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Notables et notabilité dans le contado florentin des XIIe-XIIIe siècles

 | 
Philippe Lefeuvre

Chapitre 8 – Circulation et accumulation des richesses dans le contado

Texte intégral

  • 1 Dialogue issu du film Le Sucre de Rouffio 1978.

– Je viens de sauver un ami, il voulait se suicider !
– Pas possible !
– Oui, c’est un petit spéculateur…
– Il faut le tuer tout de suite. Épargnez-lui les souffrances1.

  • 2 À la fin du XIIIe siècle et au XIVe siècle, les notaires tenant leur banc sur la place publique te (...)
  • 3 Bourdieu 1980, p. 200-201 : « Le capital symbolique est ce capital dénié, reconnu comme légitime, (...)
  • 4 Ibid., p. 191-207, le chapitre que P. Bourdieu consacre au « capital symbolique » est inscrit tout (...)
  • 5 Ibid., p. 192, l’expression est reprise à Karl Marx qui l’utilisait pour fonder sa critique de l’é (...)
  • 6 Day 2000 ; Faini 2010 ; chronologie renforcée par le travail de Tabarrini 2019.

1La détention d’une petite propriété ou d’une tenure, l’appartenance à une parentèle bien identifiée et la participation à la sociabilité d’une villa ou d’un castello conduisaient au seuil d’une forme de respectabilité qui concernait en premier lieu les chefs de famille et leurs descendants mâles. Le poids social d’une parentèle se mesurait à la fréquence avec laquelle on convoquait ses représentants en qualité de témoin, notamment dans les actes plus anciens2. Dans les communautés rurales les mieux documentées tout se passe comme si chaque chef de famille possédait une égale dignité. Des différences existaient pourtant et les hiérarchies internes à ces communautés étaient sans cesse réinventées, à la fin du XIIIe siècle, il était fréquent qu’une parentèle exerçât localement une domination économique qui la faisait nettement sortir du lot. L’un des premiers éléments de différenciation qui vient immédiatement à l’esprit lorsqu’on songe à la Florence des banquiers est bien entendu la place de l’argent. De quelles ressources devaient disposer les protagonistes pour se placer au centre des relations sociales ? Dans l’idéal, l’analyse devrait abolir la chronologie artificielle faisant se succéder le moment de l’acquisition d’un capital matériel en terres et le moment de la conversion de ces biens en un capital symbolique, la seule forme d’accumulation personnelle ou familiale que rendrait possible une société dans laquelle le capital économique n’est pas reconnu3. La notion permet d’envisager les processus d’accumulation sans qu’on veuille pour autant établir une opposition trop nette entre l’accumulation des biens matériels – la terre et ses produits, les biens précieux, les deniers – et la richesse que constitue le réseau des alliances et des amitiés4. Les transactions observées ne sauraient se réduire à des opérations économiques. Le crédit consenti par la communauté des moines à une famille laïque avait certes d’autres fonctions que le gain monétaire. Il ne faudrait pas, du reste, chercher derrière toute opération gratuite – d’un point de vue économique – la recherche d’un intérêt dissimulé. L’intérêt, lorsqu’il existait, était souvent exprimé avec une grande simplicité et sans chercher à masquer la nature de l’opération. Il serait d’ailleurs étrange, dans l’étude du territoire où se sont élaborées les formes les plus élaborées du prêt à intérêt ou du prêt sur gage de ne pas faire intervenir « l’intérêt tout nu » en certains moments de l’analyse5. En un certain sens, au milieu du XIIIe siècle, la plupart des foyers ou des individus documentés étaient notables, mais pas au sens mendrassien, dans la mesure où ils disposaient d’une voix susceptible de compter à l’intérieur des communautés rurales. Tous n’accédaient pas cependant à la position hégémonique du notable rural décrite au début de ce livre. Quel fut le rôle de l’enrichissement et de la monnaie dans l’accentuation des différences sociales ? Les travaux d’E. Faini et W. R. Day offrent aujourd’hui une bonne chronologie de l’essor commercial florentin6. Jusqu’à la fin du XIIsiècle, les échanges connurent probablement une lente croissance qui devint évidente et beaucoup plus rapide, au moins pour certaines fortunes, dès la fin des années 1170 et durant l’ensemble du siècle suivant. Florence devint, avec d’autres cités – Lucques et Pise aux XIe et XIIe siècles, Sienne au XIIIe siècle – l’une des étapes centrales du commerce entre le littoral et les Apennins. L’augmentation du volume des échanges s’accompagnait d’un essor démographique soutenu, très sensible dans le cas de Florence, et d’un essor des productions artisanales et agricoles. Sans chercher de nouvelle explication au miracle florentin, il faut prendre en compte la participation des populations rurales à cet essor et les conséquences de cette croissance économique sur les sociétés locales.

8.1. Moines, clercs et laïcs dans la circulation des monnaies au XIIe siècle

  • 7 Sur le contexte économique général, voir Day 2000 ; Goldthwaite 2009.

2Du XIe au XIIIe siècle, la monnaie est partout présente dans les actes notariés et l’impression première qu’on retire de la documentation est celle d’une économie monétaire structurée à la fin du XIe siècle. Les allusions aux monnaies ne manquent pas, qu’il s’agisse des deniers d’argent, frappés à Lucques, Pise, Sienne ou Florence. Au XIe siècle, la monnaie s’était déjà imposée comme mesure centrale des échanges7. Les références précises aux monnaies ne renvoyaient pas systématiquement à des versements de numéraire, mais supposaient in fine la capacité des différents acteurs à se procurer des deniers. Par quelles mains ces pièces arrivaient-elles de leurs ateliers monétaires aux collines du Chianti, aux castelli du Valdarno et aux montagnes du Pratomagno ?

8.1.1. Thésaurisation et redistribution : le rôle des institutions ecclésiastiques

  • 8 Salvestrini 2008b.
  • 9 Violante 1962.
  • 10 Bourdieu 1980, p. 212-213, on trouvait, dans la société kabyle des années 1950-1960, des formes d’ (...)

3Les sommes les plus importantes venaient souvent des moines ou d’autres seigneurs ecclésiastiques. La documentation consultée conduit évidemment à une surreprésentation de ces derniers ; on peut toutefois envisager comme modèle le rôle joué par les ecclésiastiques dans les logiques d’accumulation et de redistribution des monnaies et d’autres biens. Les prêts sur gage fonciers sont sans doute l’une des manifestations les plus intéressantes de la capacité des moines vallombrosains à accumuler et faire circuler les deniers d’argent. Assez fréquents dans la documentation toscane, et étudiés spécifiquement par F. Salvestrini dans le cas des prêts concédés par les moines de Santa Maria di Vallombrosa8, les crédits hypothécaires ou sur gage suscitent depuis longtemps la curiosité des historiens. Le cas lombard a notamment fait l’objet d’un article devenu classique de Cinzio Violante9. Cet article qui éclaire les à-côtés probables des transactions foncières et met en évidence les multiples fonctions du marché foncier est un jalon incontournable, mais dont la lecture peut conduire à mettre sur un même plan le point de vue des historiens et celui des acteurs lorsqu’il évoque, en certains cas, un crédit « dissimulé ». La notion actuelle de crédit recouvre en outre un grand nombre d’opérations qu’explique la relative rareté du numéraire. On dispose, avec la notion de crédit, d’un terme peut-être trop polysémique pour décrire des échanges dans lesquels le manque structurel de monnaie conduisait à la concession assez systématique d’avances10. Au haut Moyen Âge, mort-gages et autres formes de crédit étaient déjà très présents :

  • 11 Bougard 2010, p. 442, le mort-gage correspond à cette forme de crédit que document la plupart des (...)

La consultation des textes narratifs et normatifs, des formulaires et des corpus de textes conservés en chartriers ou en cartulaires montre que l’activité de crédit, quoiqu’inégalement documentée, est omniprésente au haut Moyen Âge en Occident, sous la forme de l’engagement et plus précisément du mort-gage, qui ne connaît pas de modification technique importante avant le XIIe siècle11.

  • 12 Todeschini 2004, p. 39-45.
  • 13 Barile 2010.
  • 14 Diplomatico, Coltibuono, 1136/07/19 (4333, RC 363).
  • 15 Ibid., 1127/04 (3962, RC 329).
  • 16 Ibid., 1136/07/19 (4333, RC 363), omnes terras et res et servitia hominum quas nos habemus et tene (...)

4Dans le droit fil d’une tradition permettant aux monnaies et aux biens de circuler, les hommes d’Église du XIIe siècle, selon Giacomo Todeschini, auraient davantage condamné la thésaurisation et l’immobilisation des richesses que les formes diverses du crédit12. Dès le premier Concile de Nicée, la prise d’intérêt avait été interdite aux clercs, les débats avaient ensuite porté sur la définition qu’on devait donner de cet intérêt et ce qu’on comprenait sous les termes d’intérêt, d’usure ou de gain13. Cette interdiction n’empêchait nullement les moines vallombrosains de se livrer ouvertement à des formes assez variées de prêts. Une cartula pignoris de 1136 permet de se faire une idée des transactions qui unissaient l’abbaye de Coltibuono à d’importantes parentèles des environs14. Bernardino di Bernardino et son fils Alamanno avaient accepté de l’abbé Rolando, un prêt de trente sous en deniers de Lucques. La somme n’avait rien de négligeable et son importance se mesurait à la valeur du gage15 : contre ce prêt, Bernardino et son fils plaçaient en garantie l’ensemble des biens, des services et des hommes qu’ils avaient dans le castello de Montelfi, une seigneurie en somme. Si la somme n’était pas remboursée dans les quatre ans, l’abbé s’engageait à payer vingt autres sous de Lucques pour, cette fois, tenir la terre en propriété. À s’en tenir au texte, rien ne permet de savoir si le prêteur bénéficie ou non de l’usufruit sur les terres concédées dans l’attente du remboursement. En conservant l’hypothèse d’une simple hypothèque, rien n’oblige à supposer l’existence d’une autre forme d’intérêt. Si les destinataires du prêt disposaient de liquidités, ils faisaient dans tous les cas passer leur possession sous l’influence informelle des moines. S’il s’agissait de terres récemment acquises16 – et le prêt aurait pu servir à cela – les destinataires obtenaient dans le même temps l’appui d’une institution influente en cas de contestation. En cas de remboursement, les moines de Coltibuono s’étaient fait des obligés et avaient renforcé leurs liens avec un groupe de laïcs tout en faisant œuvre de charité. En cas de défaut de paiement, les moines obtenaient en outre la part substantielle d’une seigneurie.

  • 17 Rauty 2003, n° 134, p. 189-192, acte connu par une copie du XIVe siècle, CRSGF, 260.126, fol. 53v- (...)
  • 18 Diplomatico, Coltibuono, 1150/12/18 (4979 et 4979, RC 412), la précision compte dans la mesure où (...)
  • 19 Dans ces années, l’abbaye et les hommes qui dépendaient de Coltibuono se portèrent acquéreurs de n (...)
  • 20 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1137/02/03 (4361, en 1138).
  • 21 Ibid., Vallombrosa, 1139/07 (4477).

5Les prêts sur gage fonciers que les moines vallombrosains concédaient aux grands participaient bien évidemment à l’entretien d’un réseau d’amis et d’alliés. Les cartulae pignoris, comme d’autres documents, servaient en même temps à préciser les hiérarchies : elles définissaient la nature d’un régime foncier ; affirmaient, au moins temporairement, la présence du propriétaire ; délimitaient la position, plus précaire, du tenancier. Au début du XIIe siècle, c’était par une opération de ce genre que les comtes Guidi avaient cédé à l’abbaye de Vallombrosa les droits qu’ils prétendaient exercer sur le castello et les hommes de Magnale17. À côté des cartulae pignoris proprement dites, on trouvait des cartulae venditionis assorties d’une clause de rachat qui en faisaient l’équivalent d’un prêt sur gage. L’abbaye de Santa Maria di Vallombrosa prêtait aussi bien aux plus grands qu’à ses dépendants et les modalités différenciées de ces prêts servaient la construction des hiérarchies. En se contentant de la documentation des abbayes de Montescalari, Vallombrosa et Coltibuono au XIIe siècle, comprenant une cinquantaine de prêts sur gage, il résulte néanmoins que trente-cinq actes seulement émanent des moines eux-mêmes. En moyenne, ces prêts s’élevaient à deux livres. La plupart des actes portaient sur des sommes inférieures et la médiane se situait à vingt sous (une livre). Dans le cas des relations avec les grands, ces prêts intervenaient à la fin d’un long processus de dons et d’achats et l’enjeu central était sans doute la clarification des relations avec les moines. En 1151, Baglione di Rolandino di Serafino des nepotes Rainerii accepta ainsi du frère convers Albertinello, massarius de la cour de Marciano, quarante-cinq sous de Lucques et plaçait en gage six parcelles des environs, dont l’une était située sur les fossés du castellare18. Il disposait de cinq ans pour rembourser cette somme ; au terme de ces cinq années, l’abbaye devait encore verser cinq sous pour obtenir la propriété des parcelles. Le prêt répondait probablement au besoin d’argent des derniers descendants de l’influente parentèle du Chianti, il participait en même temps, avec d’autres actes, à la mise en ordre des relations entre l’abbaye de Coltibuono et les seigneurs de Marciano et des environs de Rignano, à savoir les nepotes Rainerii, les ancêtres des Pazzi du Valdarno et les seigneurs voisins de Volognano19. Quelques années auparavant, les moines de Montescalari avaient agi de même pour arrondir leur propriété dans la curtis d’Altare20. Ces prêts étaient généralement accompagnés de conditions relativement avantageuses : nul intérêt n’y était clairement exprimé. Le défaut de paiement entraînait la perte de la propriété, mais ne conduisait pas nécessairement au renoncement à tout contrôle sur la parcelle cédée. Dans certains cas, les débiteurs étaient même assurés de conserver leur terre en livello21. Existait-il des formes d’intérêt que les rédacteurs de ces documents cités omettaient de mentionner ? Sans doute les revenus attachés aux terres engagées passaient-ils souvent aux mains du créditeur, dans l’attente du remboursement. On manque toutefois d’indications permettant de toujours connaître la nature des arrangements existant entre l’abbaye et les bénéficiaires.

  • 22 Ibid., Coltibuono, 1104/02/07 (3079, RC 243, en 1105), 1113/04/17 (3423, RC 278), 1113/06 (3433, R (...)
  • 23 En moyenne, les prêts sur gage concédés par les moines portent sur une somme de deux livres par ac (...)
  • 24 Ibid., Coltibuono, 1132/04/01 (4185, RC 350), Ildibrando di Bernardo acceptait un prêt de 12 sous (...)
  • 25 Ibid., 1123/05 (3804 RC 315).
  • 26 Ibid., Vallombrosa, 1150/12 (4982).

6D’autres actes s’inscrivaient dans un contexte totalement différent. C’était le cas, notamment, quand le notaire jugeait utile de préciser en termes explicites la nature exacte des arrangements et les gains qu’attendaient les moines en attente du remboursement22. Les sommes engagées étaient significativement inférieures à celles qu’on rencontrait dans les autres documents23. Ces prêts pouvaient ainsi s’adresser à de petits rentiers changeant contre quelques pièces d’argent les services d’un de leurs tenanciers24. Ils révèlent parfois des situations plus intermédiaires. En 1123, pour obtenir de l’hospitalier de Coltibuono un prêt de trente sous, Gerardo di Truto et son épouse – les ancêtres des seigneurs de Tornano – avaient cédé une terre qu’exploitaient « les fils de Gerardo », tenus de donner la moitié ou le quart de leur récolte, leur part d’un « champ », deux parcelles qu’exploitaient déjà des envoyés de l’abbaye et une vigne tenue par un autre individu25. Gerardo disposait de deux ans pour rembourser cette somme et l’abbaye récupérerait pendant ce laps de temps les récoltes de ces terres. Dans ce document, une partie des exploitants était vraisemblablement constituée des membres de la famille de Gerardo lui-même. D’autres actes, plus nombreux dans les archives de Vallombrosa, s’adressaient sans aucune ambiguïté à une population d’exploitants. En décembre 1150, Sineinpromissa (sic) et Bontalento, les fils de Rigo et leur mère Bambinola, avaient reçu trois sous d’un frère convers de l’abbaye contre la mise en gage d’une parcelle de terre qu’entourait sur tous les côtés la propriété du monastère26. Ce dernier détail compte : il n’est pas rare que les moines ou leurs intermédiaires prêtent aux possesseurs de terres encastrées dans le patrimoine monastique. Les bénéficiaires s’engageaient à travailler régulièrement sur le domaine de l’abbaye, pendant les huit ans qui précéderaient le remboursement et semblaient en même temps rejoindre le groupe des dépendants.

  • 27 Avec les curtis de Marciano, celle dépendant de l’hôpital de Memugnano, appartenant à Coltibuono e (...)
  • 28 L’ensemble des actes datés d’entre 1120 et 1229 sont présents dans la série Vallombrosa du Diploma (...)
  • 29 De 1119 à 1189, 497 sous déboursés par l’abbaye pour les seules terres de Cognano.
  • 30 Ibid., Vallombrosa, 1139/10 (4484).
  • 31 Ibid., 1144/11/30 (4698), encore s’agissait-il des terres que possédait cette famille de Cognano s (...)
  • 32 Le total est de 3 555 sous, environ 178 livres, en deniers de Pise.
  • 33 Ibid., 1205/04/21 (7963), 1213/08/27 (8787).
  • 34 Bougard 2010, p. 443 et suivantes.

7Les prêts pouvaient figurer dans l’arsenal permettant aux moines d’acquérir des terres et de renforcer leur domination. On peut ainsi voir dans les prêts accordés par les abbayes de Coltibuono et de Vallombrosa dans les environs de Rignano, l’un des moyens trouvés par leurs représentants locaux pour accroître l’emprise des curtes de Marciano et de Cognano. D’autres prêts étaient gagés sur des possessions trop éloignées des abbayes et de leurs propriétés pour correspondre à une politique foncière délibérée. Pour mesurer la place de l’argent dans l’acquisition des terres, le mieux est de suivre les modalités d’acquisition d’un patrimoine resserré. Les archives de Vallombrosa conservent une documentation assez importante concernant la petite localité de Cognano, près de Rignano sull’Arno27, et ce petit corpus de trente-neuf actes permet de replacer à leur juste place les achats et les prêts sur gage foncier28. Dans cette localité, la plupart des acquisitions de l’abbaye passèrent par la pression sociale qu’exerçaient les abbés et leurs agents sur la population voisine. Passé les premières donations concernant les dîmes, les abbés vallombrosains eurent à cœur d’obtenir patiemment, de 1139 à 1228 et par le biais du massarius local, les investitures et les renonciations signant l’abandon progressif de cette zone par les petits aristocrates locaux. Au besoin, les abbés recouraient aux arbitrages et à la justice florentine, les décisions de justice se soldant généralement par la mise en gage de certaines parcelles. La monnaie était un instrument parmi d’autres. Les achats restèrent modérés jusqu’à la fin du XIIe siècle, un peu moins de vingt-cinq livres pour un siècle29. À l’occasion, l’abbaye était toutefois prête à verser des sommes importantes. En octobre 1139, Rolando di Frugerio, appartenant à une parentèle dont les propriétés s’étendaient de part et d’autre de l’Arno, accepta de l’abbaye trente-huit sous en deniers contre six parcelles des environs30. En 1144, pour dix livres versées par un des massarii de l’abbaye, les fils de Carbone vendirent à l’abbé Gualdo de Vallombrosa l’ensemble des terres qu’ils avaient dans les environs31. De l’extrême fin du XIIe siècle au milieu des années 1220, les moines versèrent des sommes plus considérables, même en tenant compte de l’inflation des monnaies, avec un total de plus de cent soixante-dix livres en deniers de Pise32. Deux achats dépassant largement la mesure, mobilisant cinquante et soixante-douze livres, pour l’achat de droits sur les dépendants et de quelques parcelles33. Dans l’état actuel de cette documentation, les prêts sur gage n’apparaissent pas comme la première modalité d’achat. Il n’est certes pas exclu que d’autres acquisitions résultent de crédits, mais rien n’oblige à toujours vouloir chercher le crédit lorsque d’autres logiques suffisent à expliquer une acquisition. On conserve un nombre réduit de cartulae pignoris, le corpus dont on dispose témoigne pourtant d’une typologie variée alors que ces cartulae ne correspondent qu’aux dettes non honorées34. Il est probable, en l’état actuel de la documentation, qu’une vraie activité de prêt ait été développée par les moines qui ne prêtaient pas nécessairement pour récupérer la terre, mais se seraient trouvés fort bien payés du remboursement de leur prêt et de la jouissance de l’intérêt que représentait la terre engagée. Pour leurs acquisitions, les moines disposaient d’une gamme étendue de moyens d’action dans lesquels l’argent n’était qu’une possibilité. Cette possibilité semble n’avoir jamais fait défaut aux moines avant la fin du XIIe siècle : il était toujours possible d’acheter. Sans doute était-il possible, pour toute personne ayant quelque part à l’estime et à la considération des moines ou de leurs représentants, d’obtenir un peu d’argent. Jusqu’au début du XIIIe siècle, les institutions monastiques avaient une certaine aisance dans l’usage de leurs deniers. Les opérations de crédit qui ont été transmises viennent témoigner d’un flux probablement plus important de deniers venant des moines et de leurs intermédiaires.

  • 35 Diplomatico, Coltibuono, 114 (*) (4945, RC 409).
  • 36 Ibid., 1102/04 (2999, RC 237), un groupe des environs de Rignano vendait à Tebaldo, agissant comme (...)
  • 37 Plesner 1934, p. 100, n. 17 ; Faini 2009b.
  • 38 Salvestrini 1998, p. 69.
  • 39 Day 2000, p. 112, les montants sont assez semblables à ceux exigés par les Florentins sur les homm (...)
  • 40 Diplomatico, Vallombrosa, 124 (*) (14 190).
  • 41 Collavini 2007 ; Casini 2020.
  • 42 Cortese 2019.

8D’où venait cet argent ? Les cens qui accompagnaient la concession de terres en livello n’étaient pas très élevés considérés individuellement. Dans leur ensemble, ces redevances représentaient toutefois une source stable de revenus en argent et normalement dans une bonne monnaie35, à une époque où quelques sous suffisaient encore à l’achat d’une parcelle36. Les moines vallombrosains recevaient probablement, en plus des donations de terres ou de rentes, des cadeaux constitués directement de numéraires ou d’objets précieux échappant complètement à la documentation. Il faut bien supposer de telles ressources pour expliquer la fréquence des achats en argent ou en bien meubles, ainsi que la facilité apparente des moines à offrir des vêtements de luxe. Les revenus des grandes abbayes sont difficiles à estimer. À une date plus tardive, vers 1205, les moines de Passignano estimaient les rentrées annuelles à 600 ou 1 200 livres en deniers de Pise37. Cette information arrivait dans le contexte troublé du règlement des dettes et dans le cadre d’une audition de témoins et il est difficile d’en vérifier la fiabilité. Selon F. Salvestrini, les vallombrosains préféraient l’achat de biens immobiliers à l’accumulation des richesses38. Parmi les revenus des moines, il comptait : les livelli ; la vente des excédents, attestée au XIVe siècle, mais probablement pratiquée auparavant ; l’afflux de donations en numéraires ; le rôle d’institution de crédit joué par l’abbaye auprès des populations rurales ; les donations faites par les familles des prêtres et des convers au moment des oblations. Il fallait en outre compter le datium, levé par les moines, mais qui était probablement lié aux exigences fiscales des Florentins39. Dans les années 1240, les redevances d’exception versées par les dépendants du castello de Magnale pouvaient encore représenter une centaine de livres40. Que pouvait gagner, dans les mêmes années, une abbaye de ce calibre ? Au regard de son importance, l’abbaye de Santa Maria di Vallombrosa pouvait probablement compter, dans les mêmes années, sur des rentrées de plusieurs centaines de livres. On était loin des milliers de livres dont disposaient les gouvernements citadins ou dont pouvaient encore disposer les comtes Guidi dans les premières décennies du XIIIe siècle en continuant à s’appuyer sur leur système de prélèvement seigneurial41. Comme l’a montré M. E. Cortese, les parentèles aristocratiques qui ne disposaient pas de vastes seigneuries ne maintinrent leurs revenus et leur statut qu’au prix d’une conversion, souvent risquée, à de nouvelles formes de prédation et aux pratiques économiques typiques des aristocraties citadines42.

8.1.2. Les hôpitaux ruraux : des lieux de redistribution

  • 43 Feller 2009b, à la fin du VIIIe siècle, en Lombardie, Tottone di Campione avait demandé, dans son (...)
  • 44 Diplomatico, S. Vigilio, 1094/02/11 (2527 et 2528, Le carte... 104 et 105, en 1095).
  • 45 Wickham 1996a ; Day 2000, p. 164, n. 34.
  • 46 Day 2000, p. 251-252.

9Les xenodochia qui jalonnaient les routes du contado étaient des lieux où l’argent des moines rencontrait celui des laïcs et où se mêlaient intérêts citadins et ruraux. Les informations disponibles sur ces institutions sont révélatrices d’un fonctionnement global de sociétés dont les pouvoirs s’articulent autour des institutions religieuses. Fortement liées à l’exigence d’une charité bien ordonnée, ces structures étaient destinées à l’accueil des pèlerins, à l’assistance et à l’aumône vis-à-vis des pauvres. Les plus grands monastères n’étaient pas que des lieux de clôtures, ils entretenaient des lieux d’accueil des voyageurs et hôtes. Depuis longtemps, les laïcs s’étaient préoccupés de ces lieux spécifiques et prenaient une grande part à ces fondations43. En plus des hôpitaux intégrés aux abbayes elles-mêmes, tardivement attestés en réalité, les vallombrosains exerçaient le contrôle d’un certain nombre de fondations extérieures. Confiées aux moines, ces institutions impliquaient une participation plus directe des laïcs. Quoique cet hôpital dépendît à la fin du XIIe siècle de l’abbaye de Montescalari, on ne trouvait dans le premier acte mentionnant l’hôpital de Muliermala ou de Montebuoni aucune référence aux vallombrosains. Le fondateur était Vivenzo di Leone, un orifaber, qui fit le premier don connu, en offrant plusieurs setiers de terre et une vigne dans la Val di Greve et en demandant que ces biens fussent employés à l’usage et au soin des pauvres et des pèlerins44. Au XIIe siècle, les hôpitaux jalonnaient les principales voies de communication. La localité de Figline, dans le Valdarno, comptait ainsi deux de ces fondations, au milieu du XIIe siècle45. À Semifonte, peu de temps après la fondation du castello par les Alberti, l’abbaye de Passignano avait fait construire un hôpital46.

Fig. 8 – Les hôpitaux du quart sud-est du territoire florentin (Xe-XIIIe siècle)

Fig. 8 – Les hôpitaux du quart sud-est du territoire florentin (Xe-XIIIe siècle)
  • 47 Day 2000, p. 474 et suivantes, pour les institutions difficiles à localiser, le choix a été fait d (...)
  • 48 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1167/08/20 (5598), 1167/08/31 (5600), 1169/04/08 (5664), 1170/05 (...)
  • 49 Sur la politique monétaire et commerciale des Pisans, voir Herlihy 1958, p. 162-175.
  • 50 Sur la fondation de cet hospice, voir Cammarosano 1974, p. 163-164.
  • 51 Diplomatico, Coltibuono, 1112/04 (3381, RC 274), 1131/11 (4167, RC 347, en 1132), 1156/03 (5219, R (...)
  • 52 Ibid., 1199/03 (7364, RC 534), Ranuccio di Bernardo et Bernardo di Paganello vendaient au recteur (...)
  • 53 Cammarosano 1974, p. 228-233, l’un des auteurs, Bernardo di Paganello, peut aisément être identifi (...)
  • 54 Ibid., p. 115.
  • 55 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1175/01/25 (5913, en 1176), vice (viece dans le document) et uti (...)
  • 56 Ibid., 1179/04/18 (6141).
  • 57 Le texte se lit mieux dans la transcription moderne, dans l’original, ces mentions semblent avoir (...)
  • 58 Sandri 2002 ; La Roncière 2005b, p. 118-123.

10W. R. Day s’est efforcé de dénombrer les hôpitaux mentionnés dans la documentation et son travail permet de localiser ces fondations47. Plus encore que celle des marchés, la localisation de ces xenodochia permet d’identifier les voies de communication organisant le territoire. Les responsables des hôpitaux étaient conduits à manier des sommes non négligeables. Les achats réalisés par le spedalingus de Montebuoni dans le dernier tiers du XIIIe siècle dépassaient en moyenne une livre en deniers de Lucques ou de Pise48. Cette institution, située à proximité de Florence, était très certainement liée aux Montebuoni-Buondelmonti. On pourrait expliquer le niveau des prix par la proximité avec la cité, mais aussi par l’inflation galopante de la monnaie pisane49. On observait toutefois la même inflation des prix dans les affaires de l’hôpital de Valcortese, situé en territoire siennois, non loin de la Berardenga50. La documentation relative à ce xenodochium des collines de Sienne est largement dominée par les achats mobilisant généralement des sommes supérieures à une livre et souvent très largement supérieures à la normale51. À l’extrême fin du XIIe siècle, une parcelle fut ainsi vendue à l’hôpital de Valcortese pour le prix insolite de trente et une livres, en deniers de Sienne52. Les auteurs de la vente n’étaient pas les premiers venus et appartenaient à l’influente parentèle des Berardenghi, les fondateurs de l’institution53. Faut-il voir dans cette vente un prêt « déguisé », une faveur faite aux patrons, une vente fictive54 ? On ignore les tenants et aboutissants d’une telle transaction. Le prix de la parcelle ne correspondait probablement à rien qu’on pût considérer comme celui établi par un marché foncier fonctionnant sur l’offre et la demande. Ce qui est certain c’est que les hôpitaux cristallisent des opérations d’un montant assez élevé. L’argent y circulait plus rapidement et en quantités plus importantes que dans les abbayes elles-mêmes. Ils servaient aussi à aider financièrement les parentèles des fondateurs, de leurs alliés et de leurs dépendants. Ces hôpitaux étaient destinés à l’accueil des pauvres, mais aussi des pèlerins et des voyageurs. Leurs responsables jouissaient d’une grande autonomie. Les relations entre le responsable de l’hôpital de Montebuoni, dirigé par un rector ou un spedalingus, et l’abbaye de Montescalari étaient ainsi complexes. En 1176, l’hôpital dépendait du monastère, les achats de l’hôpital se faisant au nom et pour l’utilité de l’hôpital55. Quelques années plus tard, en 1179, le même responsable recevait le titre de castaldus qui marquait une insertion seigneuriale plus nette56. En plein XIIIe siècle, les spedalingi continuaient d’avoir les coudées franches. À la fin du XIIIe siècle, l’abbé de Montescalari, Barone, enjoignait au spedalingus de Mortineta, Guglielmo, de ne pas transformer en tripot l’estimable institution, il préconisait la mise à l’écart des femmes suspectes et rappelait l’interdiction des jeux au sein de l’institution57. La distinction entre la taverne et l’hôpital s’avérait probablement difficile à maintenir pour ces institutions marquées par un va-et-vient continu58. Il était sans doute aussi difficile d’assigner à une seule parentèle, ou à une seule institution ecclésiastique, le contrôle de ces établissements que les parentèles associaient volontiers à une part mouvante de leur patrimoine. Les petites institutions hospitalières pouvaient abriter d’importantes richesses. Leur fonctionnement collégial, associant plus étroitement les laïcs aux frères convers et aux moines, en faisait des lieux centraux du processus de redistribution des richesses accumulées par les moines. Ce faisant, les hospices ruraux, comme les curtes les plus excentrées des monastères, offraient aux intermédiaires des moines d’importants leviers de pouvoir, leur permettant d’affirmer leur pouvoir sur de petites sociétés locales.

8.1.3. Les officiers monastiques et la captation de la rente foncière

  • 59 Le corpus d’actes faisant intervenir cette figure est conséquent, Diplomatico, Coltibuono, 1139/03 (...)
  • 60 Delumeau 1996, vol. 1, p. 96, vol. 2 p. 945.
  • 61 Diplomatico, Coltibuono, 1139/03 (4465, RC 380, en 1140).
  • 62 Ibid., 1144/10 (4694, RC 393).
  • 63 CRSGF, 224 236, n° 700 (RC 405), le 13 avril 1148.
  • 64 Lefeuvre 2018a.
  • 65 Diplomatico, S. Trinita, 1148/04 (4887, RC 406), Coltibuono, 1147/03/10 (4822, RC 401, en 1148).
  • 66 Ibid., 1150/12/18 (4979 et 4979, RC 412).
  • 67 Ibid., 1153/12/29 (5114, RC 425).
  • 68 Ibid., 1168/04/02 (5617, RC 471).
  • 69 Ibid., 1144/05 (4670, RC 390), 1148/04 (4887, RC 406 et 489), ces deux documents émanaient des fil (...)

11Le contrôle des institutions monastiques éloignées du cloître offrait aux frères convers et aux intermédiaires monastiques – dont les fonctions étaient comparables à celles d’autres intermédiaires seigneuriaux – d’importantes prérogatives qu’ils pouvaient assumer avec un haut degré d’autonomie. C’est ce que fait ressortir l’étude du domaine détenu par l’abbaye de Coltibuono à Marciano, près de Rignano sull’Arno. Ce castello avait autrefois appartenu aux nepotes Rainerii qui en avaient cédé l’essentiel aux moines de Coltibuono détenant l’essentiel du droit sur le castello démilitarisé (castellare) et l’église locale de San Silvestro au milieu du XIIe siècle. Entre 1139 et 117059, Albertinello di Marciana était sur place le frère convers chargé de la gestion foncière de la curtis de Marciana60. La documentation disponible montre qu’Albertinello est une figure bien connue des environs de Rignano sull’Arno, mais ne lui donne pas un titre précis qui puisse servir immanquablement à le qualifier et à le distinguer. L’un des termes les plus récurrents est celui de massarius, mais on est frappé, à la lecture des actes, par le caractère fluctuant de sa titulature. En 1140, Alberto ou Albertinello était ainsi désigné comme rector et massarius de curte Sancti Laurentii de Martiana61. En 1144, il agissait plus simplement en lieu et place des abbés de San Lorenzo a Coltibuono62. En 1148, pour le notaire Ugo, il était simplement Albertinello de Marciana converso monasterii Sancti Laurentii63. Le juge et notaire Rustichello, qui travaillait régulièrement avec Albertinello64, lui donnait tantôt le titre de comisso et vilicus de Marciana65 ou le désignait plus simplement comme Albertinello de Marciana66, convers de Coltibuono67. Les notaires impliqués évoluaient au contact direct d'Albertinello et leurs hésitations sur le titre qu’il fallait donner à cet officier monastique reflétaient sans doute le caractère informel de sa position hiérarchique. L’aspect fluctuant du titre influait en revanche peu sur la relative notoriété de cette figure locale. C’était en effet sur les épaules de cet intermédiaire et sur celles de quelques frères convers, notaires et habitants des environs que reposait la gestion du domaine monastique68. Sa politique d’acquisition foncière pour le compte de l’abbaye de Coltibuono passait en partie par des opérations de crédit, essentiellement des prêts sur gage. En 1144, un couple vivant dans le castello de Montauto avait ainsi reçu deux sous en deniers de Lucques et avait placé en gage le tiers d’une parcelle qu’Albertinello aurait eu en propriété s’ils ne remboursaient pas la somme dans les cinq ans69. L’acte mentionnait explicitement l’abbaye de Coltibuono et la propriété était, à terme, destinée à revenir à l’institution ; en attendant, Albertinello disposait certainement d’une certaine latitude.

  • 70 Ibid., 1139/03 (4465, RC 380, en 1140), 1146 (4812, RC 400), dans les deux cas, Albertinello préci (...)
  • 71 Ibid., 1147/03/10 (4822, RC 401).
  • 72 Ibid., 1168/04/02 (5617, RC 471), et pro illa investitione predicta et| finitione atque de arsura (...)
  • 73 Diplomatico, Passignano, 1193 (6988, probablement vers 1195), pour les autres documents et la desc (...)
  • 74 Wickham 2000, p. 338 : « L’attacco a Burello era presumibilmente la minaccia di un creditore che c (...)
  • 75 Diplomatico, Coltibuono, 1185/03/15 (6450, RC 507) ; CRSGF, 224 237, n° 554, p. 126-128, le 8 avri (...)
  • 76 Diplomatico, Coltibuono, 1125/03 (3899, RC 323) ; 1137/08 (4402, RC 373), voir Lefeuvre 2018a.
  • 77 Ibid., 1167/01/07 (5549, RC 468, en 1168), un couple de Santo Stefano a Torri plaçait en gage troi (...)
  • 78 Ibid., 1150/12/18 (4979, RC 412).

12Sur place, il revenait à Albertinello de se charger d’une partie au moins des paiements. Pour l’établissement de deux chartes, il précisait ainsi avoir payé sur ses propres deniers les services du notaire Pietro : une précision qui n’avait de sens que si elle était destinée à l’abbaye et au camérier de Coltibuono, destinataires des actes70. La masse d’actes relatifs à la curtis de Marciano datés d’entre 1140 et 1170 qui a été conservée témoigne de la centralité acquise par Albertinello dans la gestion de cette curtis. Il lui fallait très certainement rendre des comptes aux abbés et à leurs camériers, précisant ce qu’il avait lui-même payé et rassurant les moines sur la destination finale de ses achats fonciers ; il disposait en même temps d’une indépendance réelle et agissait avec une réelle autorité. Albertinello avait sa demeure à Marciano et son importance, sur place, ne se mesurait pas qu’en termes économiques71. Son action ne pouvait être celle d’un simple administrateur détaché du contexte social dans lequel elle se déployait. Un acte de 1168 rappelle des éléments de ce contexte. En avril de cette année, Albertinello avait concédé à Rinaldolo et Venerello di Ubertello les terres qu’un laïc venait d’offrir à l’abbaye pour qu’ils les tinssent en livello. Les deux laïcs avaient versé à Albertinello trente sous pro illa investitione predicta et finitione atque de arsura campane emendatione72. Rinaldo et Venerello avaient dû se livrer à des violences, peut-être avaient-ils incendié un clocher (campanile ?) : ce dont ils se rachetaient en cette occasion. L’action n’est pas insolite et trouve son équivalent, dans les mêmes années, autour de l’abbaye de Passignano73 : Borgnolino di Borgno, « notable local d’une certaine importance », était lié aux moines de Passignano par des relations de crédit et s’était livré à des violences ciblées contre les moines et leurs dépendants, enlevant leurs bêtes et brûlant une cabane pour obtenir remboursement. L’emendatio de 1168 faisait sans doute référence à une action comparable : le remboursement pour l’incendie d’une cabane qui constituait une forme de représailles de la part d’un des créditeurs d'Albertinello et de l’abbaye74. Les fils d’Ubertello, loin d’être de simples adversaires des moines de Coltibuono, étaient en effet très impliqués dans les affaires de la curtis de Marciano et celles de l’hôpital voisin de Memugnano75. Habitants probables de Marciano, ils descendaient probablement d’un de ces Ubertello présents près de Memugnano dans la première moitié du XIIe siècle et évoluaient dans une sociabilité guerrière très caractéristique des petites figures de ce territoire76. Le massarius Albertinello devait assurer sa position vis-à-vis de l’abbaye et de ses turbulents voisins laïcs. Il devait protéger ses prérogatives en ménageant les intérêts de ses alliés locaux, en agissant tantôt comme intermédiaire de l’abbaye de Coltibuono, tantôt en s’interposant entre les Firidolfi et leurs tenanciers, tout en garantissant le respect des droits seigneuriaux détenus par les premiers77. Son comportement, à l’égard des tenanciers de Marciano, ne devait guère différer de celui des frères convers agissant au service de l’abbaye de Vallombrosa. La longévité de ce frère convers à la tête d’une curtis est remarquable et ne trouve guère d’équivalents chez d’autres massarii ou castaldiones de l’abbaye. On comprend qu’il ait en conséquence réussi, sans doute plus que d’autres, à renforcer peu à peu sa position locale. Non content de gérer la curtis de Coltibuono et l’église locale de San Silvestro, Albertinello acquit, au cours de sa carrière, d’importants droits seigneuriaux. En 1150, contre un prêt consenti à l’un des descendants des nepotes Rainerii, il obtint en gage tous les droits seigneuriaux, pensiones et obedientias atque albergarias et omnia servitia atque reddita dus par certains de ses tenanciers dans le territoire des chapelles voisines de Santo Stefano a Torri et de San Michele a Volognano78. Son implantation dans ce territoire voisin de Marciano laisse en outre planer un doute sur l’identification d'Albertinello avec un autre Albertus, prêtre de la chapelle de Santo Stefano a Torri.

  • 79 Ibid., 1164/04/27 (5509, RC 464).
  • 80 Ibid., quos solidos centum presbiter Albertus Albertus [sic]| ecclesie Sancti Stefani de loco Turr (...)
  • 81 Lefeuvre 2018a.
  • 82 Bouter 1996 ; Salvestrini 2008c.
  • 83 Voir ainsi ce qui concerne la conversion de Corsitto dans Lefeuvre 2018c.

13En 1164, dans un acte rédigé par le notaire Rustichello, un dénommé Bernardo di Bernardo avait vendu une parcelle au massarius Alberto de Marciano79 contre 100 deniers versés dans les monnaies de Lucques et de Pise. Cette somme inhabituelle était destinée à libérer l’auteur d’un crédit. Le paiement, précisait le document, avait été fait par le « prêtre Alberto de l’église de Santo Stefano a Torri80 » qui, précisait une note ajoutée au bas du document, avait, par piété, accepté de payer le rachat d’une créance sur ses deniers, mais s’était en contrepartie réservé l’usufruit de cette terre et d’une autre et recevrait le quart des fèves qu’elles produiraient. À moins qu’il ne s’agisse d’un homonyme, il est très probable que l’Albertus massarius et le presbiter Albertus soient une seule et même personne. Le notaire Rustichello, très lié aux intérêts de Coltibuono et qui avait lui-même des biens près de Santo Stefano a Torri81, aurait ici établi une simple distinction entre l’action d’un même homme agissant tantôt en serviteur des abbés de Coltibuono, tantôt en son nom propre comme desservant de la petite église locale. Il faut, dans tous les cas, prendre une certaine distance avec l’image très encadrée du frère convers que donne la documentation du XIIIe siècle, en considérant que le titre de conversus était susceptible de s’appliquer à des figures très différentes82. Au milieu du XIIe siècle, les frères convers dominaient largement la gestion des fondations hospitalières et les petites curtes rurales. Ces individus qu’on ne peut strictement qualifier ni de moines, ni de laïcs s’y organisaient en petites fraternités et associaient, à leur autorité une large part de la notabilité locale. Les témoignages contemporains montrent que certains laïcs évoluant autour des hôpitaux se distinguaient bien difficilement des frères convers83. Ces figures qui s’inséraient dans un cadre hiérarchique formellement dominé par un ou plusieurs seigneurs travaillaient ainsi au renforcement de leur assise locale et à leur propre enrichissement.

8.2. Échanges marchands et non marchands dans le contado du XIIe siècle

  • 84 Violante 1962, p. 152.
  • 85 En se contentant des prêts sur gage émanant d’autres cercles que ceux des moines au XIIe siècle, o (...)

14Dans le tableau qu’il dressa de la société lombarde des XIe-XIIe siècles, C. Violante insistait sur le rôle central des séculiers comme agents de la vie économique et sociale84. Les moines n’étaient pas les seuls à pratiquer ces formes de crédit ; clercs et simples laïcs s’impliquaient eux aussi dans les échanges que suscitait la circulation du numéraire85. Ici comme ailleurs, le rôle des moines illustre, plus explicitement, ce qu’on ne fait ailleurs que supposer.

8.2.1. Parentèles laïques et circulation monétaire

  • 86 En ville, on se rend vite compte, sans grande surprise, de la large gamme d’activités exercées par (...)
  • 87 Diplomatico, Coltibuono, 1118/05/17 (3621, RC 296).
  • 88 Sur Truffa di Ranieri voir Cortese 2007, p. 316.
  • 89 Sur ces derniers, voir plus haut, chapitre 6, et, en annexe de ce livre, n° 12 « Les nepotes Boniz (...)

15Au début du XIIe siècle, les Firidolfi ne manquaient assurément pas de connexions avec les institutions ecclésiastiques. Il leur arrivait néanmoins de recourir aux services de simples laïcs. Au jeu du prêt, les artisans locaux, les fabri – on suppose qu’il s’agissait de forgerons86 – jouissaient apparemment d’une position privilégiée. Dans un acte de 1118, Truffa di Ranieri, des Firidolfi, avait emprunté à un certain Ugo, agissant par la médiation de Martino di Remberto, la somme de vingt-quatre sous versée « en argent et biens meubles87 ». Contre ce prêt, la petite fille de Rodolfo mettait en gage88, pour un an, l’ensemble de ses droits sur le castello de Monte et l’ensemble de ses possessions dans le territoire des plebs de Cavriglia et Vertine. Une exception était faite pour les terres qui servaient déjà à garantir d’autres prêts, signe que les dettes de ce type ne manquaient pas. Ugo et Martino appartenaient à la famille des nepotes Bonizi, les fabri de Campocorto, amplement cités dans les sources de Coltibuono et dont l’un des ancêtres avait été massarius de l’abbaye89. Les liens de consanguinité entre les différents représentants de ce groupe sont difficiles à établir dans le détail, mais les dynamiques de la parentèle sont quant à elles plus aisées à dessiner. Fortement présente dans la vie agraire et économique de l’abbaye de Coltibuono et de ses environs, cette parentèle dominait numériquement et symboliquement les environs de Campocorto et les terres situées au Nord-Est de l’abbaye. Il n’est pas exclu que l’abbaye de Coltibuono ait eu sa part à cette opération que documentaient ses archives. Le crédit émanait toutefois de ce groupe de laïcs et s’adressait aux représentants d’une parentèle plus puissante et a priori plus riche. Il ne s’agissait nullement d’un lien entre des égaux. Les nepotes Bonizi n’évoluaient pas au même niveau que les Firidolfi et n’avaient pas d’autres connexions avec la haute aristocratie. Ils pratiquaient en revanche des activités artisanales susceptibles de leur apporter une source de numéraire – ou des objets faciles à évaluer et à déplacer – qui faisait probablement défaut à leurs voisins qu’ils fussent ou non aristocrates. À terme, des transactions de ce genre pouvaient aisément conduire une parentèle ordinaire à récupérer, le cas échéant, des parts périphériques d’un patrimoine aristocratique.

  • 90 Diplomatico, Coltibuono, 1110/02 (3283, RC 262).
  • 91 Ibid., 1126/11 (3943, RC 327).
  • 92 Ibid., 1131/03 (4132, RC 348), deux prêtres de l’église de San Marcellino in Avane, Guglielmo et G (...)
  • 93 Ibid., 1126/11 (3943, RC 327), sur Odierna voir Cammarosano 1974, p. 92, 242-245, voir aussi Casan (...)
  • 94 Ibid., 1131/03 (4132, RC 348).
  • 95 Au début des années 1120, le frère de Casale, Petro di Ardimanno, avait vendu aux descendants des (...)
  • 96 Ibid., 1136/10 (4346, RC 367), 1137/07 (4398, RC 371). Pour une mise en contexte de ce document vo (...)

16Ces prêts pouvaient fonctionner comme de simples transferts d’une rente foncière, de petits propriétaires cédant à l’une de leurs connaissances les droits qu’ils avaient sur un tenancier en échange de quelques deniers90. Souvent les échanges étaient toutefois plus complexes. En novembre 1126, dans une localité de la Val d’Arbia, deux prêtres vendirent ainsi à un laïc le crédit qu’ils avaient sur un foyer des environs et sur certaines de leurs terres pour la somme, non négligeable, de trente sous en deniers de Lucques91. La vente d’un crédit est un indice intéressant et qui semble assez significatif. Il était possible, dès les premières années du XIIe siècle, de faire circuler un crédit et de trouver preneur pour ces opérations de recouvrement. Cela supposait une pratique usuelle du crédit et une habitude de ces opérations. Le passage par l’écrit suggère en outre qu’il s’agit d’opérations sortant de la simple société d’interconnaissance. Avant le XIIIe siècle, des clercs du contado et des laïcs appartenant à la notabilité locale partageaient déjà une éthique commune du crédit. La monnaie ne prenait pas toujours la même direction et il était probablement courant, dans la vie d’un individu de se retrouver tantôt dans la position du prêteur, tantôt dans celle de l’emprunteur92. Les quelques cas connus offrent toutefois l’image d’un cercle assez restreint de clercs et de laïcs intéressés à ces opérations. Dans le Chianti de la première moitié du XIIe siècle, l’essentiel des crédits émanant de laïcs venaient de deux parentèles assez semblables qui se connaissaient et se trouvaient probablement unies par d’autres liens. Ces groupes n’étaient sans doute pas les seuls à être actifs dans la région : ce sont en revanche les seuls qui soient documentés. Leurs membres se distinguaient en outre par leur implication dans la gestion des propriétés de Coltibuono, par une forte implantation locale et par le travail du fer et des métaux. Attesté dans une poignée d’actes des années 1126-1137, Casale di Ardimanno, un petit « homme d’affaires » du XIIe siècle, apparaît comme un rouage remarquable de la sociabilité aristocratique du Chianti. En 1126, il rachetait à deux prêtres le crédit qu’ils avaient sur Odierna di Ridolfo, une aristocrate du Chianti liée par mariage à la famille des Berardenghi93. En 1131, il prêtait à deux autres clercs la somme de quinze sous garantie sur l’une de leurs propriétés94. Casale di Ardimanno et son frère Petro étaient liés, au moins par des transactions, et sans doute davantage, aux nepotes Bonizi, des fabri extrêmement présents et impliqués dans des affaires de prêt95. Casale di Ardimanno apparaît encore dans deux autres actes, en figure de simple témoin : les affaires traitées portent toutefois la marque assez reconnaissable des transactions dont Casale di Ardimanno et d’autres de ses semblables semblent s’être faits une spécialité. Dans le cadre d’un vaste règlement interne à la parentèle des Firidolfi, l’abbaye de Coltibuono avait été conduite à concéder à l’une des femmes de la parentèle un prêt sur gage s’élevant à sept livres en deniers et biens meubles96. La présence de Casale di Ardimanno, aux côtés du frère convers et faber Giovanni, indique probablement une participation de ce personnage à la mise au point de cet accord : un accord coûteux mais susceptible d’apporter une belle parcelle de châtaigniers à l’abbaye de Coltibuono et à son forgeron. À l’image de ce petit personnage, les créditeurs laïcs connus pour cette période fonctionnent comme des rouages dans les alliances plus larges des parentèles de l’aristocratie rurale et des institutions ecclésiastiques. Les domini loci représentaient, pour ces groupes de stature moyenne, une intéressante source de revenus.

  • 97 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1131/05/05 (4141), autre occurrence de Berta di Giovanni, ibid., (...)
  • 98 Le rattachement de ces trois individus à la parentèle des Montebuoni reste hypothétique, voir Cort (...)
  • 99 Ibid., p. 315, n. 240, pour l’acte voir Diplomatico, Coltibuono, 1092/08 (2461, RC 193).

17Si la domination locale pouvait constituer à terme une source de richesse pour les parentèles qui l’exerçaient, elle reposait sur l’entretien constant d’une clientèle par des générosités nécessaires. La sociabilité même des aristocrates, la nécessité où se trouvaient ces vastes parentèles de préserver leurs revenus et les sources de leur prestige, tout en continuant d’entretenir des alliances les conduisaient d’ailleurs à débourser d’importantes sommes en numéraire. En 1131, dans la Val di Greve, Gherardo di Giovanni cédait à sa sœur Berta l’ensemble des biens qu’il avait dans le territoire de l’église plébane de Santa Maria Impruneta, c’est-à-dire ceux qu’il ne tenait pas en commun avec son frère Petro97. Contre cette renonciation, correspondant probablement à la nécessité de fournir une dot à sa sœur, Gherardo di Giovanni recevait toutefois une contrepartie s’élevant à dix livres : une bourse de deniers offerte en launechild et meritum. Ces personnages qui appartenaient probablement à la parentèle des seigneurs de Montebuoni, disposaient donc des revenus et du patrimoine nécessaire à ces paiements considérables98. Les Montebuoni appartenaient en effet à la clientèle épiscopale et combattaient parfois avec les Florentins. Seigneurs locaux, particulièrement actifs dans ces années, ils bénéficiaient à ce titre de revenus similaires à ceux d’une institution monastique. Peut-être avaient-ils une part aux circuits marchands que commençait alors à alimenter la croissance de Florence. Dès la fin du XIe siècle, et dans des territoires plus éloignés des centres urbains, des seigneurs au rayon d’action plus strictement rural, les Firidolfi du Chianti, maniaient des sommes tout aussi considérables99.

  • 100 Voir NA, 10896-10897.
  • 101 Diplomatico, Coltibuono, 1176/02 (5975, RC 492, en 1177).
  • 102 Ibid., 1077/04 (1606, RC 108).
  • 103 Day 2000, p. 271, n. 275.
  • 104 Diplomatico, Coltibuono, 1125/03 (3899, RC 323), mention d’une acquisition faite tempore famis par (...)
  • 105 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1137/09/17 (4404).
  • 106 Ibid., Vallombrosa, 1146/09 (4797), en réalité, le notaire avait corrigé l’échéance en prévoyant q (...)
  • 107 Dans le cas présenté ici, les rôles de chacun sont assez difficiles à déterminer, Zaccarino di Zac (...)
  • 108 Un document similaire ne faisait pas intervenir d’intermédiaire dans le remboursement du prêt, ibi (...)

18Quelle était la place des échanges marchands dans le contado des XIIe et XIIIe siècle ? Les références explicites aux places de marché restent rares avant la seconde moitié du XIIe siècle, leur présence devient en revanche évidente dès les années 1150 et de plus en plus massive par la suite. Le marché de Leccio était, à la fin du XIIIe siècle, un haut lieu de commercialisation des denrées agricoles et d’établissement de petits prêts100, avant l’année 1177, on ne conserve pourtant aucune information sur la tenue d’un marché et les données sur l’existence d’un castello dans ce site sont elles aussi relativement tardives101. Si l’on s’en tient à la partie méridionale et orientale du territoire florentin, on ne relève au final qu’une seule mention d’un marché, antérieure aux années 1150 : loin de la vallée de l’Arno, au cœur du Chianti, un marché se serait ainsi tenu à Barbischio dès la fin du XIe siècle102. Selon W. R. Day, la tenue de ce marché s’explique par l’influence exercée dans cette région par les comtes Guidi103. L’historien a d’ailleurs pu associer la plupart des marchés établis entre la fin du XIe siècle et la première moitié du XIIIe siècle à la présence d’un seigneur laïc ou ecclésiastique. Dans le contado florentin, les échanges locaux les plus courants échappent largement aux archives antérieures aux années 1240. Il est difficile de se prononcer sur la nature et la modalité de ces échanges. Dans quelle mesure étaient-ils monnayés ou se faisaient-ils en référence à la monnaie ? On l’ignore. Les acquisitions faites sur les voisins dans les temps difficiles devaient souvent consister en céréales destinées à l’alimentation ou au renouvellement des semences104. En 1137, un couple du castello de Celle avait investi le représentant de l’abbaye de Montescalari d’une parcelle, contre cinq braccia de lin et avait en même temps obtenu la quittance d’une dette de cinq muids de grain105. Ce document atteste de la capacité des moines à offrir assistance à leurs voisins et du choix préférentiel d’une intégration de ces derniers à une clientèle d’obligés. Les prêts sur gage fonciers n’étaient pas réservés à la haute aristocratie et il fallait bien, pour rembourser le créditeur, que les emprunteurs eussent quelque possibilité d’acquérir des deniers. De très rares documents laissent supposer l’existence de petites transactions portant sur les denrées agricoles. À Vallombrosa, en 1146, un frère convers de l’abbaye avait prêté, à échéance d’un an, la somme de quarante sous en deniers de Lucques106. Le couple destinataire de ce prêt avait mis en gage une parcelle « de terre et de vigne » et s’engageait à rembourser cette somme par l’entremise d’une tierce personne, tenue de pourvoir au paiement avant octobre, à tout moment qui suivrait la moisson et les vendanges, sans que le document fît mention du versement de ces denrées aux moines. Il était sans doute possible à un exploitant ou à un rentier de vendre certains de ses surplus et d’obtenir quelques deniers. Cette possibilité se trouvait toutefois inégalement répartie et allait à celui des exploitants ou des bénéficiaires de la rente qui percevait la meilleure part de la récolte107. Lorsque l’exploitant et le possesseur se confondaient dans une même personne, de telles possibilités étaient certainement ouvertes à ceux disposant d’une exploitation supportant la commercialisation de surplus ne mettant pas en danger l’alimentation du foyer et le renouvellement des semences108.

  • 109 Diplomatico, Vallombrosa, 1219/01/23 (9385, en 1220), on la trouvait citée avec d’autres créditeur (...)
  • 110 Day 2000, p. 384-421, la question est centrale dans cette thèse et revient tout au long de l’argum (...)

19Le maniement des pièces de monnaie, la connaissance des différentes monnaies en circulation, le recours à la monnaie dans la mesure des échanges faisaient probablement partie de la pratique commune à une bonne partie de la population rurale des XIIe et XIIIe siècles. Il n’est même pas sûr que ces connaissances aient été réservées aux chefs de famille ou à la population masculine. Les pères agissaient généralement en présence et avec l’accord des épouses, ou avec leurs fils. Si les filles non mariées n’apparaissent qu’exceptionnellement dans la documentation des notaires, les femmes mariées, remariées ou veuves y jouent en revanche un rôle central. Il semble même que la gestion de la dot et du douaire ait conduit les épouses à recourir assez fréquemment à la monnaie. Au début du XIIIe siècle, l’un des exploitants du castello de Magnale avait ainsi une dette auprès de domina Lusinghiere, fille de Magnale et épouse d’un homme de Ristonchi109. Avant le grand essor de l’économie florentine et de l’ensemble de son contado, dans les dernières années du XIIe siècle et au XIIIe siècle, le territoire considéré apparaît déjà fort marqué par les échanges de biens et la circulation de la monnaie. Les institutions monastiques, et sans doute avec elles les seigneuries laïques, jouaient certainement un rôle majeur dans le processus d’accumulation et de redistribution des richesses : la monnaie ne servant ici que d’indices à des échanges plus généraux dont ces institutions étaient le centre. Le travail de recensement effectué par W. R. Day permet de placer sur une carte les principaux marchés du contado florentin. Les occurrences antérieures à la seconde moitié du XIIe siècle sont rarissimes (les dates indiquées sont celles des premières occurrences de ces marchés) tandis que le XIIIe siècle voit se multiplier les références aux fora, mercati ou mercatali. Le rôle communicant de la vallée de l’Arno s’impose relativement tôt, dès les années 1150, marginalisant progressivement les chemins que dessinent les crêtes du Chianti et des collines situées au sud de Florence110.

Fig. 9 – Marchés et bourgs marchands dans le quart sud-est du contado florentin (XIe-XIIIe siècle)

Fig. 9 – Marchés et bourgs marchands dans le quart sud-est du contado florentin (XIe-XIIIe siècle)

8.2.2. Grands financiers et petits investisseurs : la croissance dans les campagnes

  • 111 Cortese 2019.
  • 112 L’intensité des transformations de la période 1170-1230 a été au centre de plusieurs recherches, v (...)
  • 113 Sur les Firidolfi, maintes fois évoqués, voir Cortese 2007, p. 312-320.
  • 114 Majnoni 1981, p. 149-150 ; Boglione 1993 ; Delumeau 1996, vol. 2, p. 1080-1082 ; Collavini 2012b ; (...)
  • 115 Spinello avait des possessions dans le Chianti, à Montegrossi et le long de l’Arbia et du Massello (...)
  • 116 Cortese 2019, p. 57 : « Spinello di Alberico da Montegrossoli era un grande proprietario con un pa (...)
  • 117 Ibid., 1172/04/22 (5788, RC 483), c’est-à-dire les droits sur les colons et sur les servitia dus p (...)
  • 118 Ibid., lucro per mensem et libram denarii duos pro tenimento unum parium caponum.
  • 119 Au terme d’une année, Francolo da Cintoia devait verser 28 livres et 5 livres et 12 sous, soit l’é (...)

20Les prêts sur gage, les crédits ou la vente simple des biens fonciers servaient-ils de supports à de véritables investissements ? Destinait-on cet argent à l’accroissement à court terme du patrimoine ou au financement d’autres activités productives ? La question qui peut raisonnablement être posée pour quelques figures assez exceptionnelles se pose en d’autres termes lorsqu’on s’intéresse à la population subalterne aux grands milites111. Dans une société où la thésaurisation restait difficile et où les unités foncières et juridiques ne cessaient d’être recomposées, l’accumulation des richesses se présentait comme un processus de transformation et de mobilisation du patrimoine matériel et symbolique. Si les sociétés n’étaient pas figées dans l’immobilité d’une économie encastrée, les circuits marchands et financiers n’en demeuraient pas moins tributaires des relations de confiance et d’estime qui fondaient l’adhésion à la classe dominante. Le cas d’un grand aristocrate du Chianti, s’il fait sortir des rangs de la simple notabilité rurale, illustre les évolutions qui se devinent dans la documentation des années 1170-1230 et permet de se faire une idée du niveau social dans lequel se recrutent les financiers de la période consulaire112. Voyons ainsi le cas de Spinello di Alberico (v. 1150-1172). Descendant de Malapresa des Firidolfi, Spinello présentait le parfait profil du miles de l’Italie communale, il appartenait à des seigneurs bien connus, ce qui l’engageait à des relations tantôt compliquées, tantôt amicales avec l’abbaye de Coltibuono dont la famille revendiquait le patronage113. Combattant à cheval, se déplaçant en compagnie de certains de ses villains, il avait mené la vie dure à ces opposants et aux ennemis de l’empereur114, grand seigneur et grand propriétaire il conservait un patrimoine étendu dans le Chianti et au-delà115. L’adoption d’un style de vie incontestablement « chevaleresque116 », n’interdisait pas au même Spinello da Montegrossi de se livrer au prêt à intérêt. En 1172, il prêtait ainsi à Francolo da Cintoia, à son épouse Liquiriza et à leur fils Gualfredo la somme de vingt-huit livres contre laquelle ils avaient placé en gage l’ensemble des droits qu’ils avaient sur la cour et le castello de Volpaia117. Le prêt devait être remboursé dans l’année et prévoyait l’intérêt de deux deniers par livre prêtée par mois et de deux chapons pour chaque tenure concédée118. Sans la volaille, le taux d’intérêt était donc de vingt pour cent sur un an119. Il faudrait davantage de documents de ce genre pour prétendre évaluer ce que ce taux devait ou non à l’amitié qui unissait les da Cintoia aux Firidolfi : deux groupes seigneuriaux d’importance. Le patrimoine seigneurial servait ainsi de support à des opérations clairement pensées autour du profit. La matérialité de l’acte laisse en outre supposer qu’il s’agit d’une opération fréquente puisqu’il s’agit d’un bout de parchemin informe, dépourvu des signes de validation traditionnels et qui aurait pu figurer après la completio d’une vente ou d’une donation. Outre les revenus que pouvaient lui apporter ses dépendants et les activités guerrières, Spinello pouvait se livrer à des opérations risquées, mais susceptibles d’apporter des profits non négligeables.

  • 120 Cortese 2019, p. 57 : « Ma fu soprattutto suo figlio Pepo a incarnare il tipo ideale del signore r (...)
  • 121 CRSGF, 224 237, n° 556, p. 130-132, en 1202 et 1208, à Florence.
  • 122 Diplomatico, Coltibuono, 1210/06/13 (8434).
  • 123 Ibid., 1210/11/09 (8471).
  • 124 CRSGF, 224 237, n° 596, p. 204-210 (le premier juillet 1225, devant l’abbaye de Coltibuono), acte (...)
  • 125 C’était probablement à ce conflit qu’était liée la déposition de témoins dont un fragment est parv (...)
  • 126 Maire Vigueur 2004, p. 273.

21C’était cette voie que devait suivre le fils de Spinello, Pepo di Spinello des Firidolfi de Montegrossi (1187-1234), « type idéal du seigneur rural intensément impliqué dans les activités de crédit120 ». Ce dernier est attesté dans de nombreux documents des années 1187-1234 qui portent presque systématiquement sur de grosses opérations de crédit. Au début du XIIIe siècle, pour emprunter cent dix-huit livres, versés en deniers, auprès d’un Florentin dénommé Ugo di Bello, il engagea une maison qu’il avait en ville, dans la paroisse de Santa Felicità et promit une garantie sur le triple de ses biens, en faisant une exception pour le castello de Montegrossi. Parmi les garants, on retrouvait les représentants des da Cintoia auxquels cette branche des Firidolfi était très probablement liée. Six ans plus tard, le capital n’avait pas été totalement remboursé, Pepo, demeuré débiteur de soixante-douze livres et de quelques deniers, obtenait une prorogation d’un an et l’abaissement du taux d’intérêt passant du quart au cinquième de la somme engagé121. En 1210, il achetait à Ugo Pazzo di Ughiccione, appartenant probablement aux Pazzi du Valdarno, les droits détenus par ce dernier sur les habitants du castello de Montaio, dans le Chianti. Le castello figurait dans la zone d’influence des Firidolfi et le document valait probablement quittance d’une dette122. La même année, il s’engageait dans un nouveau prêt, cent trois livres et quatorze sous, à rembourser à Ugo di Bello, en plaçant comme gage les biens qu’il avait dans le castello de Firidolfi123. Cette faim d’argent pouvait avoir des conséquences fâcheuses et Pepo di Spinello fut plusieurs fois conduit à s’expliquer en présence d’arbitres ou devant les juges florentins. Vers 1225, un différend sur le remboursement des dettes était ainsi né entre Pepo et son associé Beliotto di Albertesco da Cintoia124. Ce dernier exigeait le versement d’une amende qu’avait prononcé contre lui le Podestat Bombarone de Florence et pour laquelle il s’était vraisemblablement porté garant. Il demandait, de surcroît, le paiement de cinquante livres de frais, la cession d’un emplacement du castello de Vertine, dans le Chianti, ainsi que le retour, comme quittance, d’une charte portant sur un prêt de cent livres. Le règlement du conflit avait été confié à un certain Albertesco di Leone, qui donna globalement raison à Beliotto en organisant l’échelonnement des paiements125. En suivant les affaires de cette branche des Firidolfi, on rencontre, sans surprise, une militia florentine bien rompue aux affaires et capable par des opérations audacieuses « d’avancer en liquide des sommes considérables126 ».

  • 127 Diplomatico, Coltibuono, 1197/08/30 (7258, RC 532), la transaction se faisait devant la maison des (...)
  • 128 En 1218, Albertesco di Leone se présentait à Figline au retour d’un arbitrage présidé par les cons (...)
  • 129 Diplomatico, Coltibuono, 1197/08/30 (7258, RC 532).
  • 130 Plesner 1934, p. 101-102 ; Diplomatico, Passignano, 1204 (7938), le document est une célèbre dépos (...)
  • 131 Santini 1895, n° XXII, p. 240-244 ; Diplomatico, Badia, 1218/01/01 (74 224, en 1219) ; Francovich  (...)
  • 132 Cortese 2019, p. 59-60 : « Il patrimonio signorile fu utilizzato come supporto e garanzia per oper (...)
  • 133 Faini 2010, p. 205 : « Fino a tutta la prima metà del secolo XII il rapporto creditizio appare com (...)
  • 134 Sur la militia florentine, voir aussi Faini 2004.
  • 135 Maire Vigueur 2004, p. 273, l’auteur décrit la pratique du crédit à grande échelle comme « un form (...)

22Les affaires de Pepo di Spinello et de ses semblables reposaient sur un cercle étroit de connaissances et d’alliés et mobilisaient toutes les ressources du patrimoine seigneurial. Tous les intervenants appartenaient à des parentèles caractérisées par l’expérience seigneuriale : Beliotto di Albertesco descendait des seigneurs de Cintoia127 ; Pepo di Spinello était un Firidolfi, conservant encore des droits sur le castello historique de Montegrossi ; Albertesco di Leone appartenait probablement à l’un des deux groupes128. Une partie de ces parentèles avait été marquée par l’entreprise seigneuriale de grand style qu’avait été la fondation du castello de Semifonte, détruit par les Florentins en 1202129. Ces domini pouvaient disposer de sommes considérables : en une autre occasion Alberto da Cintoia, le père de Beliotto, avait prêté 600 livres à l’abbaye de Passignano130. Pour s’acquitter d’un crédit qu’elle devait rembourser au même Alberto da Cintoia, l’abbaye bénédictine de Florence communément appelée Badia avait mis en gage la totalité du castello de Vico l’Abate131. Cet argent prêté ne correspondait sans doute pas à de l’argent thésaurisé et ne résultait pas d’un investissement direct des sommes que les da Cintoia ou les Firidolfi pouvaient immédiatement retirer de leurs rentes seigneuriales. Si les ventes de castelli, de dépendants et de terres étaient plus nombreuses à la fin du XIIe siècle, cela s’expliquait sans doute par le besoin de liquidités qu’éprouvaient les grands du contado et c’était par ces ventes, par ces mises en gage, que les descendants de l’aristocratie rurale s’imposaient dans le milieu des affaires florentines. En d’autres mots, pour reprendre les observations de M. E. Cortese, « le patrimoine seigneurial fut employé comme un support et une garantie à des opérations clairement conçus autour du profit132 ». Les différences entre les domini capables de mobiliser l’ensemble d’un patrimoine pour garantir leurs emprunts et les petits propriétaires et tenanciers se trouvèrent certainement exacerbées par le contexte des années 1170-1230. Le grand crédit se présentait, dans ces décennies, comme une trame organisant fortement les relations sociales et dessinant les solidarités entre un cercle restreint de parentèles que le titre de dominus tendait à distinguer toujours plus de la masse de la population et d’importantes institutions ecclésiastiques133. À la fin du XIIe siècle et jusqu’au milieu du XIIIe siècle, comme le constatait J.-C. Maire Vigueur, « la pratique du crédit sur une grande échelle est encore réservée à une petite élite de propriétaires fonciers » et ne constitue pas « un instrument d’ascension sociale » particulièrement privilégié par les groupes subalternes134. Le même historien n’en insiste pas moins sur le rôle du crédit comme « canal de transfert des richesses135 ».

8.2.3. Patrimoines ecclésiastiques et circulations des richesses

  • 136 Diplomatico, Vallombrosa, 1233/05/08 (11 363).
  • 137 Ibid., 1196/11/30 (7211).
  • 138 Lefeuvre 2018b.
  • 139 Day 2000, p. 217-218 et 226.
  • 140 Pirillo 1992, p. 23-30.

23À Florence, le patrimoine rural des institutions ecclésiastiques fut l’un des enjeux centraux de la compétition entre les milites. Ces derniers étaient-ils seuls à bénéficier ou pâtir de ce processus ? À ce jeu, les possessores locaux dont les droits sur le sol demeuraient mal assurés avaient une capacité moindre à mobiliser leur patrimoine pour dégager d’importantes liquidités. La pression qui s’exerçait sur les patrimoines fonciers n’était pas le simple résultat de la croissance démographique : les nouvelles fonctions du marché de la terre expliquaient les efforts des juges, des notaires et de l’ensemble des possessores pour établir les hiérarchies passant des propriétaires aux tenanciers. À quelles conditions les protagonistes traditionnels du marché de la terre qui ne se situaient pas au niveau de l’aristocratie des domini pouvaient-ils s’assurer une position ? L’immobilisation du patrimoine monastique était sans doute l’un des enjeux du conflit opposant sourdement Liccese di Orlandino et ses fils à l’abbaye de Vallombrosa. On ne saurait voir, dans les transactions entre l’abbaye et ces petits seigneurs du Valdarno de simples échanges marchands. En 1233, pour solder les comptes avec ces anciens fidèles de Sant’Ellero, les vallombrosains avaient acheté une parcelle possédée par Guicciardo, Romeo, Chiarissimo di Liccese et par Uberto di Orlandino di Liccese, située à Rignano, au beau milieu des terres de l’abbaye pour la somme de dix-huit livres. Les clauses suffisent à signaler les pressions qui avaient pu entourer cet achat : en cas de manquement, les filii Liccesis s’engageaient à verser deux cents livres à l’abbaye136. Tandis que les filii Liccesis s’émancipaient de la tutelle de Vallombrosa, d’autres foyers rentraient dans le rang et acceptaient de se reconnaître parmi les fideles de l’abbaye. En 1196, l’abbé Martino de Vallombrosa et le massarius Benincasa acceptaient de Jonatto di Ardimanno et d’Alberto di Sasso les droits de patronage sur la petite église de San Miniato située sur les hauteurs du Pratomagno. En échange, les deux donateurs recevaient l’assurance de demeurer à Magnale comme de bons hommes et masnadieri du castello137. Une assurance qui sonnait aussi comme un aveu de l’incapacité de ces « petits porteurs » de la seigneurie à se lancer dans les grands investissements de leur temps138. Notons toutefois que l’usage de ces sommes reste assez difficile à déterminer. La croissance démographique florentine suscitait des besoins importants en blé qui auraient pu alimenter assez tôt un commerce florissant139. L’industrie et le commerce de la laine paraissent en revanche s’être développés plus tardivement au cours du XIIIe siècle. Le XIIIe siècle ne se signale pas seulement par l’exceptionnelle réussite de quelques grandes fortunes, il marque aussi une période de difficultés financières pour les institutions ecclésiastiques nées du mouvement réformiste du XIe siècle. Dans la seconde moitié du XIIe siècle, les ancêtres des Franzesi della Foresta de Figline bâtirent ainsi leur première fortune par l’acquisition de terres qu’ils avaient jusque-là tenues de familles de l’aristocratie locale et des abbayes de Montemuro et Coltibuono140. Ces difficultés pourraient s’expliquer par l’incapacité des abbés de mobiliser rapidement leur patrimoine et par la capacité qu’avaient en revanche les grandes familles laïques d’entraîner dans leur sillage une partie du patrimoine foncier de ces mêmes institutions. Peut-être les difficultés temporaires de ces institutions ne font-elles que révéler une partie du processus conduisant certaines parentèles seigneuriales encore bien présentes au milieu du XIIe siècle à disparaître de la scène sociale et politique. Comme on l’a vu plus haut, les difficultés que suscitait l’endettement étaient loin d’être insurmontables pour les individus ou les institutions disposant de bases patrimoniales solides. La carrière de Pepo di Spinello avait été émaillée de procès qui pourraient faire songer à de petits dépôts de bilan, mais qui doivent être considérés dans le panorama d’ensemble où on le voit jouer le rôle du créditeur. Sans en revanche noircir la situation des institutions ecclésiastiques, ces dernières, dans ces mêmes années, semblent avoir connu leurs premières grandes difficultés financières. Jusqu’alors pourvoyeuses de liquidités, les institutions monastiques se retrouvèrent de plus en plus fréquemment en position d’emprunter de l’argent auprès de citadins ou de leurs propres dépendants.

  • 141 Rien n’oblige à adopter le point de vue critique de l’historien allemand pour considérer les affai (...)
  • 142 Diplomatico, Passignano, 1191/03/10 (6801, en 1192).
  • 143 Le taux exact était de 4 deniers par livre et par mois. Au terme d’une année, la somme à verser, e (...)
  • 144 Faini 2009b, p. 143-144.
  • 145 Ibid., p. 148 : « Passignano era stretto nell’abbraccio del gruppo di famiglie che si sarebbe poi (...)
  • 146 Plesner 1934, p. 102-103.
  • 147 Ibid., p. 105-106, p. 219, des allusions à cet individu et au choix de cet individu de demeurer da (...)

24Le cas le plus étudié est celui de l’abbaye de Passignano141. Pour soutenir les dépenses liées à un procès, l’abbé Gregorio de Passignano avait eu recours à un emprunt de quarante-deux livres en deniers de Pise142. L’abbé avait dû assurer le créditeur florentin en plaçant en gage une terre du domaine de La Sambuca et en acceptant en outre un intérêt de 20 % sur un an143. Cet emprunt ne fut que le premier d’une suite de crédits qui en vinrent à s’accumuler. Élu en 1199, l’abbé Uberto degli Uberti aurait trouvé un passif de 675 livres : par précaution, on lui avait fait promettre de ne pas souscrire d’emprunt dépassant 20 livres. En 1204, les dettes s’élevaient cependant à 1 500 livres144. La situation était sans doute difficile, mais pas insoluble, pour une abbaye dont les rentrées annuelles avoisinaient les 600 ou les 1 200 livres. On ignore en revanche ce que les moines devaient annuellement engager pour leur simple entretien et le maintien des solidarités politiques dont ils dépendaient. Loin de mettre l’abbaye à genoux, la renégociation des prêts et le rachat des crédits par un groupe de parentèles citadines conduisirent à faire de l’abbaye de Passignano l’un des coffres-forts du parti gibelin145. Ces parentèles liées à l’abbaye, parmi lesquelles on comptait entre autres les Ubriachi, n’avaient aucun intérêt à ruiner l’institution qui ne vit point ses terres passer aux mains des usuriers146. Les homines de Passignano jouèrent pour leur part un rôle très différent. Au moment d’emprunter 600 livres à Alberto da Cintoia, l’abbé Uberto avait eu recours à un datium levé sur la communauté des dépendants du castello. Les créditeurs se recrutaient aussi dans cette population : en 1204 l’abbaye était débitrice de 270 livres vis-à-vis de Gianni di Gianello, fils d’un faber dépendant de l’abbaye et gérant, pour la même abbaye, d’un moulin construit sur la Pesa. Sans doute n’était-ce point un hasard si le fils de Gianni di Gianello, dominus Tolosano, se trouvait être, quelques décennies plus tard, le seul homme de Passignano auquel les enquêteurs florentins de 1233 reconnaissaient le titre de miles147.

  • 148 Diplomatico, Vallombrosa, 1218/03/16 (9305, en 1219).
  • 149 Ibid., jurauerunt observare et adimplere et infraude non cessare preceptum massarii de Mangnale S (...)
  • 150 Giovanni di Griffolo appartenait à une importante parentèle du castello de Magnale, voir, en annex (...)
  • 151 À une date indéterminée, Alberto da Cintoia avait bénéficié des revenus du castello de Vico l’Abat (...)
  • 152 Faini 2009b, p. 149.

25Sans qu’on connaisse à l’abbaye de Vallombrosa des difficultés financières comparables à celles de Passignano, les phénomènes d’endettement firent visiblement évoluer les relations des abbés avec la communauté de dépendants. En 1219, le frère convers et massarius Carnelevare avait fait jurer aux quatre-vingt-treize chefs de famille qui formaient la communauté des homines de Magnale et de ses différentes curtis qu’ils continueraient à lui obéir148. Ce serment, l’un des plus anciens que l’on ait conservé, avait été requis à l’occasion « de la dette de la commune de Magnale et plus spécialement du fait de la dette due à Maffeo di Cavalca et d’autres149 ». Cet acte résultait probablement des dettes contractées par l’abbaye plutôt que par la commune rurale elle-même. La commune était soumise à un contrôle étroit de la part des abbés, et le document peut faire songer, ce n’est qu’une hypothèse, à une mise en gage provisoire du castello et de ses revenus au profit du créditeur de l’abbaye. Les hommes s’engageaient en effet à faire tout ce que leur demanderait ce dernier, en présence de trois témoins : Maffeo di Cavalca lui-même ; Rinaldo di Assalto ; Guido, héraut de la Commune de Florence. Le notaire avait adjoint un bref rappelant la promesse faite par les hommes de Magnale de préserver les bénéfices que le créditeur pouvait escompter de certaines terres. Le notaire avait enfin ajouté quelques engagements plus particuliers : l’obligation faite à Giovanni di Griffolo et à Benintendi di Birco de garder et faire garder le castello de nuit150 ; l’interdiction des vols commis de nuit ou de jour. Ces deux documents qui encadraient la perception temporaire des revenus tirés de la domination seigneuriale par un individu extérieur à la seigneurie tendaient, paradoxalement, à rigidifier les prérogatives seigneuriales des abbés. Ces droits pouvaient désormais être plus aisément négociés151. Maffeo di Cavalca était un proche des Ubertini et l’un des grands représentants de la pars imperii. La présence de ce grand gibelin parmi les créditeurs probables de Vallombrosa n’a rien pour surprendre. En 1229, on le retrouvait indirectement impliqué dans les affaires de dettes de l’abbaye de Passignano152. Il faut toutefois noter qu’à Vallombrosa, la mise en gage d’un patrimoine aussi central que la curtis et le castello de Magnale ne paraît pas avoir eu pour conséquence un affaiblissement des rapports hiérarchiques. C’était paradoxalement à l’occasion de ces opérations que les abbés réaffirmaient leurs prérogatives tout en faisant entrer leur seigneurie dans le giron de la politique florentine.

  • 153 Diplomatico, Coltibuono, 1257/03/02 (15 630, en 1258), 1257/03/02 (15 631, en 1258). Quelques anné (...)
  • 154 Cortese 2019, p. 55, n. 99.
  • 155 Ibid., 1236/06/03 (11 937).
  • 156 Ibid., 1254/10/18 (14 970).
  • 157 Paoli 1889, p. 115, le 9 août 1260, ser Lotterio Boccapiatta de la paroisse citadine de San Felice (...)
  • 158 Diplomatico, Coltibuono, 1258/03/28 (15 904, en 1259). À cette date, le capital dû était de 250 li (...)

26La documentation léguée par San Lorenzo a Coltibuono a ceci de remarquable qu’elle fait voir la diversité des sources alimentant le crédit des abbayes. Tout au long du XIIIe siècle, et sans perdre de parts véritablement importantes de son patrimoine, l’abbaye de Coltibuono servit, elle aussi, à alimenter les revenus d’une série d’individus. L’institution semble avoir connu de sérieuses difficultés financières au milieu du XIIIe siècle, et si l’on ne possède rien de comparable au dossier laissé par l’endettement des abbés de Passignano entre 1192-1204, les documents qui sont parvenus offrent un beau panorama des créditeurs de l’abbaye. Dès 1214, l’abbé Anastasio avait laissé une dette assez considérable pour justifier une première mise en gage de la curtis de Marciano. Les abbés eurent amplement recours à cette solution qui les conduisait paradoxalement à céder les parts les mieux organisées et les plus productives de leur patrimoine : la curtis de Marciano avec un important domaine ; l’hôpital de Memugnano, près de Rignano ; la curtis d’Argenina dans la vallée de l’Arbia. À la fin des années 1250, les guelfes et les tenants du Popolo dominaient naturellement ces affaires. En 1257, parmi les bénéficiaires d’une de ces mises en gage, on retrouvait un certain Schiatta di Cavalca, qui était peut-être le grand-père de Guido dei Cavalcanti, et qui se retrouvait investi, pour dix ans, de l’ensemble de la curtis et des poderi de Marciano, ainsi que des moulins dépendant de l’hôpital de Memugnano153. Les Cavalcanti étaient une importante parentèle, peut-être liée aux Ubertini, mais dont les membres, dans les années 1250, s’identifiaient pleinement au parti guelfe. À Coltibuono, entre les années 1230 et les années 1250, les dettes de l’abbaye passèrent ainsi des notables locaux, notamment de Boninsegna di Malcristiano, très lié aux Ubertini, à un individu lié à l’aristocratie consulaire pour finir dans les mains de nouvelles familles de l’élite florentine. Au milieu des années 1230, l’abbaye de Coltibuono se trouvait assez sérieusement endettée envers Boninsegna di Malcristiano154, individu déjà rencontré, originaire de Marciano et de Rignano qui appartenait à une parentèle proche des Vallombrosains et des Ubertini. Pour éteindre cette dette qualifiée d’usuraire, les moines eurent recours à Beliotto di Albertesco qui leur avait ouvert un crédit de 100 livres et quelques deniers de Pise155, descendant des da Cintoia évoluant entre Florence et le Chianti, qui appartenait au petit cercle de grands financiers. En 1254, de nouvelles dettes, ainsi que le passif des anciennes continuaient de peser sur les moines. Réunie dans la salle du chapitre, la communauté monastique avait confié à une équipe composée d’un moine et de deux frères convers une mission consistant à trouver les expédients permettant à l’abbaye de rembourser ser Jacopo di Beliotto da Vertine, qui était probablement le fils de Beliotto di Albertesco, Dosga et Lotterio di Boccapiatta de Florence ainsi que le clerc Ugolino da Monte Rinaldi156. Tandis que Jacopo di Beliotto appartenait à l’ancien groupe dirigeant de la Florence consulaire, Lotterio di Boccapiatta représentait parfaitement la nouvelle génération des Florentins du Primo Popolo157. En 1259, l’abbaye lui devait encore 289 livres en deniers de Pise158. Au XIIIe siècle, l’endettement des grandes institutions monastiques était devenu chronique et leur dette constituait un investissement intéressant pour les grandes maisons de l’ancienne et de la nouvelle aristocratie qui disposaient des fonds dont les moines avaient le plus besoin et qui trouvaient sans doute des compensations symboliques, politiques et spirituelles au risque, tout relatif, qu’ils prenaient dans ces affaires.

  • 159 Ibid., 1213/01/10 (8713, en 1214), Ego presbiter Ugo, rector ecclesie| Sancti Marcellini, pro debi (...)
  • 160 Ibid., 1243/02/12 (12 988, en 1244), les chanoines responsables de l’église s’étaient réunis en ch (...)
  • 161 Ibid., 1256/12/03 (15 556).
  • 162 Tabarrini 2019, p. 57-58.
  • 163 En 1248, un représentant de l’empereur faisait quittance à l’abbaye de Coltibuono d’une somme de 2 (...)

27Ce qui était vrai des grands monastères vallombrosains l’était probablement d’une foule d’institutions ecclésiastiques qui échappent à la documentation. Il faut songer que le territoire florentin était quadrillé par des églises plébanes, au patrimoine ancien et parfois considérable et ces prêtres ne se trouvaient pas davantage exclus des transactions que les moines. En 1214, le prêtre Ugo, recteur de la plebs de San Marcellino in Avane, avait ainsi vendu à l’abbaye de Coltibuono une parcelle que l’église possédait dans la curtis d’Argenina. L’acte de vente se référait explicitement à l’endettement de l’église qui retirait la somme de quinze livres, en deniers de Pise159. Trente ans plus tard, pour parer à de semblables difficultés, le prêtre de l’église de San Pancrazio vendait un nombre considérable de parcelles à un convers de l’abbaye de Coltibuono160. Ces dettes conduisaient à une circulation de liquidités et de biens fonciers dans un sens qu’il n’était pas toujours possible d’anticiper. Pour solder la dette qui le liait au prêtre de San Donato, c’était à l’abbaye de Coltibuono, et non à son créditeur, que le prêtre de San Pancrazio avait décidé de vendre une partie de ses terres. Ces dettes conduisaient en outre à remettre sur le marché des biens qui faisaient souvent la richesse de ces institutions ecclésiastiques. En 1256, les dettes de l’église canoniale de San Pietro in Avane avaient mis son prieur en difficulté et le responsable de l’église plébane avait dû se présenter au Capitaine du Popolo et aux Anciens pour obtenir l’autorisation de vendre la moitié d’un moulin sur le Massellone, dans la Val d’Arbia161. L’endettement des campagnes et des institutions ecclésiastiques était un processus fortement lié aux progrès des pouvoirs princiers et à la construction de l’État florentin. Une partie des dettes des églises était liée aux exigences fiscales de l’empereur, de la Commune florentine162 puis du Saint-Siège. Les abbayes n’étaient pas pauvres, mais disposaient rarement des liquidités nécessaires au règlement rapide de ces levées. Elles devaient recourir à l’emprunt et s’intégraient par ce biais aux structures du pouvoir florentin163. Une intégration qui pouvait s’avérer ruineuse, dans certains cas, mais qui devait longtemps apparaître comme l’un des meilleurs investissements possibles de ces institutions.

8.3. L’espace économique des notables villageois

  • 164 Plesner 1934, p. 103-106.
  • 165 On ignore la nature des liens rapprochant Beliotto di Albertesco da Cintoia et Beliotto di Abbracc (...)
  • 166 Wickham 2000, p. 339.

28Préoccupé qu’il était de prouver l’invalidité d’une thèse faisant des usuriers florentins les acquéreurs des terres dépendant des féodaux, J. Plesner a peut-être trop relativisé la portée de ces dynamiques dans la redistribution des hiérarchies locales164. À Passignano, il relevait la participation des fideles qui n’avaient probablement pas d’autre choix, au désendettement de l’abbaye et soulignait le rôle joué par les ancêtres de Ser Tolosano, simples fabri et tenanciers dont le rejeton était devenu miles de la Commune florentine. La domination du circuit monétaire par de grands noms de la vie politique florentine ne doit pas empêcher masquer la présence, dans leur sillage, de figures mineures ou moins connues165. Les comportements violents de certains créditeurs des moines de Passignano, appartenant pourtant aux parentèles locales et n’hésitant plus, à la fin du XIIe siècle, à recourir à des représailles armées, signalaient, selon C. Wickham, la perte du prestige dont avait longtemps joui l’abbaye166. Ces représailles étaient toutefois considérées comme relevant d’une forme acceptable de protestation de la part d’un créditeur.

8.3.1. L’affaiblissement des hiérarchies seigneuriales

  • 167 Diplomatico, Coltibuono, 1256/12/03 (15556), 1257/04/20 (15681), 1257/09/27 (15751)
  • 168 Faini 2009d, p. 32.
  • 169 Diplomatico, Vallombrosa, 1225/02/01 (10 142, en 1226).
  • 170 Ibid., 1233/11/21 (11 436), vente d’une tenure avec les services des colons, 1232/08/31 (11 259).
  • 171 Ibid., Vallombrosa, 1237/06/17 (12 167), dans le cloître de Santa Trinita, Orlando di Orlando da C (...)
  • 172 Rippe 2003, p. 624 : « Alors même que ces vassaux-créanciers peuvent tirer un profit économique im (...)
  • 173 Ibid., p. 639.
  • 174 Diplomatico, Coltibuono, 1242/12/19 (12 971), 1243/02/12 (12 988, en 1244).
  • 175 Ibid., 1247/10/20 (13 905).
  • 176 Ibid., 1236/10/21 (12 021), 1239/06/01 (12 476), 1239/12/01 (12 558), 1243/02/12 (12 988, en 1244) (...)
  • 177 Diplomatico, Coltibuono, 1256/07/11 (15 447).
  • 178 Ibid., 1259/04/01 (16165), Debemus dare Gra(tie) da Lucolena xv libras denariorum quos mutuavit| p (...)

29Issus de familles citadines ou rurales, des individus s’imposèrent de plus en plus comme intermédiaires privilégiés des parentèles laïques et des institutions ecclésiastiques. Au milieu du XIIIe siècle, Matteo di Chiarissimo di Rinaldesco et son frère Gualtieri, des Del Mula, furent particulièrement présents dans les affaires de l’abbaye de Coltibuono et de l’église de San Pietro in Avane, exerçant ainsi une influence considérable sur le Chianti des années 1250167. Les premières occurrences concernant cette famille de consuls se rattachent aux dettes de l’abbaye de Passignano168. Ce qui s’observe assez bien pour les grandes abbayes se devine pour de nombreuses églises mineures du contado : chacune de ces situations offrait à des parentèles voisines, à des Florentins ou à d’autres églises, l’occasion de s’immiscer dans la gestion des patrimoines. Dans les années 1220, le prêtre de la petite église de San Niccolò di Magnale, une église évoluant dans l’ombre de Santa Maria di Vallombrosa, avait quelques dettes vis-à-vis de l’abbaye voisine169. Les difficultés que connurent les moniales voisines de Sant’Ilario, dans la première moitié du XIIIe siècle, poussèrent l’abbesse à vendre ses biens aux abbés voisins de Vallombrosa ou à des familles de laïcs170. Les dettes qui passaient entre clercs et entre moines, rachats plus ou moins intéressés trouvaient souvent leur origine dans le crédit d’un laïc171. On peut, avec G. Rippe, souligner le rôle du crédit dans la fragilisation des sociabilités organisant jusqu’aux premières années du XIIIe siècle la vie des sociétés rurales. À la même époque, à Padoue, les vassaux de grandes institutions ou de grandes familles laïques, profitèrent ainsi de la « déconfiture économique » de leurs seigneurs alors même qu’ils avaient un « intérêt politique à leur survie172 ». Le volume des prêts consentis dans les dernières années du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle contribua probablement à l’accélération de certaines évolutions qui allaient, en l’occurrence, vers la ruine du mode de production observé dans les campagnes des XIe et XIIe siècle173. À l’intérieur même de l’institution monastique, certains convers devinrent l’un des rouages essentiels du règlement des dettes. Dans les années 1230-1240, ce fut le cas, à Coltibuono, du frère convers Grazia qui fut chargé du règlement d’une dette de 260 livres de Pise contractée envers Salomone di Ubaldino, habitant du castello voisin de Montaio174. C’était le même frère convers, accompagné d’un de ses confrères, qui dut encore, en 1247, s’occuper d’un paiement de cinquante livres en faveur du même Salomone di Ubaldino da Montaio175. Directement responsable des locations et particulièrement actif dans les affaires judiciaires opposant l’abbaye de Coltibuono à l’église voisine de San Pancrazio, Grazia avait un accès direct à plusieurs sources de revenus et disposait d’une grande autorité à l’intérieur de la familia monastique176. En 1256, il demandait à la justice florentine la mise au ban d’un autre frère convers177. Dans son fonctionnement, l’abbaye se retrouvait souvent débitrice de son serviteur ! Un document de 1259 donne un aperçu du rôle quotidiennement joué par le frère Grazia dans le financement de l’abbaye et illustre la variété des emprunts auquel ce dernier pouvait avoir recours. Dans ce document non daté et non notarié, on avait fait le compte des sommes dues par l’abbaye de Coltibuono au magister Grazia178. On quitte pour une fois une documentation n’informant que sur les opérations les plus exceptionnelles pour voir fonctionner le crédit le plus usuel. Le petit parchemin était divisé en trois grandes parties. Dans une première partie, le rédacteur mentionnait les dettes suivantes : 15 livres pour un cheval ; 15 livres pour un muid et treize setiers de froment ; 13 livres pour du lin et 100 livres pour une pêcherie de l’Arno. Ceci faisait une première somme de 143 livres. Si certains paiements renvoyaient à de simples achats (pour le lin et pour la pêcherie sur l’Arno, liée à un moulin), les autres renvoyaient à des opérations de prêt de faible envergure. La deuxième partie du document mentionnait deux paiements faits auprès d’un certain Chiaro et d’un dénommé Salimbene, 34 et 13 livres. Une somme de 18 livres et 10 sous devait être payée à Grazia pour une « lettre pontificale ». Les sommes les plus importantes concernaient une dette vis-à-vis du notaire Bene de Lamole. Grazia avait déjà versé 72 livres sur un total de 200 livres de capital, 55 livres d’intérêt (meritum) et 4 livres et 6 sous pour les frais. La dernière mention résumait bien la position assez ambiguë de Grazia vis-à-vis des moines. Le rédacteur écrivait explicitement : « Grazia nous a prêté 21 livres en deniers que nous avons garantis sur un roncin au début du mois de mai. » L’existence d’une telle garantie, pour être usuelle, trahissait la volonté d’apurer précisément les comptes entre la communauté et celui qui était devenu l’un des principaux responsables de ses affaires, quoique lui-même fît partie de cette même communauté. Il s’agissait d’un régime basé sur l’avance, par un frère convers, des sommes nécessaires à la vie des moines. On comprend qu’on ait souvent chargé ces frères convers des curtes les plus dynamiques, celles-là mêmes que les investisseurs les plus avisés cherchaient à récupérer.

  • 179 À ce titre, on peut comparer le frère convers Grazia da Lucolena avec un autre frère convers, Falc (...)
  • 180 À ce propos, on peut considérer la situation du procurateur de Ser Drudolo di Dietisalvi da Montel (...)

30Les sources du XIIIe siècle font moins voir la rapacité d’une foule d’usuriers citadins dépouillant les abbayes que le processus conduisant à l’intégration progressive de ces institutions dans un circuit d’échanges sur lequel elles n’exercent progressivement plus aucune forme de contrôle. Le contraste semble évident avec la situation du XIIe siècle où les affaires semblent en grande partie intégrées aux dynamiques des institutions ecclésiastiques et seigneuriales. Les intermédiaires, qu’ils fussent laïques ou appartinssent au groupe des frères convers, disposaient d’une marge de manœuvre qui n’était pas inédite, mais qui en faisait désormais des acteurs d’une vie économique dépassant largement le cadre d’une paroisse ou de quelques castelli179. Si le travail d’un frère convers chargé, comme maître Grazia, de l’ensemble des locations de l’abbaye ne différait guère de celui d’un intermédiaire laïque chargé des locations d’un riche propriétaire florentin, le premier disposait sans doute d’une marge de manœuvre supérieure à celle de ses homologues laïques180.

8.3.2. Les nouveaux pions de l’économie florentine

  • 181 La Roncière 1973, p. 209.
  • 182 Diplomatico, Coltibuono, 1258/10/24 (16 048).
  • 183 Montigianni di Ubertino pourrait être le fils de Ranieri da Ricasoli, ibid., 121./11/16 (9499), 12 (...)
  • 184 Ibid., 1237 (12 240), Salomone di Ubaldino est témoin d’un acte de vente par lequel l’abbaye et de (...)
  • 185 Ibid., 1242/12/19 (12 971), 1247/10/20 (13 905).
  • 186 Ibid., 1260/11/13 (16 482).
  • 187 Ibid., 1273/05/09 (18 760).
  • 188 Ibid., 1295/08/09 (24 912).
  • 189 Day 2000, p. 109-110, n. 187.
  • 190 La Roncière 2005b, p. 109-110, n. 187.
  • 191 En 1306, son fils, Mone, figurait parmi les homines de Montaio participant à l’élection du recteur (...)

31La documentation ecclésiastique présente des limites évidentes pour connaître les sociétés rurales de la fin du XIIIe siècle. Ce qu’on sait de l’extrême fin du XIIIe siècle et du XIVe siècle, notamment grâce aux registres de certains notaires, permet tout de même de se faire une idée du type d’affaires que recouvrent les prêts gagés sur des chevaux ou des quantités de céréales qu’on relève, à l’occasion. À la fin de son ouvrage sur Lippo di Fede, changeur florentin de la première moitié du XIVe siècle, C. M. de La Roncière décrivait ce dernier comme un bon représentant de « la piétaille de l’expansion économique florentine181 ». Cette piétaille ne se recrutait pas qu’en ville et Lippo di Fede lui-même avait construit à la campagne les bases de sa maigre fortune monétaire et de ses assises patrimoniales, plus étroites, mais mieux assurées. Les petits castelli du Chianti ne manquaient pas de petites fortunes ou d’individus assez bien insérés dans un réseau de solidarité pour pouvoir dégager quelques livres en deniers de Pise ou en florins. En 1258, le frère convers qui gérait la curtis d’Argenina pour le compte de l’abbaye de Coltibuono avait été chargé de pourvoir au remboursement de trois créditeurs de l’abbaye : Voglia, un Siennois, à qui le monastère devait douze livres ; Ventura di Filippo da Lucignano, un voisin, pour onze livres ; Montigianni da Ricasoli, pour douze livres182. Parmi ces individus, le dernier était probablement un descendant des Firidolfi, des autres, en revanche, on ne sait rien183. Aux XIIe et XIIIe siècles, le castello de Montaio ne paraît pas avoir été associé à un groupe aristocratique de domini et si l’on connaît quelques familles de cette localité, aucune ne semble s’imposer de façon évidente. Le débit qui liait l’abbaye de Coltibuono à Salomone di Ubaldino, un habitant de Montaio, indique l’existence de fortunes modestes dans ce bourg animé par un marché rural et peuplé d’une population assez structurée. Présent à Montaio entre 1237 et 1247184, Salomone avait été en mesure de consentir à l’abbaye de Coltibuono un prêt d’une soixantaine de livres185. La quittance de ce prêt fut favorable à l’abbaye, Salomone renonçant à la totalité du capital. Signe d’une certaine considération, c’était en la demeure du même Salomone que la quittance de dette avait été livrée aux représentants de l’abbaye de Coltibuono. Des actes plus tardifs renvoient une image aussi partielle que suggestive des affaires de cet individu et de celles de son fils. En leurs mains l’argent ne s’écoulait pas en un sens unique, et il pouvait leur arriver d’être débiteurs de leurs voisins. En 1260, le notaire Tedesco da Montaio avait ainsi vendu, à Gianni di Forte da Montaio, le crédit qu’il avait sur le fils de Salomone et un autre individu186. Salomone avait investi dans le foncier en compagnie de Salimbene da Montegrossi : en 1273, les Firidolfi offraient ainsi à l’abbaye les terres qu’ils avaient rachetées à ces deux individus187. C’était chez les descendants de ces petits groupes que l’on pouvait trouver, à la fin du XIIIe siècle, des preneurs pour les locations de grandes unités foncières. À l’été 1295, un frère convers de l’abbaye de Coltibuono louait pour six ans à Moncio di Salomone da Montaio et à Gianni di Nuto da Vertine la tenure de Podio contre le loyer annuel de sept muids et deux setiers de grain et de cent œufs188. Il n’est guère possible de savoir ce qu’était au quotidien le travail de Moncio di Salamone : cultivateur ? Petit homme d’affaires ? Ce deuxième aspect ne peut être négligé et l’impression qui ressort de plusieurs de ces contrats de location est celle de petits investissements tentés par des individus plutôt aisés. Cette riche parentèle de Montaio ne présentait rien, dans son profil, qui la distinguât très nettement des autres groupes des environs et il existait bien, dans ces castelli relativement éloignés des centres urbains, une place pour de petites figures capables de réunir, à l’occasion, d’importantes sommes d’argent. Ces fortunes rurales se trouvaient bien éloignées de celles qu’avaient pu libérer, quelques décennies auparavant, les seigneurs des castelli et le volume de leurs affaires restait bien inférieur à celui des transactions des financiers florentins qui leur étaient contemporains. On sait ainsi que le castello de Montaio avait été une place de marché et un site fortifié d’importance189. Au XIVe siècle, le castello servait d’étape au déplacement des troupeaux destinés à alimenter le marché alimentaire florentin et le village comptait de nombreux individus inscrits à l’Art florentin des Bouchers190. Sans doute ces activités avaient-elles commencé à se développer dès le XIIIe siècle. C’était à l’une des personnalités de ce petit village que l’abbaye louait ainsi un de ses poderi191. Pour pouvoir profiter de telles opportunités, il fallait tout de même avoir quelques réserves ou une capacité à dégager rapidement des sommes relativement importantes. Ailleurs, on tirait peut-être des revenus peu ordinaires de certaines productions spécialisées.

  • 192 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1278/10/31 (19 952).
  • 193 La somme était assez importante, la même année, l’abbaye de Coltibuono avait engagé des poursuites (...)
  • 194 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1286/11/17 (22 247), Cino et Niccolò di Ugolino étaient cités dans les (...)
  • 195 Ibid., 1293/12/01 (24 338), 1299/08/28 (26 470), 1299/08/28 (26 471), Niccolò di Brando (Aldibrand (...)
  • 196 Ibid., 1285/11/21 (21 925), 1285/11/22 (74 581).
  • 197 Ibid., 1293/12/01 (24 338).
  • 198 Faini 2009c.
  • 199 Ibid., 1191/06/17 (6815), 1194/02/12 (6998, en 1195), 1205/12/07 (8014).
  • 200 Badia di Firenze, 1221/07/17 (74238, pergamene lunghe), Faini 2010, p. 76.

32Qu’on dirige maintenant le regard au nord, vers la Val d’Ema. En octobre 1278, les vingt-un moines et frères convers que comptait l’abbaye de Montescalari consentaient à la vente de trois parcelles et deux habitations pour payer une partie de leurs dettes192. Il s’agissait d’une vente importante : 200 livres en petits florins193. Les deux acheteurs appartenaient à la population des environs. Niccolò di Ugolino da Cintoia et ses frères avaient leurs maisons dans le castello de Cintoia194. Le second destinataire Niccolino di Aldobrandino dal Trebbio était probablement un nouveau venu à Cintoia ; quelques années plus tard, ce dernier présentait tous les signes d’une intégration à la petite communauté villageoise195. Rien ne permet de rattacher ces deux individus à l’une des parentèles seigneuriales des environs et ils n’appartiennent pas davantage à l’élite florentine de l’époque. Si leur richesse s’était construite à l’ombre de l’institution ecclésiastique et des parentèles seigneuriales de Cintoia, elle ne s’était pas directement faite aux dépens de ces institutions. Ces notables locaux n’étaient probablement pour rien dans les difficultés premières de l’abbaye, lourdement endettée vis-à-vis des Lupicini, grands banquiers florentins. En 1285, l’abbé Barone dut racheter à ces derniers un patrimoine estimé à 1 000 livres en petits florins et que les mêmes Lupicini déclaraient avoir acheté 1 300 livres en 1258 à l’abbé don Tesauro. Il s’agissait d’un ensemble considérable, un podere comprenant un moulin, probablement engagé par les moines en échange d’un crédit. Le lendemain, les Lupicini, avec d’autres créditeurs, faisaient encore quittance à l’abbaye d’une somme de 500 livres196. On ne saurait mettre sur le même plan les transactions de ces Florentins et les achats immobiliers des notables locaux. Le volume d’affaire des financiers influait toutefois sur la vie économique des castelli florentins et l’on trouvait ailleurs de petites fortunes aux origines obscures. À la fin du XIIIe siècle, Niccolino di Aldobrandino, qui a déjà été évoqué plus haut, assistait à l’oblation d’une de ses voisines, une dénommée Tedora, qui se donnait à l’abbaye de Montescalari197. Tedora était une femme importante et sans doute riche. Elle était veuve d’un certain Bonamico, mais elle se présentait avant tout comme la fille de Buono di Vernaccio, à une époque où il était rare qu’on fît encore primer le nom de son ascendant sur celui de son mari198. Elle était la descendante d’une parentèle présente à Cintoia depuis la fin du XIIe siècle199. En 1221, son père, Buono di Vernaccio, avait acheté fort cher une petite exploitation située non loin de Florence, à Rovezzano, en périphérie de Florence, dans une zone où E. Faini a relevé les indices d’une restructuration précoce du parcellaire200. Comment la richesse de Buono di Vernaccio s’était-elle constituée ? On l’ignore. En alignant ainsi les petites fortunes rurales du XIIIe siècle, on risque de buter bien souvent sur des incertitudes. Le cadre général se dessine toutefois assez nettement. Le rôle des marchés qui se devinait partout n’excluait en rien l’intervention d’institutions plus traditionnelles, abbayes, clercs, fondations hospitalières, seigneurs laïques ou communes rurales. Les grandes fortunes de Florence tendaient à subordonner le patrimoine de ces institutions à leurs propres logiques ; elles exerçaient en revanche une attraction plus forte sur le reste de la population rurale et continuaient à cristalliser une partie de leurs activités.

 

  • 201 Day 2000 ; Faini 2010 ; Tabarrini 2019.

33La question des sources de la richesse du contado et des campagnes des siècles centraux du Moyen Âge reste en grande partie irrésolue. Les progrès de l’archéologie et l’attention plus poussée à des formes d’habitat mineur qui n’ont jusqu’ici guère retenu l’attention apporteront sans doute d’importantes informations dans les années à venir. S’il est difficile de se faire une idée de la circulation réelle des monnaies, on constate les progrès de l’économie monétaire aux XIIe et XIIIe siècle. Les échanges monnayés sont plus faciles à suivre et permettent de mettre en évidence une inversion de tendances entre les XI-XIIe et le XIIIe siècles. Encore jeunes et dynamiques, les institutions vallombrosaines jouèrent, jusqu’à la fin des années 1180, un rôle important dans la structuration des échanges. Il n’y avait là nul monopole, les institutions monastiques s’appuyaient sur les aristocraties laïques et une population locale très investie dans les échanges fonciers et monétaires. Les dernières décennies du XIIe siècle et la totalité du XIIIe siècle ne furent pas marquées par la ruine des institutions monastiques, mais par leur marginalisation dans un jeu que dominaient désormais les élites urbaines. Les seigneuries monastiques vallombrosaines suivirent certainement, dans ces décennies, l’évolution d’autres constructions seigneuriales. Les grands seigneurs laïques ne semblent guère s’être préoccupés de restructurer leurs possessions seigneuriales pour les rendre plus productives, mais paraissent plutôt s’être empressés d’employer ce patrimoine à d’autres affaires, en liquidant parfois leur propriété. L’évolution du dominium seigneurial sur les castelli de Tornano et de Monteluco a Lecchi, dans le Chianti, est de ce point de vue un indice intéressant des attitudes généralement adoptées par les domini loci. L’acquisition de l’ensemble des droits seigneuriaux par un seul seigneur, qu’il soit ou non rattaché à la parentèle des Ricasoli, ne doit pas masquer la rupture que représente dans l’histoire de cette localité, le passage d’une domination collégiale par une vaste consorteria des castelli de Tornano et de Monteluco à la restructuration de cette propriété par un foyer de riches propriétaires au cours du XIIIe siècle. Comme l’ont noté plusieurs auteurs, les années 1170-1230 représentent un moment central dans la réorientation des groupes dominants vers la ville et ses possibilités201. Ces décennies furent sans doute discriminantes pour les individus et les groupes dont le pouvoir, jusque-là fortement lié aux dynamiques seigneuriales, était insuffisamment assuré pour autoriser ce genre d’aventures. L’âge d’or de la Florence consulaire, une ville dominée par une classe de milites venus de la cité comme du contado, une ville violente et parcourue de tensions, fut sans doute marquée par une accentuation des différences sociales. Il y avait d’une part ceux qui pouvaient participer aux grandes affaires du territoire florentin, les Firidolfi, les da Cintoia et d’autres parentèles, il y avait d’autre part ceux que leurs ressources conduisaient à choisir des voies plus assurées, mais certainement moins prestigieuses. Tout n’était pas joué au seuil du XIIIe siècle. L’évolution générale du territoire florentin et des territoires voisins suscitait autant de risques nouveaux et de facteurs d’instabilités que d’opportunités nouvelles. Avant la fin du XIIe siècle, il existait dans les campagnes, comme dans les villes, des groupes déjà très impliqués dans les échanges à faible rayon. La documentation ecclésiastique rend compte de la longue durée des sociabilités locales et permet d’expliquer en partie la formation sans cesse renouvelée de petites fortunes rurales. Si ces fortunes se nourrissaient des échanges marchands que suscitaient un peu partout l’accroissement démographique et la création de nombreuses agglomérations, elles sont difficiles à envisager comme le résultat d’un parcours autonome et individuel. Les détenteurs de petits patrimoines qui sont connus étaient toujours liés à une seigneurie, à une puissante parentèle ou à un groupe dont les contours ne paraissent pas trop difficiles à dessiner. De cette manière, la détention d’un capital matériel paraît inséparable de la détention d’un capital social et symbolique que seules les grandes parentèles et les grandes institutions ecclésiastiques pouvaient assurer.

Notes

1 Dialogue issu du film Le Sucre de Rouffio 1978.

2 À la fin du XIIIe siècle et au XIVe siècle, les notaires tenant leur banc sur la place publique tendaient à privilégier comme témoins ou intervenants supplémentaires – munduald, procurateurs, garants – les individus qui se trouvaient à leurs côtés ; dans les registres du notaire Guido di Bandino da Leccio, il est assez fréquent de voir les mêmes témoins assister à une série d’enregistrements faits le même jour, ainsi dans les enregistrements du 27 avril 1295, Giovannino di Filippo da Rignano sert de témoin à trois enregistrements avant d’intervenir lui-même dans le dispositif d’un de ces enregistrements comme destinataire d’un prêt concédé par Corso Malaccho agissant au nom de Ser Tommaso di Spigliato dei Mozzi, voir NA, 10897, fol. 23 r.

3 Bourdieu 1980, p. 200-201 : « Le capital symbolique est ce capital dénié, reconnu comme légitime, c’est-à-dire méconnu comme capital (la reconnaissance au sens de gratitude suscitée par les bienfaits pouvant être un des fondements de cette reconnaissance) qui constitue sans doute, avec le capital religieux, la seule forme possible d’accumulation lorsque le capital économique n’est pas reconnu. »

4 Ibid., p. 191-207, le chapitre que P. Bourdieu consacre au « capital symbolique » est inscrit tout entier dans une démarche dressée contre l’économisme, c’est-à-dire contre la prétention à rendre compte des pratiques observées dans une perspective prêtant aux acteurs une rationalité économique ; si l’on conçoit aisément les limites de l’économisme dénoncé par P. Bourdieu, il faut reconnaître à cette approche partielle la vertu de mettre en évidence l’irrationalité apparente des comportements et d’ouvrir ensuite les voies à une autre forme d’explication ; la tendance consistant à n’envisager qu’en dernier recours l’interprétation économique classique, qui prête aux acteurs des intentions telles que le profit et l’accumulation, nuit parfois à l’intelligibilité de certaines opérations.

5 Ibid., p. 192, l’expression est reprise à Karl Marx qui l’utilisait pour fonder sa critique de l’économisme et les angles morts d’une approche mettant l’intérêt capitaliste au centre de l’analyse.

6 Day 2000 ; Faini 2010 ; chronologie renforcée par le travail de Tabarrini 2019.

7 Sur le contexte économique général, voir Day 2000 ; Goldthwaite 2009.

8 Salvestrini 2008b.

9 Violante 1962.

10 Bourdieu 1980, p. 212-213, on trouvait, dans la société kabyle des années 1950-1960, des formes d’entraide que P. Bourdieu se refusait, malgré les similitudes, à qualifier de prêts à intérêt : « D’une façon générale, les biens n’étaient jamais traités comme capital. Cela se voit dans le cas d’un contrat qui comme la charka du bœuf, a toutes les apparences d’un prêt à intérêt : dans cette transaction […] les deux partenaires tendent d’un commun accord à dissimuler (l’emprunteur préférant cacher son dénuement et laisser croire que le bœuf est sa propriété avec la complicité du prêteur, qui a le même intérêt à cacher une transaction suspecte de ne pas obéir au strict sentiment de l’équité), un bœuf est confié par son propriétaire, contre un certain nombre de mesures d’orge ou de blé, à un paysan trop pauvre pour en faire l’achat ; ou bien un paysan pauvre s’entend avec un autre pour qu’il achète une paire de bœufs et les lui confie pour un, deux ou trois ans selon les cas. »

11 Bougard 2010, p. 442, le mort-gage correspond à cette forme de crédit que document la plupart des cartulae pignoris, pour certains documents conservés, on peut toutefois hésiter entre le mort-gage et l’hypothèque (l’emprunteur conserve la jouissance du bien engagé qu’il ne perd qu’en cas de défaut de paiement).

12 Todeschini 2004, p. 39-45.

13 Barile 2010.

14 Diplomatico, Coltibuono, 1136/07/19 (4333, RC 363).

15 Ibid., 1127/04 (3962, RC 329).

16 Ibid., 1136/07/19 (4333, RC 363), omnes terras et res et servitia hominum quas nos habemus et tenemus et alii per nos in loco qui dicitur Montelfi et in plebe Sancti Viti et adquisiuimus ab Ugone de Paone et ab illius consortibus predictas vero terras et res una cum omnibus que super se et infra se habent in integrum.

17 Rauty 2003, n° 134, p. 189-192, acte connu par une copie du XIVe siècle, CRSGF, 260.126, fol. 53v-55r, le 20 novembre 1103, un acte précédent révélait que ces mêmes biens constituaient la morgincap – le douaire – d’Imilia, l’épouse de Guido Guerra, F. Salvestrini a en effet attiré l’attention sur une clause de ce document et ce qu’elle impliquait, voir Salvestrini 2008b, p. 84.

18 Diplomatico, Coltibuono, 1150/12/18 (4979 et 4979, RC 412), la précision compte dans la mesure où murs, fossés et tours sont sans doute associées à la détention d’une forme supérieure de pouvoir.

19 Dans ces années, l’abbaye et les hommes qui dépendaient de Coltibuono se portèrent acquéreurs de nombreuses terres à Marciana, en propriété ou en livello, en s’engageant, dans ces cas, à faire obéissance aux seniores de ces tenures, voir ainsi Diplomatico, S. Trinita, 1148/04 (4887, RC 406), Coltibuono, 1152/02/05 (5024, RC 414).

20 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1137/02/03 (4361, en 1138).

21 Ibid., Vallombrosa, 1139/07 (4477).

22 Ibid., Coltibuono, 1104/02/07 (3079, RC 243, en 1105), 1113/04/17 (3423, RC 278), 1113/06 (3433, RC 280), 1123/05 (3804 RC 315), 1132/04/01 (4185, RC 350), 1139/03 (4465, RC 380), 1144/05 (4670, RC 390) ; 1148/04/13 (RC 405) dans CRSGF, 224 236, n° 700 ; Diplomatico, Coltibuono, 1155/01/26 (5172, RC 436) ; Vallombrosa, 1146/09/18 (4795), 1150/12 (4982) ; S. Vigilio di Siena, 1184/10/07 (6428).

23 En moyenne, les prêts sur gage concédés par les moines portent sur une somme de deux livres par acte ; les douze actes mentionnant une forme de bénéfice s’ajoutant au remboursement du capital portent en moyenne sur une somme inférieure à une livre par acte (un peu plus de 18 sous) ; les prêts concédés entre 1111 et 1184 s’échelonnent entre 2 et 60 sous, pour l’essentiel en monnaie de Lucques.

24 Ibid., Coltibuono, 1132/04/01 (4185, RC 350), Ildibrando di Bernardo acceptait un prêt de 12 sous de Lucques de l’abbé Placido et de l’église et du monastère de Coltibuono, prêt contre lequel il plaçait en gage toutes les terres et biens situés au lieu-dit Spugna et détenues par Renzo da Gregnano, Ildibrando disposait de trois ans pour rembourser la somme en laissant les fruits de la terre à l’abbaye, dans le cas contraire, l’abbaye obtenait le droit de posséder, de tenir et d’aliéner cette terre.

25 Ibid., 1123/05 (3804 RC 315).

26 Ibid., Vallombrosa, 1150/12 (4982).

27 Avec les curtis de Marciano, celle dépendant de l’hôpital de Memugnano, appartenant à Coltibuono et celle de Cognano, les vallombrosains exerçaient un contrôle sur le territoire entourant le castello de Volognano, sur la rive gauche de l’Arno ; on trouve de nombreuses allusions à la curtis de Cognano dans les archives de Vallombrosa, cette localité semble importante dans les sources du XIIe siècle et est simplement appelée Cognano ; on sait qu’elle se trouvait dans le plebatus de San Leolino a Rignano ; le lieu-dit est souvent associé, dans les sources à une autre appelée La Casella à laquelle pourrait correspondre le hameau actuel de Casolari, non loin de Volognano.

28 L’ensemble des actes datés d’entre 1120 et 1229 sont présents dans la série Vallombrosa du Diplomatico.

29 De 1119 à 1189, 497 sous déboursés par l’abbaye pour les seules terres de Cognano.

30 Ibid., Vallombrosa, 1139/10 (4484).

31 Ibid., 1144/11/30 (4698), encore s’agissait-il des terres que possédait cette famille de Cognano sur les pentes qui faisaient face à la localité, dans le plébat de San Gervasio et de Pitiana.

32 Le total est de 3 555 sous, environ 178 livres, en deniers de Pise.

33 Ibid., 1205/04/21 (7963), 1213/08/27 (8787).

34 Bougard 2010, p. 443 et suivantes.

35 Diplomatico, Coltibuono, 114 (*) (4945, RC 409).

36 Ibid., 1102/04 (2999, RC 237), un groupe des environs de Rignano vendait à Tebaldo, agissant comme intermédiaire de l’abbé de Coltibuono, une parcelle d’un setier de vigne pour 3 sous et demi en argent et en biens meubles ; que le prix corresponde ou non à un hypothétique prix du marché importe peu dans la mesure où l’on évoque les sommes qu’une institution comme Coltibuono, qui avait beaucoup d’équivalents, avait besoin de verser pour acquérir un bien foncier.

37 Plesner 1934, p. 100, n. 17 ; Faini 2009b.

38 Salvestrini 1998, p. 69.

39 Day 2000, p. 112, les montants sont assez semblables à ceux exigés par les Florentins sur les hommes dépendant de l’abbaye de Rosano au début du XIIIe siècle.

40 Diplomatico, Vallombrosa, 124 (*) (14 190).

41 Collavini 2007 ; Casini 2020.

42 Cortese 2019.

43 Feller 2009b, à la fin du VIIIe siècle, en Lombardie, Tottone di Campione avait demandé, dans son testament, de faire bâtir un hôpital destiné à accueillir toute l’année douze pauvres les mercredi et vendredi et de les nourrir. L’hôpital devait être établi dans sa propre maison.

44 Diplomatico, S. Vigilio, 1094/02/11 (2527 et 2528, Le carte... 104 et 105, en 1095).

45 Wickham 1996a ; Day 2000, p. 164, n. 34.

46 Day 2000, p. 251-252.

47 Day 2000, p. 474 et suivantes, pour les institutions difficiles à localiser, le choix a été fait de retenir la localité la plus proche ; les dates indiquées sont celles des premières occurrences.

48 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1167/08/20 (5598), 1167/08/31 (5600), 1169/04/08 (5664), 1170/05/09 (5707), 1173/05/07 (5836), 1175/05/10 (5936), 1175/01/25 (5914, en 1176), 1175/01/25 (5913, en 1176), 1176/09/12 (5998), 1179/12 (6176), 1179/04/18 (6141), 1179/04/18 (6142), 1179/02/28 (6133, en 1180), 1180/08/31 (6209), 1181/03/21 (6251, en 1182), 1188/06/08 (6656), 1188/07/24 (6663), 1193/10/29 (6976).

49 Sur la politique monétaire et commerciale des Pisans, voir Herlihy 1958, p. 162-175.

50 Sur la fondation de cet hospice, voir Cammarosano 1974, p. 163-164.

51 Diplomatico, Coltibuono, 1112/04 (3381, RC 274), 1131/11 (4167, RC 347, en 1132), 1156/03 (5219, RC 440), 1173/11/12 (5856, RC 487), 1182/02 (6301, RC 501, en 1183), 1181/08 (6272, RC 502, à dater de 1182), 1185/04 (6458, RC 506), 1189/03/29 (6703, RC 512), 1199/03 (7363, RC 533), 1199/03 (7364, RC 534), 1211/02/03 (8502, en 1212), 1234/11/26 (11 616), 1236/10/18 (12 017), 1238/11/21 (12 383), 1238/02 (12 263, en 1239), 1239/07/31 (12 494), 1239/03/18 (12 441, en 1240), 1252/06/29 (14 565), 1252/02/22 (14 515, le 16 février 1253), 1253/05/25 (14 725) ; CRSGF, 224 237, n° 546, p. 113, en mai 1203, n° 587, p. 186-190, le 17 octobre 1221, n° 600, p. 215-218, le 19 octobre 1226, n° 597, p. 210-211, n° 623, p. 268-271.

52 Ibid., 1199/03 (7364, RC 534), Ranuccio di Bernardo et Bernardo di Paganello vendaient au recteur de l’hôpital de Valcortese, Rodulfino, une parcelle située à Casalecchio pour le prix de 31 livres en deniers de Sienne.

53 Cammarosano 1974, p. 228-233, l’un des auteurs, Bernardo di Paganello, peut aisément être identifié dans le schéma de filiation (p. 230), l’anthroponymie du second l’apparente clairement aux Berardenghi.

54 Ibid., p. 115.

55 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1175/01/25 (5913, en 1176), vice (viece dans le document) et utilitate eiusdem hospitalis et abacie Sancti Casciani de Montescalario.

56 Ibid., 1179/04/18 (6141).

57 Le texte se lit mieux dans la transcription moderne, dans l’original, ces mentions semblent avoir été volontairement occultées, quoique le texte puisse encore se deviner, voir Diplomatico, S. Vigilio Siena, 1288/06/06 (22 686) ; l’anecdote prête certainement à sourire, mais renvoie à la fonction première des hôpitaux.

58 Sandri 2002 ; La Roncière 2005b, p. 118-123.

59 Le corpus d’actes faisant intervenir cette figure est conséquent, Diplomatico, Coltibuono, 1139/03 (4465, RC 380, en 1140), 1144/05 (4670, RC 390), 1144/07 (4685, RC 392), 1144/10 (4694, RC 393), 1144/01 (4661, RC 389, en 1145), 1146 (4812, RC 400), 1146/02 (4765, RC 397, en 1147), 1147/03 (4825, RC 402), 1147/03/10 (4822, RC 401), 1150/12/18 (4979 et 4979, RC 412), 1152/12/27 (5061, RC 419), 1153/12/29 (5114, RC 425), 1154/05/17 (5141, RC 431), 1154/09/21 (5156, RC 432, le 17 mai 1154), 1155/01/28 (5173, RC 437, en 1156), 1156/10/24 (5238, RC 441), 1157/03/10 (5256, RC 445), 1158/02/07 (5293, RC 449), 1158/04/26 (5303, RC 446), 1159/02/06 (5331, RC 452), 1164/04/27 (5509, RC 464), 1167/01/07 (5549, RC 468, en 1168), 1168/04/02 (5617, RC 471), 1168/04/08 (5618, RC 472), 1169/03/25 (5659, RC 473), 1169/10 (5678, RC 475), 1170 (5728, RC 481) ; S. Trinita, 1148/04 (4887, RC 406 et 489) ; CRSGF, 224 236, n° 700, le 13 avril 1148 (RC 405).

60 Delumeau 1996, vol. 1, p. 96, vol. 2 p. 945.

61 Diplomatico, Coltibuono, 1139/03 (4465, RC 380, en 1140).

62 Ibid., 1144/10 (4694, RC 393).

63 CRSGF, 224 236, n° 700 (RC 405), le 13 avril 1148.

64 Lefeuvre 2018a.

65 Diplomatico, S. Trinita, 1148/04 (4887, RC 406), Coltibuono, 1147/03/10 (4822, RC 401, en 1148).

66 Ibid., 1150/12/18 (4979 et 4979, RC 412).

67 Ibid., 1153/12/29 (5114, RC 425).

68 Ibid., 1168/04/02 (5617, RC 471).

69 Ibid., 1144/05 (4670, RC 390), 1148/04 (4887, RC 406 et 489), ces deux documents émanaient des fils de Giallo Rosso, dit Pazzo, possibles ancêtres des Pazzi du Valdarno.

70 Ibid., 1139/03 (4465, RC 380, en 1140), 1146 (4812, RC 400), dans les deux cas, Albertinello précise avoir versé quatre deniers au scribe.

71 Ibid., 1147/03/10 (4822, RC 401).

72 Ibid., 1168/04/02 (5617, RC 471), et pro illa investitione predicta et| finitione atque de arsura campane emendatione dederunt pre|dicti (répétition de pre) germani ad predictum Albertum bonorum denario|rum lucensium solidos xv.

73 Diplomatico, Passignano, 1193 (6988, probablement vers 1195), pour les autres documents et la description complète du personnage, voir Plesner 1934, p. 76-77 ; Wickham 2000, p. 337-342.

74 Wickham 2000, p. 338 : « L’attacco a Burello era presumibilmente la minaccia di un creditore che chiedeva la restituzione di un prestito. »

75 Diplomatico, Coltibuono, 1185/03/15 (6450, RC 507) ; CRSGF, 224 237, n° 554, p. 126-128, le 8 avril 1206, Venerello di Ubertello Pollieri vendait à Giovanni, castaldus de la cour de Marciano, et à l’abbé Ugo de Coltibuono, quatre parcelles de terres situées sous la chapelle de San Niccolò de Marciano, à Fonte a Prato (près de Marciano) et au Campo di Gregorio pour le prix 14 livres et 10 sous en deniers de Pise ; le castald retenait en outre 3 deniers d’une pension et deux deniers pour l’hôpital de Memugnano.

76 Diplomatico, Coltibuono, 1125/03 (3899, RC 323) ; 1137/08 (4402, RC 373), voir Lefeuvre 2018a.

77 Ibid., 1167/01/07 (5549, RC 468, en 1168), un couple de Santo Stefano a Torri plaçait en gage trois setiers de terre auprès d’Albertinello, massarius de Marciano et les époux promettaient de respecter le service dû à Spinello di Albericolo dei Firidolfi au titre de leur accatamentum et de leur commendatio.

78 Ibid., 1150/12/18 (4979, RC 412).

79 Ibid., 1164/04/27 (5509, RC 464).

80 Ibid., quos solidos centum presbiter Albertus Albertus [sic]| ecclesie Sancti Stefani de loco Turri ad predictum Malco|rium reddidit et persolvit.

81 Lefeuvre 2018a.

82 Bouter 1996 ; Salvestrini 2008c.

83 Voir ainsi ce qui concerne la conversion de Corsitto dans Lefeuvre 2018c.

84 Violante 1962, p. 152.

85 En se contentant des prêts sur gage émanant d’autres cercles que ceux des moines au XIIe siècle, on constate la participation des laïcs et des clercs séculiers à cette modalité du crédit, voir Diplomatico, Coltibuono, 1110/02 (3283, RC 262, en 1111), 1116/02/25 (3545, RC 293), 1118/05/17 (3621, RC 296), 1126/11 (3943, RC 327), 1131/03 (4132, RC 348), 1172/04/22 (5788, RC 483), 1176/07 (5991, RC 491), 1176/02 (5975, RC 492, en 1177), 1184/04/19 (6404, RC 505), 1197/08/30 (7258, RC 532), ainsi que Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1107/01/11 (3179, en 1108), 1114/09/05 (3489), 1118/09/14 (3634), 1120/12/30 (3721).

86 En ville, on se rend vite compte, sans grande surprise, de la large gamme d’activités exercées par ces fabri ; pour Pise voir ainsi Herlihy 1958, p. 128-161.

87 Diplomatico, Coltibuono, 1118/05/17 (3621, RC 296).

88 Sur Truffa di Ranieri voir Cortese 2007, p. 316.

89 Sur ces derniers, voir plus haut, chapitre 6, et, en annexe de ce livre, n° 12 « Les nepotes Bonizi d’Albareto : possessores et fabri du Chianti (XIe-XIIe siècle) ».

90 Diplomatico, Coltibuono, 1110/02 (3283, RC 262).

91 Ibid., 1126/11 (3943, RC 327).

92 Ibid., 1131/03 (4132, RC 348), deux prêtres de l’église de San Marcellino in Avane, Guglielmo et Guido, donnaient en gage à Casale di Ardimanno leur part de deux parcelles. Ils recevaient quinze sous et ne devaient récupérer leur terre que si la somme se trouvait remboursée dans les deux ans. Dans l’attente du remboursement, le prêteur devait récupérer les fruits de la parcelle. Sans doute le notaire qui avait établi l’acte, Petro, avait-il quelque part à ce prêt : la terre gagée était située au beau milieu de ses propriétés.

93 Ibid., 1126/11 (3943, RC 327), sur Odierna voir Cammarosano 1974, p. 92, 242-245, voir aussi Casanova 1927, n° 532, p. 726-728 : en avril 1134, à Montalto, Ildibrando, dit Pennato, et Rinaldo, fils d’Odierna di Ridolfo et de Pennato, et Odierna, elle-même, donnaient une parcelle de terre à Ugo dit Lambardo ; on trouve d’autres références à Odierna dans la documentation relative au Chianti, voir Diplomatico, Coltibuono, 1111/05 (3346, RC 269), 1127/11 (3975), Odierna se déclarait de loi lombarde, mais de loi salique par son mari, les Berardenghi considérant en effet qu’ils relevaient de la loi franque.

94 Ibid., 1131/03 (4132, RC 348).

95 Au début des années 1120, le frère de Casale, Petro di Ardimanno, avait vendu aux descendants des nepotes Bonizi les terres qu’il avait à Campocorto, ibid., 1123/03 (3797, RC 314, 1123 ou 1124).

96 Ibid., 1136/10 (4346, RC 367), 1137/07 (4398, RC 371). Pour une mise en contexte de ce document voir Cortese 2007, p. 197, n. 165.

97 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1131/05/05 (4141), autre occurrence de Berta di Giovanni, ibid., 1129/03/13 (4034, en 1130).

98 Le rattachement de ces trois individus à la parentèle des Montebuoni reste hypothétique, voir Cortese 2007, p. 334-340.

99 Ibid., p. 315, n. 240, pour l’acte voir Diplomatico, Coltibuono, 1092/08 (2461, RC 193).

100 Voir NA, 10896-10897.

101 Diplomatico, Coltibuono, 1176/02 (5975, RC 492, en 1177).

102 Ibid., 1077/04 (1606, RC 108).

103 Day 2000, p. 271, n. 275.

104 Diplomatico, Coltibuono, 1125/03 (3899, RC 323), mention d’une acquisition faite tempore famis par le père des donateurs.

105 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1137/09/17 (4404).

106 Ibid., Vallombrosa, 1146/09 (4797), en réalité, le notaire avait corrigé l’échéance en prévoyant quatre années pour le remboursement ; cette modification, suscrite dans l’acte, aurait pu intervenir à l’issue d’une renégociation, les reconductions de crédit étaient fréquentes au bas Moyen Âge et devaient l’être tout autant aux XIe et XIIe siècles, l’acte écrit servant davantage à construire le rapport de force et permettre au créditeur de renforcer sa position qu’à permettre une application immédiate et complète des clauses ; sur le contexte du bas Moyen Âge, on peut se référer à la conduite débonnaire, mais nullement désintéressée de Lippo di Fede vis-à-vis de ses débiteurs, La Roncière 1973, p. 169-177.

107 Dans le cas présenté ici, les rôles de chacun sont assez difficiles à déterminer, Zaccarino di Zaccaria et son épouse Lasandria sont méconnus en dehors de ce document ; on peut mieux situer le descendant d’Ughiccione di Bernardo, tenancier bien inséré dans la petite société gravitant autour de Magnale et figurant parmi les témoins d’une charte de donation émanant d’un représentant des nepotes Lucarelli, voir Diplomatico, Vallombrosa, 1125/03 (3897, en 1125-1126), 1136/04 (4321), il figurait peut-être parmi la population des dépendants qu’Ughiccione di Lucarello donnait au faber Rodolfo di Rodolfo.

108 Un document similaire ne faisait pas intervenir d’intermédiaire dans le remboursement du prêt, ibid., 1150/04 (4956) ; les logiques de la subsistance et de la commercialisation peuvent coexister, voir Scott 1985, p. 50-58.

109 Diplomatico, Vallombrosa, 1219/01/23 (9385, en 1220), on la trouvait citée avec d’autres créditeurs de l’auteur de ce document, elle n’était pas désignée explicitement comme veuve ou « ex-épouse de » ; Lusinghiere était l’une des descendantes d’un personnage dominant le castello de Magnale au milieu du XIIe siècle, ibid., 1167/01/23 (5577, en 1168), 1181/11 (6281), 1129/09/23 (4052, en 1199), on évoque la casa de Magnale, 1197/11/26 (7275, le 26 octobre), 1199/08/22 (7378), 1225/01/21 (10 142),

110 Day 2000, p. 384-421, la question est centrale dans cette thèse et revient tout au long de l’argumentation ; pour l’inscription historiographique de la question, voir Plesner 1979 ; Szabo 1992.

111 Cortese 2019.

112 L’intensité des transformations de la période 1170-1230 a été au centre de plusieurs recherches, voir Day 2000 ; Faini 2010 ; Tabarrini 2019.

113 Sur les Firidolfi, maintes fois évoqués, voir Cortese 2007, p. 312-320.

114 Majnoni 1981, p. 149-150 ; Boglione 1993 ; Delumeau 1996, vol. 2, p. 1080-1082 ; Collavini 2012b ; Lefeuvre 2018b ; Fiore 2017, p. 240-242 ; Cortese 2019, p. 57-58.

115 Spinello avait des possessions dans le Chianti, à Montegrossi et le long de l’Arbia et du Massellone, mais il maintenait toujours certaines propriétés dans les environs de Rignano, autour du castellare de Marciano, Diplomatico, Coltibuono, 1155/10/11 (5198 RC 435), 1162/02/13 (5440, RC 460), 1162/02/13 (5441, RC 459), 1162/02/28 (5445, RC 461), 1170 (5728, RC 481).

116 Cortese 2019, p. 57 : « Spinello di Alberico da Montegrossoli era un grande proprietario con un patrimonio fondiario esteso e uno stile di vita indubbiamente cavallesco. »

117 Ibid., 1172/04/22 (5788, RC 483), c’est-à-dire les droits sur les colons et sur les servitia dus par ses derniers et les redevances plus exceptionnelles.

118 Ibid., lucro per mensem et libram denarii duos pro tenimento unum parium caponum.

119 Au terme d’une année, Francolo da Cintoia devait verser 28 livres et 5 livres et 12 sous, soit l’équivalent d’un taux de 20 %.

120 Cortese 2019, p. 57 : « Ma fu soprattutto suo figlio Pepo a incarnare il tipo ideale del signore rurale intensamente coinvolto nelle attività creditizie. »

121 CRSGF, 224 237, n° 556, p. 130-132, en 1202 et 1208, à Florence.

122 Diplomatico, Coltibuono, 1210/06/13 (8434).

123 Ibid., 1210/11/09 (8471).

124 CRSGF, 224 237, n° 596, p. 204-210 (le premier juillet 1225, devant l’abbaye de Coltibuono), acte publié par Soldani 1741, p. 180-183 ; Beliotto di Albertesco peut être identifié avec Beliotto di Alberto da Cintoia qu’on trouve dans le document cité plus haut (CRSGF, 224 237, n° 556, p. 130-132, en 1202 et 1208, à Florence), ce personnage apparaît souvent dans la documentation de Montescalari entre 1188 et 1218 ; en 1188, il assistait, comme témoin, à une vente émanant des da Cintoia, pour la somme 50 livres ; en 1196, il était témoin, comme consul, d’un procès entre l’abbaye de Montescalari et le prêtre de l’église plébane de Cintoia pour déterminer à qui devait aller la sépulture et les biens d’une femme de Cintoia ; il fut plusieurs fois auteur ou témoin de ventes réalisées au profit de l’abbaye de Montescalari, voir Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1187/03/16 (6572, en 1188), 1196/05/11 (7183), 1210/01/04 (8392, en 1211), 1215/06/08 (8982), 1218/04/24 (9312).

125 C’était probablement à ce conflit qu’était liée la déposition de témoins dont un fragment est parvenu aux archives de Coltibuono, Diplomatico, Coltibuono, 121./11/16 (9499) ; la date est incertaine, mais le contexte est le même, Beliotto demande à être remboursé d’une perte sur les biens de Pepo di Spinello, exigeant cette fois les droits sur plusieurs dépendants de Vertine, le remboursement des frais judiciaires, la part d’une maison de Montegrossi, le retour des terres de trois tenanciers ou 10 livres de compensation, cent autres livres, les droits sur un dépendant et cent livres enfin pour le dédommager de son rôle de garant auprès de Ranieri da Ricasoli et son fils Ubertino.

126 Maire Vigueur 2004, p. 273.

127 Diplomatico, Coltibuono, 1197/08/30 (7258, RC 532), la transaction se faisait devant la maison des fils d’Albertesco et l’on comptait Beliotto di Albertesco parmi les témoins.

128 En 1218, Albertesco di Leone se présentait à Figline au retour d’un arbitrage présidé par les consuls de Montaio et qui lui avait permis de se réconcilier avec Ugolino da Paterno et Rafulino di Rinaldo ; en 1225, il agissait comme arbitre du litige opposant Beliotto di Albertesco et Pepo di Spinello ; en 1227, un Florentin vendait à l’un de ses collègues le crédit de 100 livres qu’il avait sur Albertesco di Leone, Diplomatico, Coltibuono, 1218/04/26 (9313), CRSGF, 224 237, n° 596, p. 204-210, le 1er juillet 1225, n° 601, p. 218-220, le 27 juin 1227.

129 Diplomatico, Coltibuono, 1197/08/30 (7258, RC 532).

130 Plesner 1934, p. 101-102 ; Diplomatico, Passignano, 1204 (7938), le document est une célèbre déposition de témoins concernant les dettes accumulées par l’abbé Uberto degli Ubertini au début du XIIIe siècle ; le frère convers Rignano affirmait que l’abbé Uberto avait trouvé, après son investiture, une dette de 640 livres et avait eu recours à Alberto da Cintoia pour obtenir un prêt de 500 livres destiné à rembourser cette dette ; le témoin suivant, le frère convers Rodolfo, affirmait à peu près la même chose, selon lui Uberto avait trouvé en entrant un déficit de 700 livres et avait emprunté à Alberto da Cintoia la somme de 600 livres.

131 Santini 1895, n° XXII, p. 240-244 ; Diplomatico, Badia, 1218/01/01 (74 224, en 1219) ; Francovich 1973, p. 143-144.

132 Cortese 2019, p. 59-60 : « Il patrimonio signorile fu utilizzato come supporto e garanzia per operazioni chiaramente concepite intorno al profitto. »

133 Faini 2010, p. 205 : « Fino a tutta la prima metà del secolo XII il rapporto creditizio appare come una relazione esclusiva, uno a uno : un debitore e un creditore. Dopo la metà del secolo, invece, tali rapporti cominciano a intessere una trama che innerva la società e che siamo in grado di riconoscere e di seguire. »

134 Sur la militia florentine, voir aussi Faini 2004.

135 Maire Vigueur 2004, p. 273, l’auteur décrit la pratique du crédit à grande échelle comme « un formidable canal de transfert des richesses qui profite à un nombre restreint de milites : pas plus d’une quinzaine ou d’une vingtaine de familles sans doute à Florence, mais qui compteront parmi les plus importantes de la ville à partir du début du XIIIe siècle. »

136 Diplomatico, Vallombrosa, 1233/05/08 (11 363).

137 Ibid., 1196/11/30 (7211).

138 Lefeuvre 2018b.

139 Day 2000, p. 217-218 et 226.

140 Pirillo 1992, p. 23-30.

141 Rien n’oblige à adopter le point de vue critique de l’historien allemand pour considérer les affaires d’endettements de l’abbaye de Passignano et de la Badia de Florence, mais c’est chez lui qu’on trouve le récit le plus vivant de l’affaire, voir Davidsohn 1956, p. 1042-1044 ; voir aussi Plesner 1934, p. 98-103 qui cite l’essentiel des documents utiles à la reconstruction de l’affaire ; pour une une analyse et une mise en contexte, voir Faini 2009b, p. 142-150.

142 Diplomatico, Passignano, 1191/03/10 (6801, en 1192).

143 Le taux exact était de 4 deniers par livre et par mois. Au terme d’une année, la somme à verser, en plus du capital, était de 8 livres et huit sous, soit 20 % de la somme initiale de 42 livres ; La Sambuca est une localité située non loin de Passignano, il s’agit aujourd’hui d’une frazione – c’est-à-dire un hameau – de la commune de Tavarnelle in Pesa ; on ignore sur quels éléments se basait R. Davidsohn pour évoquer un taux d’intérêt du quart ; le taux est confirmé par Cortese 2019, p. 60, n. 115.

144 Faini 2009b, p. 143-144.

145 Ibid., p. 148 : « Passignano era stretto nell’abbraccio del gruppo di famiglie che si sarebbe poi identificato con la pars Imperii. Era la loro cassaforte, il loro granaio. Con la sua imponente ricchezza fondiaria poteva garantire scambi enormi. »

146 Plesner 1934, p. 102-103.

147 Ibid., p. 105-106, p. 219, des allusions à cet individu et au choix de cet individu de demeurer dans le giron de l’abbaye chez Collavini 2012b.

148 Diplomatico, Vallombrosa, 1218/03/16 (9305, en 1219).

149 Ibid., jurauerunt observare et adimplere et infraude non cessare preceptum massarii de Mangnale S (er) Carneleva|re aut sui certi nuntii ad hoc positi pro facto debiti comunis de Mangnale et specialiter de debito Caval|che et aliorum.

150 Giovanni di Griffolo appartenait à une importante parentèle du castello de Magnale, voir, en annexe de ce livre, n° 8 « Les filii Griffonis de Magnale : seigneurs ou dépendants ? ».

151 À une date indéterminée, Alberto da Cintoia avait bénéficié des revenus du castello de Vico l’Abate en vertu d’un prêt concédé à la Badia de Florence ; les habitants du castello se souvenaient de l’épisode et s’en servaient comme repère pour dater certains événements lorsque les enquêteurs florentins les interrogeaient ; les transferts temporaires de la rente seigneuriale ne se cantonnaient pas à un jeu d’écriture et avaient des conséquences bien perçues par ceux qui s’en acquittaient. Voir Santini 1895, n° XXII, p. 240-244, Diplomatico, Badia, 1218/01/01 (74 224, en 1219).

152 Faini 2009b, p. 149.

153 Diplomatico, Coltibuono, 1257/03/02 (15 630, en 1258), 1257/03/02 (15 631, en 1258). Quelques années auparavant, c’était un certain Bonaiuto dei Fasciolaris résidant dans la paroisse de San Remigio de Florence qui avait bénéficié des rentrées que pouvait procurer cette curtis de Marciano. En 1248, il faisait d’un habitant de Marciano, Boninsegna di Alamanno, son procurateur pour récupérer 10 muids de grain qu’il devait obtenir sur un total de 81 muids et 12 setiers de grain. On devine, en arrière-plan, l’existence d’une opération de prêt, ibid., 1248/07/25 (14 015).

154 Cortese 2019, p. 55, n. 99.

155 Ibid., 1236/06/03 (11 937).

156 Ibid., 1254/10/18 (14 970).

157 Paoli 1889, p. 115, le 9 août 1260, ser Lotterio Boccapiatta de la paroisse citadine de San Felice avait ainsi avancé la contribution due par l’église plébane de San Pietro in Bossolo (Tavarnelle in Pesa), la contribution n’était sans doute pas basée sur un pur volontariat, le nom de Lotterio di Boccapiatta apparaissait dans une liste de contributeurs qui s’étaient présentés quelques jours auparavant, le document est malheureusement lacunaire en ce point, cf. ibid., p. 144.

158 Diplomatico, Coltibuono, 1258/03/28 (15 904, en 1259). À cette date, le capital dû était de 250 livres en petits deniers de Pise auquel il fallait ajouter 29 livres de frais. L’abbé de Coltibuono s’engageait en outre à verser un total de 260 livres au terme d’une année. Les marques d’annulation de l’acte, le parchemin ayant été proprement lacéré à l’aide d’un couteau, indiquent probablement que la dette avait fini par être honorée.

159 Ibid., 1213/01/10 (8713, en 1214), Ego presbiter Ugo, rector ecclesie| Sancti Marcellini, pro debito quo pro hutilitate ipsius ecclesie teneor, vendo, trado tibi presbitero Johanni,| abbati de Cultubono recipienti tantum tuo nomine ad proprium in perpetuum unam petiam terre.

160 Ibid., 1243/02/12 (12 988, en 1244), les chanoines responsables de l’église s’étaient réunis en chapitre pour solder leur dette de 34 livres dues au prêtre de l’église de San Donato de Castelnuovo (maintenant Catelnuovo dei Sabbioni) et vendaient aux frères convers Grazia et Diotisalvi neuf parcelles situées dans les environs de l’abbaye, à Robbiaia près de Montaio.

161 Ibid., 1256/12/03 (15 556).

162 Tabarrini 2019, p. 57-58.

163 En 1248, un représentant de l’empereur faisait quittance à l’abbaye de Coltibuono d’une somme de 25 livres en deniers de Pise, voir Diplomatico, Coltibuono, 1247/02/06 (13 798, en 1248) ; en 1257, l’abbaye de Coltibuono payait à la Commune de Florence un loyer de 11 livres pour les terres voisines de Camprato. Ibid., 1257/09/27 (15 751) ; en 1263, une autre quittance attestait du versement de 15 livres pour l’édification de la nouvelle enceinte, ibid., 1263/06/08 (16 904) ; en 1286, les collecteurs de la décime ecclésiastiques enregistraient le versement de 37 livres en florins pour la même abbaye, ibid., 1286/12/20 (22 275).

164 Plesner 1934, p. 103-106.

165 On ignore la nature des liens rapprochant Beliotto di Albertesco da Cintoia et Beliotto di Abbraccio, Diplomatico, Coltibuono, 1235/12/29 (11 832).

166 Wickham 2000, p. 339.

167 Diplomatico, Coltibuono, 1256/12/03 (15556), 1257/04/20 (15681), 1257/09/27 (15751)

168 Faini 2009d, p. 32.

169 Diplomatico, Vallombrosa, 1225/02/01 (10 142, en 1226).

170 Ibid., 1233/11/21 (11 436), vente d’une tenure avec les services des colons, 1232/08/31 (11 259).

171 Ibid., Vallombrosa, 1237/06/17 (12 167), dans le cloître de Santa Trinita, Orlando di Orlando da Campi promettait au convers Bonacurso de l’église et du monastère de Santa Maria di Vallombrosa et à l’abbé Valentino de ne pas leur contester la terre de Pesca Vecchia achetée par le convers Bernardo à Ranieri di Guido et se portait garant de cet achat. Ranieri déléguait le prix de cette vente au remboursement de la dette due à Rustico di Falconiere.

172 Rippe 2003, p. 624 : « Alors même que ces vassaux-créanciers peuvent tirer un profit économique immédiat de la ruine de leurs nobles débiteurs, ils ont un intérêt politique à leur survie. »

173 Ibid., p. 639.

174 Diplomatico, Coltibuono, 1242/12/19 (12 971), 1243/02/12 (12 988, en 1244).

175 Ibid., 1247/10/20 (13 905).

176 Ibid., 1236/10/21 (12 021), 1239/06/01 (12 476), 1239/12/01 (12 558), 1243/02/12 (12 988, en 1244), 1253/07/07 (14 743), 1255/03/29 (15 119), 1256/10/11 (15 516, le 23 octobre 1256), et CRSGF, 224 237, n° 761, p. 596-599, vers 1260, procuration de l’abbé Placido et du chapitre de Coltibuono destinée au magister Cappia et au magister Grazia, convers et syndics, devant répondre du conflit opposant l’abbaye au prêtre de l’église plébane et de Santa Maria a Spaltenna et aux hommes de la commune et de l’universitas de Montaio.

177 Diplomatico, Coltibuono, 1256/07/11 (15 447).

178 Ibid., 1259/04/01 (16165), Debemus dare Gra(tie) da Lucolena xv libras denariorum quos mutuavit| pro uno equo. Item xv libras et iv solidos (barré dans le texte) pro uno modio frumenti et| xiv staria. Item xiii libras quos mutuavit pro pannis lineis.| Item c solidos pro pescaia de molendino Arni.| Debemus dare Gratie da Luculena xxxiv libras quos dedimus Cianno. Item xiii libras quos dedimus Salimbene. Item xviii libras et x solidos quos dedimus pro littera| domini Papi, item lxxxii libras quos dedimus Bene notario da Lamole de la| summa de le ducento libras quas dictus mutuavit nobis, item| l et v libras de per merito de le dicte cc libras item iv libras et vi solidos quos| reddimus domino Aldibrando quos mutuaverat nobis pro expensis. Summa| istorum denariorum cc vii libras minus| iv solidos. Istos denarios accepimus in kalendas aprili sub anno domini mcclviiii.| Item mutuavit nobis dictus Gratia xxi libras denariorum quos denarios dedimus in uno runzano intrante mense julii.

179 À ce titre, on peut comparer le frère convers Grazia da Lucolena avec un autre frère convers, Falcone, actif de 1263 à 1279 et qui finit par bénéficier de certains avantages au titre de ses activités, voir Diplomatico, Coltibuono, 1263/11/23 (16 952), 1271/06/15 (18 300), 1278/02/20 (19 766, en 1279), S. Trinita, 1279/10/03 (20 159), en 1271, l’abbé de Coltibuono destinait directement à ce frère convers, contre un paiement de 52 livres, le service de 25 setiers de grain qu’un colon devait verser à l’abbaye.

180 À ce propos, on peut considérer la situation du procurateur de Ser Drudolo di Dietisalvi da Monteluco dans les terres de ce dernier, situées à Monteluco, dans le Chianti, il devait ainsi s’occuper des locations pour un individu qui connaissait fort bien son patrimoine et s’occupait régulièrement en personne de la bonne marche de ses affaires, voir Diplomatico, Vallombrosa, 1290/03/11 (23 210, en 1291).

181 La Roncière 1973, p. 209.

182 Diplomatico, Coltibuono, 1258/10/24 (16 048).

183 Montigianni di Ubertino pourrait être le fils de Ranieri da Ricasoli, ibid., 121./11/16 (9499), 1258/05/03 (15 940).

184 Ibid., 1237 (12 240), Salomone di Ubaldino est témoin d’un acte de vente par lequel l’abbaye et des hommes de Montaio achètent en commun une parcelle située à Valgelata, entre l’abbaye et la commune de Montaio.

185 Ibid., 1242/12/19 (12 971), 1247/10/20 (13 905).

186 Ibid., 1260/11/13 (16 482).

187 Ibid., 1273/05/09 (18 760).

188 Ibid., 1295/08/09 (24 912).

189 Day 2000, p. 109-110, n. 187.

190 La Roncière 2005b, p. 109-110, n. 187.

191 En 1306, son fils, Mone, figurait parmi les homines de Montaio participant à l’élection du recteur de la commune, voir Diplomatico, Coltibuono, 1306/05/29 (29 592).

192 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1278/10/31 (19 952).

193 La somme était assez importante, la même année, l’abbaye de Coltibuono avait engagé des poursuites devant les tribunaux de Florence pour une somme de cinquante livres, ibid., Coltibuono, 1278/11/16 (19 961), Bernardo di Grassetto dei Mazzinghi était sommé, par le syndic de Coltibuono, de rendre la somme 50 livres ou un cheval engagé dans le prêt, l’affaire avait été évoquée au moins cinq fois devant la juridiction florentine.

194 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1286/11/17 (22 247), Cino et Niccolò di Ugolino étaient cités dans les confronts d’un acte relatif au castello d’Ortario, une expression qui semblait désigner le castello de Cintoia ; sans doute l’habitat avait-il commencé à s’étendre vers la vallée ; le père de Cino et Niccolò possédaient des terres dans les environs de Cintoia, ibid., 1265/10/16 (17 251).

195 Ibid., 1293/12/01 (24 338), 1299/08/28 (26 470), 1299/08/28 (26 471), Niccolò di Brando (Aldibrando).

196 Ibid., 1285/11/21 (21 925), 1285/11/22 (74 581).

197 Ibid., 1293/12/01 (24 338).

198 Faini 2009c.

199 Ibid., 1191/06/17 (6815), 1194/02/12 (6998, en 1195), 1205/12/07 (8014).

200 Badia di Firenze, 1221/07/17 (74238, pergamene lunghe), Faini 2010, p. 76.

201 Day 2000 ; Faini 2010 ; Tabarrini 2019.

Table des illustrations

Titre Fig. 8 – Les hôpitaux du quart sud-est du territoire florentin (Xe-XIIIe siècle)
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/44605/img-1.png
Fichier image/png, 1,7M
Titre Fig. 9 – Marchés et bourgs marchands dans le quart sud-est du contado florentin (XIe-XIIIe siècle)
URL http://books.openedition.org/efr/docannexe/image/44605/img-2.png
Fichier image/png, 1,7M

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