III – L’Afrique et le monde punique, du IIIe s. à la fin de la République
p. 65-76
Texte intégral
1Ce chapitre, comme le précédent, est traditionnellement l’un des plus réduits de la B.A.A.A., en proportion inverse de la fascination que continuent à exercer Carthage et ses héros. Il doit néanmoins être complété par les titres référencés dans les Généralités et au chapitre précédent.
A. Guerres puniques
Sources
2L’éventail des sources littéraires exploitées cette année est assez large, avec une prédominance pour Silius Italicus, mais Tite-Live est lui aussi bien présent, et d’abord par l’édition scientifique d’un livre important pour nous. (341) Titius-Livius. Ab urbe condita. Liber XXX. Römische Geschichte. 30. Buch. Lateinisch/Deutsch, édit. Blank-Sangmeister U., Stuttgart, 2017, 238 p. Cet ouvrage propose la traduction allemande, mise en regard du texte latin, du 30e livre de l’Histoire romaine de Tite-Live, qui décrit les années 203-201 av. J.-C., marquant la fin de la deuxième guerre punique. (342) Tahar M., Hannibal quatit ariete moenis Carthagini. Hannibal ébranle de ses béliers les murs de Carthage, dans Guerre et religion, p. 79-100. Au cœur de cet article, le second discours attribué à Hannibal par Tite-Live (XXI, 10) dresse du général un portrait noir : il incarne la perfidie et l’impiété de toute une nation. Il faut aussi le comparer aux deux autres discours que l’annaliste latin prête à Hannibal ainsi qu’à l’attitude d’Hannon mettant en garde le sénat carthaginois contre le Barcide. (343) Feraco F., Annibale : il sogno e l’arrivo alle porte di Roma : da Celio Antipatro a Tito Livio, dans Paideia, LXXII, 2017, p. 535-549, rés. angl., analyse les événements – l’apparition d’un serpent et un orage – qui forment un lien dans la troisième décade livienne entre le songe fait par Hannibal après avoir franchi l’Èbre (XXI, 22, 6 sq.) et les phases successives de la guerre, en particulier les orages lorsqu’il est devant Rome (XXVI, 11, 2-3, deux orages). L’auteur relie ce songe au rêve d’Hannibal évoqué par Cicéron (Diu., 1, 49) et dans les excerpta de Cassius Dion et suggère que la source de Tite-Live est Coelius Antipater. Silius Italicus a réuni plusieurs études, dont une édition avec son commentaire, et une synthèse. (344) Silius Italicus : Punica 2, édit. Bernstein N.W., Oxford, 2017, 318 p., 3 index. Voici le texte amendé de l’édition Teubner (1987) du chant 2 des Punica, avec une nouvelle traduction en regard, accompagné d’une préface substantielle et d’un commentaire ligne à ligne. (345) Littlewood R.J., A Commentary on Silius Italicus Punica 10, Oxford, 2017, 352 p., 2 index, se présente sous le même format que le précédent. L’ouvrage est accessible en ligne. Ces volumes confirment l’intérêt porté désormais à la littérature flavienne, et notamment à Silius Italicus, longtemps relégué à un rang subalterne. (346) Syré E., Gewalt und soziale Bindung in Silius Italicus’Punica, Rahden, 2017, 307 p., index. Cet ouvrage, issu d’un travail de thèse, traite de la violence abordée d’un point de vue social, dans les Punica de Silius Italicus. Il est question de ce que la violence représente pour les sociétés de l’Antiquité, des différents contextes dans lesquels elle émerge, mais aussi de la manière dont elle est traitée par les auteurs antiques. Ce dernier point est plus particulièrement envisagé à travers l’étude de la technique narrative de la violence épique, et de sa fonction dans les textes. L’auteur s’intéresse pour finir au parallèle entre les représentations de la violence dans l’œuvre de Silius Italicus, et le contexte de violence dont il est lui-même le témoin, sous le règne de Domitien. (347) Marks R., A medial proem and the macrostructures of the Punica, dans Anfänge und Enden : narrative Potentiale des antiken und nachantiken Epos, édit. Schmitz C., Telg Genannt Kortmann J. et Jöne A., Heidelberg, 2017, p. 277-291. L’auteur propose une nouvelle explication de la macrostructure des Punica. La partition bien connue de l’œuvre en deux parties autour du livre 12 s’enrichit en réalité d’une autre répartition, entre les livres 10 et 11 : le début du livre 11 contient lui aussi un prologue qui signale une division en deux parties du récit de la guerre (4-10 et 11-17) ; il est intéressant de le comparer au prologue central de l’Énéide (7, 37-4), dans lequel Virgile annonce la seconde partie de l’épopée, la guerre en Italie, ainsi qu’au prologue central des Argonautica d’Apollonius de Rhodes (3, 1-5). (348) Telg Genannt Kortmann J., Tag und Nacht als Anfangs- und Endpunkte in Silius Italicus’ Punica, ibidem, p. 253-276, s’intéresse à la manière dont Silius Italicus utilise les notions du jour et de la nuit dans le septième et le douxième livres des Punica. (349) Ben Mansour M., La libation de sang dans les Punica de Silius Italicus : un parallèle entre Hannibal le Barcide et Scipion l’Africain, dans Guerre et religion, p. 109-124, examine deux passages où Silius Italicus livre des informations sur le rituel de la libation de sang et la manière dont il exploite le thème à partir de l’été 214 pour opposer les deux généraux et faire de Scipion une préfiguration d’Auguste. Florus, Plutarque et Cassius Dion ont été étudiés sur des aspects particuliers. (350) Cozzolino M., Il suicidio della moglie di Asdrubale (Flor. 1, 31, 17), dans La lingua e la società. Forme della comunicazione letteraria fra antichità ed età moderna, édit. Matino G., Flaviana Ficca F. et Grisolia R., Naples, 2017, p. 109-122, rés. angl. Dans sa relation de la troisième guerre punique, Florus évoque brièvement le comportement de la femme d’Hasdrubal, qui s’est suicidée avec ses enfants, en des termes présents chez d’autres auteurs antérieurs comme Polybe, Tite Live, Horace, relativement à diverses figures féminines. Il rappelle le suicide de Didon et présente les deux femmes non comme des ennemies de Rome, mais comme des exemples d’élévation morale. (351) Trifiro M.S., Le rôle de Fabius Maximus pendant la deuxième Guerre punique. Le lien de réciprocité entre hommes et dieux à l’épreuve de la guerre, dans Guerre et religion, p. 49-64. La Vie de Fabius Maximus chez Plutarque livre des informations précieuses sur le thème des relations entre guerre et religion, notamment sur la présence divine au milieu des événements. Les dieux sont en effet engagés dans les conflits et leur aide y est expérimentée. (352) Freyburger-Galland M.-L., Un portrait méconnu d’Hannibal chez Dion Cassius, ibidem, p. 37-48. Ce portrait occupe le début du livre XIII (frag. 54) et sa mort la fin du livre XIX (résumés par Zonaras, 8, 21 et 9, 21). L’auteur présente d’abord les résumés et la transmission des fragments, puis fournit le texte et le commente en le comparant aux portraits connus par Polybe et Tite-Live. Ce portrait qui est favorable à Hannibal ainsi que la mention de ses compétences en divination pourraient avoir été puisés chez Silenos, qui était son précepteur.
3La numismatique a donné deux contributions, toutes deux relatives à l’Hispanie. (353) Martínez Chico D., La moneda aes grave hallada en la península ibérica y su relación con la segunda guerra púnica, dans Rivista Italiana di Numismatica e Scienze Affini, 117, 2016, p. 21-33, 2 fig., présente un quadrans du type aes graue (40 mm ; 59, 52 g) qui appartient à une collection privée, sans contexte archéologique connu. À l’avers, figure l’effigie d’Hercule, à gauche, avec la dépouille de lion et la massue ; au revers, au-dessus de trois globules qui indiquent la valeur de la monnaie, une proue de navire à gauche. Les exemplaires (8) trouvés dans la péninsule Ibérique doivent être mis en relation avec le début de la IIe guerre punique. (354) Id., Dos divisores de Gadir y Atenea/Atenea procedentes de Cástulo como elementos cartagineses de preguerra, dans Acta Numismática, XLVII, 2017, p. 65-72, 8 fig., s’intéresse à une demie obole et à une monnaie divisionnaire incertaine de Gadès, émises entre 237 et 218 et trouvées dans la zone de Cástulo (Jaén). Il faut les mettre en relation avec le soutien des Ibères à Carthage pour financer la seconde guerre punique.
4Nous avons retenu, pour l’archéologie, deux titres, d’abord celui d’un bas-relief qui atteste la pérennité de la mémoire d’Hannibal à l’époque impériale, puis un autre sur l’épave de Mahdia. (355) Polito E., I « Trionfi di Annibale Cartaginese ». Una lunetta da Villa Aldobrandini alla Glyptothek di Monaco e le lunette di Villa Albani, dans Bollettino d’Arte, 102, 2017, p. 57-68, 11 fig., rés. angl. p. 348. La galerie de la Villa Albani est décorée de bas-reliefs d’époque romaine insérés dans les parois. Deux d’entre eux sont similaires à un troisième, appartenant à la Glyptotek de Monaco, qui est aussi le mieux conservé ; tous proviendraient de la Villa Aldobrandini à Rome. Celui de Monaco est minutieusement décrit ; il doit être daté, comme les deux autres, de l’époque trajane (et non flavienne comme cela avait été proposé). (356) Halbertsma R., The Mahdia Shipwreck, dans Carthage : fact and myth, p. 85-89, rappelle l’importance de la découverte qui date de 1907.
Bibliographie
5La première guerre punique a intéressé cette année, outre bien sûr la seconde guerre punique, mais pas la troisième, et d’autres figures apparaissent aux côtés d’Hannibal qui a eu droit à une biographie. Le premier titre référencé a une portée générale sur une histoire qui fut surtout une affaire de mémoire nationale, puis les études suivantes seront présentées par ordre chronologique des événements. (357) Purcell N., The Non-Polis and the Game of Mirrors. Rome and Carthage in Ancient and Modern Comparison, dans Carthage and Rome, p. 332-349. Il semble qu’un traité entre Carthaginois et Romains ait été placé par Claudius Quadrigarius sur les « autels de Neptune » (Virg., Én., 108-110), qui peuvent être identifiés à l’île éphémère de Ferdinandea. Ce traité est peut-être celui de 306 av. J.-C., dont ne parle pas Polybe. À partir de cet épisode et de ce lieu, l’auteur analyse les regards croisés entre Rome et Carthage et étudie la construction de leur antagonisme sur le plan géographique (la mer), religieux et économique, en se fondant essentiellement sur Polybe. (358) Montenegro J. et Del Castillo A., Some Reflections on Hamilcar Barca and the Foundation of Acra Leuce, dans Athenaeum, 105, 2, 2017, p. 482-498, réfutent l’identification d’Akra Leucè, fondée par Hamilcar Barca en Ibérie (Diod., XXV, 10-3-4) à une cité de l’intérieur, car cette situation contrevient entièrement au récit de Diodore. Il faut penser au contraire à la situer entre le Guadalquivir et Segura, très vraisemblablement à l’emplacement de la future Carthago Noua. Celle-ci est attribuée à Hasdrubal : sans doute s’agissait-il d’une extension de la ville d’Hamilcar. En tout cas, les sources ne mentionnent plus Akra Leucè après la création de Carthago Noua. (359) Freyburger G., La religion dans les actes de Regulus, dans Guerre et religion, p. 101-108, considère comme historique le récit connu par Tite-Live, Cicéron et Aulu-Gelle, qui fait de Regulus une figure héroïque : du moins son retour à Carthage est-il vraisemblable. L’auteur rappelle d’abord ses arguments déjà développés en 2014 (publication en 2019), puis examine les aspects religieux des actes de Regulus qu’il faut comprendre dans le cadre de l’ancienne morale romaine, imprégnée du respect de la fides. (360) Díaz Sánchez C., Las influencias religiosas en las decisiones del poder durante la Segunda Guerra Púnica, dans Ideología y religión, p. 383-394. La religion était utilisée dans les deux camps pour galvaniser les soldats et pour exercer un contrôle social sur la population. (361) Ñaco del Hoyo T., “Conectividad”, integración militar y “estrés bélico” en el N.E. de Hispania Citerior (c. 125-100 a.C.), dans Roma en la península ibérica presertoriana. Escenarios de implantación militar provincial, édit. Principal J., Ñaco del Hoyo T., Dura M. et Mestres I., Barcelone (Instrumenta 56), 2017, p. 17-38. L’auteur réfléchit sur les événements militaires des dernières décennies du IIe s. av. J.-C. Il conclut que, avant la IIe Guerre punique, les chefs négociaient avec Rome la participation collective de leurs peuples aux guerres ; mais à la fin du IIe s., l’enrôlement des Ibères comme auxilia dans l’armée romaine était individuel. (362) Barceló P., Aníbal de Cartago. Un proyecto alternativo a la formación del imperio romano, Madrid, 2017 (1ère éd. 2000), 279 p. Cette très bonne biographie pour grand public est centrée sur la deuxième guerre punique. L’auteur considère que le fleuve Ibero ou Hiberus serait l’actuel Segura et que les Carthaginois ne respectent pas le traité de l’Èbre quand ils attaquent Sagonte. Par ailleurs, Hannibal n’aurait pas marché sur Rome après Cannes en raison des grandes pertes qu’il avait subies lui aussi. (363) Gharbi M., Le sacrifice d’Hannibal dans le lac Averne ou la « descente aux enfers » d’un général : à propos d’un épisode de la seconde guerre punique, dans Guerre et religion, p. 125-146, 1 carte. Le sacrifice au lac d’Averne ne serait, selon l’historien padouan, qu’un prétexte, une fraus de plus, destinée à tromper les Romains ; Hannibal aurait ensuite payé sa perfidie et son impiété en enchaînant les défaites à partir de l’été 214.
B. Monde punique
6Ce chapitre est à nouveau cette année très limité, même si on peut le compléter avec les chapitres précédents.
Sources
7La littérature n’est présente que par un titre sur Plaute, la numismatique par trois titres. (364) Garelli M.-H., Un personnage à la croisée des regards. Hannon dans le Poenulus de Plaute, dans Cahiers des Études Anciennes, LI, 2014, p. 183-201. Il existe deux lectures possibles de la personnalité d’Hannon dans le Poenulus de Plaute. La première stipule qu’il est un menteur pour deux raisons, en tant que Carthaginois et en tant que commerçant. La seconde adopte la position inverse en le dépouillant de toute intention : il n’est que l’image d’un Carthaginois créée pour les besoins de la pièce, avec tout ce que cela comporte de traits caractéristiques de son altérité. (365) Visonà P., More Greek Coins from Carthage and elsewhere in Tunisia, dans The Numismatic Chronicle, 176, 2016, p. 111-133, s’intéresse aux monnaies grecques présentes à Carthage et en Tunisie avant la conquête romaine. La plupart proviennent de sites côtiers. Différentes hypothèses, passées en revue par l’auteur, pourraient expliquer leur transport, qui ne fut pas très important au regard de la circulation monétaire générale, vers cette région d’Afrique. (366) Fernández Camacho P., Tuna across the Strait of Gibraltar : traces of a lost fishing myth ?, dans Euphrosyne, n. s., XLV, 2017, p. 41-57, rés. angl. Dans la colonie phénicienne de Gadir et dans les implantations alliées les monnaies représentent le thon sur un côté et Melqart de l’autre. Cette relation entre le dieu et le thon pourrait indiquer un lien entre un mythe local et un mythe de la pêche situé dans un territoire occidental selon la cosmogonie sémitique. L’auteure en analyse ses traces éventuelles dans les rituels, l’iconographie et les textes gréco-romains en relation avec Hercule et autres gens de mer en Occident, qui auraient pu être l’objet de diverses formes d’évhémérisme et de syncrétisme, sans oblitérer toutes les traces de la mythologie antérieure. (367) Puthod F., Une monnaie punique à Avenches : hypothèses de circulation, dans Phéniciens et Puniques en Méditerranée, p. 125-133, 4 fig. Seule monnaie punique mise au jour sur le territoire suisse parmi les 290 monnaies puniques inventoriées dans les collections publiques, son existence pose problème puisque la cité d’Avenches n’est fondée qu’à la fin du Ier siècle av. J.-C. Très usée, avec tête de Koré à l’avers et tête de cheval au revers, elle provient d’un atelier sarde actif au début du IIIe siècle av. J.-C., dont la production circulait en Sicile et en Afrique du Nord. Son usure prouve qu’elle a circulé longtemps avant son enfouissement et, parmi les hypothèses envisagées, l’auteur privilégie celle d’une circulation lente où la monnaie garde sa fonction économique bien qu’elle ne corresponde plus au numéraire qui circule localement.
8Les travaux d’archéologie permettent d’abonder un peu cette brève rubrique, avec un titre général sur la céramique, et les suivants présentés par sites, d’est en ouest. (368) Gharssalla S., Nouvelles données concernant la répartition géographique, typologique et chronologique des jarres à pointe dans le bassin occidental de la Méditerranée, dans Revue tunisienne d’archéologie, IV, 2017, p. 7-32, 3 tabl., 2 cartes. Cette forme fermée de céramique punique a été trouvée uniquement en contexte funéraire dans plusieurs sites tunisiens et un seul à l’extérieur, Cagliari. Cette catégorie n’a pas été vraiment étudiée pour elle-même jusqu’ici et sa terminologie reste diverse dans les publications, ce qui complique leur repérage. Elles n’ont pas de rapport avec la crémation et, lorsque leur position est connue dans la tombe, elles sont placées aux pieds des défunts, ce qui indique un rituel particulier. Elles contenaient probablement un liquide et étaient fermées par de l’argile. Trois faciès se dégagent, Carthage, Kerkouane et Sousse. Utilisées du IVe s. au milieu du IIe s. av. J.-C., présentant quelques différences morphologiques, elles sont propres à la civilisation punique des trois derniers siècles. (369) Drine A., Le sanctuaire de Gigthi(s), dans Vie et genres de vie au Maghreb, 2017, p. 189-198,14 fig. Le sanctuaire punique découvert dans la cité a livré trois stèles votives dont l’iconographie rappelle le monde punique : signe de Tanit, triangles, trapèzes, palmes. Elles témoignent d’un sanctuaire dédié à Baal Hamon et Tanit qui s’ajoute à d’autres déjà identifiés en Tripolitaine, un dans l’île de Djerba, un dans la presqu’île de Zarzis et trois autres en Libye actuelle. Ces stèles montrent les relations étroites qui unissaient la Tripolitaine à Carthage avant la destruction de celle-ci. (370) Ben Jerbania I., La production des amphores ovoïdes de type Africaine ancienne à Utique, avec une annexe de Capelli C., dans À l’origine des amphores romaines d’Afrique, III, p. 175-192, 9 fig. Les recherches récentes menées à Utique, un four construit en briques selon la tradition phénicienne et un dépotoir qui lui est sans doute associé, ont permis de livrer des céramiques « africaines anciennes » et d’importation. L’apport le plus intéressant concerne l’apparition dans cette cité d’amphores de type Africaine ancienne en association avec des amphores puniques et des céramiques communes. L’hypothèse d’une production locale de ce type amphorique paraît confirmée. Il faut sans doute abandonner l’idée d’une production en Tripolitaine (Tripolitaine I ancienne) en l’absence d’ateliers dans cette région et privilégier celle d’une production dans la partie nord-est de la Tunisie. Un catalogue du mobilier du dépotoir et une annexe présentant les résultats des analyses pétrographiques complètent l’article. (371) Nouri S.H., Le thème de la guerre sur les stèles votives de Carthage, dans Guerre et religion, p. 187-216, 52 fig., 1 pl., étudie ce répertoire, daté entre le IVe et le IIe s., à partir des motifs en lien avec la guerre puis en tenant compte de leur emplacement sur les stèles et de leur association avec d’autres motifs. Une dernière section présente un « Essai d’interprétation » qui montre les difficultés que nous avons à comprendre ce langage. (372) Acquaro E., La quaglia di Eracle/Melqart : un’inusuale escatologia funeraria punica in rasoi di Cartagine ?, dans Gerión, XXXV, 1, 2017, p. 11-17, rés. angl. Il s’agit d’une note sur l’iconographie de deux rasoirs puniques en bronze, découverts dans la nécropole de Sainte Monique à Carthage, que l’auteur avait déjà étudiés dans un catalogue (I rasoi punici, Rome, 1971) ; l’un d’eux est du IIIe s. (373) Nasr N., Deux colonnes de type hellénistique à Carthage, dans Vie et genres de vie au Maghreb, p. 199-208, 15 fig. Deux éléments architectoniques illustrent un certain engouement pour l’art grec à Carthage : une colonnette en grès et un fût de colonne en calcaire. Le fût, d’une hauteur de 135 cm, représente un atlante d’âge mûr à la chevelure bouclée et doté d’une barbe abondante et d’une moustache. La colonnette monolithe provient d’une maison de Byrsa et date de la première moitié du IIe siècle av. J.-C. ; sa base est peinte en noir et elle est de type ionique attique. Des comparaisons sont établies avec quelques monuments grecs. (374) El Khayari A., Sur un lixitain de « hškšy » dans une dédicace punique, découverte à CISSI (Cap Djinet, Algérie), dans Bulletin d’archéologie marocaine, XXIII, 2016, p. 109-118, 3 fig. Cette inscription votive datée du IIe s. av. J.-C. mentionne une ville de Maurétanie occidentale, Lixus, pour laquelle est mentionnée une assemblée du peuple. L’auteur suppose que le qualificatif HŠKŠY du dédicant correspond à un ethnique de la tribu des Sokossioi mentionnée par Ptolémée au nord de la Maurétanie tingitane. Et l’on termine cette rubrique par la Sicile. (375) Russenberger C., Modalités archéologiques de la présence punique à l’intérieur de la Sicile occidentale au début de la période hellénistique : l’exemple de Monte Iato, dans Phéniciens et Puniques en Méditerranée, p. 79-99, 6 fig., reprend un travail déjà évoqué dans Karthago Dialogue. Située dans la région occidentale de la Sicile, sous influence carthaginoise, cette cité présente des indices de « punicisation » dans la préparation de la nourriture et dans la religion alors que ceux-ci n’apparaissent pas dans la sphère politique, ce qui suggère une large autonomie sous la règle carthaginoise. À compléter avec (376) Palaczyk M., Punischen Amphoren aus Iaitas – eine typologische Betrachtung, ibidem, p. 101-117, 4 fig., 2 tabl. Le matériel montre de façon évidente que les importations venaient surtout de la région nord-ouest de la Sicile sous domination carthaginoise. Les deux types d’amphores présentés datent du IVe siècle et de la première moitié du IIIe.
C. Royaumes africains
9On reste sur un mode sobre avec ce chapitre qui a trait à une période pourtant d’une grande richesse documentaire ; ses problématiques pourraient être renouvelées dans le cadre des recherches transméditerranéennes.
Sources
10Les grandes catégories de sources sont présentes, même si leur exploitation reste limitée. En littérature, mentionnons deux études générales d’abord, qui seront suivies des travaux par auteurs anciens. (377) Cazeaux M., « Dia tèn pros theous kai tous anthrôpous athesian » (Polybe, XIV.1.4). Les alliés numides de la deuxième guerre punique dans leurs rapports aux dieux et aux hommes, dans Guerre et religion, p. 65-78. Les sources grecques et romaines proposent des constructions littéraires des acteurs des guerres, selon des filtres idéologiques précis. Massinissa apparaît ainsi comme un modèle de piété, et Syphax comme l’incarnation de la perfidie. Tite-Live, Silius Italicus, Appien sont tour à tour étudiés et comparés. Or, les monnaies des deux rois confirment ces topoi : Syphax se fait représenter comme un chef de guerre, Massinissa a choisi des motifs qui évoquent sa capacité de paix et sa fides, et l’empreinte du sacré y est plus visible. (378) Lefebvre S., Massinissa et Rome à l’aune des sources littéraires, dans Numidie (La-), Massinissa et l’histoire, p. 123-168. Les relations établies entre Massinissa et Rome ne sont connues que par des auteurs qui leur sont favorables. De plus, Salluste, Tite-Live et Appien ont écrit à des époques différentes. Pour mieux comprendre la situation, il faut aussi analyser les mots comme rex ou amicitia. (379) Desanges J., Le Massinissa de Strabon, ibidem, p. 87-91. Strabon (XVII, 3) n’a pas eu une connaissance directe de l’Afrique et le portrait qu’il brosse de Massinissa montre la limite de son enquête, faiblesse qui s’explique par sa mauvaise utilisation des sources. (380) Salluste. La guerre de Jugurtha, édit. Ghiglion N., Paris, 2017, 137 p. Cet ouvrage propose une nouvelle traduction française du traité de Salluste (sans le texte latin), précédée d’une courte introduction. Cela en fait une édition jolie et commode à destination du grand public. (381) Babaapu Kabilayi F., Personnages et signification dans le Bellum Iugurthinum de Salluste, dans Revue Africaine des Études Latines, III, 2017, p. 67-79, rappelle le contenu du traité, avant d’esquisser une analyse « actantielle » dont nous n’avons pas saisi toutes les finesses.
11La numismatique royale est bien présente avec trois titres pour un Bocchus, Jugurtha et Juba II. (382) Amela Valverde L., Moneta inedita de Siga (Numidia Occidental), dans Varia Nummorum, VII, Barcelone, 2017, p. 189-196, ill. Mis en vente par un cabinet de numismatique, ce bronze de 4,03 g porte au droit un visage barbu à droite et au revers un cavalier à droite, avec la légende SYG‘N. Après un bref rappel de ce qui est connu sur la ville de Siga, l’auteur présente les émissions royales de Numidie et il attribue cette pièce à un Bocchus, Bocchus I ou II. (383) Alexandropoulos J., Les monnaies numides de plomb et la guerre de Jugurtha, dans Numidie (La-), Massinissa et l’histoire, p. 223-233. La découverte de monnaies de plomb dans une épave et leur présence dans le trésor de Constantine incitent à les dater de la guerre de Jugurtha. (384) Spoerri Butcher M., Juba II de Maurétanie (25 a.C.-24 p.C.). Quelques réflexions concernant le classement du numéraire d’argent non daté, dans Rome et les provinces. Monnayage et Histoire. Mélanges offerts à Michel Amandry, édit. Bricault L., Burnett A., Drost V. et Suspène A., Bordeaux, 2017, p. 123-132, 60 fig. L’auteure propose des hypothèses de classement au sein du règne de Juba II, pour un certain nombre de monnaies du roi non datées : sont concernées celles qui sont frappées au portrait de Ptolémée, fils de Juba, et celles à la figure du lion. L’épigraphie compte un titre, et l’archéologie un peu plus. (385) Khanoussi M., Le(s ?) maqdes de Massinissa et le culte royal en Numidie orientale, dans Numidie (La-), Massinissa et l’histoire, p. 253-260. La célèbre inscription bilingue de Dougga marquait un monument cultuel (maqdes) érigé en l’honneur de Massinissa après sa mort. (386) Laporte J.-P., Une tête inconnue de Juba II, roi de Maurétanie (25 av. J.-C.-23 ap. J.-C.), dans Ikosim, VI, 2017, p. 173-174, 2 fig., pl. IV. 1-2. Le 13 décembre 2015 était mis en vente un très beau portrait en marbre (30 cm H.) de Juba II à l’Hôtel de ventes de Sceaux. Le vendeur et l’acheteur sont inconnus. Le roi est représenté jeune et imberbe, diadémé, la tête légèrement inclinée vers la droite. La qualité de l’œuvre laisse supposer qu’elle provient de Cherchell. (387) Draycott J., Dynastic politics, defeat, decadence and dining : Cleopatra Selene on the so-called Africa dish from the Villa della Pisanella at Boscoreale, dans Papers of the British School at Rome, LXXX, 2012, p. 45-64, ill., rés. ital. Nous réparons ici un oubli. L’auteur examine le plat dit Africa appartenant au service de table trouvé dans la Villa della Pisanella détruite lors de l’éruption du Vésuve. Son iconographie suggère que la femme au centre est Cléopâtre Séléné et, parmi les attributs qui l’entourent, se trouvent des références à ses parents, Cléopâtre VII et Marc Antoine, ainsi qu’à ses frères, à son mari le roi Juba II de Maurétanie et à son ancêtre mythique, Hercule. Un seul titre (388) Bouchenaki M., Contribution à la connaissance de la Numidie avant la conquête romaine, les sources historiques et archéologiques, dans Numidie (La-), Massinissa et l’histoire, 2017, p. 79-85, fait le point sur les connaissances acquises à propos des grands mausolées, et il célèbre la coopération entre l’Algérie et l’Allemagne dans le domaine archéologique.
Bibliographie
12C’est clairement à nouveau Massinissa qui a polarisé l’attention, grâce à un colloque qui n’est malheureusement pas diffusé en France. (389) Numidie (La-), Massinissa et l’histoire : La Numidie, Massinissa et l’histoire. Actes du colloque international (Constantine, les 14, 15 et 16 mai 2016), Libyca, n. s., II, 2017, 336 p., ill. (390) Ghaki M., Questions autour d’un « siècle numide » (205-105 av. J.-C.), ibidem, p. 203-221, rappelle que cette période fut riche en événements : intervention de la Numidie dans la deuxième guerre punique, expansion du royaume de Massinissa, et attitude de Rome à l’égard de la Numidie post-Massinissa et à l’égard de Jugurtha. (391) Aït Amara O., Le rôle de Massinissa dans la deuxième guerre punique, ibidem, p. 169-196, commence par brosser un portrait de Massinissa. Elle explique ensuite les motivations de sa politique « pro-romaine », décrit les forces en présence et l’organisation de son armée, ce qui permet de comprendre ses exploits militaires. (392) Ead., Massinissa et la sédentarisation du peuple numide, dans Vie et genres de vie au Maghreb, p. 23-42, 6 fig. Le roi numide ne fut pas à l’origine de l’agriculture dans son royaume, ni de la sédentarisation de ses sujets, mais il encouragea la production agricole et le commerce. Cette politique favorisa l’essor économique et l’urbanisation de ses territoires. (393) Fantar M., La politique culturelle de Massinissa, dans Numidie (La-), Massinissa et l’histoire, p. 241-248. Massinissa s’est trouvé pris dans un univers polyculturel, où coexistaient des traditions latines, grecques, puniques et libyques. Il a dû mettre en place une politique culturelle, notamment dans les domaines de la langue, de la religion et de l’architecture. (394) Mastino A. et Frau S., Jugurtha contre l’impérialisme romain à la tête de la natio des Numidae, ibidem, p. 93-115. Il est bien connu que Salluste admirait Jugurtha, en qui il voyait un digne héritier de Massinissa. D’une manière plus générale, il apparaît comme une victime de l’impérialisme de Rome. La tentative de Curion, la bataille de Thapsus et la politique de César justifient cette explication. (395) Domínguez Monedero A.J., Rex Iuba, monarca e intelectual helenístico, y la Hispania de Augusto, dans Gerión, XXXV, 2017, p. 61-85, offre une synthèse adossée à une bibliographie à jour, sur les relations que le souverain entretenait avec l’Espagne, notamment avec Gades et Carthago Noua.
D. La province d’Afrique
13La part des études relatives à la province républicaine se maintient à un niveau très bas cette année encore, tant pour l’étude des sources que pour la bibliographie.
Sources
14Au chapitre des sources littétaires, paraissent deux titres sur Térence et César. (396) Antologia terenziana, édit. Stramaglia A. et Valente F., Bologne, 2017, 232 p., index. Ce volume propose une sélection d’extraits tirés de l’œuvre du poète d’origine africaine Térence, replacés dans leur contexte historique et accompagnés de commentaires. (397) Porte F., César et la « surprise stratégique » : logistique et guerre hivernale lors des campagnes de César en Épire et en Afrique (48-46 av. J.-C.), dans Aquila Legionis, XX, 2017, p. 61-81, rés. fr., angl. et esp., reconsidère à partir du Bellum ciuile les compétences de César en tant que chef de guerre, notamment du point de vue de la logistique. La recherche de l’effet de surprise sur le plan stratégique expliquerait l’impréparation de ses armées. Les difficultés logistiques rencontrées seraient donc le corollaire de l’habileté tactique du général. L’archéologie se résume aux amphores africaines. (398) Benquet L. et Capelli C., Les amphores africaines dans la région toulousaine aux IIe et Ier s. av. n. è., dans À l’origine des amphores romaines d’Afrique, III, p. 193-206, 8 fig., 7 tabl., rés. angl. Une analyse du matériel provenant de fouilles anciennes et d’opérations préventives récentes montre que les importations africaines sont restées rares au milieu du IIe s. av. J.-C. et qu’elles concernaient surtout des contextes métallurgiques. Elles augmentent nettement au cours de la première moitié du Ier s. av. J.-C., mais restent peu représentées par rapport au matériel italique, avant de se raréfier au cours de la période augustéenne. Quelques fragments d’amphores de type punique ont été aussi reconnus. L’analyse pétrographique des amphores africaines précoces permet d’isoler neuf groupes de pâte, rendant compte de provenances variées, surtout de Tunisie septentrionale (« africaines anciennes ») et l’analyse typologique montre une grande variété de formes.
Bibliographie
15C’est la gouvernance de la province qui a mobilisé les chercheurs, de manière plus ou moins précise. Nous commençons par les synthèses générales. (399) Morrell K., Pompey, Cato, and the Governance of the Roman Empire, Oxford/New York, 2017, 309 p., index. Cette monographie livre une approche du fondement doctrinal des mesures introduites dans le système romain d’administration provinciale au cours des dernières décennies de la République, en se concentrant particulièrement sur le rôle qu’y ont joué deux acteurs remarquables de l’époque : Pompée et M. Porcius Cato. L’Afrique est cependant peu présente, excepté l’Égypte. (400) Gargola D.J., The Shape of the Roman Order. The Republic and its Spaces, Chapel Hill (Caroline du Nord), 2017, XIV-289 p., cartes, index. Dans cet ouvrage centré sur Rome et l’Italie, le lecteur ne trouvera aucune référence à l’Afrique, même lorsqu’il est question de la lex agraria de 111 av. J.-C. et de la gestion des provinces. On comprend peut-être mieux cette « impasse » en lisant l’article suivant. (401) Id., Was there a regular Provincia Africa in the second century ?, dans Historia, LXVI, 3, 2017, p. 331-361. L’auteur met en cause l’affirmation traditionnelle selon laquelle l’Africa serait une province dès 146. Les sources semblent attester que le Sénat n’envoya de gouverneur chaque année qu’après la guerre de Jugurtha. Le contrôle sur l’Africa passait par d’autres voies que l’envoi régulier d’un proconsul. (402) Christol M. et Mokni S., L’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien et la Pertica de Carthage, dans Institutions municipales, p. 11-28. Des triomphes ex Africa se sont déroulés à partir de 35 av. J.-C. et les auteurs proposent de réviser la date traditionnelle de la réunion des deux provinces, l’Africa noua et l’Africa vetus. Elle aurait eu lieu non en 27 apr. J.-C. mais probablement à l’époque triumvirale. Cette proposition permettrait de mieux comprendre la composition de la source utilisée par Pline l’Ancien, qui s’appuie sur de nombreuses informations de cette période, et une attention particulière est accordée aux chapitres 29-30 du l. V de l’HN. Cette antériorité permettrait aussi de préciser le processus de mise en place de la colonie de Carthage et l’intégration de communautés locales au sein de sa vaste pertica. Les auteurs proposent de lier la création de cette pertica et la création des pagi de citoyens romains à Vchi Maius et à Thugga à l’action d’Octave en 28 av. J.- C.
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