Introduction

1Considérer les origines du droit aux images demande d'accorder une attention particulière au ius imaginis des Romains, le droit octroyé à certains magistrats de laisser à leur mort un masque de cire à leur effigie, conservé dans leur demeure et parfois exposé. C. Badel revient sur les hypothèses posées à propos de cette expression, sur l'ambiguïté des deux termes latins ius et imago, née des propositions du savant humaniste du XVI^e siècle, Sigonius, et des incertitudes sur l’application de cette disposition. Quelques siècles plus tard, plusieurs lois, rassemblées dans le Code Théodosien (438), puis dans le Code Justinien (529), concernent clairement les images. Les juristes romains, de façon inédite, ont alors mieux cerné le droit des images, le droit d’usage des images, en se préoccupant moins en définitive du droit à l’image et encore moins du « droit de l’art » (R. Gamauf). Ils ont légiféré sur leurs rôles politique, religieux et même esthétique, mais pour apporter des réponses aux modalités d'usage et/ou de rejet des représentations, avec une place particulière accordée aux statues, aussi bien celles des empereurs, qui se voient octroyer le droit asile, que celles de divinités. Cependant, le caractère mimétique de ce type d'image pose de plus en plus de problèmes, surtout aux chrétiens, qui s’imposent dans l’Occident romain dès le IV^e siècle. Les considérations critiques se multiplient, allant jusqu’à influencer certaines décisions juridiques, aussi bien celles édictées par l'Empereur que celles prises par l’Église. Les lois connues vont tour à tour défendre ou rejeter, parfois de façon énergique, la création et surtout l’usage de statues représentant les divinités. Ces critiques entraînent une réflexion plus large sur l’usage des images, notamment celles en deux dimensions, au sein de lieux sacrés (G. Herbert de la Portbarré-Viard). Le projet, dans l’Antiquité tardive, d'effigies peintes de saints sur les murs d’édifices de culte conduit à des échanges sur les fonctions pédagogiques et spirituelles des images et l'usage de ce médium. Les images peuvent être perçues comme des instruments de conversion pour les esprits encore partiellement empreints de paganisme. Dans leur réflexion sur les images, les chrétiens vont alors puiser un arsenal d’arguments élaboré chez les philosophes grecs, latins et juifs, où la perception de l'image et sa critique sont variées et nuancées. Les échanges à propos de la représentation des saints le laissent paraître, mais on devine également ces approches parfois paradoxales dans le judaïsme ancien. T. Villey montre que parfois, même dans un contexte a priori hostile aux images, les pratiques restent souples, comme le révèle l’étude comparée des textes fondateurs (ou fondamentaux) et des mosaïques trouvées dans des synagogues. Soucieux de leur propre production d'images, les Anciens ont donc pris assez tôt des dispositions juridiques afin de régler quelquefois de façon mouvante, la création et l'usage des images. S’il reste encore difficile de mesurer l'efficacité du dispositif juridique aux époques antiques, il permet d’évaluer la puissance que les Anciens accordaient aux images.