Chapitre 3 – Seigneurs et moines dans le territoire florentin : la formation d’un ordre politique
p. 83-132
Texte intégral
Padre Cricco lo fermò di un gesto. Disse : « Mi pare di conoscerla : lei è della mia parrocchia ? »
« Ma che parrochia ? Io non ho parrocchia » disse l’uomo ; e uscì con gioiosa furia1. »
1Les femmes et les hommes qui peuplent les campagnes florentines des XIe et XIIIe siècles sont aujourd’hui saisis dans le cadre documentaire d’une relation avec l’une des institutions ecclésiastiques quadrillant le territoire. Il s’agit, pour l’essentiel, de transferts patrimoniaux – donations, ventes de terres, mises en gage – qui, dans le meilleur des cas, font connaître des individus en des moments précis de leur cycle de vie. Parmi les nombreux exemples possibles, qu’on considère ainsi le cas des quelques acquisitions qui renseignent sur un même individu, un dénommé Corbulitto di Petro (1098-1119) qui a vécu dans le Chianti et a cédé l’essentiel de son patrimoine à ses voisins, les moines vallombrosains de Coltibuono2. Au premier acte, Corbulitto était mentionné en compagnie de son frère Ranieri ; suite à la mort de leur père, ils avaient décidé de donner au monastère une terre qu’ils avaient près de la rivière Massellone. L’année suivante, il participait avec le même Ranieri à la vente d’une terre des environs de leur castello de Castagnoli. Les deux frères figuraient ensuite parmi les témoins d’une transaction intéressant des biens cédés à Coltibuono. Quelques années plus tard, Corbulito di Petro da Castagnoli établissait ce qui ressemblait déjà à un testament : s’il mourrait sans héritier légitime, toutes ses terres devaient aller à l’abbaye de Coltibuono à laquelle, en attendant, il offrirait un cens annuel de douze deniers à la saint Laurent. Une promesse qu’il renouvela en 1116, en compagnie de son épouse Matildina dont c’était la première apparition. En 1119, Corbulito était probablement décédé et l’abbé de Coltibuono préparait la reprise de ses terres en ménageant les susceptibilités de son vieux frère Ranieri di Petro da Castagnoli qui obtenait l’investiture en fief des biens de Corbulitto et qui devaient revenir à l’abbaye si lui-même mourait sans héritier. À l’image de ce qu’illustre ce petit dossier, ce qu’on prétend savoir des groupes étudiés dans le présent ouvrage épouse partiellement, le point de vue de moines qui ont récupéré et transmis des actes servant, pour l’essentiel, de titres de propriété. Il faut avoir à l’esprit l’ordre hiérarchique dont se réclamaient ces religieux aux XIIe et XIIIe siècles et le type de pouvoir que leurs abbés s’étaient efforcés d’exercer sur les hommes et les terres qui entouraient leurs monastères. Ces humbles serviteurs de Dieu se faisaient une haute idée de leur fonction : ils étaient en charge d’un patrimoine spirituel, matériel et humain pesant aussi bien sur les terres et les biens matériels que sur les femmes et les hommes. En Toscane, le développement des seigneuries rurales fut un phénomène tardif et que vint rapidement limiter l’ascendant pris par les pouvoirs citadins3. Cette seigneurie se révèle dans le détail difficile à saisir et les sources des XIe et XIIe siècles rappellent à l’historien tout ce que ce mot porte en lui de théorie. Au XIIIe siècle en revanche, les institutions monastiques étaient au centre de constructions institutionnelles bien ancrées dans un territoire. Quel était le degré de contrôle qu’exerçaient les abbés et les moines sur les différentes communautés qui les entouraient ?
2Pour être classique, l’étude des formes de la domination monastique, ou du dominium4, est un élément incontournable de la compréhension des sociétés du contado florentin. Les abbayes de Montescalari, Vallombrosa et Coltibuono étaient des institutions dont le pouvoir politique était fondé sur le rapport privilégié des moines comme intercesseurs entre Dieu et qui reposait en même temps sur des rapports de force économiques. Le pouvoir, tel qu’on l’entend ici, c’est la capacité reconnue à contraindre les individus et les communautés, en laissant de côté les formes d’influences plus tacites et discrètes. Il s’agit ici de poser les cadres de l’enquête et de donner une première idée de la latitude d’action dont disposaient les individus et les communautés qui entretenaient des relations avec les moines vallombrosains. Il était bien rare, dans ce territoire, que le pouvoir d’une institution monastique s’étendît à l’ensemble d’une communauté villageoise et les abbayes fonctionnaient davantage comme des pôles de cohésion que comme des structures d’encadrement5. Les traditions historiographiques et la documentation disponible ont conduit à mettre en avant la place des institutions ecclésiastiques dans la stratégie de domination des élites laïques, en négligeant parfois les dynamiques propres à ces institutions. L’attention légitime aux origines de ces fondations ne doit pas faire considérer les communautés monastiques comme des émanations inertes d’un pouvoir qui serait par essence laïque.
3Dans le contexte italien, et plus particulièrement toscan, il est néanmoins difficile de se faire une idée des prérogatives exercées concrètement par les abbés et leurs représentants avant la fin du XIIe siècle. Communautés d’ascètes, de pauperes, les communautés monastiques étaient les centres d’une vie aristocratique. En 1148, le notaire Rustichello, sans doute très lié aux vallombrosains de Coltibuono et de Vallombrosa, assimilait l’abbé Gualdo de Vallombrosa et le prieur Ranieri aux chérubins et aux séraphins du ciel, reconnaissant implicitement aux moines une place équivalente sur terre, à celle des anges au ciel6. Les règles de la vie monastique, consacrée aux prières et au salut collectif, participaient aussi, et sans que cette constatation épuise bien entendu les analyses possibles de ces pratiques, au renforcement d’une conception élitiste de l’ordre social7. L’histoire des premiers vallombrosains est du reste inséparable du processus très large de réorganisation des pouvoirs qui marque le XIe siècle. Si Jean Gualbert et ses disciples avaient souhaité revenir à la simplicité de la règle de saint Benoît, les fondations rattachées à la congrégation n’en récupérèrent pas moins les habitudes de gouvernement propres au milieu dont les moines étaient eux-mêmes issus, habitudes auxquelles s’ajoutaient les formes d’influence propres à leur état.
3.1. Moines et abbés dans la réorganisation des pouvoirs aristocratiques (XIe-XIIe siècles)
4Le territoire florentin fut, au XIe siècle, l’un des foyers les plus vifs de la réforme. Rapidement révérés pour la rigueur de leur vie cénobitique, les disciples de Jean Gualbert furent les acteurs essentiels d’une lutte plus large pour l’indépendance des moines et contre des pratiques désormais jugées simoniaques. À Florence, cette lutte trouva son paroxysme dans l’opposition à l’élection de l’évêque Pietro Mezzabarba († 1071)8. Sans être systématique chez les vallombrosains, l’opposition à l’épiscopat florentin devait certainement constituer un trait saillant, difficilement accepté certes, mais qui ne paraît pas avoir nui au succès des moines réformateurs. La progressive reconfiguration du territoire florentin fut marquée par la construction de nouvelles fondations : castelli, établissements monastiques, élévations de nouvelles chapelles ; toutes choses qui relevaient du désir marqué d’inscrire plus localement la source du pouvoir et les formes de dévotion qu’on avait envisagées jusque-là à l’échelle du comté, du diocèse ou des territoires encore très vastes qu’organisaient les églises plébanes9.
3.1.1. Réforme spirituelle et réorganisation des pouvoirs
5L’action des disciples de Jean Gualbert, comme celle d’autres contestataires, s’inscrivait dans un processus de renouvellement des liens « entre l’institution ecclésiale et l’aristocratie10 ». Dans le combat qu’ils entendaient mener pour la réforme du clergé séculier et de la vie monastique, les vallombrosains avaient besoin de soutiens séculiers. La tradition hagiographique et les premières règles connues manifestent du reste une certaine ouverture de la jeune congrégation aux clercs et aux laïcs11. C’est dans ce contexte général qu’on assista, dans le territoire retenu pour la présente étude, à la naissance de trois nouvelles abbayes.
6La naissance de Santa Maria di Vallombrosa est la plus facile à dater. Tout commença en 1039, avec la donation faite par Itta, abbesse de Sant’Ilario di Alfiano, à Jean Gualbert. Le moine réformateur et ses disciples avaient trouvé dans les montagnes du Pratomagno, dans un lieu d’abord appelé Acquabella, le lieu idéal de leur retraite. L’emplacement était bien celui d’un de ces « déserts » vantés par l’hagiographie monastique, offrant de bonnes liaisons de communications tout en permettant, en même temps, une mise à distance des moines. La montagne était sans doute relativement peu fréquentée, mais les moines y disposaient d’une source d’eau. Elle était proche des voies de communication qui longeaient l’Arno, dominant même un emplacement stratégique du Valdarno, et située à proximité de Florence, en dehors toutefois de son diocèse et du rayon d’action de ses évêques12. Si F. Salvestrini souligne avec raison le soutien probable des comtes Guidi à la fondation de Vallombrosa13, il ne subsiste rien, dans les archives de l’abbaye, qui pourrait faire songer à quelque contrôle institutionnel exercé par ces derniers. Le premier document conservé permet de décrire le premier ermitage comme une dépendance de l’abbaye de Sant’Ilario di Alfiano, mais les actes successifs, tel que se présente aujourd’hui le chartrier consciencieusement réorganisé par les moines, marquent la renonciation des moniales à un contrôle direct exercé sur la nouvelle fondation14. À la différence des Eigenklöster des IXe-XIe siècles, l’abbaye vallombrosaine paraît avoir bénéficié assez tôt du soutien assez large d’un milieu étendu de milites15. Le premier ermitage fondé par ce dernier était construit avec la protection de l’abbesse de Sant’Ilario in Alfiano16. Il n’est pas impossible que l’abbesse Itta ait elle-même été issue de la famille des comtes Guidi avec qui les rapports demeurèrent excellents jusqu’aux premières années du XIIe siècle17. Leur soutien se prolongea du moins jusqu’en 1103, avec l’acte de donation conjoint de la comtesse Mathilde de Canossa et du jeune Guido Guerra. Une donation qui avait peut-être été contrainte et qui correspondait en réalité à la mise en gage d’un important patrimoine. L’abbé de Vallombrosa recevait ainsi la moitié du castello de Magnale et les droits sur l’ensemble d’un petit cours d’eau s’écoulant du Pratomagno jusqu’à l’Arno. Cette donation résultait probablement du soutien apporté par la grande comtesse aux moines réformés ; elle devait, par la suite, constituer la pierre angulaire des revendications patrimoniales et juridiques des abbés de Santa Maria di Vallombrosa18.
7Dans les dernières décennies du XIe siècle, les successeurs de Jean Gualbert, suivant en cela les traces du réformateur, avaient cependant fait rentrer les abbayes réformées dans un ordre pleinement accepté par Rome. Les années qui suivirent la mort du saint († 1073) furent marquées par un effort d’organisation et de centralisation d’un vaste réseau de monastères réformés, à l’intérieur même des diocèses de Fiesole, Florence et dans toute l’Italie centrale et septentrionale19. Les vallombrosains n’avaient pas toujours eu le soutien des hautes autorités de Toscane, sans être seuls dans la lutte menée contre l’évêque Pietro Mezzabarba, ils avaient eu contre eux le comte Godfroid II (1069-1076) et le pape Alexandre II (1061-1073)20. L’avènement de Grégoire VII (1073-1085) avait été une chance pour les réformateurs toscans qui trouvaient cette fois un soutien franc de la papauté, encourageant les successeurs de Jean Gualbert à poursuivre dans la voie tracée par ce dernier21. Sous les pontificats de Grégoire VII et d’Urbain II (1088-1099), la prise en main de la réforme vallombrosaine était toutefois entamée. Les tensions qui marquèrent le début du pontificat d’Urbain II n’empêchèrent pas ce dernier d’instituer une véritable congrégation, pleinement soutenue par la marquise Mathilde de Canossa (1072-1115)22. Le privilège de 1090, confirmé en 1115 par Pascal II, établissait en théorie une congrégation hiérarchisée autour de l’abbaye de Vallombrosa23. Si les consuetudines établies dans ces années allaient dans le même sens, dans la pratique les différentes fondations conservèrent longtemps une certaine indépendance. C’est ce qui ressort du moins lorsqu’on considère l’histoire de deux petites fondations monastiques progressivement rattachées à la congrégation vallombrosaine.
8L’abbaye de Montescalari peut en effet être définie comme « une fondation privée promue par un groupe parental de l’aristocratie moyenne24 ». Le monastère semble avoir vu le jour dans les années 1040, sur le patrimoine d’une famille d’aristocrates locaux sur l’un des sommets méridionaux du Chianti permettant un contrôle de la Val d’Ema, aux confins du diocèse de Fiesole avec celui de Florence. Par cette fondation, la famille connue sous le nom des da Cintoia affirmait ainsi le contrôle qu’elle entendait exercer sur cette zone et l’influence qui était la sienne dans le territoire des églises plébanes de Cintoia et Gaville. Sans qu’il s’agît d’un acte d’hostilité envers l’évêque de Florence, la famille continuant d’évoluer dans la clientèle épiscopale, cette fondation participait à l’implantation de la famille dans une aire précise du contado florentin. Dans ce contexte, il paraît très vraisemblable, comme la tradition hagiographique le laisse penser, que les religieux et les da Cintoia aient établi très tôt des rapports avec Jean Gualbert dont l’influence était alors à son apogée. On sait qu’en 1077, le monastère avait rejoint l’ordre des vallombrosains et connaissait d’ailleurs, si l’on en croit les actes conservés, sa première phase d’expansion patrimoniale : les donations dépassant le cadre de la famille des fondateurs25. À la différence de ce qui s’observe pour Vallombrosa ou pour l’abbaye de Coltibuono, il n’existe guère d’exemples attestant d’une reconnaissance ou d’un soutien de la fondation par une autorité supérieure. Inclus dans les privilèges destinés à Vallombrosa et aux autres monastères de l’ordre, l’abbaye n’a laissé aucun diplôme26. Le privilège d’immunité accordé par Henri VI en 1187 et conservé dans le fonds de l’abbaye de Ripoli peut être retenu comme un faux27. Né sous l’influence des da Cintoia, le monastère était en revanche destiné à devenir le pôle de référence de nombreuses autres familles de propriétaires locaux.
9L’histoire de l’abbaye de Coltibuono diffère quelque peu dans la mesure où cette dernière paraît avoir été rattachée plus tardivement à l’ordre vallombrosain. Cette fondation nouvelle, qui s’appuyait probablement sur l’existence d’une église plus ancienne, répondait au désir de deux parentèles, les nepotes Rainerii et les Firidolfi d’enraciner leur pouvoir dans le Chianti28. Les deux groupes promurent ainsi l’élévation d’une église des environs au rang de communauté collégiale et acceptèrent par la suite la transformation de cette communauté en une communauté de moines vallombrosains. Oratoire appartenant vraisemblablement à l’ancêtre des nepotes Rainerii, Geremia, la petite église fut ainsi transformée en un monastère entre 1051 et 1053. Si la nouvelle fondation servait à sceller une alliance entre les nepotes Rainerii et la famille locale de Filii Ridolfi29, plus connue sous le nom usuel des Firidolfi, elle obtint très rapidement la reconnaissance de hautes autorités de l’Église. Le cardinal de Silva Candida, Humbert de Moyenmoutiers, consacra en personne l’autel dédié à saint Laurent30. Si L. Pagliai datait des années 1051-1053 le rattachement de l’abbaye à la mouvance vallombrosaine, il faut en réalité attendre 1095 pour trouver une attestation plus évidente de l’appartenance de l’abbaye à la nouvelle congrégation31. L’hypothèse d’une identification du premier abbé Rustico (1061-1084), aussi dit Omizo, avec le premier abbé général de la congrégation vallombrosaine, en 1073, n’est pas invraisemblable32. Reste que l’abbaye de Coltibuono n’apparaît pas dans la Bulle émise par Urbain II en 1090 et qu’il faut attendre la date de 1095 pour dater plus certainement le rattachement officiel de l’abbaye à la congrégation.
10La naissance de petits monastères comme Coltibuono ou Montescalari était fortement liée aux stratégies mises en œuvre par de puissantes parentèles, les abbayes conservant très longtemps un lien avec leurs patrons33. Le lien unissant les Guidi ou d’autres aristocrates à l’abbaye de Vallombrosa était, quant à lui, plus ténu. La réforme vallombrosaine, si elle avait su s’attirer le soutien de certains grands, n’était en rien un courant consensuel. La plus ancienne vie de Jean Gualbert a été rédigée dans la dernière décennie du XIe siècle par Andrea, abbé de Strumi34. Ce moine lombard avait activement participé à la pataria milanaise, un mouvement réformateur qui s’était opposé, jusqu’à l’émeute, à la simonie des prêtres35. Alors qu’il avait livré d’Ariald l’image d’un réformateur extrêmement turbulent, il peignit Jean Gualbert sous des aspects plus feutrés36. Les deux mouvements ne sauraient être décrits comme les menées de velléitaires isolés, les patarins et les vallombrosains s’étaient montrés capables de mobiliser au-delà du milieu des clercs et avaient reçu le soutien de membres de l’aristocratie, de milites et de petites foules plus difficiles à caractériser. Faire de la réforme vallombrosaine l’expression religieuse d’un mécontentement de classe serait certainement une erreur. Une autre erreur consisterait à faire de la réforme un épiphénomène ne touchant que quelques disciples37. Il est difficile d’évaluer l’angoisse que pouvait susciter chez les fidèles l’idée d’un clergé indigne distribuant des sacrements dépourvus de validité. La Toscane était, au XIe siècle, un territoire déjà très peuplé et dans lequel la densité des églises témoigne d’une forte et déjà très ancienne acclimatation de la foi chrétienne. Le contado florentin était alors animé, entre autres, par une population nombreuse de clercs aux statuts indéterminés. Ces derniers et ceux qui les fréquentaient ne pouvaient manquer de se sentir concernés par les attaques lancées contre le clergé simoniaque ou nicolaïte. Dans la tradition hagiographique et la documentation du XIe siècle, les vallombrosains paraissent soucieux d’impliquer les laïcs dans leur lutte contre la simonie38. Dans cette même tradition hagiographique, Jean Gualbert comptait des nobles laïcs des environs de Figline parmi ses amis et soutiens39. Il avait été l’auteur de quelques coups d’éclat, l’exposant à la vindicte des puissants, dénonçant en place publique et à Florence, l’élection simoniaque de l’abbé de San Miniato40. Tout en soulignant la conformité des vallombrosains avec la règle de saint Benoît, les premiers hagiographes mirent moins en avant la rigueur de leur règle et de leur observance que les combats accomplis par ces moines réformés contre les maux de l’Église. Le processus de redéfinition des pouvoirs locaux que révélait la fondation de ces abbayes ne touchait pas la seule aristocratie comtale et les vallombrosains avaient pour eux une relative ouverture à la participation des laïcs à la sainteté de leur vie régulière41.
3.1.2. Les pôles d’une sociabilité aristocratique élargie
11Toutes les figures évoquées jusqu’ici appartenaient à une aristocratie bien insérée dans la hiérarchie politique. C’était sans conteste le cas des évêques, des grands abbés et des membres des familles de rang comtal qui, à l’image des comtes Guidi, possédaient un patrimoine dépassant les limites d’un diocèse42. Les nepotes Rainerii, les Firidolfi et les da Cintoia appartenaient, pour leur part, à une aristocratie intermédiaire, avec des patrimoines dispersés dans l’ensemble du contado ou dans les alentours immédiats d’un seul castello43. Au XIe siècle, les membres de ces familles assistaient toutefois aux plaids de la marquise Mathilde de Canossa et manifestaient leur capacité à commander par la possession de petites places fortifiées. Si les fondations des monastères et les donations solennelles aux églises pouvaient à terme affaiblir le patrimoine familial, elles permettaient d’assurer la cohésion interne de familles étendues dont la richesse était structurellement menacée par les pratiques successorales44. Au-delà de ces familles, et en continuité avec ces dernières, les fondations vallombrosaines paraissent avoir eu les mêmes fonctions pour des groupes familiaux moins influents ou moins connus. Que l’on regarde du côté de la Vallombreuse, de Montescalari ou de Coltibuono, les fonds révèlent la participation d’une classe étendue de propriétaires à la constitution des patrimoines monastiques. Parmi les donateurs on trouve des propriétaires aisés, capables d’offrir à l’abbaye un castello et l’ensemble d’une curtis mais aussi des artisans florentins45. Les donations de petites unités foncières, des sortes et, de plus en plus souvent de simples parcelles, paraissent toutefois trop nombreuses pour qu’on puisse rattacher l’ensemble des donateurs à l’aristocratie46. Sans emboîter le pas à l’enthousiasme de F. Majnoni pour le soutien « populaire » dont auraient bénéficié les premiers vallombrosains, on peut tout de même souligner la capacité des moines à attirer les donations de figures subalternes47. Le processus conduisant à la participation d’une population importante peut être mis en évidence dans les quelques localités où le processus d’acquisition est le mieux documenté.
12On peut ainsi s’arrêter sur le cas de Marciana, aujourd’hui petit hameau de la commune de Rignano sull’Arno48. Sur place, les moines de Coltibuono avaient acquis un patrimoine qu’ils organisèrent en une curtis gérée par des frères convers au cours du XIIe siècle49. Dans la seconde moitié du XIe siècle, le castello de Marciano, rapidement privé de ses attributs militaires, dépendait encore des nepotes Rainerii et passa à l’abbaye de Coltibuono par le jeu des donations50. Les parchemins de Coltibuono permettent de suivre, sur près d’un siècle, les étapes de l’acquisition de ce patrimoine très périphérique dans la géographie foncière de l’abbaye. On sait, grâce à un échange interne à la parentèle, que ce groupe d’aristocrates contrôlait le castello de Marciano en 1035. Conservé parmi les munimina de l’abbaye de Coltibuono, l’acte est aujourd’hui un indice du transfert progressif des droits des nepotes Rainerii sur ce patrimoine. En 1066, une première donation émanant de trois frères et descendants de Rainerius mentionnait une première fois Marciano dont les terres commençaient à grossir le patrimoine monastique. Dès la fin du XIe siècle, les donations s’élargissaient au-delà de la parentèle. En 1075, Bonizo di Stefano surnommé Ghizo, agissant avec Alberto di Andrea, offrait à l’abbaye trois setiers d’une terre située à Marciano. Si le surnom Ghizo appartenait au stock onomastique des nepotes Rainerii, rien ne permet de rattacher à ce groupe de consanguins Alberto di Andrea et ses frères qu’on retrouvait l’année suivante dans une autre donation. Les donations de ces aristocrates ne concernaient pas la seule abbaye de Coltibuono. En 1086, Serafino da Barbischio, faisait le choix de la Badia Fiorentina pour céder sa part du castello de Marciano. La dernière attestation des nepotes Rainerii est cependant assez tardive. En 1150, contre un prêt de 50 sous, Baglione, petit-fils de Serafino engageait ce qui représentait vraisemblablement son patrimoine autour de Marciano, quelques terres et, surtout, un ensemble de droits sur les hommes et les chapelles des environs51. Aux donations des nepotes Rainerii font suite celles d’un groupe plus étendu de milites sans le titre ou de clercs qui paraissaient agir de leur propre initiative52. La volonté ou l’obligation d’inscrire leur action dans la fidélité des nepotes Rainerii pourrait, bien entendu, expliquer l’orientation que ce groupe plus étendu donnait à ses offrandes. L’un des moments les plus révélateurs des logiques de ce petit groupe de propriétaires fut, en juin 1100, la renonciation collective à un ensemble de dîmes au profit d’une église dédiée à saint Nicolas et dont l’abbaye de Coltibuono recevait le patronage. Cette récupération des dîmes, pour n’être point conforme à l’esprit de la réforme gualbertienne, n’en fut pas moins une chose courante dans la vie des abbayes vallombrosaines. L’acte émanait d’un petit groupe que dominaient huit figures, ceux dont les noms apparaissaient dans l’acte comme témoins ou comme auteurs. On relevait, dans ce groupe, deux fils de clercs – Giorgio fils du prêtre Petro ; Martino fils du clerc Erminaldo –, représentatifs de ces groupes de clercs que visaient particulièrement les moines réformateurs et plusieurs laïcs mal connus53. Les parentèles qui participaient à cette donation avaient des horizons locaux ; le souci qu’avait Guido di Guido Imize – cité en premier – de ne pas renoncer à la dîme qui pesait sur les oliviers renvoyait peut-être à la volonté qu’avait ce dernier de se réserver une partie de la rente foncière. Les filii Guidi Imize figuraient parmi les possesseurs des environs54. Ils étaient considérés par le notaire comme une petite collectivité d’homines agissant de concert et se plaçant par cette renonciation dans une position déférente vis-à-vis de l’abbaye de Coltibuono. Ce n’est point nier les motivations pieuses que de s’interroger sur la raison qui ont pu pousser ce petit groupe à préférer une abbaye relativement lointaine aux églises voisines et il est légitime d’étudier les donations pieuses sous l’angle des reconfigurations d’alliances qu’elles permettent d’opérer55. Des indices existent pour situer cette petite communauté dans une sociabilité de milites ruraux. Un peu plus de dix ans après la renonciation de 110056, un habitant des environs, Atizo di Giovanni, surnommé Spatiavillanus (littéralement tranche-villain), et son épouse Sterminza, fille du notaire Corbaccione, engageaient une terre contre un prêt de vingt sous de Lucques et promettaient de verser six setiers de blé par an à l’abbaye de Coltibuono. Atizo obtenait en retour deux privilèges : il serait accueilli par les moines pour servir Dieu de son vivant s’il le souhaitait et serait, dans tous les cas, enseveli à Coltibuono. En 1127, un certain Ugo, dit Malatesta, désireux de se rendre en Terre Sainte, avait obtenu en ce même lieu, de l’abbé de Coltibuono, le prêt de vingt sous de Lucques gagés sur une parcelle de terre57. Le surnom d’un des témoins de cette cartula pignoris, Azzo di Guinizolo, dit communément Cavalero, renvoyait lui aussi aux représentations des milites58.
13En considérant l’ensemble de la documentation tournant autour du castellare de Marciano, on est frappé par le nombre de propriétaires ou possessores que les sources font connaître. Les actes informant sur le transfert de biens situés dans le territoire relevant du castellare de Marciano dans les années 1035-1150 font ainsi ressortir les noms de soixante-sept individus qui, à des titres divers, exerçaient un contrôle sur le sol de ce territoire59. Certains, moins d’un tiers, appartenaient à des parentèles clairement identifiables, les nepotes Raineri, les fils d’un certain Morando, les descendants d’un certain Rosso. Malgré les importantes donations faites à l’abbaye, on observe, au XIIe siècle, une certaine conservation de ce paysage et les confronts font ressortir le nom des mêmes groupes qui continuent, comme propriétaires ou comme bénéficiaires de baux emphytéotiques, à fréquenter cette localité et à associer leur nom au maillage du parcellaire60. Il faut avoir en tête, lorsqu’on veut qualifier socialement les multiples possessores de Marciano, que ceux-ci se répartissaient des droits sur un finage relativement exigu : les actes de la période successive évoquant un terroir réparti entre la vallée de Marciano et le sommet où se situait le castellare61. Les données sur ce petit village confirment ce qui s’observe en d’autres lieux et renvoient la même image d’une propriété foncière morcelée, très progressivement récupérée par l’abbaye62. Loin de subir passivement les initiatives de quelques grands et des institutions ecclésiastiques, les communautés locales étaient un élément essentiel et actif de la constitution du patrimoine monastique.
3.2. Les abbayes vallombrosaines dans la définition des hiérarchies politiques (XIIe siècle-années 1220)
14Que récupéraient les abbayes lorsqu’elles acquéraient une terre ? Les références explicites aux pouvoirs de commandement sur les hommes sont relativement rares dans une documentation par ailleurs importante ; celles à la dîme ne sont guère plus nombreuses. Ces revenus, que l’on aurait aussi pu considérer comme relevant de domaines différents, contribuaient tous ensemble à définir les hiérarchies locales et faisaient des moines vallombrosains des figures incontournables de la hiérarchie politique et économique. Dans les territoires considérés, à l’instar de ce qui s’observait à la même époque dans le Casentino, les droits seigneuriaux circulaient avec les terres et étaient aussi dispersés que les patrimoines fonciers63.
3.2.1. La participation des moines au pouvoir seigneurial
15Les moines étaient, rappelons-le, issus des familles de l’aristocratie laïque64 et ne renonçaient pas, en quittant le siècle, à la prétention de ces grands à exercer le pouvoir65. La tradition fait du bienheureux Benedetto Ricasoli, moine et ermite de Coltibuono entre 1100 et 1120, un membre des Firidolfi. Les érudits modernes ont pu faire des erreurs d’identification en rattachant tel ou tel abbé à une grande famille de l’aristocratie ; ils ne se sont sans doute pas trompés en les associant à la meilleure aristocratie. La figure de Ghisla di Rodolfo, une laïque ayant œuvré à l’accroissement patrimonial du monastère urbain de San Pier Maggiore est caractéristique de ces rapprochements nombreux entre laïcs et ecclésiastiques et des confusions historiques. Longtemps identifiée comme appartenant à la parentèle des Firidolfi, elle doit, selon M. E. Cortese, être considérée comme appartenant aux Suavizi. Cette même Ghisla plaça sa fille homonyme à la tête de l’abbaye de San Pier Maggiore. Loin de freiner les moines dans cette voie, la réforme du XIe siècle avait encore accentué la prétention de ces derniers à l’autonomie66. Il est toutefois difficile de se faire une idée précise des prérogatives exercées par les abbés sur les communautés d’habitants du voisinage et de leur capacité à commander. Les conflits de juridiction et leurs règlements, lorsqu’ils existent, éclairent l’imbrication des droits seigneuriaux. Les donations ou les ventes portant sur l’ensemble d’une terre, d’un foncier ou même d’une parcelle sont en réalité assez rares67. Avant même d’évoluer en une abbaye, l’église de Coltibuono avait reçu une part des droits détenus par un laïc sur les murs et la tour des castelli voisins de Campi et de Vertine avec sa part de douze manses dépendants du castello de Vertine68. Dire ce que représentait cette part, en dehors de toute autre précision, est une entreprise hasardeuse. D’autres donations se révèlent fort heureusement plus explicites, exprimant par une fraction l’étendue de propriété que les moines devaient récupérer. En 1084, les filii Tebaldi avaient offert à la même abbaye une maison située près de leur tour, dans le castello de Lucignano69, en y associant plus précisément le quart de la curtis de Monterotondo, à quelques encablures de l’abbaye, et le quart ou la moitié, c’était à chaque fois précisé, d’un grand nombre d’exploitations situées dans les plébats de Cavriglia, San Pietro et San Marcellino in Avane70. Si ce document retient l’attention au milieu de tant d’autres évoquant une propriété morcelée et témoignant de la dispersion des patrimoines aristocratiques, c’est parce qu’il invite à s’interroger sur la part de domination seigneuriale qu’incluait la possession pour les moines de certains biens stratégiques : maisons dans les castelli, tours, droits sur les murs, parts des curtes ou des terres indomnicati. Les actes mentionnent si peu ces droits qu’on pourrait être tenté de faire des abbayes les simples bénéficiaires de la propriété foncière. Si l’abbaye de Coltibuono semble avoir hérité très tôt d’importantes portions du patrimoine seigneurial détenu par les nepotes Rainerii et, dans une moindre mesure, de portions détenues par les Firidolfi, on conserve beaucoup moins de traces de tels transferts dans le cas de l’abbaye de Montescalari dont les actes sont dans ce domaine moins explicites71. Certains droits, comme les commendationes, sont fréquemment évoqués sans que leur contenu soit aisé à déterminer72. Dans le cas des archives de Vallombrosa, la fréquence de ce terme peut ainsi s’expliquer par le formulaire employé par un seul notaire73.
16Il est toutefois probable que les moines aient souvent reçu, en même temps qu’une terre, un ensemble de droits : droits de prélèvements, droits seigneuriaux dépassant certainement la matérialité de l’écrit pour s’imposer sur le champ des exploitants. La crainte qu’avaient certains laïcs de perdre avec un patrimoine foncier les fidélités personnelles qui y étaient attachées fournit ici de précieux indices. À l’issue d’un prêt non honoré, Ranieri di Guido des Firidolfi avait dû céder à l’abbaye de Coltibuono sa part de la cour et du castello de Stielle74. Soucieux de ne pas tout perdre, il demandait une exception pour ce qu’il associait le plus directement à sa domination personnelle, à savoir le castello lui-même, le bourg, les feora de li boni ohmi et illo de le masnade75. Sans doute entendait-il concéder, à titre provisoire, les revenus qu’il tirait de ce castello, sans perdre pour autant la fidélité des populations dominées. Quelques années plus tard, à Vallombrosa, Ildibrando di Ugo, membre d’une parentèle du Valdarno, avait offert à l’abbé Bernardo ses possessions dans les castelli ou les cours de Ristonchi, Altomena, Vertille, Montelungo et Valvigne76. Ici encore une exception venait préciser le sens de cette donation. Si Ildibrando cédait tout ce qu’il avait et tenait vel a ligio omines per me proprietario nomine il conservait pour lui le castello de Monte Logo sicut est circundato a fossa omnibus. Dans les deux cas, les notaires avaient dû sortir de leurs formules habituelles, voire de leur latin, pour s’efforcer de saisir ce qui faisait pour ces hommes la réalité de leur pouvoir seigneurial : la détention symbolique des murs ; l’ascendant sur une petite société d’hommes liges, de bons hommes ou d’hommes de masnada77. La précision n’aurait aucun sens si l’on avait jugé les moines incapables de s’emparer des symboles du pouvoir ; issus du même milieu que les donateurs, les moines participaient à toutes les formes de la domination personnelle. C’est ainsi qu’on vit l’abbaye de Santa Maria di Vallombrosa s’affirmer tranquillement comme une seigneurie, en s’insérant progressivement dans le condominium des Guidi, des da Quona et des seigneurs de Ristonchi et Altomena78.
17Il est certes moins surprenant de voir les vallombrosains récupérer les dîmes, un prélèvement qu’une longue tradition historiographique conduit à envisager hors du champ de la seigneurie. S. Collavini, dans l’article qu’il consacre aux dîmes dans la Toscane septentrionale des XIe et XIIe siècle, souligne la faible participation des decimae à la construction des grandes puissances seigneuriales79. La question se pose toutefois en des termes différents lorsqu’on s’intéresse aux puissances ecclésiastiques. Si les attestations concernant les églises et les dîmes sont fréquentes, elles restent toutefois peu nombreuses jusqu’au XIIe siècle, suscitant un contraste saisissant avec une situation plus tardive. Que la dîme relevât ou non de leur puissance seigneuriale, la détention d’un tel impôt ne pouvait que contribuer à faire des monastères les lieux d’un pouvoir sur les hommes et sur leur production. Au XVIe siècle, on sait que l’abbaye de Vallombrosa exerçait un droit de patronage sur de nombreuses églises du Pratomagno, dans le diocèse de Fiesole. Quant à l’abbaye de Montescalari, on la voit, au milieu du XIIIe siècle, s’opposer aux hommes de la paroisse citadine de Florence – San Firenze – à propos de la nomination du desservant80. Pour l’abbaye de Coltibuono, les mentions d’églises les plus nombreuses relèvent de munimina conservés par l’abbaye, sans qu’on connaisse la part échue aux moines81. Par la suite, l’abbaye acquit une église située à Marciano, près de Rignano sull’Arno, le quart de l’église de San Martino dans le castello de Monterotondo, l’église de Vignavecchia et celle de Santa Maria a Mandriale. L’existence d’une importante documentation relative à la localité de Marciano permet de suivre – ce qui est rare – la façon dont s’est organisé le prélèvement local des dîmes au profit de l’abbaye de l’église contrôlée par l’abbaye. On peut suivre ce même processus autour de Montescalari, pour les localités les plus proches – la villa de Mezzano ou le bois de Capeme – dont les dîmes passèrent progressivement des fondateurs à l’abbaye au cours du XIIe siècle. Mais c’est en somme dans le dernier tiers du XIIe siècle, une période assez conflictuelle, que les dîmes semblent avoir été le plus disputées. Avant cette période, les dîmes ne semblent pas être une grande préoccupation des moines, pas plus qu’on ne devine une préoccupation particulière de ces derniers sur la question du ressort territorial de leur pouvoir. On les trouve avant tout soucieux d’augmenter un patrimoine conséquent fait de droits sur les castelli, de la possession d’églises, de la possession d’importantes propriétés agricoles, on les voit s’affairer pour organiser leurs plus grandes propriétés autour de centres de prélèvements et les faire fructifier par la construction de moulins ou la fondation de petits hospices ruraux. Dans tous les cas, le pouvoir de ces abbayes ne se configurait pas, au XIIe siècle, comme une domination exclusive sur un territoire délimité. Dans certaines localités toutefois, ces institutions ecclésiastiques s’imposaient comme le pôle de référence de la vie politique, sociale et économique. À l’occasion des règlements internes aux grandes familles ou d’un accord avec des couches plus larges de la population, une abbaye pouvait ainsi devenir localement une véritable petite puissance. En 1121, deux membres des da Cintoia, Feralmo et Ugo di Giovanni, cédaient ainsi à Azzo et ses fils la moitié d’un ensemble de terres disséminées dans le Chianti82. La transaction intéressait particulièrement les moines de Coltibuono qui avaient sans doute intercédé auprès des deux familles pour le règlement d’un conflit. Il était prévu que les bénéficiaires partageraient cette moitié avec l’abbaye qui y gagnait au passage le droit de prélever, comme datium, la dîme de toutes ces terres. Le rapprochement fait ici entre le datium et la dîme, deux prélèvements indirects et pesant directement sur la production, est révélateur de la façon dont la dîme pouvait apparaître comme le signe manifeste d’une prééminence politique. Dans des seigneuries plus importantes comme l’était celle des comtes Guidi, c’était le datium qui devait, quelques années plus tard, servir de critère essentiel à la définition de la domination exercée par les comtes83 et quoique la domination exercée par l’abbaye de Coltibuono n’ait jamais atteint les proportions de celle exercée à la fin du XIIe siècle par les comtes Guidi, il faut bien considérer que cette abbaye était au même siècle le siège d’une importante seigneurie.
18Dans cette partie de la Toscane, la seigneurie se présentait toutefois comme une réalité plurielle et construite sur l’entrecroisement de liens entre seigneurs et fidèles84. On serait tenté de définir les abbayes de Vallombrosa, Montescalari et Coltibuono comme les participantes à une seigneurie qu’il faut concevoir ici comme un fait collectif, fonctionnant avec l’accord et parfois au prix de désaccords avec d’autres coseigneurs. S. Collavini relève du reste la fréquence de la coseigneurie dans la Toscane des XIIe et XIIIe siècles : une coseigneurie horizontale, organisant le partage à parts égales des droits seigneuriaux cohabitant avec une hiérarchie verticale85. Le niveau des pouvoirs que l’on envisage ici, à l’exception notable de la seigneurie de Vallombrosa, est bien inférieur à celui des grandes constructions politiques de l’époque. Jusqu’aux premières années du XIIIe siècle, il fallait aux moines l’accord d’une part importante des populations voisines pour prendre des décisions majeures. S’il est vrai qu’on ne trouve aucune indication renvoyant explicitement à l’existence d’une coseigneurie nettement institutionnalisée et reposant sur la conservation de biens tenus en commun avec d’autres seigneurs86, les conflits de la fin du XIIe siècle, les partages effectués avec les familles de l’aristocratie et la façon dont on voit les abbayes s’emparer progressivement de terres marquées par des usages communautaires renvoient pourtant bien l’image de moines participant à l’exercice collectif du pouvoir sur les hommes. Difficile toutefois de savoir ce que représentait, du point de vue des moines, cette forme d’autorité sur les communautés environnantes. Sans doute mettaient-ils à plus haut prix l’autorité qui s’exerçait sur leurs pairs ou sur les églises. En dépit des recommandations visant à assurer, depuis le début du XIIe siècle, une certaine centralité de l’abbaye de Vallombrosa à l’intérieur de la congrégation, en dépit du refus initial de Jean Gualbert de voir ses disciples s’occuper de la gestion de chapelles et d’églises, ces formes de contrôle constituaient, aux XIIe et XIIIe siècles, un pan important de la vie monastique vallombrosaine87. L’abbaye de Coltibuono renvoie à première vue l’image d’une petite institution. Dans les années 1230, ses abbés jouissaient pourtant d’une grande autorité dans le diocèse de Fiesole et au sein même de la congrégation. Ils étaient en droit d’effectuer des visites sur un certain nombre d’abbayes qu’il faudrait idéalement prendre en compte pour envisager, dans sa totalité, les formes de l’influence monastique. Depuis le XIIe siècle, les abbés de Coltibuono contrôlaient ainsi la communauté des moines de la Santissima Trinità de Spineto, dans le diocèse de Chiusi88. Dans le diocèse de Sienne89, l’abbaye disposait, ou avait temporairement disposé, d’une forme d’autorité sur le monastère de Sant’Andrea di Ardenga, à Montalcino90. Sans doute en allait-il de même vis-à-vis de la Badia Nuova de Sienne91. À partir des années 1240, et jusqu’à la fin du XIIIe siècle, les prétentions des abbés de Coltibuono furent d’ailleurs régulièrement contestées par les recteurs de plusieurs paroisses des diocèses de Fiesole, Florence et de Sienne sur la question des dîmes92. On sait que l’abbaye de Montescalari prit aussi le contrôle de la petite église canoniale de San Miniato a Celle. Alors même qu’une importante documentation a été conservée autour de la localité de Varlungo ou Bassirica, aux portes de Florence, les informations concernant l’église de San Pietro in Varlungo dont l’abbaye exerçait encore le patronage à l’Époque Moderne restent assez maigres. Pour Vallombrosa, enfin, une abbaye qui contrôlait plusieurs églises des environs, il est tout aussi difficile de suivre le détail des acquisitions.
3.2.2. Les vallombrosains et la gestion des conflits
19Dans le Valdarno Supérieur et le Chianti, se reconnaissent, à quelques nuances près, les phases mises en évidence dans l’Arétin par J.-P. Delumeau dans le processus qui conduit les institutions monastiques à s’imposer comme d’incontournables institutions seigneuriales93. Dans ce pays marqué dès la fin du XIe siècle par une disparition des grands plaids de justice comtaux et par le recours de plus en plus fréquent à des arbitrages pour régler les conflits, rien de très surprenant à ce que le pouvoir exercé par ces moines ne se soit pas davantage traduit par l’exercice de la justice94. Les abbayes de Coltibuono et Montescalari participaient au règlement des conflits dans le cadre d’une justice de compromis qu’elles étaient loin de maîtriser. Dans le cas de l’abbaye de Vallombrosa, on conserve en revanche les traces d’une basse justice essentiellement destinée à régler les litiges fonciers. Il ne faudrait pas réduire à une vision étroite la façon d’envisager la participation de ces abbayes au processus de déclenchement et de règlement des conflits. Les abbayes vallombrosaines, à l’instar d’autres institutions, participaient aux alliances qui organisaient la vie politique de leur territoire95. Il est probable qu’une partie des biens récupérés par ces abbayes, notamment lorsqu’ils étaient chargés d’une forte valeur symbolique, aient été donnés aux moines à l’occasion de litiges opposant des familles de propriétaires. L’abbaye de Coltibuono avait d’importantes propriétés dans et autour du castello de Lucignano dans le Chianti. Parmi les documents informant sur ce patrimoine, il s’en trouvait un qui n’intéressait pas directement l’abbaye et que les archivistes modernes avaient d’ailleurs jugé sans valeur : une nota bonorum non datée qui donnait le nom des tenanciers, per feudum, d’un laïc, Bernardo di Benno96. Attesté au début du XIIe siècle, ce personnage appartenait à la famille des nepotes Rainerii et possédait de nombreux biens à l’intérieur du castello de Lucignano97. Il est probable que le transfert d’une partie des biens de ce Bernardo di Benno se soit fait à l’occasion du règlement d’un conflit opposant les nepotes Rainerii aux filii Tebaldi98. Moins puissants que les nepotes Rainerii, les filii Tebaldi disposaient tout de même de liens solides avec l’abbaye de Coltibuono et s’étaient distingués par d’importantes donations en faveur du monastère99. Institution de référence pour les deux parties, l’abbaye finit sans doute par récupérer un bien qu’elles s’étaient contesté. S’il n’est guère surprenant de voir les abbayes jouer le rôle d’agent de pacification, ces dernières ne se trouvaient pas nécessairement en position d’arbitres. Bien loin d’exercer la justice sur les campagnes alentours à l’image de certains grands seigneurs ecclésiastiques, les abbés de Coltibuono pouvaient, à l’occasion, se soumettre à l’arbitrage d’une communauté voisine. À la fin du XIIe siècle, dans le cadre d’un conflit les opposant au prêtre de la plebs de San Giovanni di Cavriglia, les moines de Coltibuono et le prêtre avaient ainsi soumis leur cause aux consuls du castello voisin de Montaio100.
20Faire de ce plaid le signe d’une impuissance des vallombrosains à transformer leur position éminente dans le Chianti serait certainement une erreur. L’abbaye de Passignano, certainement plus riche, ancienne et puissante, n’agissait pas différemment et dépendait, pour la résolution de certains conflits, du plaid des consuls de communautés que des sources postérieures font apparaître comme relevant elles-mêmes de la seigneurie abbatiale101. Dans cette minuscule agglomération de Montaio102, à l’image de ce qui se passait dans les plus grandes cités, les consuls agissaient d’abord en qualité de juges tout en représentant très vraisemblablement, une forme d’autorité locale. Ces consuls, Schettino, Papa, Guido, Orlandino et Cittadino, pour avoir des noms et des surnoms suggestifs, ne sont du reste guère connus et les chartes de l’abbaye de Coltibuono sont jusqu’à la fin du XIIe siècle, extrêmement discrètes sur les possessions de l’abbaye dans le castello de Montaio. Les moines participaient, bon gré mal gré, aux logiques d’affrontement qui dépassaient le cadre de leur communauté. Leur intervention, si elle pouvait contribuer à la pacification des conflits, était difficilement neutre et se faisait dans le respect des intérêts de l’institution. Plus au nord, dans la Val d’Ema, un conflit portant sur les confins de Cintoia et de Celle aux XIe et XIIe siècle, illustre ainsi la capacité des abbés de Montescalari à jouer de leur position d’arbitre pour trancher en leur faveur un conflit que la présence de la propriété monastique n’avait peut-être pas contribué à apaiser. Les dernières décennies du XIIe siècle et les premières années du XIIIe siècle furent, comme on le sait, des années de grande conflictualité pour l’Italie centrale et septentrionale. Le Chianti et le Valdarno n’échappèrent pas aux luttes entre opposants et partisans de l’empereur Barberousse. Ce dernier dominait le sud du contado florentin, avec l’érection de l’imposant castello de Semifonte et disposait, tout près de Coltibuono, de la stratégique forteresse de Montegrossi. Des Florentins tenaient pour lui cette rocca qui n’était qu’un lieu parmi d’autres servant la conflictualité endémique de l’Italie communale de cette fin de XIIe siècle. La documentation n’avait pas vocation à conserver une trace de ces conflits dont on aperçoit parfois les effets. Les tensions étaient structurelles dans le contado florentin entre les groupes aristocratiques et étaient alimentées par les pratiques successorales. Les guerres impériales et la présence de plus en plus évidente des communes urbaines ou de communes de moins grandes dimensions n’avaient fait qu’exacerber les tensions. Ce contexte contribue probablement à expliquer la multiplication, à partir de ces années, de ces diffinitiones qui contribuaient à éclaircir en termes territoriaux et exclusifs l’écheveau des patrimoines et des pouvoirs. Un exemple des tensions que pouvait alimenter la proximité des patrimoines monastiques et laïques est offert par la plainte, bien connue, qu’adressèrent dans la décennie 1170 les moines de Coltibuono contre leurs patrons et amis, les Firidolfi103.
21Des violences seigneuriales, ciblées et démonstratives, servaient avant tout à marquer, les contours d’une domination104. Le conflit s’inscrivait certainement dans les luttes plus larges qui opposaient Frédéric Barberousse au pape Alexandre III et aux villes du nord de l’Italie105 ; il n’en portait pas moins sur des intérêts beaucoup plus localisés. Les accusations lancées en la présence de plusieurs abbés de la congrégation vallombrosaine et en présence des évêques de Fiesole et Florence par les moines de Coltibuono étaient précises et circonstanciées. Les religieux énuméraient une liste impressionnante de méfaits qui avaient visé, précisaient-ils, à instiller la terreur et à les faire fuir de leur abbaye pour se réfugier à Sienne. Maintes fois étudiée, la querimonia fait état d’une violence ciblée visant autant à humilier les moines et leurs intermédiaires qu’à miner les bases de leur puissance seigneuriale. À Montegrossi, le castello dont la tour servait de point d’ancrage à la puissance impériale, Spinello di Malapresa avait chassé le clerc desservant l’église locale, l’un des frères de Coltibuono qui avait protesté et avait été frappé. Les biens d’un clerc avaient été saisis. Des hommes de main – menés par un scutiferus et un villanus – s’en étaient pris à ceux qui représentaient localement l’autorité des moines de Coltibuono : on avait attaqué le cellerier de l’abbaye ; on avait coupé la barbe d’un frère convers106 ; un autre avait été roué de coups. Un certain Giovanni Arrone, ou Marrone, avait été la cible d’une agression fortement mise en scène : lié et promené sur une longue distance – une punition démonstrative – il avait reçu des coups de la poignée d’une épée. Comme le note Alessio Fiore, ces violences publiques étaient destinées à exprimer les rapports de force locaux ou correspondaient, tout au moins, à l’idée que s’en faisaient leurs107. L’agression était démonstrative, publique en quelque sorte, mais maîtrisée. Elle ne visait pas seulement les hommes, mais aussi les ressources économiques qui n’avaient pas été épargnées. Un moulin géré par un ministérial de l’abbaye avait été détruit. Le forgeron de l’abbaye (faber) n’avait pas été remboursé de ses dettes. Les œufs et le fromage conservés dans une curtis de l’abbaye avaient été laissés aux chiens du seigneur. Les Firidolfi et leurs hommes avaient saisi le froment du champ d’un certain Salomone108 et avaient emporté deux tonneaux de vin109. Ces violences, selon la querimonia des moines, avaient un objectif : contraindre les frères convers à jurer les mandata des seigneurs de Montegrossi. Il s’agissait vraisemblablement d’arracher aux dépendants de l’abbaye un serment par lequel ils auraient reconnu l’autorité de l’empereur, du Pape soutenu par celui-ci et des seigneurs laïques qui défendaient l’honneur de l’empire110. Dans toute cette affaire, les liens unissant les Firidolfi aux moines n’avaient pas été oubliés. Les moines accusaient les fils de Malapresa de vouloir revenir sur les donations faites au XIIe siècle par leurs ancêtres111. On pourrait voir dans la prose des moines de Coltibuono le signe que les méfaits des Firidolfi s’inscrivaient dans le cadre d’une lutte entre deux légitimités seigneuriales. Ils s’en étaient pris spécifiquement aux représentants du pouvoir monastique en évitant, si possible, de lever la main sur les moines eux-mêmes, mais sans épargner les frères convers. L’épisode de la barbe taillée à l’un des frères convers est de ce point de vue assez révélateur de la volonté de ridiculiser l’individu et de s’en prendre à un attribut qui marquait très vraisemblablement son statut aux yeux de ses voisins. Les fils de Malapresa ne s’en étaient pas pris qu’aux symboles du pouvoir, ils avaient aussi opéré des destructions sur les leviers du prélèvement seigneurial, en saccageant un moulin et les provisions de deux curtes. Ce que les moines décrivaient comme une rapine pouvait, aux yeux des seigneurs de Montegrossi, passer pour des saisies de biens qui leur revenaient de droit. En laissant ses chiens dévorer les réserves des moines, Spinello di Malapresa ne semait pas une terreur aveugle et agissait à l’inverse d’un voleur. Rien d’inédit dans tout ceci, et l’on retrouve, dans tout l’Occident des XIe et XIIe siècles, des conflits opposant moines et seigneurs faisant se succéder voies de fait et plaintes112. Dans ce processus, les moines et les seigneurs n’agissaient pas seuls. L’action n’avait de sens que parce qu’elle visait un ensemble de spectateurs, certains passifs d’autres pleinement impliqués. C’était le cas des scutiferi et des villani qui accompagnaient les Firidolfi. C’était aussi celui des frères convers dépendants de l’abbaye. Les subalternes étaient à la fois protagonistes, victimes et constituaient en même temps l’un des enjeux de ce petit drame113.
22La documentation qui montre les églises dans la situation de victimes ne doit pas faire perdre de vue les armes dont les moines disposent eux-mêmes. Les moines ne pouvaient n’avoir eu aucune part aux conflits plus localisés qui opposaient dans les mêmes années les Firidolfi à une famille montante de l’aristocratie. En 1167, à l’époque des triomphes impériaux, Frédéric Barberousse avait ordonné à Christian de Mayence de faire remettre à son fidèle Ranieri de Ricasoli, des Firidolfi, les castelli de Campi et Tornano. Situées sur les confins méridionaux du Chianti ces deux places étaient aux mains de Guarnellotto, lié par sa mère aux nepotes Rainerii114, et qui s’était distingué en faisant arrêter et frapper Trotta Minutu, messager de l’antipape Calixte III115. Les liens de la parentèle de Guarnellotto avec l’abbaye de Coltibuono remontaient au moins aux premières décennies du XIIe siècle116 et l’attaque des Firidolfi contre Coltibuono aurait fort bien pu s’insérer dans le cadre de représailles exercées contre les ennemis de l’empereur117. On ignore, dans cette affaire, la nature des liens unissant les Florentins au représentant impérial du castello de Montegrossi, un certain Sanzanome, connu comme une figure d’autorité du comté florentin de ces mêmes années118. Les Annales rapportaient la destruction de cette forteresse en 1172 : sans doute les moines de Coltibuono avaient-ils trouvé chez les Florentins une oreille attentive à leurs plaintes119. Reste que l’influence des moines de Coltibuono, pour ce que l’on en sait, semble avoir toujours fortement dépendu de l’équilibre local des pouvoirs, dans un jeu social et politique laissant le champ libre aux notables ruraux. Cette situation était sans doute commune dans les pays de collines du territoire florentin. Il en allait sans doute autrement dans les environs des seigneuries les plus fortes, comme dans la Val di Pesa aux alentours de Passignano120, ou encore dans les montagnes du Pratomagno, dans les castelli dominés par l’abbaye de Vallombrosa.
3.2.3. Santa Maria di Vallombrosa : une seigneurie conquérante
23L’élevage pastoral suppose une organisation et une coordination des efforts qui peut permettre à un pouvoir de prendre l’ascendant. Dans la Savoie étudiée par N. Carrier, les moines n’avaient pas été les initiateurs des défrichements permettant l’exploitation extensive des terres d’altitude121. Leur arrivée s’accompagna cependant d’une mise en valeur accrue et plus systématiques des alpes. En s’installant sur le Pratomagno, le « Grand Pré », les moines vallombrosains trouvèrent sans doute un paysage déjà mis en valeur, avec des espaces ouverts se distinguant de la forêt où avait été fondée la première église de l’ordre, en 1039. Les actes des XIIe et XIIIe siècles attestent, dans tous les cas, d’une mise en valeur concertée de ces espaces montagnards ; les moines vallombrosains jouant un rôle d’encadrement et de coordination qui semble avoir été globalement accepté. La tradition hagiographique faisait de Jean Gualbert le protecteur des populations et des troupeaux de montagne. Certains des récits de miracles avaient pour objet le rapport du saint avec la population des éleveurs122. Le saint avait assuré la protection des rustici des alentours, guérissant un enfant malade. Près de l’abbaye de Razzuolo, dans les montagnes au Nord de Florence, il avait protégé le bétail et aidé un berger à tuer l’ours qui dévastait les troupeaux. Sur le temps long, ce récit de la triste mise à mort du roi des animaux participait au processus de désacralisation de la figure animale mis en évidence par Michel Pastoureau123, ce topos hagiographique s’inscrivait en même temps dans un nouveau dessin des rapports politiques. Le saint protégeait les alpages contre les fauves, mais il commandait aux hommes et attendait des contreparties. Un autre récit était édifiant. Avisant des vaches grasses qui paissaient sur les alpes, Jean Gualbert avait prié saint Paul de lui en offrir une pour nourrir les pauvres. La prière fut exaucée et la bête abattue124. Le miracle se répétant à plusieurs reprises, les bergers commencèrent à se faire menaçants. Jean Gualbert, en réponse, leur assura qu’en échange de ce prélèvement, la protection des saints s’étendrait désormais à tout le troupeau. Il serait intéressant de savoir à qui ces récits étaient exactement destinés. Sans doute n’étaient-ils pas destinés à demeurer dans l’enceinte du cloître. Au XIIe siècle, les frères convers étaient les principales autorités des alpes et de leurs usages. L’abbaye décidait au-delà de ses propriétés directes et le grand pré constituait un enjeu de taille dans les rapports entre les communautés laïques et la communauté monastique du Pratomagno125. Signe qu’il s’agissait d’une prérogative distinctive, on associait à la possession des murs d’un des castelli de Magnale et de Ristonchi, le droit d’exercer une forme de contrôle sur le pré126. Entre 1150 et 1152, dans le cadre d’un accord entre l’abbaye et plusieurs habitants du castello voisin de Monte di Croce, dominé par les comtes Guidi, l’abbaye récupéra plusieurs droits sur le castello de Magnale, avec des droits sur le castrum et d’autres sur le cultus et sur les alpes : et in alpe et in culto127. Les alpages étaient appropriés, leur usage demeurait commun et concerté. À la différence de ce qui se passait pour d’autres terres, les limites entre les parcelles pouvaient être changeantes. En 1184, Orlando di Giratto renonçait solennellement à sa part de trois parcelles du pré du Monte Secchieta, situé près de l’abbaye128. Ces trois parcelles étaient situées à différentes hauteurs et entourées par les terres d’autres possessores laïques et par les terres de l’abbaye. Ces terres étaient dites ad latus mutandum ; une expression qui renvoyait certainement à un processus de redéfinition périodique des limites. L’existence de ces communs, loin d’empêcher le développement de la seigneurie sur le Pratomagno fut sans doute l’occasion d’un développement du dominium monastique129. La présence de ces terres communes explique sans doute l’omniprésence, dans les sources de l’abbaye, de frères convers, portant le titre de massarii, et qui agissaient à tous les niveaux des petites sociétés entourant le cloître des vallombrosains.
24En 1168, à Magnale, dans le cadre du règlement d’un conflit qui avait opposé Renuccino di Orlando au faber Martino, quinze habitants du castello de Magnale, tous tenanciers de l’abbaye, menés par Broncio et un dénommé Magnale, s’étaient collectivement engagés à accomplir les servitia dus au camérier de l’abbaye130. La surveillance de la bonne exécution de ce serment était confiée à un vicomte, un vicecomes, dont c’était la première mention, susceptible, en cas de manquement, de saisir les récoltes de certaines parcelles dont les tenanciers avaient dû donner les limites précises131. C’était à la même époque, à la fin du XIIe siècle, qu’on trouvait, dans cette documentation, les premières mentions de dépendants, des homines et colonos atque sedentes s’engageant à payer leurs loyers et susceptibles d’être vendus ou échangés en même temps que leur exploitation132. Ce fut probablement à la fin du XIIe siècle, à une époque marquée par l’appesantissement du contrôle sur les dépendants, qu’on vit se développer une basse justice confiée aux vicomtes et aux frères convers de l’abbaye. On peut ici s’arrêter sur le rôle justicier d’un des frères convers de l’abbaye : le massarius de Palco. Le terme de massarius renvoyait, au XIIe siècle, à une fonction d’encadrement d’une curtis monastique et ces massarii étaient recrutés parmi les frères convers. De la fin du XIIe au début du XIIIe siècle, celui que les sources désignaient comme le massarius de Palco détenait, autour de Vallombrosa, l’essentiel de l’autorité sur les hommes du castello de Magnale. En 1181, Broncio, Magnale et d’autres hommes du castello eurent à traiter d’une cause entre l’abbaye de Vallombrosa et les descendants d’Orlandino. À l’issue de cet arbitrage, offrant un espace aux hommes de Magnale qui agissaient comme laudatores, il fut décidé qu’une amende de 100 sous serait versée au massarius de Palco133. Dans les mêmes années, l’accord de ce massarius était susceptible de peser sur toute transaction portant sur des maisons du castello de Magnale134. Un texte remontant au milieu du XIIIe siècle, mais susceptible d’avoir subi des interpolations tardives offre une image très étendue des prérogatives de cet agent seigneurial dans le domaine de la basse justice135. L’une des figures les mieux documentées s’appelait Carnelevare. Actif entre 1191 et 1222, il fut chargé de surveiller les transferts fonciers opérés par les tenanciers de l’abbaye dans la curtis de Magnale136. Il était fréquemment témoin des transactions foncières de l’abbaye137 et apparaissait souvent comme le bénéficiaire immédiat des acquisitions138. C’était sur lui que reposait la surveillance des loyers et l’abbé lui-même n’agissait, dans ces domaines, qu’avec l’accord et le conseil de ce massarius139. Cette figure locale n’était pas dénuée de prestige. En 1213, il fut désigné comme arbitre, avec d’autres ecclésiastiques, d’une controverse opposant les abbés de Ripoli et de Vallombrosa140. Dans ces années, l’abbaye de Vallombrosa semble avoir fonctionné sur le schéma assez classique d’une seigneurie disposant sur ses dépendants de la basse justice. Elle suivait là un processus d’institutionnalisation des seigneuries ecclésiastiques bien mis en évidence par T. Casini qui souligne, à juste titre, le rôle joué par la commune florentine dans cette phase de développement de la puissance seigneuriale141. L’action des abbés de Vallombrosa ne se cantonnait pas à ces opérations de basse justice. Les montagnes du Pratomagno n’échappaient pas à la conflictualité ambiante. C’est d’ailleurs dans les archives de l’abbaye de Vallombrosa que l’on trouve l’une des références les plus explicites à une guerre locale, une werra142. Ces conflits qui déchiraient habituellement les campagnes de l’Italie centrale s’inséraient généralement dans des conflagrations plus importantes. Les conséquences de ces guerres sur les structures des habitats et sur la démographie furent sans doute limitées143. Pour ceux qui en étaient les acteurs et les victimes, il en allait tout autrement. La violence endémique que ces guerres alimentaient participait à la redéfinition des hiérarchies sociales en distinguant des autres, ceux, visiblement nombreux, qui s’arrogeaient le droit d’exercer la violence144.
25La documentation révèle la participation des abbés de Vallombrosa à l’exercice de cette violence. Il est certain, comme le note A. Fiore, qu’on ne saurait trouver, dans ces « querimoniae monastiques (ou religieuses) visant de puissants laïcs, le souvenir des actes de violence perpétrés par les moines eux-mêmes contre leurs ennemis145 ». On sait ainsi qu’en 1146, en réparation des torts qu’il avait fait subir à l’abbaye, Villo di Rolandino Guineldi, de la famille des Finigueldi, avait cédé à l’abbé de Vallombrosa toutes les terres, vignes, les biens et les commendationes qu’il avait acquis sur la curtis et le castello de Magnale au début de la guerre contre Rodolfino di Carboncello146. Dans un acte émanant de l’entourage des Guidi da Battifolle, le notaire s’était référé à une guerre menée par les comtes contre la militia du Casentino147. L’un des documents qui illustre le mieux les petits conflits qui ensanglantaient ces montagnes est une composition entre l’abbaye de Vallombrosa et les filii Liccesis148. En janvier 1218, un accord avait été trouvé entre ces derniers et le frère convers Morello, procurateur de l’abbaye de Vallombrosa149. Il s’agissait d’un acte par lequel les filii Liccesis renonçaient, contre une compensation de 16 livres, en deniers de Pise, à toutes représailles contre l’abbaye de Vallombrosa et les hommes de Magnale. Cet acte mettait un terme à la guerre qu’avaient menée l’abbé Benigno et les homines de Magnale contre le monastère de Sant’Ilario et les homines de ce dernier et qui s’était soldée par la mort d’un certain Rustichello di Chiavello de Fontisterra150. Figure connue et respectable, il s’agissait d’un magister qui avait été capable, des années auparavant, d’établir les conditions d’une composition entre deux autres parties. Cette guerre trouvait paradoxalement son origine dans les liens étroits qui unissaient les filii Liccesis à l’abbaye. Au début de l’année 1172, Liccese di Orlandino di Frugerio et son épouse Jubergana avaient vendu à l’abbé Jacopo de Vallombrosa, l’ensemble de leurs droits sur le castello et la cour de Ristonchi. Les propriétés dépendant du castello de Ristonchi s’étendaient sur le territoire de quelques paroisses de la rive droite de l’Arno. La vente comprenait une partie de ces alpages, si difficiles à délimiter et qu’on décrivait en termes quantitatifs, avec lesquels on cédait, en bloc, un ensemble de droits sur le castello, les différentes curtes, les droits de patronage sur les églises et l’ensemble des redevances seigneuriales151. Dans l’investiture qui suivait la vente, le notaire avait relevé l’exclusion de ce que les filii Liccesis tenaient en fief de Renuccino del Monaco, dans le castello de Ristonchi ainsi que celle des loyers qu’eux-mêmes possédaient sur une villa. La vente situait Liccese et son épouse Jubergana au niveau des seigneurs dont les transactions avaient des conséquences pour une communauté étendue. Des témoins de qualité entouraient les époux : les quatre « consuls » de Leccio, dont l’un au moins était originaire de Ristonchi ; cinq autres boni homines152. Difficile, dans cette partie du Valdarno, de tracer une ligne de rupture nette entre la seigneurie et la commune. Il s’agissait de deux facettes d’une même réalité, celle d’un pouvoir exercé dans les deux cas par un milieu militarisé et engagé dans d’autres réseaux de fidélité. Les consuls ne figuraient pas en qualité de simples témoins, ils avaient reçu une part, certes minime, du prix de vente : cinq sous plus précisément ; autant que Jubergana153 ! La vente de 1172 préparait une organisation plus hiérarchisée de la possession sur le castello de Ristonchi : l’abbaye devenait propriétaire des droits sur le castello et dominait théoriquement la communauté de ses habitants. Liccese continuait toutefois de détenir des terres en livello, et la vente de ses droits sur Ristonchi n’avait pas éteint les liens qu’il entretenait avec le castello montagnard154.
26Avant la guerre de 1218, Liccese di Orlandino et ses fils paraissent avoir entretenu de bonnes relations avec les abbés de Vallombrosa. En 1201, ils étaient présents comme témoins d’une transaction entre les abbayes de Vallombrosa et de Tagliafuni155. Quelques années plus tard, Liccese participait en personne au règlement d’un conflit entre les moines de Vallombrosa et des exploitants du Pratomagno156. Liccese di Orlandino se définissait lui-même comme l’un des fideles de l’abbaye voisine de Sant’Ilario. Lors d’un procès tenu à Florence, les moines de Vallombrosa avaient obtenu la confirmation des corvées dues par certains de leurs coloni. À cette occasion, Liccese di Orlandino et sa seconde épouse Berta renoncèrent, en même temps que leurs fils, aux droits qu’ils pouvaient exercer sur ces terres et ces mêmes dépendants157. C’était dans le cadre de cette transaction qu’il avait dû préciser la nature de ses liens avec l’abbesse de Sant’Ilario158. Agnese, abbesse de Sant’Ilario renonçait aux droits sur Gianni Peccatore et son fils Truffetto ainsi que sur leur fief. Liccese di Orlandino était sans doute bénéficiaire des redevances ; en compensation, les moines vallombrosains lui avaient offert des droits sur un dénommé Lambardo de Cetina de la cour de Ristonchi. Loin d’être éteints, les liens des filii Liccesis avec le castello de Ristonchi continuaient de s’approfondir. La petite guerre de 1218 entre Sant’Ilario et Vallombrosa s’inscrivait dans le contexte des conflits opposant fréquemment les détenteurs de pouvoirs seigneuriaux. L’omniprésence des conflits internes aux milieux citadins de la fin du XIIe siècle aux premières décennies du XIIIe siècle avait son équivalent dans les petits castelli du Pratomagno159. En ce début du XIIIe siècle, les abbayes de Vallombrosa, Montescalari et Coltibuono pouvaient, dans tous les cas, apparaître comme d’importants pôles de la vie politique et sociale des campagnes florentines. Sans être les principaux maîtres des castelli et des curtes du Chianti, du Valdarno Supérieur et du Pratomagno, les moines vallombrosains n’en participaient pas moins à l’ordre politique. En ce siècle, il leur fallait toutefois compter avec le pouvoir croissant de la commune citadine qui commençait à se définir dans ses contours territoriaux160.
3.3. De l’Empire à l’État florentin
27La documentation rend sensible une évolution politique plus large qui affecte peu à peu la façon dont le pouvoir s’exerce et s’exprime localement. La Toscane était terre d’empire et l’empereur demeurait, aux côtés du Pape ou contre ce dernier, une figure de la définition des hiérarchies légitimes. Dès la fin du XIe siècle, il arrivait que des notaires actifs dans des parties reculées du comitatus florentin se déclarassent notaires « de l’empereur161 », cette titulature devint toutefois plus fréquente dans les dernières décennies du XIIe siècle, notamment dans les années 1180162. Ces références plus ou moins précises à la personne de l’empereur, à la cour ou à l’auctoritas impériales soulèvent nombre d’interrogations163. Elles rappellent toutefois que l’ordre émanant de l’empereur, cet « unique principe164 », loin d’être une abstraction, intervient dans des actes du quotidien à la fin du XIIe siècle.
3.3.1. Des pouvoirs territorialisés
28Comme l’écrit F. Menant, « l’époque où l’empreinte impériale s’efface en Italie est précisément celle où se développe un système de références politiques fondé sur l’attachement à l’empire ou à la papauté165 ». Dans l’histoire des rapports entre l’empire et les villes d’Italie, la Toscane se distingue toutefois. Les politiques de l’empereur Frédéric Ier Barberousse (roi de 1152 à 1190) et de son fils Henri VI (1190-1197) y rencontrèrent moins d’opposition qu’au nord et les guerres s’accompagnèrent de violences moindres à celles déployées dans la lutte contre la Ligue lombarde166. Cette période n’en fut pas moins marquée par une transformation remarquable des rapports hiérarchiques classiques167 : l’effort de rétablissement de l’autorité impériale accentua et accéléra probablement la transformation qui touchait alors les conceptions et les expressions locales du pouvoir168. Les diplômes concédés par l’empereur à des membres de la haute aristocratie ou aux représentants des communes urbaines, dans les années 1160, révèlent la conception d’un pouvoir plus fermement ancré dans un territoire, mieux borné et plus institutionnalisé169. Dans ces décennies, l’empire n’était pas une autorité lointaine ; si l’empereur n’était pas toujours présent physiquement, légats – Rainald de Dassel et Christian Buch170 – et officiers subalternes – Amstgrafen et castellani, devenus nombreux dans les années 1180-1190 171– y eurent une action durable. Les actes de cette fin de siècle témoignent de la présence de l’empire et de ses représentants dans les transactions du quotidien172. Au lendemain de la Paix de Constance (1183), les acteurs pouvant se targuer d’une légitimité impériale s’étaient multipliés.
29C’est le sentiment que laissent certains témoignages de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle. Vers 1203-1204, une enquête avait été menée dans le cadre d’une dispute opposant le comte Guido VII Guerra à la Commune de Florence à propos du patronage de l’abbaye féminine de Santa Maria di Rosano173. Il s’agissait de savoir qui décidait de la nomination de l’abbesse et surtout de déterminer qui avait droit de demander le datium aux moniales. L’un des témoins, favorable aux comtes, affirmait le droit des Guidi puisqu’il avait entendu dire « que le comte Guido avait protégé le monastère de tous ses opposants à savoir du châtelain de Montegrossi, des autres Allemands et des Florentins174 ». Agnese, l’une des moniales de Rosano – elles-mêmes divisées – prenait le parti du comte en rappelant que ce dernier les avait libérées des consuls de Florence, parmi lesquels elle ne connaissait qu’Uberto di Bernardo degli Adimari, venus « pour exiger le datium et la libra175 ». Quelques années plus tard, depuis les collines du Chianti qui marquaient la limite méridionale du comté de Florence, l’abbé Ugo demandait à l’empereur Otton IV d’accorder sa protection aux moines de Coltibuono et d’empêcher « qu’aucune commune, aucune cité ou qu’aucune personne grande ou petite, pourvue de charge ou privée, qu’aucun duc ou marquis176 » n’exigeât de paiement. Il s’agissait de défendre une richesse humaine et foncière – les moulins et les colons dépendant du monastère étaient cités en premier – contre l’appétit d’une foule bigarrée de potentes. Adressée à l’empereur, à l’occasion de son passage en Toscane, la requête fut, semble-t-il, sans effet177 ; par la suite, le malheureux candidat guelfe au trône impérial devait se révéler bien incapable de porter secours à une abbaye italienne. Au début du Duecento, l’abbé de Coltibuono se voyait comme le garant d’un patrimoine constitué inséparablement de biens matériels et d’hommes – une familia étendue de la communauté des moines jusqu’aux coloni – et attendait la protection de l’empereur face aux exigences fiscales de ses puissants voisins. Les abbés avaient autant à craindre de l’instabilité politique et du chevauchement des prérogatives que de la fiscalité elle-même. Le décès d’Henri VI et la constitution de la Ligue de San Genesio (1197) mirent fin à la tentative de « restauration souabe »178. Si la politique Frédéric Barberousse et de son fils avait localement visé à assurer le passage des troupes impériales à travers les Alpes et dans les territoires de l’Italie centrale179, elle eut pour conséquence la mise en place accélérée d’un cadre politique structurant, pour plusieurs décennies, les oppositions politiques et définissant en même temps les modalités du contrôle territorial180. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’on décèle, dans les diffinitiones de cette époque, un souci plus marqué de distinguer localement les droits, les propriétés et le pouvoir de chacun181. Ce sont en effet des procédures mobilisant en nombre les hommes et les femmes – les auditions de témoins182 ou encore les serments collectifs – que les pouvoirs concurrents semblent privilégier pour forger des compromis183. L’enquête était, au Moyen Âge, un outil de gouvernement et l’instrument d’une mise en scène du consentement184, et permettait aux populations dominées d’intervenir dans le jeu politique185 ; dans l’enquête diligentée par le Pape Alexandre III pour déterminer les limites des diocèses d’Arezzo et de Sienne, la parole d’un individu travaillant aux champs pouvait être prise en compte en même temps que celle des puissants186. Ces procédures servaient à la prise en main des communautés par de nouveaux pouvoirs politiques et participaient à la création de nouveaux territoires187.
3.3.2. L’influence des grandes seigneuries laïques
30On a jusqu’ici considéré la place des seigneuries monastiques de Vallombrosa, Montescalari et Coltibuono sans envisager d’autres constructions politiques. Les chartes du Diplomatico ont été essentiellement transmises par des seigneuries ecclésiastiques et offrent peu d’informations sur les pouvoirs laïques qui comptent pourtant tout autant au XIIIe siècle. La puissance atteinte par les comtes Guidi à la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle a cependant laissé assez de traces pour que le rôle d’encadrement de leur vaste seigneurie soit rappelé ici. En 1164, l’empereur Frédéric Ier avait reconnu au comte Guido VII dei Guidi une confirmation du dominium qu’il exerçait sur une vaste portion du comté de Florence, sur le territoire de Pistoia et sur les Appennins, le document mentionnait, entre autres possessions, de nombreux castelli du territoire florentin188. On trouvait, entre autres localités, le nom des villages fortifiés de Ristonchi, de Magnale cum curte sua, celui d’Altomena près de Vallombrosa ainsi que les castelli de Barbischio, Montaio, Montegonzi, Ricasoli, pour moitié, et de Montevarchi dans le Chianti et le Valdarno Supérieur. Ce privilège ne donne pas une photographie du pouvoir exercé réellement par les Guidi, mais donne une idée assez nette de leurs prétentions et de l’influence exercée par les comtes au milieu des années 1160. En 1164, ils maîtrisaient théoriquement la route reliant Florence à Sienne et Arezzo et laissaient aux seigneurs locaux – les filii Truti, les Firidolfi/Ricasoli dans le Chianti – le contrôle de localités moins stratégiques, dans l’ombre des comtes et de l’empereur. L’épisode des violences faites par les Firidolfi/Ricasoli aux moines de Coltibuono et, à l’arrière-plan, les luttes d’influence opposant probablement ces mêmes Firidolfi aux filii Truti rappellent le caractère relatif de l’ordre impérial et c’est à la lumière de tels épisodes qu’il faut considérer la prise réelle des comtes sur les communautés du Chianti, du Valdarno Supérieur et du Pratomagno. Le diplôme reflète toutefois un projet cohérent de mise en ordre du territoire et renvoie sans doute l’écho fidèle de l’ambition des comtes189.
31Les dépositions de témoins enregistrées lors de la dispute opposant Florentins et Guidi pour le contrôle de l’abbaye de Rosano apportent de nouvelles informations et offrent l’image d’un pouvoir basé sur des liens de fidélité et de dépendance qui semblent se croiser sans former de structures hiérarchiques clairement identifiées190. Les conflits révèlent toutefois, aux yeux des historiens, la capacité des acteurs politiques à dessiner et discuter les fondements de l’ordre qu’ils jugent légitime. Pour affermir les prétentions des comtes sur l’abbaye, leurs partisans martelaient que le monastère avait été fondé sur un terrain appartenant directement aux comtes Guidi : Menco de Romena – « homme » des Guidi en vertu d’un serment de fidélité – avait ainsi entendu dire, à la mort du comte Guido VI († 1154), que le monastère de Rosano avait été construit sur son allodium191. Dans ces mêmes années, les comtes Guidi, en concurrence avec le pouvoir croissant des Florentins, avaient développé une hiérarchie assez précise les unissant par degré aux communautés qui leur étaient soumises. Dans le Valdarno Supérieur, Marco Bicchierai souligne ainsi l’habitude qu’avaient les comtes de se faire représenter sur place par un vicomte192. La Commune florentine, loin d’abolir les pratiques du gouvernement souabe ou héritées des seigneurs laïcs, tendit à les laisser en place et à les reprendre à son compte, en rigidifiant et en affermissant les contours d’un pouvoir qui avait été pensé en des termes plus personnels. En 1236, alors que le pouvoir florentin était désormais mieux assuré dans le Chianti et que la Commune y disposait de relais directs, la seigneurie des Guidi continuait formellement de s’y exercer : ce n’était pas un représentant de Florence, mais du vicomte Guido qui avait été chargé de présider une diffinitio de terres menées par des représentants de l’abbaye193. Dans les années 1260, une partie des territoires entourant la même abbaye dépendaient encore du comte Simone dei Guidi194 et de son vicomte, à l’intérieur d’un territoire défini comme la villa de l’Arno195. Le pouvoir dont le comte Simone da Battifolle hérita au lendemain de sa victoire contre les Guelfes et le Popolo de Florence était une réalité que la Commune florentine avait profondément transformée et redéfinie196. Non loin de là, dans la Valdambra arétine, les Guidi étaient maîtres d’une vicomté bien administrée197 et qui se présentait, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, comme le résultat d’un compromis avec la Commune d’Arezzo : une réalité institutionnelle relativement neuve dans les faits, appuyée sur une mince base foncière et subissant la concurrence directe de la commune198. De même dans le Valdarno, ce ne fut que par à-coups que les Guidi renoncèrent peu à peu aux centres majeurs de leur seigneurie. En 1254, à l’occasion d’une division, les fils de Guido Guerra III vendaient à Florence le gros castello de Montevarchi, siège d’une vicomté et important nœud de communication de la vallée de l’Arno199. Dans l’histoire de leur passage d’un ordre dominé par la figure lointaine de l’empereur à la constitution d’un État dominé par la cité, les seigneuries rurales du comté de Florence durent sans doute passer par une domination laïque moins connue, mais sans doute influente au XIIIe siècle.
3.3.3. Vallombrosa : une seigneurie administrée
32À Vallombrosa, des intermédiaires seigneuriaux portant le titre de vicomtes sont particulièrement présents au XIIIe siècle, dans un rôle qui fait songer à ce qui s’observe dans la seigneurie des Guidi. À la différence de ce qui s’observe à Coltibuono ou Montescalari, abbayes moyennes du contado florentin, Santa Maria di Vallombrosa jouissait de l’immunité que lui avaient reconnue plusieurs empereurs200. Si aucun document du XIIIe siècle n’atteste de la mainmise directe des Florentins sur le puissant monastère, l’influence de ces derniers est évidente dans le choix du vicomte de Magnale, influent intermédiaire dont F. Salvestrini fait avec raison une figure clef des relations de la seigneurie abbatiale avec la commune florentine201. Depuis la fin du XIIe siècle, les abbés disposaient d’un officier les représentant dans leurs relations avec les hommes des castelli de Magnale et de Ristonchi. La première mention de ce viscunte remonte à 1168 sans que ses attributions soient connues et sans qu’il soit possible de rattacher ce dernier à l’une des grandes parentèles du Valdarno Supérieur202. Figure d’autorité, ce vicomte apparaît d’abord comme l’un des officiers subordonnés à l’abbé de Vallombrosa. Dans ces mêmes années, l’officier le plus actif était toutefois le « massarius de Palco », agent seigneurial recruté parmi les frères convers qui se chargeait des conflits que suscitaient les exigences de l’abbé. Si un document de 1209 faisait ainsi apparaître le vicomte Ottaviano da Quona, membre d’une grande parentèle aristocratique, c’était comme témoin d’une renonciation faite au profit du frère convers Benincasa, massarius de Palco203. Les vicomtes intervenaient pour affermir l’autorité de l’abbaye sur les communautés de Magnale ou de Ristonchi. Il s’agissait de laïcs, extérieurs à la communauté et à la familia des moines, mais servant officiellement à relayer l’autorité de ces derniers. C’est du moins ce que laissent penser les instrumenta electionis qui ont été conservés. Par le premier de ces actes connus, daté de 1226204, l’abbé don Benigno et Ruggero da Quona s’accordaient sur la vicomté des castelli de Magnale, Ristonchi et Altomena. On ignore ce qu’était exactement la tâche du vicomte ; il est assuré qu’il obtenait la moitié des amendes levées par les représentants de l’abbaye sur les homines et les coloni de ces différentes communautés. Cet accord, qui en rappelait de plus traditionnels liant une abbaye à son vidame, permettait de formaliser une forme de coseigneurie à un moment de renégociation des assises patrimoniales205. C’était, dans le même temps, une porte ouverte à l’influence florentine : les da Quona avaient bâti leur pouvoir dans le voisinage de Florence et étaient liés aux consuls de la Commune206. Quelques années plus tard, la vicomté fut attribuée à Schiatta di Uberto des Ubertini207, dans des conditions très favorables à ce dernier et qui confirmaient les liens entre Florence et l’abbaye. la scène s’était déroulée à Florence, au parloir du monastère de San Salvi où don Benigno avait concédé à Schiatta di Uberto « la vicomté des castelli, hommes et colons du monastère dans tout le districtus de Florence208 ». Cette vicomté, attribuée pour un an, consistait moins en un territoire qu’en un ensemble de droits sur les hommes des castelli de Ristonchi, Magnale et Altomena. Craignant sans doute son influence sur leurs dépendants, l’abbé et le chapitre avaient en revanche interdit à Schiatta di Uberto de profiter de sa position pour forcer les dépendants de l’abbaye à entrer dans sa fidélité209, tout en l’autorisant à percevoir ce qui relevait du ban de l’abbé. Les Ubertini n’étaient pas seuls à occuper la vicomté ; au gré des fluctuations politiques, les bénéficiaires pouvaient changer. En 1232, la charge échut ainsi à Ottaviano Acerbi, membre d’une parentèle à la fois liée au groupe consulaire florentin et qui avait tissé des liens avec l’abbaye de Vallombrosa210. Parmi les principaux bénéficiaires, il faut relever la place occupée par les da Quona, petits seigneurs d’un castello des environs, liés aussi bien aux Guidi qu’à Florence et tout disposés à se charger des relations lucratives entre Florence et la puissante abbaye211. En 1226, 1227 et en 1235, Ruggero puis Filippo da Quona furent ainsi vicomtes des castelli dépendants de l’abbaye de Vallombrosa212.
33Ces élections, comme le suppose F. Salvestrini, représentaient sans doute une forme de compromis entre le monastère de Vallombrosa, l’aristocratie locale et la Commune de Florence qui disposait ainsi d’un droit de regard indirect sur les populations dépendantes des abbés. Quelles étaient concrètement les obligations des vicomtes ? On ne voit guère ces derniers en action, on constate simplement l’intérêt de deux grandes parentèles pour une fonction qu’on devine lucrative213. Il n’y avait du reste rien d’étonnant à ce que de bons représentants de la militia florentine s’attribuassent ainsi une source de prestige et de revenus en s’appuyant d’une part sur les liens traditionnels qui les unissaient à l’institution monastique – les Ubertini et les da Quona étant originaires des territoires situés de part et d’autre de l’Arno, à la confluence avec la Sieve – et en utilisant d’autre part toutes les ressources que pouvait leur conférer la participation au gouvernement de Florence. Lorsqu’on considère la documentation d’empreinte seigneuriale produite et conservée par l’abbaye au XIIIe siècle, la présence constante des Florentins est sensible. Le développement de seigneuries rurales aux assises territoriales bien définies se faisait sans grande contradiction avec le nouvel ordre qui s’installait peu à peu depuis Florence. À s’en tenir à cette documentation : la seigneurie exercée par les abbés de Vallombrosa sur les castelli de Magnale, Ristonchi et Altomena semblerait figée dans d’immuables procédures. Élections de vicomtes et serments collectifs se répétèrent ainsi assez régulièrement au cours du Duecento ; témoignage du développement d’une nouvelle culture seigneuriale dans l’ombre de Florence.
34Les serments collectifs sont l’un des rituels les mieux documentés au XIIIe siècle : on conserve dix-huit documents, assez imposants dans leur forme, et qui reprennent souvent les mêmes termes et émanent des homines des castelli et des cours dépendant directement de l’abbaye à Magnale et Ristonchi. L’une des attestations les plus anciennes d’un serment prêté collectivement par un petit groupe de dépendants remontait ainsi à l’année 1219214. À Magnale, devant le porticus de Palco, en présence de deux prêtres, le massarius Carnelevare, agissant au nom de l’abbé Benigno, faisait prononcer à Gianni da Chiasso, Gianni da Monte, Rodolfino da Fiesso et Bonaccurso di Ildibrandino. Un serment leur interdisant de vendre ou de donner aucun de leurs biens, les contraignant à demeurer dans la fidélité de l’abbaye, contre tout autre seigneur, homme ou femme ; ils s’engageaient en outre à ne donner ni promettre aucune comanditia215. Le conflit qui opposait l’abbaye aux fils de Liccese ainsi qu’aux hommes de Sant’Ellero explique probablement ce besoin qu’on avait alors éprouvé de réaffirmer et de renforcer les fidélités, en se saisissant, au moins par la parole – et dans ce cas par l’écrit – des familles évoluant dans la dépendance des petits seigneurs locaux. La nature de ces documents change après 1250, lorsqu’ils deviennent plus nombreux et mettent en scène la fidélité directe des homines des castelli de Magnale et Ristonchi vis-à-vis de l’abbé de Vallombrosa216. On tirerait difficilement de ces documents l’image d’une hiérarchie très articulée entre les différents castelli et foyers soumis à l’abbaye. Seul l’ordre des listes laisse ici supposer une plus ou moins grande honorabilité. Dans leur ensemble, ces documents peuvent apparaître comme une manifestation d’une volonté d’associer au pouvoir seigneurial les dépendants de l’abbaye en mettant en place des formes honorables de la dépendance. Dans un serment plus tardif, prononcé en 1262 par les hommes de Magnale, et conservé en double exemplaire, ces dépendants juraient, sur les Évangiles, de demeurer fidèles de l’abbaye et de défendre, avec ou sans armes, leurs possessions et la personne de l’abbé217. Le reste du serment était plus usuel, les fideles s’engageant à accomplir les services coutumiers, à payer leurs pensions et à ne pas aliéner les biens qu’ils tenaient de l’abbaye.
3.3.4. Des seigneuries monastiques dans l’ombre de Florence
35Il est difficile de ne pas faire un lien entre la teneur du serment de 1262 et les événements qui, quelques années auparavant en 1258, avaient conduit à la décapitation de l’abbé Tesauro Beccaria, à Florence et en place publique. Cette décapitation politique, voulue par les Anciens, dans un contexte d’affirmation du Popolo, s’explique par les liens qu’entretenaient l’abbé et le parti impérial. E. Faini a bien expliqué qu’il fallait voir dans cette exécution politique, un indice des relations depuis longtemps tissées entre les familles de l’aristocratie gibeline et les abbayes de Passignano ou Vallombrosa218. Depuis les années 1220 au moins, par la nomination de vicomtes, les consuls de Florence intervenaient indirectement dans la seigneurie monastique vallombrosaine219. Dès les années 1230, à l’issue d’un long conflit contre Sienne, la Commune florentine faisait directement établir les listes des fideles dépendant de l’abbé de Passignano ou de Coltibuono aux confins méridionaux du comitatus220. Dans les années 1250, sous l’autorité du Popolo, il y avait donc plusieurs décennies que les affaires d’une seigneurie monastique aussi importante que Santa Maria di Vallombrosa intéressaient de très près les autorités florentines. Le ressentiment du gouvernement des Anciens et du Popolo était sans doute alimenté par le vieux conflit opposant les vallombrosains aux moniales de Sant’Ilario di Alfiano. Contre le pape Alexandre IV et contre son légat en Toscane, Ottaviano degli Ubaldini, le gouvernement du Primo Popolo avait en effet refusé l’expropriation des moniales au profit des moines221. Rien de ce qui pouvait regarder l’abbaye de Vallombrosa n’échappait, au XIIIe siècle aux dynamiques florentines. Les églises de l’ordre vallombrosain servaient à construire l’espace liturgique de Florence et il était naturel que ces dernières eussent part à la vie politique de la cité222. Cette présence de la ville voisine pouvait toutefois conduire les abbés à renforcer leur prise sur les populations dominées, tout en reformulant les conditions de la domination exercée sur ces derniers. Dans certains des serments prononcés par les hommes de Ristonchi et de Magnale, en 1263, le lexique s’enrichissait et les fideles devenaient cette fois feudatarios et glebe ascriptos223. Feudataires, car bénéficiant d’une tenure qualifiée de fief et liés par un serment aux abbés, mais toujours liés à la glèbe comme colons. Ces feudataires juraient d’accomplir les services et de payer les pensions et s’engageaient, surtout, à faire tenir le même serment à leurs fils. Plutôt qu’interpréter cette fidélité rustique comme une dégradation des relations vassaliques, ces formes mineures de la vassalité, bien étudiées par Bruno Castiglioni pour la Vénétie, paraissent résulter de l’effort déployé par les abbés pour préserver une forme de contrôle sur les communautés qu’ils dominaient juridiquement, mais qui tendaient à s’émanciper économiquement du poids exercé par l’abbaye224. Sans doute s’agissait-il aussi d’empêcher ou de freiner l’affirmation locale de communes rurales autonomes ou directement soumises à Florence.
36Les statuts publiés en 1253 sous l’abbatiat de Don Tesauro, à l’époque même où l’on faisait prononcer aux dépendants de l’abbaye leurs serments d’hommes et de fidèles, ont été édités par F. Bonaini, ils donnent une image très précise d’une seigneurie fonctionnant comme une institution bien ordonnée225. Dans ces vingt-cinq statuts, les abbés reconnaissaient, en la plaçant sous une double autorité, l’universitas des hommes de Magnale. Cette dernière était d’une part soumise aux abbés et à la congrégation vallombrosaine, et obéissait d’autre part à la Commune de Florence, c’est-à-dire au Podestat, au Capitaine du Peuple et aux Anciens. Si les statuts confirmaient des pratiques déjà anciennes à cette date – l’exercice d’une justice par le massarius de Palco226 et l’autorité supérieure du vicomte – c’était sans doute le voisinage florentin qui avait poussé à la rédaction de ces statuts inscrivant la seigneurie dans un cadre dominé par le Popolo florentin. L’un des statuts insistait sur la nécessité de respecter les intérêts de la Commune urbaine227. Ces statuts étaient conformes à la vie d’une communauté soumise à la seigneurie d’une abbaye ne contredisaient pas les valeurs des nouveaux conseils urbains et du collège des Anciens228. Les universitates de Ristonchi et de Magnale étaient désignées comme des collectivités légitimes : rien ne laissait toutefois supposer une plus grande ouverture des seigneurs-abbés aux décisions de ces communes dont les statuts ne disaient rien. Au-delà du personnel directement soumis à l’abbé, le massarius de Palco, et d’un vicomte servant de lien entre Florence et la Vallombreuse, nul espace institutionnel n’était théoriquement prévu pour donner une expression aux dynamiques et hiérarchies internes aux communautés d’habitants de ces castelli229. Dans les décennies qui suivirent, ces universitates firent néanmoins la preuve de leur capacité de résistance aux abbés230. À partir des années 1230, qu’on regarde vers les montagnes de Vallombrosa ou dans le Chianti, les seigneuries monastiques ne songent plus à la protection impériale pour défendre l’intégrité de leur patrimoine. Bon gré, mal gré, les acteurs politiques locaux entrent dans une partie politique qui se joue désormais à l’échelle d’un territoire dominé par la cité. En 1239, en l’église urbaine de Santa Trinita, le Conseil des Quatre-vingt entérinait la protection, par la Commune, des moines de Coltibuono et déclarait, dans les jours suivants, la mise au ban de tout individu qui attenterait aux biens de l’abbaye231. Le poids des consuls florentins dans le quotidien des abbayes s’était fait sentir dès la fin du XIIe siècle. En 1195, l’abbé Martino de Vallombrosa avait fait reconnaître à un tribunal florentin siégeant dans la cour de San Michele in Orto le statut d’homines et colonos pesant, selon lui, sur les dénommés Petro, Compagno et Restauro232. Le juge n’avait pas entièrement donné raison aux moines et s’était contenté de contraindre les personnes incriminées à payer chacun un quart des sept deniers de pension, les libérant des corvées. Si les tribunaux florentins ne donnaient pas systématiquement tort aux colons contre les seigneurs ecclésiastiques, ces derniers prirent rapidement l’habitude, par choix ou par nécessité, de soumettre ces questions aux tribunaux citadins233. L’insertion des communautés rurales et des seigneuries les encadrant se faisait par le biais des tribunaux ; elle se faisait aussi par le biais des exemptions fiscales qui pouvaient, de manière paradoxale, renforcer l’encellulement seigneurial dans un cadre dominé politique dominé par la Commune. En 1220, l’abbaye de Vallombrosa obtint ainsi de magistrats florentins la reconnaissance des liens de dépendance qui l’unissaient à sept individus234. Pour bénéficier d’une exemption fiscale, ces individus, qui étaient pour certains d’entre eux d’importants rouages de la seigneurie abbatiale, avaient accepté de reconnaître leur condition de colon en présence de magistrats citadins235. Les juges avaient en effet le droit de considérer l’exemption de personnes relevant de certaines catégories, les hommes d’un autre homme, les alleutiers, les citoyens d’une autre cité ou les chevaliers non nobles du contado florentin236. On retrouvait parmi les magistrats citadins, Ottaviano Acerbo da Quona, qui devait par la suite exercer la charge de vicomte de l’abbaye et confirmait ici sa position double ; à la fois membre du groupe dirigeant citadin et pleinement seigneur rural. Toute anodine qu’était cette décision, elle contribuait à faire du tribunal citadin le lieu où se jouait une partie des critères définissant le statut social des familles d’un petit territoire de montagne.
37Au XIIIe siècle, les institutions vallombrosaines se mirent à fonctionner de plus en plus comme des relais institutionnels de la Commune237, près de Vallombrosa et dans le Valdarno Supérieur, c’était déjà sensible dans les premières années du Duecento, dans les années 1230, c’était le cas dans toute la partie méridionale du contado. L’affirmation d’un régime de Popolo ne fit sans doute que renforcer cette tendance. En 1255 ou 1256, d’une manière qui était peut-être plus systématique, les Florentins affirmèrent ainsi leur contrôle des hôpitaux destinés à l’accueil des pauvres et des malades238. Les exigences militaires conduisaient la Commune à envisager un contrôle direct des places fortes voisines des abbayes. Près de Coltibuono, dans le Chianti, les autorités florentines se mirent d’accord avec les seigneurs des castelli de Tornano et de Lecchi in Chianti pour transformer les collines entourant l’abbaye en un confin militarisé contre Sienne. Il faut supposer que la Commune ait en même temps exercé un contrôle sur l’abbaye de Coltibuono, relais essentiel de la maîtrise d’une ligne de colline entre le Valdarno Supérieur et la Val d’Ombrone. L’abbaye eut d’ailleurs à souffrir de sa situation frontalière : une Bulle du Pape Grégoire IX témoigne en effet des dommages infligés par les Siennois aux curtes d’Argenina et de Monteverdi à l’occasion des guerres entre Florence et Sienne239.
38Au regard du pouvoir exercé à la même époque par certains de leurs homologues, les abbés de San Cassiano a Montescalari et de San Lorenzo a Coltibuono n’étaient certainement pas de grands seigneurs. Les abbés de Vallombrosa, en revanche, exerçaient, aux XIIe et XIIIe siècles, une autorité sur plusieurs castelli et n’avaient rien à envier à d’autres ecclésiastiques. S’il faut qualifier plus précisément la domination exercée par les abbés, les moines et leurs représentants, il paraît difficile de parler d’une seigneurie forte ou faible sans tomber dans le piège d’une impossible comparaison. À l’échelle européenne, et à l’échelle même de la Marche de Toscane, il est permis de suivre C. Wickham lorsqu’il fait du territoire florentin un pays de seigneurie faible240. Le comitatus florentin n’en était pas moins un pays de seigneurs : une foule de protagonistes de rangs et d’états très divers se partageant les instruments légitimes de la domination sur les hommes. Ces instruments qualifiés de légitimes sont ceux sur lesquels l’ensemble des acteurs semblent alors s’accorder et qui servent à déterminer la place du seigneur : le droit, dans des conditions précises, de saisir les biens ; l’obligation consistant en retour à exercer une protection ; la capacité à mener les hommes à la guerre ; la prestation des serments ; la propriété des murs et des tours des castelli ; la perception de certaines redevances241. Ces instruments de la domination seigneuriale sont connus en Toscane et sont ceux qu’on retrouve en d’autres régions d’Italie. Loin d’être étrangers à l’ordre seigneurial, les moines se saisissaient de ces instruments et participaient aux mêmes logiques de domination. De ce point de vue, la distinction proposée par S. Carocci entre la force d’une seigneurie et sa pervasività, c’est-à-dire sa capacité à peser quotidiennement sur la vie des populations, pourrait s’avérer intéressante242. Les trois pouvoirs monastiques considérés ne se présentèrent jamais, à l’exception de l’abbaye de Vallombrosa, comme des seigneuries fortes. Leurs prérogatives judiciaires et militaires reconnues étaient très limitées et l’abbaye de Vallombrosa ne développa pleinement sa puissance territoriale qu’à l’ombre généreuse, mais vigilante de la Commune florentine.
Notes de bas de page
1 Sciascia 1989, p. 65.
2 Diplomatico, Coltibuono, 1098/06 (2731, RC 208), 1101/07/25 (2955, RC 224), 1113/05/28 (3429, RC 279), 1119 (3695, 3694, RC 304)
3 Wickham 1996b.
4 Guerreau 1980, p. 179-184.
5 Francesconi 2005b, p. 8.
6 Diplomatico, Vallombrosa, 1148/07 (4895), Item indignus ego Rustichellus te felicissimum Gualdum patrem et| pissimum Rainerium priorem atque omnes commissos et vestros fratres qui in trono| et in ordine cherubini (le notaire a écrit hcerubini) atque serafin ante cospectum veri Dei stare habe|tis. Sur le sens politique que peut avoir cette hiérarchie céleste et sur son utilisation par un notaire, sans doute passé dans le groupe des convers de l’abbaye, voir Iogna‑Prat 2008.
7 Sergi 1994, p. 17.
8 Vasaturo – Monzio Compagnoni 1994, p. 14-18.
9 Il serait difficile de résumer ici tout le travail déjà accompli, et toujours en cours, pour rénover la vision des bouleversements religieux et sociaux du XIe siècle. Sur les manifestations territoriales des évolutions du XIe siècle, voir Lauwers 2005 ; 2012 ; 2014. En Italie, la double hiérarchie de la plebs et des paroisses nouvelles des Xe-XIIe siècles a conduit les historiens à s’interroger sur les progrès réalisés par l’encadrement ecclésiastique durant cette période, voir Ronzani 2005 et d’autres travaux du même auteur.
10 Mazel 2008a, p. 203.
11 Boesch Gajano 2012, p. 60-63.
12 Salvestrini 1998, p. 44 ; Citter 2017.
13 Salvestrini 2008d, p. 313-315.
14 Boesch Gajano 2012, p. 74.
15 Dans les vies de Jean Gualbert, les hagiographes se montraient extrêmement discrets sur l’ascendance du saint. Hatton se contentait de décrire son père comme un noble, un miles de Florence. L’Anonyme affirmait quant à lui que le bienheureux Jean, quoique né d’une illustre lignée par son père, n’en ajoutait pas moins à la noblesse de son sang les plus nobles des mœurs. Formules élégantes, mais économes et qui témoignent probablement de l’appartenance de Jean Gualbert à ce milieu déjà amplement décrit de moyens propriétaires, mais qui ne vont pas dans le sens d’une illustre naissance. Une ascendance notable aurait permis aux hagiographes de plus grands développements, voir Baethgen 1934, p. 1080, quidam nobilis Gualbertus nomine, vir militaris, patria Florentinus ; p. 1104, Beatus igitur Johannes ex nobili prosapia patre Gualberto genitus est, sed nobilitatem generis nobilioribus nichilominus adornavit moribus.
16 Böhmer 1870, p. 594-595, n° 881, pour l’original, Diplomatico, Vallombrosa, 1039/07/03 (74035) ; à en croire la notice qui accompagnait l’acte de fondation, l’empereur Conrad, son épouse Ghisla et leur fils Henri avaient présidé la donation et, en l’absence d’un évêque sur le siège de Fiesole, l’autel de la petite église avait été consacré par l’évêque Rodolphe de Paderborn. La nouvelle église dédiée à la Vierge naissait donc avec l’accord des plus hautes autorités.
17 Salvestrini 2008d, la fondation continua de bénéficier du soutien de la famille, Guido di Guido et son épouse Ermellina, fille d’Alberto, initiant en 1068, une série d’importantes donations dotant l’abbaye sur les « alpes » du Pratomagno, voir ainsi Diplomatico, Vallombrosa, 1039/07/03 (74035) ; 1068/05 (1209).
18 Salvestrini 2008d, p. 323 ; Boesch Gajano 2012, p. 49-51.
19 Vasaturo – Monzio Compagnoni 1994, p. 61.
20 Boesch Gajano 2012, p. 76-77, si l’on suit l’historienne, la tentative d’enlèvement de Jean Gualbert par une troupe d’hommes d’armes qu’aurait tentée Béatrice de Toscane, épouse de Godfroid II et détentrice officielle de la Marche de Toscane, sans relever d’une franche hostilité, témoignerait de l’ennui que provoquait dans les milieux dirigeants l’activité de ces moines.
21 Ibid., p. 1-2, le moine Hildebrand avait du reste soutenu les vallombrosains lors de l’ordalie qui avait opposé Pietro Mezzabarba et Pietro Igneo à Settimo, à l’entrée du Carême 1068 (le 13 février) ; sur cet épisode voir Miccoli 1960.
22 D’Acunto 1993, 2010 ; Ronzani 2007 ; Golinelli 2008 ; les tensions étaient liées à l’opposition des vallombrosains à l’élection de l’évêque de Pise ; Mathilde de Canossa était présente en Italie à partir de 1072.
23 Boesch Gajano 2012, p. 45-51.
24 Santos Salazar 2014, p. 408 : « Montescalari fu dunque una fondazione privata promossa da un gruppo parentale della media aristocrazia del contado fiorentino. »
25 Ibid., p. 406.
26 Ibid., p. 433, la première pièce à peu près fiable est un privilège d’Innocent III.
27 Böhmer – Baaken 1972, p. 24-25.
28 Pagliai 1911, p. 10-20.
29 Cortese 2007, p. 39, 67.
30 Diplomatico, Strozziane Uguccioni (acquisto), 1037/03 (550, RC 27, en 1038) ; Coltibuono, 1051/02/27 (817, RC 42 et 43) ; l’évêque est connu pour avoir consacré l’autel de l’église de Santa Maria di Vallombrosa, Boesch Gajano 2012, p. 68.
31 Diplomatico, Strozziane Uguccioni (acquisto), 1095/09/29 (74071, RC 200), Coltibuono, 1095/09/30 (74072, RC 201), les fondateurs de l’abbaye reconnaissaient l’appartenance du monastère à l’ordre vallombrosain.
32 Majnoni 1981, p. 15.
33 CRSGF, 224.129, cahier de 5 feuillets numéroté 85, le 10 mars 1500 du calendrier florentin, une sentence confirmait le patronage de l’abbaye de Coltibuono aux Ricasoli et Firidolfi ; une autre précisait que ce patronage n’avait d’autres conséquences qu’une prééminence en certaines occasions.
34 Lamma 1961.
35 Violante 1955, p. 182-184.
36 Dans la patrologie latine Migne 1853, vol. 146, col. 765-812 ; Baethgen 1934 ; Boesch Gajano 2012.
37 Racine 1985, p. 40-42.
38 Boesch Gajano 2012, p. 60, Pierre Damien reprochait notamment à Jean Gualbert et à ses disciples leur trop grande proximité avec les laïcs.
39 Baethgen 1934, p. 1092.
40 Boesch Gajano 2012, p. 62.
41 Henriet 2000, p. 241-243.
42 Pour une définition de l’aristocratie, voir Wickham 2005b, p. 154-155.
43 Boglione 1997 ; Cortese 2007, p. 36-43, 45, et 294-305.
44 Cortese 2007, p. 94.
45 Salvestrini 1998, p. 49 : « Durante il secolo XI tali donatori eran principalmente allodieri e coloni residenti sul Pratomagno o nei centri del Valdarno. Talora si configuravano come agiati proprietari, in grado di cedere al monastero, al contrario dei Guidi, interi nuclei curtensi ed anche alcuni castelli. »
46 Salvestrini 1998, p. 50-51.
47 Majnoni 1981, p. 18.
48 Repetti 1965, vol. 3, p. 58 : « Marciano o Marciana nel Val d’Arno sopra Firenze » ; Francovich 1973, p. 151-152, Marciana, Marciano sur les cartes de l’Istituto Geografico Militare, est actuellement une frazione, de la commune de Rignano sull’Arno (à ne pas confondre avec la localité de Marciano, dans le Casentino). Appelée systématiquement Marciana dans les sources médiévales, la localité était organisée autour d’un castrum mentionné dans les sources du XIe siècle qu’on désigne rapidement, dès la fin du siècle, comme un castellare, c’est-à-dire un castrum ayant perdu sa vocation défensive.
49 Delumeau 1996, vol. 1, p. 146, vol. 2, p. 936, 945 et 1381.
50 Cortese 2007, p. 341-355.
51 Diplomatico, Coltibuono, 1035/11 (524, RC 25), 1065/12 (1124, RC 60), 1066/05 (1145, RC 63), 1075/10/26 (1511, RC 99), 1076/04 (1553, RC 102), 1085/02/02 (2029, RC 71, en 1086), 1096/03/21 (2626, RC 203, l’un des auteurs, Albizo di Corbizo était lié par mariage aux nepotes Rainerii), 1144/01 (4661, RC 389, en 1145), 1150/112/18 (4979, RC 412).
52 Ibid., 1075/05 (1502, RC 97), 1075/10/26 (1511, RC 99), 1076/04 (1553, RC 102), 107. (1758, RC 131).
53 Ibid., 1100/06 (2851, RC 220), l’un des protagonistes, Martino di Erminaldo, descendait probablement d’un Erminaldo, cité comme clerc en 1063 et acquéreur de biens situés non loin du castellare d’Olmeto près de Rignano sull’Arno, le long d’un cours d’eau désigné comme le Truoghi, l’endroit même où devaient par la suite se concentrer les biens dépendant de la curtis de Marciano, ibid., 1063/12 (1057, RC 56).
54 Ibid., 1102/04 (2999, RC 237).
55 Wickham 1988, p. 180-190.
56 Diplomatico, Coltibuono, 1113/04/17 (3423, RC 278) ; à rapprocher de 1113/06 (3433, RC 280), les notaires évoluent aux côtés d’individus que leur onomastique permet d’associer au monde des milites, deux des proches parents interrogeant Sterminza étaient ainsi des notaires.
57 Ibid., 1127/04 (3962, RC 329).
58 Collavini 2008.
59 Les 43 actes conservés pour la période 1035-1150 sont en majorité des donations (16 actes), des prêts sur gage (10 actes), des ventes (6 actes), des investitures et des renonciations (4 actes) ou des baux livellaires (4 actes), tandis qu’on ne conserve qu’un exemple d’autres typologies (promesse, échange, prêts sur gage). Dans ce corpus, agir en tant qu’auteur suppose toujours un contrôle exercé sur la terre à des titres divers. Les 67 auteurs qu’on retrouve dans ces documents peuvent être qualifiés de possessores.
60 On retrouve les mêmes familles, les Rossi ou Pazzi, ancêtres possibles de l’importante famille du Trecento, les fils de Morando, bientôt associés au nom de Gottolo, les fils de Brunetto Malcorio.
61 Depuis 1127, au moins, le castello de Marciano était décrit comme un castellare, voir Diplomatico, Coltibuono, 1127/04 (3962, RC 329).
62 Conti 1965a, p. 152.
63 Wickham 1988, p. 315-317.
64 Soldani 1731, p. 176 ; Davidsohn 1956, p. 428-430 (à propos de Bernardo degli Uberti) ; Majnoni 1981, p. 19 ; Cortese 2007, p. 356-365.
65 Sansterre 1999.
66 Mazel 2013.
67 Si les donateurs étaient parfois très précis sur l’étendue des droits concédés, exprimés en fractions d’une terra et res, le notaire se contentait le plus souvent d’évoquer le transfert d’une pars dont le contenu précis n’était pas spécifié.
68 Diplomatico, Coltibuono, 1149/09/04 (795, RC 40), le document émanait de deux représentants des nepotes Rainerii, voir Cortese 2007, p. 109, 351.
69 Lucignano (commune de Gaiole in Chianti), castello situé au contact du Chianti avec les basses collines siennoises, dans la Val d’Arbia.
70 Diplomatico, Coltibuono, 1084/03/20 (1956, RC 155, en 1085).
71 Ibid., S. Vigilio di Siena, 1105/04/29 (3120), 1109/06/16 (3260), 1117/02/05 (3571, en 1118), 1118/03/04 (3654, en 1119), 1150/06/04 (4962), 1185/01/28 (6445, en 1186), 1223/03/07 (9890, en 1224).
72 Cortese 2007, p. 198-199.
73 Diplomatico, Vallombrosa, 1128/05 (3996), 1138/06 (4439), 1139/08 (4481), 1140/01 (4503), 1140/03 (4508), 1141/05 (4562), 1144/05 (4672), 1145/08 (4736), 1146/03 (4770), 1147/04 (4833), les actes émanent tous du notaire Pietro, actif de 1127 à 1147 dans le Valdarno et sur le Pratomagno, qui recourt automatiquement à une même formule dans la rédaction des brefs de renonciation, formule qui n’est pas propre à l’environnement social du Pratomagno ; du même notaire, on trouve ainsi, dans un acte relatif aux environs de Marciano, sur l’autre rive de l’Arno, une formule similaire, Coltibuono, 1146/04 (4775, RC 398), omne jure et actione et requisitione| et omnes precarias et commendationes et| omne usu.
74 Commune de Gaiole in Chianti.
75 Ibid., 1124/11 (3876, RC 320).
76 Ibid., Vallombrosa, 1102/11 (3019), integris casis, cascinis terris et vineis| et eclesiis, sortis et donicatis et castella| de Restuncli cun curte et pertenentia sua et| curte d<‘>Altomina et curte da Vertille et cur|te da Monte Longo et curte da Val Vigne ; sur cette parentèle voir Cortese 2007, p. 51, n. 201. On ne sait à quelle localité correspond exactement Vertille, il pourrait s’agir de Vertelli dans le Casentino.
77 Brancoli Busdraghi 1996.
78 Salvestrini 1998, p. 171-191.
79 Collavini 2012a.
80 Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 12. (26640, vers 1248 ?), 12. (27440, vers 1248 ?), 12. (27441), 12. (27443), 1220/11/06 (9598), 1225/10/11 (10253), 1228/12/11 (10732), 1230/03/13 (10917), 1241/09/07 (12774), 1241/09/07 (12776), 1241/10/09 (12783), 1242/04 (12868), 1242/07/10 (12901), 1242/10/10 (12943), 1242/10/20 (12947), 1243/03/11 (13008), 1244/01/12 (13165), 1244/01/13 (13166), 1244/03/08 (13202), 1244/03/11 (13204), 1244/09/07 (13306), 1244/10/09 (13309), 1246/04/10 (13641), 1248/01/21 (13942), 1248/04/09 (13987), 1248/11/07 (14053), 1271/11/20 (18375), XIIIe siècle (27442, vers 1248 ?), CRSGF, 224.233, p. 13-14, 1248/01/21 (13942).
81 Le tiers de l’église de S. Martino de Stielle (Gaiole in Chianti) aurait pu revenir à l’abbaye plus d’un siècle après son acquisition par le prêtre Petro, fils de Rottrada, Diplomatico, Coltibuono, 963/05/25 (42, RC 3) et 1136/08 (4341, RC 366). On ne sait rien de l’église de San Giorgio dans le plébat de Santa Maria Novella in Chianti, peut-être l’église de San Giorgio in Piazza (Castellina in Chianti) ou San Giorgio a Grignano que mentionnent des actes plus tardifs ; ibid., 1090 (2398, novembre 1011, RC 12). Plus mystérieuse est l’église de San Martino à Tulino, dans le plébat de San Giusto in Salcio (Gaiole in Chianti) qu’un prêtre avait acquis en partie avec la « dîme des morts », ibid., 1059/10 (970, RC 10). Les églises de Sant’Andrea dans le castello de « Siano » et de Santa Margherita à « Campi Fichi » ne sont pas beaucoup plus faciles à localiser et sont toutes deux mentionnées dans un acte émanant de la Badia fiorentina ; ibid., 1076/01 (1536, RC 105, en 1077), édité dans Schiaparelli 1990, n° 113. Il n’a pas été possible de rattacher les destinataires à l’une des familles identifiées par M. E. Cortese (les Suavizi ou les Montebuoni). On n’a pas davantage d’indice que l’abbaye de Coltibuono ait possédé quelque part du castello et de l’église de Riofino, site disparu situé dans le plébat de San Giovanni di Cavriglia ; ibid., 1092/08 (2461, RC 193), voir Cortese 2007, p. 352. Il en va de même d’un acte de la fin du XIe siècle, très fragmentaire, et mentionnant des biens dispersés dans les comtés d’Arezzo, Fiesole et Florence, avec les églises de « La Licia » et « Montegua [...] » qu’on pourrait éventuellement identifier avec Montevarchi, le long de l’Arno ; ibid., 1095/10 (2608, RC 202).
82 Ibid., 1121/02 (3731, RC 309) ; 1124/06/01 (3858 ; RC 319).
83 Collavini 2007.
84 Débax 2012, p. 13.
85 Collavini 2010, p. 38.
86 Débax 2012, p. 241.
87 Boesch Gajano 2012, p. 47-50.
88 Ibid., p. 49, n. 103, voir aussi Diplomatico, Ripoli, 1112/05/17 (3387).
89 Ibid., Coltibuono, 1230/08/03 (10954), l’abbaye de Coltibuono envoyait un procurateur pour régler une affaire de soccida (mise en commun d’un troupeau), 1238/04/19 (12286), l’abbé de Coltibuono visitait l’abbaye de Spineto et rappelait les moines à leur règle de vie ; sur cette visite monastique, voir Marrocchi 2018.
90 Diplomatico, Coltibuono, 1258/06/10 (15967), 1275/09/27 (19216).
91 On trouve dans le fonds de Coltibuono des documents relatifs à la vie de cette abbaye, CRSGF, 224.237, n° 545, p. 112-113 ; n° 594, p. 201-202 ; n° 599, p. 214 ; Diplomatico, Coltibuono, 1240/01/26 (12583) ; 1243/01/29 (12983) ; 1253/01/18 (14656).
92 Ibid., 1267/06/22 l’acte apprend que le conflit portait sur plusieurs églises du Chianti, la plebs de San Marcellino in Avano, l’église de San Pietro à Argenina, l’église de Santa Cristina de Lucignano, celle de San Tommaso (non identifiée), l’église San Giacomo de Montegrossi et de Santa Margherita de Castelvecchio, toutes situées dans l’actuelle commune de Gaiole in Chianti, à l’exception de l’église de Castelvecchio située dans la commune de Radda in Chianti. Sur cette question des dîmes, d’autres conflits généralement réglés par des envoyés du Saint-Siège voir ibid., S. Trinita, 1221/11/26 (9741) ; CRSGF, 224.237, n° 660, p. 352-353 ; 1256/06/18 (15439) ; 1256/10/11 (15516). Un seul acte donne plus de détails : en 1284, plusieurs hommes travaillant les terres de l’abbaye refusaient de verser la dîme au recteur de l’église de San Silvestro de Marciano, autrefois aux mains de l’abbaye, en arguant des privilèges dont bénéficiait la congrégation vallombrosaine, Diplomatico, Coltibuono, 1284/04/26 (21722).
93 Delumeau 1996, vol. 1, p. 694-735.
94 Wickham 2000, p. 279-364.
95 Delumeau 1996, vol. 2, p. 1004.
96 Diplomatico, Coltibuono, 114(*) (4945, RC 409), au verso Nota bonorum| Nil valet.
97 Cortese 2007, p. 352‑353, l’identification de ce Benno et de ses parents n’est pas des plus simples. Bernardo di Benno est cité à plusieurs reprises dans les actes de Coltibuono, voir Diplomatico, Coltibuono, 1103/07/01 (3054, RC 241), témoin à l’occasion d’un plaid présidé par un représentant de la Mathilde de Canossa, 1117/02 (3508, RC 293), destinataire avec son frère Ubaldo d’une cartula pignoris émanant des Attingi, 1130/03 (4086, RC 343), acheteur d’une terre située à Lantica, 1150/12/18 (4979, RC 412), cité dans les confronts d’une vaste cartula pignoris adressée à un convers de l’abbaye de Coltibuono par un membre des nepotes Rainerii ; son patrimoine se concentrait autour du castello de Lucignano dans le Chianti.
98 Cortese 2007, p. 85, n. 55, p. 345, n. 376 et p. 352 p. 85, note n. 55, p. 345, n. 376 et p. 352. En 1103, une branche des nepotes Rainerii vivant à Lucignano, dans le Chianti, avait cédé à l’abbé Omizo de Coltibuono tout ce qu’elle pouvait exiger du patrimoine d’Adalasia et de son fils Ugo. La transaction résultait d’un plaid comtal au cours duquel on avait réglé la question opposant les nepotes Rainerii aux filii Tebaldi. Une première union avait lié une certaine Adalasia à la famille des Tebaldi, en la personne d’Azzo di Tebaldo dont elle avait eu un fils, Ugo. À la mort d’Azzo di Tebaldo, Adalasia s’était remariée avec Uberto di Ugo des nepotes Rainerii, un remariage qui avait dû poser la question du sort à réserver à la dot et au douaire d’Adalasia.
99 Le nom donné ici est repris des enquêtes de M. E. Cortese ; les fonds ne désignent jamais les membres de cette parentèle comme des « descendants de » dans leur ensemble, on trouve les filii Chiarize au début du XIe siècle, signe probable de l’importance de la famille dont était issue Chiariza, puis on trouve les filii Tebaldi, du nom d’un des fils de Chiariza, et enfin, à la génération suivante, les filii Unganelli. Cette variation dans l’onomastique, l’absence de référence constante à un ancêtre sont aussi des signes que la parentèle n’était pas fortement structurée autour d’un ancêtre comme l’étaient, à la même époque, les nepotes Rainerii. Le fils d’Azzo et d’Adalasia, Ugo, avait reçu un prénom qui n’appartenait pas au patrimoine onomastique de la branche paternelle, mais à celle d’Adalasia di Ugo, voir Diplomatico, Coltibuono, 1084/03/20 (1956, RC 156) ; 1084/03/20 (1957, RC 157).
100 Ibid., 119(*) (7397, RC 538).
101 Wickham 2000, p. 298-299, 310-316.
102 Repetti 1965, vol. 3, p. 277-278, « Montajo, Montaja », en 1551, la population de la paroisse de San Silvestro comptait 575 habitants.
103 Diplomatico, Vallombrosa, 11(**) (7427), XIIIe siècle (27478), sur ces documents et leur interprétation, voir, Davidsohn 1956, p. 737-738 ; Majnoni 1981, p. 149-150 ; Boglione 1993, p. 46-47, avec une édition de la querimonia ; Delumeau 1996, vol. 1080-1092 ; Wickham 2000, p. 354-355 ; Collavini 2012b ; Fiore 2017, p. 240-241 traduit et commente une large partie du document ce qui permet au passage de corriger un article écrit dans les mêmes années, Lefeuvre 2018a, sans avoir eu connaissance du livre de Fiore : « Zaccone », que je décris comme un « homme de main », est en réalité une masse d’armes ! Il faut comprendre que Spinello attaque les moines et leurs hommes avec une masse d’armes. Giovanni (M)arrone n’est en outre pas frappé « avec le tranchant » comme je l’ai écrit, mais avec la poignée de l’épée (ce qui paraît plus raisonnable et rentre mieux dans l’idée de violences ciblées).
104 Fiore 2017, notamment p. 69 et suivantes.
105 Sur les rapports de l’empereur avec les villes et l’aristocratie de Toscane, voir Cortese 2017a.
106 Les frères convers étaient, au XIIIe siècle, tenus d’arborer une « barbe franciscaine », voir Vasaturo 1985, p. 72.
107 Fiore 2017, p. 242 : « Si trattava di veri e propri rituali pubblici di violenza, compiuti al fine di esprimere le relazioni di potere locali, o almeno quelle che dovevano essere le relazioni di potere secondo coloro che li effettuavano. »
108 Sur ce dernier on ne sait rien, mais on trouve, dans les sources relatives au castello de Montaio dans les années 1240-1250 la mention d’un certain Salomone di Ubaldino et il ne serait pas surprenant qu’il s’agisse ici d’une parentèle des environs.
109 Diplomatico, Vallombrosa, XIIIe siècle (27478), item de Casanova abstulerunt nobis unam vegetem, unam archam et totum vinum quod ibi erat.
110 Ibid., Item cum expereret quod nos refutaremus id quod Senis adepti fueramus et quod conversos nostros sua| mandata jurare cogerimus.
111 Ibid., la querimonia évoquait ici les donations faites par Ranieri di Guido (1095-1137) et Rolandino di Ugo (1095-1159).
112 Geary 1986 ; Wickham 2000, p. 323 et suivantes ; Fiore 2017, notamment p. 240-253.
113 Collavini 2012b, § 27 : « Del resto non solo l’attività giudiziaria e poliziesca, ma anche molti altri compiti dei gastaldi comportavano l’uso della violenza : non si può dubitare che il prelievo di censi e dazi avvenisse attraverso l’intimidazione da parte di chi li riscuoteva nei confronti di chi li doveva pagare. »
114 Cortese 2007, p. 85, n. 55, p. 317 et table 11/II, 355 ; Lefeuvre 2018b.
115 Appelt – Herkenrath – Koch 1979, p. 461-462, n° 521.
116 La première mention de cette parentèle remonte à la fin du XIe siècle, mais ce n’est en 1123 qu’on voit le père de Guarnellotto entrer en relation directe avec les moines de Coltibuono, Diplomatico, Coltibuono, 1085/03 (2053, RC 160), 1095/09/30 (74073, RC 201), 1123/05. (3804, RC 315), 1133/02 (4214, RC 355), 1133/02 (4213, RC 355), actes à dater de 1133 selon L. Pagliai. On retrouve en 1201 les fils de Guarnellotto toujours en relation avec Coltibuono, CRSGF, 224.237, p. 106-107, n° 541.
117 Delumeau 1996, vol. 2, p. 1083.
118 Chellini 2017.
119 Davidsohn 1956, p. 787.
120 Collavini 2009.
121 Carrier 2004, p. 225.
122 Baethgen 1934, p. 1091-1092, n° 50-55 dans son édition, F. Baethgen a arbitrairement omis une partie d’un des récits dont on peut trouver une édition plus complète quoique plus vieille dans la patrologie latine. Il est en outre possible de se référer à la traduction italienne de la même vie, voir Spinelli – Rossi 1984.
123 Pastoureau 2007, p. 123-146.
124 Baethgen 1934, p. 1091.
125 Ce que les textes désignent très tôt comme les « alpes » de Vallombrosa relève d’un statut particulier. Dans deux livelli, l’abbé Gualdo confiait ainsi des terres appartenant à l’abbaye, en faisant une exception des alpages, Diplomatico, Vallombrosa, 1134/11/08 (4277 et 4276) et 1141/11 (4584 et 4586).
126 Ibid., 1143/06/02 (4650), l’abbé Gualdo donnait à Ugo di Vitale, pour qu’il les travaillât, les maisons, terres et vignes que ce dernier tenait déjà de l’abbaye dans la cour du castello de Ristonchi en se réservant les terres des alpes et tout ce qui se trouvait sous les murs et dans le castello que nul ne devait aliéner dans les trente jours, en attendant qu’on fixe les limites de ces biens, le tout contre une pension annuelle de six deniers de Lucques à verser en la semaine de Noël, une poule, un poussin, trois corvées et quatre œufs.
127 Ibid., 1150/11/23 (4978), 1152/01 (5023), 1152/04/17 (5038), le premier acte est une charte de vente assez insolite dont le bénéficiaire principal semble avoir été le convers Berardo, surnommé Cona, et qui appartenait probablement à la parentèle des seigneurs de Quona.
128 Ibid., 1184/09/25 (6427), videlicet meam partem integram de tribus petiis| de terra quid est pratum positum ad Siccletam […] et sunt prefate tres petie ad latus mutendum. Orlando di Giratto appartenait à une importante parentèle du Pratomagno, sur cette dernière voir, en annexe de ce livre, n° 6 « Les filii Giratti, de petits seigneurs du Pratomagno »
129 Carrier – Mouthon 2010, p. 228-245.
130 Diplomatico, Vallombrosa, 1167/01/23 (5577, en 1168).
131 Salvestrini 1998, p. 178.
132 Diplomatico, Vallombrosa, 1196/12/07 (7216), Serraiolo di Serrallio et Forese di Buriano, vivant à Compiobbi, non loin de Florence, s’engageaient à verser annuellement, le 15 août, un muid de blé qu’ils apporteraient à l’envoyé de l’église de Popigliano. Le caractère très particulier de cette location, dans un territoire peu contrôlé par l’abbaye et avec le versement du loyer en nature à une autre église (Popigliano se trouve dans la province de Pistoia), explique probablement que les moines se soient préoccupés de conserver une trace écrite de ce serment. Pour la vente des coloni, ibid., 1188/04/04 (6646). Cadre général dans Collavini 1998a.
133 Diplomatico, Vallombrosa, 1181/11 (6281).
134 Ibid., 1191/10/02 (6830) ; 1191/01/31 (6787, en 1192).
135 Bonaini 1851, p. 63-65.
136 Voir les deux actes cités précédemment, on le voit, en 1214, assister comme témoin à un acte définissant la dot de Donnadibene, femme de Magnale apportant à son époux la moitié de deux maisons du castello et de nombreuses terres, Diplomatico, Vallombrosa, 1224/02/04 (10010).
137 Ibid., 1202/06/21 (7692).
138 Ibid., 1202/01/19 (7645, en 1203), 1209/10/17 (8365), l’instrument de vente avait été composé en deux temps, dans un premier temps les fils de Baroncello vendaient à l’abbé Benigno un important podere pour dix-sept livres en deniers de Pise, on avait ensuite été requérir l’accord de la veuve de Baroncello, Ciolittina, et celui de l’épouse de Borgognone, l’aîné des fils, qui s’adressaient cette fois au massarius Carnelevare.
139 Ibid., 1200/03 (7448, des éléments de datation manquent).
140 Ibid., 1212/03/01 (74208, en 1213).
141 Casini 2009b.
142 Toubert 1973, p. 357-358 ; Delumeau 1996, vol. 2, p. 1089-1094.
143 Delumeau 1996, vol. 2, p. 1090-1091 : « Il est difficile de faire le départ entre la guerre et le méfait de droit commun. »
144 Collavini 2012b, § 28 : « Nelle signorie toscane circolavano anche idiomi politici molto diversi, basati sull’esaltazione della violenza, sul suo uso per inferiorizzare il dipendente (mettendone in questione la piena umanità). »
145 Fiore 2017, p. 253 : « Certo non troveremo nelle querimoniae monastiche (o religiose) rivolte contro potenti laici il ricordo degli atti di violenza effettuati da quegli stessi monaci contro i loro nemici, anche quando sappiamo che questi erano effettivamente avvenuti. »
146 Wickham 1996a ; Cortese 2007, p. 305‑310, voir Diplomatico, Vallombrosa, 1146/12 (4811), et commendationiis quas| aquisivi vel alii per me infra curte et castello de Ma|gnale a principio jus litis et guerre a Rodulfi|no Carboncelli, à mettre en relation avec ibid., 1146/03 (4770, en 1146 ou 1147), 1144/11/30 (4697) ; Rodolfino di Carboncello appartenait à une parentèle qui semble avoir été active autour de Rignano sull’Arno et qui était peut-être liée au da Cintoia.
147 Ibid., Vallombrosa, 1199/09/04 (7381), le parchemin, contenant un double enregistrement, serait plutôt à dater des années 1189-1194, il s’agissait de la donation d’un dépendant des comtes Guidi, avec toutes ses corvées et redevances en nature (pain, fromage, demi-jambon, châtaignes, etc.) à l’abbaye de Vallombrosa et de la confirmation, cinq années plus tard, de cette donation faite en temps de troubles.
148 Sur les filii Liccesis voir le chapitre 4 de ce livre et l’annexe n° 4, « Les filii Liccesis : une influence seigneuriale entre montagnes et vallée (milieu XIIe-milieu XIIIe siècle) ».
149 Ibid., 1217/01/11 (9154, en 1218).
150 Ce Rustico di Chiavello de Fontisterra n’est guère connu, mais il ne s’agissait sans doute pas d’une figure mineure. Il est possible de risquer quelques hypothèses sur l’identité de son père, Chiavello. Sans doute était-ce le même Chiavello di Pazzo qui figurait, en 1209, parmi les témoins de qualité d’une renonciation établie à Fontisterra, sous l’autorité du vicomte Ottaviano da Quona, au profit de l’abbaye ; ibid., 1209/08/10 (8349). Chiavello di Pazzo apparaissait dans les témoins d’une renonciation très similaire à l’acte mentionné précédemment, et établi en 1209 à Melosa et Fontisterra dans la curtis de Magnale, en présence du vicomte Ottaviano, d’un prêtre et avec comme destinataires le frère convers et massarius Benincasa et le maître et frère convers Tozo. C’était sans doute le même Chiavello, qu’on retrouvait quelques années plus tard dans le personnel des comtes Guidi, où il était cette fois qualifié de magister, à l’occasion d’un arbitrage entre l’église plébane de Petriolo ou Galatrona, près de Bucine (province d’Arezzo), sur la rive gauche de l’Arno, et l’hôpital de Seprina (probablement Ponte a Valle, commune de Laterina et province d’Arezzo, au niveau de la Valle dell’Inferno). Ce Chiavello prononçait alors une sentence qui bénéficiait de l’accord du vicomte de Tienamenta et qui aboutissait à la définition des droits des deux parties sur un moulin construit au niveau de la tour et du pont de Santa Reparata ; ibid., 1215/03/29 (8961). Le rapprochement avec un dénommé Tedesio di Chiavello mentionné comme témoin d’un acte de fondation de 1170 apparaît beaucoup plus incertain, s’agissant cette fois de la fondation de l’église de San Pietro di Erbamala (province de Pavie), en Lombardie, sur la route de Lomello ; ibid., 1170/04/01 (5702). Sur cette église, voir Salvestrini 2011, p. 98-100. Pour l’identification des localités et des éléments de contexte, voir Repetti 1965, vol. 2, p. 374-375, « Galatrona », vol. 4, p. 672, « Ponte a Valle », vol. 4, p. 563, « Popigliano, Pupigliano » ; Bonaini 1851, p. 11.
151 Diplomatico, Vallombrosa, 1171/03/04 (5738, en 1172), et de jugo de alpe quanta est Ristunclise […] et castello, et curtibus et patronibus et ecclesiis et pensionibus| et omnibus obedientiis et servitiis et comandisis et comestionibus et aquis et aeris et omnes redditus ejusdem terre.
152 Wickham 2001, p. 251, n. 50.
153 Diplomatico, Vallombrosa, 1171/03/04 (5738, en 1172), de predicto pretio habuerunt consules solidos V| et item predicta Jubergana aliis quinque, la somme n’était certes pas majeure, mais les biens cédés relevaient explicitement de l’héritage de Liccese et les cinq sous pouvaient correspondre à la part que Jubergana perdait par cette transaction sur son morgincap.
154 Ibid., 1177/02/29 (6015).
155 Ibid., 1201 (7635), l’abbaye de Tagliafuni était une abbaye vallombrosaine située dans les environs de Figline, elle est, dans cet instrument, désignée sous l’antique nom de Santa Maria di Nerana. Pour régler leurs dettes, les moines de Tagliafuni vendaient à l’abbaye de Vallombrosa une parcelle de terre située à Piscina Nera, contre neuf livres en deniers de Pise, avec l’autorisation, pour les Vallombrosains, de déboiser cette parcelle. Il n’est pas impossible que Liccese et ses fils aient eu quelque intérêt au remboursement des dettes de Tagliafuni, voir aussi Repetti 1965, vol. 1, p. 195 : « Badia di Ponte Rosso, di Tagliafuni, di Nerana (Santa Maria della Neve). »
156 Diplomatico, Vallombrosa, 1214/11/14 (8921), 1217/07/24 (9227), dans le premier acte conservé sur ce parchemin, Liccese di Orlandino était le premier des arbitres d’une cause opposant l’abbaye de Vallombrosa et les fils de Tancredo, aux côtés de Guido di Restauro et d’un frère convers nommé Gennaro. Plus tard, le même Liccese figurait parmi les arpenteurs (sans le titre) donnant les limites du pré sur lequel portait le conflit, aux côtés de frères convers et d’autres laïcs.
157 Ibid., 1195/05/19 (7101), 1195/05/20 (7102).
158 Ibid., 1195/05/20 (7103), meam fidelitatem quam mo|nasterio Sancti Illari fecimus.
159 Faini 2006.
160 Faini 2010, p. 132 et suivantes.
161 Voir ainsi, Diplomatico, Coltibuono, 1075/09 (1506, RC 98), Petrus notarius domini imperatoris, pour l’identification, voir Pagliai 1909, p. 254.
162 Dans la série Vallombrosa du Diplomatico, on ne compte guère que deux scribes à se déclarer notaire « de l’empereur » avant les années 1180 et chacune de ces mentions renvoie à des documents particuliers : voir ainsi Diplomatico, Vallombrosa, 1128/09/03 (4005), acte relatif à une église sarde et CRSGF, 260.8, fol. 106r-v (acte daté du 7 mars 1170 dans notre style dont on ne connaît qu’une copie moderne). Dans la décennie 1180, en revanche, les références à l’empereur dominent. Le juge et notaire Orlandino, actif entre 1184 et 1226, a laissé de nombreux actes dans le Diplomatico de Vallombrosa : dans sa titulature, on ne trouve pas de références à d’autres empereurs que Frédéric, très certainement Frédéric Ier Barberousse (empereur de 1155 à 1190), en 1196, après le décès de ce dernier il continuait ainsi de souscrire ses actes comme ibid., 1196/11/30 (7211), Orlandinus domini Frederici Romanorum imperatoris et semper augusti notarius,
163 Il est difficile de savoir à quel point ces titulatures correspondent à une investiture réelle Dans ces années, l’usage courant semble de revendiquer un lien explicite avec l’empereur régnant au moment de son entrée dans le métier. Quelques notaires travaillant dans les années 1190 se déclarent ainsi notaires de l’empereur ou du roi Henri, voir Diplomatico, Vallombrosa, 1194/06/14 (7022), 1198/10/05 (7330). Il arrive aussi que le scribe mentionne, sans préciser davantage, la « cour » impériale, Diplomatico, Vallombrosa 1189/07/27 (6719) ou encore l’auctoritas de l’empereur, 1216/09/25 (9106).
164 Alighieri – Vinay 1950, p. 8, Livre 1, chap. 2, Est ergo temporalis Monarchia, quam dicunt Imperium, unicus principatus et super omnes in tempore vel in hiis et super hiis que tempore mensuratur.
165 Menant 2005, p. 195-196.
166 Pour un aperçu historiographique classique, voir Fasoli 1974.
167 Delumeau 1996, vol. 2, p. 1071-1094, notamment p. 1092 : « Ce qui prédomina dans les années 1160-1185 fut donc non pas de l’ordre, mais un état de guerre quasi-endémique. »
168 Tabacco 1970 ; à compléter avec la récente mise au point de Cortese 2017a pour la Toscane.
169 Cortese 2017a, p. 67, à propos des Guidi, l’auteure voit dans le diplôme de 1164 le résultat d’une tentative visant « a ottenere la sanzione in forma pubblica e il coordinamento su base territoriale [...] di una serie di diritti esercitati in modo eterogeneo e più o meno strutturato sulle varie località elencate ».
170 Sur ces points, voir Delumeau 1996, vol. 2, p. 1022-1028, ainsi que Cortese 2017a.
171 Il existe plusieurs attestations concernant la présence d’officiers allemands (teutonici) dans les campagnes toscanes de la fin du XIIe siècle, autour de castelli plus particulièrement attachés à l’empire, San Miniato (al Tedesco) dans le Valdarno Inférieur, le castello de Montegrossi dans le Chianti, le castello de Serre. L’un des cas les mieux connus est celui du castellanus de Montegrossi, un certain Federicus, voir Boglione 1993 ; Cortese 2017a, p. 58.
172 Diplomatico, Vallombrosa, 1195/05/20 (7103), cette composition entre Liccese di Orlandino di Frugerio – seigneur local, fidèle de l’abbaye de Sant’Ilario – et les représentants de Vallombrosa, avait été ratifiée par Orlandino, notaire « de l’empereur Frédéric Ier » (Orlandinus domini Federici Romanorum imperatoris et semper augusti notarius) et était placée sous l’autorité du duc Philippe de Souabe (1177-1208), frère de l’empereur Henri VI, qui venait juste d’être nommé en Toscane ou sous l’autorité des recteurs de Florence (sub obligo ducis Philippi et eius nuntiorum vel rectorum Florentie). Il est intéressant de noter la concomitance de ces références aux autorités citadines et impériales.
173 Passerini 1876 ; Davidsohn 1898 ; pour une édition des dépositions, voir Strà 1982, p. 242-274 ; une édition plus récente, dans Bagnai Losacco 2010.
174 Ibid., p. 22, § 15, Alcherinus de Alpignano [...] dicit se audisse quod comes Guido defendit monasterium de Rosano ab omnibus suis inpugnatoribus, et nominatim a castellano de Montegrossoli et aliis Teutonicis et a Florentinis.
175 Ibid., p. 28, § 26, Agnessa, monialis que fuit de Rosano, jurata dixit [...] quod, alio anno transacto, consules de Florentia, et nominatim Ubertus Bernardi et alii de quibus non recordatur, quia nec cognoscit, iverunt ad monasterium de Rosano, pro datio et libra, et abatissa Tedora dixit, presente ista et aliis monialibus, habitito consilio cum eis, quod non daret aliquid sine licentia comitis.
176 Kehr 1907b, p. 366, Ugo sancti Laurentii de Cultubuoni humilis abbas, quatinus monasterium ipsum sub Dei et vestra protectione suscipiatis, prohibentes, ut nullum commune, nulla civitas, nulla denique magna sive minor, honorata seu privata persona, nullus dux sive marchio nullusque qualibet potiens dignitate a dicto monasterio faciat aliquam munerum exactionem. Molendina etiam gualcherias et colonos et villanos et possessiones et bona et jura dicti monasterii, monachos etiam et oblatos et omnes personas ibidem Deo famulantes sub dextera vestre protectionis suscipite ; aussi CRSGF, 224.237, n° 558, p. 134-135.
177 En 1209 ou 1210, l’abbé Benigno de Santa Maria di Vallombrosa avait obtenu de l’empereur Otton IV, alors à Poggibonsi, la confirmation des privilèges impériaux accordés par ses prédécesseurs aux monastères de l’ordre vallombrosain, Diplomatico, Vallombrosa, 1209 (8388), Böhmer – Ficker – Winkelmann 1881, p. 98, 99, n. 310 ; Volpini 1969, p. 326 ; Vasaturo – Monzio Compagnoni 1994, p. 62, n. 366, on retrouvait dans le diplôme un texte très proche de la supplique adressée par l’abbé de Coltibuono.
178 Delumeau 1996, vol. 2, p. 1011.
179 Tabacco 1970, p. 173.
180 Cortese 2017a, p. 74-80.
181 Voir plus haut pour la diffinitio de 1217, à Vallombrosa. Dans le fonds de Montescalari, on trouve un arbitrage présidé par l’évêque de Fiesole et l’abbé de San Salvi pour établir les compensations que les abbés doivent verser au prêtre de l’église de San Miniato a Robbiano pour les dîmes qu’il ne perçoit pas sur certaines localités et la diffinitio des limites entre les terres relevant du castello de Celle et de Cintoia sur le massif sud-est de l’abbaye de Montescalari, Diplomatico, S. Vigilio di Siena, 1184/06/12 (6416 et 6417), 1191/02/23 (6797, en 1192). Dans le fonds de Coltibuono, on trouve une déposition à propos des droits respectifs des abbés de Coltibuono et du prêtre de Cavriglia, ainsi qu’un jugement des évêques d’Arezzo et de Fiesole contraignant la remise de la moitié de certains castelli à Adalasia, ex-épouse d’Albertino. Quelques documents des années 1210-1220 informent sur les désaccords qu’avaient deux Firidolfi sur leurs propriétés du castello de Vertine, Diplomatico, Coltibuono, 119(*) (7397, RC 538), 119(*) (7398, RC 539), 121(*)/11/16 (9499), CRSGF, 224.232, p. 204-210, n° 596 et p. 230-233, n° 606 (documents de 1225 et 1230).
182 Sur l’enquête au Moyen Âge voir Gauvard – Bougard – Chiffoleau 2008 ; notamment l’article de Provero 2008 ; plus récemment, et pour la France, voir Dejoux 2014a.
183 C’est ainsi que le Pape Alexandre III entend régler la question des limites entre les diocèses de Sienne et d’Arezzo vers 1177-1180, Pasqui 1899, no 389, p. 519-573 ; Delumeau 1982 ; Redon 1994, p. 84-87.
184 Dejoux 2014b, p. 271-272.
185 Sur ce thème voir Provero 2012, p. 161-171.
186 Pasqui 1899, no 389, p. 519-573, 530, (11) Froncio de S. Quirico juratus dixit : Nescio quot annorum eram ; scio tamen quia jam bene laborabam in campo ; et cum die quadam essem in campo, ecce episcopus Gualfredus [...] et abstulit unam strichiam de porta plebis, et dixit quod portavit illam pro investitione quam fecerat ei nuntius domini Pape.
187 Boissellier 2011.
188 Appelt – Herkenrath – Koch 1979, no 462, p. 369-371 ; Rauty 2003, 226, p. 298-301 ; des doutes avaient été émis sur l’authenticité de cette version, connue par une copie notariale de 1295, voir ainsi Delumeau 1996, vol. 2, p. 1068, n. 269 ; depuis, l’original a été retrouvé et édité par Kölzer 2003.
189 Sur la puissance des comtes Guidi dans le territoire florentin du XIIIe siècle, voir Casini 2020.
190 Francesconi 2005a ; Bagnai Losacco 2010.
191 Bagnai Losacco 2010, p. 20, Menco de Romena juratus dixit, quod est homo comitis et juramento fidelitatis ei tenetur [...] dicit quod est LX annorum, et recordatur a L annis. Et dicit quod, post motam litem, audivit publice dici quod monasterium de Rosano est in alodo comitis.
192 Bicchierai 2005a, p. 95-96, c’est aussi sûrement à l’un de ces vicomtes que se réfère un parchemin de la série Vallombrosa, voir Diplomatico, Vallombrosa, 1215/03/29 (8961, en 1216).
193 Ibid., Coltibuono, 1236/10/21 (12021), Cencio di Petro avait donné des terres à l’abbaye, deux convers s’engageaient, sous l’autorité du représentant, à en délimiter l’étendue.
194 Bicchierai 2004.
195 Diplomatico, Coltibuono, 1263/02/06 (16854).
196 Pirillo 2005.
197 Bonaini 1851.
198 Bicchierai 2011, p. 100 : « Ma doveva essere una realtà istitutizionale e signorile non solo più nuova, ma anche più debole di quanto si è finora pensato. Sia per un minor peso di proprietà e potere guidingo nella zona rispetto ai nuclei di Val di Sieve, Casentino, Romagna […] sia per la soggezione dei vari castelli […] rispetto ad Arezzo. »
199 Santini 1952, n° 16, p. 48-49 ; n° 18, p. 62-64, voir aussi Casini 2020.
200 CRSGF, 260.126, fol. 7r-72v, les folios indiqués ici correspondent au liber privilegiorum de l’abbaye (Volpini 1969), cartulaire du début du XIVe siècle contenant la copie des diplômes impériaux ou pontificaux concédés à Santa Maria di Vallombrosa depuis sa création. Au dernier folio, Opizo di Ser Pipino de Pistoia et Giovanni di Dino de Montevarchi, tous deux notaires de l’évêque de Fiesole, le notaire Paolo di Migliore de Careggio attestent de l’authenticité de ces copies réalisées par Cante di Bonaventura de Florence. Ce dernier, juge et notaire, déclare avoir rédigé ces copies sur soixante-trois folios contigus en respectant les originaux, voir fol. 71r.
201 Salvestrini 1998, p. 174-180.
202 Diplomatico, Vallombrosa, 1167/01/23 (5577), à l’issue d’un conflit, une quinzaine d’individus de Magnale, liés entre eux comme sociis ou sacramentariis, devaient promettre d’obéir à don Paolo, camérier de l’abbaye ainsi qu’à Beliotto di Sinibaldo et au vicomte, Sinibaldo di Renucciolo, dernier à être cité ; ils acceptaient de placer quelques terres en gage de leur obéissance qui, le cas échéant, pourraient être saisies en réparation des dommages subis. Sinibaldo di Renuccio, ou Renucciolo, est mentionné à d’autres reprises. En 1171 et 1172, il figurait ainsi parmi les témoins de la vente concédée par les seigneurs de Leccio, les filii Liccesis, de leurs droits sur le castello de Ristonchi à l’abbaye de Vallombrosa ; ibid., 1170/02/27 (5696, en 1171), 1171/03/04 (5738, en 1172).
203 Ibid., 1209/08/10 (8349) ; sur les da Quona voir Cortese 2005.
204 CRSGF, 260.8, fol. 256r-257v, le premier juillet 1226, à Florence, en l’église de San Jacopo tra’ i Fossi, don Benigno, abbé de Vallombrosa avec l’accord du convers Bianzano et du chapitre, faisait de Ruggero da Quona le vicomte des castelli, des hommes, des colons de tout le monastère, dans le districtus de Florence, à partir du 15 août et pour un an, il garderait le castello, la tour et les hommes du districtus de Magnale, de Ristonchi et d’Altomena. Il devait percevoir la moitié des droits de ban, des peines et de l’amasciamento, l’autre moitié allant à l’abbé, en 1227, Ruggero da Quona renouvelait ces conventions.
205 Diplomatico, Vallombrosa, 1226/06/06 (10355), 1226/08/18 (10380), dans ces mêmes années, les seigneurs de Quona firent de nombreuses donations à l’abbaye de Vallombrosa,
206 Faini 2009d, p. 33.
207 Schiatta di Uberto des Ubertini pourrait avoir participé à l’assassinat de Buondelmonte en 1203, il s’agit d’un personnage influent dans la vie politique florentine.
208 Diplomatico, Vallombrosa, 1229/03/20 (10780), Donnus Beningnus [...] con|cessit Skiatte filio olim Skiatte Uberti vicecomitatum castellorum et hominum et colonorum omnium dicti monasterii ubicumque sunt vel extant in districtu Florentie.
209 Ibid., non recipiet aliquem eorum uel eos ad fidelitatem seu in comandatum et quod non faciet et facere faciet| per se vel per alium aliquem acquistum ab eis uel aliquo eorum.
210 Ibid., 1231/02/01 (11029, en 1232), sur les Acerbi, voir Faini 2009d, p. 12-13.
211 Ibid., 1235/03/19 (11690, en 1236), Filippo da Quona prenait la suite, comme vicomte, de Schiatta di Uberto, à des conditions cette fois plus favorable à l’abbaye.
212 Les élections de 1226 et 1227 ne sont connues que par des copies du XVIIIe siècle, CRSGF, 260.9, fol. 256r-257v.
213 Salvestrini 1998, p. 176-179.
214 Diplomatico, Vallombrosa, 1214/11/14 (8921), le deuxième acte rédigé sur ce même parchemin est daté du 13 mai 1219.
215 Ibid., Carnelevare […] jussit Johanni| de Classo filio olim * * * * ut non daret nec subiceret se neque aliquid de suis bonis mo|bilibus vel immobilibus alicui persone uel loco nec faceret fidelitatem nec acquireret| dominum neque dominam, nec daret neque promitteret comanditiam alicui pro se vel per alium aliquo modo vel ingenio.
216 En distinguant les serments prononcés par les hommes de chacun des castelli, on en dénombre une vingtaine qui concernent les castelli de Magnale, Ristonchi ainsi que les villae de Caticciano et Sant’Andrea a Tosi dépendantes du castello de Magnale ; certains de ces serments collectifs sont conservés en deux ou trois exemplaires entre le Diplomatico et le liber privilegiorum de l’abbaye.
217 CRSGF, 260.126, fol. 68r-69r, avec un renvoi explicite aux instrumenta copiés sur le cahier de parchemin désigné ici par la cote moderne D7 ; ibid., fol. 94v.
218 Faini 2009b.
219 Salvestrini 1998, p. 176-179, voir aussi CRSGF, 260.9, fol. 256r-257v, les vicomtes responsables des castelli de Magnale et Ristonchi sont recrutés parmi les membres de l’aristocratie consulaire.
220 Diplomatico, Coltibuono, 1232/04/26 (11210) ; Passignano, 1233/05/04 (11362), voir aussi Plesner 1934, p. 224.
221 Raspini 1982, p. 175-179, c’est sous l’abbatiat de Dionisia (1228) que le monastère fut officiellement supprimé et réuni à l’abbaye de Vallombrosa par la Bulle du 28 décembre 1253. La résistance des moniales et de leur abbesse, soutenue par les Florentins, explique en partie l’interdit prononcé sur la cité de Florence le 9 décembre 1255. Malgré les confirmations pontificales de la suppression, ce n’est qu’en 1268-1269 qu’un accord fut finalement trouvé, les moniales devant se rendre au monastère urbain de San Pancrazio de Florence et y vivre aux frais des moines vallombrosains.
222 Salvestrini 2012.
223 CRSGF, 260.126, fol. 55r-v, le 14 janvier 1263 (1262 en style florentin) serment des hommes de Magnale.
224 Castiglioni 2010, p. 130-131, le langage féodal s’imposait dans le cadre de services particuliers et bien individués se distinguant des habituelles corvées. Il s’agissait à la fois de conserver le contrôle sur les élites et de donner un cadre à leur croissance.
225 Bonaini 1851, p. 63-65.
226 Ibid., p. 63-65, dans les statuts de 1253, les prérogatives du massarius allaient jusqu’aux amendes pour le viol des femmes (60 sous de Pise), le vol, les coups et ce qui relevait d’une police agraire et d’une police des mœurs, les deux insultes interdites étant meretrix (prostitué) et bozza, il était de même défendu de jouer aux tassilos, d’être jusor, de manger dans une taverne ; les dépendants étaient bien entendu tenus d’accomplir leurs services et ne devaient pas aliéner leurs terres. Les amendes étaient prioritairement payées par une mise en gage des terres.
227 Bonaini 1851, p. 65, salva semper in omnibus jurisdictione et dominatione Comunis Florentie.
228 Diacciati 2011, p. 183-191.
229 Taddei 2011.
230 Salvestrini 1998, p. 191-194.
231 Diplomatico, Coltibuono, 1239/08/25 (12507), édité dans Santini 1895, p. 466, CRSGF, 224.237, n° 659, p. 352, acte du 17 septembre 1239.
232 Diplomatico, Vallombrosa, 1195/05/19 (7101), l’abbé réclamait de ses dépendants une pensio annuelle de 7 deniers et des redevances annuelles consistant en une certaine quantité de figues (pigna ficum), trois corvées de bœufs, autant de corvées de bats avec un âne, deux poulets, deux poules, un staiale de vin et deux pains.
233 C’était aussi le cas des évêques de Florence, voir Dameron 1991, p. 98-100.
234 Diplomatico, Vallombrosa, 1219/03/10 (9404, en 1220), publié dans Santini 1897, n° 6, p. 297-298, dans un acte de l’année précédente, Orlandino di Cacciaguerra avait donné tous ses biens à l’abbaye de Vallombrosa, ibid., 1214/11/14 (8921, le quatrième acte est de mai 1219) ; voir plus loin chapitre 4.
235 Ibid., 1214/11/14 (8921), se esse homines et colonos atque sedentes ipsius monasterii Vallisumbrose.
236 Ibid., residebant pro comunis Florentie super inpo|sita datii et accaptus hominum alterius et allod(eriorum) atque civium salvaticorum et militum non nobilium comitatus Florentie tollenda. Le cives selvaticus pourrait renvoyer au citoyen d’une autre cité plutôt qu’au citoyen installé florentin résidant en campagne. Il s’agissait très probablement des cas où les juges avaient à statuer sur d’autres critères que le simple statut, les nobiles étant, à en croire W. R. Day, déjà exempté du datium, voir Day 2000, p. 106, n. 173.
237 Il en va de même à Sienne, à la même époque, voir Redon 1994, p. 194-208.
238 Diacciati 2011, p. 630-631.
239 ASSi, Diplomatico, Riformagioni, 1234/09/24, n° 0488 (528000986).
240 Wickham 1996b.
241 Collavini 2009 ; 2012b.
242 Carocci 2014, p. 61-62.
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Les Lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen (XIIIe-XVe siècles)
Benoît Grévin
2008
Les régimes de santé au Moyen Âge
Naissance et diffusion d’une écriture médicale en Italie et en France (XIIIe- XVe siècle)
Marilyn Nicoud
2007
Rome, ville technique (1870-1925)
Une modernisation conflictuelle de l’espace urbain
Denis Bocquet
2007