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Chapitre 1. Les données du tirage au sort : candidats et provinces (227-124)
p. 31-78
Texte intégral
1Pour restituer le déroulement de la procédure du tirage au sort des provinces consulaires et prétoriennes entre 227 et 124, il est dans un premier temps nécessaire de replacer celle-ci dans le jeu institutionnel et politique, en analysant les étapes qui l’encadraient, de la désignation des candidats et des provinces en amont jusqu’à l’acceptation des résultats en aval. L’enquête repose surtout sur les informations données par Tite-Live, dont le récit est organisé, année après année, selon un schéma récurrent : élection, entrée en charge, vote des décrets de prouinciis, sortitio des provinces, vote des décrets de prorogatione, ornatio.
2Ce chapitre, qui constitue le premier des trois volets consacrés à l’étude de la sortitio prouinciarum dans les années 227-124, cherche à décrire la première étape de la procédure, c’est-à-dire la manière dont on sélectionnait, avant de procéder à la sortitio, les deux données ou variables du tirage au sort : les candidats d’une part et les provinces d’autre part. Quels étaient les critères qui permettaient de sélectionner les candidats et les provinces ? Le nombre de candidats à la sortitio prouinciarum était-il égal à celui des provinces à tirer au sort ? Quelle influence exerçaient les candidats sur le processus d’assignation des provinces ? Loin d’être anecdotique, la manière dont on définissait les variables de la sortitio avait une influence cruciale sur le résultat du tirage. À l’inverse de l’Athènes de l’époque classique, les Romains faisaient en effet toujours usage du tirage au sort pour répartir des provinces définies au préalable par le Sénat ou pour sélectionner des candidats dans un cercle restreint de magistrats ou d’anciens magistrats1. La méthode aléatoire n’était donc employée qu’une fois que des choix fondés sur la raison et la délibération avaient été effectués. L’examen des modalités de sélection des candidats et des provinces permet ainsi de comprendre comment le résultat de la sortitio prouinciarum pouvait être orienté ou manipulé en amont, et quelle place était réellement laissée au hasard dans la procédure d’attribution des provinces. Il offre en outre un angle intéressant pour évaluer le rôle respectif que jouaient le Sénat, le peuple et les magistrats au moment de répartir les provinces, les contraintes qu’ils devaient respecter et à l’inverse la part de liberté dont ils disposaient.
1.1. La première variable : les candidats
3Il faut d’emblée rappeler un fait essentiel : jusqu’au vote de la loi de Pompée sur les provinces de 52, le tirage au sort des provinces consulaires et prétoriennes fut réservé, chaque année, aux consuls et aux préteurs en exercice. Les élections avaient ainsi lieu chaque année avant la sortitio, puis les deux consuls tiraient au sort les provinces consulaires, tandis que les préteurs tiraient au sort les provinces prétoriennes. Le peuple désignait donc, par le biais de l’élection, les magistrats qui allaient ensuite participer à la sortitio prouinciarum2. Les magistrats élus étaient d’ailleurs probablement candidats de iure à celle-ci. Rien dans les sources n’indique en tout cas que leurs compétences, leur expérience ou encore leur situation personnelle faisaient l’objet d’une discussion au Sénat et conditionnaient leur admission au tirage au sort des provinces.
1.1.1. Le nombre de candidats à la sortitio prouinciarum
4Le nombre de consuls et de préteurs en charge qui participaient à la sortitio prouinciarum était une variable essentielle de la procédure. En effet, lorsqu’un grand nombre de magistrats prenait part au tirage, celui-ci était mathématiquement plus aléatoire et plus difficile à manipuler que lorsqu’un petit nombre de magistrats tirait au sort les provinces.
5Le nombre de participants à la sortitio prouinciarum était fixé par les lois qui encadraient l’exercice du consulat et de la préture. Si le nombre de consuls resta inchangé tout au long de l’époque républicaine – deux consuls étaient élus chaque année et tiraient au sort, jusqu’à la réforme de Pompée de 52, les provinces consulaires –, le nombre de préteurs connut en revanche de nombreuses transformations. Avant 227, les préteurs étaient au nombre de deux : un préteur était traditionnellement chargé de rendre la justice entre citoyens romains et un autre de rendre la justice entre citoyens romains et pérégrins3. Nous utiliserons par commodité dans cet ouvrage les termes « préteur urbain » et « préteur pérégrin », forgés par T. Mommsen, pour nommer ces deux préteurs bien que, comme le souligne T. C. Brennan, Tite-Live n’emploie jamais l’expression praetor urbanus dans sa seconde pentade4 et qu’il désigne la préture pérégrine de diverses manières5. En 227, deux nouveaux préteurs furent créés pour administrer les provinces extra-italiques de Sicile et de Sardaigne, ce qui porta leur nombre à quatre6. Pour comprendre la naissance des premiers préteurs extra-italiques en 227, il faut prendre en compte le fait que le praetor inter peregrinos fut peut-être initialement affecté à la Sicile en 2417, avant sa transformation en praetor peregrinos en 227, quand la Sicile et la Sardaigne devinrent des provinces8. En 197, le nombre de préteurs fut finalement élevé à six9.
6Les accroissements successifs du nombre de préteurs, en 227 et en 197, firent certainement l’objet de lois : J.-L. Ferrary, raisonnant à partir de l’époque syllanienne, souligne que l’existence d’une lex Cornelia de XX quaestoribus, prouvée par une indication sur une table de bronze10, ne permet guère de douter qu’il y eut, de la même façon, une lex Cornelia de VIII praetoribus ; cette dernière laisse à son tour supposer de précédentes lois de IIII, puis de VI praetoribus en 228 et 198 (leges rogatae ou plébiscites)11. Il paraît de toute façon improbable que l’augmentation du nombre de préteurs eût fait l’objet d’un simple sénatus-consulte mis en œuvre par le consul qui présida les comices prétoriens pour 227 ou 19712.
7En 181, une lex Baebia, dont le rogator était le consul M. Baebius Tamphilus, modifia ponctuellement le nombre de préteurs en imposant que fussent élus, alternativement, des collèges annuels de six ou de quatre membres ; lorsque quatre préteurs étaient élus, deux anciens préteurs étaient alors prorogés par le Sénat, le plus souvent en Hispanie13. Tite-Live, qui est le seul auteur à évoquer cette loi, rapporte ainsi qu’en 179, « après bien des années, quatre préteurs furent élus conformément à la lex Baebia qui prescrivait d’en élire quatre un an sur deux » (praetores quattuor post multos annos, lege Baebia creati, quae alternis quaternos iudebat creari14). La date du vote de la lex Baebia sur le nombre de préteurs est, comme celle de nombreuses lois romaines, difficile à déterminer : en 179, ainsi que le suggère Tite-Live ? Avant 179 ? La mention post multos annos (« après bien des années ») pose en outre des problèmes d’interprétation : si l’on peut comprendre que cette loi fut votée en 179, mais appliquée bien après, on peut aussi y voir une allusion au retour, en 179, à la situation d’avant 198, c’est-à-dire aux collèges de six préteurs. Bien que les débats ne soient pas clos, la lex Baebia sur le nombre de provinces est aujourd’hui communément datée de 181, année où fut votée la lex Baebia contre la brigue électorale (de ambitu)15. Les deux leges Baebiae furent en effet probablement présentées aux comices en même temps puisqu’elles poursuivaient des objectifs communs : la lutte contre la corruption lors des élections consulaires impliquait de réorganiser le cursus honorum, après les irrégularités observées pendant la deuxième guerre punique et les guerres macédoniennes, et d’atténuer la compétition pour le consulat en réduisant le nombre de préteurs16.
8La période durant laquelle la lex Baebia sur le nombre de préteurs fut appliquée reste mal connue. On sait avec certitude que cette loi fut en vigueur en 179 puisque Tite-Live mentionne l’élection de quatre préteurs pour cette année-là17, et de six préteurs pour 17818. La loi fut probablement aussi appliquée en 177. Certes, si l’on suit l’annaliste, six préteurs et non quatre furent élus pour 17719. Toutefois, deux de ces six préteurs, Cn. Cornelius Scipio et C. Valerius Laevinus, appartenaient déjà au collège prétorien de 17920 – un fait que Tite-Live ne rapporte pas alors qu’il mentionne à l’inverse que P. Aelius Tubero fut élu en 177 à la préture « pour la seconde fois » (iterum21). Les incohérences du récit suggèrent que le texte livien a subi en cet endroit une interpolation ou bien qu’il résulte d’un faux22 : mieux vaut penser que quatre préteurs furent élus pour 177 conformément à la lex Baebia, et qu’après la sortitio prétorienne Cn. Cornelius Scipio et C. Valerius Laevinus, prr. 179, furent prorogés une nouvelle fois en Hispanie. En 176, la lex Baebia sur le nombre de préteurs fut peut-être encore appliquée puisque six préteurs furent cette fois-ci proclamés23. Une lacune dans le récit de Tite-Live nous prive ensuite de la liste de préteurs pour 175 et 174. À la fin de l’année 174, six préteurs furent en tout cas élus pour 17324, et ainsi de suite chaque année sans qu’on trouve trace de l’ancienne alternance. On revint donc entre 177 et 174, et peut-être dès 17625, à des collèges prétoriens composés de six membres. L’existence d’une loi d’abrogation de la lex Baebia, quoique non attestée par Tite-Live, doit être supposée dans la mesure où l’abrogation totale ou partielle d’une loi ne pouvait se faire que par le moyen d’une autre loi (ou plébiscite)26.
9La manière dont fut mis en place le roulement des collèges prétoriens après le vote de la lex Baebia pose enfin problème : commença-t-on par élire six préteurs fin 181 pour 180, ou par en élire quatre ? T. Mommsen suggère que le roulement débuta par une année à six préteurs afin de ne pas trop léser les aristocrates qui souhaitaient en 181, au moment où la lex Baebia fut votée, se présenter aux élections à la préture27. Si l’on accepte de suivre cette hypothèse, il faut en déduire que la loi fut votée et appliquée dès 181 : six préteurs furent ainsi élus en 181 pour 180 et seulement quatre en 180 pour 179. Le roulement était donc le suivant : six préteurs participaient au tirage au sort des provinces prétoriennes les années paires contre quatre les années impaires.
Tab. 2 – Évolution du nombre de candidats aux tirages au sort des provinces (218-167).
Nombre de candidats au tirage au sort consulaire | Nombre de candidats au tirage au sort prétorien | |
228-198 | 2 | 4 |
198-180 | 6 | |
180-176 | 6 les années paires 4 les années impaires | |
175-167 | 6 |
1.1.2. Les variations ponctuelles du nombre de candidats
10Le nombre des candidats se présentant à la sortitio prouinciarum pouvait varier d’année en année en raison des évolutions de la législation, mais aussi, de manière plus ponctuelle, de l’état de santé, de l’âge ou de la bonne volonté des magistrats. Il pouvait en effet arriver que des consuls ou des préteurs mourussent avant de tirer au sort leur province, ou qu’ils décidassent de renoncer à leur magistrature (abdicatio) ou au bénéfice du tirage au sort (excusatio).
11La procédure de l’excusatio, qui influait sur le fonctionnement de la sortitio prouinciarum, n’a jamais, à notre connaissance, fait l’objet d’une étude spécifique et reste mal connue28. Si l’existence de cette procédure est attestée pour l’époque médio-républicaine, il faut toutefois signaler qu’entre les années 227 et 124 peu de magistrats renoncèrent à tirer au sort des provinces ou aux provinces qu’ils avaient tirées au sort : seuls deux exemples d’excusationes sont ainsi mentionnés par les sources, en 176 et en 205. Leur faible nombre suggère d’ailleurs que la participation au tirage au sort des provinces était un moment important dans la carrière des aristocrates. Recevoir une province offrait en effet bien souvent aux magistrats la possibilité d’obtenir la gloire militaire ou de faire fortune, en particulier à une époque où l’État disposait de peu de moyens pour contrôler a posteriori leurs actions dans les provinces.
1.1.2.1. Définition de l’excusatio
12Tout magistrat curule pouvait renoncer de lui-même, en présentant une excuse recevable (excusatio), à se porter candidat au tirage au sort ou, après que la sortitio avait été effectuée, à se rendre dans la province qu’il avait tirée au sort – il devait alors y renoncer avant d’accomplir sa profectio. Le fait de renoncer à une province devait être justifié, et cette justification pouvait être acceptée ou non par le Sénat. L’excusatio n’était ainsi pas l’équivalent d’une abdicatio : une fois excusé, le magistrat continuait à exercer sa magistrature et pouvait recevoir d’autres missions.
13Tite-Live emploie toujours le terme excusatio pour désigner la procédure par laquelle un magistrat déclarait renoncer à participer au tirage au sort ou au bénéfice de ce tirage. Ce vocable, communément utilisé à l’époque impériale29, était certainement d’usage plus ancien. D’autres termes permettaient cependant de caractériser le fait de renoncer à participer au tirage au sort ou au résultat de celui-ci à l’époque républicaine. Cicéron et ses commentateurs emploient ainsi les verbes deponere, repudiare, contemnere ou neglegere pour qualifier cette pratique et l’on ne trouve pas dans leurs écrits mention du terme excusatio. Le verbe nolle (refuser), qui appartient au vocabulaire augural, sert enfin à désigner le refus d’une province, et l’utilisation de ce terme technique par Cicéron n’est probablement pas fortuite dans la mesure où l’orateur était lui-même augure.
14L’excusatio était certainement une procédure commune à toutes les sortitiones civiques et, plus généralement, il semble que le recours à l’excusatio permettait à un magistrat ou à un sénateur de renoncer à participer à n’importe quelle réunion publique : un aristocrate qui s’était porté candidat à une élection pouvait par ce biais renoncer à sa candidature, un sénateur renoncer à participer à une réunion du Sénat ou à siéger dans une quaestio alors que sa présence était requise30, et ainsi de suite. Selon Aulu-Gelle, dès le IIe siècle, une jeune fille remplissant les conditions pour être vestale pouvait aussi, en fonction de sa situation familiale, choisir de ne pas participer au tirage au sort31. De manière générale, la participation au tirage au sort semble avoir résulté d’un acte volontaire dans le monde gréco-latin. Ainsi, dans l’Athènes classique, on ne tirait pas au sort parmi l’ensemble des citoyens de plus de trente ans, mais seulement parmi ceux qui s’étaient portés librement « candidats » au tirage au sort32.
1.1.2.2. Justifications de l’excusatio
15Plusieurs prétextes pouvaient être invoqués par le magistrat qui souhaitait renoncer à tirer au sort une province ou à une province qu’il avait déjà obtenue.
161) Il était tout d’abord possible d’invoquer des obligations religieuses à remplir. En 205, le consul P. Licinius Crassus renonça ainsi à tirer au sort les provinces consulaires pour des raisons religieuses et la province d’Afrique fut attribuée extra sortem à son collègue P. Cornelius Scipio Africanus33. Dans un discours prononcé devant les sénateurs, Scipio Africanus aurait ainsi défendu, non sans mauvaise foi, l’excusatio de son collègue en rappelant que « [c’était] seulement pour ne pas être éloigné des cérémonies religieuses, en tant que grand pontife, qu’il (sc. Crassus) [n’était] pas allé prendre part au tirage au sort d’une province si lointaine (ideo in sortem tam longinquae prouinciae non euenit)34 ». Plutarque nuance toutefois cette explication et suggère que Crassus renonça au tirage au sort « soit parce qu’il avait un caractère doux et n’aimait pas les querelles, soit par respect de la loi religieuse, car il était souverain pontife35 ». Si Crassus renonça officiellement à tirer au sort une province consulaire extra-urbaine par « respect de la loi religieuse », il y fut donc peut-être poussé par son collègue Scipion, qui souhaitait ardemment être envoyé en Afrique.
17Un passage de Tite-Live mentionne également les requêtes de trois des préteurs de 176, qui demandèrent, pour des motifs divers, à ne pas partir dans les provinces qu’ils avaient tirées au sort36. L’un d’entre eux, P. Licinius Crassus, qui avait obtenu la province d’Hispanie citérieure, demanda à être excusé du tirage au sort en raison d’un sacrifice solennel qu’il s’était engagé à effectuer (P. Licinius Crassus sacrificiis se impediri sollemnibus excusabat)37. Quant à M. Popilius Laenas, il rappela que la Sardaigne, qu’il avait tirée au sort, était alors commandée par Ti. Sempronius Gracchus (cos. 177, prorogé en Sardaigne en 176) et qu’il eût été contre-productif de remplacer ce dernier au moment où il était en train de pacifier la province. Cet argument était probablement légitime : la question de la continuité du commandement était en effet un problème important et la lex Baebia avait généralisé le principe de la prorogation en Hispanie une année sur deux à partir de 181. Après que les excuses de M. Populius Laenas et P. Licinius Crassus eurent été acceptées, le Sénat prorogea M. Titinius Curvus et T. Fonteius Capito en Hispanie et leur octroya des troupes38, tandis que Ti. Sempronius Gracchus fut prorogé en Sardaigne39. Nous ne savons pas quel fut le prétexte invoqué par M. Cornelius Scipio Maluginensis, le préteur qui avait tiré au sort l’Hispanie ultérieure, pour ne pas partir pour sa province : l’excuse avancée fut toutefois certainement refusée par le Sénat puisque Tite-Live rapporte qu’en 174 fut exclu du Sénat Maluginensis qui, deux ans auparavant, avait été préteur en Hispanie40.
182) Le magistrat pouvait également, pour renoncer au tirage au sort, faire valoir qu’il ne pouvait quitter Rome, soit qu’il eût une santé trop fragile (excusatio ualetudinis), soit que sa situation familiale nécessitât sa présence dans l’Vrbs. L’excusatio ualetudinis fut ainsi plusieurs fois présentée entre 227 et 124 par des magistrats qui souhaitaient retirer leur candidature à une élection. T. Manlius Torquatus, désigné consul par le vote de la centurie prérogative Voturia des iunores, retira finalement sa candidature au motif qu’il était infirme : « il s’excusa, en invoquant ses yeux malades (oculorum ualetudinem excusauit) […] [et] ses oreilles [qui] venaient tout juste de se reposer du bruit et du tumulte causés par un ennemi qui avait failli, peu de mois auparavant, mettre le feu aux remparts de Rome41 ». La centurie prérogative, conseillée par les seniores, procéda alors à un nouveau vote et élut M. Valerius Laevinus et M. Claudius Marcellus, en leur absence, pour l’année 21042. Tite-Live fait également mention, à propos de l’arrivée de Micythion, le chef de la délégation chalcidienne au Sénat en 170, d’une excusatio ualetudinis43. Si Micythion était chalcidien, le contexte du récit et le vocabulaire employé par Tite-Live reflètent les usages du Sénat romain, qui seul pouvait libérer l’ambassadeur de son obligation de faire un rapport sur sa mission. Par analogie, on supposera que l’excusatio pour raison de santé invoquée par Micythion pouvait être utilisée pour renoncer à tirer au sort une province ou à partir dans une province. On sait d’ailleurs que ce type d’excuse fut convoqué au Ier siècle dans le cadre de la sortitio prouinciarum. En 49, L. Aelius Tubero fut ainsi désigné candidat au tirage au sort des provinces prétoriennes par sénatus-consulte et une sors sur laquelle était inscrit son nom fut jetée dans l’urne (Tuberonis sors coniecta est ex senatus consulto), alors « qu’il était absent, et même retenu par la maladie » (cum ipse non adesset, morbo etiam impediretur). Cicéron souligne que la procédure suivie ne fut pas conforme à la règle, car Tubero, absent de Rome le jour du tirage au sort, n’eut pas la possibilité de s’excuser (statuerat excusari), c’est-à-dire de renoncer à tirer au sort, alors qu’il était malade. Il céda à l’autorité de César et partit pour la province d’Afrique, qu’il reçut par sortitio44.
193) Le magistrat pouvait enfin probablement arguer, pour éviter de tirer au sort ou de renoncer au bénéfice du tirage au sort, qu’il était trop âgé : là encore, si les sources ne rapportent aucune excuse de ce type pour la période qui va de 227 à 124, on sait en revanche que César, dans sa réponse à L. Afranius, un Pompéien, mentionne qu’après le vote de la lex Pompeia de prouinciis « l’excuse (excusationem) même de l’âge [n’était] plus admise, puisque des chefs qui [avaient] fait leurs preuves dans les guerres précédentes [étaient] rappelés à un commandement d’armée45 » – ce qui suggère qu’une telle excuse était recevable avant. Nous ne savons toutefois pas à partir de quel âge on pouvait être autorisé à renoncer au tirage au sort. On peut supposer que seuls les magistrats qui avaient plus de 60 ans, i.e. l’âge limite pour mobiliser des soldats, pouvaient faire valoir leur ancienneté pour renoncer à participer à la sortitio prouinciarum46. Les candidats qui avaient atteint la soixantaine devaient de toute manière être peu nombreux et il n’est pas sûr qu’il faille voir dans l’invocation d’un âge avancé une excuse réaliste ; elle était probablement au mieux, comme la mauvaise santé, un prétexte acceptable que pouvaient utiliser les magistrats pour renoncer à une province sans que cela attentât à leur dignité.
20L’étude des prétextes qui pouvaient être invoqués par les magistrats pour renoncer à tirer au sort une province ou à une province qu’ils avaient tirée au sort offre plusieurs renseignements sur la procédure de l’excusatio. Les candidats qui décidaient de renoncer au tirage au sort des provinces devaient, dans un premier temps, présenter leur excusatio aux sénateurs, qui pouvaient l’accepter ou la refuser, puis, dans un second temps, renoncer par un serment (ius iurandum47), à la demande du Sénat et probablement in contione48, au tirage au sort ou à leur prouincia sortita. La prestation d’un serment pour se libérer d’une tâche était en effet une procédure courante dans le monde romain à l’époque républicaine comme à l’époque impériale, qui engageait celui qui le prêtait devant la cité et les dieux49. Une fois le serment prêté et avant que la sortitio prouinciarum fût effectuée, les sénateurs votaient probablement un décret qui récapitulait les noms des magistrats admis à participer au tirage au sort des provinces et ceux qui y avaient dûment renoncé. Le seul indice en ce sens se trouve toutefois dans un texte du Ier siècle et relatif à la sortitio questorienne, dans lequel Cicéron rapporte que Verres, après avoir été élu questeur, fut désigné par sénatus-consulte pour participer au tirage au sort des provinces (quaestor ex senatus consulto prouinciam sortitus es50).
21Si les magistrats pouvaient faire valoir qu’ils étaient trop âgés, malades ou avec des enfants à charge pour renoncer à la sortitio, rien n’empêchait en revanche un consul âgé ou malade d’y participer. Le magistrat était en effet seul juge de sa situation et de sa capacité à assurer ou non le gouvernement d’une province. C’est ce que montre le cas du consul L. Furius Camillus, « atteint d’une maladie grave » (morbo graui implicitum), mais qui tira tout de même au sort la guerre contre les Samnites ; ce ne furent en fin de compte « pas les sénateurs, mais la fortune qui l’[écarta] de la guerre après qu’il [eut] tiré au sort la province (fortuna bello subtraxit)51 ». Les raisons invoquées par les magistrats pour renoncer au tirage au sort des provinces pouvaient en revanche être critiquées par les sénateurs, voire rejetées par ces derniers. Selon Tite-Live, en 381, M. Furius Camillus (Camille), qui était alors tribun militaire à pouvoir consulaire pour la sixième fois, souhaitait renoncer au commandement de la guerre contre les Volsques que le Sénat lui avait accordé extra ordinem, en avançant l’excuse de la santé (excusandae ualetudini) ; les protestations du peuple (consensus populi restiterat) et son goût des combats le conduisirent finalement à y renoncer52. Si ce récit est, à l’instar de la plupart de ceux qui concernent Camille, douteux et vise avant tout à le présenter comme le sauveur de la patrie, il montre cependant que le Sénat et/ou le peuple pouvai(en)t faire pression sur un magistrat pour qu’il partît dans sa province.
22La procédure de l’excusatio avait des conséquences directes sur l’organisation du tirage au sort. En effet, lorsqu’un consul ou un préteur renonçait à participer au tirage au sort des provinces, le nombre de provinces à tirer au sort devenait automatiquement supérieur au nombre de candidats admis au tirage au sort, et la province qui n’avait pas été tirée au sort devait être confiée en dehors de la sortitio (extra sortem) à un autre (pro)magistrat, par exemple au moyen d’un décret de prorogatione. Lorsqu’un magistrat qui avait participé au tirage au sort renonçait finalement à sa prouincia sortita, celle-ci devait aussi être réattribuée par le Sénat à un autre (pro)magistrat. Il est en revanche difficile de savoir ce que devenaient les magistrats qui avaient renoncé à tirer au sort une province ou à partir pour la province qu’ils avaient tirée au sort. Dans la mesure où l’excusatio était une procédure distincte de l’abdicatio, il faut supposer qu’ils conservaient leur magistrature et restaient à Rome, sans que les sources nous renseignent sur la nature des tâches qu’ils exerçaient alors dans la Ville. Si l’on ne trouve pas dans le récit de Tite-Live d’informations sur ce que devinrent, durant l’année de leur magistrature, les deux préteurs qui renoncèrent à gouverner une province en 176, on sait en revanche qu’en 205, après que le consul P. Licinius Crassus eut renoncé à tirer au sort les provinces consulaires pour des raisons religieuses, une comparatio fut organisée entre les consuls et permit de confier à Crassus la province d’Italie, tandis que Scipion, le futur Africanus, obtenait extra sortem l’Afrique. La procédure d’assignation des provinces fut donc adaptée de manière à donner à chacun des deux consuls une province tout en respectant les obligations religieuses qui incombaient à Crassus. Le serment prêté par un magistrat pour renoncer à une province ne l’empêchait en tout cas pas de participer à un autre moment de sa carrière à la sortitio prouinciarum. M. Popilius Laenus, l’un des deux préteurs de 176 qui avait renoncé à partir pour la Sardaigne, devint ainsi consul en 173 et reçut avec son collègue L. Postumius Albinus la Ligurie. P. Licinius Crassus, qui avait également renoncé en 176 à sa province prétorienne, fut quant à lui consul en 171. Son collègue au consulat, C. Cassius Longinus, rappela à cette occasion que P. Licinius Crassus avait renoncé cinq ans plus tôt à partir pour la province prétorienne d’Hispanie citérieure qu’il avait tirée au sort, et qu’il avait alors prêté serment de ne pas pouvoir s’éloigner de Rome53. Selon C. Cassius, ce serment engageait encore P. Licinius en 171 et lui interdisait de tirer au sort une province consulaire extra-urbaine. Il demandait donc à ce que la Macédoine lui fût accordée sans tirage au sort54. La réponse du Sénat fut sans appel : P. Licinius avait été régulièrement élu et était en conséquence apte à être envoyé dans une province. Les sénateurs ordonnèrent ensuite aux consuls de tirer au sort les provinces de Macédoine et d’Italie55.
1.2. La deuxième variable : les provinces
23Les expressions « provinces consulaires » et « provinces prétoriennes » désignent les provinces que le Sénat choisissait d’assigner par décret (decernere ou nominare) aux consuls d’une part, et aux préteurs d’autre part, pour l’année de leur magistrature, et qui étaient ensuite réparties entre eux par tirage au sort56. Le statut, « consulaire » ou « prétorien », des provinces était donc fixé pour une année et était par nature variable. Une province pouvait par exemple être attribuée par décret une année aux préteurs (elle était alors « prétorienne ») et, l’année suivante, être confiée aux consuls (être « consulaire ») ou n’être ni prétorienne, ni consulaire57. Le nombre des provinces assignées aux préteurs et aux consuls variait en outre en fonction des années, puisqu’il dépendait du nombre de préteurs et de consuls qui participaient à la sortitio, la règle d’or étant qu’il devait être égal au nombre des magistrats élus : lorsque quatre préteurs étaient élus, quatre provinces prétoriennes étaient ainsi définies ; à l’inverse, lorsque les préteurs étaient au nombre de six, six provinces leur étaient confiées par décret.
1.2.1. Le vote des décrets de prouinciis
24Si la désignation des candidats à la sortitio prouinciarum relevait du peuple, qui élisait chaque année les magistrats curules, celle des provinces consulaires et prétoriennes était en revanche la tâche des sénateurs, qui votaient à cet effet un décret sur les provinces (de prouinciis) consulaires et prétoriennes. La documentation permet de restituer la procédure qui était suivie par les sénateurs au moment de définir ces provinces58.
25On commençait généralement, avant d’assigner les provinces aux consuls et aux préteurs, par entendre les rapports des légats et des ambassadeurs, du moins lorsque ces derniers avaient une importance stratégique pour le Sénat – par exemple, lorsqu’ils étaient nécessaires pour décider si une guerre devait ou non être votée59. L’étude du récit que fait Tite-Live des débats qui agitèrent le Sénat au début de l’année 218 permet de rendre compte de la place qui était réservée à ces comptes rendus dans la procédure de désignation des provinces60. Si l’on suit Tite-Live, les sénateurs débattirent vivement, cette année-là, des provinces à assigner par décret aux consuls (tunc relata de integro res ad senatum est) et plusieurs sententiae furent formulées. La première d’entre elles invitait à donner aux consuls l’Hispanie et l’Afrique, la deuxième proposait probablement de leur confier une province commune, i.e. le commandement de la guerre contre Hannibal en Hispanie, et la troisième de reporter la discussion sur la détermination des provinces consulaires au retour d’Hispanie des ambassadeurs ; cette dernière sententia fut finalement adoptée. L’Hispanie et l’Afrique avec la Sicile furent ensuite attribuées aux consuls par décret après l’audition au Sénat des ambassadeurs hispaniques61. De la même manière, et bien que la chronologie adoptée par Tite-Live ne soit pas claire, le discours reconstitué de Fabius suggère qu’en 205, Scipion n’avait pas encore tiré au sort l’Afrique au moment où fut introduite l’ambassade des Sagontins, et donc que celle-ci fut reçue avant que le décret sur les provinces consulaires fût voté62. À l’inverse, lorsque les rapports des légats ou des ambassadeurs n’avaient pas d’incidence sur la désignation des provinces, ces derniers n’étaient introduits dans la curie qu’après le vote du décret de prouinciis63. En 210, il est difficile de savoir si le vote du décret sur les provinces consulaires fut effectué avant ou après la réception de l’ambassade des Siciliens dans la mesure où les deux traditions qui nous sont parvenues suivent une chronologie différente : selon Tite-Live, le décret sur les provinces consulaires fut voté avant la réception de l’ambassade tandis que Valère Maxime rapporte qu’il fut voté après64. L’affliction des Siciliens à l’annonce des résultats de la sortitio consulaire, qui attribua à M. Claudius Marcellus la Sicile, invite toutefois à préférer le récit de Valère Maxime et à penser qu’ils furent reçus au Sénat une fois la procédure d’assignation et de répartition des provinces arrivée à son terme, ce qui leur retira de facto la possibilité d’accuser Marcellus du pillage en 212 de la partie non conquise de Syracuse.
26Les débats sur la désignation des provinces consulaires et prétoriennes pour l’année à venir étaient toujours introduits au Sénat par les consuls et celles-ci étaient le plus souvent choisies dès le premier jour de l’année civile. Une fois investis, les consuls devaient en effet présenter un rapport commun (uerba facere, agere) sur l’état de la res publica, le recrutement des armées et les provinces (de re publica, de exercitus scribendis, de prouinciis relatum)65. Des rapports écrits de (pro)magistrats, dans lesquels ces derniers évoquaient la situation de leurs prouinciae, pouvaient également être lus lors de la séance d’inauguration66. Le consul qui présidait la séance mettait ensuite en délibération la question (relatio) des provinces à assigner par décret aux consuls et aux préteurs, ainsi que des armées que chaque magistrat allait être amené à commander67. Il arrivait parfois que les provinces consulaires et prétoriennes fussent définies par le Sénat après l’élection des magistrats pour l’année à venir, mais avant l’entrée en fonction de ces magistrats désignés (en 207 pour les provinces consulaires ; en 201, 187, 177 pour les provinces prétoriennes ; en 168 pour les provinces prétoriennes et consulaires)68 : la question des provinces était alors introduite devant le Sénat par l’un des consuls en charge en présence des deux consuls désignés69.
27Lors de la séance consacrée à l’assignation des provinces, les sénateurs étaient interrogés en suivant un ordre hiérarchique. Les débats sur les provinces consulaires et prétoriennes pouvaient être virulents70 et le décret de prouinciis était parfois soumis à une intercession des consuls ou des tribuns de la plèbe, qui pouvait intervenir jusqu’au moment du tirage au sort71. À l’issue des délibérations, les sénateurs votaient un senatus consultum (per relationem), c’est-à-dire l’ensemble des décisions prises sur la relatio du consul (les provinces consulaires et/ou prétoriennes, éventuellement le mode d’attribution des provinces, les effectifs à allouer aux magistrats) ; lorsqu’une seule résolution sénatoriale conférait des prouinciae à plusieurs magistrats, plusieurs décrets, sur les provinces consulaires et prétoriennes, composaient certainement le s.c. de prouinciis72. Les décrets sur les provinces consulaires et prétoriennes étaient de toute manière toujours distincts compte tenu de ce qu’une intercession contre le décret sur les provinces consulaires n’invalidait pas le décret sur les provinces prétoriennes, et inversement.
28La plupart du temps, le Sénat déterminait en premier les provinces consulaires. Cependant, il arriva aussi parfois que le Sénat confiât des provinces aux préteurs avant de déterminer les provinces consulaires. Ainsi, en 201 et en 194, les sénateurs attribuèrent par décret les provinces prétoriennes et firent tirer au sort les préteurs parce que le débat sur les provinces consulaires s’éternisait73. En 187, 177, 171 et 169, les préteurs désignés reçurent des provinces après leur élection, tandis que les provinces consulaires ne furent assignées que le jour de l’entrée en charge des consuls74.
29Une question reste en suspens : une fois le décret de prouinciis voté par le Sénat, soumettait-on celui-ci à l’approbation des comices ? Il est difficile, au regard de la documentation disponible, de répondre à cette question. Un seul texte semble en réalité suggérer le vote d’un sénatus-consulte de prouinciis par le peuple. En 205, Tite-Live fait ainsi dire à Q. Fabius Maximus qu’il « ignore comment on peut considérer la province d’Afrique comme déjà attribuée de façon définitive au consul (sc. P. Cornelius Scipio), homme courageux et actif, alors que le Sénat n’a pas décidé ni le peuple ordonné que ce serait une province pour cette année75 ». Il est toutefois difficile, pour deux raisons distinctes, de déduire de l’expression nec populus iussit que les décrets de prouinciis étaient systématiquement ratifiés par le peuple. D’une part, hormis dans ce passage, Tite-Live ne rapporte jamais de vote par le peuple des décrets de prouinciis. L’argument n’est cependant pas décisif dans la mesure où les raisons de ce silence peuvent être multiples : parce que son regard était tourné vers la curie ? Parce qu’un tel vote n’était pas nécessaire à l’époque républicaine ? Parce que le vote par le peuple du sénatus-consulte de prouinciis était tombé en désuétude à l’époque de Tite-Live ? D’autre part, si l’annaliste rapporte littéralement que « le Sénat n’a pas décidé ni le peuple ordonné que ce serait une province pour cette année », il ne qualifie pas précisément le décret que le peuple devait voter. Plutôt qu’un vote pour valider le décret de prouinciis, l’étude de la procédure suivie et du contexte de l’année 205 suggèrent que l’on convoqua les comices pour ratifier le sénatus-consulte qui confia à Scipion la province d’Afrique extra sortem.
30En dehors de ce texte, plusieurs arguments invitent à penser que le décret de prouinciis n’était pas voté par le peuple ou la plèbe. Les nombreux récits que Tite-Live consacre à l’assignation des provinces consulaires et prétoriennes montrent que le tirage au sort des provinces était le plus souvent effectué juste après le vote du décret par le Sénat : il est donc difficile d’imaginer une convocation des comices entre l’attribution des provinces et la sortitio. En outre, si le Sénat pouvait toujours modifier par simple décret les provinces consulaires et prétoriennes avant que celles-ci fussent tirées au sort ou réparties par un accord à l’amiable, en revanche, une fois les provinces tirées au sort, de telles modifications étaient rares et complexes à mettre en œuvre. Par exemple, en 211, les consuls Cn. Fulvius Centumalus et P. Sulpicius Galba, qui avaient pourtant reçu l’Apulie à leur entrée en fonction (consules cum ambo Apuliam prouinciam haberent), tirèrent finalement au sort entre l’Apulie et la Macédoine (sortiri iussi Apuliam Macedoniamque prouincias76). L’explication de ce passage se trouve certainement dans l’étude du calendrier suivi pour tirer au sort les provinces consulaires : en 211, les deux consuls reçurent comme province consulaire, à leur investiture le 15 mars, l’Apulie, mais, en raison du contexte militaire (Rome était en guerre avec la Macédoine et s’était alliée avec les Étoliens), les sénateurs décidèrent finalement, probablement sur proposition des consuls, de faire tirer au sort à ces derniers la Macédoine en plus de l’Apulie. Une procédure similaire fut suivie en 192. Cette année-là, « les deux consuls reçurent l’Italie pour province » (consulibus ambobus Italia prouincia decreta est77), mais tirèrent ensuite au sort, ou se partagèrent à l’amiable, deux autres provinces : d’une part, la Gaule et la charge de présider les comices ; d’autre part, la « province hors d’Italie », que le Sénat était libre de définir à sa guise (extra Italiam quo senatus censuisset78). Le vote d’un nouveau décret de prouinciis, et non d’une loi, suffisait donc à modifier les provinces consulaires et prétoriennes avant que celles-ci fussent tirées au sort ou réparties par un accord à l’amiable entre les candidats, ce qui invite à conclure à l’absence de ratification par les comices des décrets sur les provinces.
31En définitive, si le peuple pouvait en théorie juger des cas limites d’attribution des provinces, par exemple lorsqu’un conflit (disceptatio) survenait entre les sénateurs et que le règlement du litige était soumis au vote des comices, le contrôle qu’il exerçait sur ces assignations était restreint et le choix des provinces consulaires et prétoriennes resta, à l’époque médio-républicaine, l’affaire des sénateurs.
1.2.2. Les règles encadrant l’assignation des provinces
32L’étude des règles que devait suivre le Sénat au moment de désigner les provinces consulaires et prétoriennes est importante en ce qu’elle permet d’évaluer le rôle que jouaient les sénateurs dans les étapes préparatoires à la sortitio prouinciarum et la part de liberté qui leur revenait dans la procédure d’attribution des provinces. Deux questions sont en particulier cruciales pour restituer le fonctionnement de la sortitio prouinciarum et en déterminer le caractère aléatoire. La première porte sur le nombre de provinces consulaires et de provinces prétoriennes que le Sénat choisissait chaque année de confier par tirage au sort : ce nombre variait-il d’année en année ? Était-il égal au nombre de candidats admis au tirage au sort ? La deuxième question est liée à la nature des provinces consulaires et prétoriennes : les sénateurs pouvaient-ils faire tirer au sort aux consuls et aux préteurs n’importe quel type de province ? Devaient-ils à l’inverse choisir parmi une liste de provinces préétablie ? Pour y répondre, examinons tour à tour les règles qui encadraient la désignation des provinces consulaires, puis celles qui encadraient le choix des provinces prétoriennes.
1.2.2.1. Les provinces consulaires
Le nombre de provinces consulaires
33Le tableau 3 énumère les provinces qui furent, selon Tite-Live, assignées par décret aux consuls entre 218 et 167.
Tab. 3 – Les provinces assignées par décret aux consuls (218-167).
Année | Provinces consulaires | Source |
218 | L’Hispanie et l’Afrique avec la Sicile | Liv. 21, 17, 1 |
217 | Ariminium, i.e. la Gaule cisalpine | Liv. 21, 63, 1 |
216 | Italie | Liv. 22, 39, 11 |
215 | Le texte n’est pas clair, mais il faut supposer que les consuls ont reçu le commandement de la guerre contre Hannibal | Liv. 23, 30, 19 |
214 | Italie | Liv. 24, 20, 1-3 |
213 | La guerre contre Hannibal | Liv. 24, 43, 9 |
212 | La guerre contre Hannibal | Liv. 25, 3, 2 |
211 | Apulie et Macédoine | Liv. 26, 22, 1-2 |
210 | Italie avec la guerre contre Hannibal ; la flotte avec la Sicile | Liv. 26, 28, 3 |
209 | Italie | Liv. 27, 7, 7 |
208 | Italie | Liv. 27, 22, 2 |
207 | Bruttiens et Lucaniens contre Hannibal ; la Gaule contre Hasdrubal | Liv. 27, 35, 10 |
206 | Bruttium | Liv. 28, 10, 8 |
205 | La Sicile et la possibilité de passer en Afrique ; les Bruttiens et la guerre contre Hannibal | Liv. 28, 45, 9 |
204 | Étrurie et Bruttium | Liv. 29, 13, 1 |
203 | Bruttium et la guerre contre Hannibal ; Étrurie et Ligurie | Liv. 30, 1, 2 |
202 | Italie et Afrique | Liv. 30, 27, 2 |
201 | Italie ; flotte et Sicile | Liv. 30, 40, 7-16 |
200 | Macédoine et Italie | Liv. 31, 6, 1-2 |
199 | Italie et Macédoine | Liv. 32, 1, 1 |
198 | Macédoine et Italie | Liv. 32, 8, 1 |
197 | Italie | Liv. 32, 28, 9 |
Année | Provinces consulaires | Source |
196 | Italie | Liv. 33, 25, 10 |
195 | Hispanie citérieure et Italie | Liv. 33, 43, 1-2 |
194 | Italie | Liv. 34, 43, 9 |
193 | Gaule et Ligurie | Liv. 34, 55, 4 |
192 | Italie | Liv. 35, 20, 2 |
191 | Italie et Grèce | Liv. 36, 1, 7 |
190 | Grèce et Italie | Liv. 37, 1, 10 |
189 | Étolie et Asie | Liv. 37, 50, 1 |
188 | Pise et les Ligures ; la Gaule | Liv. 38, 35, 7-8 |
187 | Ligurie | Liv. 38, 42, 8-13 |
186 | Ligurie | Liv. 39, 20, 1 |
185 | Ligurie | Liv. 39, 32, 1 |
184 | Ligurie | Liv. 39, 38, 1 |
183 | Ligurie | Liv. 39, 45, 3 |
182 | Ligurie | Liv. 40, 1, 1 |
181 | Ligurie | Liv. 40, 18, 3 |
180 | Ligurie | Liv. 40, 35, 8 |
179 | Ligurie | Liv. 40, 44, 3 |
178 | Ligurie et Gaule | Liv. 41, 5, 4-5 ; 41, 7, 7 |
177 | Sardaigne et Histrie | Liv. 41, 9, 1 |
176 | Pise et la Ligurie | Liv. 41, 14, 8 |
175 | ? | |
174 | ? | |
173 | Ligurie | Liv. 42, 1, 1 |
172 | Ligurie | Liv. 42, 10, 11 |
171 | Italie et la Macédoine | Liv. 42, 31, 1 |
170 | ? | |
169 | Italie et Macédoine | Liv. 43, 12, 1 |
168 | Italie et Macédoine | Liv. 44, 17, 9 |
167 | Pise et la Gaule | Liv. 45, 16, 1-2 |
34Il ressort de ce tableau que le Sénat assignait chaque année par décret aux consuls soit une province commune, soit deux provinces. Sur les 49 assignations de provinces consulaires répertoriées par Tite-Live entre 218 et 167 (les années 175-174 et 170 ne sont pas documentées), les consuls reçurent ainsi 24 fois une province commune et 25 fois des provinces différentes (généralement l’Italie et/ou sa protection, et une autre province). Les sénateurs avaient donc probablement pour coutume à l’époque médio-républicaine de confier aux consuls une province commune, le plus souvent l’Italie, dans la mesure où le partage d’une province traduisait de manière concrète la collégialité et l’égalité des magistrats79. Après le déclenchement de la deuxième guerre punique, l’éloignement et la multiplication des fronts conduisirent toutefois le Sénat à diviser régulièrement le lot commun en deux provinces consulaires distinctes et l’attribution d’une province commune fut réservée aux périodes qui connurent une paix relative.
35Le recours à la sortitio n’était pas conditionné par le nombre de provinces qui étaient confiées aux consuls. Lorsque les consuls recevaient une province commune, une sortitio était tout de même effectuée puisque le décret de ornatione définissait des armées différentes que les consuls tiraient ensuite au sort80 ; les consuls pouvaient aussi tirer au sort la direction qu’allaient prendre leurs armées et les terrains d’opération81. On observe d’ailleurs que, quand une province commune était attribuée aux consuls, le décret divisait souvent celle-ci en deux provinces distinctes pour éviter les conflits d’intérêts entre magistrats et préciser les missions de chacun d’entre eux. Ainsi, en 209, les consuls reçurent l’Italie comme province commune, mais le décret précisa que « l’imperium [était] réparti par régions (regionibus tamen partitum imperium) : Fabius devait conduire les opérations devant Tarente, Fulvius en Lucanie et dans le Bruttium82 ». La division de l’Italie en deux régions permit d’écourter les débats qui auraient pu avoir lieu entre les consuls et de hâter leur profectio. Les élections consulaires, qui se déroulèrent au printemps 209, avaient en effet déjà pris du retard après que deux tribuns de la plèbe, C. et L. Arrenius, se furent opposés au choix de la prérogative, qui avait élu consuls Q. Fulvius Flaccus (alors dictateur) et Q. Fabius Maximus Verrucosus Cunctator83. De même, en 207, après que le Sénat eut réconcilié, à grand-peine, les consuls, le décret sur les provinces consulaires leur confia des commandements qui « ne s’entremêlaient pas en s’exerçant dans les mêmes régions, comme cela avait été le cas les années précédentes, mais s’appliquaient aux deux extrémités de l’Italie » (prouinciae iis non permixtae regionibus, sicut superioribus annis, sed diuersae extremis Italiae finibus84). En 182, les consuls reçurent par décret comme province commune la Ligurie85. Tite-Live précise cependant qu’ils tirèrent au sort leurs provinces (consules praetoresque sortiti prouincias sunt86), c’est-à-dire qu’une sortitio permit soit de répartir les légions consulaires, soit de confier à chaque consul un terrain d’opération spécifique – dans ce dernier cas, il faut supposer que la Ligurie avait été au préalable, comme l’Italie en 209, divisée par un décret du Sénat en deux regiones distinctes. L’attribution d’un lot commun n’était ainsi pas considérée comme une procédure extra sortem et une sortitio servait toujours à spécifier l’action des consuls dans leur province et à individualiser la sphère d’exercice de leurs imperia.
36Le ratio entre le nombre de consuls (deux) et le nombre de provinces consulaires (une province avec deux armées ou deux provinces) rendait la sortitio consulaire par nature peu aléatoire : une fois les provinces assignées aux consuls, ceux-ci avaient en effet une chance sur deux d’obtenir la province qu’ils souhaitaient, ou, lorsqu’ils recevaient une province commune, une chance sur deux d’obtenir par tirage au sort l’armée ou le théâtre d’opération désirés. En outre, ce tirage au sort ne comportait pas de numéros perdants compte tenu de ce que le nombre des candidats admis à tirer au sort était toujours égal ou inférieur (lorsqu’un candidat renonçait au tirage au sort) au nombre des provinces à attribuer.
La nature des provinces consulaires
37Les provinces que le Sénat assignait aux consuls furent toujours des provinces extra-urbaines, qui étaient généralement conçues comme des commandements militaires. Traditionnellement, le Sénat confiait aux consuls le commandement des guerres extérieures et la protection de l’Italie87. Par exemple, en 184, « on attribua aux consuls le pays ligure parce qu’il n’y avait de guerre nulle part ailleurs » (consulibus Ligures, quia bellum nusquam alibi erat, decreti88). De la même manière, à la fin de l’année 178, après la tenue des élections, les préteurs reçurent par décret et tirèrent au sort la juridiction urbaine, la pérégrine, la Sicile, la Sardaigne, et la Gaule divisée en deux provinces89 ; les consuls tirèrent quant à eux au sort, après les ides de mars et la réception de l’ambassade sarde au Sénat, la Sardaigne et l’Histrie90. Selon Tite-Live, ce fut « en raison de l’importance de la guerre, [que] cette province (sc. la Sardaigne) fut rendue consulaire » (sed ea propter belli magnitudinem prouincia consularis facta [est]), i.e. qu’elle fut intégrée dans le décret sur les provinces consulaires91. Aux IIIe et IIe siècles, faire la guerre était donc l’activité principale des consuls et, comme l’a rappelé F. Pina Polo, « it was exceptional for a consul to remain in Rome for all or most of his term of office » – sauf à avoir une maladie grave, être empêché de quitter Rome pour des raisons religieuses ou être retenu dans la Ville par un décret du Sénat92. Les consuls exerçaient bien sûr aussi leur imperium dans l’Vrbs avant leur profectio93 ou à leur retour (aduentus). Certaines fonctions civiles pouvaient d’ailleurs être réparties entre les consuls par tirage au sort : la nomination d’un dictateur, la présidence des élections (des consuls et des préteurs pour l’année suivante ; des censeurs tous les cinq ans) ou, jusqu’au IIIe siècle, la dédicace d’un temple.
38Dans la mesure où le Sénat confiait aux consuls le commandement des armées, les provinces consulaires étaient par nature plus dépendantes du contexte géopolitique et plus variables que celles qui étaient assignées aux préteurs. Elles étaient aussi considérées comme plus prestigieuses et plus lucratives. Les sources montrent toutefois clairement que les guerres extérieures ne pouvaient être attribuées aux consuls qu’une fois qu’elles avaient été votées par le peuple – à l’exception toutefois peut-être des guerres menées en Italie94. Le Sénat évitait donc de confier aux consuls un commandement militaire dans un territoire avant que la guerre n’y fût officiellement votée par le peuple : en effet, si la guerre n’était pas ensuite votée par les comices, les consuls ne pouvaient se rendre dans leur province avec leur armée et étaient contraints de rester en Italie – ce qui revenait, de facto, à les priver de la province qu’ils avaient tirée au sort. Il résulte de ce constat que le peuple pouvait exercer, à la marge, un contrôle sur les assignations de provinces consulaires les années où des guerres furent déclarées (en 218, 200, 191 et 171) puisque l’attribution des guerres extérieures aux consuls était alors conditionnée à leur vote par les comices95. Ainsi, si l’on suit Tite-Live, les consuls de l’année 200 tirèrent au sort la Macédoine et l’Italie avant que la guerre contre Philippe V fût votée96, et le consul P. Sulpicius Galba Maximus, qui reçut la Macédoine, proposa ensuite aux comices centuriates une loi (lex rogata ex s.c.) déclarant la guerre au roi macédonien. Les centuries refusèrent toutefois de voter cette loi97 et le consul resta à Rome presque toute l’année de son consulat. La guerre fut finalement ratifiée en juillet 200, après que la vie politique romaine eut été paralysée pendant de longs mois98. Le refus du peuple de voter la guerre contre Philippe V fut probablement lié à la décision du Sénat d’accorder aux consuls la Macédoine et des effectifs militaires avant que cette guerre ne fût officiellement autorisée par les comices99 : l’attitude du Sénat, qui revenait à nier les prérogatives du peuple en matière de déclaration de guerre, fut sanctionnée par ce dernier100. Ce précédent n’empêcha pas, quelques années plus tard, en 196, le consul M. Claudius Marcellus de demander au Sénat de confier par décret aux consuls l’Italie et la Macédoine alors que les sénateurs s’apprêtaient à assigner comme province consulaire l’Italie et à conclure la paix avec Philippe V. Le consul aurait certainement obtenu gain de cause si deux tribuns de la plèbe n’avaient pas annoncé qu’ils mettraient un veto sur le décret de prouinciis (se intercessuros dixissent) si la question de la paix avec la Macédoine n’était pas au préalable portée devant les comices. Les trente-cinq tribus se déclarant pour la paix par une loi (lex rogata ex s.c.), les consuls reçurent finalement par décret l’Italie comme province commune101.
1.2.2.2. Les contraintes encadrant la détermination des provinces prétoriennes
Nombre et nature des provinces prétoriennes
39L’attribution des provinces prétoriennes suivait un modèle immuable : le Sénat assignait chaque année par décret autant de provinces prétoriennes qu’il y avait de préteurs. Chaque candidat était donc assuré d’obtenir une province et la sortitio ne générait pas de numéros perdants. Le nombre de provinces que le Sénat attribua chaque année aux préteurs varia toutefois entre 227 et 124 en fonction de l’évolution du nombre des préteurs : quatre provinces furent confiées aux préteurs entre 227 et 198, puis six, quatre ou six pendant la période d’application de la lex Baebia de prouinciis, puis de nouveau quatre entre ca 176 et ca 81. La sortitio prétorienne était donc par nature beaucoup plus aléatoire que la sortitio consulaire : lorsque les préteurs étaient au nombre de quatre, chacun d’entre eux avait 25 % de chance d’obtenir une province prétorienne ; lorsqu’ils étaient six, la probabilité d’obtenir la province souhaitée tombait à 16 %.
40Plusieurs règles relatives à la détermination des provinces prétoriennes peuvent être dégagées102. Tout d’abord, à l’inverse des consuls, les préteurs ne reçurent jamais de province commune, mais toujours des provinces distinctes. L’assignation des provinces prétoriennes et leur tirage au sort semblent d’ailleurs avoir été des préalables indispensables à l’exercice par les préteurs de leur magistrature : en effet, si les consuls pouvaient exercer un imperium domi avant ou après que leurs provinces avaient été définies, les préteurs ne pouvaient agir (par exemple rendre la justice ou représenter Rome dans une province) tant que leur sphère d’activité n’avait pas été définie par le Sénat. Le tirage au sort d’une province prétorienne était donc une condition nécessaire à l’exercice de l’imperium prétorien.
41Il faut également abandonner l’idée selon laquelle les consuls auraient eu le monopole des commandements militaires, tandis qu’aux préteurs auraient été réservées les tâches « administratives » et urbaines. Les préteurs reçurent ainsi régulièrement entre 227 et 124 la mission de protéger les territoires dominés par Rome (par exemple, en commandant la flotte) ou de seconder les consuls103. Il reste néanmoins vrai que, à l’inverse des consuls qui tiraient systématiquement au sort des provinces extra-urbaines et exerçaient toujours leur imperium à la fois in Vrbe et à l’extérieur de l’Vrbs, les préteurs tiraient au sort soit des provinces urbaines, soit des provinces extra-urbaines ; dans ce dernier cas, ils n’exerçaient donc qu’un imperium militiae.
42Enfin, il arrivait parfois qu’un même territoire (la Sicile, l’Hispanie, etc.) fût assigné, pour être tiré au sort, aux consuls et aux préteurs. Selon Tite-Live, la Sicile fut par exemple tirée au sort à la fois par un consul et par un préteur en 205104. L’assignation d’un même territoire à deux collèges de magistrats différents ne signifiait toutefois pas que le consul et le préteur qui allaient le tirer au sort obtiendraient une province identique, i.e. seraient investis exactement de la même mission : à l’inverse, les deux magistrats seraient amenés à diriger des armées distinctes sur ce territoire et à assumer des tâches différentes – de la même manière qu’on a vu que deux consuls pouvaient recevoir une province commune, mais diriger ensuite des légions différentes, ce qui distinguait les sphères d’exercice de leurs imperia. Ainsi, si un même territoire pouvait être confié la même année à deux magistrats, leurs provinces respectives étaient toujours distinctes. Elles étaient également hiérarchisées dans la mesure où l’imperium du préteur était ensuite soumis, au sein de cette province, à celui du consul105. Le récit que propose Tite-Live des événements de l’année 208 est sur ce dernier point éclairant. Cette année-là, après avoir été élu, le consul désigné M. Livius Salinator tira au sort la défense de la Gaule contre Hasdrubal avec deux légions. La Gaule fut ensuite intégrée au début de l’année 207 au décret sur les provinces prétoriennes et tirée au sort par le préteur L. Porcius Licinus, qui obtint de commander deux légions106. Lorsque le consul Salinator décida d’engager la bataille du Métaure, le préteur combattit sous ses ordres. Le triomphe, accordé aux deux consuls, traduit la hiérarchie des provinces assignées par décret cette année-là : M. Livius Salinator, sous les auspices duquel la bataille s’était déroulée, reçut le droit d’entrer dans la Ville sur un quadrige, tandis que son collègue, C. Claudius Nero, qui eut droit à l’ouatio, le suivit à cheval, sans soldats107 ; le préteur, quant à lui, n’eut pas droit au triomphe. De la même manière, en 195, le consul M. Porcius Cato tira au sort l’Hispanie et combattit en Citérieure tandis que deux préteurs reçurent par tirage au sort l’Hispanie ultérieure et l’Hispanie citérieure ; le texte précise toutefois que le préteur Cn. Manlius, qui avait la charge de l’Hispanie citérieure, fut placé sous le commandement (adiutor) du consul108. Il n’est donc pas sûr qu’il faille, comme le propose F. J. Vervaet – qui suit en cela une hypothèse de P. Willems109 – supposer l’existence de prouinciae permixtae définies comme des provinces assignées en même temps à un ou plusieurs commandants cum imperio. L’expression prouincia permixta apparaît certes chez Tite-Live, à propos des attributions des consuls en 207, qui « ne s’entremêlaient pas en s’exerçant dans les mêmes régions, comme cela avait été le cas les années précédentes, mais s’appliquaient aux deux extrémités de l’Italie » (prouinciae iis non permixtae regionibus, sicut superioribus annis, sed diuersae extremis Italiae finibus)110. Dans le passage cité, cette expression ne désigne toutefois pas des provinces identiques et assignées en même temps aux deux consuls, mais des provinces qui « s’entremêlaient en s’exerçant dans les mêmes territoires », ce qui suggère cette fois que les consuls pouvaient recevoir des provinces ou des commandements militaires distincts (prouinciae), puisque des armées différentes leur avaient été confiées, mais exercer leurs commandements dans le même territoire (regionibus). Il faut donc en conclure que les provinces que le Sénat attribuait aux magistrats étaient individualisées et clairement délimitées dans le temps et dans l’espace, pour éviter les conflits de juridiction et assurer la rotation des commandements111.
Un ordo prouinciarum ?
43Une dernière règle de détermination des provinces prétoriennes, que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans la bibliographie, mérite un examen approfondi. On peut la résumer en ces termes : les lois de 228 et 198, qui augmentèrent le nombre de préteurs, auraient imposé au Sénat d’envoyer les nouveaux préteurs dans les provinces « territoriales » qui venaient de passer sous domination romaine, c’est-à-dire la Sicile et la Sardaigne, puis les Hispanies. Pour ne pas s’opposer à ces lois comitiales, le Sénat aurait été contraint d’intégrer chaque année ces provinces « territoriales » au décret de prouinciis pour qu’elles fussent tirées au sort par les préteurs. Cette hypothèse implique que le Sénat n’aurait pas été libre de faire tirer au sort aux préteurs les provinces qu’il souhaitait, mais qu’il devait respecter des « figures imposées », i.e. confier aux préteurs les prétures urbaine et pérégrine jusqu’en 228, les prétures urbaine et pérégrine, la Sicile et la Sardaigne de 227 à 198 puis, à partir de 197, les prétures urbaine et pérégrine, la Sicile, la Sardaigne et les Hispanies. Le caractère contraint et récurrent des assignations de provinces prétoriennes expliquerait d’ailleurs le peu d’attention qui est porté dans les sources à la description de la sortitio des préteurs.
44Il est utile, pour mieux en comprendre les implications, de revenir sur la genèse de cette théorie, qui remonte en fait à T. Mommsen112 et fut ensuite développée et systématisée par T. C. Brennan113 et J.-L. Ferrary114. Le raisonnement élaboré par ces auteurs s’appuie sur un passage de Tite-Live relatif à l’année 208 :
de même, fut prorogé celui de L. Veturius Philo qui devait, comme propréteur, avoir la même province de Gaule et conserver les deux légions qu’il avait commandées comme préteur. De même que pour L. Veturius, le Sénat prit un décret et proposa au peuple la prorogation du commandement de C. Aurunculeius qui, comme préteur, avait eu la province de Sardaigne avec deux légions ; on lui donna, en outre, pour la défense de sa province, les cinquante navires de guerre que Scipion aurait envoyés d’Hispanie.
prorogatum et L. Veturio Philoni est ut pro praetore Galliam eandem prouinciam cum iisdem duabus legionibus obtineret quibus praetor obtinuisset. Quod in L. Veturio, idem in C. Aurunculeio decretum est ab senatu, latumque de prorogando imperio ad populum eius qui praetor Sardiniam prouinciam cum duabus legionibus obtinuerat. Additae ei ad ad praesidium prouinciae quinquaginta longae naues quas P. Scipio ex Hispania misisset115.
45T. Mommsen, qui fut le premier à commenter ce passage, remarqua que si L. Veturius Philo fut prorogé en Gaule par simple sénatus-consulte en 208, il fallut en revanche un plébiscite pour proroger C. Aurunculeius en Sardaigne116. Reprenant l’étude de ce texte, J.-L. Ferrary précisa l’analyse de T. Mommsen117. La ratification par le peuple du sénatus-consulte prorogeant Aurunculeius en Sardaigne était selon lui nécessaire en 208 parce que cette prorogation impliquait que la Sardaigne fût exclue des provinces que les préteurs de l’année se répartissaient par tirage au sort. En choisissant de ne pas désigner en 208 comme province prétorienne la Sardaigne, le Sénat se serait en effet opposé à la loi comitiale de 228 ; il aurait donc été contraint de soumettre le décret sur les provinces prétoriennes au vote du peuple, pour qu’il devînt une loi ou un plébiscite. En revanche, pour proroger L. Veturius Philo en Gaule en 208, un simple sénatus-consulte suffisait puisqu’aucune loi comitiale n’imposait de confier la Gaule à un préteur en exercice118.
46J.-L. Ferrary compare en outre le récit de l’année 208 avec celui que Tite-Live faisait de l’assignation des provinces en 192119 :
Les préteurs tirèrent ensuite leurs provinces au sort : Marcus Fulvius Centumalus eut la préture urbaine, Lucius Scribonius Libo la pérégrine, Lucius Valerius Tappo la Sicile, Quintus Salonius Sarra la Sardaigne, Marcus Baebius Tamphilus l’Hispanie citérieure, Aulus Atilius Serranus l’Hispanie ultérieure ; mais pour ces deux derniers, d’abord par sénatus-consulte, puis aussi par plébiscite, les attributions furent modifiées : à Aulus Atilius furent attribuées la flotte et la Macédoine, à Baebius le Bruttium.
Praetores deinde prouincias sortiti, M. Fuluius Centumalus urbanam, L. Scribonius Libo peregrinam, L. Valerius Tappo Siciliam, Q. Salonius Sarra Sardiniam, M. Baebius Tamphilus Hispaniam citeriorem, A. Attilius Serranus ulteriorem. Sed his duobus primum senatus consulto, deinde plebei etiam scito permutatae prouinciae sunt : Atilio classis et Macedonia, Baebio Bruttii decreti120.
47Alors qu’Antiochos III menaçait Rome, il fallut ainsi, en 192, un plébiscite pour proroger dans les Hispanies les gouverneurs de l’année précédente et pour attribuer aux préteurs A. Attilius Serranus et M. Baebius Tamphilus, qui avaient respectivement tiré au sort l’Hispanie ultérieure et l’Hispanie citérieure, la flotte et le Bruttium. J.-L. Ferrary en déduit qu’en 192 comme en 208, dans la mesure où il allait à l’encontre de lois comitiales (de 228 puis de 198), le choix du Sénat aurait rendu nécessaire la ratification du décret sur les provinces prétoriennes par les comices.
48T. C. Brennan a systématisé cette analyse en proposant de déduire de ces deux textes l’existence d’un véritable ordo prouinciarum, c’est-à-dire d’une liste de provinces « territoriales » ou « fixed » qui avaient été créées par des lois comitiales et qui devaient de ce fait être chaque année tirées au sort par les préteurs ; lorsqu’une province de l’ordo prouinciarum n’était pas intégrée dans le décret sur les provinces prétoriennes, i.e. quand le Sénat dérogeait à l’ordo prouinciarum, le décret de prouinciis devait être soumis au vote du peuple. La province que le Sénat choisissait d’assigner par décret aux préteurs à la place de la province « fixe » de l’ordo prouinciarum est qualifiée de « special », extraordinaire, par T. C. Brennan121. Pour contourner cet ordo, le Sénat pouvait aussi choisir d’attribuer au même préteur, de manière conjointe, deux provinces « fixes »122 : de cette manière, les sénateurs pouvaient choisir librement une province prétorienne hors de l’ordo et assigner aux préteurs une province « spéciale », tout en faisant l’économie d’une ratification du décret sur les provinces prétoriennes par les comices. Ainsi, les juridictions urbaine et pérégrine furent confiées conjointement à un préteur pour la première fois en 212 : cette année-là, le préteur P. Cornelius Sulla tira en effet au sort un lot qui duorum ante sors fuerat (« un lot qui auparavant était divisé en deux »)123. La province pérégrine et la province urbaine furent en outre confiées à un même préteur en 212 et 189124 ; en 208 et 168, la province pérégrine fut aussi couplée à une province laissée indéterminée par le Sénat (quo senatus censuisset125). Enfin, l’Hispanie ultérieure et l’Hispanie citérieure furent assignées ensemble aux préteurs durant la troisième guerre punique126.
49Il résulte de ces modèles d’interprétation qui furent développés depuis T. Mommsen l’idée que l’assignation des provinces prétoriennes était bien davantage soumise au contrôle du peuple que celle des provinces consulaires. Comme le résume S. Day, « if correct, the laws (sc. de 228 et 198) would have seriously limited the freedom of the Senate to name the praetorian provincial assignments each year127 ».
50La théorie d’un ordo prouinciarum ou de provinces « fixes » ou « extraordinaires », que nous venons de résumer, a fait l’objet de critiques128 et doit être abandonnée. L’examen des Fastes semble certes, de prime abord, aller dans son sens dans la mesure où les mêmes provinces furent généralement attribuées aux préteurs d’année en année (cf. infra, tab. 12 et 13, où ont été écartées les années 218, 217, 185, 175 et 170 pour lesquelles nous n’avons pas la liste des provinces prétoriennes). De 218 à 197, les quatre provinces assignées aux préteurs furent le plus souvent la préture urbaine, la préture pérégrine, la Sicile et la Sardaigne ; de 197 à 181, la préture urbaine, la préture pérégrine, la Sicile, la Sardaigne et les deux Hispanies ; durant la période d’application de la lex Baebia (181-ca 176), la préture urbaine, la préture pérégrine, la Sicile, la Sardaigne et, une année sur deux, les deux Hispanies (lorsque les deux Hispanies n’étaient pas attribuées par décret aux préteurs, les magistrats qui les gouvernaient étaient prorogés pour une année) ; après les années 176, la préture urbaine, la préture pérégrine, la Sicile, la Sardaigne et les deux Hispanies. La Sicile fut ainsi confiée aux préteurs tous les ans entre 218 et 167, à l’exception de trois années (213, 212 et 209)129. La Sardaigne fut elle aussi régulièrement assignée aux préteurs entre 218 et 167 (tous les ans à l’exception de onze années : 216, 214-212, 208, 202, 200, 195, 190, 176 et 167)130, comme les Hispanies, qui furent toujours prétoriennes à partir de 197, sauf en 192, 190, 187, 183, 181, 179, 177, 171131.
51Toutefois, le fait que le Sénat ait attribué de manière récurrente aux préteurs les mêmes provinces ne prouve pas qu’il fût juridiquement contraint d’intégrer ces provinces dans la sortitio prétorienne. À l’inverse, plusieurs arguments peuvent être avancés contre cette théorie.
52L’examen détaillé des assignations provinciales montre tout d’abord que le Sénat attribua aussi et souvent aux préteurs des provinces autres que la Sicile, la Sardaigne ou les Hispanies132. Par exemple, la Gaule fut tirée au sort par les préteurs en 216, 213, 207, 205, 203, 202, 200, 199, 198, 187, 183 et 181133.
53En outre, Tite-Live ne rapporte pas, sauf pour 208 et 192, le vote de lois ou de plébiscites pour autoriser le Sénat à proroger des magistrats dans les provinces « fixes », et donc à « déroger » à l’ordo prouinciarum134. Si cet argument e silentio est assez faible (Tite-Live oublie fréquemment, comme de nombreux auteurs, de mentionner les interventions du peuple), il reste que les exemples qui invitent à penser que le Sénat était libre d’attribuer aux préteurs les provinces qu’il souhaitait sont bien plus nombreux qui ceux qui suggèrent que le Sénat était contraint d’assigner aux préteurs des provinces « territoriales » – sauf à faire ratifier le décret sur les provinces prétoriennes par les comices.
54Une autre difficulté soulevée par cette théorie est le fait qu’elle repose sur l’idée que des lois comitiales entérinèrent la création des provinces « territoriales » de l’empire romain. Quoique le débat reste aujourd’hui ouvert, A. Díaz Fernández a récemment souligné, avec des arguments convaincants, le caractère empirique et pragmatique de l’expansion romaine. L’historien a en particulier montré qu’une province pouvait être intégrée dans l’imperium Romanum sans que cela impliquât la mise en place immédiate d’une administration ou d’un système fiscal, et encore moins d’un règlement provincial. L’intégration des provinces à l’imperium Romanum avait surtout pour but d’assurer la continuité de la domination romaine135.
55Il faut encore ajouter aux objections formulées à l’encontre d’un ordo prouinciarum prétorien une série de questions qui restent, si l’on adopte ce modèle interprétatif, sans réponses satisfaisantes. Tout d’abord, si l’on admet que ces provinces avaient été créées pour être gouvernées par un préteur, comment expliquer que le Sénat choisit fréquemment d’y envoyer un consul, comme ce fut le cas pour la Sicile ou la Sardaigne ? En outre, pourquoi les créations ultérieures de provinces (des provinces de Macédoine en 148 et d’Afrique en 146 par exemple) ne furent-elles pas assorties d’une augmentation du nombre de préteurs ?
56Enfin, la principale faiblesse de cette théorie réside probablement dans le fait qu’elle invite à définir certaines provinces comme étant juridiquement « territoriales » et « prétoriennes », alors même que c’était le décret sur les provinces, voté chaque année, qui conférait aux provinces le statut de « provinces consulaires » ou de « provinces prétoriennes », et que les provinces prétoriennes continuaient d’être définies comme des missions ou des commandements (commandement d’une armée ou de la flotte, d’un territoire, présidence d’une juridiction)136. Ce modèle interprétatif témoigne de la persistance du schéma théorique – et parfois a-historique – de T. Mommsen dans la manière dont on explique encore aujourd’hui la répartition des provinces137.
57Si l’on rejette l’existence d’un ordo prouinciarum, comment alors expliquer la décision du Sénat de faire voter les décrets de prorogatione ou de prouinciis de 208 et 192 par les comices ? La restitution de la procédure qui fut alors suivie pour attribuer les provinces prétoriennes offre quelques éléments de réponse.
58En 208, le peuple fut probablement appelé au vote pour ratifier la prorogation de C. Aurunculeius, pour la simple raison que le vote, par un plébiscite ou une lex rogata ex s.c., des décrets de prorogatione était toujours nécessaire138. La même loi (ou le même plébiscite) permit d’ailleurs certainement de proroger L. Veturius en Gaule. L’expression idem dans la phrase idem in C. Aurunculeio decretum est ab senatu, latumque de prorogando imperio ad populum est (« de même que pour L. Veturius, le Sénat prit un décret et proposa au peuple la prorogatio du commandement de C. Aurunculeius qui, comme préteur, avait eu la province de Sardaigne ») suggère en ce sens que la procédure qui permit de proroger C. Aurunculeius (le vote d’un plébiscite ex s.c.) fut aussi employée pour proroger L. Veturius.
59En 192, l’explication est différente. La sortitio prétorienne ayant déjà été effectuée, il fut nécessaire de faire voter au peuple une loi de permutation des provinces ex s.c. pour modifier la définition des provinces prétoriennes139. Il faut en revanche écarter une hypothèse formulée par S. Day pour expliquer le recours au vote du peuple en 208 et en 192. Selon S. Day, un sénateur isolé ou un groupe de sénateurs aurait pu intercéder en 208 et en 192 contre le décret sur les provinces au motif que ce décret n’attribuait pas aux préteurs des provinces « régulières » ; le litige aurait alors été renvoyé devant le peuple. Cette hypothèse est étonnante puisqu’elle repose en substance sur l’existence d’un ordo prouinciarum, que l’historien cherche par ailleurs à réfuter140.
60Pour conclure, les lois de 228 et 198, qui augmentèrent le nombre de préteurs pour pallier les besoins de l’administration romaine en Sicile, en Sardaigne et en Hispanie, n’obligèrent pas le Sénat à faire tirer au sort aux préteurs les provinces de Sicile et Sardaigne, puis les Hispanies. Les seules provinces qui furent toujours confiées par tirage au sort à des préteurs, et jamais à des consuls, sont la juridiction urbaine et la juridiction pérégrine141. Le Sénat n’était toutefois pas obligé de les attribuer chaque année aux préteurs (le lot pérégrin ne fut pas tiré au sort par les préteurs en 205 et en 203-198)142 et il pouvait en outre choisir de les coupler à d’autres provinces. En 209, 206 et 204, le préteur pérégrin se vit par exemple confier après le tirage au sort, en plus de la juridiction pérégrine, la Gaule143 ; en 184, la préture urbaine144. L’attribution des provinces consulaires et prétoriennes sous la République resta ainsi caractérisée par sa grande flexibilité : les provinces étaient assignées tous les ans en fonction de la situation militaire et variaient donc d’année en année145. Les consuls recevant généralement l’Italie et les commandements militaires, il est logique que le gouvernement des territoires passés sous domination romaine ait été confié de facto aux préteurs, sans qu’il faille y voir là l’effet d’une loi contraignante ; la pratique devint ensuite peu à peu coutume.
1.2.3. Les provinces quo senatus censuisset
61Si le Sénat confiait le plus souvent aux consuls et aux préteurs des provinces clairement identifiées, telles la juridiction urbaine ou pérégrine, la Sicile ou la Sardaigne, il pouvait aussi choisir de leur faire tirer au sort une province indéterminée. L’essentiel était d’assigner autant de provinces qu’il y avait de magistrats, que ces provinces fussent précisément définies ou non, composées d’un seul territoire ou d’une seule juridiction ou à l’inverse de plusieurs.
62La province laissée indéterminée était désignée dans le décret de prouinciis par l’expression quo senatus censuisset, que l’on peut traduire par la proposition relative « là où le déciderait le Sénat »146. Le magistrat qui tirait la sors integra (« blanche », « vierge »)147 qui correspondait à la province quo senatus censuisset était placé au service du Sénat, qui pouvait ensuite lui confier la mission qu’il souhaitait.
63La documentation montre que le Sénat assigna par décret aux consuls ou aux préteurs une province quo senatus censuisset au moins à cinq reprises entre 208 et 168.
641) Le premier exemple d’attribution d’une province quo senatus censuisset remonte à 208 : le préteur P. Licinius Crassus, qui était aussi grand pontife, reçut la province pérégrine et une autre province que le Sénat pourrait ensuite définir (peregrina et quo senatus censuisset)148. Nous ne savons pas précisément où le Sénat l’envoya.
652) Le Sénat assigna en 192 aux consuls Cn. Domitius Ahenobarbus et L. Quinctius Flamininus l’Italie, « à la condition de décider entre eux, ou de tirer au sort (inter se compararent sortirenturue), celui qui présiderait les comices, et que celui à qui cette charge ne serait pas attribuée se tînt prêt pour le cas où il lui faudrait conduire ses légions hors d’Italie (ut paratus esset si quo eum extra Italiam opus esset ducere legiones) ». Cn. Domitius reçut ensuite par tirage au sort la province hors d’Italie, ce qui signifiait qu’il « serait envoyé là où le déciderait le Sénat » (extra Italiam quo senatus censuisset prouincia149). Laisser une province indéterminée (quo senatus censuisset) permit certainement de réserver à l’un des deux consuls la conduite de la guerre prochaine contre Antiochos III, qui n’avait pas encore été votée, mais était sur le point de l’être150 ; l’autre consul, à qui revenait la charge de présider les comices, fut envoyé en Cisalpine. La même année, la Grèce fut en outre définie comme prétorienne, afin de sécuriser la région. Les actions du préteur n’étaient en effet pas considérées comme offensives, mais comme défensives, et l’assignation d’une province prétorienne ne dépendait donc pas du vote d’une guerre ; il était en revanche nécessaire d’attendre que la guerre fût votée pour confier la Grèce aux consuls.
66Les événements qui s’étaient déroulés quelques années plus tôt expliquent les précautions prises par le Sénat en 192151 : comme nous l’avons vu, en 200, le Sénat avait désigné la Macédoine comme province consulaire avant que le sujet de la guerre contre Philippe V fût soumis aux comices ; le peuple refusa ensuite de voter la guerre. L’assignation, en 192, d’une province quo senatus censuisset permettait donc au Sénat de respecter la procédure – le commandement de la guerre n’était pas attribué avant que celle-ci eût été votée par le peuple – tout en garantissant les intérêts de Rome : dès le vote de la guerre, la province consulaire quo senatus censuisset pouvait être précisée par le Sénat sans qu’il fût besoin de recourir à une loi de permutation des provinces. Les précautions prises par le Sénat s’avérèrent utiles puisque la guerre contre Antiochos III ne fut finalement pas votée152. Le consul Cn. Domitius Ahenobarbus, qui avait reçu la province extra Italiam et quo senatus censuisset par tirage au sort153, passa l’année à faire campagne contre les Boïens. Un plébiscite, voté ex s.c., de permutatione prouinciarum permit en revanche aux préteurs qui avaient tiré au sort les Hispanies d’être envoyés contre le tyran de Sparte Nabis, qui attaquait ouvertement certains alliés grecs du peuple romain154.
673) En février 191, alors que la guerre contre Antiochos III n’avait toujours pas été votée, le Sénat désigna de nouveau comme provinces consulaires l’Italie et une province quo senatus censuisset ; il vota ensuite les crédits militaires des provinces consulaires (ornatio)155. La même année, les patres assignèrent par décret aux préteurs le commandement de la flotte, en précisant qu’elle devait faire voile là où le Sénat le déciderait (tertia [sc. sors] classis, ut nauigaret quo senatus censuisset156). Après le vote de la guerre par l’assemblée au début de l’année civile, la prouincia consulaire laissée indéterminée fut précisée par un décret du Sénat et devint la Grèce. Des troupes supplémentaires furent en outre votées aux deux consuls juste avant le tirage au sort157, qui attribua à M’. Acilius Glabrio la Grèce. La sortitio prétorienne fut enfin accomplie : le commandement de la flotte quo senatus censuisset échut à C. Livius Salinator et le Sénat lui ordonna d’armer trente navires et de faire route vers la Grèce158. Le fait d’avoir laissé indéfinie une province consulaire avant la déclaration de guerre avait donc permis au Sénat de procéder à l’ornatio des provinces et de les faire tirer au sort, c’est-à-dire de préparer les combats à venir, sans empiéter sur les prérogatives du peuple. L’assignation aux préteurs de la flotte sans en préciser la destination servit à compléter ce dispositif dans la mesure où elle laissa le Sénat libre, une fois la guerre votée, de coordonner à sa guise les opérations de l’armée navale, menées par un préteur, et celles de l’armée terrestre, conduites par un consul159.
684) En 171, alors que la guerre contre Persée était imminente160, le Sénat tenta de hâter les élections consulaires et prétoriennes, qui eurent finalement lieu en mars161. Les sénateurs prirent en outre, avant l’entrée en charge des consuls et des préteurs, des mesures pour préparer la guerre. Dès la fin de l’année 172, deux préteurs (C. Licinius Crassus et Cn. Sicinius, qui étaient respectivement préteurs urbain et pérégrin en 172)162 furent ainsi chargés de constituer une flotte et de recruter des affranchis et des auxiliaires latins pour fournir les équipages ; Cn. Sicinius fut en outre prorogé pour 171 en Macédoine163. L’assignation d’une province quo senatus censuisset aux préteurs désignés compléta le dispositif : « à ces préteurs on assigna leurs provinces : les deux juridictions à Rome, l’Hispanie, la Sicile et la Sardaigne, de façon qu’il restât un lot vierge, qui serait défini par le Sénat164 ». Le texte donne des informations sur la manière dont le Sénat procéda pour confier une province indéterminée aux préteurs : une sors integra (i.e. un lot vierge ou blanc) devait être tirée au sort par les préteurs ; celui qui obtiendrait ce lot serait ensuite envoyé « là où le déciderait le Sénat » (quo senatus censuisset).
69Après que les magistrats furent entrés en charge et que les consuls eurent fait voter au peuple la déclaration de guerre contre Persée165, le Sénat définit l’Italie et la Macédoine comme provinces consulaires166. Le Sénat précisa également la province prétorienne quo senatus censuisset : « Le préteur que le tirage au sort aurait désigné pour la mission qu’il plairait au Sénat de lui donner irait, décida celui-ci, à Brindes auprès de la flotte » (praetorem, cuius sors fuisset, ut iret, quo senatus censuisset, Brundisium ad classem ire placuit167) pour surveiller les côtes illyriennes168. Le tirage au sort des provinces prétoriennes fut finalement effectué et « C. Lucretius Gallus reçut par tirage au sort la mission d’être envoyé là où le Sénat l’avait décidé » (C. Lucretio Gallo, quo senatus censuisset, sors obuenit)169, tandis que le tirage au sort des provinces consulaires fut réalisé plus tard au cours de l’année170.
705) Enfin, à la fin de l’année civile 169, alors que Rome était en guerre contre Persée en Orient, le Sénat détermina les provinces consulaires et prétoriennes de l’année 168 avant l’investiture des magistrats. Les sénateurs assignèrent aux préteurs la juridiction pérégrine ainsi que la province « où le Sénat jugerait bon de l’utiliser » (peregrina et si quo senatus censuisset171). Ils envoyèrent en parallèle une commission d’enquête en Macédoine pour inspecter les armées et la flotte. Ce ne fut qu’au retour de cette ambassade que le Sénat définit les troupes militaires pour 168 (ornatio)172. Confier à l’un des préteurs la province pérégrine assortie d’une mission à préciser ménagea donc la possibilité, pour les sénateurs, d’adapter en cours d’année la stratégie au contexte militaire et de disposer d’une armée « à géométrie variable ». Les magistrats désignés tirèrent ensuite au sort leurs provinces et au préteur L. Anicius (Gallus) échut la peregrina et si quo senatus censuisset. Il fut donné comme « adjoint » (additus) au consul L. Aemilius Paullus et au préteur Cn. Octavius, qui avaient reçu pour province la Macédoine, et fut envoyé dans la province d’Illyrie pour succéder à Ap. Claudius173.
71Pour conclure, l’étude de ce corpus permet de dégager les raisons, d’ordre institutionnel, politique ou militaire, qui poussèrent le Sénat à laisser des provinces indéterminées : pouvoir adapter au cours de l’année civile l’envoi des magistrats aux besoins de l’armée romaine ; éviter que les ennemis de Rome ne sussent à l’avance où allaient être déployées les troupes romaines174 ; écourter les débats générés par la détermination des provinces et éviter que des intercessions consulaires ou tribunitiennes fussent portées contre le sénatus-consulte de prouinciis, en ménageant au sein de ce dernier un « flou » juridique ; préparer une guerre qui n’avait pas encore été votée, en répartissant les provinces parmi les magistrats et en leur allouant des crédits militaires, sans empiéter sur les prérogatives du peuple à qui revenait le droit de voter les guerres avant que le commandement de celles-ci fût confié aux magistrats.
72D’un point de vue institutionnel, l’étude de ce corpus suggère que le Sénat pouvait librement préciser la nature de la province quo senatus censuisset avant que la sortitio fût organisée (ce fut par exemple le cas en 191). Il était également libre de déterminer les compétences et l’assignation du magistrat qui avait tiré au sort la province quo senatus censuisset une fois la sortitio accomplie, et ce sans avoir besoin de procéder à une permutatio : la possibilité de définir la province était en effet reconnue au Sénat par le décret de prouinciis lui-même, qui stipulait que les sénateurs avaient le droit d’envoyer le magistrat là où ils le décideraient, et par le magistrat qui acceptait, après le tirage, la sors integra. Pour préciser la définition des provinces qui avaient été laissées indéterminées dans le décret de prouinciis, le Sénat votait probablement un autre décret, qui ne se substituait pas au décret sur les provinces, ni ne l’abrogeait. À partir du moment où la province « vierge » avait été définie, il était en revanche nécessaire, pour changer la définition de la nouvelle province ou permuter les provinces, d’obtenir l’accord des magistrats concernés, sauf à faire voter par le peuple une lex de permutatione.
73Si le Sénat pouvait laisser dans le sénatus-consulte de prouinciis sur les provinces consulaires une province indéterminée, comme en 192, il n’assigna en revanche jamais par décret aux préteurs une province totalement « vierge » : ainsi, en 208 et 168, le Sénat associa la province quo senatus censuisset à la province pérégrine, et, en 191, la province quo senatus censuisset au commandement de la flotte. Cette différence tient au fait que les préteurs ne pouvaient pas exercer leur magistrature tant qu’ils n’avaient pas tiré au sort une province qui spécifiait leurs actions et les individualisait, tandis que les consuls pouvaient, avant de tirer au sort leur province, exercer leur imperium domi. Les cas étudiés de provinces quo senatus censuisset assignées par décret aux consuls ou aux préteurs montrent en tout cas que ces dernières étaient généralement définies par le Sénat au plus vite après l’entrée en fonction des magistrats et, le cas échéant, après le vote de la guerre.
74L’attribution de provinces quo senatus censuisset fut probablement interdite par la lex Sempronia de prouinciis de 123 qui imposa au Sénat de définir les provinces consulaires avant les élections des consuls. Si une province consulaire était laissée indéterminée avant les élections, les sénateurs auraient en effet été amenés à la définir une fois les consuls élus et ceux-ci auraient pu influer sur la décision du Sénat – une situation que la lex Sempronia de prouinciis cherchait précisément à éviter. On ne trouve en tout cas aucun exemple d’assignation de province quo senatus censuisset dans les sources relatives à la fin du IIe siècle et au Ier siècle.
1.3. L’influence des candidats sur la définition des provinces
75Comme nous l’avons vu, les deux variables de la sortitio prouinciarum, les candidats et les provinces, étaient définies d’une part par le peuple, qui élisait les magistrats curules et donc désignait les candidats à la sortitio, et par le Sénat d’autre part, puisque celui-ci assignait par décret les provinces aux consuls et aux préteurs. Le rôle que jouaient les magistrats-candidats à la sortitio dans les étapes qui précédaient l’accomplissement du tirage au sort était toutefois loin d’être secondaire. Les consuls, en particulier, avaient par exemple la capacité d’orienter les débats et d’intercéder contre les décrets de prouinciis. Le dernier volet de ce chapitre est ainsi consacré à l’influence qu’exerçaient les magistrats-candidats à la sortitio prouinciarum sur le vote du décret de prouinciis : ces magistrats obtenaient-ils régulièrement du Sénat le droit de tirer au sort les provinces qu’ils réclamaient ? Les sénateurs pouvaient-ils, à l’inverse, aller à l’encontre des revendications des magistrats ? Dans quels contextes les litiges sur le décret de prouinciis furent-ils portés devant le peuple pour que celui-ci les arbitrât ?
1.3.1. La participation aux débats
76Les magistrats-candidats à la sortitio participaient tout d’abord activement aux débats sur l’assignation des provinces qu’ils allaient être amenés à tirer au sort. Comme il a été signalé, les débats sur la détermination des provinces consulaires et prétoriennes de l’année à venir étaient ainsi toujours introduits au Sénat par les consuls, le plus souvent le premier jour de l’année civile. Ceux-ci prononçaient à cette occasion un discours sur l’état de la res publica, dans lequel ils exprimaient leurs souhaits que telle ou telle province leur fût confiée. L’auctoritas personnelle des consuls et le contexte solennel dans lequel ils prononçaient leur discours influaient certainement sur la décision des sénateurs, qui choisissaient régulièrement de voter la relatio que présentaient les consuls à l’issue de leur déclaration. Avant la lex Sempronia de prouinciis de 123, les provinces n’étaient en outre jamais définies avant l’élection des consuls, mais toujours après celle-ci et en leur présence, que ceux-ci fussent désignés ou investis. Il était du reste probablement indispensable que les deux consuls concernés par le décret de prouinciis fussent présents dans la curie le jour du vote du décret. Ainsi, en 210, M. Claudius Marcellus, qui fut le seul consul à entrer en charge aux ides de mars cette année-là, refusa d’introduire le débat sur les provinces au Sénat avant que son collègue M. Valerius Laevinus175 fût arrivé à Rome (nihil se absente collega neque de re publica neque de prouinciis actorum176). Le consul leva la séance du Sénat (la première séance de l’année consulaire 210) et ce ne fut qu’au retour de Laevinus que fut lu le rapport des deux consuls sur la situation de l’État et des provinces (de re publica tamen primum ac de prouinciis177) et que fut voté le décret sur les provinces consulaires178. Si le Sénat avait décidé des provinces avant le retour de Laevinus, M. Claudius Marcellus aurait probablement mis un veto à ce sénatus-consulte179 – veto justifié par le fait qu’il était contraire au mos maiorum de décider des provinces consulaires en l’absence des magistrats concernés180.
1.3.2. L’utilisation de l’intercession
77L’influence des consuls ne reposait pas uniquement sur leur auctoritas, mais était aussi fondée en droit. Les consuls bénéficiaient en effet, jusqu’au vote de la lex Sempronia de prouinciis de 123, du pouvoir d’intercéder contre les décrets sur les provinces consulaires (ou prétoriennes, bien que les textes n’en fassent pas mention), et ils eurent, à l’époque médio-républicaine, fréquemment recours à ce procédé, ou du moins à la menace qu’il constituait, pour obtenir du Sénat les provinces qu’ils souhaitaient. Les consuls pouvaient également se placer sous l’auxilium d’un tribun de la plèbe pour que celui-ci intercédât, à leur demande, contre le décret de prouinciis. Si les préteurs ne pouvaient intercéder eux-mêmes contre les décrets sur les provinces, ils bénéficiaient en revanche, comme les consuls, de cette seconde possibilité : la meilleure preuve en est que la lex Sempronia de prouinciis conserva aux tribuns de la plèbe le droit d’intercéder contre le sénatus-consulte de prouinciis praetoriis181.
78Lorsqu’un consul ou un tribun de la plèbe intercédait contre un décret, il commençait généralement par proférer une menace qui était destinée à faire retirer ou modifier par son auteur la proposition (relatio). L’intercession pouvait aussi se manifester sous la forme d’une déclaration dans laquelle le magistrat affirmait son intention de faire obstacle à toutes les décisions du Sénat tant que sa volonté n’était pas faite sur un certain point. Lorsqu’un veto était porté contre un sénatus-consulte sur les provinces qui avait déjà été voté, ce sénatus-consulte était tout de même rédigé en qualité de senatus auctoritas182. L’auteur de la proposition et la majorité qui y était favorable essayaient alors ensuite d’obtenir à l’amiable le retrait de l’intercession et, en dernière extrémité, de provoquer un vote du Sénat blâmant formellement la conduite du magistrat comme nuisible à l’intérêt public. Lorsqu’aucun accord n’était trouvé au sein du Sénat et que l’intercession était maintenue, le peuple était le plus souvent convoqué par un tribun ou un consul sur demande du Sénat, et arbitrait le litige en votant un plébiscite ou une lex rogata ex s.c. L’avis du peuple pouvait aussi être sollicité en cas de litige (disceptatio) entre les tribuns de la plèbe183.
79L’étude de la documentation suggère que la plupart des intercessions portées par les consuls concernaient aux IIIe et IIe siècles les provinces ou l’ornatio consulaires184. Les consuls semblent en particulier s’être systématiquement opposés aux décisions du Sénat lorsque celui-ci ne leur attribuait pas le commandement des guerres, mais préférait, pour garantir la continuité du commandement, proroger le ou les consuls qui en avaient été chargés l’année précédente. Les consuls en exercice invoquaient certainement alors, pour s’opposer au décret de prouinciis, la coutume en vertu de laquelle la conduite des guerres devait revenir aux magistrats en charge. Le récit que fait Tite-Live des débats sur l’assignation consulaire en 187 illustre bien ce point. Cette année-là, le Sénat, informé de la situation en Ligurie, attribua cette province aux consuls. Cependant, le consul M. Aemilius Lepidus, soutenu par son collègue C. Flaminius Nepos, intercéda contre le décret de prouinciis au motif qu’il était humiliant (indignum) d’envoyer les consuls en Ligurie et de confier le commandement de la guerre contre Antiochos III et Philippe V, c’est-à-dire l’Asie et la Grèce, aux proconsuls M. Fulvius Nobilior et Cn. Manlius Vulso185, qui étaient en Grèce depuis 189 avec les armées consulaires186. Dans son discours, M. Aemilius Lepidus qualifie les proconsuls de priuatos (à tort : ces derniers n’étaient pas encore rentrés à Rome), pour mieux rappeler que les guerres devaient traditionnellement être confiées aux consuls en exercice. Un compromis fut finalement trouvé : la province consulaire resta inchangée, mais le Sénat ne prorogea pas en Grèce les deux proconsuls, dont les armées furent rapatriées et mises à disposition des nouveaux consuls187. Ainsi que le souligne M. Coudry, « l’intercession a donc agi comme une menace destinée à donner du poids à l’intervention du consul, probablement parce qu’il avait déjà prononcé un premier discours en ce sens et ne supportait pas d’être mis en difficulté188 ».
80L’Histoire romaine de Tite-Live donne de nombreux exemples de ces conflits qui éclatèrent, jusqu’au IIe siècle, entre les consuls en exercice et les consuls prorogés au sujet des provinces à assigner. Celui qui opposa les consuls des années 202 et 201 à Scipion l’Africain pour le commandement de la guerre en Afrique donne un bon aperçu de la virulence des débats sur les provinces consulaires, de la manière dont fut utilisé le recours à l’intercession et du rôle que joua le peuple dans la résolution du litige.
81En mars 202, les consuls Ti. Claudius Nero et M. Servilius Pulex Geminus, qui convoitaient tous deux l’Afrique, formulèrent une sententia pour faire de l’Italie et de l’Afrique des provinces consulaires189 ; les consuls souhaitaient en effet succéder au proconsul P. Cornelius Scipio, qui menait en Afrique la guerre contre Carthage et dont l’imperium avait été prorogé l’année précédente par une lex rogata ou un plébiscite donec debellatum ub Africa foret (« jusqu’à ce que la guerre en Afrique soit finie »)190. Ti. Claudius souhaitait en particulier ardemment obtenir la province d’Afrique par un décret du Sénat191. Q. Caecilius Metellus, partisan de P. Cornelius Scipion192, prit toutefois la parole au Sénat et proposa d’y proroger ce dernier. Si le récit de Tite-Live, comme tous les passages qui évoquent Scipion, pose des problèmes de chronologie et d’interprétation – Tite-Live suit deux traditions, une tradition annalistique ancienne et une autre, plus récente, favorable aux Scipions –, il permet tout de même de comprendre comment ce litige fut réglé par les sénateurs. Selon Tite-Live, grâce aux efforts de Q. Metellus, « l’Afrique ne leur fut ni accordée, ni refusée (sc. aux consuls) » (neque negata neque data est Africa), expression qui suggère que les sénateurs accordèrent aux consuls l’Afrique, mais que le sénatus-consulte fut ensuite soumis à une intercession tribunitienne et fut rédigé en qualité de senatus auctoritas ; pour le dire autrement, l’Afrique était accordée aux consuls, mais la décision du Sénat était inapplicable. Le parti des consuls et le parti de Scipion ne parvenant pas à trouver un terrain d’entente, le débat fut alors porté, sur demande du Sénat et par l’intermédiaire des tribuns de la plèbe, devant le concilium plebis (assimilé par Tite-Live aux comices tributes)193. La question posée au peuple résulta, selon Tite-Live, d’un « accord » ou « compromis » (agere) entre les consuls et les tribuns, qui s’entendirent sur la formulation du plébiscite : à qui fallait-il confier le commandement de la guerre en Afrique (quem uellent in Africa bellum gerere) ? Le peuple arbitra le litige et désigna finalement le proconsul Scipion pour mener la guerre en Afrique194. La question posée au peuple portait donc spécifiquement sur l’objet du litige entre consuls et proconsuls : fallait-il envoyer en Afrique l’un des consuls en charge ou le proconsul Scipion, i.e. faire de l’Afrique une province consulaire ou l’attribuer à un ancien magistrat au moyen d’un décret de prorogatione ? En répondant à une question du type quem uellent (« qui voulait-on… »), le peuple devait désigner, à la manière d’une élection, un sénateur pour commander l’Afrique ; il n’était en revanche pas chargé de déterminer les provinces qu’il fallait confier aux consuls, et cette prérogative resta du ressort du Sénat. Dans la mesure où la question posée au peuple résultait d’un « accord » entre consuls et tribuns, il faut supposer que le peuple vota en 202 un plébiscite ex s.c. et qu’il choisit le nom du sénateur qui devait être envoyé en Afrique à partir d’une liste de noms que lui soumirent les tribuns de la plèbe et qui avait été acceptée par les consuls. On peut d’ailleurs imaginer que les consuls et les tribuns s’étaient entendus en amont pour ne proposer au vote du peuple que le nom de Scipion, qui jouissait alors d’une grande popularité, et que, en échange, les consuls avaient obtenu des tribuns la garantie qu’ils lèveraient l’intercession portée contre le décret sur les provinces consulaires195. Les deux partis obtenaient ainsi satisfaction puisque l’Afrique était confiée aux nouveaux consuls par un décret du Sénat et à Scipion par un plébiscite, qui accorda également à Scipion le droit de choisir son questeur C. Laelius extra sortem196. Pour le Sénat, la solution trouvée permettait en outre à la fois d’attribuer aux nouveaux consuls le commandement des guerres et de garantir, en prorogeant les anciens magistrats, la continuité de ce commandement.
82Le conflit entre les consuls et Scipion n’était toutefois pas clos et les débats sur l’attribution de la guerre contre Carthage reprirent de plus belle l’année suivante. En 201, la question des provinces consulaires fut mise à l’ordre du jour, certainement après que les envoyés de Philippe V de Macédoine et ceux des Carthaginois eurent été entendus par les sénateurs197. Le consul Cn. Cornelius Lentulus, qui souhaitait obtenir l’Afrique, « déclara donc qu’il ne laisserait ouvrir aucune délibération, avant que celui-ci lui eût décerné la province d’Afrique ; son collègue (sc. P. Aelius Paetus) y consentait » (negare itaque prius quicquam agi passurum quam sibi prouincia Africa decreta esset, concedente conlega198). Le consul était probablement désireux de mettre fin à la guerre d’Hannibal et de ravir à Scipion le bénéfice de la victoire de Zama199. Quant à Scipion, il souhaitait être prorogé une année supplémentaire en Afrique et mettre fin à la guerre afin de célébrer un triomphe200. Le Sénat assigna tout d’abord par décret les provinces prétoriennes, qui posaient moins de difficulté, et les préteurs tirèrent au sort ces dernières201. On débattit ensuite des provinces consulaires. Les consuls menacèrent de ne pas mettre à l’ordre du jour les prochains sujets (notamment le débat autour de la date des Féries latines, que fixaient chaque année les consuls avant d’accomplir leur profectio), tant que les sénateurs ne leur auraient pas confié l’Afrique202, et probablement d’intercéder contre un décret de prouinciis qui irait contre leur volonté. Du point de vue des consuls, il était en effet juste que le commandement de la guerre en Afrique (et le règlement de celle-ci) revînt à un magistrat régulièrement élu plutôt qu’à un priuatus203. Le Sénat accéda, comme en 202, à la demande des consuls et leur confia certainement la direction de la guerre. Deux tribuns de la plèbe, Q. Minucius Thermus et M’. Acilius Glabrio, mirent toutefois leur veto au décret sur les provinces consulaires et menacèrent d’en appeler, comme l’année précédente, au vote du peuple, qui était favorable à Scipion204. Finalement, « après de longs débats parmi les sénateurs (sc. sur les provinces consulaires à assigner par décret), et dans l’assemblée du peuple, la décision fut enfin remise au Sénat205 ». Le Sénat vota alors un décret (ex auctoritate patrum) pour proroger le commandement de Scipion206. En échange, les tribuns de la plèbe acceptèrent de lever l’intercession, ce qui permit aux consuls d’obtenir l’Italie et le commandement d’une flotte de cinquante vaisseaux, avec mission de passer en Sicile et de là en Afrique, si la paix n’était pas conclue avec Carthage. Un serment fut même prononcé par les sénateurs (patres igitur iurati207). Par cette procédure exceptionnelle, qui révèle la gravité du conflit, ils s’engagèrent probablement à respecter les termes de l’accord avec les tribuns de la plèbe. Le Sénat vota ensuite un décret qui spécifia le décret de prouinciis dans le sens où il distingua nettement les attributions du consul chargé, après comparatio ou sortitio, du commandement de la Sicile, de celles de Scipion208.
83Le conflit entre consuls et tribuns de la plèbe à propos du commandement de la guerre en Afrique n’était toutefois pas encore résolu. Le consul Cn. Cornelius Lentulus mit finalement son veto au décret du Sénat proposant de ratifier la paix avec Carthage afin de pouvoir passer en Afrique209 ; les tribuns M’. Acilius Glabrio et Q. Minucius Thermus convoquèrent alors la plèbe, probablement sur demande du Sénat, pour lui faire voter par un plébiscite la paix avec Carthage et l’inviter à choisir celui à qui elle désirait confier le soin de la conclure et de ramener l’armée d’Afrique210. Le peuple désigna Scipion, ce qui interdit de facto à Lentulus de passer en Afrique211. Le commandement de ce dernier fut donc en grande partie amputé et la condition qui avait été insérée dans le décret de prouinciis (i.e. ne passer de Sicile en Afrique que si la paix n’était pas votée) explique certainement pourquoi son collègue P. Aelius Paetus accepta de si bon cœur de lui laisser la Sicile212.
84Le recours fréquent, lorsque le Sénat débattait des provinces qu’il fallait assigner aux consuls, aux intercessions consulaires ou tribunitiennes était bien sûr un problème dans la mesure où il paralysait régulièrement, et parfois pour plusieurs semaines, les activités du Sénat, retardant en particulier le moment du tirage au sort des provinces consulaires et de la profectio des consuls et de leurs armées. Le conflit qui opposa en 172 les consuls C. Popilius Laenas et P. Aelius Ligus, qui formèrent le premier collège consulaire entièrement plébéien, aux sénateurs patriciens en fournit un exemple canonique. La chronologie adoptée par Tite-Live n’est pas toujours claire, mais le récit peut être ainsi reconstitué213. Si l’on suit l’annaliste, le bras de fer entre les consuls et une partie des sénateurs commença dès leur investiture. Au début de l’année 172, le consul P. Aelius, poussé par les sénateurs, fit une relatio sur le renouvellement du sénatus-consulte voté en 173 en faveur des Ligures. Ce sénatus-consulte n’avait en effet pas été appliqué par M. Popilius Laenas, cos. 173 ; à l’inverse, celui-ci avait attaqué les Statellati, un peuple ligure, sans l’accord du Sénat, et avait refusé de rendre à ce peuple sa liberté et de lui restituer ses biens214. Devant l’opposition de son collègue C. Popilius, qui était le frère de M. Popilius Laenas, P. Aelius renonça finalement à sa relatio215. Le sujet des provinces fut ensuite mis à l’ordre du jour. Le Sénat assigna par décret la Ligurie aux consuls alors que ces derniers réclamaient de tirer au sort la Macédoine, présageant que la guerre contre Persée allait être bientôt déclarée. Au terme de négociations, le Sénat proposa finalement à ces derniers de leur attribuer la Macédoine en plus de la Ligurie (par le vote d’un deuxième décret de prouinciis, amendant le premier), à la condition sine qua non que ceux-ci acceptent de faire un rapport sur M. Popilius Laenas216. Les consuls refusèrent de faire ce rapport, mais n’intercédèrent pas contre le sénatus-consulte sur les provinces consulaires. En s’engageant officiellement à faire de la Macédoine une province consulaire en cas de coopération des consuls, le Sénat avait ainsi rendu inefficace et illégitime l’utilisation du veto consulaire : si les consuls avaient intercédé contre le décret de prouinciis et en avaient appelé à l’arbitrage du peuple, il est peu probable que ce dernier aurait accepté de confier la Macédoine à des consuls aussi peu respectueux du Sénat. Le conflit entre les consuls et le Sénat n’en resta toutefois pas là : les consuls refusèrent ensuite de mettre à l’ordre du jour le cas de M. Popilius Laenas, tandis que le Sénat fit certainement obstruction au vote de la loi curiate et à l’ornatio de leurs provinces217. Finalement, un plébiscite ex s.c. imposa aux consuls de partir pour leur province et d’enquêter sur les responsables de la réduction en esclavage des Ligures Statellates218. Des effectifs militaires restreints furent votés aux consuls219 et ceux-ci quittèrent Rome à la fin du printemps 172220. Le Sénat réussit ainsi, au terme de longues discussions qui paralysèrent la vie politique romaine, à imposer aux consuls de partir pour la province qui leur avait été assignée.
85Pour résumer, l’influence, légale comme informelle, des consuls sur les étapes préparatoires à la sortitio était très importante à l’époque médio-républicaine puisque, à l’inverse des préteurs, ces derniers présidaient les débats au Sénat sur les provinces consulaires et prétoriennes et pouvaient intercéder contre les décrets de prouinciis. La plupart du temps, l’assignation des provinces consulaires faisait l’objet d’un consensus au sein du Sénat, qui votait la relatio sur les provinces que les consuls présentaient le premier jour de l’année civile. Des litiges opposèrent toutefois à plusieurs reprises les consuls en charge à des consuls prorogés à propos de la définition des provinces consulaires. Lorsqu’aucun accord ne pouvait être trouvé entre les deux partis, les débats étaient exceptionnellement portés devant le concilium plebis, qui était chargé d’arbitrer le conflit en votant un plébiscite ex s.c. Loin d’être anodins, les conflits qui survenaient au moment de définir les provinces consulaires retardaient parfois de plusieurs semaines la date du tirage au sort des provinces consulaires et de la profectio des consuls.
Conclusion
86Le peuple, le Sénat et les magistrats jouaient un rôle important dans la préparation, en amont, du tirage au sort des provinces. Le peuple élisait les consuls et les préteurs qui étaient amenés chaque année à tirer au sort les provinces consulaires et prétoriennes, et votait la guerre et la paix. Le Sénat votait les décrets sur les provinces consulaires et prétoriennes. Il était probablement libre de confier aux consuls et aux préteurs les provinces qu’il souhaitait et n’était pas tenu d’obéir à un ordo prouinciarum ; il pouvait en outre choisir d’assigner par décret une province quo senatus censuisset, dont il précisait ensuite librement la définition. Les magistrats élus étaient quant à eux candidats de droit à la sortitio prouinciarum, sauf s’ils décidaient de renoncer à tirer au sort ou au lot qu’ils avaient tiré au sort lors d’une contio, par la procédure de l’excusatio. Les étapes préparatoires à la sortitio garantissaient ainsi le bon fonctionnement de la procédure et son acceptation en ce qu’elles faisaient participer tous les acteurs de la res publica – le peuple, le Sénat, les magistrats. En définitive, les Romains ne recouraient au hasard pour répartir les provinces consulaires et prétoriennes qu’après que des choix fondés sur la raison et la délibération avaient été effectués, et qu’un consensus sur les noms des candidats et des provinces à tirer au sort avait été trouvé au sein de la société romaine.
87L’étude des étapes qui précédaient l’organisation de la sortitio montre que la part de hasard à l’œuvre dans cette procédure était à la fois restreinte et encadrée. Les magistrats qui participaient au tirage au sort étaient tout d’abord assurés d’obtenir une province à l’issue des sortitiones consulaires et prétoriennes : les candidats étant en nombre égal ou inférieur (si l’un des candidats renonçait au tirage au sort) à celui des provinces consulaires et prétoriennes, celles-ci ne comportaient en effet pas de numéros perdants. En outre, si la sortitio permettait ensuite de répartir de manière aléatoire les provinces entre les consuls et les préteurs, elle confortait en réalité le plus souvent les intérêts des consuls dans la mesure où ceux-ci participaient aux débats sur la désignation des provinces et pouvaient s’opposer aux décrets de prouinciis. Le dispositif de la sortitio consulaire étant par ailleurs restreint (deux consuls se répartissaient par tirage au sort deux provinces), les consuls obtenaient généralement la province qu’ils souhaitaient gouverner. Un des principaux buts de la lex Sempronia de prouinciis de 123, qui imposa au Sénat de déterminer les provinces consulaires avant les élections des consuls, fut ainsi de réduire le contrôle exercé par ces derniers sur la procédure d’assignation des provinces.
Notes de bas de page
1 Hurlet 2006a, p. 22.
2 Hurlet 2006a, p. 33 n. 54, qui renvoie à Cic., Sest., 137, où il est indiqué que les sénateurs sont choisis par le peuple tout entier, ab uniuerso populo ; cf. Cic., Leg., 3, 27.
3 Sur la création du praetor inter peregrinos, cf. Liv. Perioch. 19 ; Pomp., Dig., 1, 2, 2, 28 ; Lyd., Mag., 1, 38. Cf. Stewart 1998a, p. 184-195 ; Brennan 2000, p. 85-89 ; Bergk 2011.
4 Mommsen 1893, p. 222-223 ; Brennan 2000, p. 61. Stewart 1998a, n. 5 p. 96 rappelle que Tite-Live désignait la province urbaine de plusieurs manières : sors urbana (Liv. 22, 35, 5 ; 23, 30, 18 ; 25, 3, 1 ; 30, 4, 5 ; 35, 41, 6 ; 45, 16, 3) ; prouincia urbana (Liv. 24, 9, 5 ; 40, 44, 6 ; 45, 44, 2) ; iurisdictio urbana (Liv. 25, 41, 13 ; 27, 36, 11 ; 30, 1, 9 ; 32, 28, 2 ; 33, 26, 1 ; 34, 43, 6 ; 38, 35, 10 ; 40, 1, 1 ; 41, 8, 2 ; 42, 10, 14 ; 42, 31, 9) ; Romae iuri dicundo urbana sors (Liv. 22, 35, 5) ; Iuris dicendi Romae prouincia (Liv. 39, 45, 5) ; Romae iuris dicendi causa (sc. prouincia) (Liv. 38, 42, 6). L’expression « province urbaine » renvoie au fait que le préteur qui en était chargé ne pouvait s’absenter plus de dix jours de l’Vrbs (Cic., Phil., 2, 31) ; la compétence du préteur pérégrin était aussi urbaine, mais celui-ci n’était pas attaché par une nécessité légale à la capitale.
5 Liv. 23, 30, 18 : peregrinam sortem in iurisdictione habuit ; 28, 10, 9 : Q. Mamilius peregrinam ; 33, 21, 9 : cuius iurisdictio inter ciuis et peregrinos erat ; 40, 1, 1 : iurisdictio … inter peregrinos M. Valerio euenit ; 41, 15, 5 : M. Aburius inter peregrinos sortiti sunt. Sur l’évolution du terme peregrinus, voir Stewart 1998a, p. 184-195.
6 Liv. Perioch. 20, 7 ; Solin. 5, 1 ; Pomp., Dig., 1, 2, 2, 32 ; Zon. 8, 19. Sur la date de création de ces deux nouvelles prétures : Brennan 2000, p. 85-97 ; Ferrary 2003, p. 121 et n. 58-61 ; Beck 2005, p. 63-67 ; Prag 2012, p. 53-65. Sur le développement de la préture au IIIe siècle : Stewart 1998a, p. 95-136 ; Bunse 2001, p. 145-162 ; 2002 ; Beck 2005, p. 63-70 ; Bergk 2011, p. 61-74 ; Humm 2012c.
7 Brennan 2000, p. 85-89.
8 Crawford 1990, p. 91-121 ; Stewart 1998a, p. 184-195.
9 Liv. 32, 27, 6 ; cf. Liv. 32, 28, 2. Voir Richardson 1986, p. 75-79 ; Brennan 2000, p. 164-166.
10 RS, 1, n° 14 (VIII de XX q.). On peut rapprocher ce fragment de loi d’une allusion de Tacite à l’augmentation par Sylla du nombre de questeurs pour le porter à 20 : Tac., Ann., 11, 22, 6.
11 Ferrary 2003, p. 138-140 ; 2008a, p. 7-18 ; 2010, p. 34-36.
12 Contra l’hypothèse de Siber, plebiscita, s.v., dans RE, XXI.1, 1951, col. 65, reprise par Elster 2003, p. 179.
13 Sur la lex Baebia, cf. Mommsen 1893, p. 227-228 ; Brennan 2000, p. 169-173 ; Ferrary 2003, p. 122 ; Barrandon – Hurlet 2009, p. 38 ; Ferrary, Lepor n° 71.
14 Liv. 40, 44, 2.
15 Liv. 40, 19, 11. Sur la lex Baebia de ambitu, cf. Elster 2003, p. 339-340 ; Ferrary 2006, p. 9-21 ; Briscoe 2008, p. 461 ; Ferrary 2010 ; Ferrary, Lepor n° 21 ; Bur 2015 ; 2018, p. 314-316. Mommsen 1893, n. 3 p. 227 a montré que la lex Baebia de prouinciis doit être attribuée à l’un des consuls de 181, et a émis l’hypothèse que les deux lois consulaires de 181 n’en faisaient qu’une ; il est suivi par Rögler 1962, p. 115-121 ; Develin 1985, p. 136 ; Scullard 1973, p. 172-173 ; Harris 1979, p. 160 n. 4 ; Brennan 2000, p. 169-170 ; Kunkel – Wittmann 1995, p. 82 n. 96. Contra Elster 2003, p. 341. Pour la discussion, cf. Pina Polo 2011a, p. 113 n. 78.
16 Sur les liens entre pratiques électorales et ambitus, cf. Deniaux 1987 ; sur la corruption électorale en général, cf. Rosillo López 2010, p. 49-85. Sur les lois de répression de la brigue (de ambitu), cf. Cloud 2006, p. 515-517 ; Ferrary 2002 ; 2006, p. 9-21 ; Bur 2015 ; 2018, p. 313-328. Sur la législation sur l’ambitus dans les années 180, cf. Beck 2016, p. 131-152.
17 Liv. 40, 44, 2.
18 Liv. 40, 59, 5.
19 Liv. 41, 8, 2.
20 Liv. 40, 44, 7.
21 Liv. 41, 8, 1.
22 Münzer, Cornelius, s.v., dans RE, IV, n° 320, col. 1427.
23 Liv. 41, 14, 5.
24 Liv. 41, 21, 1-3.
25 Selon Ferrary, Lepor n° 65, « l’occasion de l’abrogation a dû être, en 176, la nécessité dans laquelle est le Sénat de maintenir en Espagne pour une troisième année T. Aebutius Parrus et T. Fonteius Capito après que les deux préteurs ayant reçu par tirage au sort les provinces ibériques ont invoqué pour rester en Italie des obligations religieuses ». T. Aebutius Parrus, pr. 178, ne fut toutefois pas prorogé en Hispanie mais en Sardaigne (Liv. 41, 6, 5) ; il fut ensuite nommé, par un décret du Sénat, « adjoint » (adiutor) auprès de Ti. Sempronius Gracchus en 176 (Liv. 41, 15, 6). Ce furent M. Titinius Curvus et T. Fonteius Capito, prr. 178, qui furent prorogés en Hispanie en 176. Leur prorogation, pour une deuxième année consécutive, résulta du fait que trois préteurs renoncèrent coup sur coup, en 176, à partir dans leur province.
26 La dissuasio de Caton évoque peut-être l’abrogation de cette loi : Cato, fr. 137 Malcovati = 100 Cugusi Sblendorio (ap. Fest., p. 356 L.) : ne lex Baebia derogaretur ; cf. Mommsen 1893, n. 1 p. 228. Le texte ne permet toutefois pas de conclure que la lex Baebia qui fut abrogée était celle sur le nombre de préteurs, ni de savoir si cette abrogation présumée fut partielle ou totale : Ferrary, Lepor n° 65.
27 Mommsen 1893, n. 3 p. 227.
28 On se reportera sur cette question aux études de Blösel 2016 et de Rafferty 2019, p. 122-132, qui ne proposent toutefois pas de définition ni d’étude systématique de la procédure et prennent surtout en considération l’époque tardo-républicaine.
29 CIL IX, 5539 : (l’orateur Salvius Liberalis) sorte [procos. fac]tus prouinciae Asiae se excusauit (comm. par Mommsen 1893, n. 1 p. 291). Voir aussi, pour la deuxième moitié du IIIe siècle apr. J.-C., CIL VI, 31719 = 3832 : […] O C. Iulio AOVRIO [… Pate]rno, c(larissimo) v(iro) co(n)s(uli) ord(inario) […] proco(n)s(uli) pro[v(inciae) Asiae ou Africae, p]ost excusat(ionem) praef(ecto) Vrb[i] (comm. par Christol 1986, p. 106-107).
30 Sur les excusationes présentées au Ier siècle par des sénateurs pour ne pas assister à certaines séances du Sénat ou ne pas siéger dans les tribunaux permanents, cf. Ryan 1998, p. 49-50 (qui souligne que les deux prétextes les plus fréquemment invoqués furent la maladie et l’âge).
31 Gell. 1, 12, 6-7.
32 Arist., Ath., 4, 3 ; 7, 4 ; 27, 4. Fustel de Coulanges 1891 précisait déjà qu’il y avait pour les magistratures obtenues par le sort, comme pour celles obtenues par l’élection, une sorte de candidature, dont il détaillait l’examen (la δοκιμασία). L’expression ἐλθεῖν κληρωσόμενος désignait le fait de se présenter volontairement pour le tirage au sort, sans que cela exclût l’existence de pressions extérieures sur les candidats : cf. Demont 2000, n. 22 p. 306.
33 Rosenstein 1995, p. 55.
34 Liv. 28, 44, 10 ; cf. 28, 38, 12.
35 Plu., Fab., 25, 4 : Κράσσον δὲ τὰ μὲν ἡ φύσις, οὐκ ὄντα φιλόνικον, ἀλλὰ πρᾷον, οἴκοι κατεῖχε, τὰ δὲ καὶ νόμος θεῖος ἱερωσύνην ἔχοντα τὴν μεγίστην.
36 Liv. 41, 15, 6-10. Cf. Stewart 1987, p. 79-83.
37 Lundgreen 2011, p. 160-161 étudie cet épisode dans un paragraphe consacré au rôle des pontifes dans le règlement de « conflits de règles » ; ces derniers ne semblent pourtant pas avoir joué un rôle dans l’acceptation des excusationes des préteurs, comme le rappelle Van Haeperen 2002, p. 299-301.
38 Liv. 41, 15, 11.
39 Liv. 41, 17, 1. Gracchus célébra un triomphe sur les Sardes en 175 : Liv. 41, 28, 9.
40 Liv. 41, 27, 2. Cf. la notice n° 9 du catalogue prosopographique des infâmes de C. Bur : http://poolcorpus.univ-jfc.fr/infames-romani.
41 Liv. 26, 22, 5-8.
42 Liv. 26, 22, 3-13. Cf. Zon. 9, 5.
43 Liv. 43, 7, 5-6.
44 Cic., Lig., 21.
45 Caes., Civ., 1, 85, 8-9 : in se aetatis excusationem nihil ualere, quod superioribus bellis probati ad optinendos exercitus euocentur.
46 Plusieurs textes relatifs à l’époque impériale invitent également à penser que l’âge minimum était 60 ans. À l’époque augustéenne, les sénateurs âgés de plus de 60 ans n’étaient ainsi plus convoqués à participer à toutes les séances du Sénat : Sen., Brev. Vit., 20, 4. Dans la rubrique 44 de la lex Irnitana (AE, 1986, 333), le législateur précise que les duumvirs devaient inscrire dans trois décuries « les décurions ou les conscrits âgés de moins de soixante ans (qui minores quam LX annorum erunt) » pour établir selon quel ordre chaque décurie ou chaque membre d’une décurie devait s’acquitter de la charge d’ambassadeur. Toutefois, d’autres documents évoquent pour la même époque des limites d’âge plus élevées : Sen. Rhet., Contr., 1, 8, 4 rappelle qu’un sénateur âgé de plus de 65 ans ne pouvait pas être contraint à venir au Sénat ; le Ve édit d’Auguste découvert à Cyrène (De Visscher 1940, p. 24-25, l. 112) précise aussi que l’on ne devait pas tirer au sort de juge âgé de 70 ans ou plus (κληρούσζω δὲ μηζένα, ὃς ἂν ἑβδομήϰοντα ἢ πλείω ἔτη γεγονὼς).
47 Liv. 41, 15, 6-10.
48 Liv. 6, 22, 7 suggère que l’excusatio de Camille en 381 fut présentée devant le peuple.
49 Sur la prestation de serment pour renoncer à une fonction, cf. Tac., Ann., 12, 4 ; Tac., Hist., 3, 37 ; Plu., Marc., 4 : ἐξωμόσασθαι τὴν ὑπατείαν ; Plu., Cic., 19 : ἀπωμόσασθαι τὴν ἀρχήν. D.C. 54, 26, 4 rappelle également, dans la notice consacrée à l’an 13, que de nouveaux sénateurs se libéraient souvent de leur tâche par serment (ἐξώμνυντο), et que ce fut certainement avec accompagnement d’un serment qu’Auguste déclina certaines charges qui lui étaient offertes, notamment la dictature, comme l’atteste le verbe deprecari, qui a un sens religieux (Suet., Aug., 52 ; RGDA 5, 2). La prestation d’un serment pour renoncer à une magistrature reçue par élection ou tirage au sort semble avoir été commune aux mondes romain et grec. Théophraste (Caract., 24, 5) suggère ainsi, de manière humoristique, que toute personne élue à une magistrature pouvait y renoncer en prêtant serment ; sur ce texte, cf. Staveley 1972, p. 104 et n. 180.
50 Cic., Verr., 2, 1, 34. Verres devint questeur du consul Cn. Papirius Carbo. Cf. Díaz Fernández – Pina Polo 2019, p. 131-132.
51 Liv. 8, 29, 6-8.
52 Liv. 6, 22, 7. Camille était alors âgé d’au moins 60 ans.
53 Liv. 42, 32, 4 (en 171) ; Liv. 41, 15, 9 (en 176).
54 Liv. 42, 32, 1.
55 Liv. 42, 32, 4 : « Cassius disait qu’il souhaiterait obtenir la Macédoine sans tirage au sort ; que son collègue ne pourrait en effet participer avec lui au tirage au sort, s’il voulait rester fidèle à son serment » (Cassius sine sorte se Macedoniam optaturum dicebat, nec posse collegam saluo iure iurando secum sortiri).
56 Par exemple, en 218, Liv. 21, 17, 1 (nominatae … consulibus prouinciae) ou en 210, Liv. 26, 28, 3 (decreuere patres). Les verbes decreuere ou nominare désignent régulièrement, dans le texte de Tite-Live, l’assignation des provinces aux consuls ou aux préteurs : Liv. 27, 7, 7 (en 209) ; 27, 22, 2 (208) ; 27, 35, 10 (207) ; 28, 10, 8 (206) ; 28, 38, 12 et 45, 8 (205) ; 29, 13, 1 (204) ; 32, 8, 1 (198) ; 33, 43, 1-2 (195) ; 35, 20, 2 (192) ; 35, 41, 3 (191) ; 38, 42, 5 (187) ; 39, 38, 1 (184) ; 39, 45, 3 (183) ; 40, 1, 1 (182) ; 40, 35, 8 (180) ; 40, 44, 3 (179) ; 41, 14, 8 (176) ; 42, 1, 1 (173) ; 42, 28, 6 et 42, 31, 1 (171) ; 43, 11, 9 (169) ; 44, 17, 9 (168).
57 Ferrary 1977, p. 622 et n. 13 ; Hurlet 2010a, p. 50-51.
58 Sur la désignation par le Sénat des provinces questoriennes, cf. Díaz Fernández – Pina Polo 2019, p. 69-78 ; p. 131-163.
59 Par exemple, en 220 (Liv. 21, 6, 3-8 : après l’ambassade des Sagontins et l’envoi d’ambassadeurs en Hispanie) ; 201 (Liv. 30, 40, 1-7 : après les ambassades de Philippe V et des Carthaginois) ; 196 (Liv. 33, 24, 3-7 : après les délégations de T. Quinctius et de Philippe V et la désignation des délégués romains envoyés en Macédoine) ; 194 (Liv. 34, 43, 1-9 : après l’ambassade du tyran Nabis) ; 190 (Liv. 37, 1, 1-7 : après l’ambassade des Étoliens) ; 180 (Liv. 40, 35, 3-8 : après la délégation d’Hispanie citérieure) ; 177 (Liv. 41, 8, 4-12 : après l’ambassade sarde et les députations des alliés de droit latin) ; 168 (Liv. 44, 19, 1 : après l’ambassade des souverains lagides).
60 Liv. 21, 6, 6-8. Cf. Plb. 3, 15, 1.
61 Liv. 21, 17, 1.
62 Liv. 28, 39, 22 – 28, 40, 4. Cf. Liv. 28, 45, 7-8.
63 Sur la date à laquelle le Sénat recevait ambassadeurs et légats, et le rôle joué par les consuls dans les relations diplomatiques, cf. Coudry 1989, p. 285-320 ; Pina Polo 2011a, p. 19-20 et p. 58-82. Sur les ambassades grecques à Rome pendant la République, cf. Canali de Rossi 1997.
64 Liv. 26, 26, 7-9 ; Val. Max. 4, 1, 7. Plu., Marc., 23 évoque l’ambassade des Siciliens, mais pas le tirage au sort des consuls.
65 Un discours sur l’état de l’empire fut prononcé par les consuls en : 220 (Liv. 21, 6, 3-4) ; 210 (Liv. 26, 28, 3) ; 205 (Liv. 28, 39, 22) ; 203 (Liv. 30, 1, 1-3) ; 187 (Liv. 38, 42, 8) ; 173 (Liv. 42, 1, 1) ; 169 (Liv. 43, 11, 12 et 43, 12, 1) ; 167 (Liv. 45, 16, 1). Sur le discours d’entrée des consuls aux IIIe-IIe siècles, cf. Pina Polo 2011a, p. 18 et n. 45 ; sur les questions qui pouvaient être abordées lors de la première session du Sénat, cf. ibid., p. 19 et n. 48.
66 E.g., Liv. 40, 1, 3-4 (en 182). Cf. Barrandon 2014, p. 171-172.
67 Par exemple en 214 (Liv. 24, 43, 9) ; 202 (Liv. 30, 27, 1) ; 200 (Liv. 31, 5, 1) ; 195 (Liv. 33, 43, 1) ; 189 (Liv. 37, 50, 1) ; 188 (Liv. 38, 35, 7) ; 187 (Liv. 38, 42, 5) ; 183 (Liv. 39, 45, 2) ; 173 (Liv. 42, 1, 1).
68 En 207 (Liv. 27, 35, 5) ; 201 (Liv. 30, 40, 5) ; 187 (Liv. 38, 42, 6) ; 177 (Liv. 41, 8, 1-2) ; 168 (Liv. 44, 17, 9).
69 Liv. 38, 42, 5.
70 Stewart 1998a, p. 26.
71 Sur l’intercession, cf. Mommsen 1892a, p. 320-332 ; Willems 1883-1885, II, p. 199-204 ; Coudry 1989, p. 554-569.
72 Buongiorno 2016, p. 22-23. Quoique postérieure aux années 227-124, une lettre de M. Caelius Rufus à Cicéron, qui reproduit un sénatus-consulte voté aux calendes d’octobre 51, éclaire la diplomatique des s.c. de prouinciis et suggère le vote de deux décrets successifs, un décret sur les provinces consulaires (Cic., Fam., 8, 8, 5) et un décret sur les provinces prétoriennes (Cic., Fam., 8, 8, 6).
73 En 201, l’assignation des provinces prétoriennes et le tirage au sort des préteurs furent effectués une fois les préteurs élus ou le jour de leur investiture (Liv. 30, 40, 5). L’assignation des provinces consulaires promettait en effet d’être longue dans la mesure où un conflit opposait les consuls, qui souhaitaient obtenir l’Afrique, et le priuatus P. Cornelius Scipio (Liv. 30, 40, 7-16). En 194, les préteurs tirèrent au sort leurs provinces pendant la discussion au sujet des provinces consulaires (Liv. 34, 43, 1-9).
74 En 187 (Liv. 38, 42, 5 et 8-13) ; 177 (Liv. 41, 8, 2 et 9) ; 171 (Liv. 42, 8, 6 et 42, 31, 1). Le récit proposé par Tite-Live pour 169 n’est pas clair, mais il semble que le décret sur les provinces consulaires ait été voté avant l’investiture des consuls (Liv. 43, 11, 12). L’assignation des provinces consulaires fut en tout cas effectuée après celle des provinces prétoriennes (Liv. 43, 11, 9 et 12 ; 43, 12, 1).
75 Liv. 28, 40, 4 : ignoro quemadmodum iam certa prouincia Africa consulis, uiri fortis ac strenui, sit, quam nec senatus censuit in hunc annum prouinciam esse nec populus iussit. La formule employée par Tite-Live, nec senatus censuit … nec populus iussit, rappelle l’expression senatus decreuit populusque iussit utilisée par Cic., Verr., 2, 2, 161 à propos de la cité de Centuripe.
76 Liv. 26, 22, 1-2.
77 Liv. 35, 20, 2.
78 Liv. 35, 20, 7.
79 Liv. 27, 35, 6-10.
80 Liv. 21, 63, 1 (217) ; 23, 32, 1 (215) ; 27, 22, 1-3 (208). En 171, les consuls reçurent deux provinces distinctes (la Macédoine et l’Italie) et tirèrent au sort les légions : legiones sortiti sunt (Liv. 42, 32, 5).
81 Liv. 25, 13, 1. Cf. Stewart 2012, p. 6328.
82 Liv. 27, 7, 7.
83 Le conflit entre les tribuns et le dictateur fut finalement arbitré par le Sénat, qui valida le choix de la prérogative (Liv. 27, 6, 10-12).
84 Liv. 27, 35, 5-10.
85 Liv. 40, 1, 1 ; cf. 40, 16, 4.
86 Liv. 40, 1, 1.
87 Sur les commandements militaires qui étaient confiés aux consuls, cf. Rich 1976, p. 18-27. Mommsen 1892a, p. 63 rappelait déjà que le Sénat attribuait l’Italie comme province commune aux deux consuls quand il n’y avait pas de guerres étrangères à leur confier ; voir aussi Willems 1883-1885, II, p. 536.
88 Liv. 39, 38, 1. Cf. 40, 1, 1.
89 Liv. 41, 8, 2-3.
90 Liv. 41, 8, 4-5 ; 41, 9, 1 et 8.
91 Liv. 41, 8, 2.
92 Pina Polo 2011a, p. 211 (on trouvera aux p. 208-213 des exemples de consuls restés exceptionnellement à Rome durant l’année de leur magistrature).
93 Sur les obligations religieuses que devaient accomplir les consuls avant d’effectuer leur profectio (prononcer des vœux publics, expier les prodiges ou fixer une date pour la célébration des Féries latines), cf. Pina Polo 2011a, p. 21-35. Sur les Féries latines, cf. Smith 2012.
94 Tite-Live omet souvent de rapporter le vote par les comices de la déclaration de guerre avant d’évoquer celle-ci, en particulier dans le cas des guerres contre les peuples italiens. Là encore, les raisons de ce silence peuvent être multiples : parce qu’il omettait de mentionner les interventions du peuple ? Parce qu’un tel vote n’était pas nécessaire à l’époque républicaine ? Rich 1976, p. 15-17 a donné des arguments en faveur de la deuxième hypothèse. Selon l’historien, le peuple n’avait pas à être consulté lorsqu’il s’agissait de déclarer la guerre à des ennemis localisés en Italie, dans la mesure où l’Italie relevait directement du Sénat et où des armées y étaient postées en permanence. Sur la procédure de déclaration de guerre, cf. Rich 1976, p. 13-17 ; Pina Polo 2011a, p. 102-110.
95 Rich 1976, p. 15 et p. 27-46.
96 Liv. 31, 5, 9.
97 Liv. 31, 6, 1-3. Sur la date de la déclaration de la guerre contre Philippe V : Rich 1976, p. 25 et p. 87-88 ; Pina Polo 2011a, p. 102-103. Sur le refus des comices de voter la guerre : Feig Vishnia 1998.
98 Liv. 31, 8, 1.
99 Sumner 1966, p. 17-18 ; Rich 1976, p. 21 et n. 7 ; Briscoe 1981, p. 174 ; Brennan 2000, p. 185 et n. 29.
100 Le récit que fait Liv. 21, 17, 1-4 de l’année 218 suggère que le vote au Sénat des décrets sur les provinces consulaires (qui attribua aux consuls l’Hispanie, ainsi que la Sicile et la flotte) et sur l’ornatio furent, comme en 200, effectués avant que fût votée par les comices la guerre contre Hannibal. La chronologie adoptée par Tite-Live n’est toutefois pas assurée : sur cette question, voir Rich 1976, p. 28-34 et p. 64.
101 Liv. 33, 25, 4-11.
102 Les noms des provinces assignées par le Sénat aux préteurs et tirées au sort par ces derniers entre les années 218 et 167 sont énumérés dans les tab. 12 et 13 (ont toutefois été écartées les années 218, 217, 185, 175 et 170 pour lesquelles nous n’avons pas la liste des provinces prétoriennes).
103 Brennan 2000, p. 257 et n. 153. Contra Mommsen 1893, p. 267 ; Giovannini 1983, p. 67-68 et 95 (qui distingue les provinces prétoriennes, qui seraient « administratives », et les provinces consulaires, qui seraient « militaires ») ; Drogula 2011, p. 97-100 ; 2015, p. 232-294.
104 Liv. 28, 38, 12-13.
105 Sur les rapports hiérarchiques qu’entretenaient plusieurs magistrats qui opéraient dans le même territoire, cf. Vervaet 2014, p. 198-214 ; voir aussi Dalla Rosa 2014.
106 Liv. 27, 36, 11-12.
107 Liv. 28, 9, 10. Cf. Val. Max. 4, 1, 9, qui rapporte que le Sénat accorda à C. Claudius Nero le droit de triompher avec son collègue, mais que celui-ci préféra défiler à cheval. Vervaet 2014, p. 100-103 explique que Nero n’eut pas droit au triomphe parce que « technically, he had still conquered in aliena prouincia » (p. 103).
108 Liv. 33, 43, 5.
109 Vervaet 2014, p. 198-213 ; Willems 1883-1885, I, p. 551.
110 Liv. 27, 35, 10.
111 Comme le souligne Stewart 1998a, p. 56-71 et p. 91-93, en particulier p. 93 : « (the allotment is) a procedural process that assigned the same lot to two elected officials in succession but not together ».
112 Mommsen 1893, n. 1 p. 242.
113 Brennan 2000, p. 187-188.
114 Ferrary 2003, p. 138-140 ; 2008a, p. 7-18 ; 2010, p. 34-36. Cf. Drogula 2011, p. 97-100 ; 2015, p. 255-263 ; Rafferty 2019.
115 Liv. 27, 22, 5-6.
116 Mommsen 1893, n. 1 p. 242.
117 Ferrary 2003, p. 138-140 ; 2008a, p. 7-18 ; 2010, p. 34-36. Voir aussi Ferrary, Lepor n° 253 et n° 304.
118 Sur les lois comitiales de création de provinces, cf. Ferrary 2008a ; 2010, p. 34-36.
119 Ferrary 2003, p. 138-140 ; 2008a, p. 7-10 ; 2010, p. 34-36. Cf. Drogula 2015, p. 255. Selon J.-L. Ferrary, T. Mommsen (1893, n. 2 p. 245), s’il avait compris le problème posé en 192, n’avait pas vu qu’en 208 la raison du plébiscite fut la même qu’en 192 : Ferrary 2003, p. 138-140 et 2010, p. 36.
120 Liv. 35, 20, 8-10.
121 Brennan 2000, p. 187-188. J.-L. Ferrary ne parle pas d’ordo prouinciarum ni de provinces « fixes » et « spéciales » et il n’évoque jamais la procédure d’assignation des provinces prétoriennes de manière aussi schématique que T. C. Brennan, bien que ses conclusions rejoignent souvent celles de cet historien. Drogula 2011, p. 97-100 et 2015, p. 232-294, distingue quant à lui deux types de provinces, les commandements militaires et les provinces « permanentes » ou territoriales, qui se développèrent à partir de 146 ; les secondes étant moins prestigieuses, elles furent généralement réservées aux préteurs (« prétoriennes »), comme l’étaient les tâches urbaines, tandis que les commandements militaires restèrent « consulaires » (en temps de paix du moins).
122 Willems 1883-1885, II, p. 544-545.
123 Liv. 25, 3, 1.
124 Liv. 25, 3, 2 (en 212) ; 37, 50, 8 (en 189). De 205 à 198, Tite-Live ne mentionne qu’une fois l’assignation de la préture pérégrine, en 204 (Liv. 29, 13, 2), alors qu’un magistrat était probablement régulièrement chargé de juger les litiges opposant les citoyens romains et les pérégrins. Il faut ainsi supposer que, pendant cette période, la province urbaine fut couplée à la pérégrine dans le décret de prouinciis. La juridiction pérégrine pouvait aussi être ajoutée à une province autre que la juridiction urbaine, comme ce fut le cas en 207 (Liv. 27, 36, 11). Sur les missions confiées au préteur pérégrin pendant la deuxième guerre punique, cf. Brennan 2000, p. 106-107 ; sur les prouinciae additae/mandatae, cf. infra.
125 En 208 (Liv. 27, 22, 3) ; 168 (Liv. 42, 28, 6).
126 Liv. 43, 2, 3 (171) ; 43, 15, 3 (169) ; 44, 17, 10 (168).
127 Day 2017, p. 3.
128 Willems 1883-1885, II, p. 550 ; De Martino 1973, p. 234 ; Stewart 1987, p. 153 ; Richardson 2008, p. 19-21 ; Díaz Fernández 2015 ; Day 2017.
129 En 213 (Liv. 24, 44, 3-4) ; 212 (25, 3, 1-2) ; 209 (27, 7, 8).
130 En 216 (Liv. 22, 35, 5-7) ; 214 (24, 10, 4 ; 24, 12, 7) ; 213 (24, 44, 3-4) ; 212 (25, 3, 1-2) ; 208 (27, 22, 3) ; 202 (30, 27, 7-9) ; 200 (31, 6, 2) ; 195 (33, 43, 5) ; 190 (37, 2, 1) ; 176 (41, 15, 5) ; 167 (44, 17, 9).
131 En 192 (Liv. 35, 20, 8-9) ; 190 (37, 2, 1) ; 187 (38, 42, 5) ; 183 (39, 45, 4) ; 181 (40, 18, 3) ; 179 (40, 44, 6-7) ; 177 (41, 8, 2) ; 171 (42, 28, 6). En 191 (Liv. 36, 2, 6) et en 176 (Liv. 41, 15, 5), seule l’Hispanie ultérieure fut assignée par décret aux préteurs.
132 Willems 1883-1885, II, n. 4 p. 550.
133 En 216 (Liv. 22, 35, 5-7) ; 213 (24, 44, 3-4) ; 207 (27, 36, 10-11) ; 205 (28, 38, 13) ; 203 (30, 1, 9) ; 202 (30, 27, 7-9) ; 200 (31, 6, 2) ; 199 (32, 1, 2) ; 198 (32, 8, 5) ; 187 (38, 42, 5) ; 183 (39, 45, 4) ; 181 (40, 18, 3). Cf. Stewart 1998a, p. 194-195, qui souligne que les provinces assignées par décret aux préteurs variaient beaucoup d’année en année.
134 Pour une liste des prorogations effectuées en Sicile, Sardaigne et dans les Hispanies, cf. Brennan 2000, p. 186 ; Ferrary 2003, p. 140 et n. 146. Ferrary 2003, p. 107-123, énumère les années où Tite-Live aurait omis d’évoquer l’intervention du peuple, tout en affirmant qu’un vote du peuple était indispensable pour attribuer par prorogation des provinces telles que la Sicile ou la Sardaigne, créées par des lois comitiales.
135 Díaz Fernández 2015, p. 96-109. Pour des analyses récentes de la question du développement des provinces romaines à l’époque républicaine : Richardson 2008, p. 12-62 ; Díaz Fernández 2015, p. 109-275 ; Letta – Segenni 2016, p. 87-273. À propos des leges prouinciae, cf. Coudry – Kirbihler 2010, p. 133-138 ; Kirbihler 2009.
136 Díaz Fernández 2015, p. 31-85 et p. 569-572.
137 Lintott 1999, p. 8. Mutatis mutandis, il faut appliquer au « schéma » de répartition des provinces prétoriennes proposé par T. Mommsen et repris par T. C. Brennan, et dans une moindre mesure par J.-L. Ferrary, les mêmes critiques que celles qui avaient été adressées au « système syllanien » de répartition des provinces imaginé par T. Mommsen.
138 Develin 1980, p. 355 n. 4 ; Elster 2003, p. 245-246 ; Richardson 2008, p. 21-22. Willems 1883-1885, II, p. 550 n. 4 suggère qu’il était nécessaire de faire voter le peuple pour attribuer un imperium proconsule à un préteur. Cependant, Ferrary 2003, p. 139 et n. 143 a raison de dire que rien dans le texte de Tite-Live ne permet de distinguer l’imperium d’Aurunculeius et l’imperium (pro praetore) de Veturius en Gaule.
139 Mommsen 1893, n. 2 p. 245, suivi par Bleicken 1955, p. 55, supposait déjà qu’un plébiscite était nécessaire car le tirage au sort avait eu lieu.
140 Day 2017, p. 15-19. Selon S. Day, le recours au vote du peuple en 208 et en 192 aurait aussi servi à arbitrer la compétition aristocratique et permis au Sénat « to acquire a senatorial-popular consensus » (p. 15), i.e. « a popular endorsement » (p. 19) : si le plébiscite confirma en effet la décision du Sénat, ce qui eut pour effet de renforcer la légitimité de celle-ci, l’explication proposée n’éclaire toutefois pas, sur le plan juridique, les procédures suivies en 208 et 192.
141 Mommsen 1893, p. 240-242.
142 Stewart 1998a, p. 201-203.
143 En 209 (Liv. 27, 7, 8) ; 206 (28, 10, 9) ; 204 (29, 13, 2).
144 Liv. 39, 39, 1-15.
145 Ce raisonnement s’applique aussi au choix des provinces questoriennes, qui dépendait chaque année des besoins de Rome et du contexte politique et militaire : cf. Díaz Fernández – Pina Polo 2019, p. 133.
146 Sur les provinces quo senatus censuisset, voir Mommsen 1893, n. 2 p. 244 ; Willems 1883-1885, II, p. 545 ; Stewart 1987, p. 218-228 ; 1998a, p. 29-30 ; Brennan 2000, p. 184-185 ; Vervaet 2006, p. 627.
147 Liv. 42, 28, 6.
148 Liv. 27, 22, 3.
149 Liv. 35, 20, 1-7.
150 Liv. 35, 20, 1.
151 Stewart 1987, p. 213-218.
152 Liv. 35, 22, 3-4 ; 35, 40, 2-3.
153 Liv. 35, 20, 14.
154 Sur les antécédents de l’hostilité romaine contre Nabis, cf. Liv. 36, 1, 6-9 ; Ferrary 1988, p. 88-91. Sur la menace que constitua Antiochos III dès 192 et la déclaration de guerre en 191 : Rich 1976, p. 87-88 ; Pina Polo 2011a, p. 103.
155 Liv. 35, 41, 3-4.
156 Liv. 35, 41, 6. La traduction proposée par A. Manuelian (CUF, 1983) suggère à tort que des sortes (tablettes) portant le nom des préteurs furent tirées au sort ; la sortitio concerna en réalité les sortes sur lesquelles étaient inscrits les noms des provinces prétoriennes à répartir entre les préteurs.
157 Liv. 36, 1, 5-6.
158 Liv. 36, 2, 6.
159 Sur le souci du Sénat de coordonner la flotte prétorienne et les commandements consulaires terrestres, voir Richardson 1975, p. 54-56.
160 Liv. 42, 29, 1.
161 Liv. 42, 28, 1.
162 Liv. 42, 10, 14.
163 Liv. 42, 27, 1-8.
164 Liv. 42, 28, 6 : His praetoribus prouinciae decretae, duae iure Romae dicendo, Hispania et Sicilia et Sardinia, ut uni sors integra esset, quo senatus censuisset.
165 Liv. 42, 30, 11. Sur le vote de la déclaration de guerre contre Persée en 171, cf. Pina Polo 2011a, p. 103-104.
166 Liv. 42, 31, 1.
167 Liv. 42, 31, 6.
168 Liv. 44, 17, 9.
169 Liv. 42, 31, 9.
170 Liv. 42, 32, 1-4.
171 Liv. 44, 17, 6-10.
172 Liv. 44, 18, 2 – 44, 20, 7.
173 Liv. 44, 21, 4.
174 Comme le suggère Liv. 29, 14, 1.
175 Laevinus fut élu consul en son absence pour 210 (Liv. 26, 22, 2-15) et apprit la nouvelle de son élection au printemps 210, alors qu’il était à Corcyre (Liv. 26, 26, 1-4).
176 Liv. 26, 26, 5-7.
177 Liv. 26, 27, 17. Cf. Val. Max. 4, 1, 7.
178 Liv. 26, 28, 1-3.
179 Liv. 26, 28, 3.
180 Pina Polo 2011a, p. 18 et n. 46. Selon Van Haeperen 2012, p. 93, le vote du s.c. sur les provinces et le tirage au sort des provinces consulaires furent certainement différés en 210 pour une autre raison que l’obligation qui incombait aux deux consuls d’être présents lors de la séance du Sénat, en l’occurrence l’absence de prise d’auspices d’entrée en charge et de loi curiate. Cependant, il existe de nombreux cas de votes de s.c. sur les provinces et de tirages au sort des provinces effectués avant l’entrée en charge des magistrats (et donc avant la prise des auspices d’investiture et le vote de la loi curiate) mais en leur présence : c’est ici l’absence du consul qui est contraire à la coutume.
181 Sur les intercessions consulaires et tribunitiennes contre des s.c. à l’époque républicaine, cf. Coudry 1989, p. 554-569. Voir aussi Mommsen 1892a, p. 320-332 ; Willems 1883-1885, II, p. 199-204.
182 Mommsen 1892a, p. 322 ; Coudry 1989, p. 554 et n. 236 ; p. 562-569.
183 Day 2017, p. 9 souligne que le recours à l’arbitrage du peuple pouvait permettre dans certains cas de limiter les effets délétères de la concurrence aristocratique. Sur le rôle du peuple comme une « tierce instance » permettant aux aristocrates de ne pas s’affronter directement au sein du Sénat, mais indirectement, en faisant valoir leurs mérites auprès du peuple, cf. Hölkeskamp 2008, p. 110 ; Yakobson 2006, p. 383-400 ; Steel 2013, p. 51 ; Flower 2014, p. 11.
184 Coudry 1989, p. 554-562.
185 Liv. 38, 42, 9-12.
186 Liv. 38, 46, 14.
187 Liv. 38, 42, 13. Cf. Liv. 38, 46, 14.
188 Coudry 1989, p. 557. M. Coudry rappelle que l’inimicitia entre le consulaire Cn. Cornelius Lentulus (cos. 201) d’un côté et Manlius et Fulvius de l’autre était ancienne : Lentulus échoua aux élections consulaires de 190 contre Manlius et Fulvius (Liv. 38, 35, 1 ; 38, 43, 1) ; au retour des proconsuls, il accusa Fulvius d’avoir pillé Ambracie (Liv. 38, 43, 1 – 38, 44, 6).
189 Liv. 30, 27, 1.
190 Liv. 30, 1, 10. Cf. Etcheto 2012, p. 164.
191 Liv. 30, 40, 8-10.
192 Liv. 29, 20, 1-2.
193 Liv. 30, 27, 2-6.
194 Contra Willems 1883-1885, II, p. 540-541 qui propose que « le but du plébiscite ne fut pas précisément de charger Scipion seul de la guerre en Afrique, mais de lui confier un imperium égal à celui du consul qui tirerait au sort la province d’Afrique ».
195 Sur l’intercessionem remittere, voir Mommsen 1892a, p. 323.
196 Liv. 30, 33, 2. Cf. Díaz Fernández – Pina Polo 2019, p. 69-78, en particulier p. 75 et p. 131-132. L’initiative de cette nomination vint probablement de Scipion, mais ne rencontra pas d’opposition au Sénat : Thompson 1962, p. 17-19.
197 Liv. 30, 40, 6.
198 Liv. 30, 40, 8.
199 Coudry 1989, p. 487-499.
200 Liv. 30, 40, 6.
201 Liv. 30, 40, 5.
202 Liv. 30, 40, 7-8.
203 Liv. 30, 40, 8.
204 Liv. 30, 40, 9-10.
205 Liv. 30, 40, 11 : multis contentionibus et in senatu et ad populum acta res postremo eo deducta est ut senatui permitterent.
206 Liv. 30, 41, 1 : in prouincia Africa prorogatum imperium.
207 Liv. 30, 40, 12-13.
208 Liv. 30, 40, 13-15.
209 Liv. 30, 43, 1.
210 Liv. 30, 43, 2-3. Cf. Liv. 30, 40, 14.
211 Liv. 30, 44, 13.
212 Liv. 30, 40, 8.
213 Coudry 1989, p. 558-559.
214 Liv. 42, 8, 1-8.
215 Liv. 42, 10, 9-11.
216 Liv. 42, 10, 11-12.
217 Liv. 42, 21, 1.
218 Liv. 42, 21, 4-8.
219 Liv. 42, 10, 12.
220 Liv. 42, 22, 1.
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Gouverner par le hasard : le tirage au sort des provinces à Rome (IIIe s. av. J.-C.-Ier s. ap. J.-C.)
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