Introduction générale
p. 1-14
Texte intégral
Rome, l’État, mon nom, nous rendent ennemis.
La haine qu’entre nous nos pères ont transmis
Est par eux commandée, et comme eux immortelle.
Rome, par toi soumise, à son secours m’appelle.
Voltaire, Le triumvirat, acte V, scène V.
1La plume de Voltaire prête à Sextus Pompée une tirade à l’attention d’Octavien qui est conforme à la façon dont les sources ont perçu l’affrontement entre les deux imperatores. Après avoir fait le récit de la paix de Misène, Cassius Dion déclare en effet que : ἔμελλον μὲν γάρ που καὶ ἄλλως, εἰ καὶ μηδεμίαν σκῆψιν εὗρον, πολεμήσειν1. La dimension tragique et épique de la pièce de Voltaire n’est toutefois pas si éloignée de la réalité historique : la guerre civile a été « transmise » aux fils de Pompée le Grand, Cnaeus et Sextus, qui acceptèrent cet héritage en devenant des acteurs majeurs du conflit, de 46 à 35 av. J.-C.2.
2Les sources littéraires ne fournissent que peu de renseignements sur la vie des deux personnages avant le déclenchement de la guerre civile en 49. Rien n’indique qu’ils avaient débuté leur carrière politique. Un mince indice laisse penser que Cnaeus Pompée a été membre du collège des quindecemuiri sacris faciundis3. Au cours des opérations militaires, le fils aîné est aux côtés de son père et, en 48, il commande la flotte d’Égypte4, probablement en tant que praefectus classis5, et s’illustre en détruisant la flotte de César défendant Oricum6. Après la défaite de Pharsale et la mort de leur père en Égypte, Cnaeus et Sextus rejoignent Metellus Scipion et Caton en Afrique pour continuer le combat. Lorsque la révolte contre Q. Cassius Longinus éclate en péninsule Ibérique, Cnaeus Pompée reçoit la mission de soutenir les insurgés, tandis que Sextus reste dans l’entourage de Metellus Scipion. L’action de Cnaeus Pompée dans les provinces ibériques est d’abord couronnée de succès. Après la défaite de Thapsus, il est en mesure d’accueillir les rescapés de la bataille et notamment T. Labienus, P. Attius Varus et Sextus Pompée. La lutte contre César se poursuit jusqu’à la défaite de Munda, le 17 mars 45, au cours de laquelle Cnaeus Pompée est mortellement blessé.
3Sextus Pompée parvient à s’enfuir et quelques mois plus tard il reprend les armes et organise des opérations de guérilla en Hispanie Citérieure. Fort de ses succès, il est en mesure de livrer une véritable guerre contre les troupes envoyées par César pour l’éliminer. Il s’empare de la majeure partie des provinces d’Hispanie Ultérieure et Citérieure et, après l’assassinat de César, des pourparlers sont ouverts pour négocier sa réhabilitation. Il ne fait pas immédiatement son retour à Rome et il obtient un imperium lui conférant le commandement de la flotte romaine. Le processus de réhabilitation de Sextus Pompée est entravé par l’ascension politique d’Octavien, qui le fait condamner par la lex Pedia, au même titre que les Césaricides. La formation du triumvirat en novembre 43 et la mise en place des proscriptions conduisent Sextus Pompée à s’emparer de la Sicile, où il érige un véritablement camp d’opposition aux héritiers de César. Depuis cette base, il porte secours aux proscrits de la lex Titia et exerce un blocus maritime qui provoque une grave crise dans l’approvisionnement en blé de Rome. De ce fait, en 39, les triumvirs sont contraints par la plèbe affamée de négocier avec le fils de Pompée. La paix de Misène met fin aux proscriptions et à la famine, mais l’équilibre politique reste précaire, fragilisant ainsi le traité dès sa signature. De fait, la guerre reprend quelques mois plus tard. Sextus Pompée résiste jusqu’en 36, grâce à une série de victoires navales, mais il est vaincu par Agrippa à la bataille de Nauloque. Il s’enfuit alors vers Mytilène, puis il mène des opérations militaires en Asie et en Bithynie, avant d’être finalement capturé et mis à mort en 35 par M. Titius, un légat d’Antoine.
4Si le parcours politique et militaire de Sextus Pompée fait l’objet d’un intérêt croissant depuis le début des années 2000, on constate en revanche que l’histoire de Cnaeus Pompée est globalement restée en marge de l’historiographie moderne. Excepté les publications concernant les effectifs qu’il commandait à Munda, ou la localisation du champ de bataille, seuls L. Amela Valverde et P. Berdowski ont consacré un article à son parcours militaire7. Il faut également signaler quelques études sur le monnayage du personnage8. Ce désintérêt peut s’expliquer par la marginalisation du fils aîné de Pompée dans l’historiographie ancienne. Après la défaite de Pharsale, en effet, il s’en prend violemment à Cicéron lorsque celui-ci fait part de son désir de retourner à Rome et Plutarque précise qu’il l’aurait tué sans l’intervention de Caton9. Cet épisode est très probablement à l’origine de la condamnation historiographique du personnage, jugé fatuus et crudelis par Cicéron dans une lettre du 15 janvier 4510. Or, l’habileté politique et militaire dont il fait preuve en péninsule Ibérique et la finesse de sa communication monétaire montrent que Cnaeus Pompée n’était pas un homme seulement inspiré par la sottise et la violence : il convient donc de réhabiliter son action pour mieux la comprendre.
5L’histoire de Sextus Pompée étant bien documentée par les sources littéraires, elle a davantage suscité la curiosité des chercheurs. Pour retracer l’évolution de la perception du personnage dans l’historiographie moderne, la monographie rédigée par M. Hadas en 1930 constitue un point de départ pertinent, pour au moins deux raisons. Premièrement, il s’agit de la biographie de référence sur le personnage jusqu’à nos jours et, deuxièmement, M. Hadas s’est appliqué à réhabiliter Sextus Pompée dans son récit : « he was not merely the corsair chief that history has painted him, but the legitimate successor to the claims of his father11 ». Sextus Pompée était en effet considéré comme un condottiere, voire même comme un pirate, dans l’historiographie du XIXe siècle et du début du XXe siècle qui acceptait volontiers le portrait construit par les Res Gestae Diui Augusti12 et par une tradition historique qui lui est « hostile13 ». Par ailleurs, M. Hadas explique que « the claims of his father » était d’être le premier citoyen de Rome14. Sextus Pompée sert donc son intérêt personnel15, tout comme Octavien et Antoine, mais M. Hadas ne place pas les trois hommes sur un pied d’égalité : il précise qu’il était « after Anthony, the most formidable enemy of Augustus16 ». On peut de ce fait parler d’une réhabilitation de Sextus Pompée dans la mesure où M. Hadas reconnaît la portée politique de son action.
6L’ouvrage de M. Hadas n’a pas influencé l’écriture de La Révolution romaine de R. Syme, qui minimise le rôle joué par Sextus Pompée au cours des guerres civiles. Il le mentionne bien dans son récit, mais toujours en marge d’une histoire centrée sur la rivalité entre Octavien et Antoine. Il n’était, selon R. Syme, qu’« an adventurer » qui pouvait « easily be represented as a pirate17 ». Il ajoute que « the young Pompeius might be a champion of the Republican cause. But it was only a name that the son had inherited, and the fame of Pompeius Magnus belonged to an earlier age ». En un paragraphe, R. Syme récuse l’argumentation de M. Hadas et pendant des décennies la Révolution romaine s’impose comme un puissant contre-feu face à toute tentative de réhabilitation politique de Sextus Pompée. Après les années 1930, les études qui traitent du personnage sont partagées entre l’approche de M. Hadas et celle de R. Syme, c’est-à-dire entre la réhabilitation et la condamnation18.
7Jusqu’aux années 2000, notre connaissance de l’histoire de Sextus Pompée a été précisée par différentes contributions, sur le plan historiographique19, numismatique20, prosopographique21 et plus généralement sur des aspects politiques et événementiels22. Le développement consacré à Sextus Pompée par M.-L. Freyburger et J.-M. Roddaz, dans l’introduction des livres 48 et 49 de Cassius Dion, propose une interprétation stimulante de son action :
L’absence d’une stratégie de longue durée au plan idéologique et politique constitue une des causes importantes de l’échec de Sextus Pompée. La recherche obstinée de la restitutio et de la dignitas paraît avoir été l’unique moteur de son entreprise et, à plusieurs reprises, cette satisfaction de ses intérêts personnels l’a conduit à rejeter les appels des partisans de la restauration de la République, qui tentaient de le gagner à leur cause. […] En définitive, Sextus Pompée a échoué non parce qu’il avait moins de talents que ses adversaires, mais parce qu’il n’avait pas de grandes ambitions et se condamnait ainsi implicitement à se priver des moyens qui lui auraient permis de l’emporter23.
8Le manque d’ambition du personnage est souligné plusieurs fois par Appien et il est vrai que la coopération avec les « partisans de la restauration de la République », c’est-à-dire Brutus et Cassius, est loin d’être évidente, contrairement à ce qu’affirme K. Welch dans une monographie parue en 201224. Avant de présenter les objectifs de ce livre, il convient de revenir sur l’origine du projet de K. Welch.
9En 2002, elle dirige avec A. Powell un ouvrage collectif qui se propose de poursuivre le processus de réhabilitation de Sextus Pompée afin de dépasser les travaux de M. Hadas, qualifiés par A. Powell d’« undigested mixture of intelligent, independent reconstruction and of traditional condemnation25 ». De ce fait, la tentative de réhabilitation de M. Hadas « was overborne by the publication shortly afterwards of Ronald Syme’s The Roman Revolution ». Le but de l’ouvrage est donc de redorer l’image de Sextus Pompée, présenté comme « the most popular leader in Rome’s civil wars of the 40s and 30s BC » selon A. Powell26. K. Welch a pris part au projet en rédigeant les deux premiers chapitres de l’ouvrage27. Il s’agit d’une certaine manière d’un travail préparatoire à la monographie consacrée à Sextus Pompée en 2012.
10Dans la préface de Magnus Pius, K. Welch explique que :
it was clear to me that from the beginning the civil war was about issues and ideas, not personal attachment to one leader or another, and that Sextus Pompeius deserved to be classed as a defender of the res publica as much as (and perhaps more than) many another who claimed the title.28
11L’idée que « the civil war was about issues and ideas » s’oppose aux opinions de R. Syme, qui écrivait, à propos des principes politiques, que « there was very little of it about at the time »29. Les deux prises de position paraissent excessives et il est raisonnable de penser que les deux schémas interprétatifs de la vie politique ne sont pas exclusifs ni inconciliables : la pluralité des parcours individuels que nous connaissons montre que certains personnages ont pu se battre pour des idées, d’autres pour des chefs, par simple calcul politique ou pour s’acquitter d’un devoir de reconnaissance. La perception de l’action de Sextus Pompée oppose également R. Syme et K. Welch : réduit au rôle d’aventurier par l’un, il est présenté comme le (principal) défenseur de la res publica par l’autre30.
12L’autre grand postulat de l’ouvrage de K. Welch est le suivant :
Putting texts and coins together, it becomes clear that the cause of Sextus Pompeius and that of the “Liberators” were intimately entwined from 43 […]. This book will attempt to refocus our attention and expose the Republican movement, which finally became a united force in response to the proscriptions, and fought on against the Triumvirate, until its defeat in 3631.
13L’hypothèse se fonde pour bonne part sur une argumentation ex silentio. L’existence d’un ennemi commun à plusieurs imperatores n’implique pas nécessairement la formation d’une coalition d’opposants. Aucune source ne confirme en effet la mise en place d’une alliance entre Sextus Pompée et Brutus ou Cassius. La comparaison du monnayage des trois imperatores et la mise en évidence de types communs par K. Welch ne prouvent en rien qu’il existait une entente politique entre eux. On observe au contraire à cette période une certaine unité des thèmes monétaires qui transcende les camps32. Si l’ouvrage de K. Welch livre par ailleurs des analyses d’une grande finesse, son interprétation de l’action du fils de Pompée et l’hypothèse d’une « force unie » contre le triumvirat sont moins convaincantes que l’explication proposée par M.-L. Freyburger et J.-M. Roddaz. La coopération entre Sextus Pompée et les Libérateurs a été remise en cause par P. Berdowski en 2015, dans une monographie consacrée à Sextus Pompée33. L’auteur souligne l’attitude pragmatique de Sextus Pompée, de la même façon que M.-L. Freyburger et J.-M. Roddaz.
14Il faut signaler en dernier lieu la publication des actes d’un colloque organisé en 2017 sur Sextus Pompée, dont l’objectif est de mieux comprendre le rapport qu’entretient l’imperator avec l’espace maritime34 : les différentes contributions reviennent, notamment, sur la stratégie militaire de Sextus Pompée en Sicile et sur la manière dont l’historiographie a façonné l’image d’une « figur der stasis35 ».
15D’une façon générale, la perception de l’action de Sextus Pompée a été revalorisée et il est désormais admis que le personnage n’est pas un chef de pirates, mais bien un acteur politique majeur de la période triumvirale. La question de l’interprétation de son parcours, ainsi que celui de son frère Cnaeus, reste en revanche ouverte et peut être renouvelée par une enquête sur la construction de leur pouvoir et de leur légitimité, afin de comprendre comment ils ont formé un camp d’opposition à César et au triumvirat de 46 à 35. L’idée que le pouvoir résulte d’une construction a bien été mise en évidence par la thèse de R. Laignoux. Son travail s’est proposé d’interroger les pratiques de « légitimation » mises en place par les principaux imperatores durant les années 44 à 2936. Si nous sommes en accord avec ses conclusions concernant la construction du pouvoir de Sextus Pompée, il s’agit désormais de les approfondir en étudiant plus précisément les discours monétaires produits par les fils de Pompée. Par ailleurs, il convient de poursuivre l’enquête en prenant en compte l’examen des relations qui unissent l’imperator à son entourage et à son camp.
16Les fils de Pompée ayant été la plupart du temps dans l’opposition politique – excepté lorsque Sextus Pompée est investi d’un imperium en 43 et en 39-38, quelques mois à chaque fois –, leur pouvoir37 s’est essentiellement appuyé sur leur auctoritas et leur potentia38. L’auctoritas est « “l’influence et le prestige” dont dispose un personnage aux yeux de son entourage39 » et elle ne « repose sur aucune des formes extérieures et ordinaires du pouvoir, mais […] sur la “capacité” de celui qui la possède et la reconnaissance de cette “capacité” par son entourage40 ». Chr. Badel rapproche également l’auctoritas du concept de prestige. Selon lui, « la dignitas désigne le prestige social et l’auctoritas la capacité d’agir de celui qui la possède41 ». En somme, la dignitas correspond au prestige dû au statut social et l’auctoritas au prestige en tant que performance. Le degré de dignitas auquel parvient un homme politique lui confère une auctoritas équivalente qui peut lui permettre, dans l’action, de renforcer sa dignitas en capitalisant le prestige issu de la performance réalisée42. La dignitas et l’auctoritas résultent donc d’une construction et repose sur un processus de reconnaissance sociale.
17Un extrait des Philippiques évoquant Lépide permet de comprendre que les fondements de l’auctoritas sont la uirtus et la dignitas familiae : Nullius apud me, Patres conscripti, auctoritas maior est quam M. Lepidi uel propter ipsius uirtutem, uel propter familiae dignitatem43. L’auctoritas peut « grossir ou décroître44 » en fonction de la uirtus du personnage et de l’issue des actions entreprises. La dignitas familiae, dont un aristocrate hérite, est un élément constitutif de sa potentia et de son auctoritas. Il s’agit d’une composante essentielle de l’héritage de Pompée, à la fois par la transmission du nom (genus), des richesses (diuitiae) et des appuis politiques (opes)45. Les opes reconnaissent l’auctoritas d’un personnage et forment son entourage. Il est donc nécessaire d’identifier ces soutiens, tant individuellement que collectivement : s’agissait-il des partisans de la Pompeianorum causa, ou des Pompeianae partes, que l’historiographie moderne nomme ordinairement le « parti pompéien » ?
18Avant d’en venir spécifiquement au cas des Pompéiens, il est nécessaire d’évoquer de façon synthétique les avancées historiographiques concernant les « partis » politiques à Rome, une question qui a donné lieu à une bibliographie relativement importante46. Dans l’optique d’une recherche sur l’entourage des fils de Pompée, trois ouvrages marquent une évolution significative. Le premier est Res publica amissa, de Chr. Meier, qui constitue la première rupture nette avec la « Faktionsthese » développée par Fr. Münzer. Le deuxième ouvrage, The Fall of the Roman Republic, de P. A. Brunt, insiste sur l’absence de coalitions durables au sein de l’aristocratie et sur le fait que les relations entre sénateurs étaient basées sur des « short-lived combinations47 ». Il n’y a donc pas de factions de la noblesse dans la vie politique « ordinaire » selon P. A. Brunt. Cependant, des partis apparaissent dans le contexte consécutif à la mort de Brutus et Cassius48. Le changement a aussi été perçu par M.-Cl. Ferriès49. Son ouvrage sur Les partisans d’Antoine constitue le troisième moment clé dans l’évolution que nous signalions. Il s’agit en effet de la première étude d’ampleur menée sur les partisans d’un chef de la période triumvirale50. La méthode prosopographique, mise en œuvre dans cette enquête, apparaît comme la plus adaptée pour identifier et étudier les partisans d’un imperator. En introduction, M.-Cl. Ferriès propose une définition du parti d’Antoine qui s’appuie sur un extrait de la onzième Philippique, où Cicéron évoque Dolabella et son entourage51 :
Ainsi, un parti se compose des agents et des subordonnés, des compagnons ou des alliés rassemblés en un moment donné. Tous ceux qui ont servi Antoine, ont obéi à ses ordres, l’ont défendu ou l’ont représenté […] peuvent être comptés au nombre de ses partisans, mêmes s’ils proviennent de factions adverses, ou si leur adhésion reste éphémère52.
19Cette définition incite donc à se départir d’une vision binaire de l’adhésion partisane et implique de prendre en compte des réalités complexes, comme celle de Pompeius Bithynicus, qui se retrouve malgré lui dans l’entourage de Sextus Pompée. La finalité du parti, précise M.-Cl. Ferriès, est « la conquête du pouvoir53 ». C’est un critère de définition important pour questionner l’existence du « parti pompéien ». La dimension historiographique de cette problématique sera traitée dans le premier chapitre. Il s’agira de déterminer si le « parti pompéien », en tant qu’objet d’étude historique, correspond à ce que les sources nomment les Pompeianae partes.
20Selon J. Hellegouarc’h, les partes sont « une association de gens liés par des intérêts politiques54 ». Concernant leur perception dans le contexte des guerres civiles, l’œuvre de Cicéron constitue une source essentielle. Ainsi, dans une lettre adressée à Brutus le 12 avril 43, l’Arpinate s’étonne de la survivance des partes Caesaris à son époque55. Bien que le « langage de Cicéron ne reflète pas simplement l’usage de son propre temps » et qu’il soit « souvent infléchi par les buts politiques que poursuit Cicéron lui-même »56, on comprend toutefois que l’évocation des partes est polémique. Dans cette perspective, il semble plus prudent de recourir à d’autres notions pour explorer la réalité des formations politiques à Rome : le « camp » et l’« entourage » fournissent deux substituts particulièrement stimulants. Dans la mesure où l’utilisation du terme « parti » fait l’objet de discussions, il est préférable de ne pas l’employer tant que la démonstration ne justifie pas son usage.
21La notion de camp est utilisée dans la langue latine, notamment dans un extrait bien connu de la treizième Philippique : Quae tandem ? – “Castra Pompei senatum appellabatis.” – An uero tua castra potius senatum appellaremus ?57 Un camp s’étend sur le territoire contrôlé par le chef militaire et se compose de son entourage, des troupes et des populations locales. Chaque catégorie n’est pas homogène, au contraire : les membres de l’entourage peuvent exercer un commandement, des élites locales peuvent appartenir à l’entourage du chef et les populations locales peuvent intégrer les unités militaires. La définition de la composition du camp dans chaque contexte est de ce fait nécessaire, car il est soumis à un processus de recomposition quasi permanent. S’interroger sur la légitimité d’un camp au sein d’un territoire est donc indispensable afin de comprendre quels sont les soutiens de l’imperator, tant sur le plan militaire que politique. Les références au territoire dans les discours monétaires des fils de Pompée sont à interpréter en ce sens. Par synecdoque, le camp désigne une causa. Choisir un camp implique donc de reconnaître l’autorité du chef incarnant ou défendant une causa. Ainsi, tant que la fides unit un partisan à son chef, il reste dans son camp, même s’il en outrepasse les limites géographiques.
22La notion d’entourage se rapproche de la manière dont Appien mentionne l’adhésion partisane. Lorsqu’il évoque L. Scribonius Libo et Sentius Saturninus Vetulo, il écrit : οἱ τῶν ἀμφὶ τὸν Πομπήιον ἄριστοι58. L’entourage peut se définir comme l’ensemble des personnes qui sont au contact des fils de Pompée, dans le même camp, qu’ils soient des soutiens actifs ou contraints de rester à leurs côtés. L’éloignement géographique, en contexte de guerre civile, peut conduire un personnage vers de nouveaux entourages et, dans certains cas, constituer un facteur de changement de camp : il est toutefois possible d’appartenir à l’entourage de plusieurs personnages59.
23L’entourage et le camp regroupent deux catégories d’individus, souvent difficiles à distinguer : les partisans et les non-partisans. M.-Cl. Ferriès parle de « Pompéiens de circonstance ou de conviction60 ». Entre les deux modèles se trouve l’ensemble des partisans des fils de Pompée, à des degrés divers d’opportunisme ou de conviction. La frontière entre les cas de figure est toutefois mince et généralement impossible à déterminer. Les non-partisans sont par exemple des personnages contraints de rester dans le camp des fils de Pompée. Cette contrainte touche également les communautés civiques qui se retrouvent dans le camp d’un imperator et subissent son occupation. La prise en compte l’ensemble des acteurs est cependant nécessaire, car tous participent de la construction du pouvoir des fils de Pompée. Dans cette perspective, les notions d’entourage et de camp permettent d’évaluer la capacité d’attraction du personnage auprès de certains acteurs tout en considérant ceux qui deviennent des soutiens malgré eux. La valeur heuristique des deux notions permet de mettre en lumière les choix pragmatiques qui conduisent les hommes politiques et les communautés civiques à changer de camp, afin de garantir leur survie au cours des événements61.
24Pour mener une telle recherche, il est nécessaire d’avoir recours à la méthode prosopographique. Le catalogue rassemble 86 personnages, dont 10 incerti, ayant appartenu au camp des fils de Pompée, à un moment donné de leur histoire. Il est ainsi possible de préciser la façon dont se constitue leur camp et, parfois, d’analyser la relation qui unit l’imperator à chaque personnage. Concernant les autres soutiens, qu’il s’agisse des troupes militaires ou des communautés civiques, leur ralliement et leur rôle sont mis en évidence par l’examen de l’action des fils de Pompée. Dans cette perspective, les sources littéraires occupent une place centrale.
25Peu d’œuvres mettent en lumière le parcours de Cnaeus Pompée : le Bellum Hispaniense, quelques extraits d’Appien et de Cassius Dion ainsi que de brèves mentions chez Velléius Paterculus, Plutarque, Florus et Orose. Excepté le corpus des œuvres césariennes, les mêmes sources racontent l’histoire de Sextus Pompée, mais de façon plus précise. Appien et Cassius Dion, notamment, deviennent deux sources indispensables pour connaître l’action du personnage. Jusqu’à la mise en place du triumvirat et des proscriptions, la correspondance de Cicéron et les Philippiques fournissent un témoignage très précieux, contemporain de l’action de Sextus Pompée.
26Il est possible de confronter ces sources aux émissions monétaires des deux personnages : Cnaeus a en effet frappé monnaie dans les provinces hispaniques en 46-4562, tout comme Sextus Pompée en 45-44, qui a ensuite poursuivi la production en Sicile en 43-3963. Ce monnayage, destiné à répondre aux besoins financiers des imperatores, est qualifié d’« impératorial64 ». L’étude de l’iconographie fait émerger un véritable discours, en images, dont les thèmes ont pour finalité de légitimer le pouvoir des fils de Pompée. Le support monétaire est parfois considéré comme le relais d’une « propagande » ou d’une « idéologie », deux termes qui peuvent être problématique en histoire ancienne65. Leur emploi n’est cependant pas indispensable dans la mesure où nous disposons d’un vocabulaire adapté et précis pour étudier les discours d’autocélébration, d’autoreprésentation ou de légitimation. La monnaie livre de précieux indices sur les pratiques de communication des fils de Pompée et devient de ce fait une source essentielle pour saisir les éléments constitutifs de leur auctoritas et de leur légitimité. Cette enquête doit évidemment être complétée par l’étude de l’action des fils de Pompée, afin de préciser les stratégies66 mises en place pour conserver leurs soutiens au sein d’un territoire.
27La prise en compte des dynamiques propres à chaque région est d’autant plus importante que l’on distingue deux grandes zones d’implantation du camp des fils de Pompée, la péninsule Ibérique et la Sicile. La succession des chapitres respecte une approche chronologique afin de mener une réflexion sur la façon dont les fils de Pompée, dans différents contextes, ont réussi à constituer un camp et à légitimer leur autorité de 46 à 35, ce qui implique d’examiner la figure du chef ainsi que les relations qui les lient à leurs soutiens. Dans la mesure où les deux personnages font l’objet d’un traitement défavorable dans l’historiographie ancienne, une présentation des sources à travers une enquête sur la perception des fils de Pompée et des Pompeiani est nécessaire dans un premier chapitre.
Notes de bas de page
1 Cass. Dio, XLVIII, 45, 5 : « Ils devaient de toute façon se faire la guerre, même s’ils n’avaient trouvé aucun motif. »
2 Sauf mention contraire, toutes les dates sont comprises av. J.-C.
3 On peut le déduire de la présence du tripode représenté derrière sa tête sur un aureus de Sextus Pompée (RRC 511/1).
4 Caes., Civ., III, 4, 4 ; 5, 3. Plutarque rapporte que Pompée envoie son fils en Syrie pour rassembler une flotte en compagnie de Metellus Scipion (Plut., Pomp., 62, 2). Cnaeus Pompée aurait alors eu une liaison avec Cléopâtre selon Plutarque (Plut., Ant., 25, 3).
5 Augier 2018a, p. 84.
6 Caes., Civ., III, 40, 1-5 ; Cass. Dio, XLII, 12, 1-3.
7 Amela Valverde 2000b ; Berdowski 2012. Les deux auteurs ont également publié des travaux sur le parcours de Sextus Pompée (Amela Valverde 2001 ; Berdowski 2011).
8 Buttrey 1960a ; Woytek 2003, p. 283-298 ; Amela Valverde 2017 ; Berdowski 2017.
9 Plut., Cic., 39, 1-2 ; Cat. Min., 55, 2.
10 Cic., Fam., XV, 19, 4. Par ailleurs, Sen., Suas., 1, 5 rapporte que C. Cassius Longinus plaisantait sur la stultitia du fils de Pompée dans une lettre adressée à Cicéron. À ce propos, voir Montlahuc 2019, p. 171.
11 Hadas 1930, p. 2.
12 Res Gestae Diui Augusti, 25, 1. Sur ce passage, voir le commentaire de Fugmann 1991.
13 Grenade 1950, p. 42.
14 Hadas 1930, p. 41.
15 Hadas 1930, p. 82.
16 Hadas 1930, p. 17.
17 Syme 1939, p. 228. Sextus Pompée n’est pas le seul « aventurier » du récit de R. Syme : Octavien est également caractérisé ainsi (p. 216 notamment). Sur la place de Sextus Pompée dans l’œuvre de R. Syme, voir Welch 2012, p. 2-5.
18 Notamment chez Maróti 1961 ; Woodman 1983, p. 175 ; DeRose Evans 1987, p. 102 ; Sear 1998, p. 201 ; Schulz 2000, p. 439.
19 Senatore 1991 ; Gowing 1992.
20 Buttrey 1960b ; DeRose Evans 1987 ; Martini 1988 ; 1995 ; Woytek 1995 ; Estiot 2006.
21 Schor 1978.
22 Gabba 1971 ; 1973 ; 1977 ; 1990 ; Guilhembet 1992.
23 Freyburger – Roddaz 1994, p. C, suivis par Fernoux 2007, p. 641. : « Comme l’a rappelé J.-M. Roddaz, la cause de Sextus n’était point celle de la République mais la sienne propre, d’où une politique louvoyante et opportuniste, qui nuisait au décryptage de la ligne de conduite des “Pompéiens”. »
24 Welch 2012.
25 Powell 2002b, p. X.
26 Powell 2002b, p. VII.
27 Welch 2002a ; 2002b.
28 Welch 2012, p. XVI.
29 Syme 1938, p. 114. La même idée est exprimée dans The Roman Revolution (Syme 1939, p. 68).
30 Par res publica, Welch 2012, p. 10 entend : « For want of a better or more neutral and inclusive term, it is appropriate to label as "Republican" those who sow a return to traditional government as a solution to Triumviral autocracy. »
31 Welch 2012, p. 23.
32 Laignoux 2010, p. 143-144 ; Laignoux 2020, p. 20-25.
33 Berdowski 2015. L’ouvrage étant publié en polonais, seul le résumé en anglais a été consulté.
34 Kersten – Wendt 2020, p. 10.
35 Wendt 2020.
36 Laignoux 2010, p. 14-15.
37 Ordinairement, l’historien moderne se réfère à trois termes pour désigner le pouvoir sous la République : imperium, potestas et auctoritas (Fauquier 2011, p. 234). Sur la définition et la distinction des trois termes, voir Hellegouarc’h 1963, p. 309. Sur l’auctoritas et l’imperium en particulier, voir Bur 2020, p. 88.
38 Hellegouarc’h 1963, p. 242 définit la potentia, différente de la postestas, comme « pouvoir personnel, lié à la situation particulière de chaque personnage politique. En conséquence, à côté de potestas, pouvoir légal, potentia prend parfois la valeur de “pouvoir personnel non légal” et par conséquent “usurpé” ». Voir également Lecaudé 2011, p. 57-58.
39 Hellegouarc’h 1963, p. 304. Les travaux de J. Hellegouarc’h, qui restent encore aujourd’hui un outil indispensable pour nous intéresser au vocabulaire de la vie politique à la fin de la République, permettent seulement d’esquisser une définition générale de l’auctoritas. Pour une approche plus spécifique, il convient de se reporter aux différentes contributions de l’ouvrage collectif sur l’auctoritas à Rome (David – Hurlet 2020). Voir également Berthelet 2015, p. 201-209.
40 Hellegouarc’h 1963, p. 303. David 2020, p. 198 évoque lui aussi l’importance de la reconnaissance de l’auctoritas.
41 Badel 2014, p. 109. Les observations de Thomas 2014, p. 48 sont semblables : « Le terme générique est assurément dignitas car, au-delà de son équivalent français, il désigne le prestige qui repose sur un mérite personnel, une influence reconnue et des relations de fides. Par rapport à dignitas, trois termes méritent d’être retenus, car ils expriment des aspects plus particuliers du prestige. » Les trois termes sont maiestas, « le prestige respectable et respecté », gloria, « la notoriété prestigieuse et sa double axiologie » et auctoritas, qu’il considère comme « le terme central ».
42 Le concept bourdieusien de « capital symbolique » est ici très éclairant. Voir en ce sens Baudry – Hurlet – Rivoal 2016, p. 12 sur le concept de prestige, ainsi que Jacotot 2012, p. 203 sur la question de l’honos.
43 Cic., Phil., XIII, 4, 7 : « Nul n’a pour moi, Sénateurs, plus d’autorité que M. Lépide, tant par sa valeur personnelle que par la dignité de sa famille. »
44 Hellegouarc’h 1963, p. 298.
45 Les trois éléments sont « les bases matérielles de la puissance politique » selon Hellegouarc’h 1963, p. 234. Voir Cic., Rep., III, 20.
46 Pour un aperçu plus précis, se reporter à Ferrary 1997 et Schettino 2008.
47 Brunt 1988, p. 502.
48 Brunt 1988, p. 501 : « at this stage we can most plausibly speak of parties, groups or factions with some sort of personal allegiance. But the numerous desertions from Sextus and Antony to Octavian may suggest that men were still apt to serve the time rather than to exhibit a consistent loyalty. »
49 Ferriès 2007, p. 65.
50 Il faut certes signaler le travail de Schor 1978 sur les partisans de Sextus Pompée, mais son étude manquait d’une réelle problématisation et d’une définition nécessaire du terme « partisan ».
51 Cic., Phil., XI, 12, 29 : Cum P. Dolabella, quique eius crudelissimi et taeterrimi facinoris ministri, socii, adiutores fuerunt, hostes Populi romani a senatu iudicati sint (« Attendu que P. Dolabella ainsi que les agents, associés et complices de son très cruel et horrible forfait ont été déclarés par le Sénat ennemis publics »).
52 Ferriès 2007, p. 13.
53 Ferriès 2007, p. 66.
54 Hellegouarc’h 1963, p. 113. Concernant l’emploi du pluriel, il précise qu’il « a vraisemblablement une valeur augmentative ou, plus exactement, il correspond à l’idée d’une formation étendue résultant d’une série de groupes particuliers » (p. 114).
55 Cic., Ad Brut., II, 4, 5 : « Tu dis dans ta lettre que tu as écrit à ta sœur Tertia et à ta mère de ne pas divulguer les succès de Cassius avant que je ne le juge bon : tu craignais, je le vois, comme il fallait le craindre, que dans le “parti de César”, ainsi qu’on l’appelle encore aujourd’hui, les esprits ne fussent fortement émus. »
56 Schettino 2008, p. 61.
57 Cic., Phil., XIII, 11, 26 : « Qu’est-ce à dire ? – “Vous donniez au camp de Pompée le nom de sénat.” – Serait-ce plutôt ton camp auquel nous irions donner le nom de sénat” ? » Voir aussi Cic., Att., XIV, 13, 2.
58 App., BC, V, 52, 217 : « les membres les plus éminents de l’entourage de Pompée ».
59 Sur cette idée, voir Chillet 2016, p. 415 : « on peut appartenir à l’entourage d’un personnage sans que cela exclue d’entretenir les mêmes types de rapports avec un autre personnage, autrement dit, on peut appartenir à “deux cercles” différents. Les liens qui unissent deux personnes dans un tel rapport peuvent être de natures extrêmement diverses et se développer sur une temporalité variable. Les frontières du groupe sont poreuses dans une mesure qui dépend de la nature des interactions qui le composent. »
60 Ferriès 2007, p. 14.
61 Sur cette « attitude pragmatique », voir Hurlet 2015, p. 169.
62 RRC 469 (deniers) ; 470 (deniers) ; 471 (as).
63 RRC 477 (deniers) ; 478 (as) ; 479 (as) ; 483 (deniers) ; 511 (aurei et deniers). La datation des gemmes représentant (ou censées représenter) Sextus Pompée étant incertaine, elles ne sont pas prises en compte. À ce propos, voir Laignoux 2010, p. 648-650 ; Biedermann 2018, p. 659-663.
64 Zehnacker 1973, p. 906. Laignoux 2014b, p. 151 précise que c’est un « néologisme qui permet de ne pas préjuger de leur valeur légale (contrairement à des qualificatifs comme “proconsulaire” ou “illégal”) ou de leurs destinataires (contrairement au terme “militaire”) et renvoie simplement au titre d’imperator souvent revendiqué par ceux qui supervisent ces frappes hors de Rome ». Mangiameli 2012, p. 313-330 parle de moneta castrensis en se référant à Luc., I, 380.
65 Le Doze 2014, p. 36 : « Dans l’hypothèse où il n’y aurait pas eu à Rome de propagande dans l’acception qui nous est familière, on peut aussi envisager de se cantonner à l’étymologie du mot, sans l’enrichir des considérations actuelles, et supposer qu’il put y avoir une volonté de la part de l’État de propager des idées ou un discours précis dans le but d’informer et/ou d’éduquer. On ne voit plus très bien quelle serait la différence entre propagande et communication. Il n’est pas certain non plus qu’il y ait eu à Rome des idéologies – au sens d’un discours logique s’appuyant sur des idées liées entre elles – à diffuser. » L’auteur précise par ailleurs que « Rome a pu connaître le phénomène idéologique […] à la faveur des changements institutionnels et, d’une certaine manière, de deux crises de légitimation : lors de l’avènement du régime né en 509 […] et lors de la naissance du régime impérial » (Le Doze 2015, p. 617). Voir aussi Le Doze 2010. Pour la justification de l’emploi du terme « propagande », voir Assenmaker 2014, p. 19 n. 5 : « Sans en faire un usage exclusif – nous parlerons aussi, entre autres, d’“autoreprésentation” (calqué sur l’allemand) –, nous emploierons le terme “propagande” en le limitant à sa seule signification étymologique (propagare "propager, perpétuer ; étendre prolonger" ; voir Cic., Sest., 102 : haec posteritati propagantur). Notre attitude à cet égard est essentiellement pragmatique : frapper le mot “propagande” d’un anathème absolu eût contraint à des circonlocutions pénibles, tant pour l’auteur que pour le lecteur, qui auraient entravé l’enquête plus qu’elles ne l’auraient fait progresser. » Ainsi Borgies 2016, p. 470 parle de conflit propagandiste entre Octavien et Marc-Antoine dans les années 44 à 30 av. J.-C. Pour une approche centrée sur la documentation épigraphique, voir Gregori 2021.
66 Nous donnons à ce mot le sens que P. Bourdieu lui a conféré dans son article sur les « Stratégies de reproduction et modes de domination » : « En rupture avec l’usage dominant de la notion, qui considère les stratégies comme des visées conscientes et à long terme d’un agent individuel, j’employais ce concept pour désigner les ensembles d’actions ordonnées en vue d’objectifs à plus ou moins long terme et non nécessairement posés comme tels qui sont produits par les membres d’un collectif » (Bourdieu 1994, p. 4 n. 3).
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