Cet article propose une étude de la société phénicienne et de l’organisation des cités phéniciennes dans l’extrême Occident de la Méditerranée, durant le premier millénaire av. J.-C. Il met en évidence une structuration sociale complexe et hiérarchisée avant de s’intéresser à l’organisation politique de ces cités dans lesquelles se perçoit la trace de magistrats locaux, tels que les sufètes, et d’institutions collégiales. (260) Dirce M., Rencontres entre Orient et Occident : les Phéniciens le long des côtes de la péninsule Ibérique et du Maroc, dans Dialogues d’histoire ancienne, XLIV, 1, 2018, p. 225-251, expose les résultats issus des projets menés par le DAI à Madrid relativement aux activités des Phéniciens et de leurs interlocuteurs sur la côte méditerranéenne occidentale. Elle souligne la richesse des contacts et la fécondité des travaux interdisciplinaires dans ce domaine. (260bis) Gozalbes Cravioto E., Los inicios del ejército cartaginés (siglo VI a.C.), dans Aquila Legionis, XX, 2017, p. 9-30. L’armée carthaginoise commence par être une milice urbaine, au milieu du VI^e s. av. J.-C. Pendant la conquête de la Sardaigne, c’est toujours une armée citoyenne, mais elle compte déjà un petit pourcentage de mercenaires [comme toutes les armées de l’époque, devons-nous ajouter]. (261) D’Andrea B., Bambini nel “limbo”. Dati e proposte interpretative sui tofet fenici e punici, Rome (Collection de l’École Française de Rome, 552), 2018, 170 p., ill. L’auteur reprend l’historiographie des tophets, depuis leur découverte dans la deuxième moitié du XIX^e siècle et surtout après les fouilles de celui qui a été découvert en 1921 à Carthage. Il rappelle les deux thèses actuellement en débat. La tradition ancienne estime que le tophet était un cimetière destiné à recueillir les cendres d’enfants sacrifiés ; elle s’appuie surtout (mais pas exclusivement) sur la mention biblique du Moloch. M. Le Glay avait insisté sur le « sacrifice de substitution » : substitution de quoi à quoi ? Une interprétation récente y voit simplement un cimetière d’enfants morts en bas âge. L’étude du dossier ne permet pas de trancher entre les deux interprétations ; elle peut seulement écarter quelques analyses manifestement fausses. (262) Gozalbes Cravioto E., Los reyes africanos (númidas y moros), dans Miscellanea philologica et epigraphica Marco Mayer oblata, édit. Guzmán Almagro A. et Velaza J., Anuario de Filologia antiqua et mediaevalia, VIII, 2018, p. 355-363. C’est une synthèse assez rapide de ce que l’on sait de plusieurs monarques : Hiarbas, le roi anonyme de Cerné, Antée, le roi anonyme des Maures à qui Hannon demande de l’aide, et le roi Ailymas.