1Les questions italienne et romaine donnèrent lieu à la deuxième grande mobilisation politique des catholiques français au XIX^e siècle, vingt ans après la lutte en faveur de la liberté d’enseignement. Le mouvement temporaliste différait cependant de celle-ci sur deux points majeurs. Tout d’abord, l’existence du suffrage universel et l’idéologie du régime impérial, qui se revendiquait de la souveraineté populaire, donnaient aux masses une place plus grande dans la vie politique que celle que leur avait accordée le régime de notables qu’était la monarchie de Juillet. Par ailleurs, le caractère autoritaire du Second Empire contraignait fortement les formes de la mobilisation.

2Cette partie vise à montrer que la mobilisation autour de la question romaine fut une étape importante dans la politisation des catholiques français. Le mouvement temporaliste fut en effet l’occasion pour ceux-ci à la fois de poursuivre leur apprentissage des formes modernes du combat politique et d’élaborer des façons plus originales de porter leurs revendications dans l’espace public. Il importera de cerner les groupes sociaux qui furent les plus impliqués dans la défense du pouvoir temporel, de manière à définir les modalités des processus de politisation à l’œuvre.

3Il conviendra par ailleurs d’analyser la façon dont les catholiques adaptèrent leur action au caractère autoritaire du Second Empire, afin de mettre en évidence les stratégies de contournement de la surveillance des autorités. Dans le sillage des multiples travaux qui, au cours des dernières années, ont montré la façon dont les acteurs de certaines luttes politiques ont pu pallier les limitations auxquelles leur action était soumise en subvertissant et en investissant d’une signification politique des pratiques qui en étaient à l’origine dépourvues, il s’agira par conséquent de montrer l’existence de formes de politisation situées largement en dehors des espaces institutionnalisés de la vie politique1.

4Leur étude conduit à poser la question d’une éventuelle spécificité du répertoire d’action catholique. Le concept, élaboré par le politiste Charles Tilly, visait initialement, selon une perspective diachronique, à rendre compte de la transformation des modalités de l’action collective2. Il a cependant été largement repris tant dans les sciences politiques qu’en histoire dans une perspective synchronique pour mettre en évidence le fait qu’à une même époque des groupes d’acteurs différents peuvent utiliser des moyens d’action différents pour porter leurs revendications3. L’intérêt du concept de répertoire d’action collective pour notre étude tient au fait qu’il permet de rendre compte d’un certain nombre de traits particuliers de l’action des catholiques en politique. Face à la surveillance du régime impérial, les catholiques purent en effet s’appuyer sur une politisation de la religion. Celle-ci ne permettait pas simplement de contourner la répression. Elle permettait également – et peut-être surtout – de toucher plus facilement les masses, en donnant à la mobilisation temporaliste une forme connue et familière. C’est peu ou prou un processus semblable à celui que Maurice Agulhon avait repéré à propos de la politisation du folklore par les républicains du Var4 que l’on retrouve ici : des pratiques d’ordre culturel se trouvaient subitement investies par des acteurs d’une signification politique.

5Le chapitre 4 étudiera la médiatisation des questions italienne et romaine en France. Il montrera l’importance que les catholiques comme leurs adversaires accordaient à ce que l’opinion publique fût convaincue du bien-fondé de leurs causes. Il étudiera par ailleurs tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif la production écrite touchant les affaires italiennes. Le chapitre 5 analysera le répertoire d’action de la mobilisation temporaliste en faisant le départ entre des formes classiques, utilisées à la même époque à la gauche de l’échiquier politique, et des formes plus spécifiquement catholiques, liées à la politisation de la religion. Il montrera par ailleurs les difficultés que ces dernières suscitèrent au gouvernement impérial. Enfin, le chapitre 6 portera sur l’organisation du mouvement temporaliste, appuyé tant sur des structures formelles ad hoc que sur des structures informelles préexistantes. Il mettra en évidence les catégories sociales qui y furent le plus impliquées et cherchera à en donner une géographie. Enfin, il montrera ses conséquences sur la vie politique française.